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  • Le général Desportes et les enseignements de la guerre en Afghanistan...

    Excellent connaisseur de l'armée américaine, le général Vincent Desportes s'est fait connaître du public en juillet 2010 par une prise de position assez hostile à l'engagement militaire français en Afghanistan, qui lui a valu d'être sanctionné par le ministre de la défense. Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur la guerre et la stratégie, tels que Comprendre la stratégie (Economica, 2001), Décider dans l'incertitude (Economica, 2004), La guerre probable (Economica, 2008) et dernièrement Le piège américain (Economica,2011).

    Le 11 mai 2011, à l'occasion d'un colloque organisé par l'IFRI et consacré à la guerre d'Afghanistan, il a exposé avec beaucoup de clareté et de franchise les enseignements qu'il tirait de cette guerre...

     

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    Les enseignements militaires et stratégiques du conflit afghan

    Je vais traiter de manière plus théorique le sujet qui a été donné : Les enseignements stratégiques & militaires du conflit afghan. Pour constater qu’en fait ce conflit valide à nouveau des concepts stratégiques persistants, qui affirment en chaque occasion leur pertinence, quel que soit le mépris qu’on puisse leur porter.

    Quelques idées :

    Première idée, c’est celle de la vie propre de la guerre. L’idée de Clausewitz, on le sait. Dès que vous avez créé la guerre, la guerre devient un sujet et non pas un objet. Clausewitz évoque la volonté indépendante de la guerre, les événements finissant par avoir leur dynamique propre. La guerre a sa vie propre qui vous conduit, pour de nombreuses raisons, là où vous n’aviez pas prévu d’aller.

    L’exemple de l’Afghanistan est particulièrement frappant. La guerre commence le 7 octobre, avec un objectif clair : faire tomber le pouvoir taliban à Kaboul et détruire le réseau d’Al-Qaïda en Afghanistan. En gros, l’objectif est atteint fin novembre 2001. Il y a alors moins de 2.000 militaires occidentaux au sol.

    Dix ans après : les objectifs de guerre ont totalement changé, il y a presque 150.000 soldats déployés en Afghanistan. C’est ce qu’un général résume d’une autre manière en parlant du niveau instable des décisions politiques, ce qui amène les stratèges militaires à adopter des modes de guerre successifs, qui s’avèrent contre-productifs par la suite.

    Cette évolution afghane éclaire donc deux réalités éternelles de la guerre. La première : toute guerre est marquée par une dérive de ses buts et le plus souvent une escalade des moyens, deuxièmement, les fins dans la guerre influent toujours sur les fins de la guerre.

    Deuxième idée – on doit concevoir la guerre et sa conduite non pas en fonction de l’effet tactique immédiat, mais en fonction de l’effet final recherché, c’est-à-dire le but stratégique. Autrement dit la forme que l’on donne initialement à la guerre a de lourdes conséquences ultérieures, ce qui est perdu d’entrée est très difficile à rattraper. Prenons les deux premières phases de la guerre en Afghanistan :

    - Première phase, celle du modèle afghan.

    2001, où selon les mots de Joe Biden, la stratégie minimaliste américaine. Lancée le 7 octobre 2001 cette phase associe la puissance aérienne américaine, les milices afghanes et un faible contingent de forces spéciales américaines. Résultat : on constate que le modèle a fonctionné pour faire tomber le régime des Taliban, mais beaucoup moins pour débusquer les membres d’Al-Qaïda et détruire les militants qui doivent se réfugier dans leurs zones sanctuaires. Conséquence : cette stratégie a contribué à renforcer les chefs de guerre locaux, en particulier ceux dont le comportement avec la population était honni et qui étaient hostiles au gouvernement central de Kaboul. Cela a renforcé la puissance tadjike et donc aliéné d’autant la population pachtoune. Tout cela a affaibli ce qui allait être essentiel ultérieurement, les deux piliers centraux de la reconstruction : l’État central et la bonne gouvernance.

    - 2ème phase, celle du modèle américain 2002-2006.

    Compte tenu de l’impossibilité pour les milices afghanes de venir à bout des Taliban, les troupes américaines prennent la tête des opérations de ratissage. Il s’agissait d’opérations de bouclage avec pour but d’éliminer les caches des terroristes. Résultat : très limité. Conséquences : l’efficacité du modèle américain est limitée par un très grand défaut de sensibilisation culturelle et politique, voire par la supériorité technologique elle-même. Les bombardements aériens soulèvent des questions sensibles. On se rappelle le bombardement d’une fête de mariage en Uruzgan en juillet 2002 avec des coûts politiques considérables. Les forces américaines suscitent crainte et hostilité dans la population, ils sont perçus comme des infidèles, commencent à être véritablement perçus comme une force d’occupation. La population initialement neutre, voire favorable, est ennemie. On passera en 2006 d’une guerre « enemy-centric » à une guerre « population-centric » mais le premier mode de guerre aura commis des dommages qui semblent irréparables.

    Quatrième idée – si le centre de gravité de l’adversaire se situe au-delà des limites politiques que l’on s’est fixé, il est inutile de faire la guerre car il ne sera pas possible de la gagner. Au sens Clausewitzien, le centre de gravité des Taliban se situe dans les zones tribales pakistanaises puisque c’est de cette zone refuge qu’ils tirent leur capacité de résistance. Il est impossible pour les Américains d’y mettre militairement de l’ordre, celle-ci se situe au-delà des limites politiques qu’ils se sont fixées, ne serait-ce d’ailleurs que pour de simples raisons logistique militaire, en raison de la vulnérabilité de leurs convois militaires lorsqu’ils traversent le Pakistan.

    Cinquième idée – c’est avec son adversaire que l’on fait la paix. Selon le bon esprit de la guerre froide qui n’a pas fini de nous faire du mal, la Conférence de Bonn en décembre 2001 a été non pas la conférence d’une réconciliation, mais la conférence des vainqueurs. Elle a de fait projeté les talibans, donc les Pachtounes, dans l’insurrection. Dix ans après, nous n’en sommes pas sortis.

