Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non qui évoque la question de la tradition au travers des essais de Dominique Venner, Histoire et traditions des Européens et Un samouraï d'Occident...
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Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non qui évoque la question de la tradition au travers des essais de Dominique Venner, Histoire et traditions des Européens et Un samouraï d'Occident...
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Conrad, cueilli sur le site de l'Institut Iliade et et consacré à la défaite américaine en Afghanistan.
Agrégé d'histoire et professeur à l’École de guerre, successeur de Dominique Venner à la tête de la Nouvelle revue d'histoire, Philippe Conrad est l'auteur de nombreux ouvrages dont Histoire de la Reconquista (PUF, 1999), Le Poids des armes : Guerre et conflits de 1900 à 1945 (PUF, 2004), 1914 : La guerre n'aura pas lieu (Genèse, 2014) et dernièrement Al-Andalus - L’imposture du «paradis multiculturel» (La Nouvelle Librairie, 2020).
L’Afghanistan, éternel « tombeau des empires »
« Combattre en Afghanistan est très dur pour des raisons géographiques, nationales et religieuses. Avant de lancer une opération militaire, il faut tenir compte de nombreux éléments et prendre une décision mûrement réfléchie, la tête froide. » Auteur de ces lignes, le général Boris Gromov commandait, en février 1989, le retrait soviétique d’Afghanistan. En 2001, au moment où, en réponse aux attentats du 11 septembre, l’Amérique chassait le pouvoir taliban de Kaboul, il avertissait les responsables américains des difficultés qu’ils allaient rencontrer face au régime islamiste installé depuis 1996.
Ces hautes terres enclavées forment une région difficile que les envahisseurs successifs n’ont jamais pu maîtriser totalement. Voie d’invasion en direction du subcontinent indien et carrefour placé aux périphéries de plusieurs grands espaces de civilisation – l’Inde au sud-est, le monde des steppes d’Asie centrale au nord, le plateau iranien à l’ouest – l’Afghanistan a été convoité par tous les grands empires qui tentèrent de contrôler l’Asie centrale et méridionale.
Le pays ne fut généralement conquis que de manière éphémère. Les puissances mondiales qu’étaient l’Angleterre au XIXe siècle, l’URSS au XXe et les États-Unis au XXIe y ont même subi de sanglants échecs.
Une voie de passage et d’invasions depuis la nuit des temps
Quinze siècles avant notre ère, les Aryens ouvrent la voie. Ils seront suivis par les Perses, les Macédoniens d’Alexandre, les Saces, les Huns hephtalites, les Arabes, les Mongols de Gengis Khan, les Turco-mongols de Tamerlan puis de Bâbur…
L’Himalaya et les jungles de Birmanie barrant au nord et à l’est l’accès terrestre à l’Inde, c’est par l’ouest que les envahisseurs, les marchands ou les pèlerins bouddhistes chinois se dirigeaient vers les grandes et riches cités du bassin indo-gangétique. À certaines époques, la région – où se développera, au IVe siècle, le royaume d’Avagana (qui donnera leur nom aux Afghans) – apparaît même comme le centre de gravité de la puissance dominante du moment.
Voie de passage, le pays sera aussi une base de départ pour les envahisseurs qui constitueront, à partir d’elle, des empires plus ou moins durables. Le sultan Mahmoud fait ainsi de Ghazni, au début du XIe siècle, une capitale musulmane rivale de Bagdad. Il peut ainsi lancer depuis l’Afghanistan des razzias répétées et dévastatrices vers l’Inde toute proche.
Après lui, Bâbur se prétend l’héritier de Gengis Khan et de Tamerlan : il s’empare de Kaboul en 1504 avant de se lancer sur l’Inde pour y anéantir le royaume de Delhi. Repliés un temps sur leur refuge afghan, ses descendants bâtissent le brillant empire moghol. Au XVIIIe siècle, quand s’effondre la puissance de la Perse safavide, c’est Ahmed Shah qui construit le « grand Afghanistan » étendu de l’Iran à l’Inde.
