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Points de vue - Page 77

  • Taïwan : une stratégie chinoise de la strangulation lente ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard cueilli sur Geopragma et consacré à la stratégie chinoise pour annexer l'île de Taïwan malgré le soutien des États-Unis dont celle-ci bénéficie...

     

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    Taïwan : une lente strangulation chinoise

    Interrogé en public sur la question de Taïwan par un journaliste le 21 octobre 2021, le président américain actuel est sorti de l’ambiguïté stratégique que tous ses prédécesseurs avaient soigneusement conservée depuis que les États-Unis ont, en 1979, reconnu officiellement la République populaire de Chine et sa doctrine d’un seul pays. Joe Biden a affirmé que si les forces communistes de l’Armée populaire de libération chinoise attaquaient Taïwan, l’Amérique se porterait militairement au secours de la petite île démocratique agressée.

    Le sujet était dans tous les esprits, dans la mesure où l’ambassadeur de Chine à Washington, Zhang Jun, venait de critiquer publiquement « les dangereuses actions américaines dans le détroit de Formose ». Ce diplomate de haut rang manie parfaitement l’inversion accusatoire, procédé rhétorique consistant à accuser l’autre de ses propres noires intentions. C’est en effet l’armée de l’air chinoise qui a multiplié, aux mois de septembre et d’octobre 2021, les vols dans la zone de défense de Taïwan et non les chasseurs-bombardiers américains qui sont allés frôler les côtes de la Chine populaire. L’ambassadeur voulait-il critiquer le passage de bâtiments de l’US Navy à travers le détroit, qui fait quand même 170 kms de large ?

    Aucune nation occidentale, ni même asiatique, ne reconnaît la prétention de la Chine à accaparer ce détroit, comme elle prétend accaparer la Mer de Chine du Sud. Dans cette mer plus vaste que la Méditerranée, qui va lécher les rives du Vietnam, de la Malaisie, de Brunei et des Philippines, l’armée chinoise s’est emparée d’une demi-douzaine de récifs jusque-là inhabités et considérés par le droit maritime international comme des terrae nullius (des territoires n’appartenant à personne). Elle les a poldérisés, et y a construit des aérodromes. Elle y a placé des missiles et des bombardiers stratégiques. Elle veut contrôler cet espace maritime, pas seulement pour ses richesses halieutiques ou pétrolières, mais aussi parce que c’est le chemin qu’empruntent ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins pour rejoindre les eaux profondes de l’Océan Pacifique.

    En matière de dissuasion nucléaire, la Chine s’est longtemps tenue à la politique de modération prônée par Deng Xiaoping. Elle avait adopté le modèle français d’un armement nucléaire minimum, juste capable d’une dissuasion du faible au fort. Avec Xi Jinping, elle a changé de stratégie, pour passer à un armement nucléaire important, capable d’intimider les autres puissances nucléaires de la planète. Elle vient de tester une arme hypersonique orbitale, capable de déjouer tous les systèmes de détection existant.

    Assisterons-nous, au cours de cette décennie, à une guerre navale entre la Chine et l’Amérique pour le contrôle de Taïwan ? Rationnellement, la Chine communiste n’a aucun besoin de cette île montagneuse de 36000 km2 et de 23 millions d’habitants pour pouvoir continuer à se développer et à s’enrichir. Certes la firme taïwanaise TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) est la championne du monde des processeurs de smartphones et des microcontrôleurs de véhicules automatisés. Mais la Chine populaire, qui produit 50000 ingénieurs de très haut niveau par an, ne tardera pas à rattraper Taïwan dans le domaine des semi-conducteurs.

    Le problème n’est pas un quelconque désir de prédation mais plutôt l’orgueil. Xi Jinping est un nationaliste extrême, qui rêve de ramener Formose au sein de la mère patrie. Sa répugnance à la prise de risque est moindre que celle de ses prédécesseurs à la tête du parti communiste. Ces derniers rendaient des comptes auprès de leurs pairs du Comité permanent du bureau politique. Depuis qu’il a aboli toute limite à ses mandats, Xi ne rend plus de comptes qu’à lui-même. Par ses discours, comme par les films grand public que produit le régime, il chauffe à blanc le nationalisme de la population. Le « nationalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage » disait Jaurès. Depuis qu’il est président de la commission militaire du Parti, Xi Jinping a plus que doublé le budget des armées de son pays.

    Mais je ne crois pas qu’il envisage un débarquement en force, du type Normandie 1944. Depuis Sun Tsu, le summum de la stratégie en Chine est de vaincre sans porter le fer. Intimider pour faire céder. La stratégie sera plutôt celle d’une strangulation lente. Par un blocus naval et aérien qui se mettra progressivement en place, en profitant de tous les moments stratégiques d’absence américaine – dus à des crises dans d’autres régions, à des élections trop disputées, ou à des scandales du type du Watergate. C’est à la faveur de cette affaire que la Turquie s’était par la force emparée, à l’été 1974, de tout le nord de l’île de Chypre. Trop occupés par leur problèmes domestiques, les Américains n’avaient, alors, pas réagi.

    Renaud Girard (Geopragma, 27 octobre 2021)

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  • Le militantisme moral ou la gangrène de la politique française ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexandre Page, cueilli sur Tysol et consacré au besoin pour la France de politiciens en prise avec leur peuple. Alexandre Page est docteur en histoire de l’art et écrivain.

     

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    Le militantisme moral ou la gangrène de la politique française

    Compte tenu de l’omniprésence de son nom dans les médias, il faudrait vivre sur une autre planète pour ne pas avoir entendu parler du dernier séisme des sondages électoraux pour les présidentielles de 2022 : Éric Zemmour, candidat même pas encore déclaré et soutenu par aucun parti serait au second tour des élections présidentielles avec au moins 17 % de promesses électorales.

    Ce séisme n’est cependant pas le plus notoire. Ce qu’il convient de retenir, c’est que ce score n’est pas si éloigné de celui de toute la gauche réunie, et qu’en s’ajoutant à ceux de toute la « droite dure », il représente allégrement le tiers de l’électorat décidé à voter en avril 2022.