    Sixième idée – ce qui est important, c’est le stratégique et non pas le tactique. Nous sommes aujourd’hui plongés au cœur d’une véritable quadrature du cercle tactique, entre protection de la population d’une part, protection de nos propres troupes d’autre part, et destruction de l’adversaire taliban par ailleurs. Nous sommes engagés dans un travail de Sisyphe du micro management du camp de bataille. C’est une impasse. Nous ne trouverons pas de martingale tactique en Afghanistan, la solution est d’ordre stratégique et politique. Une accumulation de bonnes tactiques ne fera jamais une bonne stratégie. Un problème politique au premier chef ne peut être résolu que par une solution politique. Citant des officiers américains, le New York Times regrettait récemment, je cite : « la déconnexion entre les efforts intenses des petites unités – et c’est tout aussi vrai des unités françaises – et les évolutions stratégiques ».

    Je voudrais maintenant évoquer une idée de… le niveau tactique. Elle est simple : le nombre compte, « mass matters » comme disent nos amis anglo-saxons. Les coupes budgétaires progressives et l’exponentiel coût des armements ont conduit à des réductions de formats incompatibles avec l’efficacité militaire et de nouvelles conditions de guerre au sein des populations.

    Contre l’insurrection, on connaît les ratios : en-dessous du ratio de 20 personnels de sécurité pour 1.000 locaux il est tout à fait improbable de l’emporter. Irlande du Nord : pour une population d’un million d’habitants, les Britanniques ont maintenu une force de sécurité globale de 50.000, ils sont restés vingt ans, le ratio est de 1 pour 20. En Irak, la population est de la trentaine de millions. Il a fallu mettre sur pied avec les Irakiens une force de 600.000 hommes pour que la manœuvre de contre-insurrection commence à produire ses effets. En Algérie, à la fin des années 50, les effectifs français étaient de 450.000 pour une population de 8 millions d’Algériens d’origine musulmane comme on les appelait alors. En Afghanistan, nous sommes extrêmement loin de ces ratios alors que le théâtre est infiniment plus complexe, physiquement et humainement, nous agissons en coalition, le ratio est de deux fois 140.000 pour 30 millions, c’est la moitié de ce qui est nécessaire pour avoir un espoir de gagner. Le ratio actuel forces de sécurité/population nous permet de conquérir – on le sait bien parce qu’on le fait tous les jours – mais pas de tenir. Or gagner la guerre c’est contrôler l’espace, or nous ne savons plus, nous ne pouvons plus, nous Occidentaux, contrôler l’espace.

    Pour conclure, deux dernières idées :

    Un – le conflit afghan est bien une guerre américaine. On se rappelle de ce télégramme diplomatique révélé dans Le Monde par Wikileaks, où l’ambassadeur des États-Unis à Paris demandait, sur instance de l’Élysée, que Washington trouve des façons de faire croire que la France comptait dans les options stratégiques. On se rappellera aussi que de McKiernan à Petraeus en passant par McChrystal, le commander in chief américain relève et remplace le chef de la coalition sans en référer aux autres membres. On se souviendra que les calendriers et les stratégies sont dictés davantage par les préoccupations de politique intérieure américaine que par le dialogue avec les coalisés, bien obligés de s’aligner – ceux qui ont lu Les guerres d’Obama de Woodward ne me contrediront sûrement sur aucun de ces points.

    Dernière idée – L’Afghanistan est une nouvelle preuve de l’échec de l’Europe. Je constate qu’il y a ou qu’il y a eu 15 pays de l’Union ayant engagé des forces militaires en Afghanistan : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Italie, Lituanie, Lettonie, Pays- Bas, Pologne, Roumanie, Suède, République Tchèque, Portugal. Avec des effectifs non négligeables puisqu’ils représentent environ 40.000 combattants, soit un tiers de la force engagée. Or il n’y a presque pas d’Europe ou en tout cas de défense européenne en Afghanistan. On pourra toujours m’expliquer qu’historiquement l’Europe a eu du mal à s’imposer en tant que telle dans cette guerre. Certes. Mais le constat est là : l’Europe mène sa guerre la plus longue « ever », elle le fait avec des effectifs extrêmement importants et elle n’existe pas. Cela donne une résonnance nouvelle aux propos du ministre de la Défense Hervé Morin, qui affirmait fin octobre dernier : « L’Europe est devenue un protectorat des États-Unis ».

    Il est temps que l’Europe se reprenne en main. Merci.

     

     

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  • Chrétiennes et musulmanes, les racines de l'Europe ?...

    Les racines de notre Europe sont-elles chrétiennes et musulmanes ? Tel est le titre de l'essai historique de Guy Rachet, publié aux éditions Jean Picollec. A cette question importante, l'auteur, spécialiste de l'antiquité, et en particulier de l'Egypte ancienne, apporte une réponse qui réfute la vulgate actuelle. Ni musulmanes, ni chrétiennes, les racines de l'Europe sont essentiellement gréco-latines. L'ouvrage est particulièrement bien documenté et est doté d'une riche bibliographie.

     

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    "Les racines de l'Europe ? Voilà un sujet important et d'actualité. Guy Rachet, avec sa culture, se fondant sur une vaste documentation sérieuse, diversifiée, s'attaque. souvent avec verve et toujours avec courage, à ce débat voire à ce choc des civilisations. Textes et références à l'appui. Guy Rachet prouve que sur le socle des Celtes, Germains, Slaves, Latins, Hellènes s'est épanouie une civilisation novatrice et libératrice. Il atteste que le Moyen Âge européen n'a jamais été la période obscure et barbare que d'étranges " europhobes " ont professée. qu'il n'y a jamais eu de rupture avec la tradition gréco-romaine, et que, contrairement à l'islam dont le Coran a toujours été aux fondements de l'enseignement, celui des clercs du Moyen Age était établi avant tout sur la connaissance des auteurs latins dits " profanes ". Guy Rachet met ici en valeur la prodigieuse floraison d'art, de peinture. de sculpture, d'architecture (romane et gothique), de littérature, de philosophie et de science, qui marque cette période. Un ensemble qui fait de l'Europe du Moyen Age puis de la Renaissance un des joyaux de la civilisation. Il est patent que c'est à la Grèce que l'Europe doit ce qui la distingue dans le concert des peuples et des nations."

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  • Quand le dollar nous tue...

    Après 20 000 milliards de dollars (Grasset, 2010), Edouard Tétreau s'acharne à tirer le signal d'alarme avant que le système financier ne s'effondre à la suite des injections massives de dollars dans l'économie mondiale. Il vient donc de publier, aux éditions Grasset, Quand le dollar nous tue.