Vaincre par la terreur et le massacre
Ce monde difficile fut le théâtre de l’un des épisodes les plus remarquables de l’épopée d’Alexandre. Parvenu dans la région de Kaboul, le conquérant macédonien fait remonter à son armée la haute vallée du Panshir jusqu’au col de Khawak (3548 m). Il le franchit en taillant son chemin dans la glace. En Transoxiane, six jours sont nécessaires pour traverser l’Oxus (l’actuel Amou Daria) en crue. Lors de la marche vers Maracanda (Samarcande), la capitale de la Sogdiane, Alexandre réussit la « pacification » par le massacre systématique des populations rebelles. Faute de pouvoir livrer des batailles rangées, les Macédoniens s’organisent en colonnes mobiles qui traquent et affament l’adversaire pour éradiquer la guérilla. Quand Alexandre marche vers l’Indus en juillet 327, il « nettoie » tout ce qui peut constituer une menace pour ses arrières.
Seize siècles plus tard, Gengis Khan établit sa domination avec les mêmes méthodes. Balkh, Bamyan, Ghazni et Hérat sont alors rasées. Toute leur population est méthodiquement massacrée. Isolées, les formidables forteresses qui se dressent à proximité de Bamyan sont finalement prises en 1222. Elles étaient pourtant jugées inexpugnables. Un siècle et demi plus tard, Tamerlan sera le digne successeur du conquérant des steppes. Envahi en 1380, l’Afghanistan sort exsangue de ce nouveau cataclysme.
Échec anglais puis russe aux XIXe et XXe siècles
Solidement installés aux Indes au XVIIIe siècle, les Britanniques entendent protéger l’ensemble du subcontinent de toute menace venant du nord-ouest et doivent pour cela contrôler la passe de Khaïber (Khyber). Inquiets des visées russes sur la région et soucieux d’interdire aux tsars l’accès aux mers chaudes, les Anglais installent l’un de leurs protégés à Kaboul en 1839, mais une grande révolte éclate deux ans plus tard et le général Elphinstone doit négocier une humiliante retraite.
L’Armée anglaise va connaître, une semaine durant, un véritable calvaire. Dans l’impossibilité de manœuvrer, elle subit le feu d’adversaires embusqués sur les hauteurs des points de passage obligés. Les pertes sont terribles : sur les seize mille cinq cents hommes (dont douze mille auxiliaires indigènes indiens) partis de Kaboul le 4 janvier 1842, un seul, le chirurgien Brydon, arrivera à Djalalabad une semaine plus tard ! La lenteur de la progression dans la neige épaisse, le froid terrible et les embuscades à répétition des Afghans ont eu raison de l’armée anglaise d’Afghanistan. Les Britanniques reviendront à Kaboul à la fin de la même année mais l’échec reste cuisant. Ils n’en ont pas fini avec les Afghans. Deux autres guerres les opposeront en 1878-1892 et en 1919.
En décembre 1979, l’intervention soviétique a pour objectif la liquidation d’une fraction du parti communiste local au profit d’une autre, jugée plus apte à maîtriser l’insurrection islamiste qui gagnait de nombreuses régions. L’opération « Bourrasque 333 » va en réalité déboucher sur un terrible enlisement, annonciateur de l’effondrement de l’empire soviétique.
L’Armée rouge avait choisi de ne contrôler que l’Afghanistan « utile » soit 20% du territoire correspondant aux zones les plus riches et les plus peuplées : les régions du nord frontalières de l’URSS (qui exploitait le gaz naturel local pour financer « l’aide » fournie aux Afghans), le tunnel de Salang, la région de Kaboul et les principales autres villes de la route contournant la masse d l’Hindou Kouch et conduisant de Kandahar à Hérat. Des régions entières furent donc abandonnées à l’ennemi. Ce choix facilita la vie et les déplacements de la résistance. Les occupants russes commirent aussi l’erreur de vouloir occuper le terrain avec un contingent permanent de cent vingt mille hommes (environ six cent mille furent ainsi, au fil des années, engagés en Afghanistan). Après dix ans d’occupation, ils auront perdu quatorze mille hommes et compteront trente cinq mille blessés.
