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Points de vue - Page 84

  • Décision et souveraineté...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non qui évoque la conception de la souveraineté et de la décision politique chez Carl Schmitt, notamment au travers de son essai Théologie politique (1922).

     

                                           

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  • Pouvoir d’achat, vraiment ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la multiplication des pénuries et des hausses de prix depuis plusieurs mois.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Pouvoir d’achat, vraiment ?

    Une école américaine prévient les parents, que pour cause de rupture des chaînes d’approvisionnement, elle n'est pas en mesure d’assurer les petits déjeuners, ni sans doute les déjeuners. Les parents sont priés de nourrir leurs enfants avant l’école. Et des restaurants français s’inquiètent du nombre de produits en rupture de stock, des citrons aux mangues.

    Dans plusieurs secteurs industriels, dont l’automobile, la pénurie de semi-conducteurs arrête les chaînes de montage et provoque l’arrêt des livraisons. Et les garagistes signalent une impressionnante hausse du prix de vente des véhicules d’occasion ; jusqu’à 25 % depuis l’été !

    Des pénuries qui s’installent

    En Grande-Bretagne, plusieurs des premières usines de fertilisants, ces produits chimiques utilisés pour rendre la terre féconde et favorable aux cultures, sont arrêtées, en raison des difficultés d’approvisionnement en gaz naturel. Ce qui conduit les agriculteurs à s’interroger sur la récolte de 2022, et les prévisionnistes à pousser des cris d’alarme ; après la pénurie d’électricité à l’hiver 2021-2022 (espérons que les stocks de la France suffiront !), faut-il préparer les pénuries alimentaires pour le printemps-été 2022 ?

    Ajoutons à ces informations la réouverture d’une centrale à charbon au Royaume-Uni pour pallier la déficience des éoliennes due au manque de vent en cet automne, et nous pourrons retourner la question dans tous les sens ; comment ne pas s’inquiéter, non seulement du pouvoir d’achat, mais de l’approvisionnement en denrées essentielles, vitales, stratégiques, pour 2022 ? Car tout indique que les ruptures de chaînes, les retards de livraison, les goulots d’étranglement sont là pour durer.

    Trois facteurs expliquent une hausse des prix à la consommation que les indices de l’inflation reflètent mal, une tension croissante sur les approvisionnements, et une dégradation rapide et sensible de la qualité de vie des Français et des Européens.

    Un modèle obsolète

    D’abord, des modèles d’affaires délirants, dont le meilleur exemple est le « zéro stock, zéro délai, zéro trésorerie ». Les entreprises qui distribuent toute la trésorerie disponible à leurs actionnaires, notamment en rachetant leurs propres actions, qui ont supprimé tous leurs stocks (comme la France l’a fait avec ses masques sur recommandation de l’OMS !) et qui travaillent à flux tendu n’ont pas mesuré le risque qu’elles couraient en cas de toute rupture de chaîne logistique, en cas de tension géopolitique, ou simplement d’accident d’exploitation ?

    Voilà pourquoi l’État — le contribuable ! — a dû intervenir aussi vite et aussi massivement ; pour assurer la trésorerie de fins de mois que les dividendes servis aux actionnaires avaient sorti de l’entreprise ! Et voilà comment ce sont les déficits publics, donc les contribuables présents et futurs, qui paieront pour des modes managériales non durables, non soutenables — mais tellement rentables à court terme ! Et voilà comment l’entreprise privée reporte ses risques sur la collectivité — car nos modes de vie sont en jeu !

    L’argent ne remplace pas la stratégie

    Ensuite, l’erreur stratégique majeure, qui ignore qu’il y a des secteurs, des produits, des entreprises stratégiques. À l’inverse de ce qui s’enseigne à Sciences Po ou dans les écoles de commerce, tout ne se résume pas aux comptes, à la valeur boursière et au TRI (taux de rentabilité interne). L’argent n’achète pas tout. Il n’achetait pas des masques, des vaccins, il n’achètera pas le magnésium ou les engrais, pas plus que les semi-conducteurs et les puces — parce que ce sont là des produits stratégiques, des produits où peuvent se jouer la vie ou la mort, la puissance ou la dépendance, et que ceux qui ne sont pas capables de produire eux-mêmes ce qui leur est nécessaire ont d’avance perdu les guerres qu’ils ne pourront pas livrer. L’intelligence économique est l’arme décisive dans la guerre économique qui a remplacé la guerre des armes — ou qui décidera du sort des armes, qui sait ?

    La folie « écologique »

    Enfin, le totalitarisme écologique. La réalité du dérèglement climatique est utilisée pour porter les plus violentes attaques que l’indépendance des Nations et les libertés individuelles aient connues depuis les socialismes autoritaires. Et ce sont bien à des démocraties populaires que ressemblent de plus en plus ces pays qui souscrivent au pass sanitaire, instaurent le contrôle numérique permanent des populations, veulent faire payer pour tout et par tous les services gratuits de la nature, et plongent tout droit dans une dépendance aux maîtres du numérique dont les Etats ne semblent pas mesurer à quel point ils sont la nouvelle menace totalitaire du moment.

    Au moment où la COP26 réunit à Glasgow un grand nombre de dirigeants venus se soumettre aux injonctions des ONG et des Fondations qui occupent la rue, mais aussi les médias avec des injonctions aussi péremptoires qu’infondées, il n’est pas inutile d’affronter les contradictions affolantes du système écologique qui se met en place, et qui aggrave les tensions déjà observées sur les prix, les approvisionnements, les modes de vie. Tout commence avec l’affirmation scientifiquement erronée qu’à problème global, réponse globale. Les écosystèmes ne sont jamais les mêmes, et la réponse aux changements du climat — qui entraînent ici ou là refroidissement ! — si elle doit être pertinente sera d’abord locale, elle sera choisie, et elle entraînera l’adhésion des populations concernées — ou bien son autoritarisme la condamnera. Tout continue avec le syndrome bien connu de celui qui cherche la pièce perdue là où il y a de la lumière.

