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Points de vue - Page 80

  • Quand la pandémie devient la tempête parfaite...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'utilisation de la pandémie de coronavirus pour la mise en œuvre  d'un programme drastique de réduction des libertés.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Quand la pandémie devient la tempête parfaite

    L’agressivité, la violence même des représentants du Bien sur les antennes doivent nous alerter.

    Nous n’entrerons pas ici dans les débats sur la protéine spike, sur l’hydrogel, l’oxyde de graphène ni sur les divers composants des «vaccins» actuels anti-SARS2-Covid, pas plus que nous n’évoquerons les travaux chinois évoquant la possibilité d’intervenir à distance sur le corps humain, à partir précisément des composants associés dans des vaccins imposés à la population dans un état de désinformation systématique.

    La science est loin d’avoir les mains blanches

    Si le sujet sociétal est celui de notre rapport à la mort, le sujet politique est le rapport de la science et de la liberté. Ces deux autorités, les seules que nous reconnaissons dans le monde moderne, selon Pierre Manent (dans le magistral « Petit manuel de philosophie politique »), n’ont jamais entretenu des rapports simples. Toujours, la science a prétendu détenir le Vrai et le Bien, et pouvoir au nom du Vrai et du Bien limiter, cantonner, confiner les libertés.

    Et toujours la Liberté a rappelé que les sciences ne s’accordent pas entre elles, toujours elle a évoqué l’histoire, les 100 000 sorcières brûlées au nom de la science, la persécution des homosexuels au nom de la science, l’enlèvement des enfants des minorités indiennes ou aborigènes au nom de la science, et les ravages écologiques provoquées par une « science » économique sortie de la nature, de la raison et du sens commun. Sur trois des dogmes de la « modernité », la science est loin d’avoir les mains blanches. Les pires politiques de discrimination raciale du XXe siècle ont trouvé leur fondement dans les travaux de la science la plus officielle du XIXe et du début du XXe siècle.

    Les pires politiques de colonisation, d’ethnocide et d’extermination de la diversité culturelle et religieuse ont elles aussi été nourries des travaux scientifiques sur le progrès, la civilisation et les Lumières de la Raison. Ceux qui affirmaient « au nom de la science » la nécessité des lois criminelles qu’ils promulguaient n’avaient pas d’autres accents que ceux des dirigeants européens, Castex et Véran en tête ; eux aussi ont « la science » avec eux (l’affirmation devrait faire frémir ceux qui sont Bachelard et sa définition de la science comme une accumulation d’erreurs corrigées) !

    Quant aux ravages subis par l’environnement, l’extinction de la biodiversité et les menaces sur les conditions de l’existence humaine, comment ne pas voir qu’ils résultent pour la plus grande part de l’avènement d’une « science économique » qui ne se connaît ni maître, ni limites, au point de devenir la pire menace que nous affrontons ?

    Nous n’échappons pas au conflit déchaîné entre la Science et la Liberté, et nous savons que si la Liberté ne prévaut pas, si la démocratie ne tient pas en laisse la technique, c’est l’existence même de l’humanité que la science condamnera. Et la Liberté d’ajouter ; de même que les plus grands crimes du XXe siècle ont été perpétrés au nom de la science, du marxisme scientifique transposé en communisme soviétique, et du racisme scientifique transposé en nazisme, les plus grands crimes du XXIe siècle sont en train d’être commis au nom du scientisme, de la privatisation de la vie, d’intérêts privés qui s’approprient la santé publique, et d’une technique qui ignore toute limite.

    Une division de la société

    Nous ne sommes pas dans de vaines spéculations politiques. Nous sommes dans la révélation quotidienne du vrai visage de ceux qui nous gouvernent — de beaucoup trop d’entre eux. Enfermer les non-vaccinés dans des camps de détention sans sortie ni visite possible. Obliger les non-vaccinés à porter un bracelet de couleur, ou une puce électronique permettant de tracer leurs déplacements. Priver les non-vaccinés de soins hospitaliers et d’accès aux urgences. Préparer des fiches administratives de dénonciation des non-vaccinés et de signalement aux autorités des manifestations de résistance à la vaccination.

    Exclure les non-vaccinés de toute vie sociale, en faire des parias de la bonne société. Voilà un petit florilège de ce qu’en France comme dans l’Union européenne, les dignes représentants de partis dits de gouvernement nous assènent chaque jour au nom de la science. Voilà les dispositions liberticides, comme la loi du 21 décembre imposée au Parlement français qui prévoit par simple décret la promulgation d’un état d’urgence sanitaire permettant entre autres aux préfets d’enfermer et de déporter les non-vaccinés dans des centres de rétention !

    Voilà ce que des Ministres en exercice, des élus, des Présidents, martèlent à chaque intervention, au nom de la science. Et ils s’en réjouissent ! Il faut voir la satisfaction malsaine avec laquelle ils vitupèrent leurs ordres, tout à l’extase du pouvoir sans limites qu’une panique provoquée et entretenue leur offre ! Et voilà désignés les méchants d’où nous vient tout le mal, contre lesquels tout est justifié, tout est permis au nom de la science — certains ne sont pas loin de dire que s’ils en meurent, c’est tant mieux. Et voilà aussi l’étrange soumission de députés européens qui, sur tous les fronts et tous les continents, contre la Chine, la Russie, l’Iran, etc., n’ont à la bouche que la défense des libertés et le respect des droits fondamentaux de la personne humaine — accompagner les mourants, pratiquer son culte, se réunir, se déplacer, n’est-ce pas là le fond de la dignité humaine ?

    Et voilà le silence assourdissant d’élus français qui sont là, et là d’abord, pour défendre des libertés toujours menacées, toujours à reconquérir. À part, en France, François Xavier Bellamy et Sébastien Meurant, à part Marine Le Pen et Éric Zemmour, qui renvoie l’arrogance scientiste des vaccinistes au respect des libertés fondamentales ?

    Le COVID emporte le peu de démocratie

    Ce que le catastrophisme écologique manipulant les données du réchauffement climatique pour servir le projet d’un gouvernement mondial n’avait pu réaliser,

    Ce que les folles annonces du transhumanisme et de « la mort de la mort» venues de Google n’avaient pu obtenir,

    Ce que l’assujettissement aux réseaux, aux techniques d’ingénierie sociale et à leur propagande de masse n’avait pas suffi à garantir,

    La panique entretenue par l’épidémie de COVID19 est en train de le permettre, tempête parfaite qui peut tout emporter — et d’abord, le peu de démocratie qui nous reste.

    Qui ose s’étonner si les bilans mondiaux à paraître illustrent tous le recul, moins des démocraties elles-mêmes, que de la confiance des populations dans ce qui s’est appelé démocratie, et se noie sous les prescriptions administratives ! Pour n’avoir aucun doute sur la réalité de l’opération, il suffit d’entendre ces conseillers américains évoquer le redéploiement des troupes basées en Afghanistan en Afrique… pour forcer la vaccination de la population africaine ! Il suffit de constater comment les gouvernements des pays occidentaux ont successivement réduit, puis interdit, des traitements qui étaient susceptibles de prévenir, de limiter les effets inflammatoires, si ce n’est de guérir le COVID, mais qui échappaient aux « big pharma », notamment parce que tombés dans le domaine public.

