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  • Pour l'Europe, l'heure des frontières !...

    A l'occasion du colloque de l'Institut Iliade, Europe : l’heure des frontières, qui s'est tenu à Paris le 6 avril, la revue littéraire non conforme Livr’Arbitres a réalisé un hors série regroupant une grande partie des interventions de la journée. Ce numéro hors-série exceptionnel est disponible à la Nouvelle Librairie ou sur le site de la revue.

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    Au sommaire :

    Éditorial, par Xavier Eman

    Défendre les frontières de l'Europe, par Philippe Conrad

    Frontières, par Jean-Philippe Antoni

    Les grandes batailles des Européens, par Jean-Yves Le Gallou

    Pas de souveraineté sans protection ni puissance, par Lionel Rondouin

    Le défi souverainiste, par Vincent Sofo

    Allemagne, le réveil d'un peuple, par François Savy

    Le droit des Européens à la frontière, par Thibault Mercier

    Rétablir les frontières de l'Europe, par Benoît Couëtoux

    Réflexions géopolitiques sur la permanence des frontières, par Rémy Martin

    Des murs et des ponts, par Adriano Scianca

     

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  • Solidarité stratégique et politiques d’Etat...

    Nous reproduisons ci-dessous un pointe de vue de Christian Harbulot et Didier Julienne cueilli sur Infoguerre et consacré à la question des  la solidarité stratégique. Christian Harbulot dirige l’Ecole de Guerre Economique depuis sa création en 1997, et Didier Julienne dirige un cabinet de stratégie sur les ressources naturelles. 

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    Solidarité stratégique et politiques d’État

    Historiquement, le patriotisme économique est un des éléments structurants de la pensée souverainiste. Il est assimilé aux pratiques protectionnistes et au repli sur soi. Sa formule moderne est plus complexe car elle fait appel à la notion d’intelligence économique offensive et défensive parce que dans la mondialisation des échanges il est devenu nécessaire de tenir compte de jeux d’acteurs aux comportements différents. Ces stratégies prioritaires de conquête de marchés extérieurs sont celles des Etats-Unis depuis 1945, et en Asie, du Japon jusqu’à la fin de l’URSS, de la Corée du Sud à partir des années 60 et enfin de la Chine depuis un quart de siècle. Force est de constater que le patriotisme économique ne couvre qu’une partie de la problématique de la survie ou de l’essor d’un peuple sur un territoire donné.

    Intérêt général et solidarité

    Le progrès et le marché ont dicté la ligne de conduite des sociétés humaines depuis l’ère des révolutions industrielles. Tout au long du XIXe et du XXe siècle, le problème principal a été le développement. Les pays industrialisés étaient le modèle à suivre.  Depuis la chute du mur de Berlin, l’évolution des rapports de force entre les puissances a battu en brèche la croyance en un monde régulé par une mondialisation des échanges bénéfique à tous. Au début du XXIe siècle, des limites sont plus évidentes : la vulnérabilité d’un Etat n’est plus seulement mesurée par ses difficultés à se développer comme c’était le cas lors des débats sur les rapports Nord/Sud. Un Etat peut être menacé par les rapports de force qui existent autour de l’énergie, sur l’accès aux ressources, aux matières premières et à l’eau. Ce sont des sujets quasi permanents de confrontation dans certaines parties du monde. La fragilité du monde actuel et les multiples menaces qui résultent de la confrontation entre différentes forces (puissances, monde financier, firmes multinationales, sociétés civiles) rend l’économie indissociable de la notion de résilience d’un peuple sur un territoire.