    Rien ne justifie les oukazes portés contre la France, l’un des cinq pays les plus vertueux de la planète en matière d’émissions de CO2 (0,6 % du total, grâce au nucléaire !), l’un aussi de ceux qui a su le mieux préserver son territoire et ses côtes. Chacun le sait, c’est en Asie, c’est en Amérique du Nord et du Sud que se jouent les équilibres de la planète, et les privations de libertés, et les restrictions insensées exigées par le Green Deal n’auront que deux conséquences. D’abord ruiner des pans de l’industrie européenne et affaiblir l’Union, et surtout, fâcher durablement les Européens avec l’écologie. La protection de la qualité de la vie en Europe et la défense de nos territoires sont chose trop sérieuse pour être laissées à la Commission.

    Des migrants aux vaccins, les preuves de l’abandon européen ne manquent pas. Et pour finir, le hold up sur l’écologie par Fondations et ONG sert à tout, et d’abord à manipuler les consciences, pour cacher les réalités qu’il ne faut pas voir. Le vrai enjeu de l’écologie est d’en finir avec les chaînes logistiques qui font le tour de la terre, et de relocaliser massivement les productions ; c’est de réduire le commerce international par un découplage entre continents. C’est d’en finir avec le nomadisme des biens, des capitaux et des hommes qui procède à la grande expulsion de ceux qui sont d’ici et de chez nous, c’est de lutter contre des migrations de masse qui ne peuvent que converger vers les terres tempérées et détruire les équilibres écologiques construits depuis des siècles – non, la terre n’est pas à tout le monde, mais à ceux qui se sont battus pour la garder des invasions, la mettre en valeur et la rendre féconde.

    C’est d’en finir avec la liberté de mouvement des capitaux, qui conduit nécessairement à valoriser le moins-disant écologique, et c’est d’en finir avec le privilège insensé du capital protégé des politiques nationales et de la loi par les cours d’arbitrage qui l’immunisent des choix démocratiques. Et c’est de sortir de la globalisation par la prise de pouvoir des collectivités sur les territoires qui sont les leurs, et par la responsabilité familiale de la transmission d’un cadre de vie préservé, bienveillant et sain. Famille, territoire, frontières, démocratie ; rien ne saurait être plus éloigné du vocabulaire de ceux qui entreprennent d’en finir avec la démocratie par la peur, la fausse science et la vraie propagande.

    Le catastrophisme écologique et la panique pandémique s’ajoutent pour imposer aux Nations européennes des contraintes qui ne sont ni environnementales, ni sanitaires, mais qui servent l’agenda globaliste de nos pires ennemis ; en finir avec la liberté des peuples européens. Si l’Union européenne doit avoir un sens, c’est de rendre aux citoyens des Nations européennes le pouvoir sur eux, sur leurs terres et sur la technique qui leur a été enlevé. Et c’est de préserver cette qualité de vie qui a été leur apanage pendant tant si longtemps. Que le vertige qui saisit la COP26 devant les conséquences d’engagements aberrants le rappelle à ceux qui oublient si vite qui les a élus, et pour quoi !

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 31 octobre 2021)

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  • D'un délire idéologique à l'autre...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Dussouy cueilli sur Voxnr et consacré au déni du réel qui pèse sur l'Europe... Professeur émérite à l'Université de Bordeaux, Gérard Dussouy est l'auteur de plusieurs essais, dont Les théories de la mondialité (L'Harmattan, 2011) et Contre l'Europe de Bruxelles - Fonder un Etat européen (Tatamis, 2013).

     

     

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    Mosquée centrale de Cologne...

     

    D'un délire idéologique à l'autre

    De tous les bords en Europe, le déni du réel et le délire idéologique qui va avec l’emportent. Il est vrai que moins les hommes n’ont de prise sur la réalité et plus ils s’en remettent à des représentations mythifiées. C’est un constat vérifié depuis longtemps par les sociologues pragmatistes. D’un côté, Il y a tous ceux qui s’accrochent à leur vision universaliste et naïvement humanitaire, alors que la réalité du choc des civilisations et des empires s’impose à leurs yeux, et d’un autre côté, ceux qui entretiennent la nostalgie d’une souveraineté nationale perdue, et qui ne peut plus être parce qu’elle est déconnectée de la puissance.
    Le pic du délire du multiculturalisme, version postmoderne de l’universalisme, a semble-t-il été atteint en Allemagne. Après quelques autres villes allemandes, la bourgmestre de Cologne vient d’annoncer qu’à l’avenir, chaque vendredi, l’appel du muezzin à la prière lancé à tous les Musulmans, sera autorisé. Sous certaines conditions, et en fonction des quartiers, est-il dit. L’argument avancé est que la décision est commandée par la tolérance et l’équité et par la volonté d’aller vers une société plus homogène et plus fraternelle. Alors que ces autorisations sont clairement des capitulations sociétales, significatives, tout simplement, d’un basculement dans le rapport de force démographique en faveur de la composante musulmane (principalement turque) de la population allemande. Comme sa voisine la France et peut-être plus vite qu’elle, et de façon plus nette en raison du vieillissement plus accentué de sa population, l’Allemagne se transforme en une polyarchie ethnique. Soit une société où les communautés ethnoreligieuses font les votes et influencent la politique nationale (cf. l’attitude toujours passive ou consentante de l’Allemagne envers Erdogan, le dictateur turc). Il y a donc de quoi s’inquiéter pour la nation germanique quand on sait devant quelle crise démographique elle se trouve, et que les Musulmans ne représentent « encore » que 12% de la population d’une ville comme Cologne. Qu’en sera-t-il quand ce pourcentage aura augmenté, sinon explosé ?
    D’après Le Figaro, qui cite l’Institut de sciences sociales Insa-Consulere, 61% des Allemands se prononcent contre cette autorisation, qui fait tache d’huile, de l’appel musulman à la prière. Mais cette majorité reste bien silencieuse dans un pays où l’opinion est fortement conditionnée et où la repentance bat son plein. N’y voit-on pas la municipalité de la pourtant traditionnelle Munich envisager de débaptiser les rues portant les noms de Richard Wagner et de Richard Strauss soupçonnés du pire, c’est-à-dire d’avoir à leur manière, avec leur musique et les présupposés qu’elle colportait, fait le lit du nazisme… Rien de moins.