    Pas question qu’un médicament à 7,50 euros vienne concurrencer un traitement à plusieurs centaines d’euros ! Il faut aussi mesurer la dégradation du métier de médecin, devant l’appropriation par les industriels du contrôle des prescriptions, des prises de parole, des recherches, et la soumission en cours de tout le corps médical aux seuls intérêts de Big Pharma — et de ses actionnaires pour lesquels toute menace sur la santé humaine est d’abord une promesse de rendement — les agissements de Gilead et d’autres laboratoires, depuis le début de la crise, disent tout à ce sujet ; la fin des indépendants est programmée, rien ne doit limiter le contrôle de la finance sur la vie humaine — puisqu’elle fait le travail de Dieu ! Mais qu’est-ce qu’une médecine devenue le voyageur de commerce des laboratoires pharmaceutiques ?.

    D’Elsevier au groupe Murdoch, il faut enfin considérer le lien que les groupes de presse éditeurs des plus prestigieuses revues scientifiques « à comité de lecture », mais qui tirent leurs bénéfices de magazines scientifiques gratuits sponsorisés par les industriels et les labos, ont entretenus avec les grands intérêts publics et privés pour ne publier que les articles favorables à la vaccination. L’un des plus reconnus, The Lancet, vient d’être obligé de l’avouer, ayant ouvert ses colonnes sans relecture ni validation scientifique à un Américain, Peter Daszak, lié au pouvoir chinois, en conflit d’intérêt manifeste, qui a publié un article aussi autoritaire qu’infondé, pour interdire d’évoquer toute fuite de laboratoire à Wuhan, et pour accréditer la thèse d’un virus naturel, thèse aujourd’hui formellement démentie (lire Tyler Durden, Zerohedge, 25 décembre 2021). 

    Et il suffit d’anticiper la mise en place du pass numérique obligatoire, conditionnant toute vie sociale, assurant un traçage permanent et universel des individus, mettant fin à tout ce que les révolutions des Lumières avaient assuré comme libertés individuelles et publiques (voir par exemple l’annonce par une société d’armement du « e wallet », identifiant numérique individuel disant tout, tout, tout de chaque individu), pour le comprendre.

    Entre la liberté et la science, le débat est plus que jamais d’actualité. Et si un continent vieillissant, incapable de tenir ses frontières, choisit la soumission à la science plutôt que la liberté devant la mort, nous saurons ce que vaut une civilisation qui n’est plus capable de reconnaître ses ennemis — ceux qui privatisent la santé et la vie au nom du rendement du capital.

    Rien.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 4 janvier 2022)

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  • Le culte des héros et l'héroïque dans l'histoire...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non qui évoque la théorie du grand homme dans l'histoire au travers de l'essai du penseur britannique Thomas Carlyle (1795-1881) intitulé Les héros, le culte des héros et l’héroïque dans l’histoire.

     

                                             

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  • Novlangue & co...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site son site personnel et consacré aux "langues de pouvoir".

    Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe enseigne à la Sorbonne et est l'auteur de nombreux essais sur le sujet, dont, récemment, La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015), Fake news - La grande peur (VA Press, 2018), Dans la tête des Gilets jaunes (VA Press, 2019) avec Xavier Desmaison et Damien Liccia, et dernièrement L'art de la guerre idéologique (Cerf, 2019).

     

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    Novlangue & co

    La plupart des lecteurs conviendront que la langue ( un système de signes a priori fait pour cela) sert à communiquer. Mais elle fait aussi intérioriser un pouvoir : utiliser certains mots, d’une certaine façon, interdit de penser ou oblige à penser.

    Parmi les langues de pouvoir, nous distinguerons trois familles (ou trois logiques principales) : la famille jargon, la famille novlangue et la famille langue de coton. Étant entendu qu’il y a énormément de mariages et cousinages entre les trois branches.

    Les jargons sont des langues spécifiques à des catégories sociales ou professionnelles. Ils permettent de se comprendre à l’intérieur d’un cercle et d’exclure les non-initiés (comme les argots dans les groupes marginaux). Globalement, un jargon sert à s’identifier à une communauté (« je maîtrise les codes »), et à faire sentir aux autres qu’ils n’en sont pas (« ils ne comprennent pas »). Il en résulte souvent, grâce à des termes ésotériques, techniques ou savants, un effet de persuasion (« puisque je ne comprends pas, ce doit être vrai »). La sidération fonde l’autorité. Et le mystère, la soumission.

    La novlangue a une origine bien précise : le génial roman d’Orwell 1984 décrit comment le pouvoir de Big Brother développe scientifiquement un néovocabulaire et une néosyntaxe. Le but est de remplacer l’ancienne langue naturelle par le newspeak. La fonction est d’empêcher la formulation de toute critique afin de produire une soumission idéologique. Pour cela, des bureaucrates suppriment une partie du vocabulaire et réassignent un sens nouveau à d’autres (le fameux « la guerre, c’est la paix, la vérité, c’est le mensonge »). L’usage révisé devient obligatoire et, dans les mots forgés par le parti, s’exprime l’adhésion à la doctrine. Toute représentation de l’histoire et de la réalité est parallèlement modifiée par les médias et les archives sont réécrites suivant la ligne politique. Le système repose sur le couple interdiction plus automaticité. Les phrases, purifiées des mots inutiles, s’enchaînent pour mener aux conclusions souhaitées. Parallèlement, la « doublepensée » permet d’assumer des contradictions évidentes. Essentiellement idéologique, la novlangue suppose un ennemi, coupable du mal par excellence : la « crimepensée », c’est-à-dire le seul fait de concevoir (et nommer) le monde autrement que Big Brother.

    « Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera rigoureusement limité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées… La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. »

    George Orwell, 1984.

    Certes la novlangue n’a jamais été parlée que dans le roman, mais elle se réfère à la « sovietlangue », ou langue de bois soviétique, outil historique d’une logocratie : une parole officielle formalisée et dont la répétition obligatoire s’impose à tous. Elle sert à occulter la réalité (les échecs du régime ou les contradictions de la doctrine). Elle contraint chacun à feindre de croire en un monde imaginaire où ladite doctrine fonctionnerait parfaitement. Mentionnons aussi une LTI (« lingua terti imperi », langue du Troisième Reich) nazie que s’imposaient les membres du parti. Totalitarisme et contrôle du langage entretiennent un lien évident. La recherche de la prévisibilité maximale : conformité de toute parole, même dans des échanges privés. Donc contrôle maximal des esprits qui ne maîtriseront plus de codes pour penser autrement.

    La troisième catégorie de notre typologie ne fonctionne pas par les conventions d’une minorité ou par la contrainte des autorités : elle est si consensuelle, si peu discriminante, si floue qu’il n’est plus possible de dire le contraire. Cette « langue de coton » a particulièrement fleuri à la fin des années 1980, dans les discours médiatique, politique et technocratique. Irréfutable parce que l’on ne peut pas énoncer la thèse opposée, elle dit des choses tellement imprécises ou moralement évidentes qu’il est impossible de savoir à quelle condition son message pourrait être reconnu faux tant il offre d’interprétations. On reconnaît la langue de coton à ce que ses concepts sont interchangeables. Les mêmes mots peuvent servir à parler de n’importe quoi d’autre.

