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Points de vue - Page 295

  • Alain Finkielkraut et « L’identité malheureuse »...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Didier Marc, cueilli sur Polémia et consacré au dernier ouvrage du philosophe et essayiste Alain Finkielkraut, L'identité malheureuse (Stock, 2013), qui rencontre un succès mérité en librairie...

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    « L’identité malheureuse » de Alain Finkielkraut

    La sortie du dernier livre de l’auteur de « La Défaite de la pensée » a donné lieu dans une certaine presse à un déluge de commentaires absolument délirants ! Dans « Le Monde », Jean Birnbaum estime ainsi qu’Alain Finkielkraut « ne s’appartient plus lui-même », Jean-Marie Durand des « Inrocks » dénonce sa « mélancolie revêche », son « humeur maladive », Frédéric Martel dans « Slate  »  parle de « la faillite d’une grande intelligence », d’un « esprit devenu malade » et qu’il faut « combattre », enfin, pour Aude Lancelin de « Marianne » il n’est qu’ « un agité de l’identité ». Finkielkraut serait donc un aliéné, un malade qu’il faut enfermer, sinon abattre ! Ces propos totalitaires de plumitifs soi-disant libertaires suffiraient à justifier l’achat de « L’identité malheureuse », mais, au-delà de la réaction à de telles infamies, il importe de lire et de faire lire cet essai car son contenu est essentiel.

    La notion d’identité, réponse romantique à la notion d’égalité

    Avant de traiter le thème de l’identité stricto sensu, Finkielkraut aborde notamment la question de la « mixité française » en évoquant la question du port du voile ou de la burqa dont il approuve l’interdiction, au nom, certes, de la laïcité, mais surtout de la défense « d’un mode d’être, d’une forme de vie, d’un type de sociabilité », c’est-à-dire d’une « identité commune ». C’est à partir de ce concept qu’il s’attache au sujet principal de son livre (l’identité française), dans un long chapitre intitulé « Le vertige de la désidentification ».

    Il rappelle d’abord que c’est le romantisme qui a introduit la notion d’identité comme réponse à la notion d’égalité conçue par la philosophie des Lumières et mise en pratique par la Révolution. A la suite d’Edmond Burke, auteur de Réflexions sur la Révolution de France, les penseurs politiques du romantisme souligneront l’importance de « l’appartenance, de la fidélité, de la filialité, de l’inscription dans une communauté singulière ». Plus tard, Maurice Barrès écrira que « l’individu s’abîme pour se retrouver dans la famille, la race, la nation, et proclamera sa volonté de défendre avant tout son « cimetière », c’est-à-dire « la suite de [ses]descendants » qui ne font « qu’un seul et même être ».

    Contre « l’oikophobie », la détestation de son propre pays

    Depuis, certains intellectuels s’efforcent de déconstruire tout ce qui touche à l’identité nationale. A la prétendue xénophobie des Français, ils opposent « l’oikophobie », (oikos signifie « maison »), c’est-à-dire la détestation de son propre pays. Pour les « oikophobes », l’immigration de peuplement est une chance pour la France, et les étrangers doivent nous apprendre « au moins à devenir étrangers à nous-mêmes, à nous projeter hors de nous-mêmes, assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s’achève » (Alain Badiou).

    Commentant l’abandon du débat sur l’identité nationale et la dissolution de la Maison de l’Histoire de France, Finkielkraut  écrit : « La France n’occupe plus le tableau. […] Elle n’est plus un singulier collectif, le substrat d’une aventure ou d’un destin, mais un réceptacle d’histoires multiples ». Le dessein des « oikophobes » est de « neutraliser l’identité domestique, cette chimère assassine, au profit des identités diasporiques et identitaires ». Désormais, poursuit-il, « l’origine n’a droit de cité qu’à condition d’être exotique » et « notre identité n’est faite que de diversité ». Dans le même temps, alors que s’exerce une véritable dynamique « d’effacement des frontières et de nivellement des différences », le Système gère la désintégration nationale, phase ultime avant la mort de l’identité française.

