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  • Pourquoi ils sont nietzschéens...

    Les éditions Les impressions nouvelles viennent de publier Pourquoi nous sommes nietzschéens, un ouvrage collectif dirigé par Dorian Astor et Alain Jugnon, qui rassemble les signatures de philosophes ou de penseurs de gauche qui se réclament de Nietzsche. Philosophe et musicologue, Dorian Astor a déjà publié Nietzsche, la détresse du présent (Folio, 2014).

     

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    " En octobre 1991, il y a un quart de siècle, Pourquoi nous ne sommes pas nietzschéens paraissait chez Grasset. Quelques philosophes français se targuaient de ne pas l'être, ou de ne plus l'être, enfin : de ne plus vouloir le devenir, jamais. Nous voulons promettre ici le contraire : nous aurons à devenir nietzschéens car le temps présent nous impose cette réévaluation. Une telle promesse se réalise dans cet ouvrage collectif en interpellant en sujets nietzschéens les penseurs contemporains qui ont accepté cet enjeu, de par leurs lectures de l'oeuvre de Nietzsche, à partir de l'inscription de leur propre oeuvre dans ce que nous nommons un nietzschéisme pour le présent. Nous avions en effet une question : que promettons-nous aujourd'hui au nom de Nietzsche, parce que nous le lisons, parce que nous ne pouvons pas ne pas le lire ?

    Ce livre dévoile et développe les pensées et les écritures dont nous avons grandement besoin aujourd'hui pour en finir avec tous les nihilismes du mécontemporain. "

    Sommaire :

    Alain Jugnon Nietzsche est la scène 

    Alain Jouffroy Nietzsche fut mon compagnon de lecture  

    Michel Surya Ecce monstrum

    Giuliano Campioni Pour une nouvelle lecture de Nietzsche 

    Miguel Morey Les danses du présent 

    Monique Dixsaut Le dur service de la vérité

    Bernard Stiegler La grande bifurcation vers le néguanthropos

    Paul Audi Suis-je nietzschéen ?

    Jean Maurel Oui, sept fois oui

    Hadrien Laroche De l’œuvre d’art là où elle apparaît sans artiste

    Jean-Clet Martin Nietzsche et le criminel

    Frédéric Neyrat Nietzsche et la relance métaphorique

    Avital Ronell Friedrich, ami d’une intello, malgré tout

    Stefan Lorenz Sorgner Nietzsche éducateur. D’Héraclite au transhumanisme

    Philippe Beck Comment ne pas être nietzschéen

    Jean-Luc Nancy Wer bin ich ?

    Dorian Astor Les monstres de courage et de curiosité

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  • La géographie sacrée d'Alexandre Douguine...

    Nous reproduisons ci-dessous une bonne présentation de la pensée géopolitique d'Alexandre Douguine, publiée par Bertrand Garandeau sur le site Philitt.

    Théoricien politique et géopoliticien, nourri par les penseurs de la Révolution conservatrice des années 30 ainsi que par les idées des nouvelles droites européennes, Alexandre Douguine, qui est la figure principale du mouvement eurasiste, passe pour exercer son influence jusque dans les cercles du pouvoir russe. Pour découvrir de façon plus approfondie ses idées, on pourra se reporter à L'appel de l'Eurasie (Avatar, 2013), le texte d'une longue conversation entre lui et Alain de Benoist, mais également à deux de ses œuvres traduites en français, La Quatrième théorie politique (Ars Magna, 2012) et Pour une théorie du monde multipolaire (Ars Magna, 2013).

     

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    La géographie sacrée de Douguine : la Russie au cœur de la tradition

    Régulièrement sous le feu des projecteurs pour sa supposée influence sur le Kremlin, Alexandre Douguine a repris et développé le concept géopolitique d’Eurasie. À travers cette notion, il prône le recours à la géographie sacrée et à la tradition dans la géopolitique contemporaine.

    Pour Douguine, la géopolitique n’est pas une science comme les autres. Si l’alchimie et la magie ont disparu au profit de leurs formes modernes et séculières que sont la chimie et la physique, la géographie sacrée des Anciens reste vivante à travers la géopolitique. Rappelant la théorie du Heartland du géopoliticien britannique Mackinder, Douguine fait de l’Eurasie la pièce maîtresse de la géographie sacrée. Avec la Russie en son centre, l’Eurasie incarnerait le dernier bastion de la tradition dans l’hémisphère nord, seul capable de lutter efficacement contre la modernité.