    « Cela dit, dès que l’on échappe au physicalisme des rapports de force pour réintroduire les rapports symboliques de connaissance, la logique des alternatives obligées fait que l’on a toutes les chances de tomber dans la tradition de la philosophie du sujet, de la conscience, et de penser ces actes de reconnaissance comme des actes libres de soumission et de complicité. »

    Interview non parodique de Pierre Bourdieu parue dans Libération en 1982.

    En résumé, les jargons jouent sur le ressort de l’incompréhension (sens ésotérique), les novlangues et sovietlangues sur l’interdiction et la prescription (sens obligatoire) et la langue de coton par exclusion de la critique (vidée de sens).

    Politiquement correct et écriture inclusive

    Cela posé, à quoi ressemblent les langues idéologiques d’aujourd’hui ? Le lecteur se doute que nous allons répondre : un peu des trois. Mais d’autres facteurs plus récents s’ajoutent.

    Le premier est le « politiquement correct ». Dans la décennie 1980, on commence à employer l’expression aux États-Unis (vite abrégée en PC pour political correctness). Ce sont des formules et vocables qui se réclament d’une vision ouverte et moderne du monde. Elle impose de reformuler les façons anciennes de nommer certaines catégories de gens ou certaines notions. Non seulement le PC multiplie les interdits et les expressions figées (avec périphrases ridicules), mais il le fait au nom d’un impératif : ne pas offenser telle catégorie – minorités ethniques, femmes – telle forme de sexualité, tel handicap, tel mode de vie, telle conviction. Le tout pour ne pas discriminer. Des phrases sont bannies non parce qu’elles seraient fausses (rappelons que nommer, c’est discriminer, pour bien distinguer ce dont on parle de tout le reste), mais parce qu’elles provoqueraient une souffrance ou une humiliation. Elles révéleraient une domination. Le parler ancien serait plein de stéréotypes, globalement imposés par les hommes blancs hétérosexuels prospères et conservateurs. Lexique et grammaire (prédominance du masculin en français) refléteraient un rapport de pouvoir à déconstruire. Pour le remplacer par un langage convenu (par qui, au fait ?) et de nouveaux rapports de respect et de tolérance.

    Ce raisonnement repose sur trois présupposés. D’abord que ceux qui ont produit la langue jusqu’à présent (le peuple et les écrivains) ignoraient la nature oppressive de la langue et, partant, étaient complices des dominants. Seconde idée : une minorité éclairée est, elle, en mesure de déconstruire le complot séculaire et de fixer les bonnes dénominations source des bonnes pensées. Troisième postulat : imposer la pensée correcte par les mots rectifiés, c’est supprimer la source du mal, dans la tête. Cela permet de criminaliser toute critique : par les mots mêmes que vous employez, ou votre refus du PC, vous êtes du côté des oppresseurs et des abrutis. Donc vous ne pensez pas vraiment : votre tête est pleine de stéréotypes dont nous allons vous guérir.

    À un degré plus avancé, se développe l’écriture inclusive, qui, au mépris de la grammaire, impose des contorsions destinées à établir l’égalité entre masculin et féminin. Le but est que personne ne puisse se sentir mal représenté ou lésé par l’orthographe. Double bénéfice : ceux qui l’adoptent se forment au dogme et ceux qui la maîtrisent manifestent leur supériorité morale. On gagne à tous les coups : qui ne parle pas comme moi (par exemple, qui doute de la « théorie du genre ») ne pense littéralement pas, il a des fantasmes et des haines. Et comme la langue est performative (elle a des effets dans la vie réelle), il est comme responsable de quelques crimes relevant du sexisme, du patriarcat, du colonialisme.

    Amusant paradoxe : si la novlangue de Big Brother s’assume comme langue d’autorité, le politiquement correct se pare des prestiges de la critique. S’il s’impose c’est, disent ses partisans, pour nous libérer et parce que nous étions aliénés. Ce qui lui permet, en toute bonne conscience, de transformer des opinions adverses en délits. Le jour où nous parlerons comme des robots, nous serons totalement libres.

    Marqueurs progressistes et marqueurs conservateurs

    Bien entendu, la plupart des éditorialistes ou des hommes politiques ne parlent pas comme des décoloniaux intersectionnels queers. Leur discours, surtout à l’heure du « en même temps », fonctionne plus banalement avec un stock de mots éprouvés et rassurants : compétitivité, ouverture, société civile, transition écologiste, parité, décentralisation, attentes sociétales, participation citoyenne, dimension européenne, dialogue. La tendance à la standardisation se renforce avec des tics verbaux comme « être en capacité de » ou « dans une logique de dialogue ». De ce point de vue, le discours macronien n’est pas fondamentalement différent de la rhétorique progressiste libérale-libertaire typique des classes dominantes européennes. Mélangeant parler technolibéral et inévitable appel aux valeurs, il opte pour le sens le moins discriminant possible et les affirmations les plus tautologiques et morales. Le tout sous le chapeau du « progressisme », dont on croit comprendre qu’il consisterait à accorder plus de droits et de libertés à chacun dans un cadre de prospérité et de sécurité. Difficile d’être férocement contre.

    Le problème de cette néo-langue de coton est qu’elle suscite deux fortes oppositions, celle du réel et celle de couches sociales rétives au parler d’en haut.

    Une grande partie du discours des élites consiste, sinon à dire que tout va bien et qu’il n’y a pas d’alternative, du moins à faire oublier les réalités déplaisantes. D’où un code du déni. Le citoyen moyen a une idée de ce que cachent des euphémismes comme : mineurs non accompagnés, dommages collatéraux, drague qui a mal tourné, individu déséquilibré muni d’un couteau, islamiste modéré, échauffourées dans un quartier sensible, faire société, croissance négative ou restructuration de l’entreprise.

    L’autre menace pour la langue dominante serait que les dominés ne la pratiquent guère. Quiconque a fréquenté un rassemblement de Gilets jaunes a compris que l’on n’employait pas les mêmes périphrases que sur les plateaux de télévision et dans les beaux quartiers. Mais il y a plus : quand une domination idéologique recule, cela se traduit aussi par une lutte du vocabulaire. En sens inverse : de repentance à bobos, de mondialisme à immigrationnisme, d’oligarchie à extra-européen, d’islamo-gauchisme à dictature de la bien-pensance, certains termes sont devenus des marqueurs conservateurs. Autant de termes mauvais à dire et de thèmes mauvais à penser pour les tenants d’une hégémonie qui se réclame du progrès et de l’ouverture.

    Sans parler des lois contre les fake news, de la lutte contre le discours de haine, les bons esprits veulent démasquer et endiguer le discours réac paré d’un charme sulfureux anti-establishment et subversif. D’autant qu’il dénonce la censure conformiste et le totalitarisme latent des bien-pensants en un singulier retournement. Du coup, on s’inquiète de la montée intellectuelle du « national-populisme ». Comme si un certain héritage – Lumières, Mai 68, multiculturalisme – était menacé par une « révolte contre la révolte » des réactionnaires. Et comme si leur reconquête intellectuelle passait aussi par les mots.