    S’il dénonce avec virulence et pertinence les ravages de la société multiculturelle (on regrette cependant qu’il passe sous silence les méfaits de la mondialisation), Alain Finkielkraut prononce avant tout avec ce livre un vibrant et bienvenu plaidoyer en faveur de l’identité nationale. On ne peut que s’en réjouir !

    Didier Marc (Polémia, 4 décembre 2013)

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  • Nelson Mandela : l'icône et le néant ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une mise au point de Bernard Lugan, cueillie sur son blog et consacrée à la figure ambiguë de Nelson Mandela. Un portrait qui tranche avec le catéchisme mièvre des médias du système...

     

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    Nelson Mandela : l'icône et le néant

    Né le 18 juillet 1918 dans l’ancien Transkei, mort le 5 décembre 2013, Nelson Mandela ne ressemblait pas à la pieuse image que le politiquement correct planétaire donne aujourd’hui de lui. Par delà les émois lénifiants et les hommages hypocrites, il importe de ne jamais perdre de vue les éléments suivants :

    1) Aristocrate xhosa issu de la lignée royale des Thembu, Nelson Mandela n’était pas un « pauvre noir opprimé ». Eduqué à l’européenne par des missionnaires méthodistes, il commença ses études supérieures à Fort Hare, université destinée aux enfants des élites noires, avant de les achever à Witwatersrand, au Transvaal, au cœur de ce qui était alors le « pays boer ». Il s’installa ensuite comme avocat à Johannesburg.

    2) Il n’était pas non plus ce gentil réformiste que la mièvrerie médiatique se plait à dépeindre en « archange de la paix » luttant pour les droits de l’homme, tel un nouveau Gandhi ou un nouveau Martin Luther King. Nelson Mandela fut en effet  et avant tout un révolutionnaire, un combattant, un militant qui mit « sa peau au bout de ses idées », n’hésitant pas à faire couler le sang des autres et à risquer le sien.

    Il fut ainsi l’un des fondateurs de l’Umkonto We Sizwe, « le fer de lance de la nation », aile militaire de l’ANC, qu’il co-dirigea avec le communiste Joe Slovo, planifiant et coordonnant plus de 200 attentats et sabotages pour lesquels il fut condamné à la prison à vie.

    3) Il n’était pas davantage l’homme qui permit une transmission pacifique du pouvoir de la « minorité blanche » à la « majorité noire », évitant ainsi un bain de sang à l’Afrique du Sud. La vérité est qu’il fut hissé au pouvoir par un président De Klerk appliquant à la lettre le plan de règlement global de la question de l’Afrique australe décidé par Washington. Trahissant toutes les promesses faites à son peuple, ce dernier :

    - désintégra une armée sud-africaine que l’ANC n’était pas en mesure d’affronter,
     
    - empêcha la réalisation d’un Etat multiracial décentralisé, alternative fédérale au jacobinisme marxiste et dogmatique de l’ANC,
     
    - torpilla les négociations secrètes menées entre Thabo Mbeki et les généraux sud-africains, négociations qui portaient sur la reconnaissance par l’ANC d’un Volkstaat  en échange de l’abandon de l’option militaire par le général Viljoen[2].

    4) Nelson Mandela n’a pas permis aux fontaines sud-africaines de laisser couler le lait et le miel car l’échec économique est aujourd’hui  total. Selon le Rapport Economique sur l’Afrique pour l’année 2013, rédigé par la Commission économique de l’Afrique (ONU) et l’Union africaine (en ligne), pour la période 2008-2012, l’Afrique du Sud s’est ainsi classée parmi les 5 pays « les moins performants » du continent sur la base de la croissance moyenne annuelle, devançant à peine les Comores, Madagascar, le Soudan et le Swaziland (page 29 du rapport).
     
    Le chômage touchait selon les chiffres officiels 25,6% de la population active au second trimestre 2013, mais en réalité  environ 40% des actifs. Quant au revenu de la tranche la plus démunie de la population noire, soit plus de 40% des Sud-africains, il est aujourd’hui inférieur de près de 50% à celui qu’il était sous le régime blanc d’avant 1994[3]. En 2013, près de 17 millions de Noirs sur une population de 51 millions d’habitants, ne survécurent que grâce aux aides sociales, ou Social Grant, qui leur garantit le minimum vital.