     

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    "En octobre 2010, Edouard Tétreau concluait son livre 20 000 milliards de dollars sur cette hypothèse : les Etats-Unis pourraient bien faire payer au reste du monde leur sortie de crise.
    Six mois après, l’hypothèse est devenue réalité. Les Etats-Unis amorcent le premier épisode d’hyperinflation mondiale. Baril de pétrole à plus de cent dollars ; émeutes de la faim en Tunisie et en Egypte ; spirales inflationnistes en Chine, en Inde, au Brésil ; retour triomphant des bonus de Wall Street… Les dollars fous de l’Amérique viennent aggraver les déséquilibres du XXIème siècle dans le seul but d’aider l’Amérique à repartir. Or, ce n’est pas seulement l’Amérique qui repart, c’est aussi son premier créancier, la Chine, qui accélère sa mainmise sur la planète, s’empressant de reconvertir ses excédents de dollars en actifs tangibles.
    Peut-on encore éviter ce scénario du pire ? A priori non, répond Edouard Tétreau : c’est trop tard. En revanche, il n’est pas trop tard pour que l’Europe et les futures grandes démocraties du XXIème siècle, Inde et Brésil en tête, organisent une forme de résistance face au double diktat de la Chine et de l’Amérique…
    Le G20 français de 2011 s’annonce comme une opération électoraliste à grands frais. Il peut encore devenir un rendez-vous historique, fermant le cycle de BrettonWoods démarré en 1944."

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  • Ce que le procès DSK veut dire...

    Nous reproduisons ci-dessous une excellente analyse de Claude Bourrinet, publiée sur Voxnr, à propos de l'affaire DSK...

     

     

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    Ce que le procès DSK veut dire

    L’affaire DSK, qui ébranle le monde médiatique, d’ailleurs étrangement partagé entre le jour et la nuit, comme si l’événement assumait crânement ses deux parts, d’ombre et de lumière, tel un mélodrame, dépasse largement le cadre des turpitudes scabreuses mettant en cause un homme politique.

    Plusieurs plans se superposent, imposant des lectures différentes.

    D’abord le plan humain. On peut certes détester l’individu, non peut-être pour des raisons morales, ou plus précisément moralisatrices. Les défauts de l’homme, ses pulsions, son manque notoire de maîtrise par rapport aux femmes sont maintenant révélés au grand jour. La vérité y gagne, et les tartuffes sont démasqués. On attendrait presque le lieutenant du roi pour arrêter tout ce beau monde, qui apparaît de plus en plus comme le Monde, ce milieu interlope où se côtoient coquinerie, (vocable que l’on pare impudemment du terme historiquement noble, voire héroïque, de « libertinage »), et pratiques discursives qui, à force de calculs, en arrivent à tourner à vide, comme des moulins idéologiques que le vent remuerait mais qui ne broierait plus aucun grain. La faillite de l’ex futur candidat socialiste à la présidentielle se révèle ainsi plus qu’une tragédie personnelle, mais, comme un négatif de pellicule photographique traversé par une lumière permettant de découvrir l’apparence des choses ; elle montre la vérité crue de nos maîtres. Ne nous trompons pas : Strauss-Kahn, nonobstant sa pathologie personnelle, par une figure de synecdoque par ailleurs largement usitée lorsqu’on veut détruire un adversaire, soudain découvre ce que tous pressentaient. On n’expliquerait pas la panique qui s’est emparée des politiques et des journalistes si l’on ne voyait pas cette ironie théâtralisée par la rudesse du système judiciaire américain, comme un dom Juan, qui enseigne brutalement, à la face du monde, ce qu’est l’hypocrisie, et ses vertus essentielles, qui sont de voiler l’immoralité et de faire taire définitivement ses éventuels contempteurs. La classe politique française est devenue une antiphrase dans notre Histoire. Il est certes réjouissant de voir un ennemi tel que Dominique Strauss Kahn, qui se serait réjoui de la destruction des patriotes, en grande difficulté. On présume qu’un dangereux ennemi de notre peuple est écarté de la scène. Cependant ce n’est qu’un individu, fût-il perçu comme le futur président. Il y en aura d’autres. C’est le système qui est en cause.

    Un autre aspect de l’événement est frappant, c’est la proximité du drame qui se joue à New York. La ville semble tout à coup devenue une banlieue de l’Europe, à moins que ce ne soit le contraire, que ce soient nous qui sommes devenus la périphérie de la Grosse Pomme, et que notre sort soit désormais décidé là-bas. Nous sommes bien sûr effarés par la mise en scène de la transparence, par cet édifice inhumain qui ne cache aucune des structures qui le constituent. Une sorte de pornographie judiciaire, en quelque sorte. Rien n’est caché, la chair souffrante est livrée à la jouissance publique, les rôles sont bien répartis dans cette orgie sans retenue, sans gêne, sans inhibition, dont le ressentiment populaire se repaît.

    La matérialité du processus est le sens même de la justice. D’abord parce que chaque chose a son importance, les menottes, la déambulation ritualisée, consacrée par maints feuilletons télévisés, vers la voiture où s’engouffre, escorté par des policiers en civil, l’accusé, sa gueule mal rasée, le procureur, le juge etc. Les caméras sont les facteurs de réalité. La logique de la machine suit son cours mécanique, ou plutôt son jeu cruel, mais l’acteur principal, ce sont les regards qui scrutent, qui, comme dans toute tragédie, s’ouvrent sur le destin horrifique et pitoyable d’un héros écrasé, disloqué par les conséquences de sa faute présumée. Et on se dit que la cible des procédures n’est pas à proprement dit l’accusé, ni la justice, ni même ici la victime, ectoplasme sans visage, mais la communion qui se noue autour d’un sacrifice, et la forte sensation d’ensemble d’être un peuple attaché à l’égalité des conditions.

    Autrement dit, la justice américaine est un acte politique, qui draine toute l’Histoire d’une Nation qui s’est fondée contre les privilèges de la Vieille Europe.

    Cet aspect hautement politique, qui nous semble appartenir à une civilisation exotique, étrange et étrangère, jure avec les us judiciaires de notre pays. Nous sommes sidérés, abasourdis par la brutalité avec laquelle on traite là-bas les Grands ; on sait qu’ici ils jouissent, pour le moins, d’une mansuétude admirable de la part d’un pouvoir judiciaire sous influence, et d’une compréhension remarquable du quatrième pouvoir, la presse. Aussi bien les événements du Nouveau Monde jettent-ils une lueur crue sur la réalité de notre vie publique, tout à coup transmuée en vie fausse, et sur l’incurie de notre justice, que le pouvoir semble reconnaître d’ailleurs par la mise en place d’une réforme la calquant sur celle des Américains, sans que le cordon ombilical avec le ministère soit tranché.