Plusieurs offensives lancées dans la vallée du Panshir contre les troupes du commandant Massoud échouèrent, les unités blindées et mécanisées soviétiques se révélant mal adaptées au combat en montagne. L’emploi des hélicoptères pour contrôler les hauteurs et y déposer des unités d’élite et pour appuyer les colonnes blindées dans les vallées ne connut pas plus de succès. Les bombes à effet de souffle, le napalm, les munitions chimiques, la dispersion massive de mines antipersonnel ne vinrent pas davantage à bout des moudjahidines. La répression mise en œuvre par le Khad (la police politique du régime de Kaboul) dressa encore davantage la population contre les envahisseurs et leurs collaborateurs locaux. L’aide américaine (quinze milliards de dollars d’armements) acheva l’Armée rouge, grâce notamment aux redoutables missiles sol-air Stinger.
Et les Américains pour finir…
L’échec subi à l’époque par les Soviétiques aurait dû donner à réfléchir aux responsables américains quand ils décidèrent d’intervenir au sol en 2001 pour favoriser l’émergence locale d’un système démocratique des plus hypothétiques.
Pour parvenir à leurs fins, ils auraient dû se garder de s’installer au sol pour une longue durée. Ils savaient qu’ils avaient intérêt à faire combattre les Afghans par d’autres Afghans et à tenter de rallier certains chefs de tribus pachtounes pour s’opposer au pouvoir taliban, largement perçu comme étranger par certaines populations.
Une connaissance insuffisante du terrain et des réalités afghanes, tout comme les illusions entretenues par le projet de nation building auront eu raison des plans concoctés par les officines néo-conservatrices de Washington. Dès 2001, le colonel russe Franz Klintsevitch – qui avait combattu en Afghanistan de 1986 à 1988 – prévenait :
« En cas d’intervention des troupes terrestres, qu’il faut retarder le plus longtemps possible, les États-Unis doivent s’attendre à une guerre de plusieurs décennies, sauf à supprimer toute la population… »
N’ayant rien voulu comprendre ni apprendre, comme toujours, les États-Unis subissent aujourd’hui une humiliation majeure.
Vae victis.
Philippe Conrad (Institut Iliade, 25 août 2021)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue stimulant de Guy Mettan, cueilli sur son blog Planète bleue et consacré à la deuxième guerre mondiale.
Responsable du Club suisse de la presse et ancien directeur-rédacteur en chef de la Tribune de Genève, Guy Mettan a notamment publié Russie-Occident : une guerre de mille ans (Syrtes, 2015) et Le continent perdu (Syrtes, 2019).
La Deuxième Guerre mondiale est-elle vraiment terminée ?
Libres réflexions sur le début et la fin du dernier conflit mondial
« La deuxième Guerre mondiale a commencé le 1er septembre 1939 avec l’invasion de la Pologne par les troupes nazies et s’est terminée le 8 mai 1945 avec la capitulation du Reich. » C’est ce qu’on apprenait dans les manuels scolaires des années 1950-1960 dans les écoles suisses et françaises. Pendant cinquante ans, ces dates me semblaient coulées dans le bronze et il ne me serait pas venu à l’idée qu’on puisse les remettre en cause.
Cependant, le Japon ayant été vaincu par les Etats-Unis après avoir reçu deux bombes atomiques, il a été assez vite admis qu’il fallait repousser la date de la fin de la deuxième Guerre mondiale au 2 septembre 1945, jour de la capitulation du Japon. Mais en Europe occidentale, cette date du 2 septembre est restée très abstraite. En effet, comme à cette époque on avait l’habitude de commémorer les dates du 11 novembre 1918, fin de la Première Guerre mondiale, et du 8 mai 1945, fin de la deuxième, c’est cette dernière date qui est restée gravée dans ma mémoire personnelle et dans la mémoire collective de la majorité des Européens occidentaux.