    Quant à la France qui s’enfonce dans le désordre communautaire induit par les politiques de laxisme migratoire conduites depuis cinquante ans , le débat public sur cette question vitale y devient plus vif, et plus ouvert, que chez sa voisine d’outre Rhin depuis quelques mois. Une première raison réside dans le triste et brutal spectacle permanent de ce désordre, dont la dénonciation fait le miel d’une chaîne de télévision privée (celles du service publique pratiquant au contraire l’omerta) dont le nouveau propriétaire a compris tout le profit qu’il pouvait en tirer en termes d’audience. Une seconde raison est la percée médiatique qu’effectue Éric Zemmour dans sa démarche présidentialiste en centrant son discours sur l’immigration et sur le déclin de la France. La justesse de son diagnostic, ses paroles sans circonvolutions et fondées sur une véritable culture à l’opposé de sa concurrente la plus à droite, en font dans le contexte actuel et face à un panel de protagonistes insipides, un excellent candidat de premier tour.
    Néanmoins, dans la perspective d’une victoire finale, le discours du polémiste, s’il entre dans l’arène électorale, est trop chargé de nostalgie. Car l’on ne construit pas l’avenir sur celle-ci (la France ne sera jamais plus celle de Louis XIV ou de Bonaparte). Mais au contraire sur des adaptations et des stratégies audacieuses. Il lui faudra donc se garder du délire souverainiste et ne pas prôner, comme nombre de ses partisans le souhaitent, le repli national. Il serait bien plus honorable et ambitieux pour la France, mais aussi bien plus adapté à un monde rempli de risques et d’hostilités, que de s’ériger en chef de file, car d’autres Etats suivraient, pour transformer l’Union européenne en une véritable puissance au service des peuples européens.
    On ne peut, bien entendu, préjuger du résultat du combat électoral à venir. Le passé incite à la prudence quant à tout pronostic et on se gardera bien d’en faire ici. Ce dont on peut, cependant, se réjouir à la lumière de ce que l’on observe, et à condition que cela dure, c’est au retour à la « guerre des dieux » de Max Weber, autrement dit à la guerre des représentations du monde qui marquerait le début de la fin de l’idéologie dominante.

    Gérard Dussouy (Voxnr, 25 octobre 2021)

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  • Taïwan : une stratégie chinoise de la strangulation lente ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard cueilli sur Geopragma et consacré à la stratégie chinoise pour annexer l'île de Taïwan malgré le soutien des États-Unis dont celle-ci bénéficie...

     

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    Taïwan : une lente strangulation chinoise

    Interrogé en public sur la question de Taïwan par un journaliste le 21 octobre 2021, le président américain actuel est sorti de l’ambiguïté stratégique que tous ses prédécesseurs avaient soigneusement conservée depuis que les États-Unis ont, en 1979, reconnu officiellement la République populaire de Chine et sa doctrine d’un seul pays. Joe Biden a affirmé que si les forces communistes de l’Armée populaire de libération chinoise attaquaient Taïwan, l’Amérique se porterait militairement au secours de la petite île démocratique agressée.

    Le sujet était dans tous les esprits, dans la mesure où l’ambassadeur de Chine à Washington, Zhang Jun, venait de critiquer publiquement « les dangereuses actions américaines dans le détroit de Formose ». Ce diplomate de haut rang manie parfaitement l’inversion accusatoire, procédé rhétorique consistant à accuser l’autre de ses propres noires intentions. C’est en effet l’armée de l’air chinoise qui a multiplié, aux mois de septembre et d’octobre 2021, les vols dans la zone de défense de Taïwan et non les chasseurs-bombardiers américains qui sont allés frôler les côtes de la Chine populaire. L’ambassadeur voulait-il critiquer le passage de bâtiments de l’US Navy à travers le détroit, qui fait quand même 170 kms de large ?

    Aucune nation occidentale, ni même asiatique, ne reconnaît la prétention de la Chine à accaparer ce détroit, comme elle prétend accaparer la Mer de Chine du Sud. Dans cette mer plus vaste que la Méditerranée, qui va lécher les rives du Vietnam, de la Malaisie, de Brunei et des Philippines, l’armée chinoise s’est emparée d’une demi-douzaine de récifs jusque-là inhabités et considérés par le droit maritime international comme des terrae nullius (des territoires n’appartenant à personne). Elle les a poldérisés, et y a construit des aérodromes. Elle y a placé des missiles et des bombardiers stratégiques. Elle veut contrôler cet espace maritime, pas seulement pour ses richesses halieutiques ou pétrolières, mais aussi parce que c’est le chemin qu’empruntent ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins pour rejoindre les eaux profondes de l’Océan Pacifique.