    Toutefois, ce que ce sondage traduit, c’est d’abord la lassitude des Français à l’égard des appareils politiques, même celui du président qui avance sous son seul nom lorsque LREM est renvoyé aux oubliettes. Une raison est assez facile à trouver. En vérité, il n’y a plus en France beaucoup de politiciens, espèce qui s’éteint et qui — je m’en expliquerai ci-après — a subi une mort progressive venue de la gauche avant de gagner la droite. Cette maladie qui a tué les politiciens français au fil du temps pour n’en laisser aujourd’hui qu’une faible poignée s’appelle le militantisme moral. Cette notion apparue dans les années soixante se distingue du militantisme politique dans le sens où il repose essentiellement sur des concepts d’ordres humanitaires, sociaux, écologiques, dans une vision à priori trans-partisane et universelle. En soi, ce n’est pas mauvais, mais par définition, le militantisme moral ne fait pas bon ménage avec la politique, un peu comme le chlore avec le nitrate d’ammonium, et aujourd’hui les politiciens français ont laissé place à des militants se prenant pour des politiciens.

    La différence entre le militant et le politicien est fondamentale, car le militant défend une cause, des valeurs auxquelles il tient plus que tout et qu’il va servir utilement dans des associations, des organismes, des fondations… Un politicien, à l’instar de toute autre personne s’engageant à servir l’État, se met au service de son pays, de sa population et doit traduire dans ses actes ce qui ressort du débat démocratique. Pour cela, il doit mettre de côté ses propres dogmes, ses utopies, sa vision du monde, car il est un instrument et non un combattant (définition originelle du militant). Un militant peut être utopiste, un politicien doit être réaliste ; un militant peut vivre en théorie, un politicien doit être pragmatique ; un militant est là pour changer les choses, un politicien est là pour répondre au peuple devant lequel il est redevable. C’est là un principe assez simple à comprendre, mais il s’avère qu’aujourd’hui l’essentiel de nos hommes politiques — et les femmes ne font pas exception, en dépit du sacro-saint génie féminin que nous vantent certaines féministes — est militant. Ils ne sont pas dans la réalité, ils ne sont pas pragmatiques, ils ne se sentent redevables devant personne de leurs actions. Ils sont utopistes, vivent en théorie et se croient tout permis. C’est un phénomène qui est d’abord né à l’extrême gauche avec le décalage croissant entre la réalité du monde et les propos et programmes politiques du NPA, de Lutte ouvrière ou encore du Parti communiste. Ils ne veulent pas se mettre à jour des réalités du monde et restent enferrer contre vent et marée dans leur utopie. Ils ne cherchent pas à écouter les Français, à répondre à leurs problèmes, mais à défendre leur vision du monde déphasée par rapport à la réalité. Ce phénomène a progressivement contaminé toute la gauche et effondré les scores des partis les uns après les autres jusqu’à réduire le PS, jadis invité traditionnel du second tour des présidentielles, à 4 %. Puis il a mangé et mange encore le centre, amalgamé à ce fourre-tout nommé « majorité présidentielle », et la droite qui ressemble fort au noyé tentant de se débattre pour survivre, mais tout proche de voir ses dernières forces le lâcher. Toutes ces chutes, ces dégringolades, viennent du même mal : ces partis ont perdu leurs politiciens troqués contre des militants. Cette situation explique d’ailleurs l’impuissance actuelle de tous à contrer l’ascension d’Éric Zemmour, alors même qu’il semble prêter le flanc avec un programme en délicatesse sur un certain nombre de sujets (culturel, écologique, diplomatique…). Elle explique plus généralement l’appétence des Français pour les candidats souverainistes de droite dure. Comment un homme politique réagirait-il face à cette ascension ? Il chercherait sans doute à comprendre l’origine de ces votes. En en comprenant l’origine, il chercherait ensuite à répondre politiquement par des propositions qui donneraient des solutions aux problèmes et aux réclamations des Français. Enfin, il appliquerait en homme politique le programme qu’il a promis, car il ne se prend pas pour une diva redevable de rien devant personne. Ça, c’est ce que ferait un homme politique, mais pas un militant déguisé en homme politique. Le militant, face à ces votes, va d’abord pleurnicher, s’alarmer, gronder, se répandre en sentiments shakespeariens dans les médias. C’est, par exemple, la « nausée » d’Anne Hidalgo. Les émotions marchent très bien en matière de militantisme moral dans les ONG, dans les associations, dans les fondations, mais en politique, queue de cerise ! Ensuite, le militant va rester enferrer dans ses idées, dans ses dogmes, il est indéboulonnable, même lorsque les sondages lui prédisent un score tel qu’il ne remboursera pas ses frais de campagne. Les Français ne le suivent pas, mais ce n’est pas grave, il croit toujours que son programme dogmatique est ce qu’ils attendent. Là encore, les gens aiment le militant de Greenpeace qui sur sa barque se met devant les baleiniers géants, mais en politique, ils veulent qu’on écoute et qu’on réponde à leurs problèmes. Enfin, le militant, si par miracle il est élu, par exemple en ayant compris les deux premiers points, va vite jeter son programme en carton-pâte à la poubelle et faire non pas ce que les Français veulent, mais ce qui correspond à sa vision personnelle de ce que doit être le pays et la vie des Français.

    Ainsi, l’homme politique va comprendre que le succès d’Éric Zemmour ou de Marine Le Pen vient probablement de leurs propositions, des sujets qu’ils abordent, des problèmes qu’ils soulignent voire surlignent au marqueur jaune indélébile. Le militant, lui, ne cherche pas à comprendre. Il ne veut rien entendre et s’enferre dans son déni ou son utopie en disant publiquement que « Les Français n’ont rien compris » et secrètement que ce sont de gros cons fachos (et parfois ils le disent également en public).

    Le militant veut imposer sa vision du monde aux Français, un homme politique va construire le monde avec les Français et donc nécessairement devoir les écouter, leur répondre et mettre en œuvre ce qu’ils réclament. Prenons un exemple. Récemment un sondage montrait que 92 % des Français étaient favorables à la perpétuité réelle. Les Français de manière générale sont pour une justice beaucoup plus sévère. Un homme politique n’a pas à faire autre chose que de répondre présent sur ce sujet et de donner satisfaction par des mesures allant en ce sens. Pourtant, entre le déni des uns sur le laxisme judiciaire et les promesses jamais tenues des autres qui ont pris part à l’exercice du pouvoir, force est de constater que le sujet n’est vraiment abordé que par la droite radicale. Alors peut-être que les Français ont tort sur le laxisme judiciaire, mais il n’y a pas de fumée sans feu, et si autant réclament plus de sévérité, ça vient sûrement d’une expérience concrète. Peut-être de cet homme qui insulte les policiers, vole du matériel aux pompiers et écope d’un affreux vilain méchant stage de citoyenneté en retour ! C’est là un exemple entre mille autres.