    La vraie conséquence de ce film à suspense, ce scénario palpitant, c’est une sensation d’irréalité. On a une impression onirique, les images se bousculent, un décor de Métropolis se met en place, les surprises s’enfilent, un homme qu’on croyait indéboulonnable se décompose, et on se demande si tout cela est vrai sur cet immense écran planétaire. Quel est le sens de tout cela ? Peut-on par là avoir prise sur le réel, notre destin ? Quelles vont être les conséquences du verdict, ou des inévitables négociations entre l’accusation et la défense ?

    Ce qui restera sera la sensation désagréable, vertigineuse, que tout se passe maintenant de l’autre côté de l’Atlantique. L’Europe ne donne plus depuis longtemps le la de la grande musique internationale. Nous le savions, mais maintenant, cela crève les yeux. Dorénavant, elle n’est plus qu’une coquille vide, un fantôme de civilisation qui n’a plus aucune puissance, qui ne se fait plus craindre. On apprend que nos dirigeants sont coupés du peuple, qu’ils se livrent à leurs petits plaisirs et qu’ils bénéficient généralement d’une certaine impunité, que les Américains semblent être devenus des parangons de justice, qu’ils sont aptes, et même presque destinés, à juger les citoyens d’Europe, et qu’il n’est plus beaucoup de trajet avant qu’on ne demande à être gouvernés par eux.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 19 mai 2011)

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  • Vers un capitalisme coopératif ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, publié sur son blog Regards sur le renversement du monde et consacré à la construction d'un capitalisme coopératif, local et enraciné comme réponse à la finance mondialisée... Stimulant, comme toujours !

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    Vers un capitalisme coopératif ?

    Faut-il crier : attention, danger ? A la recherche éperdue d’un autre modèle, d’un autre système, ceux qui ont dû faire leur deuil du communisme et du socialisme d’Etat, ceux qui n’ont jamais aimé l’entreprise privée comme ceux qui sont pris de vertige devant les dérives de l’entreprise financiarisée, annoncent avoir trouvé la solution ; le capitalisme coopératif ! Le mot fleurit chez les candidats à la candidature du Parti socialiste comme chez ceux de la nouvelle gauche, et s’il manque encore dans le discours national de la droite libérale comme de la droite nationale, il est bien présent parmi les multiples entités locales et régionales où se joue le combat politique. C’est qu’il revient de loin, le vieux mot de coopération, c’est qu’il trouve de nouveaux accents et une nouvelle portée au moment où la peur de manquer, le spectre du déracinement et le sentiment d’impuissance recréent partout en Europe, et particulièrement en France, certaines des conditions morales et sociales qui ont présidé à la naissance et au succès du mouvement coopératif à la fin du XIXè siècle ! Exode rural, affaiblissement des institutions et du lien social, recul de la foi religieuse et des identités exclusives, perte des repères et des structures traditionnelles, plus directement encore, confrontation à la pauvreté, au manque et plus encore, à l’indignité des conditions de vie ouvrière ; fantasmés ou réels, ces caractères liés à la première révolution industrielle ne sont pas sans rapport avec la situation des sociétés européennes en crise. Et le combat du XIXè siècle contre les usuriers, contre les profiteurs et les accapareurs, contre un capitalisme industriel et financier, colonial et brutal, n’est pas sans actualité au moment où les prédateurs qui ont provoqué la crise de 2007-2008 affichent une insolente santé, s’emploient à liquider les résistances des sociétés qu’ils n’ont pas achevées de coloniser à la loi du rendement financier, la loi de leur intérêt, et exercent à nouveau leur capacité de nuire sur ces sociétés désarmées.

    Vieille rengaine, ou idée neuve ? L’entreprise coopérative serait la forme du capitalisme du XXIè siècle, réconciliant la société et la performance économique, le marché et le lien, la production et la répartition. Il vaut la peine d’y aller voir de plus près, tant la coopérative est comme l’iceberg ; connue pour sa surface parfois agitée, lors d’accidents ou de dérives, elle est inconnue pour l’essentiel, son fonctionnement, son activité, les services qu’elle rend, son idéologie. Que ceux qui choisissent la coopération sachent ce qu’ils choisissent, pour l’utiliser, pour l’inventer, ou pour la refonder ! Car la coopération a été une arme, pas seulement pacifique, pour faire entendre raison ou pour mater les prédateurs, les usuriers ou les négociants ; les dirigeants coopératifs qui se laissent séduire par les banquiers d’investissement et serrent la main de leurs pires ennemis devront s’en souvenir. Car la coopération est forte d’un enracinement dans un territoire, dans une communauté professionnelle, dans un collectif identifié, déterminé et circonscrit ; la coopération instaure et nourrit une relation exigeante au collectif, à l’opposé de l’individualisme souverain, des droits inconditionnels et de la déliaison instituée par les Droits de l’homme. Car la coopération est discriminante dans l’espace; seuls, ceux qui participent au projet commun et se sont engagés dans le combat collectif en retirent les fruits, et aussi bien dans le temps ; chaque génération de sociétaires sacrifie d’autant plus volontiers une part du rendement financier de l’entreprise coopérative, qu’elle considère que ses enfants, et les enfants de ses enfants, bénéficieront.

    Perte des limites, du bon sens et de la raison ; la crise économique récente est la crise d’un modèle d’entreprise qui a dévoré la société, privatisé l’espace public et ignoré la gratuité, l’identité et la frontière. L’opinion ne s’y trompe pas, qui plébiscite les PME mais juge durement les sociétés du CAC 40, salue les entrepreneurs mais ne pardonne pas aux financiers de faire passer la rentabilité du capital avant leur territoire, leurs voisins et leur Nation. Même les représentants américains évitent désormais de se faire photographier en compagnie de dirigeants de banque ! Autre chose doit venir, autre chose va venir, mais quoi ? Des candidats à la candidature à l’élection présidentielle française, de jeunes et moins jeunes entrepreneurs, des communautés en quête d’autonomie, espèrent avoir trouvé la réponse avec la coopérative. Version 2012 de la nationalisation, version post-moderne de la propriété collective des moyens de production, ou bien version correcte du corporatisme, du localisme  et du régionalisme, la coopérative serait la réponse qu’on n’attendait pas à des questions qui taraudent les élus et, de plus en plus, les Français, et dont la moindre n’est pas la reprise de contrôle par la société d’une système économique et financier qui lui échappe. Tôt ou tard, la coopération serait au cœur de la révolution identitaire qui va conquérir l’Europe, au cœur de cette insurrection de la différence qui marquera la démondialisation engagée. Peut-être, mais attention ! Le danger de récupération est considérable, à un moment où certains de ceux qui ont détruit le socialisme en le convertissant à l’individualisme des Droits universels et du libéralisme intégral, entendent formater la coopération selon leurs intérêts ou leurs ambitions. Et le mouvement coopératif doit redevenir radical, c’est-à-dire retrouver ses racines, qui sont territoriales, communautaires, identitaires, et sa logique d’appartenance, qui fait passer les fins avant les moyens et les nôtres avant les autres. Ceux qui ont promu un sans-frontièrisme délétère, refusé l’application de la préférence nationale et développé un socialisme de l’assistance qui débouche sur l’isolement individuel n’ont rien à faire avec la coopération, sinon pour parasiter, polluer et dégrader un modèle qui a existé sans eux, qui existera après que les Français et les Européens en aient fini avec eux.