    Certains termes agissent comme des déclencheurs. Ainsi, même en période de coronavirus et tandis que de nombreux pays ferment les leurs, le seul emploi du mot « frontière » suscite un rire méprisant et un soupçon politique (« relents identitaires » ?). Peuple, nation, dictature médiatique, élites, étranger, oligarchie, islamiste, culture, identité, sont des marqueurs dont l’emploi sur un plateau de télévision ne peut que déclencher en riposte un « mais qu’entendez- vous par là ? » ironique. La question est en réalité une mise en cause destinée à bien marquer la différence entre, d’une part, un langage totem démocratique apaisé d’ouverture qui va de soi, et, d’autre part, des termes tabous qui pourraient bien dissimuler des stéréotypes archaïsants, des arrière-pensées suspectes et le début d’un langage totalisant.

    On répète souvent la phrase de Confucius, « pour rétablir l’ordre dans l’empire il faut commencer par rectifier les dénominations », ou celle de Camus, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Et c’est vrai. Mais encore faut-il se rappeler que le désordre et la confusion des mots servent les détenteurs d’un pouvoir : celui de nommer ou d’occulter.

    François-Bernard Huyghe (Le site de François-Bernard Huyghe, 28 décembre 2021)

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  • La méthode pour en finir avec le lobby immigrationniste en France...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul Tormenen cueilli sur Polémia et consacré au réseau des associations immigrationnistes qui profite largement des subventions de l'état et des collectivités territoriales.

    Juriste de profession, Paul Tormenen apporte sa contribution à des sites de réinformation depuis plusieurs années. Ses domaines de prédilection sont l’immigration et le traitement médiatique de l’information.

     

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    La méthode pour en finir avec le lobby immigrationniste en France

    Chaque année, de nombreuses associations et ONG dont la vocation est l’aide et la prise en charge des migrants bénéficient de subventions publiques d’un montant parfois considérable. À côté de leur mission première, certaines d’entre elles facilitent l’immigration. D’autres font pression auprès du gouvernement pour infléchir sa politique migratoire, en dépit de leur faible représentativité dans l’opinion publique. L’argent du contribuable est ainsi mis au service d’un lobby immigrationniste, sans qu’à aucun moment on ne lui demande son avis. Cette situation n’est pas irréversible, comme nous allons tenter de le démontrer au travers de trois exemples :

    • les subventions versées aux ONG ;
    • les subventions versées aux associations ayant une mission de service public ;
    • les subventions versées aux sites d’information facilitant l’immigration.

    I – Les subventions versées aux ONG

    Constat – SOS Méditerranée fait partie de ces nombreuses organisations non gouvernementales humanitaires ayant un bateau qui croise en mer Méditerranée. Son activité présentée sur son site paraît sans équivoque : « porter assistance à toute personne […] se retrouvant en danger de mort lors de la traversée de la Méditerranée ». Mais force est de constater que les ONG de sauvetage en mer Méditerranée font partie de la chaîne qui permet chaque année à plusieurs dizaines de milliers de clandestins de gagner l’Europe à partir des côtes d’Afrique du Nord et de Turquie. Certaines d’entre elles ont fait – ou font actuellement – l’objet d’enquêtes judiciaires pour le motif de facilitation de l’immigration clandestine (1).

    Parmi les financeurs de SOS Méditerranée figurent des collectivités locales et territoriales françaises (communes, départements, régions). En 2020, une vingtaine d’entre elles apportaient un soutien financier à l’ONG, dans le cadre d’une « plateforme des collectivités solidaires » (2). Les subventions versées l’année dernière par celles-ci atteignaient la coquette somme de 754 000 euros (3). Fin 2021, le nombre de communes et de collectivités qui subventionnent SOS Méditerranée a plus que triplé depuis 2020, pour atteindre 74. Le montant total des subventions versées à l’ONG par celles-ci a fort probablement augmenté dans les mêmes proportions.

    Un élu RN du département de l’Hérault a récemment contesté devant le tribunal administratif de Montpellier l’attribution en juillet 2020 d’une subvention de 20 000 euros à l’association SOS Méditerranée (4). Il a invoqué à l’appui de sa requête le fait que la délibération accordant une subvention à l’ONG ne se rattache à aucun domaine d’intervention du département et ne concerne pas les bénéficiaires de l’aide sociale apportée par le département.

    Son action en annulation a été non seulement rejetée, l’élu a été condamné aux dépens (5). Le tribunal administratif de Montpellier a estimé dans un jugement du 19 octobre 2021 que « l’association bénéficiaire poursuit une action internationale à caractère humanitaire, dans le respect des engagements internationaux de la France. Seules ces conditions étant requises par les dispositions précitées de l’article L. 1115-1 du Code général des collectivités territoriales, le département pouvait ainsi légalement lui octroyer la subvention en litige ».

    Bien que le financement d’une ONG d’aide aux migrants en mer Méditerranée soit bien loin des missions des départements, le Code général des collectivités territoriales dispose que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire ».

    Proposition – Modifier le Code général des collectivités territoriales afin de ne plus permettre le financement d’actions humanitaires en dehors du ressort géographique de la collectivité considérée.

    Dans un contexte de dépenses sociales en forte hausse, notamment en faveur des jeunes migrants via l’aide sociale à l’enfance, certaines collectivités ne peuvent à la fois demander plus de moyens à l’État et se disperser dans l’allocation de leurs ressources (6).

    II – Les subventions versées aux associations ayant une mission de service public

    Constat – L’État a délégué à des opérateurs privés la prise en charge des migrants (hébergement, actions socio-éducatives, etc.) (7). Certains d’entre eux n’hésitent pas à critiquer le gouvernement pour sa politique migratoire jugée parfois trop « ferme », en dépit du démenti cinglant apporté par les chiffres. Quand ils n’assignent tout simplement pas l’État en justice, comme cela a été le cas en 2016, afin d’augmenter le montant de l’allocation versée aux demandeurs d’asile (8).

    France terre d’asile gère 34 centres d’accueil pour demandeurs d’asile. L’association fournit également un accompagnement juridique aux migrants et accompagne des « mineurs étrangers isolés » lors de leur entretien avec l’OFPRA. En 2020, l’association a perçu la modique somme de 70 millions d’euros au titre de son fonctionnement et de 26 millions d’euros de subventions et de participation. Le devoir de réserve ne semble pas applicable à cet opérateur de l’État : ses communiqués de presse sont souvent très critiques vis-à-vis de la politique migratoire du gouvernement (9).

    La Cimade gère deux centres d’accueil de migrants. Elle propose également un accompagnement aux procédures juridiques que peuvent engager les étrangers. Mais l’activité de cette association ne se limite pas à une mission humanitaire. Ses prises de position publiques et militantes sont nombreuses, notamment lors de débats parlementaires sur des projets et propositions de lois sur l’immigration, à l’occasion de manifestations de sans-papiers, etc.

    Autre manifestation d’un militantisme décomplexé : des associations bénéficiant de subventions publiques, notamment pour assurer l’hébergement d’urgence (le « 115 ») refusent de communiquer la liste des « réfugiés et demandeurs d’asile » qu’elles hébergent dans leurs centres. Une circulaire du 12 décembre 2017 le prévoit pourtant expressément (10). La conséquence de cette non-coopération est tangible : le directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) soulignait dans une interview au Figaro qu’en France les clandestins ne sont pas exclus de l’hébergement d’urgence mais bénéficient au contraire « de plus de prise en charge que chez la plupart des pays européens » (11).

