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  • La dernière guerre de l’île-mondiale...

    Les éditions Ars Magna viennent de publier un essai de géopolitique d'Alexandre Douguine  intitulé La dernière guerre de l'île-mondiale.

    Théoricien politique influent, un moment proche d'Edouard Limonov, Alexandre Douguine est la figure principale du mouvement eurasiste en Russie. Outre L'appel de l'Eurasie (Avatar, 2013), le texte d'une longue conversation entre lui et Alain de Benoist, plusieurs  de ses ouvrages ou recueils de ses textes sont déjà traduits en français comme La Quatrième théorie politique (Ars Magna, 2012), Pour une théorie du monde multipolaire (Ars Magna, 2013), Le Front de la Tradition (Ars Magna, 2017), Les mystères de l'Eurasie (Ars Magna, 2018), Le retour des Grands Temps (Ars Magna, 2019), Conspirologie (Ars Magna, 2022), Théorie hyperboréenne (Ars Magna, 2023), Martin Heidegger - Philosophie d'un autre commencement (Ars Magna, 2024) ou Les fondamentaux de la géopolitique (Ars Magna, 2024).

     

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    " La dernière guerre de l’île-mondiale complète Les fondamentaux de la géopolitique, le maître livre d’Alexandre Douguine disponible à notre enseigne. L’ouvrage retrace le devenir géopolitique de la Russie, de la Rus’ kiévienne à la Communauté des États indépendants, en passant par l’Empire des tsars et l’Union soviétique.

    Précis d’histoire du Heartland, cet ouvrage examine le rapport de la Russie à son territoire et les impératifs qui en découlent. Cela sans oublier les choix idéologiques conscients ou inconscients qui ont placé hier, et encore aujourd’hui, les dirigeants russes et leurs opposants dans le camp de la tellurocratie ou de la thalassocratie. "

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  • Heidegger, médecin de la modernité ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre le Vigan cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à Heidegger vu comme médecin de notre civilisation.

    Philosophe et urbaniste, Pierre Le Vigan est l'auteur de plusieurs essais comme Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Nietzsche et l'Europe (Perspectives libres, 2022), Le coma français (Perspectives libres, 2023), Clausewitz, père de la théorie de la guerre moderne ou tout récemment Les démons de la déconstruction - Derrida, Lévinas, Sartre (La Barque d'Or, 2024).

     

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    Heidegger, médecin de la modernité

    Heidegger (1889-1976) est toujours au cœur des préoccupations de  notre temps. Heidegger et la question du management, un livre de Baptiste Rappin – un management qui va bien au-delà du monde de l’entreprise – en témoigne. Tout autant que l’influence de Heidegger sur la pensée du regretté Pierre Legendre, ou sur la pensée de Michel Maffesoli. Pour le dire autrement, Heidegger est inactuel, ce qui lui permet d’être toujours actuel.

    Le père jésuite William John Richardson avait distingué (1963) un premier Heidegger, jusqu’à 1927, avec la parution d’Être et Temps, et un second, après 1927. Ces périodisations ne sont pas inutiles, en indiquant un changement de perspective, d’autant que Être et Temps est inachevé, et que Heidegger a estimé plus judicieux de modifier son angle de vue, plutôt que de tenter de l’achever à partir d’une position qui n’était plus tout à fait la sienne. C’était un mouvement de pas de côté classique chez les grands intellectuels.  Mais un changement de perspective n’empêche pas la constance d’une visée. Cette dernière, c’est de penser ce qu’en termes « savants » on nomme la différence ontologique. En termes plus communs, c’est le gouffre, la « bouche d’ombre », la menace du néant, la conscience de la présence du néant et le singulier devoir de le regarder sans y sombrer. Comme le rappelait Antoine Dresse, les anti-modernes sont souvent des modernes qui sont tellement modernes qu’ils ne se font pas d’illusions sur les idéaux de la modernité.  Ce qui caractérise Heidegger, c’est de refuser le nihilisme sans nier un seul instant la réalité de sa menace.