Il a fallu attendre 1991, la dissolution de l’Union soviétique et le « retour » des pays est-européens dans le giron occidental pour découvrir qu’à l’est, et en Russie notamment, on célébrait la fin de la Victoire sur le Reich le 9 mai et non le 8, à cause du décalage horaire provoqué par la signature tard dans la nuit de l’armistice. Du coup, les célébrations de la victoire sur le fascisme intervenaient un jour plus tôt en Occident. Ce qui lui permettait de s’attribuer, en catimini, la totalité de l’honneur de la victoire, devant la Russie soviétique qui se trouvait condamnée à ne la célébrer que le lendemain, comme un comparse de deuxième rang, un allié de deuxième zone, alors même qu’elle avait été le principal artisan de la victoire !
Cet effacement progressif de la contribution russo-soviétique à la victoire sur le nazisme a été puissamment renforcé par la montée en puissance de la date du 6 juin 1944, jour du Débarquement de Normandie, dont la commémoration a pris une importance de plus en plus marquée à la fin de la Guerre froide et après la disparition de l’Union soviétique. Il s’agissait pour les Occidentaux, de consolider l’Alliance atlantique, de renforcer le front « démocratique » contre le communisme et de réintégrer l’Allemagne dans le concert des nations européennes aussi bien au sein de l’Union européenne que de l’OTAN.
La célébration du Débarquement avait donc l’immense avantage de permettre de mettre de côté la Russie, sous prétexte qu’elle n’était pas présente sur les plages de Normandie le 6 juin, et d’adopter la posture du vainqueur magnanime en invitant les vaincus, les Allemands, aux cérémonies. C’est ainsi que le 6 juin 2019, à l’occasion du 75e anniversaire du Débarquement, les « Alliés » ont invité Angela Merkel en Normandie mais pas Vladimir Poutine, dont le pays avait pourtant libéré l’Europe du nazisme au prix de 26 millions de morts ! Au diable les réalités de l’Histoire, quand on peut ajouter l’injure à la distorsion des faits…
Naturellement cette forfaiture n’aurait jamais été possible du vivant des survivants du Débarquement. Les soldats alliés qui ont débarqué en Normandie, qu’ils aient été Anglais, Américains, Français ou Canadiens, savaient parfaitement qu’ils devaient leur vie et leur succès au sacrifice de dizaines de milliers de soldats soviétiques qui, pendant ces jours fatidiques, se faisaient tuer au combat sur le front de l’est pour empêcher Hitler de rapatrier ses blindés et ses troupes de choc en Normandie afin de faire échec au débarquement. Ils auraient été indignés que, pour des raisons politiques, la Russie fût exclue des festivités. Leurs témoignages sont très clairs à ce sujet. Mais aujourd’hui, les derniers survivants disparaissent, et avec eux l’esprit de justice et de fraternité des armes qu’ils défendaient.
Il serait intéressant de faire un sondage d’opinion. Mais je suis convaincu qu’aujourd’hui, en Europe occidentale, la date du 6 juin 1944 concurrence et même précède celle du 8 mai 1945 comme date essentielle de la deuxième Guerre mondiale. Elle devance en tout cas largement la date de la bataille de Stalingrad dans la mémoire collective ouest-européenne, qui pense par ailleurs que ce sont les Etats-Unis qui ont permis de vaincre l’Allemagne nazie.
Cela étant dit, la question des dates du début et de la fin de la 2e GM dépasse de loin ces considérations. On sait que pour les Chinois par exemple, la deuxième Guerre mondiale a commencé en 1937 déjà, avec l’invasion de la Chine orientale par les troupes japonaises, voire en 1931 si l’on remonte à l’occupation de la Mandchourie. Cette date n’est pourtant jamais retenue alors que la Chine, avec un bilan estimé entre 10 et 20 millions de morts, a payé le plus lourd tribut de la guerre après l’Union soviétique (Allemagne 7-9 millions, USA 0.4 million, Japon 2.5-3 millions).
Inversement, dans d’autres pays comme la Russie et les Etats-Unis, la Deuxième Guerre mondiale ne commence que le 22 juin 1941 avec l’Opération Barbarossa et le début de la Grande Guerre Patriotique (au risque d’oublier l’occupation de la Pologne orientale et la guerre de Finlande en automne 1939) et le 7 décembre 1941 avec l’attaque de Pearl Harbour.