    En matière de dissuasion nucléaire, la Chine s’est longtemps tenue à la politique de modération prônée par Deng Xiaoping. Elle avait adopté le modèle français d’un armement nucléaire minimum, juste capable d’une dissuasion du faible au fort. Avec Xi Jinping, elle a changé de stratégie, pour passer à un armement nucléaire important, capable d’intimider les autres puissances nucléaires de la planète. Elle vient de tester une arme hypersonique orbitale, capable de déjouer tous les systèmes de détection existant.

    Assisterons-nous, au cours de cette décennie, à une guerre navale entre la Chine et l’Amérique pour le contrôle de Taïwan ? Rationnellement, la Chine communiste n’a aucun besoin de cette île montagneuse de 36000 km2 et de 23 millions d’habitants pour pouvoir continuer à se développer et à s’enrichir. Certes la firme taïwanaise TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) est la championne du monde des processeurs de smartphones et des microcontrôleurs de véhicules automatisés. Mais la Chine populaire, qui produit 50000 ingénieurs de très haut niveau par an, ne tardera pas à rattraper Taïwan dans le domaine des semi-conducteurs.

    Le problème n’est pas un quelconque désir de prédation mais plutôt l’orgueil. Xi Jinping est un nationaliste extrême, qui rêve de ramener Formose au sein de la mère patrie. Sa répugnance à la prise de risque est moindre que celle de ses prédécesseurs à la tête du parti communiste. Ces derniers rendaient des comptes auprès de leurs pairs du Comité permanent du bureau politique. Depuis qu’il a aboli toute limite à ses mandats, Xi ne rend plus de comptes qu’à lui-même. Par ses discours, comme par les films grand public que produit le régime, il chauffe à blanc le nationalisme de la population. Le « nationalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage » disait Jaurès. Depuis qu’il est président de la commission militaire du Parti, Xi Jinping a plus que doublé le budget des armées de son pays.

    Mais je ne crois pas qu’il envisage un débarquement en force, du type Normandie 1944. Depuis Sun Tsu, le summum de la stratégie en Chine est de vaincre sans porter le fer. Intimider pour faire céder. La stratégie sera plutôt celle d’une strangulation lente. Par un blocus naval et aérien qui se mettra progressivement en place, en profitant de tous les moments stratégiques d’absence américaine – dus à des crises dans d’autres régions, à des élections trop disputées, ou à des scandales du type du Watergate. C’est à la faveur de cette affaire que la Turquie s’était par la force emparée, à l’été 1974, de tout le nord de l’île de Chypre. Trop occupés par leur problèmes domestiques, les Américains n’avaient, alors, pas réagi.

    Renaud Girard (Geopragma, 27 octobre 2021)

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  • Le militantisme moral ou la gangrène de la politique française ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexandre Page, cueilli sur Tysol et consacré au besoin pour la France de politiciens en prise avec leur peuple. Alexandre Page est docteur en histoire de l’art et écrivain.

     

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    Le militantisme moral ou la gangrène de la politique française

    Compte tenu de l’omniprésence de son nom dans les médias, il faudrait vivre sur une autre planète pour ne pas avoir entendu parler du dernier séisme des sondages électoraux pour les présidentielles de 2022 : Éric Zemmour, candidat même pas encore déclaré et soutenu par aucun parti serait au second tour des élections présidentielles avec au moins 17 % de promesses électorales.

    Ce séisme n’est cependant pas le plus notoire. Ce qu’il convient de retenir, c’est que ce score n’est pas si éloigné de celui de toute la gauche réunie, et qu’en s’ajoutant à ceux de toute la « droite dure », il représente allégrement le tiers de l’électorat décidé à voter en avril 2022.

    Toutefois, ce que ce sondage traduit, c’est d’abord la lassitude des Français à l’égard des appareils politiques, même celui du président qui avance sous son seul nom lorsque LREM est renvoyé aux oubliettes. Une raison est assez facile à trouver. En vérité, il n’y a plus en France beaucoup de politiciens, espèce qui s’éteint et qui — je m’en expliquerai ci-après — a subi une mort progressive venue de la gauche avant de gagner la droite. Cette maladie qui a tué les politiciens français au fil du temps pour n’en laisser aujourd’hui qu’une faible poignée s’appelle le militantisme moral. Cette notion apparue dans les années soixante se distingue du militantisme politique dans le sens où il repose essentiellement sur des concepts d’ordres humanitaires, sociaux, écologiques, dans une vision à priori trans-partisane et universelle. En soi, ce n’est pas mauvais, mais par définition, le militantisme moral ne fait pas bon ménage avec la politique, un peu comme le chlore avec le nitrate d’ammonium, et aujourd’hui les politiciens français ont laissé place à des militants se prenant pour des politiciens.