    La différence ontologique : il s’agit de la différence entre l’être et l’étant, entre l’être et les étants. Pour être plus précis, il faudrait parler de différence ontico-ontologique. L’ontique, c’est le domaine des étants, c’est l’ « étantité ». L’ontologique, c’est le domaine de l’être. Mais bien entendu, l’un se peut se penser sans l’autre, l’un ne peut se passer de l’autre, et c’est pourquoi il s’agit d’abord, pour Heidegger et pour nous, de penser l’entre (Zwischen), ce qui se tient entre ces deux notions, et ce qui les fait tenir ensemble.  Cette question de la différence ontologique (pour employer un mot plus simple que ontico-ontologique), Heidegger l’aborde dans Les concepts fondamentaux de la phénoménologie, en 1927 (Gallimard, 1985). Le constat que fait Heidegger, c’est qu’il y a une histoire de l’être en tant qu’il y a une histoire des différentes manières dont l’être a été pensé. Mais l’être a été pensé systématiquement en tant qu’étant, et la question de l’être lui-même, en tant qu’il n’est pas strictement l’étant, ni les étants, ni seulement la somme des étants, cette question de l’être a été ramenée à la question de la déité, à la question des dieux, et surtout, avec les monothéismes, à la question de Dieu, c’est-à-dire d’une instance hors du monde (François Jaran, La métaphysique du Dasein, Vrin, 2010). C’est l’onto-théologie. C’est ce qui a donné lieu à la succession de la plupart des métaphysiques, c’est-à-dire des explications du monde selon un principe qui n’est pas le monde lui-même. 

    Séparation de l’être et des étants

    L’onto-théologie repose, dans son principe même, sur un constat de coupure entre l’être et les étants. Les étants sont les choses dans leur singularité en mettant de côté le fait qu’elles sont une manifestation de la nature, de la phusis (la phusis est l’ensemble des choses de la nature, mais aussi le ressort même de la nature. On ne peut mieux dire sur ce point que Spinoza : la nature est ‘’nature naturée’’ et elle est ‘’nature naturante’’). L’onto-théologie  entend remédier à cette coupure (entre être et étant), mais d’une façon causale et non « ensembliste ». En expliquant où est la cause de l’un (l’étant) plus qu’en cherchant ce qui tient l’un ensemble avec l’autre. La philosophie choisit ainsi la voie de la théologie pour répondre à la question de ce que sont les étants. On en arrive ainsi à définir – ou du moins à donner une place centrale à – un étant suprême, un supra-étant, un primo-étant. Un étant primordial, avant les étants du monde. Celui-ci est Dieu dans les monothéismes. Cette question réglée, la tâche de l’ontologie sera de penser ce que les étants ont de commun entre eux.

    Heidegger propose – là est sa nouveauté – de reprendre la tâche de l’ontologie sans considérer comme acquise la première étape de la réflexion de l’onto-théologie, qui nous amène sur la piste de Dieu, étant suprême. Pour ce faire, Heidegger met l’accent non sur les analyses du monde comme doté d’un « moteur immobile » ou « premier moteur immobile » (Aristote) mais sur les approches originelles du monde, souvent antésocratiques, ou modernes, mais poétiques (Hölderlin, Novalis…). Ce sont celles qui interrogent le monde sur le mode de l’étonnement. Pourquoi y a-t-il une donation ? Pourquoi y a-t-il une naissance du monde ? (Et qu’importe le géniteur). C’est la phénoménalité pure du monde qui intéresse Heidegger.  Il s’agit donc de chercher le sens de l’être hors de l’onto-théologie. Dans quelle « région » de l’être peut-on espérer sentir sa présence ? La réponse est : dans le domaine du sacré (Heilige). 