    Alors bien sûr, on taxe du gros mot de « populistes » ceux qui répondent au peuple, qui disent au peuple ce qu’il veut entendre, mais c’est la moindre des choses en démocratie alors que le peuple est souverain. Si Éric Zemmour ou Marine Le Pen progressent dans les sondages, ce n’est pas en inventant les problèmes des Français. Si c’était si simple, avec tous ceux que la gauche « woke » leur inventent, Sandrine Rousseau serait déjà présidente. Ils répondent à des problèmes que les Français posent à tous et que tous écoutent, mais en omettant trop souvent la réponse.

    Prenons un autre exemple, celui de la question migratoire. Depuis plusieurs années des sondages se succèdent à ce sujet. En 2013, un sondage Ipsos avait ainsi relevé que 7 Français sur 10 estimaient qu’il y avait trop d’étrangers en France. Plus récemment, deux sondages sont venus confirmer qu’il n’y avait pas de changements notables sur ce sujet : 6 sur 10 sont favorables à un référendum pour limiter l’immigration, 4 sur dix seraient même favorables à une immigration zéro.

    Alors peut-être que les Français ont tort encore une fois, mais en vérité, l’immigration est surtout ce qu’on en fait et on peut peut-être concevoir qu’aujourd’hui il y a des problèmes considérables qui ne sont pas réglés. Le chiffre ridiculement petit des expulsions de citoyens étrangers du sol français pourtant actées par la justice française en est un exemple. Un homme politique, un véritable, ne chercherait pas à nier ces problèmes au prétexte que ça contreviendrait à sa vision idyllique de l’immigration et de ses bienfaits et que ça pourrait le maquiller d’un mascara facho. Un militant par contre, ou un militant déguisé en homme politique, chercherait à les nier, car pour lui l’immigration c’est forcément bien, c’est forcément génial, il n’y a aucun souci, tout baigne pour le mieux dans le meilleur des mondes, et les Français qui ne pensent pas cela sont soit des fachos, soit des abrutis. Le militant est dans le déni, car la réalité heurte ses valeurs et ses convictions, jette dans la tempête son utopie.

    Être politicien, un vrai politicien, et sûrement Éric Zemmour ne l’ignore-t-il pas pour en avoir connu une flopée, c’est toujours se souvenir qu’en démocratie, le peuple est souverain. Il est l’armateur du navire qui nomme son capitaine et son équipage en choisissant la route qu’ils doivent prendre. Certes, la démocratie française est bien malade et sûrement beaucoup de politiciens oublient-ils cette réalité à cause de ça, mais elle subsiste, là, sous-jacente, prête à ressurgir. Être militant, c’est s’enfermer dans sa vision dogmatique, contre vent et marée, avec la conviction que la vision que l’on porte est la bonne et en niant bien souvent les réalités contraires. Mais si le capitaine va en Amérique quand l’armateur lui demande d’aller en Afrique du Sud, alors l’armateur change le capitaine et l’équipage. Trop de politiciens aujourd’hui se prennent pour des armateurs, oublieux de leur rôle car devenus complètement hermétiques aux réalités de leur pays, aux ressentis de leur peuple.

    Je conclurai cette déjà longue réflexion politique en soulignant qu’il est bien triste dans une prétendue démocratie de devoir se fier à des sondages plutôt qu’à des référendums pour prendre le pouls de l’opinion des Français. Neuf référendums sous la Ve République née en 1958… En 2019, 73 % des Français en réclamaient un dixième dont 71 % s’exprimaient pour un référendum sur le pouvoir d’achat. Voilà nos candidats à la présidentielle dûment informés, à eux de voir si leur dogmatisme l’emportera sur la seule et unique réponse logique qu’ils doivent promettre et mettre en œuvre au service des Français à ce sujet.

    Alexandre Page (Tysol, 18 octobre 2021)

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  • 50 ans d’escroquerie politique, ou le déni français devant l’immigration...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'immigration.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    50 ans d’escroquerie politique, ou le déni français devant l’immigration

    D’abord, ils sont venus pour repartir. Ils, ce sont ces Maliens, Algériens, Marocains, etc., recrutés parfois par villages entiers par d’anciens militaires français dans les années 1960 pour répondre aux besoins d’une industrie française en plein essor, mais qui refusait d’investir dans les robots et préférait le travail à la chaîne de millions d’OS — ouvriers spécialisés. Certains peuplaient les bidonvilles, d’autres s’entassaient dans les logements insalubres, mais déjà, avec la construction des grands ensembles et des villes nouvelles, il était évident dans les années 1970 qu’ils ne repartiraient pas — mais interdit de le dire ! Ils étaient venus pour travailler, ils repartiraient sitôt leur tâche remplie.

    Fin de l’assimilation, tous Français !

    Après, ils allaient tous s’assimiler, et au nom de quoi douter qu’ils seraient bientôt tous des Français comme les autres ? C’est le moment qui vit le regroupement familial autorisé par le décret du 29 avril 1976 à l’initiative de Jacques Chirac sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, donc sans débat au Parlement. Puisqu’ils avaient acquis des droits — assurance maladie, retraite, logement — pourquoi ne pas permettre à leurs familles de les rejoindre ?

    Certains pourtant parlaient de quotas, de seuils de tolérance, suggéraient que l’afflux de migrants d’autre religion, d’autres cultures, pouvait ne pas garantir leur assimilation à une France encore très majoritairement blanche et chrétienne, à la différence des maçons italiens et des mineurs polonais — mais interdit d’en parler ! Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, et si quelques incidents troublaient la sérénité du discours, c’était la faute des lanceurs d’alerte, des racistes et des beaufs, confondus dans le même opprobre ! Et quand le gouvernement de Raymond Barre voulut stopper pour trois ans le regroupement familial, le Conseil d’État lui barra la route, le 8 décembre 1978, transformant l’immigration de travail en immigration de colonisation (selon Abd el Malek Sayad).

    Puis vint la marche des Beurs, du mouvement « Ni putes ni soumises », suivi de la grande manipulation montée par SOS Racisme. C’était le milieu des années 1980. Jeunes et moins jeunes musulmans, et une majorité de femmes avec eux, voulaient affirmer la compatibilité de leur Islam avec la République, et proclamaient leur volonté d’être reconnus pleinement Français, ni plus ni moins. Les femmes étaient majoritaires dans un mouvement qui aurait pu changer les rapports entre la France et l’Islam. Mais les socialistes internationalistes, agents de la soumission de la France à la globalisation montante, ne pouvaient supporter un mouvement qui échappait à leur tutelle, et risquait de refonder la lutte des classes en réalisant la solidarité entre classes populaires françaises et descendants d’ouvriers immigrés partageant leurs conditions de vie.