    Le penseur russe prétend que la géographie façonne les idéologies, les cultures et les religions. Les civilisations des plaines, des steppes ou des déserts, propices à l’expansion et à la conquête, diffèrent par exemple des civilisations des montagnes et des forêts, lesquelles sont plus enclines à conserver les traditions des peuples. Douguine défend également la pertinence de l’opposition traditionnelle thalassocratie – tellurocratie, utilisée pour qualifier deux types distincts de puissances. Celles qui dominent par la maîtrise de la mer et celles qui dominent par la maîtrise de la terre, étant précisé que ces modes de domination ne seraient pas anodins sur le plan idéologique.

    Selon Douguine, la tellurocratie incarnerait la stabilité, la pesanteur, la fixité et le politique, tandis que la thalassocratie promouvrait la mobilité, la fluidité, la dynamique et l’économie. Alors que les empires terrestres, souvent militaires, seraient de forme tellurocratique, les empires coloniaux, plus commerciaux, seraient davantage thalassocratiques. Cependant, le géopoliticien remarque que cette typologie ne se résume pas à une simple opposition eau/terre et à un déterminisme géographique strict. Il existerait ainsi des terres maritimes (les îles) et des eaux terrestres (les fleuves et les mers intérieurs). De même, Douguine remarque que la géopolitique japonaise est de type tellurocratique malgré son caractère insulaire, tandis qu’il voit dans la puissance du continent nord américain une thalassocratie qui repose sur le dynamisme de ses interfaces maritimes et commerciales. En appliquant cette grille de lecture, le penseur russe considère que l’Eurasie, continent terrestre allant de l’Europe à l’Asie et dont le centre de gravité se situe en Russie, pourrait constituer le modèle tellurocratique opposé aux atlantistes États-Unis d’Amérique.

    Géographie sacrée et religions

    Dépassant le strict cadre de la géographie, ce dualisme se retrouverait au sein des systèmes religieux. Les valeurs de la terre transposées au religieux se manifesteraient par la profondeur, la tradition, la contemplation et le mysticisme. Le principe atlantiste serait au contraire plus superficiel et matérialiste, accordant la primauté au rite, à l’organisation de la vie quotidienne et pouvant aller jusqu’à méconnaître la part de divin dans l’homme. Douguine voit ainsi dans l’orthodoxie l’aspect terrestre du christianisme, tandis que le catholicisme et le protestantisme en constitueraient la face atlantiste. De même, au sein de l’islam, le principe terrestre se retrouverait davantage dans certaines branches du chiisme et dans le soufisme. Au contraire, le salafisme et le wahhabisme seraient davantage atlantistes par l’importance accordée au rite et par leur dogmatisme religieux désireux d’éradiquer les spiritualités traditionnelles des peuples convertis. Face au protestantisme américain et au salafisme saoudien, dont Douguine fait remarquer les alliances géopolitiques depuis 1945, le monde russe réunit au contraire des religions de type tellurique avec l’orthodoxie russe mais aussi l’islam caucasien et d’Asie centrale.

    Quant au judaïsme, non seulement il n’échapperait pas à cette opposition interne, mais celle-ci se retrouverait aussi dans les formes séculières de la pensée juive. Douguine analyse les branches mystiques du judaïsme (hassidisme, sabbataïsme, kabbalisme) comme l’expression de l’aspect terrestre de cette religion. Au contraire, le talmudisme en représenterait l’aspect atlantiste notamment par l’accent mis sur la rigueur dogmatique et le rationalisme. Par ailleurs, rappelant l’influence du messianisme juif sur le développement du marxisme et du bolchevisme, Douguine voit dans ces derniers des formes séculières du judaïsme terrestre. Au contraire, le judaïsme atlantiste sécularisé aurait contribué à l’essor du capitalisme et de l’esprit bourgeois. Le géopoliticien russe voit dans cette tension interne au judaïsme l’explication d’un récurrent « antisémitisme juif ». Les propos de Karl Marx, affirmant notamment que l’argent serait le Dieu profane du judaïsme (La question juive), seraient l’incarnation empirique du juif mystique s’attaquant au juif talmudiste, soit une émanation de la tradition contre une forme de la modernité.