    Pour approcher le sacré, qui n’est pas Dieu, et qui n’est certes pas non plus le contraire du divin, il faut sortir de la question de la création du monde, et il faut s’interroger sur la présence au monde, question beaucoup plus fondamentale. Cette question de la présence au monde et de la présence du monde, y compris en nous, se situe au-delà de toute problématique du sujet, qu’il s’agisse du sujet-homme ou du sujet-dieu. Car il est bien certain que nous faisons parti du monde, et que nous ne pouvons donc jamais être observateur du monde sans participation à celui-ci.  C’est ce qu’aide à comprendre la notion de Dasein. Si Heidegger emploie la notion de Dasein, il convient de l’entendre comme Da-sein. Ce terme, que l’on a parfois traduit comme « existence humaine en tant qu’elle est présente au monde » est, plus généralement et plus essentiellement, le chaînon manquant entre l’être et les étants. Le Da-sein s’éprouve avec un « pas en arrière » (Schritt zurück) qui permet d’oublier la perspective sujet-objet pour voir le monde comme une coincidence des contraires, entre l’être et les étants, et même comme identité des contraires, qui ne sont que deux faces, l’une intérieure, l’autre extérieure, d’une même chose.

    Présence de l’être

    Le Da-sein, étymologiquement « être-là » (le mot est de Goethe) est l’ « être-le-là ». C’est le fait d’être là. Qu’est-ce qui est  ? C’est précisément l’être. C’est le « là » de l’être. C’est la présence de l’être qui est être en tant qu’il est présence. Le Da-sein n’est pas un sujet du monde. Il est l’ouverture sur le monde. Il est l’Ouvert. « De tous les yeux, la créature voit l’Ouvert » (Rilke, Huitième élégie de Duino). « Viens dans l’Ouvert, ami » (Holderlin, La promenade à la campagne). L’Ouvert, le Da-sein est l’interrogation étonnée sur l’être et sur le monde. Sur l’être du monde pour le dire en des termes résolument post-théologiques. Le Da-sein est ainsi ce qui surmonte le clivage, la faille, la scission (Spaltung) entre l’être et les étants. Affirmer le Da-sein, libérer l’accès à celui-ci, c’est ouvrir l’accès au de l’être. C’est désencombrer la voie vers le de l’être. C’est signifier qu’il n’y a pas d’un côté les choses triviales du monde, les étants, et d’un autre côté, un sacré hors du monde, qui ne peut ainsi être un sacré puisqu’il est inaccessible. (Le refus du sacré d’un point de vue chrétien est un thème de René Girard, qui n’a toutefois pas le monopole de l’interprétation du christianisme). En surmontant cette scission entre les étants et le sacré, entre les étants et l’être, on prend conscience de la source, de l’origine de tout ce qui est. On prend conscience, – et confiance –, dans la phusis devenant ce qu’elle est. On s’étonne et on admire le miracle de la natalité. Le Da-sein est justement ce qui fait pont au-dessus de cet entre-deux, entre la rive du ontique (les étants) et la rive de l’ontologique (l’être).

    Faire un pont permet de voir de plus haut. Le pont permet de rendre présent le paysage, l’espace, le monde. Le Da-sein est un sentiment de la présence des choses qui permet de comprendre leur heccéité (ou eccéité), c’est-à-dire en quoi elles sont présentes avec toutes leurs caractéristiques spécifiques. De même que la substance Amour se manifeste par l’attachement amoureux en acte, de même la substance du Pain se manifeste par le « pain quotidien » des prières chrétiennes. C’est l’actualisation d’une substance, comme le note Michel Maffesoli. De la puissance à l’acte, selon Aristote.

    Non plus chercher les causes des étants, mais chercher en quoi les étants sont une ouverture vers l’être, en quoi ils sont porteurs d’une portion du monde, d’un fragment du monde, d’un monde en réduction (les fractales), mais en même temps déjà-là, en quoi ils attestent de la réalité du monde. Voilà le projet, anthropologique autant que « philosophique » de Heidegger (qui préférait la « pensée » à la « philosophie »). Et la réalité du monde, c’est la présence du monde.  Une présence qui se manifeste diversement. Le Da-sein consiste à s’attacher à la manière d’être des choses comme témoin du mystère de l’être. La manière d’être des choses, leur heccéité, c’est aussi leur hexis (Aristote), ou leur habitus (chez Thomas d’Aquin, chez Bourdieu, chez bien d’autres). C’est la disposition d’êtres des étants, et notamment des étants humains. C’est la façon dont nous sommes au monde, d’une manière à la fois singulière et ouverte à la plénitude du monde, à son entièreté, à sa pleine étendue (Ganzheit). Cette singularité, c’est ce qui fait lien entre le spécifique et l’universel. C’est ce qui fait lien entre les sens, le ressenti, et le compris, le rationnel, l’intellect, le conscient.