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 12 mai 2011)

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  • Vers la Très Grande Panne ?...

    Le Laboratoire Européen d'Anticipation Politique vient de publier un nouveau numéro de son GlobalEurope Anticpation Bulletin, dont nos reproduisons le résumé public, dans lequel il confirme que le système économique mondial avance à marche forcée vers une Très Grande Panne à l'horizon de l'automne 2011...

     

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    Le 15 Septembre 2010, le GEAB N°47 titrait « Printemps 2011 : Welcome to the United States of Austerity / Vers la très grande panne du système économique et financier mondial ». Pourtant, à la fin de l'été 2010, la plupart des experts estimait, d'une part, que le débat sur le déficit budgétaire US resterait un simple sujet de discussions théoriques au sein de la Beltway (1) ; d'autre part, qu'il était impensable d'imaginer les Etats-Unis se lancer dans une politique d'austérité puisqu'il suffisait à la Fed de continuer à imprimer des Dollars. Or, comme chacun peut le constater depuis plusieurs semaines, le Printemps 2011 a bien apporté l'austérité aux Etats-Unis (2), une grande première depuis la Seconde Guerre Mondiale et la mise en place d'un système global fondé sur l'aptitude du moteur américain à générer toujours plus de richesse (réelle dans les années 1950-1970, puis de plus en plus virtuelle à partir de cette date).

    A ce stade, LEAP/E2020 est donc en mesure de confirmer que la prochaine étape de la crise sera bien la « Très Grande Panne du système économique, financier et monétaire mondial » ; et que cette panne historique surviendra à l'Automne 2011 (3). Les conséquences monétaires, financières, économiques et géopolitiques de cette « Très Grande Panne » seront d'une ampleur historique et feront paraître la crise de l'Automne 2008 comme ce qu'elle était réellement : un simple détonateur.

    La crise au Japon (4), les décisions chinoises et la crise des dettes en Europe joueront certainement un rôle dans cette panne historique. En revanche nous considérons que la question des dettes publiques des pays périphériques de l'Euroland n'est plus le facteur de risque européen dominant en la matière, mais que c'est le Royaume-Uni qui retrouve sa position d' « homme malade de l'Europe » (5). La zone Euro a en effet mis en place et continue à améliorer tous les dispositifs nécessaires pour régler ces problèmes (6). La gestion des problèmes grec, portugais, irlandais, … se fera donc de manière organisée. Que des investisseurs privés doivent en partie en faire les frais (comme anticipé par LEAP/E2020 avant l'été 2010) (7) n'appartient pas à la catégorie des risques systémiques, n'en déplaisent au Financial Times, au Wall Street Journal et aux experts de Wall Street et de la City qui essayent tous les trois mois de refaire le « coup » de la crise de la zone Euro du début 2010 (8).

    En revanche, le Royaume-Uni a complètement raté sa tentative d' « amputation budgétaire préventive» (9). En effet, sous la pression de la rue et notamment des plus de 400.000 Britanniques qui arpentaient les rues de Londres le 26/03/2011 (10), David Cameron est obligé de revoir à la baisse son objectif de réduction des dépenses de santé (un point clé de ses réformes) (11). Parallèlement, l'aventure militaire libyenne l'oblige à revoir également ses objectifs de coupes budgétaires du ministère de la Défense. Nous avions déjà indiqué dans le dernier GEAB que les besoins de financement public britannique continuaient à augmenter, signe de l'inefficacité des mesures annoncées dont la mise en œuvre se révèle très décevante dans la réalité (12). Le seul résultat de la politique du tandem Cameron/Clegg (13) est pour l'instant la rechute de l'économie britannique en récession (14) et l'évident risque d'implosion de la coalition au pouvoir suite au prochain référendum sur la réforme électorale.

    Dans ce GEAB N°54, notre équipe s'attache donc à décrire les trois facteurs-clés qui déterminent cette Très Grande Panne globale de l'Automne 2011 et ses conséquences. Parallèlement, nos chercheurs ont entrepris d'anticiper l'évolution de l'opération militaire franco-anglo-américaine en Libye dont nous estimons qu'elle est un puissant accélérateur de la dislocation géopolitique mondiale et qu'elle éclaire utilement certains des changements tectoniques en cours dans les rapports entre grandes puissances mondiales. Outre le GEAB $ Index, nous développons nos recommandations pour faire face aux dangereux trimestres à venir.

    Fondamentalement, le processus qui se déroule sous nos yeux, et dont l'entrée des Etats-Unis dans une ère d'austérité (15) est une simple expression budgétaire, n'est que la poursuite de l'apurement des 30.000 milliards d'actifs-fantômes qui avaient envahi le système économique et financier mondial à la fin 2007 (16). Si environ la moitié d'entre eux avaient disparu courant 2009, ils ont été en partie ressuscité depuis cette date par la volonté des grandes banques centrales mondiales et en particulier par la Réserve fédérale US et ses « Quantitative Easings 1 et 2 ». Or, notre équipe estime donc que ce sont 20.000 Milliards de ces actifs-fantômes qui vont s'envoler en fumée à partir de l'Automne 2011, et ce d'une manière très brutale sous l'effet conjugué des trois méga-crises US en gestation accélérée :

    . la crise budgétaire, ou comment les Etats-Unis plongent de gré ou de force dans cette austérité sans précédent et vont y entraîner des pans entiers de l'économie et de la finance mondiale
    . la crise des Bons du Trésor US, ou comment la Réserve fédérale US atteint le « bout du chemin » entamé en 1913 et doit faire face à sa faillite quel que soit le camouflage comptable choisi
    . la crise du Dollar américain, ou comment les soubresauts de la devise US qui vont caractériser l'arrêt du Quantative Easing 2 au second trimestre 2011 seront les prémisses d'une dévaluation massive (de l'ordre de 30% en quelques semaines).

