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europe - Page 150

  • Oublier l'occident...

    Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist), publié dans le numéro 139 (avril - juin 2011) de la revue Eléments, actuellement en kiosque. Le magazine des idées bénéficie d'une nouvelle présentation que nous vous conseillons de découvrir.

    Nous rappelons qu'il est est possible de se procurer directement ce numéro sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com

     

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    Oublier l'Occident

    L' « Occident»? Raymond Abellio avait observé que « l'Europe est fixe dans l'espace, c'est-à-dire dans la géographie», tandis que l'Occident est « mobile». De fait, 1'« Occident» n'a cessé de voyager et de changer de sens. Au départ, le terme évoque seulement la terre du Couchant (Abendland), par opposition au pays du soleil levant (Morgenland). A partir du règne de Dioclétien, à la fin du IIIe siècle de notre ère, l'opposition entre Orient et Occident se ramène à la distinction entre l'empire romain d'Occident (dont la capitale fut Milan, puis Ravenne) et l'empire romain d'Orient installé à Constantinople. Le premier disparaîtra en 476, avec l'abdication de Romulus Augustule. Occident et Europe se confondent ensuite, durablement. Cependant, à partir du XVIIIe siècle, l'adjectif « occidental» se retrouve sur les cartes maritimes en référence au Nouveau Monde, appelé aussi « système américain », par opposition au « système européen» ou à 1'« hémisphère oriental» (qui comprend alors aussi bien l'Europe que l'Afrique et l'Asie). Dans l'entre-deux guerres, l'Occident, toujours assimilé à l'Europe, par exemple chez Spengler, s'oppose globalement à un Orient qui devient à la fois un objet de fascination (René Guénon) et un repoussoir (Henri Massis). Durant la guerre froide, l'Occident regroupe l'Europe occidentale et ses alliés anglo-saxons, Angleterre et États-Unis, pour s'opposer cette fois au « bloc de l'Est» dominé par la Russie soviétique. Cette acception, qui permet aux États-Unis de légitimer leur hégémonie, survivra à la chute du système soviétique (ainsi chez Huntington).

    Aujourd'hui, l'Occident a encore changé de sens. Tantôt il reçoit une définition purement économique: sont « occidentaux» tous les pays développés, modernisés, industrialisés, aussi bien le Japon et la Corée du Sud que l'Australie, les anciens« pays de l'Est », l'Amérique du Nord ou l'Amérique latine. « Ex Oriente lux, ex Occidente luxus », disait plaisamment l'écrivain polonais Stanislaw Jerzy Lee. L'Occident perd alors tout contenu spatial pour se confondre avec la notion de modernité. Tantôt, il s'oppose globalement à la dernière incarnation en date de la furor orientalis aux yeux des Occidentaux: l'islamisme. Dans cette vision, une fracture essentielle opposerait l' « Occident judéo-chrétien» à 1'« Orient arabo-musulman », certains n'hésitant à prédire que la lutte finale de « Rome» et d' « Ismaël» -la guerre de Gog et de Magog - débouchera sur l'ère messianique.

    En réalité, il n'existe pas plus d'« Occident» unitaire que d'« Orient» homogène. Quant à la notion d'« Occident chrétien» elle a perdu toute signification depuis que l'Europe a majoritairement versé dans l'indifférentisme et que la religion y est devenue une affaire privée. L'Europe et l'Occident se sont totalement disjoints - au point que défendre l'Europe implique bien souvent de combattre l'Occident. Ne se rapportant plus à aucune aire géographique ni même culturelle particulière, le mot « Occident » devrait en fait être oublié.

    Parlons donc plutôt de l'Europe. En inventant l'objectivité, c'est-à-dire le décentrement par rapport à soi, en cherchant à statuer objectivement sur le vrai, le juste et le bien, l'Europe a voulu d'emblée accéder à l'universel, souci que l'on ne retrouve pas dans les autres cultures. Jean-François Mattéi parle très justement de « regard théorique de l'universel ». Ce souci de l'universel a ensuite dégénéré en universalisme, religieux d'abord, puis profane (il y a autant de distance entre l'universel et l'universalisme qu'entre la liberté et le libéralisme). L'universalisme se résume dans l'idéologie du Même, dans la recherche de la Mêmeté au détriment de la Différence, dans l'affirmation du primat de l'Un sur le Multiple. Mais c'est aussi un ethnocentrisme masqué, dans la mesure où tout souci de l'universel reflète inévitablement une conception particulière de l'universel. Au départ, on avait voulu comprendre les autres à partir des autres, non à partir de soi-même, ce qui était aussi louable que nécessaire. Après quoi, on a renoncé à être soi, ce qui s'est révélé dramatique.

