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Points de vue - Page 292

  • De Big Brother au maternage...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré à l'idéologie de la surveillance maternante et de la précaution absolue... François-Bernard Huyghe a récemment publié Think tanks - Quand les idées changent vraiment le monde (Vuibert, 2013).

     

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    De Big Brother au maternage

    L’idée devenue banale que chaque citoyen est surveillé à tout moment réactive des peurs qui ne sont pas nouvelles. Dans 1984 (écrit en 1948) d'Orwell, Big Brother sait tout, il voit tout par des écrans qui fonctionnent dans les deux sens – émettre et voir - ; chacun est conscient qu’il ne pourra lui dissimuler ni ses actes ni ses pensées. Michel Foucault a popularisé la notion de Panoptique (inspiré du Panopticon de Jeremy Bentham 1787) : un modèle d’architecture qui permet à l’autorité centrale de contrôler une population – de fous, de prisonniers ou autres – , placée constamment sous l’œil d’un gardien : ils ne le voient pas et ne savent donc jamais quand ils sont regardés. Dans ces deux cas, un dispositif permet à une autorité de punir des sujets qui n’ignorent pas que leur vie est transparente et qui intériorisent ainsi l’idée d’interdit et de châtiment. Système totalitaire et régime pénitentiaire affichent leur volonté de briser jusqu'à la moindre velléité de résistance.
    Depuis, les critiques dénoncent une société de surveillance (la société de contrôle des flux décrite par Deleuze s'opposant à l’ancienne société disciplinaire basée sur la domestication des comportements) ; elle se caractérise par des atteintes à la vie privée, l’extension du « monitoring » sur la plupart de nos activités et transactions et, bien sûr, les grands dispositifs d’espionnage comme ceux de la NSA. Il semblerait qu’il y ait eu plus qu’un glissement dans la logique de la surveillance. Elle ne sert plus seulement à terrifier par la certitude de la punition, mais fonde un dispositif de prévention des risques. Elle sert au final d'outil de protection des citoyens sensé déceler soit des dangers pour les prévenir au plus vite, soit des « tendances » susceptibles de se transformer en périls.
    Dans le discours qui justifie ces dispositifs la fonction punitive (voire dissuasive : décourager les projets des méchants ou des dissidents) passe au second plan par rapport à la fonction préventive, pédagogique, maternante : tout cela est fait pour notre bien. Qu'il s'agisse de nous empêcher d'attraper un cancer en fumant ou d'aller faire le jihad, nous ne pouvons être protégés contre nous-mêmes que par l'État enregistreur et admonestateur. Qui sait une signalisation précoce et un tour par une cellule de soutien pourraient éviter le pire.
    La reconstitution du passé (traces), la réactivité « en temps réel » aux dysfonctions naissante et l’anticipation des futures atteintes à la sécurité forment une trilogie qui s’appuie à la fois sur une vision idéologique et sur des possibilités technologiques.
    Le discours idéologique fonctionne bien évidemment sur la peur, à commencer par la peur du terrorisme. Du caractère apparemment aléatoire de l’attentat (qui peut nous toucher tous à tout moment) on déduit la nécessité d’un état d’urgence permanent qui permet aux services de sécurité de faire des choses interdites en temps « de paix » ; ainsi se justifient la recherche d’indices dans les énormes flux de données.
    Nous ne pouvons, sur ce point, que souscrire aux procès faits à la dérive de l’après onze septembre (encore que les choses aient commencé bien avant). D’autant que l’argument de la lutte contre les minorités dangereuses – celles qui se placeraient hors du champ de la loi ordinaire par la gravité de leurs crimes- ne cesse d'étendre son champ : terroristes, complices de la prolifération des armes de destruction massive, cyber-criminels, trafiquants et corrompus travaillant à l’échelon international... Sur Internet, il y a longtemps que l’on promeut la lutte contre les cavaliers de l’infocalypse – nazis, pédophiles, dealers en ligne – qui eux aussi s’excluent sinon du genre humain, du moins de la protection de la vie privée. L’étape suivante est la surveillance préventive des « crimepenseurs » qui, par leurs appels à la haine ou le traumatisme qu’ils causent à certaines communautés, (homophobes, racistes, apologistes du jihad chez nous, islamophobes, séparatistes, sectes et blasphémateurs ailleurs) sortent du domaine de l’expression pour rentrer dans celui du crime. Cela permet déjà de ratisser large.
    Outre la lutte contre ces minorités présumées agressives et hors normes, la « société du risque » semble s’être donné pour but non pas de produire demain davantage de prospérité, de connaissance, d’égalité et d’autonomie (cela, c’est le vieil idéal des idéologies du Progrès) et moins encore de réaliser la Cité idéale, mais de diminuer les dangers pour les individus présents, voire pour les générations suivantes. Diminuer les contraintes à l’épanouissement du citoyen et les atteintes à sa sûreté, éliminer l’aléa et l’accident, assurer la précaution absolue autant d’idéaux pour une époque marquée par sa forte réticence au risque. Pour se préserver de tout, il faut tout savoir ; les innombrables lois et dispositifs qui visent à la transparence et à la traçabilité sont sensées garantir notre propre bien, au prix de notre liberté de prendre un risque pour soi ou pour autrui.
    S’ajoute une troisième strate, économique, publicitaire et hédoniste du discours de justification : plus nous vous connaîtrons, mieux nous saurons vos désirs, plus notre offre vous sera adaptée. C’est, en particulier, le discours que tiennent de nombreuses plates-formes en ligne qui nous proposent la gratuité de services utilitaires, ludiques ou « sociétaux » moyennant le droit de conserver, exploiter voire revendre nos données. Notre identité devient une marchandise sensée aider à faire concorder parfaitement offre personnalisée et demande unique sur fond d’idéologie individualiste (« tous uniques, tous différents, tous monnayables ».
    Les trois niveaux – répressif, préventif et commercial – recouvrent d’ailleurs des pratiques mêlées, ainsi, quand on découvre, par exemple que des services de renseignement comme la NSA puisent largement dans les données sensées sécuriser les transports ou dans les Big Data des grands du Net.

    Par ailleurs ces justifications théoriques reposent sur des évolutions pratiques. Il est évident que les techniques de surveillance progressent qu'il s'agisse d'enregistrement (caméras de surveillance, par exemple), de miniaturisation ou de dissimulation des dispositifs, d'enregistrement et de transmission - qu'il s'agisse d'images ou sons, de messages numériques ou autres, et surtout de métadonnées (les données qui informent sur le contenu transmis comme qui a communiqué avec qui, d'où à où, quand, sur quels outils techniques, etc.). Le tout n'a de sens que relayé par d'énormes moyens de calcul pur qui travaillent sur des corrélations entre les milliards de données recueillies par la surveillance. Ici nous nous éloignons de la figure du gardien vigilant constatant les fautes, pour nous approcher de celle de la machine à prédire : le rapprochement de quantités énormes de données permet à la fois de cibler les individus (et d'en savoir, au final, plus sur eux qu'ils n'en savent eux-mêmes) et de prévoir le comportement ou les opinions de foules.
    Qu'il s'agisse de suivre une épidémie de grippe ou de savoir quand une cliente sera enceinte, de materner le consommateur ou de prévenir une émeute urbaine, les grandes bureaucraties moulinet des milliards de données pour trouver des corrélations (ce qui dispense de trouver des causes et des explications) pour savoir quand "cela" se produira. En attendant l'Internet des objets qui transformeront notre rasoir, notre poussette, voire notre kilo de pommes de terres en mini-indicateurs, toujours prêts à renseigner sur ce que nous faisons.