    L’oubli du lien

    L’oubli de l’être – thème par lequel on résume bien souvent la pensée de Martin Heidegger – c’est bien plutôt l’oubli du Da-sein, l’oubli de ce qui fait lien, de ce qui fait pont entre l’être et les étants. Par cet oubli, le monde est réduit à quelque chose qui peut être arraisonné. Il est réduit à un dispositif (Gestell). Un dispositif dans lequel les étants (les choses du monde) sont instrumentalisées mais dans lequel nous-mêmes, à force d’avoir voulu être le sujet d’un monde qui serait notre objet, devenons l’objet d’un dispositif. En ce sens, on peut estimer que la modernité était le monde dans lequel les étants sont mis à la disposition de l’homme « comme maître et possesseur de la nature » (Descartes), et que la post-modernité consiste dans le fait que le rapport sujet-objet perd de son importance, l’homme devenant lui-même un objet de dispositifs, de numérisations, de processus variés, emporté par des flux dont la finalité se laisse de plus en plus difficile à deviner, et en tout cas à maîtriser. C’est ce que l’on a appelé le règne de la technique, ou encore l’insertion dans la mégamachine. Heidegger voit dans cela une ultime métaphysique. Et il lui parait nécessaire de la dépasser pour s’ouvrir à une nouvelle sagesse dans les rapports de l’homme et du monde, à une écosophie (Félix Guattari, Qu’est ce que l’écosophie ?, 2018 – textes de 1985-1992, Les trois écologies, 1989. Le thème de l’écosophie est aussi cher à Michel Maffesoli, avec sa tonalité propre).

    Cette nouvelle sagesse peut s’illustrer par une vision  du monde comme un Quatriparti (Geviert).  Les quatre éléments de ce site (topos)  sont la terre, le ciel, les mortels et les dieux. Les mortels : donc les hommes. Ce thème, qui survient dans « Regard dans ce qui est » (Einblick in das was ist), recueil de quatre conférences données à Brême en décembre 1949 (in Questions IV), consiste à voir le monde au-delà de l’option de l’arraisonnement sans limite et sans mise en forme esthétique. Le Quadriparti peut permettre d’imaginer une « reprise » dans notre rapport au monde, une réorganisation de ce rapport, et ainsi une guérison (Verwindung). C’est un thème des Holzwege, des chemins « qui ne mènent nulle part », dit la traduction française, et qui sont en fait, commme le savent bien les randonneurs, des chemins qui mènent quelque part, à condition de savoir s’orienter. Un thème et une façon de surmonter notre crise (Krinein), qui est une maladie du jugement : nous n’arrivons plus à juger, à déjuger, et à décider. 

    Ce sens de l’être-là (Da-sein), cette présence à la présence, ce « rendez-vous avec nous-mêmes » (Henri Michaux), cette stratégie de l’attention (au monde), c’est peut-être ce qui peut permettre de ressentir l’unicité du sacré, c’est-à-dire le fait qu’il est Un sous de multiples formes, tout comme la Trinité manifeste sous plusieurs formes que Dieu est Un, et en tout cas que la déité est une. Une actualisation plurielle d’une substance commune. Peut être ainsi sera-t-il possible alors de s’approcher d’une certaine sérénité (Gelassenheit), d’une certaine égalité d’âme, qui permette une (relative) paix de l’esprit (apathéia).  C’est encore l’attention à la présence de l’être qui désobstruera ce qui bouche le chemin qui relie l’être et les étants. Le Da-sein : encore et toujours. 

    Pierre Le Vigan (Site de la revue Éléments, 11 septembre 2024)

     

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  • Le grand livre de la stratégie...