    L'Europe paraît aujourd'hui en déclin sur tous les plans. La construction européenne elle-même se liquéfie sous nos yeux. L'Europe n'est pas seulement 1'« homme malade de la planète économique» (Marcel Gauchet). Elle connaît une crise sans précédent de l'intelligence et de la volonté politique. Elle aspire à sortir de l'histoire, portée par l'idée que l'état présent des choses - l'illimitation du capital et de la technoscience - est appelé à se maintenir indéfiniment, qu'il n'en est pas d'autre possible, et surtout qu'il n'en est pas de meilleur. S'abandonnant à un mouvement qui en a fait l'objet de l'histoire des autres, elle s'exonère d'elle-même. Entre destitution du passé et peur de l'avenir, elle ne croit plus qu'à une morale abstraite, à des principes désincarnés qui lui épargneraient d'avoir à persister dans son être - fût-ce en se métamorphosant. Oubliant que l'histoire est tragique, croyant pouvoir rejeter toute considération de puissance, recherchant le consensus à tout prix, flottant en état d'apesanteur, comme entrée en léthargie, non seulement elle paraît consentir à sa propre disparition, mais elle interprète cette disparition comme la preuve de sa supériorité morale. On pense évidemment au « dernier homme» dont parlait Nietzsche. C'est pourquoi la seule chose qui ne décline pas, c'est l'interrogation sur le déclin - qui se décline partout. Cette interrogation ne relève pas simplement de la tradition du pessimisme culturel. Il s'agit de savoir si l'histoire obéit à des lois intrinsèques excédant l'action des hommes. S'il y a déclin de l'Occident, en tout cas, ce déclin vient de loin et ne saurait se ramener à la conjoncture actuelle, la mondialisation par exemple. Le destin d'une culture est contenu dans son origine. Sa fin même est déterminée par l'origine, car c'est cette origine qui détermine sa trajectoire, sa capacité narrative et le contenu de sa narrativité. Historiquement, l'idée occidentale s'est d'abord exprimée sous une forme métaphysique, puis idéologique, puis « scientifique». Elle s'épuise aujourd'hui, de toute évidence. L'Occident a exprimé tout ce qu'il avait à dire, il a décliné ses mythèmes sous toutes les formes possibles. Il s'achève dans la dissolution chaotique, l'épuisement des énergies, le nihilisme généralisé.

    Toute la question est de savoir s'il existe une autre culture qui, s'étant déjà approprié la modernité, puisse proposer au monde une nouvelle forme de maîtrise de l'universel théorique et pratique, ou si la culture occidentale, parvenue en phase terminale, donnera d'elle-même naissance à une autre. Quand une culture s'achève, en effet, une autre peut toujours la remplacer. L'Europe a déjà été le lieu de plusieurs cultures, il n'y a pas de raison qu'elle ne puisse pas être encore le foyer d'une culture nouvelle, dont il s'agit alors de déceler les signes avant-coureurs. Cette nouvelle culture fera suite à la précédente, mais n'en sera pas le prolongement. Plutôt que de verser dans des lamentations inutiles, il vaut mieux avoir le regard assez aigu pour voir où - dans quelles marges - croît ce qui permet de garder espoir. On en revient à Spengler, mais avec un correctif: ce qui s'achève annonce un nouveau commencement.

    Robert de Herte

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  • La démondialisation...

    Les éditions du Seuil viennent de publier La démondialisation de Jacques Sapir. L'auteur, économiste hétérodoxe, est un féroce contempteur de l'euro-libéralisme et un partisan résolu du protectionnisme. A lire  !