On ne saurait pourtant réduire une guerre à ses seules batailles et opérations militaires. Si l’on pense avec Clausewitz que la guerre n’est que la poursuite de la politique par d’autres moyens, alors il faut aussi considérer les événements politiques. Et là, les choses se compliquent beaucoup. Les dates deviennent de moins en moins pertinentes, le choix dépendant fortement de l’idéologie et de l’origine géographique des auteurs.
Certains auteurs antisoviétiques ou antirusses ont par exemple suggéré de faire démarrer les hostilités avec le Pacte Molotov-Ribbentrop du 23 août 1939, oubliant commodément les accords de Munich du 30 septembre 1938. Ce sont pourtant ces derniers accords qui avaient abouti à l’invasion des Sudètes en Tchécoslovaquie et qui, de façon discrète et pernicieuse, avaient aussi cherché à détourner les appétits de conquête de Hitler vers l’Union soviétique plutôt que vers la France et la Grande-Bretagne. Cet aspect des accords de Munich n’est jamais mentionné par les historiens occidentaux alors même qu’il a conforté le bellicisme de l’Allemagne nazie. Après Munich, Hitler n’avait plus à se demander s’il voulait attaquer d’abord à l’est ou d’abord à l’ouest. Ce serait l’est, ce que Staline avait parfaitement compris et l’amena à conclure le pacte Molotov-Ribbentrop.
Quoiqu’il en soit, la majorité des historiens s’accorde à penser que la principale cause de la Deuxième Guerre mondiale résulte du « Diktat » de Versailles, qui a imposé en 1921 des conditions excessivement dures à l’Allemagne et amplifié les frustrations qui ont encouragé le revanchisme nazi après la crise financière de 1923 et la crise économique de 1929.
Soit. Mais si l’on remonte au traité de paix de 1921, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Une vision un peu plus large, ou plus distanciée, du 2e conflit mondial devrait remonter non pas à la conclusion provisoire de la Première Guerre mondiale mais à son déroulement. C’est ce que suggère la thèse de l’historien révisionniste allemand Ernst Nolte, pour qui la Deuxième Guerre mondiale n’est qu’une grande guerre civile commencée en 1917, lorsque la Première Guerre mondiale eut pour funeste conséquence de conduire à la révolution bolchévique. Pour Nolte, la Deuxième Guerre mondiale commence donc en Russie en 1917 pour s’achever en 1945. C’est en tout cas ce que reflète le titre de son ouvrage majeur « La Guerre civile européenne, 1917-1945 », dans lequel il défend l’idée que le nazisme s’est développé en réaction au communisme et au « judéo-bolchévisme ». Cette thèse contestable a provoqué dans les années 1980 ce qu’on a appelé la « querelle des historiens ». Les critiques de Nolte l’ont accusé, à juste titre, de relativiser la responsabilité des crimes nazis en les faisant remonter au communisme et en donnant du crédit aux comparaisons du style Staline égale Hitler (ou Hitler égale Staline), très en vogue aujourd’hui dans les cercles dirigeants occidentaux.
Cette reconstruction a posteriori des enchainements chronologiques de la Deuxième Guerre mondiale et cette manière d’établir des équivalences sont évidemment très discutables. Si l’on postule que la Révolution bolchévique a engendré le communisme, et par là le nazisme, il faut alors s’interroger sur les causes et la nature de cette révolution. Et surtout il faut alors remonter au moins jusqu’en 1914 et à l’éclatement de la Première Guerre mondiale, laquelle n’a d’ailleurs pas seulement entrainé la chute du tsarisme mais aussi celle des régimes monarchiques allemand et autrichien.
Mais cela n’est pas notre but ici. Si l’on élargit la perspective de Nolte en abandonnant tout biais idéologique, on peut accepter son idée de guerre civile européenne. Une guerre civile qui aurait commencé en 1914, se serait terminée en 1945 et qui se serait soldée par la ruine de la civilisation européenne. Une guerre de trente ans, comme celle qui a divisé l’Europe entre 1618 et 1648, mais avec des résultats beaucoup catastrophiques sur le long terme. Ou plutôt une guerre civile de trente ans comme la Guerre du Péloponnèse qui, entre 431 et 404 avant JC, a ruiné la Grèce antique au point de la faire sortir de l’Histoire.