    Les éditions Odile Jacob viennent de rééditer dans une version augmentée Le grand livre de la stratégie - De la paix et de la guerre d'Edward Luttwak. Stratégiste et géopoliticien, membre du Centre d’études stratégiques et internationales de Washington, Edward Luttwak a notamment publié au cours des quarante dernières années Coup d'état, mode d'emploi, La grande stratégie de l'Empire romain , Le turbocapitalisme ou encore Le paradoxe de la stratégie.

     

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    " « Si tu veux la paix, prépare la guerre », « la meilleure défense, c’est l’attaque » : la sagesse populaire reconnaît la nature paradoxale de la stratégie. À la guerre, le mieux est souvent l’ennemi du bien ; un affaiblissement délibéré peut conduire à la victoire et l’excès dans la victoire peut conduire à la défaite ; la supériorité matérielle est parfois un handicap et l’infériorité numérique un avantage. « On pourrait croire que chaque expérience d’un conflit est unique en son genre. Pourtant, au fil des ans, j’ai découvert que la stratégie est faite de paradoxes, d’ironie, de contradictions. Qui plus est, elle se développe dans deux directions : les affrontements horizontaux entre adversaires et l’interaction verticale des différents niveaux — technique, tactique, opérationnel, etc. — sur lesquels se déroule le conflit. Ce livre est donc la carte d’une exploration. » E. L.

    Riche d’exemples classiques ou plus récents, il met au jour la logique universelle qui gouverne toutes les formes de guerre autant que les tractations entre nations opposées en temps de paix. "

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  • Ukraine : l'analyse de la situation par Jean-Bernard Pinatel...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit le général Jean-Bernard Pinatel, pour évoquer avec lui la situation en Ukraine. Ancien officier parachutiste, docteur en sciences politiques et ancien chef d'entreprise, Jean-Bernard Pinatel est spécialiste des questions de géopolitique et d'intelligence économique et a récemment publié Ukraine - Le grand aveuglement européen (Balland, 2024).

     

                                                    

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  • Question juive, problème arabe...

    Les éditions Fayard viennent de publier un ouvrage d'Henry Laurens intitulé Question juive, problème arabe (1798-2001) et qui constitue la synthèse des cinq tomes de sa monumentale étude, La question de Palestine, publié entre 1999 et 2015 chez le même éditeur. Directeur du centre d'étude et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC) à Beyrouth puis directeur scientifique de l'Institut français du Proche-Orient entre 2001 et 2003, Henry Laurens est depuis 2003 professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d'histoire contemporaine du monde arabe.

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    " En 1999 paraissait le premier tome de  La question de Palestine, consacré à la genèse de cette histoire. Ce volume fut suivi de quatre autres, abordant les enjeux du mandat britannique, les premières années d'Israël, l'apogée du conflit israélo-arabe et les tentatives de paix. 
    Henry Laurens propose une synthèse magistrale de cette œuvre de référence, retraçant minutieusement les étapes de ce qui deviendra le conflit israélo-palestinien, de l'invention de l'État d'Israël à la montée du nationalisme arabe en passant par la diplomatie internationale et les guerres entre États.
    Analysant deux siècles d'histoire, l'historien y expose les conflits, ouverts ou latents, les violences, mais aussi les initiatives de paix dans le Proche et Moyen-Orient et, plus généralement, dans le monde entier. Au fil des séquences historiques, se profilent peu à peu deux logiques qui s'opposent  : la diplomatie et la situation sur le terrain. "

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  • La soviétisation des droits pénaux occidentaux...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Tomislav Sunic, cueilli sur Polémia et consacré à la soviétisation progressive de la justice européenne. Docteur en philosophie, polyglotte, politologue et ancien diplomate croate, Tomislav Sunic est également l’auteur de plusieurs livres dont certains traduits en français tels Homo americanus, rejeton de l’ère postmoderne (Akribeia, 2010) ou  Chronique des Temps postmodernes (Avatar, 2014).