    La différence entre le militant et le politicien est fondamentale, car le militant défend une cause, des valeurs auxquelles il tient plus que tout et qu’il va servir utilement dans des associations, des organismes, des fondations… Un politicien, à l’instar de toute autre personne s’engageant à servir l’État, se met au service de son pays, de sa population et doit traduire dans ses actes ce qui ressort du débat démocratique. Pour cela, il doit mettre de côté ses propres dogmes, ses utopies, sa vision du monde, car il est un instrument et non un combattant (définition originelle du militant). Un militant peut être utopiste, un politicien doit être réaliste ; un militant peut vivre en théorie, un politicien doit être pragmatique ; un militant est là pour changer les choses, un politicien est là pour répondre au peuple devant lequel il est redevable. C’est là un principe assez simple à comprendre, mais il s’avère qu’aujourd’hui l’essentiel de nos hommes politiques — et les femmes ne font pas exception, en dépit du sacro-saint génie féminin que nous vantent certaines féministes — est militant. Ils ne sont pas dans la réalité, ils ne sont pas pragmatiques, ils ne se sentent redevables devant personne de leurs actions. Ils sont utopistes, vivent en théorie et se croient tout permis. C’est un phénomène qui est d’abord né à l’extrême gauche avec le décalage croissant entre la réalité du monde et les propos et programmes politiques du NPA, de Lutte ouvrière ou encore du Parti communiste. Ils ne veulent pas se mettre à jour des réalités du monde et restent enferrer contre vent et marée dans leur utopie. Ils ne cherchent pas à écouter les Français, à répondre à leurs problèmes, mais à défendre leur vision du monde déphasée par rapport à la réalité. Ce phénomène a progressivement contaminé toute la gauche et effondré les scores des partis les uns après les autres jusqu’à réduire le PS, jadis invité traditionnel du second tour des présidentielles, à 4 %. Puis il a mangé et mange encore le centre, amalgamé à ce fourre-tout nommé « majorité présidentielle », et la droite qui ressemble fort au noyé tentant de se débattre pour survivre, mais tout proche de voir ses dernières forces le lâcher. Toutes ces chutes, ces dégringolades, viennent du même mal : ces partis ont perdu leurs politiciens troqués contre des militants. Cette situation explique d’ailleurs l’impuissance actuelle de tous à contrer l’ascension d’Éric Zemmour, alors même qu’il semble prêter le flanc avec un programme en délicatesse sur un certain nombre de sujets (culturel, écologique, diplomatique…). Elle explique plus généralement l’appétence des Français pour les candidats souverainistes de droite dure. Comment un homme politique réagirait-il face à cette ascension ? Il chercherait sans doute à comprendre l’origine de ces votes. En en comprenant l’origine, il chercherait ensuite à répondre politiquement par des propositions qui donneraient des solutions aux problèmes et aux réclamations des Français. Enfin, il appliquerait en homme politique le programme qu’il a promis, car il ne se prend pas pour une diva redevable de rien devant personne. Ça, c’est ce que ferait un homme politique, mais pas un militant déguisé en homme politique. Le militant, face à ces votes, va d’abord pleurnicher, s’alarmer, gronder, se répandre en sentiments shakespeariens dans les médias. C’est, par exemple, la « nausée » d’Anne Hidalgo. Les émotions marchent très bien en matière de militantisme moral dans les ONG, dans les associations, dans les fondations, mais en politique, queue de cerise ! Ensuite, le militant va rester enferrer dans ses idées, dans ses dogmes, il est indéboulonnable, même lorsque les sondages lui prédisent un score tel qu’il ne remboursera pas ses frais de campagne. Les Français ne le suivent pas, mais ce n’est pas grave, il croit toujours que son programme dogmatique est ce qu’ils attendent. Là encore, les gens aiment le militant de Greenpeace qui sur sa barque se met devant les baleiniers géants, mais en politique, ils veulent qu’on écoute et qu’on réponde à leurs problèmes. Enfin, le militant, si par miracle il est élu, par exemple en ayant compris les deux premiers points, va vite jeter son programme en carton-pâte à la poubelle et faire non pas ce que les Français veulent, mais ce qui correspond à sa vision personnelle de ce que doit être le pays et la vie des Français.

    Ainsi, l’homme politique va comprendre que le succès d’Éric Zemmour ou de Marine Le Pen vient probablement de leurs propositions, des sujets qu’ils abordent, des problèmes qu’ils soulignent voire surlignent au marqueur jaune indélébile. Le militant, lui, ne cherche pas à comprendre. Il ne veut rien entendre et s’enferre dans son déni ou son utopie en disant publiquement que « Les Français n’ont rien compris » et secrètement que ce sont de gros cons fachos (et parfois ils le disent également en public).

    Le militant veut imposer sa vision du monde aux Français, un homme politique va construire le monde avec les Français et donc nécessairement devoir les écouter, leur répondre et mettre en œuvre ce qu’ils réclament. Prenons un exemple. Récemment un sondage montrait que 92 % des Français étaient favorables à la perpétuité réelle. Les Français de manière générale sont pour une justice beaucoup plus sévère. Un homme politique n’a pas à faire autre chose que de répondre présent sur ce sujet et de donner satisfaction par des mesures allant en ce sens. Pourtant, entre le déni des uns sur le laxisme judiciaire et les promesses jamais tenues des autres qui ont pris part à l’exercice du pouvoir, force est de constater que le sujet n’est vraiment abordé que par la droite radicale. Alors peut-être que les Français ont tort sur le laxisme judiciaire, mais il n’y a pas de fumée sans feu, et si autant réclament plus de sévérité, ça vient sûrement d’une expérience concrète. Peut-être de cet homme qui insulte les policiers, vole du matériel aux pompiers et écope d’un affreux vilain méchant stage de citoyenneté en retour ! C’est là un exemple entre mille autres.