     

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    "Le discours politiquement correct a installé l’idée que la « mondialisation » libérale (par la libéralisation des échanges et de la finance) était un « phénomène » quasi naturel dessinant le prochain cadre universel et éternel où se poursuivrait l’histoire de l’humanité. Cette « mondialisation », que dans le reste du monde on dénomme « globalisation », n’est en fait qu’un moment de l’histoire construit par une série de choix politiques inaugurée en 1973, avec l’abandon du système monétaire international de Bretton-Woods (1944). Et ce moment est en train de s’achever ! Loin d’avoir dispensé les prétendus bienfaits des « marchés libres », la globalisation en a manifesté la nocivité en plongeant les nations dans de multiples impasses économiques, écologiques, sociales et géopolitiques. Les pays émergents qui en tirent le plus grand profit, notamment en Asie, sont ceux qui déploient des stratégies de développement national en rejetant la « loi du marché », tout en profitant de la soumission volontaire ou forcée des autres pays à cette même loi. Ces deux évidences conduisent vers une déglobalisation inéluctable, chaque pays ayant un intérêt manifeste à déployer des stratégies nationales et à se prémunir contre les effets destructeurs de la libéralisation financière et du libre-échange. A défaut d’être pensée, cette déglobalisation peut se faire dans le désordre et l’affrontement des nationalismes. C’est à conjurer cette perspective que s’attache l’auteur en dessinant une déglobalisation articulée sur une nouvelle organisation du commerce international et de la finance internationale."

     

     

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  • Sous l'égide de Mars...

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    Cette exposition présentée par le musée de l’Armée du 16 mars au 25 juin 2011, réunit, pour la première fois, aux Invalides, les pièces maîtresses des plus grandes collections d’armures européennes et américaines, réalisées dans la seconde moitié du XVIe siècle pour les souverains et princes d’Europe.

    Ces armures d’apparat sont de véritables pièces d’orfèvrerie, dont les décors raffinés révèlent l’expression spécifique d’artistes français et flamands inspirés par l’esthétique maniériste qui s’est alors imposée dans tous les arts. Des projets dessinés, dus entre autres au peintre Jean Cousin le Père (1490-1560) ou au graveur et orfèvre Etienne Delaune (1519-1583), donnent un aperçu du travail de conception des modèles, confié aux plus grands artistes de l’époque. L’exposition invite ainsi à pénétrer dans les ateliers des grands maîtres armuriers du XVIe siècle, pour y découvrir le processus d’élaboration de leurs chefs d’oeuvre.

    Musée de l’Armée - Hôtel national des Invalides
    129 rue de Grenelle 75007 Paris

    Jusqu'au 25 juin 2011, de 10h à 18h . Le musée et l’exposition sont fermés le 1er lundi de chaque mois ainsi que le 1er mai.

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  • La civilisation européenne va-t-elle disparaître ?...

    Vous pouvez visionner ci-dessous un débat sur l'avenir de la civilisation européenne, organisé par le site Enquête&débat, entre Oskar Freysinger, député suisse populiste, qui a été à l'origine du référendum sur l'initiative populaire "Contre les minarets", et Alain Soral, polémiste et essayiste, auteur dernièrement de Comprendre l'Empire (Edition Blanche, 2011).

    Slobodan Despot, responsable des éditions Xénia, a consacré un livre d'entretien à Oskar Freysinger, Oskar et les minarets - La Suisse, un "village gaulois" face à l'Islam et à la mondialisation, publié chez Favre en 2010.

     


    Débat entre Alain Soral et Oskar Freysinger par enquete-debat

     

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  • L'Europe en voie de colonisation ?...

    Vous pouvez lire ci-dessous ce texte d'Hervé Juvin, publié sur son site Regard sur le renversement du monde.

     

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    L’Europe en voie de colonisation ?