Comparaison n’est pas raison, surtout en histoire. Mais l’analogie entre les deux guerres mondiales et la guerre du Péloponnèse ouvre des pistes de réflexion intéressantes. Elle n’avait d’ailleurs pas échappé aux intellectuels de l’époque qui, comme Albert Thibaudet (La Campagne avec Thucydide, 1922), avaient été frappés par cette forme de suicide de la civilisation européenne qu’avait représenté la Première Guerre mondiale. Si cela a été vrai pour la Première, ça doit l’être a fortiori pour la Deuxième !
Ces deux guerres civiles sont proches par leur durée, mais aussi par la géographie (deux archipels formés de petits Etats à la fois maritimes et terrestres et dotés d’un rayonnement commercial, culturel, économique et militaire remarquable), par leur nature (une guerre civile qui coupe le monde civilisé en deux alliances de force quasi égale) et par leur résultat (un des deux camps obtient la victoire mais celle-ci affaiblit aussi bien les vainqueurs que les vaincus et profite dans les faits à des puissances périphériques (Macédoine et Rome après la Guerre du Péloponnèse, Union soviétique et Etats-Unis après la Grande Guerre civile européenne).
Nul ne peut contester qu’après la guerre du Péloponnèse, le foyer de la civilisation classique grecque qu’avaient représenté Athènes et Sparte s’est peu à peu étiolé, au profit de la Macédoine d’abord et de Rome ensuite. Voisine de la Grèce mais jugée non-grecque par beaucoup de Grecs, la Macédoine a tiré profit du conflit et, avec Alexandre le Grand, a même connu une brillante heure de gloire avant de s’effacer elle aussi devant la nouvelle puissance conquérante : Rome.
Comment ne pas faire le rapprochement avec l’Union soviétique, qui connut aussi son heure de gloire dans les années 1960 avant de s’effacer devant les Etats-Unis ? Etats-Unis qui, comme Rome après la guerre du Péloponnèse, intervinrent dans les affaires européennes à la faveur des conflits internes (une première fois en 1917, une deuxième en 1941 et une troisième en 1947 avec la Guerre froide) et finirent par ne plus jamais quitter le sol européen. A l’imitation des Romains qui, profitant de l’affaiblissement et des divisions internes grecques intervinrent une première fois en 212, une deuxième fois en 180 puis une troisième fois en 146 avant JC, cette fois-ci pour y rester définitivement en réduisant la Grèce à l’état de colonie romaine.
Arrêtons ici les analogies pour simplement suggérer que, si la date du début de la Deuxième Guerre mondiale peut beaucoup varier selon le point de vue des historiens, sa date de fin peut également être discutée. Certes, les armes se sont tues en 1945 sur le sol européen. Mais était-ce vraiment la fin du conflit ? La Guerre froide, pour retourner l’argument de Clausewitz, n’a-t-elle pas été la poursuite de la guerre chaude par d’autres moyens, moins meurtriers mais tout aussi efficaces ? Et les guerres de décolonisation, la guerre du Vietnam, et même le démembrement de la Yougoslavie et le bombardement de la Serbie, n’ont-ils pas été les ultimes batailles, éclatées et sporadiques, de la Deuxième Guerre mondiale ?
Et comment être sûr que cette Guerre soit vraiment terminée ? La victoire revendiquée par les Etats-Unis en 1991, après la disparition de l’adversaire soviétique, a-t-elle clos le débat ? Pas si sûr. Car entretemps, un autre protagoniste de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale a brusquement ressurgi sur la scène internationale, la Chine, avec une montée en puissance si rapide et si spectaculaire qu’elle ébranle les certitudes du vainqueur autoproclamé, qui craint désormais d’être surclassé.
On conclura donc provisoirement que la Deuxième Guerre mondiale s’est bien déroulée entre 1939 et 1945 mais que tant ses causes que ses conséquences sont loin d’avoir épuisé la réflexion. C’est le mérite des historiens de garder l’esprit ouvert et, à la lumière des faits, de soumettre à la critique et à la discussion des interprétations qui renouvellent le regard que l’on peut porter sur ce tragique événement.