    Même en mettant de côté toute considération morale ou toute considération politique sur ce que pourraient et devraient faire des citoyens - ceci mériterait de longs développements - reste une question cruciale : quelle est l'efficacité de tels dispositifs ? Ne poussons pas à l'absurde : il est évident qu'une caméra incite les délinquants à aller travailler cent mètres plus loin, que les autorités arrêtent de temps en temps quelqu'un qu'ils ont intercepté sur Internet ou que des sociétés commerciales ne dépenseraient pas des millions dans les big data si cela ne leur rapportait rien. Mais le résultat présente-t-il la moindre proportion avec l'énormité des moyens financiers, techniques et humains engagés et les résultats, qu'on les mesure en terme de sentiment de sécurité des citoyens, de nombre d'attentats empêchés ou de prospérité économique. La surveillance est-elle un moyen au service de fins -fussent-elles douteuses - ou une technique qui se développe au point de remplacer les fins : une quête désespérée de la précaution absolue et de l'élimination de tout aléa.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 23 avril 2014)

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  • J'accuse l'oligarchie !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue percutant de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'oligarchie et à ses œuvres...

     

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    J'accuse l'oligarchie

    1) J’accuse l’oligarchie occidentale de provoquer les crises pour mieux mettre en tutelle les peuples afin d’ouvrir la voie à un gouvernement mondial.

    L’oligarchie n’échoue pas à trouver des solutions aux différentes « crises », qu’il s’agisse du chômage, de l’immigration, de la natalité ou de l’insécurité. Ces « échecs » constituent en réalité pour elle autant de succès car le choc et le chaos font partie intégrante de sa stratégie.

    J’accuse l’oligarchie d’avoir systématisé la pratique du choc théorisée par les néo-libéraux de l’Ecole de Chicago dans les années 1970, comme moyen d’imposer des réformes économiques et sociales contre la volonté des peuples.

    J’accuse l’oligarchie d’encourager la succession des « crises » afin de diminuer la résistance du corps social, de propager l’angoisse et de provoquer un état d’hébétude chez ceux qui y sont soumis afin d’inhiber leurs capacités de réaction et d’opposition politiques.

    – L’insécurité conduit ainsi les citoyens au repli sur soi, ce qui contribue à leur démobilisation politique et à affaiblir la légitimité des Etats. Elle permet aussi une privatisation rapide des fonctions souveraines de l’Etat pour le plus grand profit du « marché ».

    – Le terrorisme permet de renforcer le contrôle de la population et notamment d’Internet et des nouvelles technologies de communication.

    – L’immigration profite au patronat mais elle sert aussi à démoraliser les Européens, en leur donnant le sentiment de ne plus se sentir chez eux.

    – Le chômage propage l’inquiétude devant l’avenir et la docilité des salariés vis-à-vis des employeurs.

    – La crise des dettes souveraines permet de mettre en tutelle la politique économique des Etats et de promouvoir toujours plus de solutions libérales pour « rétablir les comptes publics ». Ces politiques libérales en retour déconstruisent les protections sociales, renforçant l’isolement et la dépendance des individus.

    – L’écologisme et la thématique du réchauffement climatique offrent enfin de nouveaux prétextes à propager l’anxiété et légitimer l’augmentation des réglementations, des contrôles et à la réduction des libertés concrètes.

     

    J’accuse l’oligarchie au pouvoir en Occident, non pas de se montrer incapable de résoudre les « crises » mais, au contraire, de les provoquer, de les orchestrer et de les entretenir. Car chaque crise offre de nouveaux prétextes pour avancer dans la voie de la « gouvernance » mondiale qu’elle appelle de ses vœux.

    2) J’accuse l’oligarchie d’encourager tout ce qui favorise l’implosion des sociétés.

    Aux siècles précédents, les révolutions se déroulaient contre les pouvoirs en place. Au XXIe siècle, au contraire, ce sont les pouvoirs établis qui initient le bouleversement constant des sociétés.

    J’accuse l’oligarchie de révolutionner en permanence la société, contre la volonté des peuples, pour mieux la contrôler.

    J’accuse l’oligarchie de favoriser partout l’individualisme et la disparition des traditions et des normes religieuses, morales, culturelles et sociales afin de réduire tous les peuples à l’état d’atomes indifférenciés et indifférents les uns aux autres – à l’état de « ressource humaine » corvéable à merci. Car la mise en place d’un gouvernement mondial exercé sans partage suppose la ruine préalable de tout ordre social, de toutes les traditions, de toutes les institutions et de toute solidarité humaine existante.

    J’accuse l’oligarchie de déclarer ainsi une guerre permanente aux nations, aux souverainetés, aux identités et à la nature humaine pour une seule raison : créer le chaos partout afin d’ébranler tout ce qui pourrait faire obstacle à la réalisation de son rêve eschatologique d’une humanité soumise à une unique loi et au gouvernement de quelques « élus » autoproclamés.

    J’accuse l’oligarchie financière d’encourager tout ce qui peut porter atteinte à l’identité et aux valeurs de chaque peuple. Je l’accuse de promouvoir partout au rang de « valeurs universelles » le cosmopolitisme, le métissage, l’immigration, la « révolution des mœurs », la banalisation de l’usage des drogues, de l’homosexualité, de l’avortement ou du féminisme. Je l’accuse de promouvoir aussi l’égoïsme individuel dépeint comme une vertu « libérale ». Car l’oligarchie s’est ralliée au néolibéralisme, une idéologie de combat qui préconise l’individualisme radical, la déconstruction des Etats et la « société ouverte » –c’est-à-dire désintégrée – et qui prétend que les vices humains seraient des vertus sociales.

    3) J’accuse l’oligarchie de programmer la destruction des cultures et des savoirs.

    A l’inverse des siècles précédents, l’oligarchie n’entend pas faire reposer l’ordre politique sur la diffusion de l’instruction et du savoir dans la société, mais au contraire sur l’abrutissement et le conditionnement médiatique des individus. C’est pourquoi elle programme l’éradication des cultures et des savoirs, projet qu’elle baptise « société de la communication ».

    J’accuse l’oligarchie d’organiser cyniquement l’abrutissement médiatique, sportif et publicitaire de la population.

    J’accuse l’oligarchie de laisser se dégrader pour cette raison les systèmes d’enseignement public. Notamment de faire en sorte que l’enseignement n’assure plus la transmission culturelle ni la sélection des compétences. Car la dégradation de l’enseignement rend la future « ressource humaine » encore plus docile.

    J’accuse l’oligarchie de détruire le langage, de changer la signification des mots et d’imposer la novlangue pour empêcher les gens de penser et de percevoir l’état de sujétion dans lequel ils sont maintenus. J’accuse l’oligarchie de vouloir imposer l’anglais comme sabir du nouvel ordre mondial.

    J’accuse l’oligarchie d’encourager partout la diffusion d’un art cosmopolite déraciné qui contribue à étouffer le génie de chaque peuple.

    J’accuse l’oligarchie d’utiliser les médias et les nouvelles technologies de communication pour conditionner la jeunesse. Car c’est en rééduquant la jeunesse – qui représente la majorité de la population mondiale – que l’oligarchie espère accomplir son projet et changer les peuples.

    J’accuse l’oligarchie de diffuser une culture de la repentance qui a pour fonction réelle de faire en sorte que les Européens renient leurs ancêtres, renient les accomplissements de leur civilisation et renient leur identité. Pour mieux les maintenir en sujétion et en dormition.

    4) J’accuse l’oligarchie de détruire la démocratie.

    L’oligarchie conduit son projet en secret car elle sait que les peuples se révolteraient contre elle s’ils en connaissaient la finalité. Son projet suppose donc d’utiliser en permanence la tromperie, le double langage, la désinformation et la contrainte.

    J’accuse l’oligarchie de tester sur les peuples européens la mise en œuvre de son projet eschatologique.

    Ce que l’on appelle Union européenne constitue le premier laboratoire de ce que l’oligarchie veut pour le monde entier : un système de « gouvernance » où les décisions émanent non des élus mais de décideurs cooptés, de juges inamovibles et des intérêts financiers ; un système qui réduit sans cesse la souveraineté des Etats et des législateurs à un simple rôle de transcripteurs des directives émanant de décideurs invisibles ; un système où la liberté des citoyens va en se réduisant, où l’espionnage, la délation et la répression de ceux qui refusent la pensée unique se généralisent sous les prétextes les plus divers ; un système où l’oligarchie a érigé la « transparence » – comprenons : la surveillance et le contrôle total de l’activité humaine rendus possibles par la technologie – en but vertueux ; un système où le processus électoral se vide progressivement de tout sens puisqu’il n’existe plus de véritable alternance politique et où le recours au référendum a volontairement été diabolisé.