    Actualisation de l’éternelle lutte entre tellurocratie et thalassocratie, mais aussi fondement sous-jacent de la guerre entre tradition et modernité, l’opposition entre eurasisme et atlantisme ne résume pas la vision de la géographie sacrée selon Alexandre Douguine. Celui-ci s’appuie également sur les dualismes Orient – Occident et Nord – Sud. Pour le chantre de l’eurasisme, l’Orient incarne l’archaïsme, la tradition et la primauté du supra-individuel sur l’individu. L’Occident représente au contraire le progrès matériel, la modernité et l’individualisme. Fidèle aux représentations géographiques de nombreuses traditions (biblique, égyptienne, iranienne ou encore chinoise), cette opposition est également corroborée par les représentations contemporaines fréquentes du « monde occidental » et de l’Orient. Cependant, dans la géographie sacrée, ce sont les valeurs orientales qui sont supérieures aux valeurs occidentales. On peut observer l’exact inverse dans la géopolitique moderne pour laquelle les valeurs occidentales de la démocratie libérale et des individualistes droits de l’homme associées à une stricte économie de marché sont érigées en modèle.

    La tradition du Nord

    Aux yeux de Douguine, le couple Orient – Occident ne serait cependant qu’une transposition horizontale tardive du couple géographique primordial opposant le Nord au Sud. Terre divine par excellence, le Nord serait la terre de l’esprit et de l’être. S’il refuse l’idée d’un Nord purement objectif qui désignerait uniquement un pôle géographique, le philosophe russe écarte toutefois la définition d’un Nord réduit à une idée. Certes, la tradition primordiale serait issue du nord géographique, mais cette époque serait révolue. L’homme du Nord, presque divin, aurait aujourd’hui disparu en tant que tel mais serait toujours présent de façon diffuse et dans des proportions variables au sein de tous les peuples. Il en est de même de l’homme du Sud, celui-ci incarnant la tendance au matérialisme et à l’idolâtrie. Si l’homme du Sud vénère le cosmos, souvent sous la forme de la Terre – Mère, il ne l’appréhende que par son instinct et se montre incapable d’en saisir la part spirituelle. Ces deux types d’homme ne s’opposeraient plus aujourd’hui frontalement mais à l’intérieur même des peuples et des civilisations. En aucun cas, cette opposition ne peut être comparée à un combat manichéen du bien contre le mal. Le Nord et le Sud sont complémentaires, le premier s’incarnant dans le second. Néanmoins, Douguine estime que le respect de l’ordre divin nécessite la supériorité du principe spirituel du Nord sur le principe matériel du Sud.

    Bien que l’opposition entre le Nord et le Sud prime pour lui sur celle entre l’Est et l’Ouest, le stratège russe remarque que le premier couple prend une coloration différente selon les transpositions géographiques qui s’opèrent. Diverses combinaisons peuvent être formées par la spiritualité du Nord, le matérialisme du Sud, le holisme de l’Est et l’individualisme de l’Ouest. Douguine établit ainsi que les valeurs sacrées du Nord sont conservées stérilement par le Sud, mises en valeur par l’Est et fragmentées par l’Ouest. Quant aux valeurs du Sud, selon leur milieu d’immersion elles opacifient l’esprit du Nord, transforment le holisme oriental en négation pure de l’individu, et génèrent un matérialisme individualiste en Occident. C’est sous cette dernière forme que la modernité occidentale apparaît aux yeux du philosophe eurasiste. Fruit de la combinaison la plus négative de la géographie sacrée, la réussite supposée des pays occidentaux pourtant essentiellement situés au nord géographique prône des valeurs opposées à la tradition. Cette inversion des pôles constituerait une caractéristique de l’âge sombre, ou Kali Yuga, dans lequel le monde se trouverait aujourd’hui.