    L’intégrité du territoire et la protection des populations ne peuvent plus être considérés comme les deux seules priorités primordiales de la défense de l’Etat de droit. Il serait peut-être utile de réfléchir sur une nouvelle forme de priorité qui renforce la notion d’intérêt général par la solidarité stratégique. Comprenons par solidarité stratégique, des décisions de moyen/long terme pour la préservation du bien commun. Dans le passé, l’Etat s’est construit à partir de ses intérêts vitaux. Dans l’avenir, la seule survie d’une population sur un territoire donné pourra devenir un intérêt vital. Une telle approche dépasse la vision restrictive de la défense économique telle qu’elle a été définie et souligne les imperfections de la définition des intérêts stratégiques validée par la Commission Européenne. Elle sort aussi du périmètre de la pensée souverainiste qui se focalise sur la notion d’indépendance territoriale.

    Au niveau européen, la notion de solidarité stratégique renvoie à la capacité de résilience des Etats membres de l’Union Européenne confrontés non seulement aux crises mais aux limites du progrès (cf. par exemple les effets de la pollution industrielle) et du marché (cf. les risques générés par une situation de dépendance alimentaire ou énergétique).

    Construction des Etats et gestion des rapports de force

    Le principe de solidarité existe depuis des siècles. Sous la monarchie absolue, les provinces riches devaient stocker du blé pour venir en aide aux provinces pauvres en cas d’intempéries, de mauvaises récoltes et de risque de famine. L’enjeu était déjà stratégique pour éviter les jacqueries et les révoltes populaires dans les campagnes. Pour prendre un exemple actuel, l’électricité distribuée dans certains départements français est payée en partie par la contribution de l’Ile de France, donc des citoyens qui vivent sur son sol. Ce principe de solidarité a aussi une dimension stratégique dans la mesure où il contribue au fonctionnement des territoires qui n’ont pas la dynamique économique suffisante pour satisfaire les besoins élémentaires de leurs habitants.

    La prise en compte politique d’un tel concept relève encore du sous-entendu et non d’un corps de doctrine affiché ouvertement. Le débat existe pourtant sur la scène internationale. La province d’Alberta au Canada a affiché des positions de « désolidarisation » en s’enrichissant avec l’exploitation du pétrole et du gaz. Le système de péréquation appliqué par la structure fédérale est un exemple très intéressant de l’application d’un principe qui pourrait être justement assimilé au concept de solidarité stratégique. Certaines provinces comme l’Ontario et le Québec reçoivent de l’argent d’Ottawa depuis des décennies dans le cadre du développement économique ou de la contribution à l’aide des provinces en difficulté. Le gouvernement fédéral est conduit à arbitrer et faire évoluer le système en fonction de paramètres économiques, financiers et fiscaux. Nos Etats se sont construits au fur et à mesure de révoltes, de révolutions ou bien d’évolutions plus pacifiques pour aboutir à des démocraties, des monarchies constitutionnelles, des démocratures, des dictatures.

    Au-dessus de chacune de ces formes d’Etat, il est possible d’identifier des solidarités stratégiques qui sont autant de trajectoires à très long terme auxquelles les administrations et les différents gouvernements qui se succèdent à la tête du pays, ne touchent pas parce qu’elles façonnent la relation particulière entre la population et son concept de nation. Elles sont un prélude à la construction politique et au développement économique d’un pays, elles différencient les Etats les uns des autres, parce qu’elles définissent leurs dépendances, leurs indépendances et leurs interdépendances vis-à-vis notamment de la sécurité, des ressources naturelles, du développement économique, de la santé, de modèle économiques… Elles furent décidées à un instant particulier du pays et la première d’entre-elles est sans aucun doute l’inspiration première de l’Etat, dans sa déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dans sa constitution, ou de par la voie tracée dans la matrice idéologique d’un petit livre rouge. En bref, l’évènement intellectuel qui inspire ou conclut, selon les cas, la guerre de libération ou la révolution qui engendra le premier pouvoir en place. Après cette solidarité stratégique intellectuelle et de fondation, viennent des solidarités stratégiques plus tangibles mais qui restent historiques. Depuis l’apparition du pays elles ont été décidées à des moments charnières, fin d’un conflit mondial par exemple. Elles restent peu nombreuses par pays et regroupées en trois familles. Les solidarités stratégiques acquises par un processus de décision par objectif, par accidents et par progrès. Ce processus de décision n’est-il pas par ailleurs différents en fonction des régimes, par exemple entre la dictature et de la démocratie ?