    Alors bien sûr, on taxe du gros mot de « populistes » ceux qui répondent au peuple, qui disent au peuple ce qu’il veut entendre, mais c’est la moindre des choses en démocratie alors que le peuple est souverain. Si Éric Zemmour ou Marine Le Pen progressent dans les sondages, ce n’est pas en inventant les problèmes des Français. Si c’était si simple, avec tous ceux que la gauche « woke » leur inventent, Sandrine Rousseau serait déjà présidente. Ils répondent à des problèmes que les Français posent à tous et que tous écoutent, mais en omettant trop souvent la réponse.

    Prenons un autre exemple, celui de la question migratoire. Depuis plusieurs années des sondages se succèdent à ce sujet. En 2013, un sondage Ipsos avait ainsi relevé que 7 Français sur 10 estimaient qu’il y avait trop d’étrangers en France. Plus récemment, deux sondages sont venus confirmer qu’il n’y avait pas de changements notables sur ce sujet : 6 sur 10 sont favorables à un référendum pour limiter l’immigration, 4 sur dix seraient même favorables à une immigration zéro.

    Alors peut-être que les Français ont tort encore une fois, mais en vérité, l’immigration est surtout ce qu’on en fait et on peut peut-être concevoir qu’aujourd’hui il y a des problèmes considérables qui ne sont pas réglés. Le chiffre ridiculement petit des expulsions de citoyens étrangers du sol français pourtant actées par la justice française en est un exemple. Un homme politique, un véritable, ne chercherait pas à nier ces problèmes au prétexte que ça contreviendrait à sa vision idyllique de l’immigration et de ses bienfaits et que ça pourrait le maquiller d’un mascara facho. Un militant par contre, ou un militant déguisé en homme politique, chercherait à les nier, car pour lui l’immigration c’est forcément bien, c’est forcément génial, il n’y a aucun souci, tout baigne pour le mieux dans le meilleur des mondes, et les Français qui ne pensent pas cela sont soit des fachos, soit des abrutis. Le militant est dans le déni, car la réalité heurte ses valeurs et ses convictions, jette dans la tempête son utopie.

    Être politicien, un vrai politicien, et sûrement Éric Zemmour ne l’ignore-t-il pas pour en avoir connu une flopée, c’est toujours se souvenir qu’en démocratie, le peuple est souverain. Il est l’armateur du navire qui nomme son capitaine et son équipage en choisissant la route qu’ils doivent prendre. Certes, la démocratie française est bien malade et sûrement beaucoup de politiciens oublient-ils cette réalité à cause de ça, mais elle subsiste, là, sous-jacente, prête à ressurgir. Être militant, c’est s’enfermer dans sa vision dogmatique, contre vent et marée, avec la conviction que la vision que l’on porte est la bonne et en niant bien souvent les réalités contraires. Mais si le capitaine va en Amérique quand l’armateur lui demande d’aller en Afrique du Sud, alors l’armateur change le capitaine et l’équipage. Trop de politiciens aujourd’hui se prennent pour des armateurs, oublieux de leur rôle car devenus complètement hermétiques aux réalités de leur pays, aux ressentis de leur peuple.

    Je conclurai cette déjà longue réflexion politique en soulignant qu’il est bien triste dans une prétendue démocratie de devoir se fier à des sondages plutôt qu’à des référendums pour prendre le pouls de l’opinion des Français. Neuf référendums sous la Ve République née en 1958… En 2019, 73 % des Français en réclamaient un dixième dont 71 % s’exprimaient pour un référendum sur le pouvoir d’achat. Voilà nos candidats à la présidentielle dûment informés, à eux de voir si leur dogmatisme l’emportera sur la seule et unique réponse logique qu’ils doivent promettre et mettre en œuvre au service des Français à ce sujet.

    Alexandre Page (Tysol, 18 octobre 2021)

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  • 50 ans d’escroquerie politique, ou le déni français devant l’immigration...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'immigration.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    50 ans d’escroquerie politique, ou le déni français devant l’immigration

    D’abord, ils sont venus pour repartir. Ils, ce sont ces Maliens, Algériens, Marocains, etc., recrutés parfois par villages entiers par d’anciens militaires français dans les années 1960 pour répondre aux besoins d’une industrie française en plein essor, mais qui refusait d’investir dans les robots et préférait le travail à la chaîne de millions d’OS — ouvriers spécialisés. Certains peuplaient les bidonvilles, d’autres s’entassaient dans les logements insalubres, mais déjà, avec la construction des grands ensembles et des villes nouvelles, il était évident dans les années 1970 qu’ils ne repartiraient pas — mais interdit de le dire ! Ils étaient venus pour travailler, ils repartiraient sitôt leur tâche remplie.

    Fin de l’assimilation, tous Français !

    Après, ils allaient tous s’assimiler, et au nom de quoi douter qu’ils seraient bientôt tous des Français comme les autres ? C’est le moment qui vit le regroupement familial autorisé par le décret du 29 avril 1976 à l’initiative de Jacques Chirac sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, donc sans débat au Parlement. Puisqu’ils avaient acquis des droits — assurance maladie, retraite, logement — pourquoi ne pas permettre à leurs familles de les rejoindre ?

    Certains pourtant parlaient de quotas, de seuils de tolérance, suggéraient que l’afflux de migrants d’autre religion, d’autres cultures, pouvait ne pas garantir leur assimilation à une France encore très majoritairement blanche et chrétienne, à la différence des maçons italiens et des mineurs polonais — mais interdit d’en parler ! Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, et si quelques incidents troublaient la sérénité du discours, c’était la faute des lanceurs d’alerte, des racistes et des beaufs, confondus dans le même opprobre ! Et quand le gouvernement de Raymond Barre voulut stopper pour trois ans le regroupement familial, le Conseil d’État lui barra la route, le 8 décembre 1978, transformant l’immigration de travail en immigration de colonisation (selon Abd el Malek Sayad).