    J’accuse l’oligarchie de vider de son sens la démocratie en Europe : en faisant croire que la démocratie ne serait plus le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, mais seulement la soumission du peuple aux commandements d’une seule idéologie, celle du libre-échange et des droits de l’homme ; celle qui sert de paravent au projet eschatologique de l’oligarchie. En faisant croire également qu’une seule politique serait possible : celle qui conduit à un gouvernement mondial.

    Or il n’y a pas de démocratie sans souveraineté du peuple ni sans un Etat pour en garantir l’exercice à l’intérieur d’un espace délimité par des frontières. La démocratie mondiale ne sera jamais pour cette raison que le masque de la tyrannie. Le projet de l’oligarchie qui veut détruire les frontières, les Etats et la souveraineté des peuples est donc antidémocratique par essence.

    Il n’y a pas non plus de démocratie sans identité ni sans préférence nationale qui seule permet de se comprendre entre proches : c’est pourquoi l’oligarchie préconise partout l’immigration de peuplement et notamment le « grand remplacement » des Européens, comme moyen de rendre toute démocratie impossible. C’est pourquoi elle instaure partout la préférence étrangère au nom de la « lutte contre les discriminations ».

    J’accuse l’oligarchie de vouloir imposer au monde entier le système qu’elle a mis en place en Europe.

    5) J’accuse l’oligarchie de conduire à la guerre.

    Le projet oligarchique mondialiste implique de soumettre tous les peuples à un seul modèle : les « valeurs » et le mode de vie actuellement incarnés par les Etats-Unis et déjà imposés à tout l’Occident depuis la chute de l’Union soviétique. C’est le sens réel de la formule : « l’expansion de la démocratie dans le monde ». Car l’oligarchie mondialiste a le don de camoufler sous de belles paroles son projet de domination.

    J’accuse l’oligarchie de prendre pour cibles tous ceux qui ne partagent pas son projet, totalitaire, tous ceux qui veulent préserver leur identité, leur religion, leurs traditions, leurs valeurs, leur territoire ou leur manière de vivre et qu’elle désigne comme des ennemis du genre humain. Car l’oligarchie hait, plus que tout, les peuples fiers de leur identité et jaloux de leur souveraineté ainsi que la diversité des civilisations et des hommes.

    J’accuse l’oligarchie d’user de tous les moyens de coercition possibles pour parvenir à ses fins : chantage économique ou sur les ressources naturelles, corruption des élites, déstabilisation des gouvernements jugés hostiles, « révolutions colorées » manipulées, diabolisation et isolement des puissances pouvant faire obstacle à la surpuissance américaine comme la Russie et la Chine, organisation d’attentats et d’assassinats, de guerres civiles et, bien sûr, de guerres tout court.

    J’accuse l’oligarchie de planifier la guerre des civilisations. Les guerres que conduit l’oligarchie – tout en refusant d’utiliser ce mot – lui permettent en effet de détruire les gouvernements hostiles, de propager le chaos, de faire disparaître des populations considérées comme difficilement rééducables. Elles permettent aussi de stimuler la croissance des dépenses militaires et donc les bénéfices des grandes entreprises mondiales et de l’oligarchie financière. Elles permettent enfin de se saisir de matières premières stratégiques, ce qui renforce en retour ses capacités de chantage mondial.

    La guerre a d’ailleurs constitué le moyen par lequel les Etats-Unis ont accédé à la surpuissance mondiale au XXe siècle et toute l’oligarchie a bien retenu la leçon.

    La guerre à l’islamisme ou au terrorisme a ainsi déjà permis de semer le chaos dans les pays musulmans. Mais demain l’oligarchie ouvrira d’autres fronts : en Asie, en Afrique, dans le Pacifique voire contre la Russie ou en Europe même.

    J’accuse l’oligarchie occidentale de comploter tous les jours contre la paix, contre l’identité et contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, contre la diversité du monde.

    Peuples et civilisations de tous les continents, unissez-vous contre le projet eschatologique et totalitaire de l’oligarchie occidentale ! Révoltez-vous contre cette petite minorité arrogante qui mène l’humanité sur la voie de la régression et du chaos !

    Michel Geoffroy (Polémia, 13 avril 2014)

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  • La vraie cause de la crise ukrainienne : la guerre économique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Faye, cueilli sur son site J'ai tout compris et consacré aux causes de la crise ukrainienne.

     

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    Vraie cause de la crise ukrainienne : la guerre économique

    Les sanctions économiques stupides contre la Russie prises par les USA et l’Union européenne sont une énorme erreur qui va d’abord nuire à l’Europe et surtout… à la France. Elles sont un moyen pour Washington de casser le lien économique euro-russe en construction. Voilà les vraies raisons, économiques, de la crise ukrainienne, provoquée par l’Occident (USA et EU soumise) à son bénéfice.  

    Les sanctions anti-russes (complètement contraires au droit international, par ailleurs) nuisent d’abord à l’économie russe, qui souffre de son manque de diversification et de sa trop grande dépendance du secteur énergétique pétrogazier, en favorisant une fuite des capitaux russes. La Banque centrale russe a déjà enregistré 50 milliards de dollars d’actifs désertant Moscou. (1)

     Les États-Unis poussent à l’accord de libre-échange avec l’UE, accord inégal qui les favorisera grandement, et que la Commission européenne n’ose pas contrecarrer. Leur but est d’éviter à tout prix  une zone de libre échange euro-russe incluant l’Ukraine, et la naissance d’un espace économique continental euro-russe qui pourrait marginaliser et affaiblir la position économique dominante américaine.

    L’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine, concocté par la Commission européenne sans mandat clair, fut la provocation  qui déclencha la crise actuelle (voir autres articles de ce blog). Cet accord était économiquement irréalisable, invivable, l’Ukraine n’étant même pas au niveau économique d’un pays émergent. Il violait des conventions passées entre la Russie et l’Ukraine. La crise fut déclenchée lorsque, sous pression du Kremlin, l’ancien pouvoir de Kiev revint en arrière et renonça à l’accord proposé par Bruxelles. Le nouveau pouvoir ukrainien russophobe par idéologie (illégitime au regard du droit international puisque issu d’un coup d’État) entend reprendre cet accord absurde avec l’UE. Les mesures russes de rétorsion contre l’Ukraine (fin du tarif gazier préférentiel et facturations rétroactives) semblent peut-être dures mais elles sont conformes à toutes les pratiques commerciales internationales, par exemple celles qui ont toujours été pratiquées par l’Opep – Organisation des pays exportateurs de pétrole.

    Petit rappel historique : début 2012, une zone de libre échange euro-russe avait été programmée par Paris et Moscou, avec l’accord du gouvernement Sarkozy et du Kremlin, incluant l’Ukraine et la Communauté des États indépendants (CEI). Berlin était d’accord, vu que l’Allemagne est dépendante du gaz russe et investit énormément en Russie. Mais Washington et Londres étaient très inquiets, vieux réflexe géopolitique anglo-saxon. D’autant plus que la France avait passé des accords d’exportation de navires militaires de type BPC Mistral avec la marine russe, ce qui constitue pour l’Otan une entorse aux règles implicites, une ligne rouge à ne pas franchir.

    La Russie était d’accord pour entrer dans l’Organisation mondiale du commerce en échange d’un partenariat privilégié avec l’UE.  Cet objectif est inacceptable pour Washington : en effet, les Américains exigent la signature de l’accord (inégal) de libre échange avec l’UE qui favorise tous leurs intérêts.