    Néanmoins, Alexandre Douguine ne considère pas que le salut doive venir du Sud. Stérile par essence, celui-ci serait uniquement apte à conserver des fragments de tradition nordiste que le mystique russe perçoit dans le monde islamique, dans l’Inde hindouiste, voire dans la Chine malgré sa conversion partielle à la modernité. Le salut viendrait donc de l’alliance entre ce sud conservateur et les îlots de tradition authentique encore présent au nord, et particulièrement au nord-est. Douguine situe donc dans le monde russe le cœur actuel de la tradition et de la lutte contre la modernité. Incluant la Russie mais également ses diverses périphéries, le monde russe réunirait des qualités géographiques (être situé au nord-est au sens de la géographie sacrée), religieuses (orthodoxie, islam eurasiste, judaïsme russe) et les caractéristiques d’une puissance tellurique qui lui permettraient de jouer un rôle déterminant dans la lutte contre la modernité atlantiste, occidentale et opposée à l’esprit du Nord.

    Bertrand Garandeau (Philitt, 12 octobre 2016)

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  • L'esprit Bushcraft...

    La revue Survival, consacrée à la survie en milieu hostile, sort en kiosque son quatrième numéro (octobre-novembre 2016), qui comprend notamment un entretien avec Piero San Giorgio, auteur de  Survivre à l'effondrement économique (Le Retour aux sources, 2011) et de Rues barbares (Le Retour aux sources, 2012), qui a popularisé le survivalisme en Europe, dans la sphère francophone.

     

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    Sommaire :

    Équipements
    Le nécessaire indispensable du survivant
    L’autonomie énergétique
    Téléphonie satellitaire
    Couteau : Le Tatou

    Techniques
    Allumer un feu au firesteel
    7 Choses à faire soi-même au lieu de les acheter
    Ouvrir une boîte de conserve !

    Nutrition
    Boisson aux fruits
    L’alimentation en situation de survie

    Survie
    Banqiao le barrage du dragon d’eau
    B.A.D. : La basse autonome durable
    Interview Piero San Giorgio
    Le sac d’évacuation (BOB) 3e partie
    Rencontre avec le «Commandant de la taïga »

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  • Conspirationnisme contre dévoilement dans l'affaire Clinton...

    Nous reproduisons ci-dessous une excellente analyse de François-Bernard Huyghe, cueillie sur son blog Huyghe.fr et consacrée à la tentative d'étouffement par le système des révélations produites par WikiLeaks à l'encontre d'Hillary Clinton.

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    Conspirationnisme contre dévoilement dans l'affaire Clinton

    La stratégie de la révélation - celle du lanceur d'alerte ou whistleblower consiste à diffuser auprès du public des documents confidentiels produits par une bureaucratie (une armée, un ministère, une grande entreprise), et en révéler les turpitudes. Que ce soit pour avertir d'un danger, ou pour dénoncer des crimes ou pratiques occultes de l'organisation à laquelle il appartient (mais dont il ne veut plus moralement être complice), le lanceur d'alerte fait donc appel au public et aux autorités pour mettre fin à une situation scandaleuse. Il y a eu des lanceurs d'alertes connus dès les années 70 (Ralph Nader est un des premiers à employer le terme), mais le phénomène a vraiment explosé avec les réseaux sociaux. Pour des raisons notamment techniques : plus on stocke de secrets présumés honteux dans ses ordinateurs (et une bureaucratie ratée produit forcément beaucoup d'archives), plus il y a de probabilités statistiques qu'un membre de l'organisation copie des documents et les fasse parvenir à une association ou à la presse qui lui donneront une publicité efficace.

    Les cas de Manning ou de Snowden sont de parfaites illustrations de la façon dont un individu qui éprouve des scrupules peut transmettre des quantités énormes de documents authentiques pour prouver des pratiques - diplomatiques, militaires, d'espionnage...- qui vont choquer l'opinion. Wikileaks apparu en 2006 est par excellence l'organisation pratiquant la stratégie de la révélation (même si Anonymous, Cryptome, Openleaks ou d'autre on apporté une aide considérable à des dénonciateurs de pratiques cachées. En 2010, l'affaire du cablegate (des centaines de milliers de documents sur la guerre d'Irak ou la diplomatie américaine) a un impact mondial.Julien Assange le fondateur de Wikileaks le paiera cher : il est assiégé dans l'ambassade de l'Équateur à Londres depuis 2012.