    La faute aux Français

    Il fallait diviser — il leur faut toujours diviser. Monté de toutes pièces avec la complicité d’un État socialiste en mal d’idées, SOS racisme tourna la revendication des Beurs en tout autre chose ; la haine de la France et des Français, présumés racistes, haineux et pétainistes, la soumission à un internationalisme qui détruisait toute possibilité de progrès social français, et enfin, et surtout, l’annonce d’un droit à la différence et l’apologie d’un multiculturalisme qui effectivement, porteraient gravement atteinte à l’unité de la Nation. Ceux qui voulaient être reconnus Français furent mobilisés contre les Français !

    Menaces, intimidations, chantages allaient s’abattre sur les Français résistants ; certains évoqueront une dérive tribale, d’autres une soumission de la France à une minorité nuisible, d’autres encore un abaissement rapide de l’unité de la France — mais interdit d’en parler et même de voir les effets de la manipulation qui fera réélire François Mitterrand en 1988 ; les différences sont une chance, la France est plus belle de toutes les couleurs, la diversité est notre avenir… rien n’a changé! Et certains, qui jouent encore la division des Français, appliquent en 2021 la recette qui a si bien réussi en 1988.

    Il fallut bien reconnaître que tout n’allait pas tout seul. La belle histoire avait des ratés. Longtemps nié, le rapport entre montée de la délinquance et immigration, difficultés d’intégration et seuils quantitatifs, devenait évident. Plus question de dire que tout allait bien dans la meilleure des France possibles ! Il suffisait de dire que ce qui tournait mal était de la faute des Français — des Français de France, cela va sans dire. Dans l’exercice, l’échine courbe d’un conseiller d’État fit merveille. Publié en 2013, le rapport Tuot en vint à commander aux Français de s’adapter aux immigrés, dénonçant « la célébration du passé d’une France chevrotante». Le Conseil est familier de ces hardiesses morales.

    L’immigration, une arme contre les nations

    Le rapport Tuot ne parquait pas encore les Français dans des réserves, mais l’idée y était — confinez ces Français qui se croient chez eux en France, veulent garder leur drapeau, leur langue, leur culture, et continuent de croire en leur Nation ! Remplacez-les vite ! D’ailleurs, les Français éliraient bientôt un Président qui leur dirait que la culture française n’existe pas ! D’ailleurs, la maire de Cologne viendrait, en octobre 2021, déclarer que les valeurs de la diversité qui distinguent Cologne autorisent l’appel du muezzin à retentir sur la ville, chaque jour, à midi ! Et bien peu soulignèrent la logique juridique du rapport ; si nous sommes tous des nomades comme les autres, si dire « chez nous » ou « chez soi » est interdit, alors en effet chacun doit s’adapter à une diversité que nul ne contrôle ni ne prétend contrôler. Qui a parlé d’occupation ?

    Et enfin, vint le pacte de Marrakech. Rien qui agite les tribunes ; d’ailleurs, la France y dépêcha un obscur secrétaire d’État au tourisme dont nul ne rappelle le nom. Le pacte, vague et « généreux », proclame le droit universel et incontournable de tout être humain à s’installer dans le pays de son choix. La « générosité » invoquée dispense de considérer les effets concrets de l’appel aux migrations, aussi dramatique pour les populations dites d’accueil que pour la majorité des migrants. Selon une méthode bien rodée, le Pacte est présenté comme une déclaration de droits généraux et abstraits, qu’il appartient à chaque Nation de traduire en droit positif. Et c’est là que l’Union européenne entre dans le jeu, une Union qui a toujours utilisé l’immigration de masse comme une arme contre les Nations — comme si dissoudre les Nations était le moyen de renforcer l’Europe ! Car la conséquence est claire ; la droit à la mobilité signe la mort des mutualités nationales. Si les citoyens les plus riches acceptent de payer pour les citoyens plus démunis, c’est parce qu’ils ont la Nation en commun. Faites-la disparaître, et la mutualité disparaîtra avec elle — où se transformera en charité ; qui est autre chose que la justice, bien moins, ou bien plus, mais n’a rien à voir avec l’égalité.

    Le bilan d’un demi-siècle de mensonges et de déni est accablant. Moins par ce qui a été fait que par l’impossibilité constatée de le défaire ; même Valéry Giscard d’Estaing a déclaré que son plus grand regret était d’avoir autorisé le regroupement familial… L’impuissance politique à répondre aux souhaits de la majorité des Français est éclatante. Elle signe un recul de la démocratie. Seule, une volonté majoritaire clairement exprimée par referendum pourrait faire prévaloir le droit du sang, à condition qu’il soit mis fin à la dictature des institutions européennes et des cours dites de justice. À condition surtout que le débat soit ouvert, les chiffres sur la table, et qu’il soit permis de parler-vrai. Chacun connaît de ces brutes de plateau télé qui ont pour parler de l’immigration des pudeurs de jeune fille. Et chacun connaît ces intellectuels qui éclairent avec lucidité nos débats politiques, mais se gardent bien de dire ou d’écrire un mot sur les migrations. Comme Marcel Gauchet récemment, ils trouvent toutes les raisons de disséquer l’échec du Président Emmanuel Macron, sauf la plus évidente…

    L’immigration au cœur de la campagne présidentielle

    Est-ce enfin le moment de rendre justice à ceux qui se sont battus, qui ont été insultés, poursuivis, persécutés pour avoir dit ce qu’ils voyaient et pour avoir donné une voix aux Français qui n’en ont pas ? Car leur heure est venue. C’est sans doute la première vertu du débat présidentiel actuel; le débat sur l’immigration est enfin au centre des propositions, comme il est au cœur des préoccupations des Français. Pour prendre la place qu’il mérite, et surtout déboucher sur les changements décisifs et nécessaires, quatre conditions s’imposent.

    La première est de tenir fermement la boucle qui unit laïcité et citoyenneté. La laïcité rend la République, certainement pas aveugle, mais indifférente à la religion ; chrétien, musulman, juif, bouddhiste, etc., tout citoyen est également français si, et le si est majeur, sa nationalité le relie plus fortement aux Français qu’à ses coreligionnaires. En clair, est Français qui fait passer la France avant Jérusalem, La Mecque ou Rome. Et chacun voit bien que le débat actuel qui tend à désigner l’Islam comme unique problème est largement biaisé. Les musulmans ne sont pas seuls à préférer leur religion à leur patrie.