    C’est un politologue américain qui l’affirme (1) ; dans les dix années à venir, dix grandes villes européennes verront la majorité de leur population être de confession musulmane, et devenir de fait terre d’Islam : Marseille est dans la liste. Ce sont ces maires de la banlieue parisienne qui le confirment ; Mohammed est le prénom le plus donné en Ile de France.  Ce sont d’autres maires qui préviennent ; des colonies chinoises fermées se multiplient, qui reproduisent les modes de vie de leurs provinces d’origine, dans des conditions impénétrables à la République. Et c’est en Espagne qu’un professeur de géographie (2) est poursuivi pour avoir parlé de jambon dans son cours, et choqué un élève musulman qui a dénoncé cette agression manifestement raciste et xénophobe…

    Il est permis de s’en réjouir, il est permis de le déplorer, le fait est éclatant ; la composition de la population européenne change. Ceux qui sont dans la rue, les métros et les trains ne sont pas ceux qui y étaient voici vingt, quarante ou cent ans. La France était blanche, elle était chrétienne, elle ne l’est plus. Il est permis de dire beaucoup de choses à ce sujet, sauf nier l’évidence ; un fait historique majeur s’est produit.  Dans cinquante ans, ou dans cinq siècles, les livres d’histoire accorderont à ce fait une importance similaire à la victoire d’Isabelle la Catholique et de Ferdinand d’Aragon, en 1492, mettant à la colonisation musulmane de l’Espagne une fin alors jugée définitive… Il faut être aveugle pour nier qu’il se passe quelque chose dans les mœurs, les lois, la civilisation européenne. C’est pourtant ce à quoi s’attachent les niais, les Tartuffe, et les escrocs. Les niais ne voient rien parce qu’on leur dit qu’il n’y a rien à voir. Les Tartuffe savent bien qu’il se passe quelque chose, que ce quelque chose est de grande importance, mais s’arrangent pour se mettre à l’écart, eux et leur famille, et ne veulent surtout pas qu’un sujet pour lequel ils n’ont pas de réponses toutes prêtes entre dans le débat public. Les escrocs  servent leurs intérêts. Ils savent que l’immigration de peuplement, avec l’éclatement des structures et des cadres collectifs qu’elle entraîne est la voie la plus rapide de l’isolement individuel,  de la privatisation généralisée de l’espace public, et qu’elle ouvre la voie à tous les prédateurs. Ils savent qu’importer la misère rend peu à peu insensibles aux questions d’inégalité, de dignité et de solidarité ; l’éloge de la mobilité réintroduit l’esclavage dans nos sociétés. Et ce n’est pas un hasard si tant de dirigeants de banques, de sociétés du CAC 40, rejoignent les chantres du sans frontiérisme et de la diversité individuelle ! Leurs actionnaires s’en trouvent bien, tant mieux pour eux.

    La réalité est que l’immigration de peuplement est bien loin de provoquer le bonheur universel et la paix du genre humain qui étaient annoncés.  Et nous n’en sommes qu’au début de l’inventaire des dégâts faits dans nos sociétés européennes par une méconnaissance organisée ! La misère symbolique, identitaire et sociale que provoque la colonisation interne de l’Europe par ses anciennes colonies, est générale, et partagée. Le recul du niveau de civilisation des rapports humains s’apprécie dans les rapports homme-femme, dans le durcissement des relations publiques et privées, dans la défiance qui devient condition de survie. Le sentiment d’invasion qui grandit ici ou là est de plus en plus partagé par ceux qui se sentent année après année étrangers dans leur propre pays, déracinés sur leur terre et dépossédés d’eux-mêmes. Ceux qui se choquent du mot doivent relire l’histoire ; ce n’est pas la guerre, le choc des armées et le triomphe des stratèges qui marquent la plupart des grandes invasions que le monde a connu. C’est tout simplement la pression démographique, la supériorité du nombre ou la force de la jeunesse qui expliquent cette situation tant de fois répétée ; sur le même territoire, à dix ans ou un siècle de distance, ce ne sont plus les mêmes lois, les mêmes mœurs, le même peuple, et peu importe qu’il y ait eu ou non bataille, affrontement, ou substitution progressive, l’invasion est faite. Ceux qui y sont ne sont pas ceux qui étaient, et voilà tout.