    Proposition – Faire respecter le devoir de réserve aux responsables des associations ayant une mission de service public. La jurisprudence est constante concernant l’obligation de neutralité des salariés participant à une mission de service public. Mais le caractère mixte (public et privé) du financement de ces associations brouille la distinction entre association militante et opérateur de l’État chargé d’une mission de service public (12).

    La liberté d’expression de ces associations peut être garantie par la scission de leurs activités, qui permettrait de distinguer leur rôle d’opérateur de l’État, assujetti à une stricte neutralité, et celui d’association militante.

    Subordonner le versement des subventions publiques au respect des obligations contenues dans la convention conclue avec l’État (remontées d’informations, etc.). Les dirigeants de ces structures ne peuvent se retrancher derrière leurs opinions pour appliquer à la carte le cahier des charges défini avec l’État.

    III – Les subventions versées aux sites d’information facilitant l’immigration

    Constat – L’information sur les procédures juridiques que peuvent exercer les étrangers est surabondante. Outre celle donnée par des associations qui bénéficient de subventions publiques (Cimade, GISTI, France terre d’asile, etc.), les pouvoirs publics financent des sites d’information dédiés.

    Le site InfoMigrants, cofinancé par l’Union européenne et France Médias Monde (une société publique de programme) présente aux aspirants migrants « tout ce qu’il faut savoir sur votre prise en charge à votre arrivée en France » et notamment des conseils juridiques. Comme le soulignait Contribuables associés lors du lancement du site en 2017, « la redevance audiovisuelle des Français est donc utilisée pour financer ce site Internet militant » (13).

    On y apprend qu’un jeune mineur est « inexpulsable ». Des informations précieuses, comme celles présentes également sur le site Infomie.net, un « centre de ressources sur les mineurs isolés étrangers », qui a comme partenaires financiers le ministère des Affaires sociales, le ministère de la Justice, le conseil général du Val-de-Marne, etc. Une « boîte à outils » permet de « retrouver plus facilement les trames de saisine du juge des enfants, de demande d’aide provisoire jeune majeur » et d’exercer des recours de toutes natures.

    Le site Info droits étrangers est également très prolixe en la matière. Géré par l’ADATE, il est notamment subventionné par le ministère de l’Intérieur et la CAF de l’Isère.

    Proposition – Couper les subventions publiques à ces sites d’information qui favorisent l’immigration légale et/ou clandestine. Leur vocation militante implique de limiter leurs ressources à des dons privés. De nombreuses structures d’accès gratuit au droit à vocation généraliste existent en France (14). Il est inutile d’en rajouter, dans un contexte de déficit budgétaire, d’immigration incontrôlée et de juridictions administratives embolisées sous le nombre de procédures engagées par les migrants.

    *****************

    Les exemples accréditant l’existence d’un écosystème subventionné favorisant l’immigration auraient pu être multipliés. Jean-Yves Le Gallou a, dans un essai paru en 2016, passé en revue de façon plus exhaustive les « apôtres du Big Other » (15).

    Alors que la grande majorité des Français estime qu’il y a trop d’étrangers en France, l’importance du lobby immigrationniste en France conduit les gouvernements qui se succèdent au pouvoir à mener une politique ignorant la volonté populaire (16). C’est au contraire toujours plus d’immigration qui est imposé aux Français. Le financement du lobby immigrationniste par les contribuables est trop souvent occulté du débat public. Ce sujet, comme tant d’autres, doit être l’un des enjeux de l’élection organisée en avril 2022. Cela permettrait peut-être – enfin – d’écouter ce que les électeurs ont à dire en la matière.

    Paul Tormenen
    21/12/2021

     

    (1) « Des ONG sont-elles “complices des passeurs” de migrants en Méditerranée, comme l’assure Christophe Castaner ? ». France Info. 10 avril 2019 – « Batosta sulla Ong: ecco il verdetto su Mare Jonio ». Il Giornale. 2 décembre 2021 – « Des membres de quatre ONG soupçonnés de faciliter l’immigration clandestine ». La Presse. 20 juillet 2021.
    (2) La plateforme des collectivités solidaires françaises. Site de SOS Méditerranée France.
    (3) Rapport d’activité. SOS Méditerranée France.
    (4) « L’élu RN contestait une subvention à SOS Méditerranée, il est débouté ». Midi libre. 24 octobre 2021.
    (5) Jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2003886. 19 octobre 2021.
    (6) « Protection de l’enfance en Occitanie : le cri d’alarme des Départements ». Midi libre. 13 août 2021.
    (7) « France : tour d’horizon des associations d’aide aux migrants ». InfoMigrants. 30 juin 2017.
    (8) Arrêt du Conseil d’État n° 394819 du 23 décembre 2016.
    (9) Communiqués de presse de France terre d’asile.
    (10) « Des associations refusent de dévoiler à l’État la liste des personnes hébergées par le 115 ». Le Parisien. 6 juillet 2019.
    (11) « Immigration : “Une hospitalité pour tous est une hospitalité pour personne” ». Le Figaro. 24 novembre 2020.
    (12) Étude d’impact sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République. Assemblée nationale. 8 décembre 2020.
    (13) « 2,4 millions d’euros pour un site d’infos destiné aux migrants ». Contribuables associés. 7 janvier 2019.
    (14) « Les structures d’accès au droit en Île-de-France ». Ministère de l’Intérieur.
    (15) Immigration. La catastrophe – Que faire ?. Jean-Yves Le Gallou. Éd. Via Romana. 2016.
    (16) « “Il y a trop d’immigrés en France”. Un constat partagé par 60 % des Français ? Le sondage explosif du Cevipof ». Breizh-Info. 27 février 2021.

     

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  • L'instauration d'un passe vaccinal annonce-t-elle un futur digne d'une dystopie ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thibault Mercier, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la mise en place du passeport vaccinal. Avocat et président du Cercle Droit & Liberté., Thibault Mercier est déjà l'auteur de Athéna à la borne (Pierre-Guillaume de Roux, 2019).

     

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    Thibault Mercier: «L'instauration d'un passe vaccinal annonce-t-elle un futur digne d'une dystopie ?»

    Si les Anciens sont de bon conseil en politique comme nous le rappelle Michel De Jaeghere dans son remarquable Cabinet des antiques[1], c'est plutôt du côté de la littérature d'anticipation qu'il nous faut nous tourner ces jours-ci pour tenter de comprendre le nouveau monde qui se dessine sous nos yeux après que Jean Castex a annoncé vendredi dernier que « désormais seule la vaccination sera valable pour le passe ».

    Mettons de côté le fait que cette déclaration soit - s'en étonne-t-on encore ? - en contradiction avec les engagements passés du gouvernement et que l'emploi de l'indicatif dénote le peu de considération que porte le Premier ministre au processus démocratique, car plus graves encore seront les conséquences de cette mesure sur la société française, à rebours de ses principes les plus fondamentaux.