    Banques centrales, système bancaire mondial, fonds de pension, multinationales, matières premières, population américaine, économies de la zone Dollar et/ou dépendantes de leurs échanges avec les Etats-Unis (17), … c'est l'ensemble des opérateurs structurellement dépendants de l'économie US (dont le gouvernement, la Fed et le budget fédéral sont devenus les composantes centrales), des actifs libellés en Dollars ou des transactions commerciales en Dollars qui vont subir le choc frontal de 20.000 milliards d'actifs-fantômes disparaissant purement et simplement de leur bilan, de leurs placements ou générant une baisse majeure de leurs revenus réels.
     


     

     Evolution des transferts d'argent de la part des travailleurs émigrés aux Etats-Unis vers leurs pays d'origine (2009-2011) (premier chiffre : valeur en monnaie nationale au taux du Dollar de fin 2008 / second chiffre : idem au taux du Dollar US fin 2010
    Evolution des transferts d'argent de la part des travailleurs émigrés aux Etats-Unis vers leurs pays d'origine (2009-2011) (premier chiffre : valeur en monnaie nationale au taux du Dollar de fin 2008 / second chiffre : idem au taux du Dollar US fin 2010
    Autour de ce choc historique de l'Automne 2011, qui marquera l'affirmation définitive des tendances lourdes anticipées par notre équipe dans les précédents GEAB, les grandes catégories d'actifs vont connaître des turbulences majeures exigeant une vigilance accrue de tous les opérateurs soucieux de leurs investissements et placements. En effet, cette triple crise US marquera la vraie sortie du « monde d'après 1945 » qui a vu les Etats-Unis jouer le rôle d'Atlas et sera donc marquée par des chocs et des répliques multiples au cours des trimestres qui suivront.

    Par exemple, le Dollar peut connaître à court terme des effets renforçant sa valeur par rapport aux principales devises mondiales (notamment si les taux d'intérêts US s'élèvent très rapidement suite à la fin du Quantitative Easing 2), même si, au-delà de six mois, sa perte de valeur de 30% (par rapport à sa valeur actuelle) est inéluctable. Nous ne pouvons donc que répéter le conseil qui figure en tête de nos recommandations depuis le début de nos travaux sur la crise : dans le cadre d'une crise globale d'ampleur historique comme celle que nous traversons, le seul objectif rationnel pour les investisseurs et les épargnants n'est pas de gagner plus, mais d'essayer de perdre le moins possible.

    Cela va être particulièrement vrai pour les trimestres à venir où l'environnement spéculatif va devenir hautement imprévisible sur le court terme. Cette imprévisibilité à court terme tient notamment au fait que les trois crises américaines qui déclencheront la Très Grande Panne mondiale de l'Automne ne sont pas synchrones. Elles sont très étroitement corrélées mais pas de manière linéaire. Et l'une d'entre elles, la crise budgétaire, est directement dépendante de facteurs humains très influents sur le calendrier de son déroulement ; alors que les deux autres (quoi qu'en pensent ceux qui voient dans les responsables de la Fed des dieux ou des diables (18)) sont pour l'essentiel désormais inscrites dans des tendances lourdes où l'action des dirigeants américains est devenue marginale (19).
     

    La crise budgétaire, ou comment les Etats-Unis plongent de gré ou de force dans cette austérité sans précédent et vont y entraîner des pans entiers de l'économie et de la finance mondiale

    Les chiffres peuvent donner le tournis : « 6.000 milliards de coupes budgétaires sur dix ans » (20), dit le Républicain Ryan, « 4.000 milliards en douze ans » réplique le déjà-candidat pour 2012 Barack Obama (21), « tout cela est loin de suffire » renchérit l'une des références des Tea Parties, Ron Paul (22). Et de toute façon, sanctionne le FMI, « les Etats-Unis ne sont pas crédibles quand ils parlent de réduire leurs déficits » (23). Cette remarque inhabituellement brutale du FMI, traditionnellement très prudent dans ses critiques concernant les Etats-Unis, est en tous cas particulièrement justifiée au regard du psychodrame qui, pour une poignée de dizaines de milliards de Dollars, a failli faire fermer l'état fédéral faute d'accord entre les deux grands partis. Un scénario qui va d'ailleurs se reproduire prochainement à propos du plafond d'endettement fédéral.

    Le FMI ne fait donc qu'exprimer une opinion largement partagée par les créanciers des Etats-Unis : si pour quelques dizaines de milliards USD de réduction des déficits, le système politique américain atteint un tel degré de paralysie, que va-t-il se passer quand dans les mois à venir vont s'imposer des réductions de plusieurs centaines de milliards USD par an ? La guerre civile ? C'est l'opinion en tout cas du nouveau gouverneur de Californie, Jerry Brown (24), qui estime que les Etats-Unis font face une crise de régime identique à celle qui conduisit à la Guerre de Sécession (25).
     


     

    Evolution comparée des besoins de financement du secteur public aux Etats-Unis (1979 - 2010) (en rouge : public / en bleu : privé) - Source : Agorafinancial, 04/2011
    Evolution comparée des besoins de financement du secteur public aux Etats-Unis (1979 - 2010) (en rouge : public / en bleu : privé) - Source : Agorafinancial, 04/2011
    Le contexte n'est donc plus à la simple paralysie mais bien à une confrontation tous azimuts entre deux visions de l'avenir du pays. Plus la date des prochaines élections présidentielles va s'approcher (Novembre 2012), plus la confrontation entre les deux camps va s'intensifier et se dérouler au mépris de toute règle de bonne conduite, y compris pour sauvegarder l'intérêt général du pays : « Les dieux rendent fous ceux qu'ils veulent perdre » dit Ulysse dans l'Odyssée. La scène politique washingtonienne va de plus en plus ressembler à un hôpital psychiatrique (26) dans les mois à venir, rendant de plus en plus probable « la décision aberrante ».