    Solidarité stratégique et nature des régimes

    Dans les pays totalitaires il y a une unique solidarité stratégique, c’est la sécurité. L’étranger y est au mieux un espion et en général un ennemi. Pour atteindre cette solidarité stratégique sécuritaire, celle-ci à une emprise totale sur l’Etat, elle s’y substitue ; sacrifiant tout, elle guide l’ensemble des forces de la nation pour se préserver et atteindre son but. Des services de renseignements jusqu’aux forces militaires, elle rafle les meilleures ressources aux dépens du reste des besoins des populations. Dans le passé, le régime soviétique en fut l’image parce qu’il permettait aux systèmes de forces d’être privilégiés. De nos jours, la Corée du Nord symbolise dans ce registre l’agressivité d’une indépendance nucléaire qui est le pinacle de sa solidarité stratégique sécuritaire déclarée. Secondant la solidarité stratégique de sécurité, et permettant de maintenir sa trajectoire, viennent trois axes de développement de l’État mis en œuvre par des sociétés nationales de manière coordonnée sous forme de plans ou bien désordonnée. Le premier axe concerne à la fois, la doctrine agricole nationale et l’autosuffisance alimentaire. Le deuxième axe porte sur la doctrine énergétique nationale et l’indépendance énergétique. Le troisième axe englobe la doctrine minière et la démarche industrielle nationale outillant les populations. Mais ce ne sont que des utilités, non pas des principes tangibles et durables de solidarités stratégiques qui d’ailleurs n’existent pas dans ces régimes.

    En démocratie, les solidarités stratégiques sont moins apparentes qu’en dictature mais plus nombreuses. C’est ici que la solidarité stratégique d’objectif décrite à l’instant dans la dictature est rejointe par celle de l’accident et celle du progrès.

    • Les objectifs ressemblent aux décisions de l’Etat totalitaire, c’est la décision de l’homme seul qui souhaite une dissuasion nucléaire en France dans les années 60 ou bien la situation exceptionnelle d’après-guerre qui définit un modèle industriel.
    • Les accidents reflètent les soucis du moment : une famine réclame une politique agricole, une pénurie de pétrole exigent une énergie nucléaire, une colonisation conflictuelle au XIXe siècle demande une armée nombreuse, puis lui succède un siècle plus tard une armée professionnelle lorsque la décolonisation est terminée et enfin avons-nous un nouveau changement lorsque l’armée est dans la rue pour contrer la guerre terroriste ?
    • Le progrès apporte des solutions inattendues, c’est la bonne surprise. Par exemple, le progrès dans le traitement des maladies permet d’inscrire une politique sociale et de santé dans le marbre des solidarités stratégiques démocratiques.

     

    La démocratie pilotera les entreprises publiques ou privées chargées des solidarités stratégiques objectifs et les accidents, mais l’Etat démocratique sera opportuniste dans celle du progrès en bénéficiant des initiatives du capital privé et de ses entreprises industrielles et de services démocratie

    À ce stade, employons une métaphore. Si une table nous est nécessaire, l’Etat totalitaire, nous apprendra à nous en passer parce qu’elle n’est pas un élément de la solidarité stratégique. De son côté, il est fort possible que la démocratie demande au capital privé de trouver comment fabriquer cette table ; une fois cet objectif atteint, elle l’inscrira au fronton de ses solidarités stratégiques.

    Comment l’ensemble évolue-t-il ?