    Nous en sommes là, dans une France, une Europe, qui ne savent plus se dire depuis qu’elles ont renié leur origine chrétienne – nous sommes les enfants de Jérusalem, d’Athènes et de Rome. Une chose est de décrire et de nommer une situation, autre chose est de l’expliquer. C’est la première misère de l’approche politique de l’immigration ; fuir les causes que nous chérissons tellement. Car il ne faut pas se tromper sur les causes !  C’est une chose de faire observer que les pharmaciens, les pompiers ou les chauffeurs de taxi ont peu à craindre des blonds aux yeux bleus, comme c’est une chose que de chiffrer la part très majoritaire de la population carcérale d’origine africaine ou maghrébine. C’en est une autre de s’interroger ; pourquoi ? Pourquoi veut-on que des familles qui vivent depuis des siècles une existence pauvre, mesurée et digne, sur leurs terres, dans leurs villes ou leurs villages du Mali, de l’Algérie, du Congo ou du Sénégal, voient leurs enfants devenir pillards, voleurs ou trafiquants ? Qu’est-ce qui transformerait des familles de paysans, d’artisans, de commerçants estimés, respectés et dignes, en mafia, en bandes et en sauvages ? La réponse ne tient pas à de quelconques singularités de leur personne ou de leur lignée, elle tient au déracinement. L’indignité du trafic des êtres humains, du nomadisme et du sans-frontiérisme, apporte la réponse qu’il ne faut surtout pas apporter – les trafiquants d’esclaves, ceux qui castraient les esclaves chrétiens pour les livrer aux harems, ceux qui finançaient les bateaux du trafic triangulaire, n’en veulent pas ! La City et Wall Street pourraient s’inquiéter !

    L’aveuglement collectif, dicté par le néolibéralisme et le libre-échangisme, sur les conséquences du déracinement, est l’un des crimes politiques de notre temps, comme l’individualisme méthodologique est l’intoxication morale de l’Europe. Car la misère sociale, morale, est considérable, elle n’a pas fini de peser sur les sociétés européennes. Misère des migrants, victimes d’un rêve pour lesquels beaucoup paient, parfois de leur vie, pour l’atteindre, et qui les laisse pris au piège d’un quotidien médiocre, dans un monde qu’ils ne comprennent pas et qui ne les comprend pas, parce qu’il n’est pas le leur et qu’ils ne sont pas les siens. Misère de populations dites d’accueil, auquel sont imposés un voisinage et une promiscuité qu’ils subissent sans l’avoir choisi, qui se voient bousculés dans leur milieu de vie de manière brutale, inexplicable et jamais débattue ni annoncée. Qui se souvient de ces paisibles villages d’Ile-de-France qu’étaient Chanteloup-les-Vignes ou Sarcelles, de la brutalité avec laquelle ils ont été arrachés à eux-mêmes, pour obéir à la loi de l’industrialisation, accueillir les esclaves du travail à la chaîne, et se voir colonisés de l’intérieur par l’impératif économique ? Cette misère sociale n’est jamais évoquée, jamais traitée, elle est pourtant à l’œuvre partout en France et en Europe, elle explique à elle seule une grande part du pessimisme ambiant, dont seuls s’étonnent ceux qui croient que l’économie remplace la société et qu’un ventre plein n’aie plus ni croyance, ni passion, ni dignité.

    L’erreur politique majeure est de penser « nous »contre « les autres ». Car nous sommes tous ces « autres » promis à l’invasion par la quête du rendement financier, Français, Malgaches, Indonésiens, Algériens, tous en proie à la colonisation de nos terres, de nos projets et de nos vies par le triangle impérial de l’avènement de l’individu, du droit et du marché.  Car ce n’est pas contre eux qu’un mouvement de libération de la loi du colon et de l’Empire doit se tourner, c’est avec eux, pour entreprendre le nouveau Bandung de sortie du libre échange, de la colonisation financière et marchande et de la liquidation morale et environnementale. Car c’est « l’insurrection de la différence » qui doit s’organiser, c’est-à-dire la capacité de chaque société humaine, de chaque communauté, à résister à la banalisation, à affirmer sa différence collective et à défendre son unité interne contre tout ce qui, institutions internationales, ONG, fondations, ingérences, prétend lui dicter son destin. De leur misère partagée, ni les migrants déracinés, ni les indigènes colonisés ne sont responsables, pas plus qu’ils ne sont responsables de la violence qui monte et du conflit qui va redevenir irréversible. Le drame serait qu’ils s’opposent au lieu de se retourner contre leur ennemi commun ! Et la faute politique est de tourner la colère qui monte contre les hommes alors qu’elle doit d’abord s’organiser pour détruire un système et ses manipulateurs de l’ombre. La responsabilité est dans un système économique qui fait du nomadisme, du sans frontiérisme et de l’esclavage la dernière ressource de la croissance.  Un système qui traite les hommes comme une marchandise, organise au nom des Droits universels la rupture de tout lien, de toute appartenance, qui livre l’individu isolé au marché et, au nom de ses droits, en fait un pur consommateur désirant sans fin, est un système qui bafoue la dignité humaine au nom du droit et appauvrit chacun au nom de la croissance.