    Puis vint la marche des Beurs, du mouvement « Ni putes ni soumises », suivi de la grande manipulation montée par SOS Racisme. C’était le milieu des années 1980. Jeunes et moins jeunes musulmans, et une majorité de femmes avec eux, voulaient affirmer la compatibilité de leur Islam avec la République, et proclamaient leur volonté d’être reconnus pleinement Français, ni plus ni moins. Les femmes étaient majoritaires dans un mouvement qui aurait pu changer les rapports entre la France et l’Islam. Mais les socialistes internationalistes, agents de la soumission de la France à la globalisation montante, ne pouvaient supporter un mouvement qui échappait à leur tutelle, et risquait de refonder la lutte des classes en réalisant la solidarité entre classes populaires françaises et descendants d’ouvriers immigrés partageant leurs conditions de vie.

    La faute aux Français

    Il fallait diviser — il leur faut toujours diviser. Monté de toutes pièces avec la complicité d’un État socialiste en mal d’idées, SOS racisme tourna la revendication des Beurs en tout autre chose ; la haine de la France et des Français, présumés racistes, haineux et pétainistes, la soumission à un internationalisme qui détruisait toute possibilité de progrès social français, et enfin, et surtout, l’annonce d’un droit à la différence et l’apologie d’un multiculturalisme qui effectivement, porteraient gravement atteinte à l’unité de la Nation. Ceux qui voulaient être reconnus Français furent mobilisés contre les Français !

    Menaces, intimidations, chantages allaient s’abattre sur les Français résistants ; certains évoqueront une dérive tribale, d’autres une soumission de la France à une minorité nuisible, d’autres encore un abaissement rapide de l’unité de la France — mais interdit d’en parler et même de voir les effets de la manipulation qui fera réélire François Mitterrand en 1988 ; les différences sont une chance, la France est plus belle de toutes les couleurs, la diversité est notre avenir… rien n’a changé! Et certains, qui jouent encore la division des Français, appliquent en 2021 la recette qui a si bien réussi en 1988.

    Il fallut bien reconnaître que tout n’allait pas tout seul. La belle histoire avait des ratés. Longtemps nié, le rapport entre montée de la délinquance et immigration, difficultés d’intégration et seuils quantitatifs, devenait évident. Plus question de dire que tout allait bien dans la meilleure des France possibles ! Il suffisait de dire que ce qui tournait mal était de la faute des Français — des Français de France, cela va sans dire. Dans l’exercice, l’échine courbe d’un conseiller d’État fit merveille. Publié en 2013, le rapport Tuot en vint à commander aux Français de s’adapter aux immigrés, dénonçant « la célébration du passé d’une France chevrotante». Le Conseil est familier de ces hardiesses morales.

    L’immigration, une arme contre les nations

    Le rapport Tuot ne parquait pas encore les Français dans des réserves, mais l’idée y était — confinez ces Français qui se croient chez eux en France, veulent garder leur drapeau, leur langue, leur culture, et continuent de croire en leur Nation ! Remplacez-les vite ! D’ailleurs, les Français éliraient bientôt un Président qui leur dirait que la culture française n’existe pas ! D’ailleurs, la maire de Cologne viendrait, en octobre 2021, déclarer que les valeurs de la diversité qui distinguent Cologne autorisent l’appel du muezzin à retentir sur la ville, chaque jour, à midi ! Et bien peu soulignèrent la logique juridique du rapport ; si nous sommes tous des nomades comme les autres, si dire « chez nous » ou « chez soi » est interdit, alors en effet chacun doit s’adapter à une diversité que nul ne contrôle ni ne prétend contrôler. Qui a parlé d’occupation ?

    Et enfin, vint le pacte de Marrakech. Rien qui agite les tribunes ; d’ailleurs, la France y dépêcha un obscur secrétaire d’État au tourisme dont nul ne rappelle le nom. Le pacte, vague et « généreux », proclame le droit universel et incontournable de tout être humain à s’installer dans le pays de son choix. La « générosité » invoquée dispense de considérer les effets concrets de l’appel aux migrations, aussi dramatique pour les populations dites d’accueil que pour la majorité des migrants. Selon une méthode bien rodée, le Pacte est présenté comme une déclaration de droits généraux et abstraits, qu’il appartient à chaque Nation de traduire en droit positif. Et c’est là que l’Union européenne entre dans le jeu, une Union qui a toujours utilisé l’immigration de masse comme une arme contre les Nations — comme si dissoudre les Nations était le moyen de renforcer l’Europe ! Car la conséquence est claire ; la droit à la mobilité signe la mort des mutualités nationales. Si les citoyens les plus riches acceptent de payer pour les citoyens plus démunis, c’est parce qu’ils ont la Nation en commun. Faites-la disparaître, et la mutualité disparaîtra avec elle — où se transformera en charité ; qui est autre chose que la justice, bien moins, ou bien plus, mais n’a rien à voir avec l’égalité.