    Si, pour se rassurer à propos du Dollar et des Bons du Trésor, les experts occidentaux se répètent en boucle que les Chinois seraient fous de se débarrasser de ces actifs dont ils ne feraient ainsi que précipiter la chute de valeur, c'est qu'ils n'ont pas encore compris que c'est de Washington et de ses errements politiques que peut venir la décision qui précipite cette chute. Et Octobre 2012, avec son traditionnel vote du budget annuel, va offrir le moment idéal pour cette tragédie grecque qui, selon notre équipe, n'aura cependant pas de happy ending car ce n'est pas Hollywood mais bien le reste du monde qui va écrire la suite du scénario.

    Quoiqu'il en soit, par décision politique choisie, par fermeture du gouvernement fédéral ou par pressions extérieures irrésistibles (27) (taux d'intérêts, FMI + Euroland + BRIC (28)), c'est bien à l'Automne 2011 que le budget fédéral US va se contracter massivement pour la première fois. La poursuite de la récession conjuguée à la fin du Quantative Easing 2 va faire monter les taux d'intérêts et donc accroître considérablement le service de la dette fédérale, sur fond de recettes fiscales en baisse (29) pour cause de rechute dans une forte récession. L'insolvabilité fédérale est désormais au coin de la rue d'après Richard Fisher, le président de la Réserve fédérale de Dallas (30).

    La suite dans le GEAB :
    . la crise des Bons du Trésor US, ou comment la Réserve fédérale US atteint le « bout du chemin » entamé en 1913 et doit faire face à sa faillite quel que soit le camouflage comptable choisi
    . la crise du Dollar américain, ou comment les soubresauts de la devise US qui vont caractériser l'arrêt du Quantative Easing 2 au second trimestre 2011 seront les prémisses d'une dévaluation massive (de l'ordre de 30% en quelques semaines).
     


    Communiqué public GEAB N°54 (15 avril 2011)

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    Notes:

    (1) Expression américaine désignant le cœur politico-administratif de Washington, situé au sein du périphérique local, la Beltway.

    (2) Des coupes sombres dans les budgets de l'action internationale des Etats-Unis aux réductions des programmes sociaux, des organisations publiques et des catégories entières de la population américaine (latinos, pauvres, étudiants, retraités, …) vont être désormais durement affectées par ce qui n'est encore qu'une goutte d'eau dans les ajustements nécessaires. Les protestations populaires commencent avec les étudiants en-tête. Sources : House of Representatives, 13/04/2011 ; Devex, 11/04/2011 ; HuffingtonPost, 13/04/2011 ; Foxnews, 14/04/2011 ; Foxbusiness, 12/04/2011

    (3) Le système bancaire mondial (Europe comprise), toujours sous-capitalisé et largement insolvable, est également l'un des éléments de cette Très Grande Panne de l'Automne 2011.

    (4) Dans le GEAB N°55, notre équipe présentera ses anticipations sur la question du nucléaire dans le monde, incluant l'utilisation de la méthode d'anticipation politique comme outil d'aide à la décision en la matière.

    (5) L'ampleur de la crise budgétaire du Royaume-Uni est infiniment plus grave que ce que racontent les actuels dirigeants britanniques qui se targuent pourtant d'avoir tenu un discours de vérité. Il y a en effet deux moyens de mentir à un peuple : nier l'existence d'un problème (la position du Labour de Gordon Brown) ou bien n'avouer qu'une partie de la vérité (visiblement le choix du tandem Cameron/Clegg). Dans les deux cas, le problème n'est pas résolu. Source : Telegraph, 26/03/2011

    (6) Et, à partir de maintenant et de la mise en place définitive de l'Euroland comme principal moteur européen lors du sommet du 11 Mars dernier, les quatre pays qui ne participent pas au pacte « Euroland+ » de stabilisation financière, c'est-à-dire, le Royaume-Uni, la Suède, la Hongrie et la République tchèque seront invités à quitter la salle des sommets lors des discussions sur les questions financières et budgétaires liés au pacte. EUObserver du 29/03/2011 décrit la panique qui a alors saisi les délégations de ces quatre pays dont les dirigeants jouent les fiers à bras devant les médias et dans les discours destinés à leurs opinions publiques respectives, mais qui savent très bien qu'ils sont désormais cantonnés dans un rôle européen de seconde zone.

    (7) Source : Irish Times, 22/03/2011

    (8) Il faut lire à ce sujet l'article très pertinent et très amusant de Silvi Wadhwa, correspondante Europe de CNBC, qui se moque du discours anti-Euroland et anti-Allemand caricatural de ses collègues des autres médias anglo-saxons ; et qui rappelle fort justement que les différences de situations économiques sont encore plus importantes entre états américains qu'au sein de l'Euroland et que les problèmes d'endettement de la Grèce ou du Portugal ne sont rien comparés à ceux d'un état comme la Californie. Source : CNBC, 12/04/2011

    (9) Nous reviendrons plus spécifiquement sur le cas britannique dans le GEAB N°55, tout juste un an après la victoire de la coalition Conservateur/LibDem.

    (10) Cette protestation contre les coupes budgétaires constitue la plus importante manifestation à Londres depuis plus de vingt ans et elle a été accompagnée de graves violences « anti-riches » via des attaques contre HSBC, l'hôtel Ritz ou le magasin Fortnum & Mason par exemple. Comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises dans le GEAB, il est tout-à-fait significatif de constater que cette manifestation historique au Royaume-Uni n'a pratiquement pas fait la une des médias où elle était devenue invisible 48 heures après son déroulement. Lorsque quelques milliers de citoyens grecs ou portugais manifestent à Athènes ou Lisbonne en revanche, nous avons droit à une avalanche d'images-chocs et de commentaires décrivant des pays au bord du chaos. Ce « deux poids et deux mesures » ne doivent pas tromper l'observateur lucide. D'un côté, il y a de graves difficultés qui sont désormais gérées au sein d'un ensemble puissant, l'Euroland ; de l'autre il y a des difficultés majeures qui ne parviennent plus à être gérées par un pays complètement isolé. Croyez les médias ou bien réfléchissez par vous-même pour deviner la suite ! Source : Guardian, 26/03/2011

    (11) Source : Independent, 03/04/2011

    (12) D'ailleurs les marchés financiers s'en rendent compte et ne croient plus vraiment au message martial d'austérité du gouvernement britannique, entraînant à nouveau la Livre sterling dans une spirale descendante. Source : CNBC, 12/04/2011

    (13) Nick Clegg est devenu le politicien le plus haï du Royaume-Uni pour avoir trahi un à un presque tous ses engagements électoraux. Source : Independent, 10/04/2011

    (14) Et de pousser les ménages britanniques dans une perte de pouvoir d'achat similaire uniquement à celle de la crise de l'après-première guerre mondiale en 1921. Source : Telegraph, 11/04/2011

    (15) Comme l'ont fait les Européens dès 2010.