    Dans Demolition Man, film de science-fiction sorti en 1993, Sylvester Stallone se réveille, après 70 ans d'hibernation forcée, dans un monde aseptisé duquel a été éradiquée toute violence. La liberté individuelle y est réduite à la portion congrue, l'argent a été remplacé par des crédits virtuels et l'hygiène est une préoccupation de chaque instant : les gestes barrière s'appliquent avec rigueur, les embrassades et l'acte sexuel ont été mis hors-la-loi, car trop risqués (sauf avec un casque de réalité virtuelle…). Dans ce Meilleur des mondes au sein duquel le Bien est réduit au bien-être et le politique à la seule question des intérêts matériels individuels, les hommes libres ont été contraints à l'exil et vivent désormais sous terre pour avoir le droit de « faire du cholestérol et lire Playboy ».

    Bien que la France de 2021 ne ressemble évidemment en rien à cette dystopie, son auteur nous invite néanmoins à nous interroger sur le sort que nous réserverons, demain, aux non-vaccinés et, après-demain, à ceux qui refusent la médicalisation à outrance de leur vie. Seront-ils eux aussi frappés d'ostracisme dès janvier prochain ? Les laissera-t-on tomber dans la misère ? La question n'est pas qu'hypothétique alors que l'université d'Orléans soumettait la semaine dernière la distribution d'une aide alimentaire d'urgence à ses étudiants à la présentation d'un passe sanitaire valide…

    À l'instar du maire de Nice déclarant que lever l'obligation du passe sanitaire reviendrait à donner aux non-vaccinés le droit d'aller tuer leurs concitoyens, nous assistons depuis plusieurs semaines à des violences symboliques inouïes à leur encontre dont on ne mesure pas encore les effets désastreux qu'ils charrieront sur la concorde nationale. Et ce, alors même que les vaccins n'auraient que peu d'effet sur la transmission du virus et que seules certaines populations bien identifiées risquent de subir des complications en cas d'infection.

    Après la fin de la gratuité des tests en octobre et la réduction de leur durée de validité à 24h au début du mois, toutes deux validées hypocritement par le Conseil d'État refusant d'y voir une obligation vaccinale indirecte, la croisade contre le non-vacciné s'intensifie. Et ce dernier semble être devenu le bouc-émissaire de l'Exécutif, lui permettant de se défausser de l'échec de sa politique sanitaire.

    Sous la menace du variant Omicron, l'instauration d'un abonnement vaccinal devrait donc être débattue prochainement devant la représentation nationale. Ce sont ainsi non seulement la culture, nos visites familiales en dehors de notre région et nos vies sociales qui seront soumises à la vaccination, mais aussi peut-être le droit de travailler[2] ou encore l'accès à l'hôpital public. Oserait-on encore rappeler les principes d'inviolabilité du corps humain et de consentement libre et éclairé aux actes médicaux forgés avec douleur au sortir de la Seconde Guerre mondiale ?

    Si tant l'aveuglement du gouvernement dans une politique du tout vaccinal qui paraît bien en peine à endiguer l'épidémie (le vaccin étant, semble-t-il, partiellement inefficace contre le variant Omicron) que l'énième estocade portée contre nos libertés individuelles et collectives doivent être dénoncés, c'est aussi l'avènement de cette nouvelle société sanitaro-collectiviste qui peut inquiéter.

    Outre la sortie de notre superproduction hollywoodienne, l'année 1993 marque également la parution par Edouard Limonov de son « Grand hospice occidental » dans lequel il brosse le portrait acerbe de l'homo hospitius : malade chronique ayant renoncé volontairement à sa liberté pour se placer servilement sous la coupe de l'Administration. Ayant bien perçu que l'exercice brutal du pouvoir par le contrôle et la coercition décrit dans 1984 n'avait plus la faveur des Gouvernements occidentaux, l'écrivain et dissident russe y remarque que ces derniers lui préfèrent désormais une gouvernance soft, expurgée de toute violence apparente et au contrôle social plus diffus. Dans cet « hospice sagement géré », les « malades sous sédatifs » sont choyés par l'Administration, le plaisir n'est que satiété morne et monotone et la société s'apparente à une ferme où les animaux sont élevés en batterie à la lumière artificielle, à la seule différence que les humains ne sont pas envoyés à l'abattoir, mais la maison de retraite.

    Au-delà de l'outrance de la satire, ne sommes-nous pas en train de sombrer vers cette civilisation de Malades, au vu de notre acceptation docile des mesures les plus contradictoires et farfelues depuis plus de 18 mois imposées « pour notre bien et notre santé » ?

    Et Limonov de s'interroger « si une certaine dose de souffrance, de douleur et de lutte était la condition nécessaire du bonheur d'un être humain ? » Après bientôt deux ans à déléguer aux blouses blanches non seulement la gestion de la maladie, mais aussi celles de nos vies et de notre société, aborder sereinement ces enjeux dans le débat public semble plus que jamais nécessaire.

    Thibault Mercier (Figaro Vox, 20 décembre 2021)

     

    Notes :

    [1] Le Cabinet des antiques, Michel de Jaeghere, Les Belles Lettres, 2021.

    [2] Olivier Véran ayant confirmé samedi que la mise en place du passe était à l'étude pour l'accès au lieu de travail.

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  • Le Grand Rabougrissement ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mahaut Hellequin  cueilli sur Flamberge et Belladone et consacré à une critique de l'intérieur de la mouvance de droite. C'est drôle, insolent, mordant... et donc pour une part profondément injuste, mais c'est à lire !

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    Le grand rabougrissement (M.E.G.A)

    Une dégénérescence frappe les extrêmes : le Grand Rabougrissement.
    On constate en effet depuis une dizaine d’années le rétrécissement des idéaux et de l’éthique des deux bords politiques (non le clivage n’est pas dépassé, oui il s’efface dans certaines luttes transversales), et ce d’autant plus que l’on s’éloigne du centre.
    A droite surtout l’idéal civilisationnel se réduit aux proportions d’une publicité des années 1950, l’idéal esthétique à des copies diminuées, l’idéal moral à du signalements de vertu catholique pour salauds sartriens. La gauche n’est pas indemne : la chouinerie y a remplacé le terrorisme, les vaines festivités la grève générale, l’ordre moral mesquin l’anarchie.
    Une constatation d’échec s’impose, mais n’est que le premier goût, amer, du remède.

    A première vue, la gauche semble mieux s’en sortir : elle a conservé son internationalisme universalo-fraternel qui veut que Boubakar ait toute légitimité pour cloîtrer ses trois femmes et voiler des douze filles sur le sol Européen et Camille l’obligation morale de se sentir solidaire des Ouighoures et autres Afghanes. C’est grand. C’est crétin, mais c’est sans frontières.
    Elle a conservé sa foi dans un Progrès à la fois technologique et moral qui permettrait bientôt de faire disparaître tout préjugé à l’encontre de Frank et Théo, parents grâce à l’androgénèse assistée par utérus portatif (chacun pouvant le porter à tour de rôle contre la peau nue de son ventre _ il y a un brevet à déposer). C’est ambitieux. C’est absurde, mais c’est innovant.
    Elle a conservé son énergie révolutionnaire en créant de nouveaux concepts pour entreprendre un renversement civilisationnel radical qui décrète la laideur parfaite (ou plutôt « djeuste peurfècte, couine ») et la beauté fasciste. C’est avant-gardiste. C’est satanique mais c’est grandiose et infiniment reproductible (car valant pour la stupidité contre le privilège d’intelligence – dont la mesure serait raciste et classiste ; pour l’incivilité urbaine contre l’habitus raciste de la courtoisie ; pour le crime contre la petite bourgeoisie de l’attachement la propriété ; pour le viol contre la transphobie des lesbiennes… ad nauseam…).