    En décembre 2012, Manuel Barroso, président de la Commission européenne,  a rejeté la proposition de M. Poutine d’une zone de libre-échange euro-russe incluant l’Ukraine ; puis, il a proposé  à l’Ukraine de s’associer à l’UE pour une future adhésion, solution qu’il savait impossible. Mais Manuel Barroso, outrepassant ses fonctions et violant juridiquement son mandat, est-il un simple agent de Washington ? N’aurait-t-il pas volontairement provoqué la crise, afin de briser dans l’œuf une union économique euro-russe ?  

    Les intérêts économiques européens en Russie  dépassent de très loin ceux des USA, ce qui dérange ces derniers. La moitié des investissements en Russie sont européens. Même proportion pour les exportations russes.

    Les sanctions contre Moscou, décidées en fait à Washington et à Bruxelles – l’UE jouant le rôle peu reluisant de filiale des USA –  vont d’abord nuire aux investissements européens et français en Russie et à leurs exportations industrielles et de services. Les sanctions anti-russes risquent de mettre en péril non seulement les importations vitales de gaz russe mais de nombreuses participations françaises dans l’économie russe : industries ferroviaire, automobile, pharmaceutique, travaux publics, luxe, viticulture, aéronautique, agro-alimentaire, grande distribution, défense. Au moment même où la France a un besoin vital d’exporter pour rééquilibrer sa balance des paiements déficitaire et créer des emplois.

    Le gouvernement socialiste français, dont la diplomatie est dirigée par l’atlantiste Laurent Fabius (qui n’a pas de doctrine précise à part la vacuité des ”Droits de l’homme”) a enterré la position gaullienne et indépendante de la France. Il s’est aligné, contre les intérêts de la France et de l’Europe (la vraie, pas celle de l’UE) sur la position de Washington. En réalité, Washington et l’UE ont instrumentalisé l’Ukraine au seul bénéfice des intérêts économiques américains.

    Il existe un autre aspect fondamental : tout se passe, par ces sanctions économiques anti russes,  comme si Washington voulait créer une crise des approvisionnements gaziers russe en Europe, afin d’y substituer les exportations américaines de gaz de schiste liquéfié, nouvelle source d’énergie extrêmement juteuse pour l’économie américaine. 

     D’un point de vue géostratégique, l’axe Paris-Berlin-Moscou est le cauchemar  des milieux atlantistes, ainsi que son corollaire, un espace économique de complémentarité mutuelle ”eurosibérien”, ainsi qu’une coopération militaro-industrielle franco-russe. Le président russe a eu le tort pour Washington de vouloir esquisser cette politique.

    C’est pourquoi la crise ukrainienne – latente depuis longtemps – a été instrumentalisée, entretenue, amplifiée par les réseaux washingtoniens (2) pour tuer dans l’œuf un grand partenariat économique et stratégique euro-russe. Pour découpler l’Europe de la Fédération de Russie.

    N’en voulons pas aux USA et ne sombrons pas dans l’anti-américanisme dogmatique. Ils jouent leur carte dans le poker mondial. Seuls responsables : les Européens, qui sont trop mous, faibles, pusillanimes pour défendre leurs intérêts, qui laissent la Commission européenne  décider – illégalement – à leur place.  De Gaulle doit se retourner dans sa tombe.

     Mais il n’est pas évident que cette stratégie de la tension avec la Russie et que cette réactivation de la guerre froide soient dans l’intérêt des USA eux-mêmes.  Car cette russophobie – qui prend prétexte du prétendu ”impérialisme” de M. Poutine (3), cette désignation implicite de la Russie comme ennemi principal ne sont pas intelligentes à long terme pour les Etats-Unis. Pour eux, le principal défi au XXIe siècle est la Chine, sur les plans économique, géopolitique et stratégique globaux. Pékin se frotte les mains de cette crise, en spectateur amusé.

    Dans l’idéal, il reviendrait à la France et à l’Allemagne (négligeant le Royaume–Uni aligné sur les USA et la Pologne aveuglée par une russophobie émotionnelle et contre-productive) de négocier, seules, avec Moscou, un compromis sur la crise ukrainienne. En passant par dessus la technocratie bruxelloise qui usurpe la diplomatie européenne et qui, comme toujours, marque des buts contre le camp européen. On peut toujours rêver.   

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 20 avril 2014)

    Notes :

    1. AFP, 15/04/2014

    2. Barack Obama, qui est un président faible de caractère et indécis, ne voulait plus impliquer son pays dans les affaires européennes et russes, préférant se tourner vers l’Asie. Ce qui était réaliste. Mais il a dû s’incliner devant les lobbies qui ont toujours  dirigé la politique étrangère américaine, souvent plus pour le pire que pour le meilleur.

    3. ”Impérialisme” minuscule face aux interventions armées des USA et de l’Otan (mais toujours pour la bonne cause) depuis la fin de l’URSS.

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  • Gauche : comment l'immigré a remplacé le prolétaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Robert Redeker, cueilli sur le site du Figaro et consacré à la mutation majeure de l'imaginaire de la gauche...

     

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    Comment l'immigré a remplacé le prolétaire aux yeux de la gauche

    Le vocabulaire de la gauche a profité des trois dernières décennies pour évincer les termes de prolétariat et de prolétaire. Exhumés des souvenirs de la Rome antique, ces mots s'étaient imposés, malgré le dégoût qu'ils suscitaient, dans la langue politique au XIXème siècle. Lamartine, pour qui prolétaire reste un terme «immonde, injurieux, païen» résista à ces dénominations. Aujourd'hui, aucun candidat représentant la gauche à une élection au suffrage universel n'oserait les prononcer. A la fin des années 90, Robert Hue, puis Marie-Georges Buffet, pourtant dirigeants du Parti communiste français, pâles porte-paroles d'un parti en déliquescence, parlaient des «gens» au lieu des «prolétaires». Que s'est-il passé pour que ces mots à haute intensité politique, qui furent un temps des maîtres mots, des mots vaisseaux amiraux de la gauche, sombrent dans la caducité?

    La conscience de classe qui soudait le monde ouvrier s'est évaporée. Elle était conscience que l'avenir sommeillait en réserve dans une partie des peuples laborieux. Il existait déjà, cet avenir, il était là, tout prêt à éclore, au milieu des souffrances et des luttes. Embryon, il se développait dans le ventre du monde ouvrier, préformé, il n'avait qu'à sortir, qu'à devenir le monde. Un grand soir ou un petit matin, il naîtrait. Tel était le songe de l'espérantisme ouvrier! La conscience de classe est, par analogie avec le préformationnisme anatomique, un préformationnisme historique. Mais à la fin, l'accouchement n'est pas venu, le monde nouveau est mort dans le ventre de sa mère, la classe ouvrière, si bien qu'au XXIème prolétaire est un mot qui ne dit plus rien aux prolétaires eux-mêmes.

    La première explication à cette fin du prolétariat tient dans l'épuisement de la croyance en un sens de l'histoire. Est défunte la foi selon laquelle l'histoire s'orienterait dans le temps avec une boussole, qui lui indiquerait son nord et son orient. Elle restait présente jusque dans les pires moments: les révolutions et les guerres. Les fondements philosophiques et scientifiques de la croyance au progrès sont tombés en ruine. L'évolution de l'épistémologie, de l'ethnologie des sciences humaines, et la réflexion spécifiquement philosophique elle-même, ont précipité cette décadence dont Nietzsche le premier, en médecin de la civilisation, avait proposé un pronostic lucide. La découverte de la réalité du stalinisme et l'écroulement du système du communisme historique, ont mis fin à l'opinion selon laquelle le socialisme pourrait remplacer le capitalisme en constituant un progrès par rapport à lui.