    La seconde est d’en finir avec l’obsession économique qui fait s’affronter les tenants d’une immigration qui rapporte, et ceux qui font le compte des coûts de toute nature qu’elle entraîne. Évaluer l’immigration en rapport coût-bénéfice ne fait pas honneur à ceux qui se livrent à des calculs d’ailleurs toujours imparfaits, et jamais concluants. Et il faut aussitôt mesurer l’intérêt qu’ont les multinationales à prôner l’immigration ; le déracinement supprime toutes les satisfactions humaines, sauf celle de consommer. L’homme hors sol contribue à la croissance, oui, mais en cessant d’être lui-même. Bel effet de l’humanisme des Gafam et autres escrocs de l’humanisme libéral ; le multiculturalisme signifie la fin de toute culture. Et c’est l’objectif recherché.

    La troisième est de revenir sur cette condition de la citoyenneté, qu’est la souveraineté. Est citoyen celui qui décide avec les autres citoyens de ce qui les concerne. Eux, et pas d’autre. Eux, sur leur territoire, et pas ailleurs. Autant dire que les cinquante dernières années resteront comme le plus formidable déni de démocratie qui ait été ; de ce qui a été l’une de leurs premières préoccupations, voire la première, l’immigration de masse, les Français n’ont jamais pu débattre, décider, et voter. Et le principe est clair ; une Nation est libre de fixer les critères qu’elle veut à l’accès à son territoire, à sa citoyenneté, aux systèmes de solidarité mutualisés, sinon elle cesse d’exister en tant que Nation, pour devenir une offre où chacun fait son marché — les uns, en devenant exilés fiscaux, les autres, en devenant les clients des guichets sociaux. Nous en sommes là.

    Le quatrième principe est devenu indicible, parce que le seul mot de discrimination condamne celui qui l’emploie. Et pourtant, une Nation prend forme quand elle sépare les citoyens des non-citoyens, quand elle privilégie les uns par rapport aux autres, quand elle fonde cette solidarité nationale qui unit les citoyens entre eux en les séparant des étrangers. Voilà ce qui est en jeu derrière les dérives de l’Union européenne, voilà ce que le pacte de Marrakech veut détruire. Une Nation qui ne préfère pas ses citoyens se condamne elle-même — et si cela s’appelle discriminer au bénéfice de ses citoyens, qu’importe le mot, puisque la chose est juste !

    J’ajouterais un dernier point, crucial parce qu’il touche à la dignité humaine. J’ai connu les pays où toute rencontre commence par ; « d’où viens-tu ? » La question est interdite, parce qu’elle renvoie à des origines et à des territoires, à des déterminations que le nomadisme de rigueur entend faire disparaître — le local, voilà l’ennemi ! La question est interdite, parce qu’elle conduit à interroger l’appartenance ethnique, culturelle, et que la réalité de ces appartenances, leur poids humain comme leur évidence, doivent être niés pour que la société du métissage généralisé puisse advenir — le réel ethnique, religieux, voilà l’ennemi !

    Et qu’arrive -t-il quand plus aucune différence ne fait plus de différence (René Girard) ? L’argent seul fait la différence. Quand la couleur de peau ne fait plus aucune différence, la couleur de la carte de crédit discrimine efficacement — et cette discrimination là, universelle, n’est critiquée par personne. Le capitalisme totalitaire entend régner sans partage, et abolir toute distinction qui n’est pas d’argent.

    A ce compte, le bûcher des identités brûle à grands feux. Et résonne la grande voix de Proudhon ; «  Qui dit humanité veut tromper », pour nous rappeler que les hommes ne sont jamais les mêmes, et que la frontière est le dernier garant de nos libertés contre la loi d’airain de la démographie.      

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 11 octobre 2021)

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  • L'Union européenne contre la liberté des peuples : le cas polonais...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels consacré aux menaces de l'Union européenne à l'encontre de la Pologne visant à faire tomber le régime actuel.

    Historien, spécialiste de l'antiquité romaine, David Engels, qui est devenu une figure de la pensée conservatrice en Europe, vit en Pologne et est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

     

     

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    Le poker autour du Polexit

    Bien que la Cour constitutionnelle polonaise se soit contentée de mettre en question que la CJCE soit vraiment autorisée à remodeler la constitution polonaise même dans les domaines où l'UE n'a pas de compétence sur base des traités européens - doute déjà exprimé par maintes autres cours constitutionnelles européennes ces dernières années, y compris l'Allemagne -, cette décision est stylisée dans les médias occidentaux comme un « rejet des valeurs européennes », voire comme une dénonciation unilatérale de l'adhésion à l'UE. Dans « Der Spiegel », par exemple, Markus Becker a déclaré : « L'UE doit donc riposter avec tout ce qu'elle a, car c'est son existence même qui est en jeu. Cela signifie que la Pologne doit immédiatement couper chaque centime de fonds européens qui peut être coupé », tandis que dans les « Tagesthemen », Markus Preiß a déclaré de manière menaçante : « Depuis trop longtemps, la Commission européenne, mais aussi l'Allemagne en tant que pays le plus puissant, sont restées sans rien faire ». Ainsi, la Pologne menace « l'existence de l'UE » et l'Allemagne, en tant que « pays le plus puissant » du continent, doit enfin mettre de côté sa longanimité légendaire et contribuer à « riposter » avec tous les moyens à sa disposition et à étrangler financièrement son voisin de l'Est. Cela ne ressemble-t-il pas à une hystérie tout à fait inadaptée à la réalité, voire à une gratte dans le disque de l'histoire récente ?

    En apparence, la lutte actuelle porte sur l’accusation selon laquelle la Pologne, par sa réforme juridique, violerait les traités européens et créerait une Europe « à la carte » en ne tenant pas compte des « règles du jeu » générales en continuant pourtant à « collecter l'argent des impôts de l'Europe occidentale ». Tout cela est faux à plusieurs niveaux.