    Le fait nouveau, éclatant, est que nous aussi Français, Européens, sommes confrontés à un mouvement de colonisation qui n’épargnera aucune terre, aucune mer, et qui entend réduire tout ce qui vit, bouge, respire, existe, à son utilité. La loi du colon s’étend sur l’Europe comme elle s’est étendue sur le monde ; l’exemple de la misère qui s’étend dans le monde rural, pendant que les fonds d’investissement reconvertis dans les matières premières agricoles voient exploser leurs rendements, doit nous donner à réfléchir. Le business de la faim marche à plein régime. Et ce fait interpelle les indigènes de l’Europe qui n’entendent pas être parqués dans leurs réserves, se réfugier dans des quartiers de haute sécurité, pas plus que voir leur quartier ou leur cité réduits à l’état de banlieue américaine par les colons de la City ou de Wall Street, pas plus que par ceux de Pékin ou de Hong-Kong.

    Pour en sortir, un principe doit guider toute politique ; aux Français d’en décider. Les Français, eux seuls, ont le droit de décider des conditions d’accès au territoire et d’accession à la nationalité. Eux seuls, qui se sont battus pour eux, qui les ont conquis et fait progresser, dans la rue, dans les urnes et dans la douleur, ont le droit de déterminer qui peuvent être les bénéficiaires de leur système de protection sociale, dont nul ne dit assez à quel point il est imité et copié partout dans le monde, notamment en Chine. Et eux seuls ont le droit de déterminer les règles du jeu économique applicable sur leur territoire, à tous biens, marchandises ou capitaux qui entrent ou transitent par leur territoire. Ce qui est en jeu n’est pas la fin des échanges, mais celle de l’idéologie libre échangiste ; pas la fin de l’immigration, mais la prévention d’une invasion contre laquelle le gouvernement actuel s’interdit d’agir, au nom d’un individualisme qui désarme la conscience et la volonté. Et ce qui est en jeu n’est pas l’isolement délétère de la société française, une fermeture qui la tuerait, mais le retour au réel ; comme tout être vivant, la France sera d’autant plus ouverte, forte et rayonnante qu’elle saura rejeter tout ce qui la menace, l’appauvrit ou la contamine, pour prendre de l’extérieur tout ce qui renforce son unité interne, concourt à sa particularité remarquable et affirme son destin singulier. Et voilà le prochain et grand travail politique qui vient ; nous allons devoir réapprendre ce que signifie l’unité interne d’une société qui ne peut vivre en paix, en confiance et en fraternité si elle tolère une trop grande diversité individuelle. Nous allons devoir affirmer  les règles, les mœurs et les comportements qui sont nôtres, et hors desquels il n’est ni accès à la nationalité, ni accès aux systèmes sociaux, ni permis de résider sur notre territoire. Et nous allons réapprendre, dans le tumulte, la douleur et la difficulté, qu’une société devient libre quand elle sait nommer, compter les siens, les reconnaître, et les préférer à tout autre.

     

    Hervé Juvin

    Rédigé le 12 mars 2011, à Anvers

    (1):  La crise des années 2020

    (2) :  Le jambon de la discorde

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  • Tour d'horizon... (4)

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    Au sommaire :

    - sur Marianne, Laurent Pinsolle revient sur la question du protectionnisme ;

    Protectionnisme, une vraie réponse économique ?

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    - sur Europe solidaire, Jean-Paul Baquiast tire quelques leçons intéressantes de la catastophe de Fukushima.

    Japon. Fin d'un mode de vie. Avertissement pour le monde

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