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Quand les dirigeants oublient que c'est le peuple qui est souverain...

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Michel Naulot, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la question de la souveraineté du peuple. Ancien membre du Collège de l’Autorité des marchés financiers, Jean-Michel Naulot est l’auteur d’Éviter l’effondrement (Seuil, 2017).

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Brexit, référendum de 2005...: «Nos dirigeants ont oublié que c’est le peuple qui est souverain»

Au Royaume-Uni, la démocratie est en crise. Theresa May a fait voter trois fois les parlementaires sur le même texte, comme si un dirigeant politique était libre d’ignorer un vote lorsqu’il ne lui est pas favorable. Les parlementaires eux-mêmes, majoritairement hostiles au Brexit, ont le plus grand mal à accepter le vote populaire de 2016. Enfin, situation surréaliste dans une démocratie, les perdants du Brexit manifestent pour demander l’organisation d’un nouveau référendum. Ne craignant pas de s’ingérer dans les affaires britanniques, le Président français a même été jusqu’à dénoncer récemment les «mensonges» qui avaient permis aux partisans du Brexit de gagner. Qu’auraient dit en France les partisans du oui à Maastricht si les tenants du non avaient exigé de revoter au prétexte que des mensonges avaient été énoncés par les partisans du oui? À l’époque, cette idée n’a traversé l’esprit de personne.

En France, le référendum de 2005 avait déjà constitué un tournant inquiétant. La manœuvre qui avait consisté à faire adopter par le Parlement français le texte rejeté par le peuple n’avait pas été glorieuse. Elle montrait qu’en France et à Bruxelles, comme aujourd’hui au Royaume-Uni, certains dirigeants ont un peu de mal à accepter le vote populaire lorsqu’il leur est défavorable.

Au Royaume-Uni, chacun savait, depuis le début des négociations, qu’aucun accord vraiment satisfaisant ne peut être trouvé. L’accord signé en 1998 avec l’Union européenne interdit en effet de rétablir la frontière entre les deux Irlande. La seule manière de résoudre ce problème, c’est le «no deal», à moins de donner un petit coup de canif dans la souveraineté britannique en prévoyant un statut spécial pour l’Irlande du Nord. Le «no deal» a l’avantage, si l’on peut dire, de rétablir la frontière sans que personne n’en assume la responsabilité…

Lors du Sommet du 10 avril, si certains dirigeants de l’Union européenne étaient tentés d’accorder un long délai aux Britanniques pour négocier un nouvel accord sur le Brexit, avec l’arrière-pensée de laisser le temps aux Britanniques de revenir sur le choix de 2016, ils rendraient un bien mauvais service à la cause européenne et à la démocratie. Mais, dans le climat actuel, on ne peut exclure que certains dirigeants ne soient tentés de prendre prétexte de l’organisation de nouvelles élections britanniques ou de la nécessité d’ouvrir les élections européennes aux Britanniques pour accepter la solution d’un long report du Brexit. Ils confirmeraient alors que les propos tenus par Jean-Claude Juncker au lendemain de l’élection d’Alexis Tsipras - «Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens» - constituent désormais l’ADN de l’analyse politique de certains dirigeants.

En pleine crise des Gilets jaunes, certaines leçons du Brexit et du référendum de 2005 peuvent d’ores et déjà être tirées en vue des réformes institutionnelles qui suivront le Grand Débat. La revendication d’une plus grande participation des citoyens aux décisions est légitime. Le dispositif organisant le référendum d’initiative partagée doit ainsi être assoupli pour permettre à un nombre significatif de citoyens de soumettre un texte au vote populaire. Cette réforme pourrait être l’occasion d’ajouter deux règles simples au fonctionnement du référendum. Aucun référendum ne devrait pouvoir être organisé sur un texte qui a déjà été soumis à référendum si un délai raisonnable, par exemple cinq ans, ne s’est pas écoulé entre la mise en application de la décision référendaire et le nouveau référendum. Cela pour éviter que l’on ne soit tenté de faire revoter le peuple jusqu’à ce qu’il change d’avis sans avoir préalablement respecté sa décision. Par ailleurs, aucun vote parlementaire ne pourrait défaire ce que le peuple a décidé. Cela, afin d’éviter un véritable déni de démocratie.

Ces règles vont presque de soi dans une démocratie bien vivante mais, dans le climat des dernières années, elles gagneraient à être écrites. Quant aux traités, ils ne peuvent en aucun cas être opposés à la volonté populaire. Le peuple est souverain. Les traités sont faits pour évoluer. Comme le disait De Gaulle, «Les traités sont comme les jeunes filles et les roses: ça dure ce que ça dure!».

Le passage de la démocratie représentative à une démocratie semi-directe, amorcé par la Cinquième République en 1958 (référendum) et en 1962 (élection du Président au suffrage universel), exige qu’une place plus importante soit faite à l’expression de la volonté populaire. Mais il exige aussi que de nouvelles règles soient posées pour nous protéger des résistances d’une élite qui a parfois un peu de mal à accepter cette évolution. Un nouvel équilibre doit être trouvé, à moins de prendre le risque d’aller vers une crise démocratique beaucoup plus grave.

Jean-Michel Naulot (Figaro Vox, 2 avril 2019)

 

 

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