    Ainsi attendrait-on, si elle avait été aussi conservatrice que la gauche, une droite conquérante, chevaleresque, élitiste, élégante… Si l’on demande à la gauche un portrait robot des tares de droite on trouvera la domination, l’ordre, la rigueur, l’impérialisme, la raison d’état, la tenue (pour cacher, on s’en doute, d’infâmes turpitudes), c’est à dire un méchant doté malgré tout d’une grandeur non nulle, le type qu’on aime affronter en fin de jeu ou de film et qui devient légendaire par sa noirceur (et son bel uniforme).
    Si la droite ressemblait à ce croque-mitaine elle serait un rien moins pathétique que le spectacle qu’elle offre quotidiennement.
    Oui, si la gauche a su préserver son feu (que celui-ci soit gnostico-prométhéo-satanique est une autre question) la droite s’étiole dans le culte des cendres.

    En effet qu’a-t-on (d’Utique) en place de ce terrible conquistador ?

    On a, depuis quelques années, un rabougrissement général autour d’une nostalgie de boomeur, d’acquis théoriques périmés jamais remis en question, de formules toutes faites qui tournent en boucle depuis les années 1970 quand ce ne sont pas les années 1930 dont les intellectuels font désormais figures de gourous indépassables.
    La droite se paie de mots et, grenouille triste, se représente par mille déclarations d’intentions, bréviaires, programmes et manifestes comme un puissant taureau.

    Il est question d’élitisme quand ses références historiques sont obsolètes depuis des décennies non à cause d’une censure politiquement correcte mais à cause de l’avancée de la recherche ; quand ses synthèses sur les questions scientifiques sont partisanes et conduites par des personnes soit intellectuellement incapables d’avoir accès aux sources premières soit psychologiquement incapables de les considérer avec objectivité ; quand ses productions artistiques sont accueillies et promues par amitié et complaisance et dépit de leur valeur réelle ; quand, enfin, aucun concept n’est défini, fort peu de termes bien employés, ce qui n’empêche pas la masse de les scander avec ferveur, chacun remplissant leur plasticité de ses fantasmes particuliers (on pense aux fameuses « valeurs traditionnelles », au « surhomme » etc.).

    Il est question de Tradition quand celle-ci a pour horizon indépassable la nostalgie des années 1950, ses images publicitaires et illustrations populaires. La « famille traditionnelle » pour laquelle tous combats doivent être menés n’est que la vision sentimentale d’une nucléarité bourgeoise mise en avant au XVIIIème siècle par les Lumières (si décriées par ceux qui la défendent) et qui s’est imposée comme idéal à travers la Révolution. Et cela ne serait pas un problème si on n’essayait pas de faire porter sa cause à l’Histoire : on peut très bien avoir des idéaux qui aient moins de cinq cents ans, moins de trente, moins de deux, même, pourquoi chercher autre caution que leur essence propre ? Deux siècles et demi n’est pas le temps de la Tradition (il est paradoxal de devoir rappeler que l’histoire des mentalités, des rôles sociaux et de la famille ne commence pas en 1789) ni le pompidolo-gaullisme l’état parfait et abouti d’un corps social qui n’en devrait plus bouger (ou seulement en remplaçant la bourse par des corporations).

    Il est question de conquête quand les usuels tribuns portent un discours d’assiégés agis par leurs adversaires, de pure réaction aux offensives ; quand personne ne propose de voie nouvelle, d’idée, de système, de champ nouveau ; quand seuls deux esprits fantasques (dont l’un est mort) proposent des univers archéofuturistes pleins d’enthousiasme et d’énergie, projetant des archétypes ancestraux vers leurs métamorphoses futures. On se passe en boucle les disques de la Nouvelle Droite depuis cinquante ans : trop souvent, les originaux sont rayés et les reprises manquent de souffle comme de fond.

    Il est question d’élégance et d’esthétique quand chacun se vêtit comme son milieu l’exige, comme ses influenceurs le réclament, des clones en gazelles, jean, t-shirt péchu fait en Chine mais floqué en France aux mauvais cosplays de Peaky Blinders , pantalons étriqués et vestes moulantes, en passant par les sempiternels lodens et robes à fleurs, ce qui serait fort bon si cela correspondait à une recherche personnelle et non à un uniforme de classe qui permet « d’en être » et de se débarrasser d’une question qui n’importe finalement que quand il s’agit de mépriser ceux qui ont choisi d’être d’ailleurs ou d’être à eux-même.

    Il est question d’aristocratie de l’esprit et de lutte contre les « valeurs bourgeoises » quand les affinités se font avant tout par milieu, par souci du qu’en dira-t-on, par potentiel ou capital estimé, quand on cultive un entre-soi centré autour de l’éducation des enfants et de la préservation et acquisition du patrimoine, quand on méprise ou craint les bohèmes et les marginaux, bref, quand règne l’esprit Verdurin. On veut fonder l’aristocratie nouvelle sur l’audace et l’indépendance d’esprit et on piétine inlassablement sur les sentiers battus de la pensée de telle barbe du XXème siècle, on se gargarise des aphorisme du Grand Homme autorisé (lequel diffère selon le groupuscule), on crée des chapelles autour de Maîtres dont il va de soi qu’ils écrivent d’or chaque ligne.

    Il est, enfin et surtout, question de chevalerie, de discipline et de tenue morale quand les excités de la dévirilisation se caractérisent d’abord par la fragilité de leurs nerfs et l’hystérie de leur ton ; quand les prêcheurs les plus médiatiques des « valeurs traditionnelles » (que l’on est toujours bien en mal de définir) offrent en public, ou cachent habilement, des pratiques incompatibles avec leurs discours sur la famille et la parole donnée ; quand on ne définit son éthique qu’en creux, par l’inversion turbulente du nouvel ordre moral de gauche. Ainsi au lieu d’hommes impeccablement violents dans le combat et impeccablement courtois en société (l’idéal chevaleresque contrebalance l’extrême brutalité épée en main par l’extrême douceur dans le service _ mot important _ des civils, des dames et des faibles) il est devenu tendance d’être impeccablement médiocre dans son agir et impeccablement mufle dans son parler. Une certaine droite semble s’être donné pour mission d’incarner les caricatures les plus viles tendues par la gauche, du basket of deplorables au kéké de plage ( chad ) ou fratboy odieux, toutes tendances venues des États-Unis. La mode contrarienne glorifie ainsi l’inversion des valeurs chevaleresques : il faut être moqueur avec les pauvres, méprisant avec les faibles, cruel avec ses semblables, médisant avec tous, discourtois avec les femmes ; il faut cracher sur la charité (si possible en insultant un clochard), souiller l’environnement (et jeter ses mégots au sol, car évidemment il faut fumer), frapper les freluquets isolés (bonus si on se filme le faisant avec une diction de racaille). Être un parfait soudard de papier associé à un parfait cultivateur d’hémorroïdes de bureau. Devenir une merde pour le seul panache de donner des nausées à la gauche. Devenir, par anti-sartrisme, l’incarnation même du Salaud.
    Et, ce faisant, afficher un catholicisme d’opérette tridentine.