    Donc le whistleblowing constitue un souci constant pour Washington (et d'autres capitales). Jusqu'à présent l'administration Obama avait essayé de parer à ce danger - outre la répression qui frappera aussi Manning ou contraindra Snowden à l'exil et quelques attaques informatiques- par une rhétorique assez simple :
    La dangerosité du dévoilement qui mettrait en jeu la vie de soldats ou d'agents américains ou faciliterait des actions ennemies
    La dénonciation de la dictature de la transparence : l'Etat, pour protéger ses citoyens et mener ses mission, a besoin de garder certains secrets et de restreindre certaines libertés

    Depuis quelques temps, l'offensive idéologique contre Wikileaks a adopté de nouveaux angles :

    - L'accusation de sensationnalisme racoleur : lors des attentats de Nice, le compte Twitter de Wikileaks a posté des vidéos prises sur le vif (pour ne pas dire sur le mort) ; elles étaient particulièrement choquantes ; cela n'apporterait rien à l'information et ne peut que soulever des peurs et des passions (ce qui ne serait pas le cas des photos d'Alep, par exemple ?).
    - L'accusation de complicité objective (ou subjective) avec les forces du mal (Trump et Poutine). L'été dernier, Wikileaks a publié des documents sur les biais de l'appareil du parti démocrate en faveur d'Hillary. Puis a récidivé en faisant d'autres révélations sur la correspondance de son chef de campagne Podesta et sur les mails de la candidate démocrate. On y apprend des choses ses rapports avec les grandes compagnies financières ou son opinion que les saoudiens et qataris fournissent un soutien financier et logistique aux djihadistes dont l'EI.

    Du coup, le service du renseignement national (DNI) et du département de la sécurité intérieure (DHS) lancent l'accusation : la Russie tenterait d'interférer avec le processus électoral américain (et, comprend-on à demi-mot, de faire élire leur candidat vendu au Kremlin avec la complicité du traître Assange). Et les médias et élites américaines d'embaucher les trompettes.

    Le tout par un remarquable raisonnement complotiste de guerre froide et qui se décompose ainsi :

    1- Un hacker de l'est, Guccifer 2.0, se vante d'avoir mené l'opération de pénétration mais des experts pensent qu'il pourrait être un leurre..
    2- Des sociétés de sécurité informatiques accusent des groupes de hackers russes (Fancy Bear et Cozy Bear) d'être derrière Guccifer. En tout cas, les attaques seraient perpétrées à partir de serveurs russes.
    De là à penser que c'est le renseignement russe qui a mené l'opération - sophistiquée, forcément sophistiquée mais laissant forcément des traces évidentes de leur origine- pour transmettre à Assange, il n'y a qu'un pas. Franchissons-le.
    3- Un ancien conseiller de Trump, Roger Stone est bien informé de ce qui se passe chez Wikileaks.
    Trump a dit (en plaisantant) qu'il attendait d'autres publications de mails de Clinton. Quel aveu !
    Assange qui a peut-être quelques raisons de ne pas aimer l'administration Obama, a annoncé de futures révélations sur Hillary.
    4- Il y a eu des intrusions dans des bases de données électorales. De là à imaginer que des puissances occultes cherchent à fausser le décompte en faveur de leur complice... (ce qui est techniquement douteux.

    Agitez tout cela dans un chapeau et cela donne : Trump, agent de Moscou et son complice Assange essaient de fausser l'élection américaine pour faire élire frauduleusement leur marionnette (qui est accessoirement un pervers sexuel comme l'on révélé des ...fuites). Donc la démocratie est en danger.

    En mélangeant ainsi le vrai, le possible et les hypothèses complotistes, on réussit à la fois à démontrer
    - que les adversaires (lanceurs d'alerte, Russes, trumpistes, gros imbéciles populistes qui croient les rumeurs en ligne) sont une seule et même force ennemie du vrai et du bien : il faut sauver le camp de la démocratie contre le camp des faussaires.
    - que la question de savoir ce qu'il peut y avoir de vrai dans ces révélations n'a aucune importance et ne doit pas être discutée;