    Les mots prolétaire et prolétariat en sont venus à passer de vie à trépas aussi pour une autre raison: les prolétaires - comprenons: les prolétaires autochtones, européens - n'étaient pas au rendez-vous. Dans les années 70 une formule devenue cliché méprisant s'est répandue chez les intellectuels de gauche: «le peuple manque». Il n'est jamais au rendez-vous que la théorie a fixé pour lui. En mai 68, puis dans les années 70, les prolétaires, ces ingrats, ont manqué. On - c'est-à-dire les battus de mai - a commencé dès lors à le haïr, le peuple! On a commencé dès lors à le désaimer, le prolétaire. De héros, d'idole, de substitut du Christ pour assurer le salut de l'homme dans l'histoire, il devint le Beauf, il devint Dupont-Lajoie, il devint le sujet méprisé du populisme. La formule des bourgeois apeurés par les partageux d'autrefois était reprise, implicitement, par ceux qui allaient donner naissance au nouvel antiracisme: «salauds de pauvres!» Salauds de prolétaires au gros rouge qui tache! Salauds de souchiens pue-la-sueur! Ils n'ont pas voulu de la révolution, ces Dupont-Ducon! Eh bien nous nous tournerons vers d'autres! Pourquoi ne pas le remplacer, cet ingrat prolétaire autochtone, par de nouveaux levains de l'histoire? Pourquoi pas par le travailleur immigré? Par le sans-papier? Par le jeune de banlieue? Pourquoi pas par le Rom? L'échec de mai 68 a causé la péjoration du peuple.

    Ainsi, l'immigré devint le mime raté du prolétaire. Il en est perçu aussi comme la punition: la promotion de l'immigré est la punition infligée au prolétaire pour avoir manqué à son devoir historique!

    Pour assurer le salut de l'humanité, il y eut, chez Saint-Simon, les savants et les industriels ; les travailleurs et les femmes, chez Auguste Comte ; les prolétaires, chez Marx ; les étudiants, chez Marcuse. Nous rencontrons dans la gauche actuelle les immigrés comme étant la nouvelle figure du groupe chargé d'opérer le basculement de l'histoire. Auprès de ce fantôme de la gauche qu'est la gauche morale et sociétale contemporaine, l'immigré, le sans-papiers, le Rom, endossent le double rôle d'ersatz et de Père Fouettard du prolétaire.

    Robert Redeker (Le Figaro, 18 avril 2014)

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  • Sortir de l'Euro ?...

     Vous pouvez découvrir ci_dessous un point de vue de l'économiste hétérodoxe Jacques Sapir, cueilli sur son site RussEurope et consacré à la question d'une sortie de l'Euro. Un débat essentiel à la veille des élections européennes...

     

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    Sortir de l'Euro

    Les élections européennes vont être l’occasion de faire le point sur le sentiment des peuples face à la construction de l’Union Européenne. On sait que cette opinion s’est fortement dégradée depuis 2009, ce que montrent nombre de sondages. Le problème est particulièrement aiguë en France où, pour la première fois, le nombre d’opinions défavorables à l’Union Européenne est majoritaire.

    Il convient tout d’abord de rappeler que l’Union Européenne n’est pas l’Europe, quoi qu’elle puisse le prétendre. L’Europe est une réalité géographique, une réalité politique – même et y compris dans ses conflits – et, bien entendu, elle est une réalité culturelle. Cette réalité a existé bien avant que ne naissent les premiers projets d’union ou de fédération.

    L’Union européenne n’est pas l’Europe…

    L’Europe a existé, culturellement et d’une certaine manière politiquement, bien avant la Communauté Économique Européenne (ce que l’on appelait le « Marché Commun » et qui est l’ancêtre de l’UE) et bien entendu avant l’UE. L’UE a institutionnalisé des mécanismes de coopération, mais elle a aussi figé les relations entre les pays Européens qui en faisaient par et a déstabilisé largement ceux qui étaient à sa périphérie. L’UE, et la CEE avant elle, n’ont pas été des « forces de paix » à l’échelle du continent européen. Le prétendre, c’et oublier le rôle fondamental de la dissuasion nucléaire, assurée par des Etats (le couple URSS-Etats-Unis puis la Grande-Bretagne et la France). La dissuasion nucléaire, en rendant impossible une guerre majeure en Europe, et ceci en particulier dès que la dissuasion française est devenue effective (milieu des années 1960) a joué un rôle bien plus décisif que la CEE et l’UE dans le maintien de la paix. C’est à ce moment là que la réflexion militaire en Union soviétique commence à argumenter que toute guerre majeure débouchera sur une guerre nucléaire et  que l’on ne peut pas gagner une guerre nucléaire[1]. De ce point de vue, la contribution de la CEE et de l’UE au maintien de la paix en Europe est plus que discutable. L’UE a été une cause de conflit, en précipitant hier la désintégration de l’ex-Yougoslavie et la guerre civile qui en a résulté. Il faut se souvenir que la cause essentielle de cette désintégration fut l’attraction de l’UE sur la Slovénie et la Croatie. La mise ne place d’un plan de stabilisation, dont les effets étaient perçus de manière inégale entre les Républiques de la Yougoslavie, a attisé l’opposition entre la Croatie et la Serbie. Mais, c’est bien la perspective d’une adhésion rapide à l’UE qui a convaincu les dirigeants slovènes et croates de faire sécession. Le même phénomène est aujourd’hui à l’œuvre en Ukraine.

    Enfin, la politique économique menée par l’UE depuis 2009 (et même depuis en réalité 2000 dans la zone Euro) est la cause de la faible croissance européenne et de la montée astronomique du chômage en Grèce (plus de 28%) en Espagne, au Portugal, mais aussi en Italie et en France. Loin de protéger les populations, l’UE s’est trop ouverte et elle a favorisé la contagion de la crise financière de 2007-2008[2]. On peut comprendre, dans ces conditions, le ressentiment que de nombreux électeurs éprouvent, qu’il s’agisse de l’UE ou plus précisément de la zone Euro qui est elle directement en cause dans la stagnation économique et la crise que connaissent certains pays. C’est l’une des raisons du mécontentement anti-européen qui monte aujourd’hui dans divers pays. C’est pourquoi, les élections européennes de mai 2014 porteront entre autres sur la question de l’Euro. Cette question est en réalité posée depuis le début des années 2000[3], mais il est vrai qu’elle n’a pris la dimension d’un problème central que depuis la crise de la Grèce fin 2009[4].

    Les avantages d’une dissolution de l’Euro

    Une sortie de l’Euro, qu’elle résulte d’une dissolution coordonnée de la zone Euro ou d’une sortie « sèche », aurait de nombreux avantages pour les pays de l’Europe du Sud et en particulier pour la France. On a tenté d’en mesurer les effets dans un ouvrage publié en septembre 2013[5].

    Tout d’abord, à travers une dépréciation du Franc retrouvé qui pourrait être de 20% à 30% (et tout concourt à penser qu’en réalité on sera autour de 20%) cela reconstituerait immédiatement la compétitivité des entreprises françaises, tant à l’export que sur le marché intérieur français. C’est le « choc de compétitivité » dont l’économie française et l’industrie en particulier ont besoin. Par rapport à cela le fameux « pacte de responsabilité » du gouvernement ne représente qu’une pichenette. Notons ici qu’une dévaluation de l’Euro, telle qu’elle est défendue par le Ministre de l’Économie M. Arnault Montebourg, n’aurait que des effets bien plus réduit. Elle ne jouerait que par rapport aux pays de la zone Dollar. C’est certes important, et le Ministère des Finances a calculé qu’une dépréciation de 10% entraînerait un gain de 1,2% à 1,8% de croissance du PIB. Ceci valide d’ailleurs les hypothèses de calcul qui ont été utilisées dans l’ouvrage paru en septembre[6]. Notons aussi que ces calculs donnent tort à tous ceux, et ils sont nombreux, qui prétendent que aujourd’hui la compétitivité n’est plus mesurée par le coût du produit.