    Ayant annexé la morale dans sa lutte contre toute domination, c’est bien la gauche qui semble désormais jouer le rôle du chevalier défendant l’orphelin (en priorité d’importation) et la veuve (singulièrement celle du brigand), étatisant la charité et résumant la courtoisie à une novlangue politiquement correcte. Mais elle aussi a perdu en superbe.

    Devenue chasse gardée d’urbaines véganes du tertiaire, de peubo (petites-bourgeoises bohêmes), sa radicalité s’est dissoute dans la consommation et le confort et elle se réduit la plupart du temps à veiller et dénoncer, si possible derrière un Mac dans un café biovégé. Parfois des rendez-vous sont donnés IRL pour une action collage-insta ou une chorégraphie américaine (latine ou afro-étatsunienne). Les Black Blocks sont principalement là pour le folklore et emmerder les PME en brisant leurs vitrines, les antifas pour économiser le prix d’une domina en se faisant later gratos par des zouaves en gazelles. On va twerker devant tel ministère, saccager telle succursale de quartier d’une quelconque banque mais surtout laisser tranquilles les sièges des média, des GAFAM, de Monsanto, ne pas toucher aux data centers. On va massivement emmerder le monde aux repas de famille plutôt que prendre tel PDG en otage.
    La violence est passée de l’intensité ciblée à une généralisation de la cassecouillerie geignarde, du cobra au moustique.

    Les manifestations, elles, se dissolvent dans la répétition et l’inéluctable folklorisation au bout de six itérations : la grève générale, le bon gros blocus à échelle nationale sur plusieurs jours, semble impossible. Serait-ce parce que les syndicats ont passé les vingt dernières années à cultiver les divisions identitaires et réclamer des mesures esthétiques à base de porc ou de son absence et de congés halaux (pluriel de halal) plutôt qu’à entretenir une solidarité et une sociabilité ouvrières ? Ce serait en tout cas la réponse pré-pensée de la droite.

    Enfin et surtout, le rabougrissement le plus flagrant, celui qui fait le plus honte à la gauche historique, est sa transformation en petite ligue de vertu chiante qui scrute avec mesquinerie la compatibilité de toute vie et de toute œuvre avec la dernière édition de son credo. Cette gauche qui subissait la censure en a pris le contrôle avec hargne, celle qui réunissait les proscrits est désormais l’origine de tout bannissement, celle qui, avec Brassens, se réjouissait d’avoir « mauvaise réputation » mène des campagnes de communication pour détruire la réputation d’écrivains et de saltimbanques divers et ne présente jamais la moindre excuse quand elle a frappé à tort.

    Face à ce consternant tableau, que faire ?

    Tout d’abord se réjouir : le plus pénible est passé et la joie peut accompagner la reconstruction (c’est en général le moment où on perd la gauche qui se satisfait des choses déconstruites, c’est à dire des friches ou des ruines).
    Une fois n’est pas coutume, détournons une formule états-unienne : Make Extremes Great Again. Quoi de mieux que le « MEGA » pour lutter contre le minirabougri ?
    L’important n’est pas extremes : le centre aussi ou les bords mous peuvent avoir ambition de grandeur ; c’est encore moins again : il faut inventer et non imiter, regarder en avant, non en arrière et, tel Golgoth, créer sa piste là où il n’y a plus de route ; l’important c’est évidemment great. Pas minable, pas petit : pas dissimulateur de lames de rasoir dans les autocollants, pas bastonneur de demi-portions, pas aigri moqueur des internets, pas harceleur grégaire, pas consommateur gâté pressé de gagner un point de morale sur le dos des créateurs qui ont enchanté son enfance, pas censeur des voix opposées, pas aveugle volontaire à tout ce qui dérange son safe space mental.


    Voici donc, en synthèse à emporter dans sa poche ou entre deux neurones, le manifeste MEGA (où du nom que vous voudrez bien lui donner) :

    Soyons grands !

    Choisissons la création, non la réaction. Traçons notre propre route, créons nos propres concepts. Que nous importe de répondre aux questions d’actualité, aux injonctions du camp d’en face ? Ne nous laissons sommer ni par le quotidien ni par nos adversaires : créons l’actualité, définissons les enjeux de demain, inventons une voie dans l’espace vierge.

    Choisissons l’exigence, non la complaisance. Exigence envers soi-même, mais laissons aussi l’œil sévère et objectif de nos camarades nous aider et en retour sachons dire à ceux de notre bord ce qui doit être revu, retravaillé, repensé, comme ce qui n’aurait pas dû se produire. Soyons exigeants dans nos œuvres intellectuelles et artistiques comme dans notre tenue. Sachons condamner notre propre bord plus fermement encore que celui d’en face puisqu’il nous est plus cher. Soyons maîtres de nous avant que d’essayer de l’être de l’univers,

    Choisissons l’audace, non la reproduction. Osons allez où nos pairs rechignent, osons mettre sur la table ce qui circule à bas bruit, osons nous extraire du nid familier, du poêle ronronnant, osons regarder de l’autre côté de la colline. Et si les plantes qui poussent de l’autre côté de la colline peuvent nous être profitable, peuvent être admirables, sachons le reconnaître et en faire usage. L’objectivité doit dépasser la partisanerie et les vertus cultivées pour elles-mêmes sans se soucier de leur étiquette du moment. Quand bien même l’entièreté de notre chapelle nous donnerait tort, sachons faire confiance à notre propre pensée et poursuivre notre propre quête.

    Choisissons la gratitude, non la plainte. Gratitude envers ce que notre temps nous offre de bon et d’agréable, envers ce qui nous a élevé, nous a ému ou ravi, envers tous les facteurs et les personnes qui nous permettent d’être qui l’on est aujourd’hui. La facilité est de rejeter, de condamner, de se plaindre de l’ici en idéalisant un ailleurs temporel, géographique ou idéal. Il faut reconnaître les bienfaits dont on profite, même venus de ce que l’on condamne idéologiquement.

    Choisissons la grandeur, non le calcul. Soyons fidèles à ce qui ne passe pas : la vérité, la justesse, le bien agir, la beauté et non soumis à d’éphémères intérêts de groupuscule ou de camp. Qu’importent les conséquences de votre prise de position ou de votre action sur l’opinion d’autrui, de votre camp ou d’un autre, pourvu qu’elle soit juste ? Pensons large, agissons avec générosité.

    Associons la plus grande violence à la plus grande bonté. Que la main droite combatte et que la main gauche serve et honore. Rejetons les demi-mesures : il faut être extrêmement violent dans son corps et dans sa pensée et extrêmement doux dans son service des humbles, des faibles et de nos pairs. Il faut détruire ce qui nous menace sans l’insulter, tuer sans déshonorer, dominer sans brutaliser, et hors de la lice ou du ring, tel le plus grand roi, servir en souriant.

    Et moi, ayant pensé cela, j’aurai autant de mal à l’appliquer que vous, autant de mal à sortir de mon propre rabougrissement, l’observateur n’échappant pas à l’observation. Mais nous nous efforcerons, chacun et ensemble, à être chaque jour moins minable que la veille.

    Mahaut Hellequin (Flamberge et Belladone, 5 décembre 2021)

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