Guy Mettan (Planète bleue, 22 juillet 2021)
Vous pouvez découvrir ci-dessous une vidéo de Mos majorum consacrée aux "gardiens de l'information" et à leur rôle dans la diffusion du féminisme agressif... Mos majorum est un vidéaste à l'origine de la création des éditions Carmin qui devraient rééditer prochainement L'homme du ressentiment, un essai de Max Scheler, avant de se lancer dans la traduction et la diffusion d'essais contemporains, publiés notamment dans le monde anglo-saxon.
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels cueilli sur Putsch et consacré au glissement autoritaire de nos sociétés à travers l'exemple de la dénonciation des opposants au « passe sanitaire » comme « parasites sociaux »...
Historien, spécialiste de l'antiquité romaine, David Engels, qui est devenue une figure de la pensée conservatrice en Europe, est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).
L’éternel bouc émissaire. Aujourd’hui : les « covidiots »
Les recherches sur le totalitarisme ont montré qu’un État autoritaire, s’il veut survivre, ne peut se contenter de seulement contrôler les moyens réels du pouvoir : il doit également impliquer sa propre population dans ses crimes à un degré tel qu’elle en devienne complice et perde, en même temps que la moralité, le respect de soi et donc la volonté intérieure de résister. Ne devrait-on pas tirer la sonnette d’alarme aujourd’hui ?
Ces jours-ci, on parle beaucoup de la « dictature covid », et il y aurait en effet beaucoup à dire sur la transformation autoritaire de nos sociétés occidentales, donnant lieu à des situations qui auraient été considérées comme des délires complotistes il y a seulement deux ans. Dans toute l’Europe, non seulement des adultes en parfaite santé, mais aussi des enfants refusant une thérapie génétique expérimentale « volontaire » contre une « pandémie » responsable pour (ou simplement concomitante à) la mort d’à peine 0,17 % de la population française (presque exclusivement des personnes âgées avec de multiples pathologies préexistantes) vont être définitivement exclus de presque tous les lieux de la vie publique et même des voyages à l’étranger – sous les applaudissements nourris de médias, de politiciens et d’« experts » qui, autrement, parlent sans cesse de tolérance et des droits de l’homme. Le fait que cette « vaccination » expérimentale ne semble pas entraver de manière significative la contagion par ou la transmission du covid-19, mais qu’elle ne ferait que renforcer le système immunitaire individuel tout en ayant des effets secondaires non négligeables, rend l’ensemble doublement surréaliste et rend la contrainte indirecte de vacciner toute une population complètement incompréhensible. Si l’on ajoute que même avant le covid-19, les démocraties occidentales n’étaient pas au mieux de leur forme, et que les « lois d’urgence » liées au covid ne sont à bien des égards que la conséquence de l’autodestruction déjà entamée de longue date de la démocratie participative, le citoyen vigilant ne peut que frémir en pensant à ce que l’avenir peut encore lui réserver.
Dans cette situation précaire, le fait selon lequel, d’après un sondage Elabe récent, 76 % des Français soutiendraient effectivement cette évolution, apparaît comme un coup de poing dans l’estomac (https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/covid-19-une-majorite-de-francais-approuve-les-mesures-annoncees-par-emmanuel-macron-88d5e572-e3fa-11eb-8317-b6757a6d4184). Même si ce chiffre semble assez discutable pour plusieurs raisons, il met néanmoins en lumière un phénomène que l’on peut difficilement nier : le plaisir jubilatoire à peine dissimulé qu’il procure non seulement aux journalistes, aux politiciens et aux experts, mais aussi à de nombreux utilisateurs ordinaires des médias sociaux, de diffamer les personnes non vaccinées comme des parasites antisociaux de la santé publique, justifier la répression policière sanglante des manifestants comme étant la seule façon possible de faire face à de dangereux « cinglés », et considérer la privation permanente de leurs libertés et leur exclusion physique comme une juste punition pour l’« entêtement » et la « stupidité » des « covidiots ». Mais c’est précisément cette disposition à la haine triomphaliste et à l’oppression physique qui constitue le deuxième élément indispensable à la solidification des conditions autoritaires émergentes, à savoir la complicité d’une partie importante de la population avec le crime et donc cette co-responsabilité morale qui rend tout retour en arrière presque impossible.