    En régime totalitaire comme en démocratie, une fois atteintes, les solidarités stratégiques sont oubliées. Faisant partie du décor étatique, chacun est presque surpris de s’apercevoir qu’elles existaient lorsqu’elles sont remises en cause sans que l’on s’en rende compte. Lorsqu’il touche à la solidarité stratégique de fondation, ce retour sur soi peut provoquer des séismes.  Avons-nous connu de tels évènements en occident en 1968 ? Le PC chinois avait-il atteint un point tel de rupture avant l’arrivée de Xi Jinping, qu’il se soit engagé non seulement dans une course globale contre la corruption (alors que c’est l’une des caractéristiques de la Chine éternelle) mais que le président chinois ait entreprit une fuite identitaire vers l’image de Mao afin de restaurer la solidarité stratégique de fondation de la Chine révolutionnaire ?

    Côté solidarité stratégique sécuritaire, l’atteindre est en général un mythe de Sisyphe. Elle est inatteignable en dictature, car il semble que dans la course à la sécurité et aux armements, la démocratie fait toujours mieux. Dans les démocraties, lorsque la solidarité stratégique sécuritaire est prise en défaut, par exemple lorsqu’un attentat révèle une faillite de l’Etat, il se peut qu’à ce moment-là, la catastrophe affaiblisse puis renverse le pouvoir, voire provoque un profond changement dans la démocratie. Pour les solidarités stratégiques d’accidents et de progrès, si un tsunami bouscule la solidarité stratégique consacrée à l’énergie, que des suicides d’agriculteurs questionnent celle de l’autosuffisance alimentaire, que le chômage de masse remette en cause celle du modèle industriel, que la gestion d’une épidémie affaiblisse celle de la santé, qu’un vote provoque un Brexit, que le réchauffement climatique propulse des énergies renouvelables …, il est probable que la démocratie coupable de ces faillites subisse de profonds changements. En revanche, simplifions en disant que ces mêmes causes n’auront aucun effet en dictature car elles n’affecteront nullement des solidarités stratégiques qui n’y existent pas.

    Allons plus loin. Chacun de son côté s’aperçoit que décider la nature des solidarités stratégiques dans les pays totalitaires, là où un homme seul décide, devrait être un processus plus agile que dans les démocraties. Chez nous, le choix des solidarités stratégiques doit être celui de l’expression de l’intérêt général, mais cristalliser cette expression devient rapidement une illusion lorsqu’il est impossible d’imposer qu’une trajectoire de très long terme survole sans fin les rapides changements politiques démocratiques. En ce sens, la démocratie participative, c’est-à-dire la politique de l’instant présent, est à l’extrême inverse du temps long des solidarités stratégiques.

    Progressons dans le processus de décision. Depuis peu, un élément nouveau bouscule les solidarités stratégiques. La doctrine environnementale visant à réguler le climat et protéger la biodiversité s’impose comme une solidarité stratégique hexogène au lieu d’être le fruit d’un choix endogène. Elle s’impose à tous indistinctement, en démocratie et en dictature, quasiment par décret avec la COP 21, en Chine avec l’arrêt des industries polluantes l’hiver, en France en Angleterre et à Paris lorsque la vente de voiture à essence et diesel est interdite avant même que les sciences et les entreprises disposent sur étagère de voitures électriques bon marché de substitution. Ce phénomène pose une contre-question iconoclaste : puisque nous décidons d’une solidarité stratégique environnementale à la manière d’une dictature sommes-nous toujours une démocratie, et vice versa ?

    Comme le rappelait l’écrivain et pilote Saint-Exupéry « la liberté c’est choisir son maître ». Être indépendant, c’est choisir librement ses dépendances sans en souffrir, donc rester souverains sur ses choix de solidarités stratégiques.

     

    Christian Harbulot et Didier Julienne (Infoguerre, 29 mars 2019)

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  • Le sabordage de la noblesse...

    Les éditions Passés composés viennent de publier un essai historique de Fadi El Hage intitulé Le sabordage de la noblesse - Mythe et réalité d'une décadence. Docteur en histoire, spécialiste de l’histoire de la France moderne, Fadi El Hage est l'auteur de plusieurs ouvrages et contribue régulièrement au magazine Guerres & Histoire.