    5) Nelson Mandela a également échoué politiquement car l’ANC connaît de graves tensions multiformes entre Xhosa et Zulu, entre doctrinaires post marxistes et « gestionnaires » capitalistes, entre africanistes et partisans d’une ligne « multiraciale ». Un conflit de génération oppose également la vieille garde composée de « Black Englishmen», aux jeunes loups qui prônent une « libération raciale » et la spoliation des fermiers blancs, comme au Zimbabwe.

    6) Nelson Mandela n’a pas davantage pacifié l’Afrique du Sud, pays aujourd’hui livré à la loi de la jungle avec une moyenne de 43 meurtres quotidiens.

    7) Nelson Mandela n’a pas apaisé les rapports inter-raciaux. Ainsi, entre 1970 et 1994, en 24 ans, alors que l'ANC était "en guerre" contre le « gouvernement blanc », une soixantaine de fermiers blancs furent tués. Depuis avril 1994, date de l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela, plus de 2000 fermiers blancs ont été massacrés dans l’indifférence la plus totale des médias européens.

    8) Enfin, le mythe de la « nation arc-en-ciel » s’est brisé sur les réalités régionales et ethno-raciales, le pays étant plus divisé et plus cloisonné que jamais, phénomène qui apparaît au grand jour lors de chaque élection à l’occasion desquelles le vote est clairement « racial », les Noirs votant pour l’ANC, les Blancs et les métis pour l’Alliance démocratique 

    En moins de deux décennies, Nelson Mandela, président de la République du 10 mai 1994 au 14 juin 1999, puis ses successeurs, Thabo Mbeki (1999-2008) et Jacob Zuma (depuis 2009), ont transformé un pays qui fut un temps une excroissance de l’Europe à l’extrémité australe du continent africain, en un Etat du « tiers-monde » dérivant dans un océan de pénuries, de corruption, de misère sociale et de violences, réalité en partie masquée par quelques secteurs ultraperformants, mais de plus en plus réduits,  le plus souvent dirigés par des Blancs.

    Pouvait-il en être autrement  quand l’idéologie officielle repose sur ce refus du réel qu’est le mythe de la « nation arc-en-ciel » ? Ce « miroir aux alouettes » destiné à la niaiserie occidentale interdit en effet de voir que l’Afrique du Sud ne constitue pas une Nation mais une mosaïque de peuples rassemblés par le colonisateur britannique, peuples dont les références culturelles sont étrangères, et même souvent irréductibles, les unes aux autres.

    Le culte planétaire quasi religieux aujourd’hui rendu à Nelson Mandela, le dithyrambe outrancier chanté par des hommes politiques opportunistes et des journalistes incultes ou formatés ne changeront rien à cette réalité.

    Bernard Lugan (Blog officiel de Bernard Lugan, 6 décembre 2013)


    Notes :

    [1] La véritable biographie de Nelson Mandela sera faite dans le prochain numéro de l’Afrique Réelle qui sera envoyé aux abonnés au début du mois dejanvier 2014.

    [2] Voir mes entretiens exclusifs avec les généraux Viljoen et Groenewald  publiés dans le numéro de juillet 2013 de l’Afrique réelle  www.bernard-lugan.com

     

    [3] Institut  Stats SA .
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  • Racaille : le stade ultime du consumérisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la sous-culture des bandes de cités...

     

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    Racaille : le stade ultime du consumérisme

    Peut-on expliquer la violence débridées des bandes des « quartiers sensibles » par la culture de l’immédiat, du « tout, tout de suite », des jeux vidéo ?

    Distinguons les fondamentaux de la vie criminelle du contexte dans lequel elle s’écoule. Le milieu criminel est forcément violent et ne peut que l’être, car les bandits sont stricto sensu des hors-la-loi. Exclus de la justice du monde honnête, ils ne peuvent faire condamner un concurrent, ou un rival, par un de ces juges qu’ils fuient comme la peste.