    (16) Estimation moyenne faite par LEAP/E2020 en 2007/2008.

    (17) Au-delà du commerce extérieur traditionnel, le graphique ci-dessous montre l'ampleur de la réduction des transferts dans leurs pays d'origine de la part des travailleurs émigrés aux Etats-Unis, du fait de la baisse du Dollar US. Cette réduction va encore s'amplifier à partir de l'Automne 2011.

    (18) Aux Etats-Unis, c'est aujourd'hui la vision diabolique s'est largement imposée dans l'opinion publique, à la différence de 2008 où, au contraire, les responsables de la Fed semblaient être les derniers recours. Ce changement psychologique, comme nous l'avons souligné, n'est pas un détail et contribue fortement à limiter la marge de manœuvre des dirigeants de la Fed. Et ce n'est pas la défaite judiciaire historique de la Banque centrale US, qui a été obligée de dévoiler les destinataires des centaines de milliards de Dollars d'aide distribuées après la crise de Wall Street de 2008, qui va améliorer cette situation, bien au contraire. Une simple anecdote, révélée par le magazine Rollingstone, illustre l'aggravation des griefs du peuple américain contre ses banquiers centraux : au titre des bénéficiaires de ces aides de la Fed, on trouve les femmes de deux grandes figures de Wall Street qui ont créé un instrument sur mesure leur permettant de recevoir 200 millions USD de la Fed pour racheter des créances pourries… les bénéfices leur revenant et les pertes allant à la Fed ! C'est hélas un exemple parmi beaucoup d'autres qui circulent actuellement sur le Net et qui ont brisé, désormais définitivement, le respect du peuple américain pour son institution monétaire de référence. Une situation explosive dans le contexte de la crise actuelle. Source : Rollingstone, 12/04/2011

    (19) Le destin du Dollar, comme celui des Bons du Trésor US, est désormais pour l'essentiel dans les mains des opérateurs du reste du monde qui examineront de manière très « clinique » la sortie du Quantitative Easing 2 qui s'impose à la Fed au cours du second trimestre 2011. C'est leur opinion collective (déjà très critique), et non pas la « communication » de la Fed, qui sera décisive.

    (20) Source : Politico, 04/04/2011

    (21) Source : Boston Herald, 13/04/2011

    (22) Source : Huffington Post, 11/04/2011

    (23) Et ce d'autant plus qu'ils continuent à battre des records de besoins de financement pour leurs déficits, et que le déficit prévu sur une décennie par les engagements d'Obama se monte à 9.500 milliards USD. D'un côté, il conçoit des politiques qui augmentent le déficit, de l'autre il annonce des objectifs de réduction. Peu crédible en effet. Sources : CNBC, 13/04/2011 ; Washington Post, 18/03/2011

    (24) Brown est une personnalité américaine originale qui a une longue expérience politique puisqu'il a déjà été gouverneur de Californie de 1975 à 1983, et deux fois candidats à l'investiture démocrate pour le poste de président des Etats-Unis. Son opinion sur l'état de délabrement du système politique des Etats-Unis n'est donc pas à prendre à la légère. Source : CBS, 10/04/2010

    (25) A ceux qui trouvent l'image osée, notre équipe rappelle que l'une des principales causes de la Guerre de Sécession fut la vision irréconciliable de ce que devait être l'état fédéral et son rôle. Aujourd'hui, autour des questions budgétaires, du rôle de la Fed, des dépenses militaires et des dépenses sociales, on voit à nouveau émerger deux visions diamétralement opposées de ce que doit être et faire l'état fédéral, avec son cortège de blocages institutionnels croissants et une ambiance de haine entre forces politiques. Nous en avons déjà donné de nombreuses illustrations dans les GEAB précédents. Source : Americanhistory

    (26) Comment qualifier autrement des gens qui, parvenant à peine et à force de crises répétées à couper quelques dizaines de milliards d'un budget, se mettent à annoncer urbi et orbi qu'ils vont couper demain des milliers de milliards de Dollars de ces mêmes budgets ? Des fous ou des menteurs ? Dans tous les cas des inconscients car les contraintes s'accumulent qui exigent dans tous les cas ces réductions de déficits.

    (27) Les dettes publiques mondiales sont au plus haut depuis 1945 et, avec 10,8% du PNB, les Etats-Unis sont devenus le premier grand pays en termes de déficit public. Sources : Figaro, 12/04/2011 ; Bloomberg, 12/04/2011

    (28) A propos des BRIC (désormais BRICS avec l'Afrique du Sud), il est très intéressant de noter que leur troisième sommet, réuni dans l'île tropicale chinoise de Hainan, bénéficie enfin d'une couverture médiatique significative de la part des médias occidentaux. Nous avons fait partie des premières et des rares publications occidentales à mentionner le premier sommet (à Ekaterinebourg) et à souligner l'importance de l'évènement il y a trois ans mais, jusqu'à présent, la grande presse internationale persistait à considérer les BRICS comme un simple acronyme sans portée géopolitique sérieuse. Visiblement les choses ont changé. D'ailleurs de la Libye au Dollar, le sommet de Hainan s'est clairement positionné en contre-poids aux Etats-Unis et à ses affidés (en l'occurrence de moins en moins nombreux au regard de ce qui se passe en Libye). Concernant le Dollar, les BRICS ont décidé d'accélérer le processus leur permettant d'utiliser leurs propres devises dans leurs échanges : un autre signe que nous nous approchons très rapidement d'un violent choc monétaire. Source : CNBC, 14/04/2011

    (29) Ceux qui croient encore à une amélioration de la situation économique américaine, au-delà de l'effet « dopage » du Quantitative Easing 2, devraient s'attarder sur le moral des PME aux Etats-Unis qui recommence à se dégrader fortement et sur la fiction de l'embellie sur l'emploi qui sera brutalement corrigée (même dans les statistiques officielles) à partir de l'été 2011. Et nous renvoyons aux GEAB précédents pour ce qui est de la crise fiscale des états fédérés. Sources : MarketWatch, 12/04/2012 ; New York Post, 12/04/2011

    (30) Source : CNBC, 22/03/2011
     


     



     
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