    Nous sommes entrés dans la guerre de la crédibilité. Elle combine l'arme technique (les algorithmes qui permettent de s'approprier des informations confidentielles), l'arme cognitive de la révélation (elle fonctionne dans les deux sens : exposer des données dans un sens, diffuser une grille d'explication dans l'autre) mais aussi l'arme psychologique du soupçon : ces révélations serviraient objectivement les intérêts des ennemis des USA (Poutine), plus ceux d'Hillary Clinton (Trump), plus ceux de l'État (Assange), donc ils sont alliés et dangereux.
    Belle application du principe de causalité diabolique, ou variante de la métapropagande (qui consiste à décrédibiliser tout discours favorable à l'adversaire comme truqué, manipulateur et ne pouvant tromper que des naïfs ou des salauds). Au-delà, il nous semble de plus en plus que nous rentrons dans l'ère de la guerre du réel, où les forces idéologiques ne s'affrontent plus pour interpréter le réel, mais pour décider de ce qui sera décrété réel, pensable, ou discutable. La lutte pour le pouvoir est devenue la lutte pour l'exposition des faits et la direction de l'attention des foules.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 14 octobre 2016)

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  • Notes pour comprendre le siècle...

    Les éditions Ars Magna viennent de rééditer les Notes pour comprendre le siècle de Pierre Drieu la Rochelle. Dans ce texte, publié initialement en 1941, le romancier et l'écrivain politique laissent la place au penseur...

     

     

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    " « À l’intonation de la voix, à la minutie avec laquelle Drieu la Rochelle explique les différents horizons philosophiques ramassés dans Notes pour comprendre le Siècle, on devine le profond attachement qu’il a pour ce livre, un des plus magnifiquement explicites de notre temps. Une certaine froideur, contrastant avec la violence juvénile des Écrits de Jeunesse, augmente la force de pénétration de cet essai, cependant que la sagesse qui s’en dégage conserve quelque chose d’agressif et d’impatient. Sans doute est-ce par cela que se retrouve le Drieu de toujours, prosateur exquis et généreux poète de choc.

    Deux guerres et une défaite ne sont pas, certes, sans avoir marqué Drieu la Rochelle. Ce ne sont pas des expériences que l’on subit impunément. Où d’autres, cependant, trouvent parfois le goût du renoncement, de l’abandon, l’auteur des Notes a puisé l’espérance d’un renouveau libérateur. Prolongeant la pensée nietzschéenne, en même temps qu’il l’humanise en laissant à toutes les philosophies basées sur un juste équilibre vital une chance de participation au relèvement de l’individu et, par-là, à celui de sa patrie, Drieu la Rochelle, armé de sa clairvoyance et de son esprit critique, nous entraîne avec foi sur la route nouvelle. Avec une rare justesse de vue, il offre ses robustes épaules et sa pensée à l’homme de demain : c’en est assez pour que nous puissions avoir confiance. »

    Noël B. de la Mort, Révolution Nationale n° 20, 1er mars 1942 "

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  • La seule Cour suprême, c'est le peuple français !...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'effacement de la politique...

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    Alain de Benoist : « Le général de Gaulle était contre le gouvernement des juges et des experts »

    Autrefois, on nous disait que « tout est politique ». Désormais, la mode semble être du côté des « experts ». La politique a-t-elle encore de l’avenir ?

    Comme toujours, il faut distinguer la politique et le politique : la vie politicienne et la dimension politique de la vie publique. Portée par l’actualité, la politique va son bout de chemin : chasse au burkini et au Pokémon, ambitions montebourgeoises, louvoiements du Marmiton et du Maqueron, échéances électorales, etc. Le politique, lui, se réduit comme peau de chagrin, puisque tout est fait pour substituer à la décision populaire la gestion administrative, la souveraineté des marchés financiers, l’autorité des « experts » et le gouvernement des juges.

    Le politique s’efface d’abord sous l’effet de la morale, qui prend la forme d’une posture dont les groupes de pression « antiracistes » et les ligues de vertu néopuritaines qui se réclament de l’idéologie des droits de l’homme sont l’exemple achevé. Parallèlement, on assiste à la dissolution du politique dans l’économique, qui va de pair avec celle du national dans le transnational (ou le supranational) lorsqu’on prétend que le politique n’est pas libre de remettre en cause l’injonction libérale de libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux. Quant à l’expertocratie, elle assied son pouvoir sur l’idée que le peuple est « incompétent » et qu’il vaut mieux laisser à « ceux qui savent » le soin de conduire les affaires publiques.