    Tout d'abord, c’est l’UE qui, ces dernières années, par une instrumentalisation inouïe de ces prétendues « valeurs européennes », a déformé les règles du jeu au point de les rendre méconnaissables : la Commission, le Parlement et surtout la CJUE en sont venus à définir des termes tels que « liberté », « égalité », « protection des minorités » ou « État de droit » de manière si large et si idéologiquement à gauche qu'ils en tirent une justification pour presque toute intervention législative dans le droit national – et ce sans aucune possibilité de recours, puisque la CJUE, profondément politisée, sous le prétexte d'une prétendue « séparation des pouvoirs », élude toute objection des autres instances. Cela n'a peut-être pas changé la lettre des traités, mais l'esprit en a été littéralement inversé : légalité ne signifie pas légitimité, comme l'ont tragiquement démontré les régimes autoritaires du XXe siècle.

    Deuxièmement, la soi-disant réforme juridique, comme cela a déjà été suffisamment débattu dans la littérature, n'était pas seulement une réaction du gouvernement actuel à la nomination illégitime et prématurée de plusieurs juges constitutionnels par le gouvernement sortant de Donald Tusk, mais découlait également de la nécessité de gérer l'héritage personnel de l'ère communiste, dont le système de patronage dans le système judiciaire polonais n'avait jamais été soumis à une véritable lustration et s'était entièrement rangé du côté des partis de gauche-libéraux. La démocratisation du système juridique polonais n'a rien fait d'autre que créer des conditions constitutionnelles qui correspondent à celles de la plupart des autres pays européens et ne menacent pas plus l'« indépendance » du pouvoir judiciaire que ce n'est le cas dans l'Allemagne actuelle, mais bien évidemment, tout cela n'a jamais été repris par les médias d'Europe occidentale : Car le vrai problème n'était pas la réforme elle-même, mais sa conséquence, à savoir le renforcement de l'élément conservateur dans le système judiciaire polonais et donc son soutien à la politique intérieure du gouvernement polonais tant détesté par l’Occident.

    Troisièmement, l'argument d’une prétendue obligation d'obéissance de la Pologne en contrepartie des aides financières reçues par l’UE est incorrect à la fois sur le plan moral et factuel. Moralement, car aucun Espagnol ou Écossais ne supposerait jamais que l'Andalousie ou les Highlands du nord-ouest auraient moins de poids national que les autres régions simplement parce qu'elles génèrent moins d'argent qu'elles n'en reçoivent en raison de leur faiblesse structurelle actuelle. Pourquoi en serait-il autrement pour la Pologne au sein de l'UE ? Objectivement, parce qu'il a été prouvé (comme, par exemple, mutatis mutandis dans le cas de l'Allemagne de l'Est) que ces fonds ne sont guère des dons désintéressés, mais représentent plutôt la contrepartie de l'ouverture de la Pologne au marché intérieur européen, où les produits d'Europe occidentale étouffent aujourd'hui encore dans l'œuf leur concurrence d'Europe orientale par des prix de dumping, où le capital d'Europe occidentale profite du marché du travail polonais, aussi bon marché que hautement qualifié, et où même les grands projets d'infrastructure financés par l'UE sont le plus souvent pris en charge par des entreprises occidentales et permettent le transport de marchandises occidentales. Ce qui en résulte est tout sauf de la charité chrétienne, mais au mieux une situation gagnant-gagnant froidement calculée.

    Mais cela explique aussi pourquoi le spectre du prétendu « Polexit » invoqué par les médias d'Europe occidentale est une déformation soit naïve, soit malveillante de la situation économique et politique réelle. Compte tenu des liens économiques étroits avec l'Ouest et de l'enthousiasme collectif pour l'intégration européenne, il n'y a absolument aucun désir en Pologne, et surtout pas au niveau gouvernemental, de quitter l'UE - et en fin de compte, il en va de même pour l'Europe occidentale et surtout pour l'Allemagne, qui, par un Polexit, perdrait un site central d'exportation, de production et d'investissement et ne peut avoir aucun intérêt à trouver des postes de douane sur l'Oder. Une rupture de la symbiose entre l'Est et l'Ouest ne toucherait finalement pas moins la Pologne que l'Allemagne, puisque les subsides « économisés » ne pourraient guère être investies avec plus de profit ailleurs que chez le voisin le plus proche, qui est après tout le cinquième partenaire commercial de l'Allemagne.

    Alors pourquoi le spectre de Polexit est-il constamment invoqué, non seulement à Bruxelles mais aussi à Berlin, et pourquoi le pays est-il littéralement poussé hors de l'UE par une agitation médiatique sans précédent ? La réponse est simple : il s'agit ni plus ni moins d'une partie de poker dont l'objectif est en « changement de régime » classique. La pression politique, médiatique et financière est destinée à agir comme des grésillons pour obliger le gouvernement polonais à céder et donc à abandonner sa politique intérieure conservatrice - ou bien, par une intimidation progressive, à amener la population à renverser le gouvernement d'une manière ou d'une autre et à provoquer de nouvelles élections. Dans le processus, l'ancien président du Conseil européen, Donald Tusk, qui est revenu à Varsovie il y a quelques mois précisément dans ce but, serait alors réélu Premier ministre polonais et ramènerait le pays sur la voie négociée à Berlin et à Paris. Le seul hic de ce calcul, c'est que tôt ou tard, ces mesures mettraient aussi l'Europe occidentale en difficulté, d'autant plus que l'Europe de l'Est s'est jusqu'à présent très bien sortie de la crise et affiche des taux de croissance extraordinaires, ce qui signifie qu'elle offre des conditions presque paradisiaques aux investisseurs occidentaux. L'UE s'appuie donc d'autant plus sur la pression concentrée des médias pour ériger une toile de fond menaçante dont la véritable cible est la population polonaise qui, après des décennies de domination soviétique, veut à tout prix appartenir à l'« occident ». Varsovie va-t-elle céder avant de se rendre compte qu'elle n'a pas de plus mauvaises cartes que ses homologues de Bruxelles et de Berlin ?

    David Engels (Tysol, 17 octobre 2021)

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  • Union européenne : taper du poing sur la table, avant de la renverser !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul Derey, cueilli sur Polémia et consacré à la possibilité d'une politique de force de la France vis-à-vis de l'Union européenne pour imposer des choix politiques hétérodoxes...

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    Union européenne : taper du poing sur la table, avant de la renverser !