     

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    La soviétisation des droits pénaux occidentaux

    Une image miroir du système communiste

    L’un des avantages du système judiciaire de l’ancienne Europe communiste était que personne, y compris les apparatchiks des partis, ne croyait à son langage frauduleux. C’est la principale raison pour laquelle le système s’est effondré. Les procédures judiciaires contre les dissidents politiques – officiellement qualifiés d’« éléments hostiles » ou d’« infiltrés fascistes parrainés par l’Occident » – étaient des parodies de simulacres où les procureurs projetaient leur vrai Moi dans leur double Moi imaginaire et embelli, tout en sachant que leur palabre juridique n’était qu’une litanie de mensonges fabriqués de toutes pièces. L’erreur judiciaire communiste est devenue visible peu après l’effondrement du système communiste au début des années 1990, incitant des milliers de juges et de législateurs communistes dans toute l’Europe de l’Est à adopter du jour au lendemain le mimétisme judiciaire libéral nouvellement importé d’Occident.

    Bien que l’on utilise des termes différents, le système judiciaire moderne occidental, et particulièrement américain, devient rapidement une image miroir du système communiste. Contrairement aux citoyens méfiants de l’ancienne Europe de l’Est communiste, des millions d’Américains et des milliers d’experts juridiques croient sincèrement que le système judiciaire américain est le meilleur du monde. Mais le fléau actuel des procès et des poursuites aux États-Unis et dans leur territoire, l’UE, prouve le contraire. Un étranger peut davantage comprendre le système judiciaire américain en comparant son jargon juridique à celui de l’ancien système communiste, ou en le traduisant de manière erronée et en l’appliquant au système judiciaire de l’UE.

    Anomalie verbale et juridique

    À l’instar du système judiciaire communiste et de son arsenal de constructions verbales diabolisantes conçues pour les dissidents politiques, le ministère américain de la Justice a, ainsi que les médias, de plus en plus recours à la criminalisation des dénominations des opposants politiques. « Donnez-moi l’homme et je vous donnerai le dossier contre lui » était une pratique juridique répandue dans les anciens États communistes d’Europe de l’Est. Des accusations fabriquées de manière similaire peuvent désormais être facilement formulées contre des libres penseurs, des écrivains et des lanceurs d’alerte qui critiquent la conduite du gouvernement. Un intrus non armé du Capitole, le 6 janvier 2021, qui crie des slogans pro-Trump et retire de force les barrières de police, ne peut guère s’attendre à être accusé d’un simple délit. Au contraire, sur un coup de tête d’un procureur en chef, toute personne qui défie le système libéral peut se retrouver accusée, en vertu du chapitre 115 du Code des États-Unis, de « s’être livrée à des activités séditieuses et criminelles ».

    D’innombrables constructions verbales que la plupart des citoyens américains tiennent pour acquises doivent être examinées de manière critique. Les expressions négatives ou fleuries telles que « discours de haine », « discrimination positive », « diversité », « suprémacisme blanc » et « rassemblements néo-nazis » sont utilisées par les médias et les tribunaux, avec un effort minimum de la part des juristes et des linguistes pour en extraire le sens. Lorsque leur origine, leur étymologie et les distorsions sémantiques qui en découlent sont soigneusement étudiées, des failles dans les codes pénaux américains sont détectées. Le même effort s’applique à la multitude de termes allemands et français émaillant les codes pénaux respectifs de la RFA et de la France, des termes qui sont pratiquement intraduisibles en anglais, ou, lorsqu’ils le sont, résonnent de manière totalement différente dans les procédures judiciaires américaines.

    L’expression « discours de haine » est une construction verbale bizarre qui permet de poursuivre un large éventail de manœuvres extrajudiciaires. La liberté d’expression de quelqu’un est toujours le discours de haine de quelqu’un d’autre. Cette expression n’existait même pas dans le glossaire judiciaire il y a un demi-siècle. On peut se demander qui a inventé cette expression et l’a introduite dans le droit en premier lieu. Sa signification abstraite permet aux juges ou aux jurys de la définir comme ils l’entendent.