    Pour les experts, les problèmes politiques ne sont-ils pas finalement de simples problèmes techniques ?

    Plus précisément des problèmes pour lesquels il ne peut exister rationnellement qu’une seule solution optimale, qu’il appartient précisément aux experts de déterminer. C’est le fondement de l’idée libérale selon laquelle « il n’y a pas d’alternative » (« there is no alternative », formule attribuée à Margaret Thatcher), qui est aussi l’un des fondements de la « pensée unique ». On veut faire croire que les antagonismes politiques sont appelés à dépérir sous l’effet apaisant d’une culture « technique » commune. Cette neutralisation équivaut, en fait, à une dépolitisation et, à terme, à la mort du politique. Les aspirations humaines étant différentes et potentiellement conflictuelles, on ne peut en effet trancher entre elles qu’au nom de critères normatifs qui ne se ramènent jamais à l’unité. La décision politique consiste à choisir entre des possibles, dont aucun ne s’impose « objectivement » à tous. Elle peut toujours varier en fonction des circonstances et des critères retenus.

    Les démocraties ont besoin d’être « incarnées ».

    Mais dans les démocraties libérales, le pouvoir appartient moins aux hommes qu’il n’appartient aux lois. Or, comme l’explique très bien Jacques Sapir, ces lois « s’imposent comme des normes générales, de manière “technique”, aux individus. Dans un tel régime, il n’y a plus de place pour la controverse et la lutte pour le pouvoir et pour l’action politique. Il n’y a plus de place que pour une polarité entre raisonnement que l’on prétend technique et posture morale. On a donc bien cette dépolitisation du politique qui est ressentie comme une agression insupportable par une majorité du peuple, car elle vise à lui retirer sa capacité de décider, c’est-à-dire sa souveraineté ».

    Vous parliez aussi de « gouvernement des juges » ?

    On y est. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont été dotés de nouveaux pouvoirs, qu’ils exercent en référence à la Déclaration des droits de l’homme de 1789, au préambule de la Constitution de 1946, à la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Créée en 1949, cette dernière est, on le sait, compétente pour traiter des recours visant n’importe quel État membre du Conseil de l’Europe. Elle peut être saisie par tout individu s’estimant victime d’une « atteinte aux droits de l’homme », indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité. Elle connaît aujourd’hui 70.000 requêtes par an ! Ses décisions n’étant susceptibles d’aucun recours, les États condamnés n’ont pas d’autre possibilité que de s’incliner. C’est ainsi que la France a dû s’incliner devant l’obligation qui lui a été faite de reconnaître les enfants nés d’une mère porteuse étrangère, d’autoriser les syndicats de soldats, d’admettre le regroupement familial, de verser une indemnité à des pirates somaliens pour le « dommage moral » subi au cours de leur arrestation, d’empêcher l’expulsion d’un certain nombre de djihadistes, etc.

    Jean-Yves Le Gallou n’a pas tort de dire que « nous vivons depuis quarante ans sous un régime qui est celui du coup d’État des juges » et qu’un certain nombre de décisions ou de réformes, touchant notamment les problèmes migratoires ou les questions de société, sont aujourd’hui impossibles et le resteront aussi longtemps que l’on n’aura pas modifié ou abandonné le bloc de constitutionnalité. « Tout, ou à peu près, de la vie quotidienne des Français relève désormais des pouvoirs des 47 juges de Strasbourg », écrit de son côté Pierre Lellouche, qui ajoute : « Ce qui est en marche n’est rien d’autre qu’un pouvoir juridictionnel supranational dénué de tout contrepoids politique. »

    Cette situation va à l’encontre d’une tradition européenne qui n’est pas celle des pays de Common Law : contrairement à Locke, Montesquieu refusait le gouvernement des juges. Dans la conception française de l’État, théorisée par Carré de Malberg, l’État, étant souverain, ne peut être soumis à une volonté supérieure à la sienne. C’est cette conception qui a été abolie par la décision de reconnaître aux traités européens une autorité supérieure à celle des souverainetés populaires et des législations nationales (art. 55 de la Constitution). Le général de Gaulle, lui, n’avait jamais accepté de reconnaître la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme : « En France, disait-il, la seule Cour suprême, c’est le peuple français. »

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 8 octobre 2016)

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