    Les critiques de l’Union européenne sont omniprésentes à droite, mais les mesures de sortie des traités sont peu populaires. Éric Zemmour, en conférence à Toulon vendredi 17 septembre, estimait qu’il n’est pas question de sortir des traités, mais de cesser d’être « les bons élèves de l’Europe ». À Lille le 2 octobre, il appelait à lancer un ultimatum à Bruxelles, « tenir tête1 ». Détaillons cette position : existerait-il une alternative au Frexit pour la France afin de défier la bureaucratie bruxelloise ? Est-ce possible de désobéir à Bruxelles sans sortir de l’Union européenne ?
    Nous allons étudier et proposer une posture aussi radicale que crédible dans le contexte de la prochaine élection présidentielle ; politique esquissée par certains candidats déclarés. Quelques exemples pour comprendre où se trouve le véritable nœud gordien à trancher, et pourquoi il s’agit des juges français.

    Le mirage de la sortie de l’UE : un Brexit pour une « Global Britain »

    Derrière les critiques eurosceptiques des institutions européennes se cache un problème humain bien plus qu’économique ou juridique. Le Brexit en est une parfaite illustration : si les Britanniques n’ont pas plébiscité le Remain, c’est avant tout par préoccupation du contrôle des frontières et par volonté de reprendre le contrôle sur la politique d’immigration du pays2. C’est chose faite, puisque Boris Johnson propose finalement une politique migratoire plus « ouverte » que jamais : le 13 juillet 2019, il déclarait vouloir régulariser le statut de tous les sans-papiers présents sur le territoire, soit 500 000 rien qu’à Londres; il déclarait de même en juin 2020 vouloir offrir la nationalité britannique à trois millions de Hongkongais à la suite des velléités chinoises sur l’île4. Ces deux mesures de régularisation massive représenteraient près de 6 % de la population britannique…

    La mise en lumière des responsabilités de l’Union européenne et ses satellites ne doit pas conduire à déresponsabiliser les électeurs de ses États membres. Membre des traités européens ou non, une classe politique cosmopolite poursuit une politique cosmopolite. Le “problème européen” est humain et non institutionnel, en premier lieu, les classes politique et judiciaire françaises sont d’abord à blâmer. Michel Barnier déclarait jeudi dernier à propos de la politique migratoire à mettre en œuvre : « Nous ne pouvons pas faire tout cela sans avoir retrouvé notre souveraineté juridique, en étant menacés en permanence par d’un arrêt ou d’une condamnation de la Cour de justice européenne ou de la Convention des droits de l’homme, ou d’une interprétation de notre propre institution judiciaire5. » Derrière sa critique de la CEDH et de la CJUE, il livre une vérité que l’auteur du Coup d’État des juges6 connaît bien : “notre propre institution judiciaire” serait un frein égal à une réforme des politiques migratoires que les Cours européennes.

    La bureaucratie bruxelloise, miroir parfait des États membres

    Il faut d’abord comprendre que les représentants européens des États membres… sont avant tout nommés par les États membres ! En effet, un bref rappel de la nomination du personnel européen dans les différentes institutions s’impose afin de montrer que l’Europe des nations, c’est bien celle en place actuellement. En résumé, les institutions européennes « qui comptent » sont composées par les États membres (voir cet article pour une présentation détaillée des institutions européennes, la nomination de leurs membres, et leurs pouvoirs). En bref, les membres de la Commission sont proposés par les États membres et approuvés par le Parlement européen, les membres du Conseil européen et du Conseil de l’Union européenne sont les membres du gouvernement des États membres, même les juges de la CJUE et de la CEDH sont présentés par les États membres…

    Même les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ne sont contraignants que par un choix des juges français. Ces derniers sont le principal obstacle à la menée d’une politique patriote. Les membres des institutions européennes sont à l’image des pays qui les composent, en sortir ne garantit donc aucunement de ne plus subir ses effets.

    La résistance européenne en action

    Il serait dommage d’abdiquer le jeu de la politique européenne sans l’avoir joué. Il s’agit de quitter le légalisme, et de rentrer dans la politique, l’arène des rapports de force. Quelques exemples de résistances au rouleau compresseur du politiquement correct occidental et aux juges supranationaux afin de montrer que l’UE n’est que le « léviathan » que nous voulons voir en elle :

    • Les partis de gouvernement et d’opposition en Slovaquie se mettaient d’accord en novembre 2016 pour augmenter le seuil de pratiquants au-delà duquel une religion est reconnue par ce pays (de 20 000 à 50 000), afin de restreindre l’islam. La Slovaquie est un des pays européens les plus restrictifs en la matière, il ne comporte à ce jour toujours aucune mosquée sur son territoire, et ne semble pas décidé à changer7: « L’islam n’a pas sa place dans ce pays », ajoutait l’ex-Premier ministre Robert Fico en mai 20168.
    • En Estonie, la Constitution en vigueur (votée par référendum en 1992) prévoit dans son préambule que l’État « est établi sur le droit inextinguible du peuple estonien à l’autodétermination nationale […] qui garantira la préservation de la nation estonienne et de sa culture à travers les âges […]». Dénoncé comme « ethno-nationaliste9 », le préambule utilise en effet les concepts de nation estonienne (eesti rahvus) et de peuple estonien (Eesti rahvas) ; « eesti ravus » signifiant nation, au sens ethnique. Il y a donc la nation ethnique et la nation civique en Estonie, ce qui permet à certains chercheurs de qualifier l’Estonie, et parfois la Lettonie, de « démocratie ethnique » ; parmi ces chercheurs le sociologue israélien Sammy Smooha, inventeur de ce terme. Ce pays d’environ 1 300 000 habitants a beau déplaire au Conseil de l’Europe10, à l’ONU11 et à la Commission européenne12, son État a toujours pour but la préservation de la nation ethnique estonienne.
    • En Allemagne, la Cour suprême fédérale de Karlsruhe tapait sur les doigts de la Banque centrale européenne concernant ses programmes de rachat d’actifs en mai 202013. En effet, les juges avaient exigé dans leur arrêt que la BCE justifie ces rachats par rapport à son mandat (principe d’attribution), alors même que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) validait en 2018 cette procédure de rachat de dette publique. Il s’agit d’une remise en cause retentissante de la primauté du droit européen sur les droits nationaux, qui a entraîné une procédure d’infraction de la Commission européenne en juin 202114 (« Un grave précédent», selon elle). Le gouvernement allemand annonçait en août 2021 « rejeter » cette procédure d’infraction, estimant que la Cour constitutionnelle fédérale n’avait nullement méconnu le droit européen15.
    • Toujours en Allemagne, la même Cour suspendait en mars 2021 la ratification du plan de relance de l’UE pourtant voté par le Parlement allemand, en raison d’un recours pour inconstitutionnalité. Ce recours, rejeté le mois suivant par les juges allemands16, montre cependant qu’un poids lourd de l’UE peut rappeler la primauté de son droit, lorsque ses juges le
    • La Hongrie et la Pologne, ont bloqué plusieurs semaines le plan de relance européen subordonné au respect de « l’état de droit » jusqu’en décembre 202017, remportant une victoire en demi-teinte, car ne « pesant » pas autant que leurs voisins de l’Ouest.