     

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    " Au XVIIIe siècle, la noblesse française comme l'aristocratie, minorité ô combien plus «médiatisée», sont perçues comme décadentes par la grande majorité du peuple de France. Rongée par les dissensions internes, minée par les rumeurs et les scandales, contestée dans sa légitimité à revendiquer une supériorité sociale, la noblesse paraissait au plus grand nombre indigne de sa vocation à servir le royaume. Elle vivait alors la clôture d'un cycle, dont 1789 ne serait que l'ultime conséquence. En somme, et l'image perdure jusqu'à nos jours, la noblesse, en dérogeant à l'honneur, aurait perdu sa raison d'être. Mais y avait-il, dans les faits, une inconscience collective de la noblesse ? Pour démêler le vrai du faux, Fadi El Hage retrace son histoire au XVIIIe, dans toutes ces composantes, de l'aristocratie versaillaise aux vieilles familles prestigieuses mais désargentées, sans oublier la noblesse de robe. Fondé sur une relecture des sources et l'étude de documents inédits, cet essai novateur invite le lecteur à s'interroger sur la place et le rôle d'une noblesse victime autant de fantasmes que de l'image sociale et morale qu'elle renvoyait au public. "

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  • Matteo Salvini : un parcours météorique...

    Le 3 avril 2019, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Gabriele Adinolfi, pour évoquer le parcours fulgurant de Matteo Salvini, le très populaire ministre de l'intérieur italien et président de la Lega.

    Principal inspirateur du mouvement Casapound, Gabriele Adinolfi est l'auteur de plusieurs livres, dont certains ont déjà été traduits en français, comme Nos belles années de plomb (L'Æncre, 2004), Pensées corsaires - Abécédaire de lutte et de victoire (Edition du Lore, 2008), ou dernièrement Matteo Salvini ou l'itinéraire d'un parcours politique météorique (Synthèse, 2019).

     

                                       

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  • Grand remplacement, le nouveau négationnisme...

    Le numéro 19 du mensuel conservateur L'Incorrect est arrivé en kiosque. On peut trouver à l'intérieur un dossier consacré à la question du changement de population en cours en Europe dans lequel on trouvera, notamment des entretiens avec Renaud Camus et Jean-Yves Le Gallou, ainsi que les rubriques habituelles "L'époque", "Politique", "Reportages", "Monde" "Essais" et "Culture"...

    Le sommaire complet est disponible ici.

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  • Quand les dirigeants oublient que c'est le peuple qui est souverain...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Michel Naulot, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la question de la souveraineté du peuple. Ancien membre du Collège de l’Autorité des marchés financiers, Jean-Michel Naulot est l’auteur d’Éviter l’effondrement (Seuil, 2017).

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    Brexit, référendum de 2005...: «Nos dirigeants ont oublié que c’est le peuple qui est souverain»

    Au Royaume-Uni, la démocratie est en crise. Theresa May a fait voter trois fois les parlementaires sur le même texte, comme si un dirigeant politique était libre d’ignorer un vote lorsqu’il ne lui est pas favorable. Les parlementaires eux-mêmes, majoritairement hostiles au Brexit, ont le plus grand mal à accepter le vote populaire de 2016. Enfin, situation surréaliste dans une démocratie, les perdants du Brexit manifestent pour demander l’organisation d’un nouveau référendum. Ne craignant pas de s’ingérer dans les affaires britanniques, le Président français a même été jusqu’à dénoncer récemment les «mensonges» qui avaient permis aux partisans du Brexit de gagner. Qu’auraient dit en France les partisans du oui à Maastricht si les tenants du non avaient exigé de revoter au prétexte que des mensonges avaient été énoncés par les partisans du oui? À l’époque, cette idée n’a traversé l’esprit de personne.