    Le bilan d’un demi-siècle de mensonges et de déni est accablant. Moins par ce qui a été fait que par l’impossibilité constatée de le défaire ; même Valéry Giscard d’Estaing a déclaré que son plus grand regret était d’avoir autorisé le regroupement familial… L’impuissance politique à répondre aux souhaits de la majorité des Français est éclatante. Elle signe un recul de la démocratie. Seule, une volonté majoritaire clairement exprimée par referendum pourrait faire prévaloir le droit du sang, à condition qu’il soit mis fin à la dictature des institutions européennes et des cours dites de justice. À condition surtout que le débat soit ouvert, les chiffres sur la table, et qu’il soit permis de parler-vrai. Chacun connaît de ces brutes de plateau télé qui ont pour parler de l’immigration des pudeurs de jeune fille. Et chacun connaît ces intellectuels qui éclairent avec lucidité nos débats politiques, mais se gardent bien de dire ou d’écrire un mot sur les migrations. Comme Marcel Gauchet récemment, ils trouvent toutes les raisons de disséquer l’échec du Président Emmanuel Macron, sauf la plus évidente…

    L’immigration au cœur de la campagne présidentielle

    Est-ce enfin le moment de rendre justice à ceux qui se sont battus, qui ont été insultés, poursuivis, persécutés pour avoir dit ce qu’ils voyaient et pour avoir donné une voix aux Français qui n’en ont pas ? Car leur heure est venue. C’est sans doute la première vertu du débat présidentiel actuel; le débat sur l’immigration est enfin au centre des propositions, comme il est au cœur des préoccupations des Français. Pour prendre la place qu’il mérite, et surtout déboucher sur les changements décisifs et nécessaires, quatre conditions s’imposent.

    La première est de tenir fermement la boucle qui unit laïcité et citoyenneté. La laïcité rend la République, certainement pas aveugle, mais indifférente à la religion ; chrétien, musulman, juif, bouddhiste, etc., tout citoyen est également français si, et le si est majeur, sa nationalité le relie plus fortement aux Français qu’à ses coreligionnaires. En clair, est Français qui fait passer la France avant Jérusalem, La Mecque ou Rome. Et chacun voit bien que le débat actuel qui tend à désigner l’Islam comme unique problème est largement biaisé. Les musulmans ne sont pas seuls à préférer leur religion à leur patrie.

    La seconde est d’en finir avec l’obsession économique qui fait s’affronter les tenants d’une immigration qui rapporte, et ceux qui font le compte des coûts de toute nature qu’elle entraîne. Évaluer l’immigration en rapport coût-bénéfice ne fait pas honneur à ceux qui se livrent à des calculs d’ailleurs toujours imparfaits, et jamais concluants. Et il faut aussitôt mesurer l’intérêt qu’ont les multinationales à prôner l’immigration ; le déracinement supprime toutes les satisfactions humaines, sauf celle de consommer. L’homme hors sol contribue à la croissance, oui, mais en cessant d’être lui-même. Bel effet de l’humanisme des Gafam et autres escrocs de l’humanisme libéral ; le multiculturalisme signifie la fin de toute culture. Et c’est l’objectif recherché.

    La troisième est de revenir sur cette condition de la citoyenneté, qu’est la souveraineté. Est citoyen celui qui décide avec les autres citoyens de ce qui les concerne. Eux, et pas d’autre. Eux, sur leur territoire, et pas ailleurs. Autant dire que les cinquante dernières années resteront comme le plus formidable déni de démocratie qui ait été ; de ce qui a été l’une de leurs premières préoccupations, voire la première, l’immigration de masse, les Français n’ont jamais pu débattre, décider, et voter. Et le principe est clair ; une Nation est libre de fixer les critères qu’elle veut à l’accès à son territoire, à sa citoyenneté, aux systèmes de solidarité mutualisés, sinon elle cesse d’exister en tant que Nation, pour devenir une offre où chacun fait son marché — les uns, en devenant exilés fiscaux, les autres, en devenant les clients des guichets sociaux. Nous en sommes là.

    Le quatrième principe est devenu indicible, parce que le seul mot de discrimination condamne celui qui l’emploie. Et pourtant, une Nation prend forme quand elle sépare les citoyens des non-citoyens, quand elle privilégie les uns par rapport aux autres, quand elle fonde cette solidarité nationale qui unit les citoyens entre eux en les séparant des étrangers. Voilà ce qui est en jeu derrière les dérives de l’Union européenne, voilà ce que le pacte de Marrakech veut détruire. Une Nation qui ne préfère pas ses citoyens se condamne elle-même — et si cela s’appelle discriminer au bénéfice de ses citoyens, qu’importe le mot, puisque la chose est juste !

    J’ajouterais un dernier point, crucial parce qu’il touche à la dignité humaine. J’ai connu les pays où toute rencontre commence par ; « d’où viens-tu ? » La question est interdite, parce qu’elle renvoie à des origines et à des territoires, à des déterminations que le nomadisme de rigueur entend faire disparaître — le local, voilà l’ennemi ! La question est interdite, parce qu’elle conduit à interroger l’appartenance ethnique, culturelle, et que la réalité de ces appartenances, leur poids humain comme leur évidence, doivent être niés pour que la société du métissage généralisé puisse advenir — le réel ethnique, religieux, voilà l’ennemi !

    Et qu’arrive -t-il quand plus aucune différence ne fait plus de différence (René Girard) ? L’argent seul fait la différence. Quand la couleur de peau ne fait plus aucune différence, la couleur de la carte de crédit discrimine efficacement — et cette discrimination là, universelle, n’est critiquée par personne. Le capitalisme totalitaire entend régner sans partage, et abolir toute distinction qui n’est pas d’argent.

    A ce compte, le bûcher des identités brûle à grands feux. Et résonne la grande voix de Proudhon ; «  Qui dit humanité veut tromper », pour nous rappeler que les hommes ne sont jamais les mêmes, et que la frontière est le dernier garant de nos libertés contre la loi d’airain de la démographie.      

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 11 octobre 2021)

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