    Mais la France ne fait qu’environ 50% de son commerce international avec la zone Dollar. Le reste se fait avec la zone Euro, et concerne pour l’essentiel nos échanges avec l’Allemagne, mais aussi avec l’Italie et l’Espagne. C’est bien pourquoi une sortie de l’Euro serait bien plus avantageuse qu’une simple dépréciation de l’Euro. Les calculs qui ont été réalisés avec P. Murer et C. Durand montrent que dans une telle hypothèse, et en admettant que la dépréciation de la monnaie italienne et de la monnaie espagnole soit plus importante que celle du Franc, autrement dit en adoptant une hypothèse de dévaluations compétitives des divers autres pays de l’Europe du Sud, cela donnerait un coup de fouet impressionnant à l’économie française, entraînant une croissance – toute chose étant égale par ailleurs – de 15% à 22% sur une durée de 4 ans. Il faut ici signaler que non seulement l’industrie serait la grande bénéficiaire de cette dépréciation, mais que son effet bénéfique se ferait aussi sentir dans les services, soit dans les services associés à l’industrie soit dans des branches qui sont très sensibles à des mouvements de taux de change, comme le tourisme, l’hôtellerie et la restauration.

    Un deuxième avantage induit serait une forte réduction du poids de la dette, sous l’effet des recettes fiscales engendrées par cette croissance. Il deviendrait possible d’alléger le fardeau de la fiscalité pesant sur les ménages et sur les entreprises. Dans les quatre années suivant la décision de sortir de l’Euro, nous verrions le poids de la dette publique passer de 93% du PIB à 80%-66% suivant les hypothèses. C’est bien plus que ce que l’on pourra jamais réaliser en restant dans l’Euro.

    Un troisième avantage, et de mon point de vue c’est le plus important, serait de faire reculer massivement le chômage, et de créer en grande quantités des emplois dans l’industrie. Ici encore, nous avons estimé – sur la base des demandeurs d’emploi de catégorie A – que l’on aurait une création nette d’emploi de 1,5 à 2,2 millions en trois ans. Rapporté aux autres catégories utilisées par la DARES, le gain devrait être encore plus important car la croissance permettrait de pérenniser nombre d’emplois précaires. Si l’on considère le total des catégories A, B et D, le gain pourrait se monter de 2,5 millions à 3 millions d’emplois. Notons qu’un tel retour massif à une situation de plein emploi améliorerait immédiatement le financement des caisses d’assurance-chômage, mais aussi celles de l’assurance-vieillesse.

    Les inconvénients potentiels d’une sortie de l’Euro

    Une sortie de l’Euro et une forte dépréciation de la monnaie (le Franc) auraient aussi des inconvénients, qu’il ne faut cependant pas s’exagérer.

    Tout d’abord, il y aurait une hausse des produits importés quand ils proviennent de pays par rapport auxquels le Franc se serait déprécié (Allemagne, pays de la zone Dollar). C’est d’ailleurs le but de toute dépréciation de la monnaie. Mais, cet inconvénient est fortement surestimé par des politiciens sans scrupules qui ne cherchent qu’à affoler la population pour défendre l’Euro. Ainsi, dans le cas des carburants, compte tenu du poids immense des taxes, une dépréciation de 20% du taux de change du Franc par rapport au taux actuel de l’Euro face au Dollar, ne provoquerait qu’une hausse de 6% du prix à la pompe. On voit que ceci est très raisonnable.

    Il y a ensuite la dimension financière des conséquences d’une telle dépréciation. Regardons tout d’abord ce qu’il en est en ce qui concerne la dette publique. On sait que les Obligations émises par le Trésor public, quand elles sont émises depuis le territoire français, doivent être remboursées dans la monnaie ayant cours légal en France. C’est la seule obligation légale les concernant. Si cette monnaie n’est plus l’Euro mais le Franc, elles seront remboursées en Franc. Et, si le Franc s’est déprécié vis à vis de l’Euro les détenteurs étrangers d’obligations françaises prendront leurs pertes, tout comme un détenteur français de bonds du Trésor américain prend ses pertes quand le Dollar se déprécie fortement face à l’Euro. Cependant, il est clair que cela provoquera par la suite une hausse des taux d’intérêts (ce que l’on appelle dans le jargon financier une « prime de risque ») pour toute nouvelle émission. Mais, on peut parfaitement contourner ce problème. Il faudra réintroduire le mécanisme qui existait jusqu’au début des années 1980, et qui obligeait les banques françaises (ou toute banque souhaitant travailler en France) à avoir dans leur bilan un certain montant d’obligations du Trésor (mécanisme du plancher obligatoire des effets publics).

    Pour les dettes mais aussi l’épargne des particuliers et des entreprises, comme cette épargne et ces dettes sont essentiellement détenues dans des banques françaises, il n’y aurait pas de changement. Il est ainsi criminel, comme le font certains politiciens tant de l’UMP que du PS, d’aller affirmer – en cherchant à affoler une nouvelle fois la population – qu’une dépréciation de 20% du Franc se traduirait par une perte de 20% de l’épargne. En réalité, et tous les économistes le savent, il n’y a de perte de valeur que dans la mesure où l’on achète, avec son épargne, des biens provenant de pays par rapport à la monnaie desquels le Franc s’est déprécié. Pour les achats réalisés en France, ou de produits (et de services) français, ce qui représente plus de 60% des transactions en volume, il n’y aurait aucun changement. De plus, certains pays ayant une monnaie se dépréciant plus que le Franc (l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce), l’épargne française verrait son pouvoir d’achat se réévaluer pour des opérations dans ces pays.

    Le seul véritable inconvénient est une poussée d’inflation qui se fera sentir dans les 24 mois succédant à cette sortie de l’Euro et cette dépréciation du Franc. L’inflation induite par la dépréciation du France devrait être de 5% la première année et de 3% la seconde. Il faudra, pour y faire face, rétablir très probablement des mécanismes d’indexation des salaires et des pensions. Néanmoins, toute hausse de l’inflation, aura aussi pour effet de faire baisser mécaniquement les taux d’intérêts réels (par la différence entre le taux nominal et le taux d’inflation). Ceci pourrait avoir un effet très positif sur l’investissement des ménages et des entreprises. De plus, l’inflation efface mécaniquement une partie de la dette accumulée. Aussi, même la perspective de connaître à nouveau une période de relative inflation ne doit pas être vue comme uniquement un inconvénient, mais bien comme quelque chose qui pourrait être utile pour l’économie.

    Il faut enfin ajouter que, bien entendu, des réformes sont nécessaires en France. Mais, tous les pays qui ont fait des réformes de profondeur l’ont fait APRÈS une forte dépréciation de la monnaie. Sortir de l’Euro, laisser le Franc se déprécier, cela peut être un premier pas décisif sur la voie des réformes.

    Le risque politique d’une sortie de l’Euro

    Le risque politique n’est pas à négliger, mais il convient de dire que le risque d’une séparation est d’autant plus facile à envisager qu’il est anticipé. C’est le paradoxe central d’une dissolution de la zone Euro. Personne ne veut, au niveau des gouvernements, l’envisager ouvertement. Pourtant, cette attitude est profondément autodestructrice. En effet, si cette dissolution pouvait se faire de manière coordonnée, le choc serait minime. Mais, le refus actuel des gouvernements à envisager cette solution ne laisse plus comme solution qu’une sortie de l’Euro par un ou deux pays (l’Italie et la France) entraînant à sa suite une désintégration générale de l’Euro qui pourrait prendre entre 6 mois et un an. Dans ces conditions, il est clair que les pays qui souffriront le plus seront ceux qui sortiront de l’Euro les derniers. Dans une telle situation, il y a en effet une prime au « premier sorti », qui bénéficie à plein de l’effet de dépréciation de sa monnaie. C’est d’ailleurs pour cette raison que dès qu’un pays important aura quitté l’Euro le mouvement de sortie deviendra rapidement irréversible. S’il s’agit de la France, l’Italie se verra obligé de nous imiter en quelques semaines. La sortie de la 2ème et de la 3ème économie de la zone Euro entraînera celle de l’Espagne (4èmeéconomie), et en chapelet le Portugal, la Grèce, mais aussi la Belgique et les Pays-bas. Si l’Italie sort la première, la pression sur l’économie française deviendra telle que nous devrons nous aussi sortir dans les trois mois qui suivent. Quelle que soit l’origine, la chaîne des sorties successives sera activée et deviendra une réalité en moins de douze mois.