    L’une des caractéristiques principales du légalisme totalitaire communiste était l’utilisation d’expressions abstraites et liquides qui fournissaient au procureur une myriade d’accusations potentielles lors des audiences. Mais le terme même de « légalisme totalitaire » est une contradiction dans les termes, étant donné que la juridification en cours de la politique dans l’UE et aux États-Unis a déjà conduit à un légalisme excessif, c’est-à-dire à une guerre juridique, qui n’est qu’un premier pas vers la mise en place de systèmes totalitaires. On pourrait illustrer encore davantage les anomalies juridiques qui en découlent en examinant l’expression tant vantée et universellement acceptée des « droits de l’homme », en oubliant que les droits de l’homme sont compris différemment par les différentes parties ; différemment, par exemple, par un Palestinien à Gaza et par un colon juif en Cisjordanie. C’est au nom de principes des droits de l’homme à consonance romantique, écrivait il y a longtemps le juriste Carl Schmitt, que les crimes les plus sauvages sont commis contre une entité ou un peuple déclarés hors de l’humanité. Une fois déclarés hors de l’humanité, une entité politique en guerre et ses civils ne sont plus des êtres humains ; les droits de l’homme ne s’appliquent plus à eux. La volonté d’imposer des droits de l’homme universels et une démocratie mondiale a été parfaitement observée lors des bombardements aériens des villes allemandes par les Alliés occidentaux pendant la Seconde Guerre mondiale.

    Une autre expression largement utilisée, rarement examinée de manière critique, est l’« affirmative action » imposée par le gouvernement fédéral. Outre son contenu, bien connu de la plupart des employeurs, cette expression met en évidence un langage soviétique générique. Il est impossible de la traduire mot pour mot dans d’autres langues européennes, sauf en modifiant grossièrement son sens. Lorsqu’elle est traduite en allemand ou en français, elle génère une appellation hybride impropre telle que « discrimination positive » (positive Diskriminierung). On doit se poser une question légitime : s’il existe une chose telle que la « discrimination positive », existe-t-il également une « discrimination négative » ? L’expression « discrimination positive » est à la fois une anomalie lexicale, conceptuelle et juridique que la plupart des professionnels du droit aux États-Unis et dans l’UE considèrent cependant comme une figure de style acceptable.

    La mal-pensance criminalisée

    Les termes « fascistes » ou « nazis », autrefois utilisés sans cesse dans le code pénal soviétique pour condamner les dissidents, font désormais partie d’un vocabulaire diabolisant similaire, en particulier dans le système judiciaire de l’UE. Le national-socialisme ou le fascisme ne représentent plus d’affiliations historiques et politiques spécifiques, ayant été transformés en symboles du Mal absolu et ultime.

    Le code pénal allemand comporte une multitude d’expressions criminalisantes similaires, qui défient souvent les règles grammaticales et morphologiques. Le nom composé relativement nouveau de Volksverhetzung, qui figure en bonne place dans l’article 130 du code pénal allemand, a été maladroitement traduit en anglais par « incitement to hatred » (« incitation à la haine »), bien que l’original allemand ait une portée beaucoup plus large lorsqu’il est utilisé dans les actes d’accusation. Ce terme à sens multiples représente un cas d’anomalie linguistique semblable aux formulations du système judiciaire soviétique. Les citoyens allemands l’appellent péjorativement « Gummiparagraph » (paragraphe en caoutchouc, ou clause élastique) car son interprétation si large peut envoyer en prison toute personne posant des questions politiquement incorrectes, de quelqu’un qui fait une blague sur un migrant somalien illégal à une personne qui soulève des questions critiques sur l’Holocauste ou l’État d’Israël. Même un avocat américain parfaitement versé dans la langue allemande aurait du mal à déconstruire le sens de ce terme allemand lorsqu’il défendrait son client devant un tribunal allemand.

    Contrairement au dogme libéral sur la prétendue indépendance de la justice, c’est toujours la classe dirigeante qui fait et défait les lois ; jamais les lois ne font la classe dirigeante. Le mythe libéral répandu selon lequel la Cour suprême agit comme l’arbitre indépendant ultime pendant un état d’urgence n’a jamais fonctionné dans la pratique. Le penseur romain Juvénal le savait depuis longtemps lorsqu’il posait la question intemporelle : « Mais qui gardera les gardiens ? »

    Tomislav Sunić (Polémia, 30 août 2024)

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