    En France, le référendum de 2005 avait déjà constitué un tournant inquiétant. La manœuvre qui avait consisté à faire adopter par le Parlement français le texte rejeté par le peuple n’avait pas été glorieuse. Elle montrait qu’en France et à Bruxelles, comme aujourd’hui au Royaume-Uni, certains dirigeants ont un peu de mal à accepter le vote populaire lorsqu’il leur est défavorable.

    Au Royaume-Uni, chacun savait, depuis le début des négociations, qu’aucun accord vraiment satisfaisant ne peut être trouvé. L’accord signé en 1998 avec l’Union européenne interdit en effet de rétablir la frontière entre les deux Irlande. La seule manière de résoudre ce problème, c’est le «no deal», à moins de donner un petit coup de canif dans la souveraineté britannique en prévoyant un statut spécial pour l’Irlande du Nord. Le «no deal» a l’avantage, si l’on peut dire, de rétablir la frontière sans que personne n’en assume la responsabilité…

    Lors du Sommet du 10 avril, si certains dirigeants de l’Union européenne étaient tentés d’accorder un long délai aux Britanniques pour négocier un nouvel accord sur le Brexit, avec l’arrière-pensée de laisser le temps aux Britanniques de revenir sur le choix de 2016, ils rendraient un bien mauvais service à la cause européenne et à la démocratie. Mais, dans le climat actuel, on ne peut exclure que certains dirigeants ne soient tentés de prendre prétexte de l’organisation de nouvelles élections britanniques ou de la nécessité d’ouvrir les élections européennes aux Britanniques pour accepter la solution d’un long report du Brexit. Ils confirmeraient alors que les propos tenus par Jean-Claude Juncker au lendemain de l’élection d’Alexis Tsipras - «Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens» - constituent désormais l’ADN de l’analyse politique de certains dirigeants.

    En pleine crise des Gilets jaunes, certaines leçons du Brexit et du référendum de 2005 peuvent d’ores et déjà être tirées en vue des réformes institutionnelles qui suivront le Grand Débat. La revendication d’une plus grande participation des citoyens aux décisions est légitime. Le dispositif organisant le référendum d’initiative partagée doit ainsi être assoupli pour permettre à un nombre significatif de citoyens de soumettre un texte au vote populaire. Cette réforme pourrait être l’occasion d’ajouter deux règles simples au fonctionnement du référendum. Aucun référendum ne devrait pouvoir être organisé sur un texte qui a déjà été soumis à référendum si un délai raisonnable, par exemple cinq ans, ne s’est pas écoulé entre la mise en application de la décision référendaire et le nouveau référendum. Cela pour éviter que l’on ne soit tenté de faire revoter le peuple jusqu’à ce qu’il change d’avis sans avoir préalablement respecté sa décision. Par ailleurs, aucun vote parlementaire ne pourrait défaire ce que le peuple a décidé. Cela, afin d’éviter un véritable déni de démocratie.

    Ces règles vont presque de soi dans une démocratie bien vivante mais, dans le climat des dernières années, elles gagneraient à être écrites. Quant aux traités, ils ne peuvent en aucun cas être opposés à la volonté populaire. Le peuple est souverain. Les traités sont faits pour évoluer. Comme le disait De Gaulle, «Les traités sont comme les jeunes filles et les roses: ça dure ce que ça dure!».

    Le passage de la démocratie représentative à une démocratie semi-directe, amorcé par la Cinquième République en 1958 (référendum) et en 1962 (élection du Président au suffrage universel), exige qu’une place plus importante soit faite à l’expression de la volonté populaire. Mais il exige aussi que de nouvelles règles soient posées pour nous protéger des résistances d’une élite qui a parfois un peu de mal à accepter cette évolution. Un nouvel équilibre doit être trouvé, à moins de prendre le risque d’aller vers une crise démocratique beaucoup plus grave.

    Jean-Michel Naulot (Figaro Vox, 2 avril 2019)

     

     

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