    La dissolution de la Zone Euro, ou des sorties de certains pays, ont bien été étudiées dans de nombreux pays : Allemagne, France, Italie, Espagne et Pays-Bas. Dans les études officielles, que ce soit celles qui ont été réalisées par les Banques Centrales, ou par les Ministères des Finances, et dont j’ai pu avoir connaissance, le bilan d’une telle sortie est globalement positif. Il est même très positif pour la France et l’Italie, et c’est ce qui inquiète les partisans d’une défense absolue de l’Euro. Toutes ces études mettent en avant le caractère positif d’une dépréciation du taux de change. L’obstacle se situe donc au niveau politique. Des études « privées » ont aussi été réalisées, et mon centre de recherches y a contribué[7]. Certaines de ces études ont été faites dans le but de discréditer une sortie de l’euro, et elles font état de résultats aberrants. Ainsi, l’Institut Montaigne envisage une chute importante du PIB sans donner d’indication sur le pourquoi ni le comment du calcul. Cela jette un grand doute sur certaines de ces études. On peut penser que les chercheurs supposent un effondrement du commerce à l’intérieur de la zone Euro. Mais, le retour aux monnaies nationales – qui est d’ailleurs largement anticipé dans nombre de banques et d’entreprises – ne compromettra nullement ce commerce, tout comme le passage à la monnaie unique n’a pas produit le surcroît de commerce et de croissance que certains prédisaient.

    En ce qui concerne la fraction de la dette publique détenue par des « non-résidents », toutes les personnes interrogées, qu’elles appartiennent à des administrations ou à des banques privées, reconnaissent que le principe de la « Lex Monetae », soit le fait que la dette d’un pays, si elle émise dans ce pays doit être remboursée dans la monnaie du pays, que cette monnaie s’appelle l’Euro ou un autre nom (Franc, Lire Italienne, Pesetas espagnole…) s’appliquera. Il n’y aura pas d’espace pour des procès en droit international.

    Reste alors un argument souvent évoqué : quel serait le poids d’un pays comme la France dans la « mondialisation » si nous sortions de l’Euro. Mais, cette mondialisation n’empêche pas la Corée du Sud (44 millions d’habitants) ou même Taiwan, de bien fonctionner. En Europe, la Suède et la Grande-Bretagne ne se portent pas plus mal de n’être pas dans la zone Euro. En fait, ceux qui tiennent ce discours sont les héritiers indirects du régime de Vichy, en ceci qu’ils ne font pas confiance en notre pays, en ses valeurs et en ses capacités. Il faut avoir confiance dans les points forts de la France, qui sont nombreux. Il est de plus important de préserver notre modèle social, qui fait désormais partie de notre culture politique ce que reconnaît le préambule de notre Constitution ce que l’on a trop tendance à oublier. De ce point de vue, la pratique du Conseil Constitutionnel a été honteuse dans l’accommodation à des règles étrangères.

    Dire cela ce n’est nullement refuser de coopérer avec les autres pays d’Europe. Dire cela ce n’est nullement refuser de coopérer avec des pays européens qui ne font pas partie de l’UE comme la Russie qui est à la fois en Europe et en Asie. Dire cela, ce n’est nullement refuser de coopérer avec les pays d’Afrique. Aujourd’hui, l’Union Européenne fait obstacle à une vision plus large de nos coopérations. Où est l’UE quand la France s’engage au Mali ? Par contre, la Russie est à nos côtés, et ce sont des avions russes qui assurent une bonne part de la logistique de nos opérations extérieures. Il faut en tirer les leçons, aussi déplaisantes qu’elles puissent être pour certains.

    La posture de l’État-Nation est, par ailleurs, et il faut le rappeler sans cesse et sans faiblir, la seule à garantir la démocratie, car il ne saurait y avoir de démocratie sans souveraineté ni légitimité. Ici encore, qu’il s’agisse de raisons conjoncturelles, et ce sont des raisons importantes, ou de raisons de principe, il est clair que la France doit s’attacher à retrouver sa souveraineté.

    De la solidarité entre les pays européens

    C’est un véritable problème, mais il est très mal posé. Tout d’abord reconnaissons qu’avec une budget de l’UE égal à 1,26% du PIB, et dont une large partie est dévorée par la bureaucratie bruxelloise, cette solidarité ne peut être financière. On l’a vu avec le cas de la Grèce et de l’Espagne. L’aide n’a pas été fournie aux populations, mais aux créditeurs des banques et de l’État, soit avant tout aux banques françaises et allemandes. Il faut dire et redire ici que l’on a fait payer aux populations de ces deux pays le soutien à nos banques. Ni plus ni moins.

    De plus, sans doute exige-t-on trop de la solidarité de peuples qui ne se connaissent que peu et mal. La solution du fédéralisme intégral doit être rejetée en raison de la charge financière qu’un tel fédéralisme ferait porter sur certains pays, comme l’Allemagne en particulier. Il n’est pas réaliste de penser que les Allemands pourraient contribuer à hauteur de 8% à 12% de leur PIB pendant plusieurs années aux budgets des pays du Sud de l’Europe. Cette solidarité doit donc être déplacée sur le terrain du politique et doit pouvoir s’incarner dans des projets, tant industriels que scientifiques, menés dans des cadres bi ou multilatéraux. Tel fut, il faut s’en souvenir, l’origine d’Airbus et d’Ariane.

    L’Euro est condamné

    Aujourd’hui, nous avons la possibilité de dire que la monnaie unique est condamnée, tant pour des raisons conjoncturelles (le poids de l’austérité qu’elle impose aux peuples du Sud de l’Europe) que pour des raisons principielles. Ce fut folie que de faire la monnaie unique sans réaliser au préalable l’Europe sociale et fiscale. Ce fut folie en effet que de faire une monnaie unique entre des pays dont les structures, tant économiques que sociales et démographiques étaient aussi différentes et divergentes. Ce fut folie que de faire une monnaie unique entre des pays qui, en conséquence, avaient des taux de gains de productivité très différents et des inflations structurelles (ainsi qu’un rapport entre l’inflation et la croissance) aussi différent. L’Euro a été réalisé pour des raisons politiques. On a cru qu’en imposant un premier élément d’Europe fédérale, alors que les populations en refusaient le principe, on arriverait, par petits  bouts, à construire subrepticement cette Europe fédérale. On a vu le désastre auquel cette politique du fédéralisme furtif a conduit. Les dirigeants, et M. Jacques Delors en premier, ont cru que l’économie se plierait à la politique. Mais, les faits sont tétus. Quand on les méprise, ils se vengent. La divergence macroéconomique entre les pays de la zone Euro était évidente dès 2006. J’avais tiré la sonnette d’alarme à cette époque[8]. Elle est devenue insupportable avec la crise financière et ses conséquences. Avant que la crise de l’Euro n’emporte tout, il serait plus sage de dissoudre l’Euro et de commencer à voir entre quels pays il serait possible d’organiser une convergence tant sociale que fiscale, qui pourrait permettre de reconstruire, dans un délai qui reste à préciser, un instrument monétaire commun.

    On nos dira alors qu’il faut « changer l’Europe ». Vieille antienne devenue une véritable scie. Mais, c’est un discours que l’on tient depuis plus de vingt ans et qui n’a aucun effet, pour des raisons qui sont d’ailleurs simples à expliquer. Pour changer l’Union Européenne, il faudrait que les 27 autres pays se convertissent à nos valeurs, et à notre situation. Tache impossible et même tache malsaine, car la différence peut être source d’enrichissement. Mais alors, il faut trouver des solutions permettant à ces différences de s’exprimer sans que nous ayons à en payer les frais. Cela impose des changements institutionnels substantiels. Ce n’est pas « changer l’Europe » qu’il faut, mais bien « Changer d’Europe », et pour cela ne pas hésiter à détruire ce qui est un obstacle, comme l’Euro. Tel est le point capital qui doit guider notre vote lors de ces élections européennes.