Je m’épargnerai ici une liste des commentaires vicieux omniprésents, qui reviennent tous à dépeindre ceux qui critiquent le confinement ou qui refusent, pour eux-mêmes ou leurs enfants, la vaccination « volontaire » jusqu’à ce que l’on en sache plus sur ses effets secondaires et conséquences, comme des ennemis de l’État qui doivent être contraints à l’obéissance par tous les moyens possibles.
Et il est d’ores et déjà évident que ces « covidiots » seront désignés comme les boucs émissaires idéaux de tous les maux imaginables à l’avenir, et ce contre toute évidence : non seulement la quatrième, cinquième ou sixième vague avec les mutations attendues du virus et l’inefficacité des vaccinations, mais aussi la nécessité d’un « Grand Reset » attendu de toute manière depuis de nombreuses années, et dont les conséquences désastreuses vont évidemment être attribuées au virus et aux « covidiots ». A y regarder de près, la diffamation du corona-sceptique comme ennemi principal de l’État moderne n’est pas aussi absurde qu’il n’y paraît : car celui qui, aujourd’hui, refuse de céder à la pression conjuguée de la politique, des médias et de ses concitoyens, agira aussi de manière imprévisible et obstinée sur d’autres sujets demain. Les identifier dès maintenant comme un groupe fermé, les livrer à la haine de la majorité et, si possible, les exclure de la société, est parfaitement logique en termes de tactique de pouvoir et correspond bien à la mode de plus en plus répandue de compiler des listes des prétendus « ennemis » de la bienpensance afin de préparer les proscriptions à venir.
La dictature n’est pas seulement fondée sur la tyrannie, mais aussi sur la complicité et la satisfaction secrète et étrange de voir que l’autre seulement est humilié et persécuté – qu’il s’agisse du Juif, du « sous-homme » slave, de l’homosexuel, du koulak, du curé, du bourgeois ou de l’aristocrate -, tandis que l’on se croit en sécurité en tant que personne « comme tout le monde », qui ne « fait pas de problèmes » et fait confiance à « ceux d’en haut » qui « ne veulent que notre bien » : une erreur de calcul épouvantable, qui n’apparaît bien sûr que dans un deuxième temps, lorsque, grâce à la dénonciation, à la malveillance, à l’arbitraire et à la terreur, les citoyens prétendument « irréprochables » en prennent également pour leur grade – et sur cette base, nous pouvons craindre avec horreur que le système de répression sanitaire actuellement en vigueur ne soit également utilisé dans quelques années pour exclure la dissidence politique, pour perpétuer le contrôle de l’État sur notre intégrité physique et enfin pour mettre en place un système de crédit social sur le modèle chinois.
Sera-t-il possible d’éviter le pire et de retrouver non pas la « nouvelle normalité » dystopique mais l’« ancienne normalité » par une opposition courageuse ? L’ambiance incite plutôt au pessimisme – non seulement parce que l’érosion alarmante de l’État de droit par une pseudo-moralisation hystérique ne permet plus aux responsables de « revenir en arrière » sans graves conséquences juridiques, mais aussi parce que le discours public s’est tellement polarisé qu’une majorité de citoyens, pour ne pas perdre la face, se doit de continuer à affirmer la déshumanisation actuelle des prétendus « covidiots » – jusqu’à ce que sur la base de l’exclusion sélective de toute une partie de la population se lève un régime, dont les complices actuels deviendront tôt ou tard les prochaines victimes….
David Engels (Putsch, 13 août 2021)
Dans son éditorial du 25 août 2021, Mathieu Bock-Côté s'est penchée sur la mouvance écologiste qui normalise dans ses discours l'idéologie "woke"... Québécois, Mathieu Bock-Côté est sociologue et chroniqueur et est déjà l'auteur de plusieurs essais comme Le multiculturalisme comme religion politique (Cerf, 2016), Le nouveau régime (Boréal, 2017) ou L'empire du politiquement correct (Cerf, 2019).