    Autre règle d’or : le Milieu est territorial – avec l’évidente exception des bandits nomades. Il faut donc au malfaiteur sédentaire un fief d’où mener ses affaires, illicites ou autres. Voici un dealer de drogue : si un intrus envahit « son » territoire, il ne peut se plaindre au commissariat, ni faire condamner l’envahisseur à une amende ou à la prison. Il peut le frapper ou le tuer. Et pour que la leçon soit explicite, qu’elle soit spectaculaire : lynchages filmés, usage d’armes de guerre, etc. Ainsi, contrairement au garde des sceaux, le Milieu croit fermement à la vertu de l’exemple…

    Sinon bien sûr, les voyous ne sont pas des extra-terrestres. Ils baignent dans une sous-culture violente médiatique. Surtout dans le folklore du gangsta rap californien, d’abord du groupe NWA (Niggaz Wit Attitudes) des années 1985-90, dont les fondateurs ont d’explicites « noms de guerre » de gangsters (surtout des Crips) : « Dr Dre », « Eazy-E », « Ice Cube » et usent de l’argot des dealers.

    Dans ces zones de « non-droit », « être » nécessite d’« avoir » : notre univers consumériste et inondé de téléréalité n’explique-t-il pas aussi tout cela ?

    Oui et d’autant que d’usage, ceux qu’à l’instar de Karl Marx nous nommons « racailles » sont illettrés et passent leur temps devant des écrans. Quand vous conversez avec ces « jeunes » – ce qui m’arrive –, vous êtes frappés par leur immaturité, leur impulsivité, leur brutal passage du registre amical-rigolard à la violence bestiale : de jeunes adultes parfois baraqués, dotés d’une émotivité infantile. La moindre contrariété, un mauvais regard et ils explosent.

    Idem pour la consommation. Ce qu’ils voient à l’écran, ils le veulent tout de suite. Là est la puérilité : l’enfant ne maîtrise pas encore la temporalité, il ne sait différer ses attentes, il veut le jouet à l’instant. Ces jeunes incultes prennent aussi pour argent comptant tout ce qu’ils voient : « vu-à-la-télé » est pour eux la vérité du bon Dieu.

    Certaines marques jouent enfin sur ce « gangsta culte » pour séduire les aspirants-bandits et les petits bourges fascinés par la transgression et l’illicite. La mode lancée à Compton (fief criminel de Los Angeles) échoue ainsi dans les collèges pour gosses de riches – en passant par les racailles, bien sûr ; et par nos rappeurs qui, contrairement à leurs modèles californiens, sont plutôt de faux durs que des vrais.

    Au fait, à propos de racailles et de Karl Marx, une citation pour édifier la police de la pensée : « Le lumpenproletariat, cette lie d’individus déchus de toutes les classes [...] est, de tous les alliés possibles, le pire. Cette racaille est parfaitement vénale et tout à fait importune… Tout chef ouvrier qui emploie cette racaille comme garde ou s’appuie sur elle démontre par là qu’il n’est qu’un traître. » Karl Marx, Friedrich Engels, La social-démocratie allemande.

    Xavier Raufer, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 2 décembre 2013)

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  • Bougisme et présentisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'omniprésence de la technique dans nos vie...

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    Facebook ? Le simulacre des « amis » sans amitié...

    Naguère, les polémiques politiques venaient d’émissions fracassantes à la télévision ou de dépêches de l’AFP. Aujourd’hui, c’est Twitter ; soit le règne de l’immédiateté. Comme si le temps de la réflexion avait tendance à se raccourcir…

    Toutes les dimensions constitutives de la temporalité sont aujourd’hui rabattues sur le moment présent. Ce « présentisme » fait partie de la détresse spirituelle de notre époque. Twitter n’en est qu’un exemple parmi d’autres. L’importance qu’on donne aujourd’hui aux tweets est une sorte d’assomption métaphysique de la brève de comptoir. Elle mesure une déchéance. C’est la raison pour laquelle je ne « tweete » jamais. Je n’ai pas non plus de compte Facebook. Je n’utilise ni « smartphone », ni « Blackberry », ni tablette tactile, ni iPad, ni iPod, ni aucun autre gadget pour petits-bourgeois numérisés et connectés. D’ailleurs, je me refuse même à avoir un téléphone portable ; car l’idée de pouvoir être joint en permanence m’est insupportable. La disponibilité totale relève d’un idéal de « transparence » totalitaire. Il faut lui opposer des opacités bienfaisantes.