    Enfin, un exemple contraire, afin de montrer que dans l’UE, tout n’est que rapport de force : la Commission européenne annonçait en août 2021 vouloir retirer des subventions européennes à des régions polonaises en raison de leur résistance à la promotion de l’idéologie LGBT. Ces petites régions, fortement dépendantes des fonds européens, se sont couchées une par une quelques semaines plus tard à la suite de ce chantage18. Éric Zemmour, en « meeting » à Lille le 2 octobre, expliquait que la France doit « tenir tête à la Commission de Bruxelles et aux juges européens […]. Nous ne devons pas craindre les rodomontades et les crises d’hystérie de la Commission », car, contrairement à la Pologne, la France n’est pas dépendante des fonds européens, étant contributrice nette au budget de l’UE. Un atout de taille qui fera la différence avec la Hongrie, explique le journaliste. Cette position, qui rappelle le « plan A négociations » et le « plan B Frexit » de Jean-Luc Mélenchon en 2017, semble la meilleure en l’état actuel.

    Perspectives pour 2022 : que la France « tienne tête »

    Nous attendons donc le réveil d’un État fondateur de l’UE qui appuierait les États conservateurs de l’Est. La France pourrait être cet État conservateur, mais Michel Barnier rappelle que nos propres juges sont un frein à une politique patriote, au moins autant que les juges européens. Si le Conseil constitutionnel consacrait en 200619 la supériorité de « l’identité constitutionnelle de la France » contre les directives européennes allant à son encontre, les juges de la rue de Montpensier, menés par Laurent Fabius, sont aujourd’hui peu prompts à affirmer cette identité française : Éric Zemmour a raison de vouloir brider cette institution par une réforme constitutionnelle20.

    Peut-être faudra-t-il sortir la France de l’Union européenne et des autres traités, peut-être d’autres États membres21 le décideront avant nous. Cependant, ces mesures sont majoritairement rejetées par les électeurs du fait de la propagande gouvernementale, d’un sentiment européen diffus mais réel, et surtout de la peur justifiée de telles mesures. La France n’a pas encore tenté la moindre opposition sérieuse en politique européenne, il est urgent que le camp identitaire s’empare de cette question et porte au pouvoir au niveau local et national le changement qu’il souhaite imposer à l’international.

    Au risque d’être répétitif, la droite nationale doit tenter ce qui ne l’a en réalité jamais été au niveau européen : taper du poing sur la table, avant de la renverser. Ce n’est qu’après un possible quinquennat patriote entraînant enfin du ménage dans les institutions françaises d’abord, européennes ensuite, qu’il faudra se poser la question de la sortie des traités. Sans cela, l’incantation mystique d’un Frexit tourné vers l’Afrique sonnera comme ce qu’il apparaît être aux yeux des Français : un reniement de leurs racines, mais surtout une très mauvaise idée.

    Paul Derey (Polémia, 15 octobre 2021)

    Notes :

    1 Éric Zemmour en conférence à Lille, YouTube, 2 octobre 2021.

    2 « Brexit : les motivations de ceux qui l’ont voté », Jean-Christophe Catalon, La Tribune, 28 octobre 2016.

    3 « Régularisation, système à points… Boris Johnson veut revoir la politique migratoire britannique », Bahar Makooi, InfoMigrants, 29 juillet 2019.

    4 « Le pari fou de Boris Johnson », Anthony Bellanger, France Inter, 4 juin 2020.

    5 « La classe politique divisée après les critiques de Michel Barnier contre la justice européenne », Alexis Feertchak, Le Figaro, 12 septembre 2021.

    6 Zemmour (Éric), Le Coup d’État des juges, Grasset, 1997.

    7 « Slovakia bars Islam from becoming state religion by tightening church laws », Gabriel Samuels, The Independent, 1er décembre 2016.

    8 « Robert Fico: “Islam has no place in Slovakia” », Vince Chadwick, Politico, 26 mai 2021.

    9 « Preamble of Estonian Constitution: strive towards ethnic favoritism? », International Centre for Ethnic and Linguistic Studies, 9 avril 2018.

    10 « ECRI – Report on Estonia », European Commission against Racism and Intolerance (ECRI), Council of Europe, 2015.

    11 « Report of the Special Rapporteur on contemporary forms of racism, racial discrimination, xenophobia and related intolerance – Mission to Estonia », Human Rights Council of the United Nations, 17 mars 2008.

    12 « The meaning of racial or ethnic origin in EU lax: between stereotypes and identities », Lilly Farkas, European network of legal experts in gender equality and non-discrimination, European Commission, 2017.

    13 « L’arrêt du 5 mai 2020 de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne concernant le programme PSPP de la Banque centrale européenne », Jean-Claude Zarka, Actu juridique, 3 juillet 2020.

    14 « L’Allemagne dans le collimateur de l’UE, l’arrêt de la Cour constitutionnelle constitue un “grave précédent”! », Capital, 9 juin 2021.

    15 « Germany rebuffs EU legal move against Germany over ECB ruling », Reuters, 10 août 2021.

    16 « Feu vert de la justice allemande au plan de relance européen », Armelle Bohineust, Le Figaro, 21 avril 2021.

    17 « Plan de relance européen : la Pologne et la Hongrie se disent prêtes à lever leur veto », Virginie Malingre, Le Monde, 10 décembre 2020.

    18 « Quatre régions polonaises cèdent au chantage LGBT », Visegrád Post, 29 septembre 2021.

    19 Décision n° 2006-540 DC, Conseil constitutionnel, 27 juillet 2006.

    20 Éric Zemmour chez Pascal Praud, « L’heure des pros », CNews, 13 septembre 2021.

    21 « Still unpopular among the public, Polexit is no longer a taboo for the Polish right », Olivier Bault, Visegrád Post, 11 septembre 2021.

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  • L'âme des peuples, origine des institutions...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non qui évoque l’importance de l’hérédité et de l’histoire chez les peuples au travers de l'œuvre du sociologue et anthropologue Gustave Le Bon (1841-1931) célèbre, notamment, pour son essai intitulé Psychologie des foules.

     

                                          

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