    Jacques Sapir (RussEurope, 14 avril 2014)

     
    [1] Les Voroshilov Lectures le confirment, à partir de 1971-72.
    [2] Sapir J., « From Financial Crisis to Turning Point. How the US ‘Subprime Crisis’ turned into a worldwide One and Will Change the World Economy » in Internationale Politik und Gesellschaft, n°1/2009, pp. 27-44.
    [3] Sapir J., « La Crise de l’Euro : erreurs et impasses de l’Européisme » in Perspectives Républicaines, n°2, Juin 2006, pp. 69-84.
    [4] Sapir J., « Is the Eurozone doomed to fail », pp. 23-27, in Making Sense of Europe’s Turmoil, CSE, Bruxelles, 2012.
    [5] Sapir J., Les scénarii de dissolution de l’Euro, (avec P. Murer et C. Durand) Fondation ResPublica, Paris, septembre 2013.
    [6] Sapir J., Les scénarii de dissolution de l’Euro, (avec P. Murer et C. Durand), op.cit..
    [7] Voir Sapir J., Les scénarii de dissolution de l’Euro, (avec P. Murer et C. Durand), op.cit..
    [8] Voir mon article « La Crise de l’Euro : erreurs et impasses de l’Européisme » in Perspectives Républicaines, n°2, Juin 2006, pp. 69-84.
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  • Le fiasco de la "politique de la ville"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur le site du Nouvel Economiste et consacré à l'échec patent de la politique de la ville.

     

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    Cataclysme aux municipales : la raison méconnue

     

    Ignorée par la gauche, négligée par les libéraux, mal mesurée par la droite nationale, l’origine profonde du séisme est la “politique de la ville”

     

    La société humaine est toujours plus complexe ; tout problème grave y forme désormais un inextricable écheveau de causes et conséquences, de tenants et aboutissants. Il est donc rafraîchissant de pouvoir analyser simplement le résultat des dernières élections municipales et l’origine de la débâcle socialiste ; d’accéder sans peine à une lumineuse explication.

     

    Car au-delà du superficiel et du brouhaha médiatique, une cause décisive explique à la fois le dégoût d’une part de l’électorat et la fureur de l’autre ; la percée de la droite nationale et la déroute de l’ “antifascisme” onirique. En toile de fond, ignorée par la gauche, négligée par les libéraux, mal mesurée par la droite nationale, l’origine profonde du séisme est la “politique de la ville”.

     

    Ni cette désastreuse, ruineuse et interminable (1977-2014) “politique”, ni l’aveuglement des politiques, ni les alertes de l’auteur ne sont nouveaux ; mais désormais les dégâts sont si vastes, le gouffre financier si profond – et si cruelle la détresse des victimes de cette “politique” -, qu’on doit à nouveau remonter à ses origines, exposer ses folies et son tragique échec, sur fond de ghettos et de prolifération des gangs.

     

    [Par souci d’objectivité, l’auteur ne cite ici que des médias favorables en principe à la politique de la ville.]

     

    -“Politique de la ville”, son objectif autoproclamé : Dès l’origine (1977), il est clair : “éviter le décrochage social… corriger les inégalités… fournir un cadre permettant de résorber la misère” ; loi Borloo, août 2003 : “Réduction progressive des écarts constatés avec les autres villes et quartiers, retour au droit commun.”

     

    Or c’est tout l’inverse. Pour Libération (22/07/2013), on rejoue aujourd’hui “le même mauvais film que celui des Minguettes, il y a plus de trente ans”. Documentation française, rapport, décembre 2012 : “La plupart, sinon tous les quartiers qui furent l’objet des premières interventions de la politique de la ville, à la fin des années 70, sont encore prioritaires en 2012.” Dans ces quartiers dits “populaires” (comme l’Allemagne de l’Est était une démocratie “populaire”…) cette politique “n’a pas empêché la ghettoïsation progressive… la répétition des émeutes et la montée des violences des bandes en lien avec les trafics de drogues” (Nouvel Obs’, 10/01/13). Et sur les territoires subissant cette “politique”, les disparités s’accroissent toujours : 45 % de pauvres à Roubaix aujourd’hui – mais 7 % seulement à Versailles… (L’Express, 28/01/14).

     

    - L’origine du drame : après 1968, un malfaisant urbanisme gauchiste – avoué du bout des lèvres par des journalistes eux-mêmes de gauche : “le temps des grandes espérances”… un “pari de mixité sociale et de nouveautés urbaines”… (Le Monde, 19/02/2013 et 7/2/2014). Trente ans plus tard, voilà sur quoi débouche la “douce utopie” : “Les populations gauloises ont déserté”… “Des quartiers où ne vit plus aucun Blanc” (Le Monde, 27/10/2010).

     

    - Le stalinisme à visage urbain : pendant trente ans, tous nient un échec pourtant patent dès la décennie 1990 : sur le ton d’Aragon à Tcheliabinsk (1931) on parle de “plus grand chantier du siècle” et, à l’instar du Gosplan soviétique, on regrette du bout des lèvres le “caractère mitigé” du bilan de la politique de la ville, ses “résultats nuancés”.

     

    - Que fait, que coûte, la “politique de la ville” ? Mystère. Un rapport après l’autre en dénonce la parfaite opacité : “Les députés ont tenté, en vain, de mesurer l’effort des différentes administrations dans les zones urbaines sensibles” (Le Monde, 16/10/2010)… “Il reste difficile aujourd’hui d’identifier les mécanismes sous-jacents producteurs d’inégalités, de discrimination et d’exclusion… Il faut encore construire ou parfaire les outils de l’observation… absence de données permettant d’objectiver la mobilité sociale…” (Documentation française, op. cit.). “Gestion chaotique… Il n’existe aucun outil permettant de chiffrer, donc de vérifier, les efforts des administrations envers les quartiers en difficulté” (Cour des comptes, juillet 2012).

     

    Résultat, ce terrible aveu de la députée communiste Marie-George Buffet (Seine-Saint-Denis) : “Cela fait trente ans que le ministère de la Ville existe, ces hommes et femmes n’ont pas vu changer leur vie… Nous avons des cités qui deviennent des ghettos.” (Le Monde, 11/03/2012). Le Monde, encore du 7/02/2014, sur la cité du Mirail, à Toulouse : “Ghettoïsation d’une population issue de l’immigration maghrébine, désarroi social, chômage des jeunes, précarité, pauvreté, violence et trafics en tout genre”… “On meurt dans les cités sensibles plus que partout ailleurs en France.” (Le Monde, 7/06/2013).

     

    Pire encore, si possible : depuis trente ans, par milliards d’euros, la “politique de la ville” a multiplié des programmes de rénovation urbaine… dont au détour d’une phrase, on découvre aujourd’hui qu’ils n’ont servi à rien ! Le Monde, 19/12/2013, citant l’Observatoire national des zones sensibles : “72 % des ménages interrogés estiment que [ces travaux de rénovation urbaine] n’ont pas changé leur quotidien.”

     

    Face à ce terrifiant aveu, face à trente ans de massives souffrances, face à ces milliards dont nul ne peut expliquer l’usage, les ténors politiques sont dans le déni. Pour l’élection présidentielle de 2012, Les Echos (5/03/2012) signalent que “la thématique des banlieues en souffrance brille aujourd’hui par son absence dans les discours de campagne et les programmes des candidats”.

     

    Ainsi, depuis trente ans, nulle décision politique sérieuse n’a été prise pour résoudre, une bonne fois pour toutes, un drame affectant des millions de personnes. Or ici, décider est tout : “Les décisions ne s’obtiennent pas du fait de discourir à leur sujet, mais du fait qu’est créée une situation et que sont appliquées des dispositions, au sein desquelles la décision est inéluctable et où toute tentative pour l’éluder revient en fait à la décision la plus grave.” (Martin Heidegger).

     

    Xavier Raufer (Le nouvel Economiste, 11 avril 2014)

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