    Vous êtes technophobe ?

    Je ne suis pas technophobe, mais je suis profondément préoccupé par ce technomorphisme qui transforme nos contemporains en prolongement de leur télécommande ou en terminal de leur ordinateur. Je crois que la technique n’a rien de neutre, et qu’elle cherche à nous soumettre à sa logique propre. De même que ce n’est pas nous qui regardons la télévision, mais la télévision qui nous regarde, ce n’est pas nous qui faisons usage de la technique, mais la technique qui se sert de nous. On le réalisera mieux encore quand nous aurons des codes-barres et des puces RFID insérés sous la peau – ou lorsqu’on aura réalisé la fusion de l’électronique et du vivant. On ne peut, dans le monde actuel, faire l’économie d’une réflexion sur la technique, dont la loi première est que tout ce qui devient techniquement possible sera effectivement réalisé. Comme l’écrit Heidegger, « Nous pouvons utiliser les choses techniques, nous en servir normalement, mais en même temps nous en libérer, de sorte qu’à tout moment nous conservions nos distances à leur égard. Nous pouvons dire “oui” à l’emploi inévitable des objets techniques et nous pouvons en même temps lui dire “non”, en ce sens que nous les empêchions de nous accaparer et ainsi de fausser, brouiller et finalement vider notre être. » Dans le rapport à la technique, c’est l’humanité de l’homme qui est en jeu.

    On peut certes gloser sur ce « bougisme » que nous impose Internet. Mais au moins a-t-il l’avantage de permettre aux citoyens de base que nous sommes de prendre part au débat. Vous qui n’aviez rien contre la « démocratie participative » prônée par Ségolène Royal lors de l’élection présidentielle de 2007, quelles éventuelles réflexions ce changement de donne peut-il vous inspirer ?

    Comme toute forme de démocratie, la démocratie participative exige un espace public où puisse s’exercer la citoyenneté, c’est-à-dire d’un espace radicalement distinct de l’espace privé où se meut la « société civile ». Internet fournit des sources d’information alternatives, mais il est avant tout un outil de surveillance totale. Rapporté aux exigences démocratiques, il n’est qu’un simulacre. Jean Baudrillard l’avait déjà dit il y a vingt ans : nous vivons au temps des simulacres. Les touristes qui visitent la grotte de Lascaux n’en visitent aujourd’hui qu’une copie. En ce moment, un théâtre parisien propose un opéra « virtuel » où la cantatrice vedette n’est qu’une image de synthèse, un hologramme. Les imprimantes en trois dimensions peuvent désormais produire des répliques d’œuvres d’art qui ne se distinguent plus de l’original, relief compris. Elles produiront demain des organes humains. Walter Benjamin avait écrit en 1935 un beau texte méditatif sur « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique ». Nous n’en sommes déjà plus là, car la réplique va très au-delà de la copie. Elle abolit même la notion de copie. Le virtuel est cette catégorie immatérielle dans laquelle nous fait vivre le monde des écrans. Il ne relève ni du réel, ni de l’irréel, ni même du surréel. Il relève de cet hyperréel qui prend peu à peu la place de la réalité sans que nous nous en rendions compte. À terme, c’est l’univers de Matrix qui se dessine à l’horizon.

    Dans votre revue Eléments, dont vous fêtez cette année le quarantième anniversaire, vous évoquez souvent la perte du lien social. Si on vous objecte que les « réseaux sociaux » peuvent être une façon de le retisser, cela vous fait-il sauter au plafond ?

    Cela me fait plutôt sourire. Ces « réseaux sociaux » n’ont de « sociaux » que le nom. Ils ne proposent eux aussi qu’un simulacre de socialité. Avec Facebook, on noue des liens avec des « amis » qu’on ne verra jamais, on visite des pays où l’on ne mettra jamais les pieds. On bavarde, on se défoule, on se raconte, on inonde la terre entière de propos insignifiants, c’est-à-dire qu’on met la technique au service du narcissisme immature. La dé-liaison sociale est le fruit de la solitude, de l’anonymat de masse, de la disparition des rapports sociaux organiques. Elle résulte du fait que l’on se rencontre de moins en moins. La socialité véritable exige l’expérience directe que le monde des écrans tend à abolir. La seule utilité de Facebook est de mettre à la disposition de la police plus d’informations sur nous-mêmes qu’aucun régime totalitaire ne pouvait hier espérer en rassembler. Libre aux naïfs de contribuer eux-mêmes à renforcer les procédures de contrôle dont il leur arrive par ailleurs de se plaindre !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 1er décembre 2013)

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  • Zemmour répond au Point...

    Dans une chronique vigoureuse, datée du 29 novembre 2013, Eric Zemmour répond au magazine Le Point et à son dossier sur les "nouveaux conservateurs à la française"...

     


    "Non, les conservateurs, ce sont eux !" par rtl-fr

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  • Le Point découvre un complot néocons...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de François Bernard Huyghe, cueilli sur son site huyghe.fr et consacré au dossier du magazine Le Point de cette semaine. Quand Franz-Olivier Giesbert (FOG) et ses petits camarades se livrent à une subtile opération de brouillage idéologique...

     

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    Le Point découvre un complot néocons

    Curieuse stratégie sémantique du Point qui, cette semaine, dénonce sur sa couverture "Les néocons", gens dont on nous révèle qu'ils "détestent" l'Europe, le libéralisme et la mondialisation, qu'ils représentent "le triomphe de l'idéologie du repli" et qu'ils on des "réseaux à gauche et à droite". La photo de la même couverture montre un château de sable, dont la dérisoire fragilité, rassure ceux que le titre aurait affolés et qui songeraient déjà à émigrer avant qu'on n'ouvre des Guantanamo en France.
     
    Des noms ? Outre les inévitables et médiatisés Zemmour ou Polony, sont convoqués au tribunal Chevénement, Marine Le Pen, Montebourg,  Guaino, Debray, Buisson, Michéa, Dupont-Aignan, Cochet, c'est-à-dire des gens qui s'inscrivent sur un arc allant de l'extrême-droite à l'extrême-gauche de l'éventail politique mais à qui le journal prête une triple phobie commune (libéralisme, mondialisation, Bruxelles). Cela les mettrait dangereusement en contradiction avec le sens de l'histoire : leur vrai ancêtre, révèle le Point, est Maginot, constructeur de la ligne du même nom et que symbolisait le château de sable (passons sur le fait que le très modéré général Maginot, ministre de Millerand ou de Tardieu puisse difficilement être considéré comme un ultra-réac en rupture avec les valeurs de son époque). 
    Par ailleurs, si l'on prend le critère du "contre", pourquoi ne pas intégrer Abdelhakim Dekhar qui a attaqué BFM, Libération et la Société Générale - symboles incontestables de la même trilogie libéralisme, EU, mondialisation - dans la liste ? Ou Besancenot ? Ou les bonnets rouges ?

    Cela rappelle un peu l'affaire dite des "nouveaux réactionnaires", un pamphlet ("Le rappel à l'ordre") de D. Lindenberg publié il y a onze ans et qui, d’Alain Finkielkraut à Jacques Julliard, de Philippe Sollers à André Glucksmann, de Michel Houelbeck à Alain Minc, de Luc Ferry à Pascal Bruckner, d'Alain Badiou à P. A. Taguieff, dressait la liste des auteurs coupables du même crime contre l'esprit. Crime dont l'auteur semblait penser qu'il consisterait à trahir leur mission d'intellectuels en prenant fait et cause contre le voile islamique, en s'inquiétant des émeutes de banlieue ou en réclamant de la discipline à l'école. 

    Bien entendu, les critères de Lindenberg (ne dénonçant que des intellectuels et s'appuyant sur des critères plus "sociétaux" pour définir le crime) ne sont pas ceux du Point, plus droitiers. Les premiers conspirateurs (ceux du "rappel à l'Ordre") sont plutôt des anti bobos se réclamant de la République, les seconds, ceux du Point, sont décrits comme des nuls en économie, frileusement repliés sur la Nation. L'hebdomadaire se place surtout du point de vue d'un supposé réalisme économique, même s''il doit concéder qu'il se trouve aussi des économistes sérieux pour contester les bienfaits de l'euro et du lasser-passer. 
    Le Point a parfaitement le droit de chanter les bienfaits du libre-échange, de la commission européenne et de la mondialisation heureuse. Et de considérer tous ceux qui pensent autrement comment destinés aux poubelles de l'histoire (mais en ce cas, pourquoi nous peindre leurs rapprochements supposés comme redoutables ?). On peut moins apprécier  la technique du "Machin à rencontré Truc qui a voté Chose qui, comme lui, est hostile à l'Otan..". Passons... Si l'hebdomadaire s'était borné à s'en prendre aux souverainistes ou au eurosceptiques, et à leur prêter des niaiseries et des connivences, en titrant "tous nuls en économie", il n'y aurait rien à redire, nous resterions dans le cadre du débat, primaire, mais du débat.

    Notre embarras vient l'emploi du terme "néocons" qui a une connotation historique précise : la guerre d'Irak . À l'époque, tout le monde (y compris l'auteur de ses lignes) écrivait sur ces idéologues qui avaient poussé G.W. Bush à  renverser le régime de Bagdad (en attendant, espéraient-ils de s'en prendre à la Syrie, à l'Iran). Passons sur le fait que probablement 100% de ceux qu'épingle le Point aient été opposés à cette guerre.
    Le problème est que les néocons américains sont des partisans affirmés de la mondialisation et du libre-échange planétaire. Quant à l'U.E. c'est une institution dont ils ne cessent de faire l'éloge, le seul reproche qu'ils aient fait  à lui faire  étant que certains États européens (qui n'ont pas suivi en Irak)  profitent  de la protection militaire américaine mais refusent de s'engager dans des conflits qui intéresse le camp des démocraties.
    L’essentiel du discours néo-conservateur est un  mélange de scepticisme et d’idéalisme.  Scepticisme à l'égard du multilatéralisme des concessions, des solutions diplomatiques. Les néocons sont  persuadés de l’excellence des principes de liberté incarnés par l’Amérique et, en ce sens, ils ont bien davantage le culte des droits de l’homme que d’autres situées plus à leur gauche. Surtout, ce sont des wilsoniens musclés : ils pensent qu’ils ont le devoir de faire un usage moral du pouvoir militaire pour combattre ce qu'ils appellent les quatre fascismes : nationaliste, nazi, (brun), communiste (rouge) et islamiste (vert). Quand des néocons emploient des formules aussi niaise que «An end to Evil» (il faut mettre fin au mal, titre d’un best-seller de Richard Perle), ils sont moins utopistes qu’optimistes. 

    Ils croient que les dictatures ne demandent qu’à s’effondrer et les peuples qu’à adopter la démocratie, une fois débarrassés de leurs tyrans. Ils croient que l’adversaire n’est jamais fort que de votre propre faiblesse. Ils croient que l’Histoire leur a donné raison sous Reagan et sous G.W. Bush. Ils croient que l’audace paie toujours et le compromis jamais. Ils croient que leur modèle étant le meilleur tout homme doté de raison et à qui on donne la liberté de l’information et du choix, finira par l’adopter avec reconnaissance.Ils croient qu'il faut affirmer toujours des valeurs universelles démocratiques et lutter contre tous les relativismes.
     Ajoutons que les néoconservateurs ont dit du bien de Sarkozy au moment de la Libye, de Hollande au moment du Mali et de Fabius au moment de la négociation avec l'Iran. Tandis que, pour la presse néoconservatrice Chevénement est un paléo-stalinien et Marine Le Pen, une dangereuse chauvine populiste.

    À ce compte, en jouant sur le sens du mot "liberal" outre-Atlantique, où il est à peu près équivalent de "gauchiste" ou de "soixante-huitard" chez nous, pourquoi ne pas titre "les néo-libéraux attaquent",  pour présenter  un numéro sur Christine Taubira, Nicolas Demoran et Cécile Duflot ?

    François-Bernard Huyghe (huyghe.fr, 29 novembre 2013)

     

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