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  • Après nous le déluge...

    Les éditions Payot viennent de publier le nouvel essai de Peter Sloterdijk intitulé Après nous le déluge. Grande figure de la philosophie contemporaine, Peter Sloterdijk est notamment l'auteur de Règles pour le parc humain (1999), de la trilogie Sphères et de Des lignes et des jours (Maren Sell, 2014).

     

     

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    " Notre société est incapable d’assurer et d’assumer la transmission du savoir et de l’expérience depuis qu’elle a fait de la rupture le moteur de la modernité. Refuser tout héritage, faire table rase du passé, mépriser les modèles et les filiations, rompre systématiquement avec le père : ce geste « moderne », qui nous englue dans le présent, mène aux pires catastrophes, humaines, politiques, économiques. Contre le culte de l’ici-et-maintenant, et pour sortir du malaise dans notre civilisation occidentale, Peter Sloterdijk propose une relecture vertigineuse de notre histoire et nous exhorte à nous réinscrire dans la durée. Telle est la leçon de ce livre, sans nul doute un essai magistral sur l’art de maîtriser sa liberté. "

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  • Une diplomatie française à la dérive...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue décapant de Caroline Galactéros, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la politique étrangère dans l'affaire syrienne et vis-à-vis de la Russie... Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013).

     

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    Caroline Galactéros : « La décision de Vladimir Poutine humilie la diplomatie française »

    Découvrant, mais un peu tard, que la guerre tue, qu'elle est laide, injuste et sans pitié, et surtout que l'on pourrait un jour peut-être, au tribunal de l'Histoire, venir demander à Paris des comptes sur son inaction face au drame - à moins que ce ne soit sur ses actions et ses options politiques-, la France a pris les devants. Accusant avec l'ONU le régime syrien et la Russie de crimes de guerre à Alep, elle a déposé en hâte un projet de résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unies demandant l'arrêt des combats et des bombardements sur l'est de la ville (dont elle feint de croire qu'il n'est peuplé que de civils innocents qui resteraient là de leur propre gré et que la Russie et le régime pilonneraient par pure cruauté), l'acheminement de l'aide humanitaire et la reprise du processus de négociation.

    Que dire de cette initiative, apparemment inspirée par une indignation vertueuse face au drame bien réel vécu par la population d'Alep-Est, à un moment où la tension russo-américaine monte dangereusement et peut faire craindre un dérapage militaire sur le terrain que certains, à Washington et à l'OTAN, appellent ouvertement de leurs vœux? S'agit-il d'une nouvelle salve d'irénisme aveugle et de «pensée magique», funeste version 2016 de «Boucle d'or au Pays des trois ours» découvrant une intrusion dans sa maisonnette idyllique? Ou d'une gesticulation habile mais dangereuse qui n'a pour but, en prétendant débloquer la situation, que de jouer les utilités au profit de Washington en fossilisant un peu plus les positions des deux camps qui s'affrontent désormais ouvertement sur le corps exsangue de la nation syrienne? Difficile de démêler la part de négation du réel de celle de l'alignement sur ce que l'on présente comme «le camp du Bien» …et de nos intérêts nationaux, si mal évalués pourtant.

    Ce cinéma diplomatique vient évidemment de se solder par un véto russe, attendu par Paris, Londres et Washington qui veulent faire basculer l'indignation internationale contre Moscou à défaut de mettre en cohérence leurs objectifs politiques et militaires avec leur prétendue volonté de paix. Mais prendre la tête du chœur des vierges ne suffit pas et ne trompe plus personne. L'évidence crève l'écran. «L'Occident» ne mène pas la guerre contre l'islamisme sunnite ou alors de façon très résiduelle: il le nourrit, le conseille, l'entraine. DAECH, dont la barbarie spectaculaire des modes d'action sert d'épouvantail opportun et de catalyseur de la vindicte occidentale, permet de juger par contraste «respectable» l'avalanche de djihadistes sunnites d'obédience wahhabite ou Frères musulmans qui ne combattent d'ailleurs pas plus que nous l'Etat islamique mais s'acharnent sur le régime syrien. Et l'Amérique comme la France cherchent avec une folle complaisance, dans ce magma ultraviolent, des interlocuteurs susceptibles d'être intronisés comme «légitimes» et capables de remplacer un autocrate indocile qui a le mauvais goût de résister à la marche de l'Histoire version occidentale et à la vague démocratique censée inonder de ses bienfaits un Moyen-Orient politiquement arriéré.

    Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, cruels tyrans sans doute, n'ont pu y résister et croyaient encore pouvoir argumenter avec leurs adversaires occidentaux (longtemps leurs alliés) quand leur sort était en fait scellé depuis longtemps. Bachar el Assad a bien failli y passer lui aussi. Mais à notre grand dam, Moscou a vu dans cette nouvelle guerre occidentale de déstabilisation par procuration, une occasion inespérée de sécuriser ses bases militaires, de défier l'Amérique qui la méprisait trop ouvertement, de regagner une influence centrale dans la région et de traiter «à la source» le terrorisme qui menace son territoire et ses marges d'Asie centrale et du Caucase. Et l'a saisie.

    Dans ce Grand jeu explosif de reconfiguration de l'équilibre du monde et notamment du nouveau duel cardinal, celui de Washington avec Pékin, la France, je le crains, s'est trompée du tout au tout et démontre à la face du monde mais surtout à l'ennemi - qui observe notre incohérence diplomatique et politique-, qu'elle pratique admirablement le grand écart stratégique... aux dépens toutefois, de nos concitoyens. Comment justifier en effet notre combat au Mali contre les djihadistes sunnites, notre soutien en Irak aux chiites contre les sunnites, et en Syrie notre appui aux groupuscules sunnites les plus extrémistes contre Bachar el Assad...tout en prétendant profiter du marché iranien entre ouvert ….et vendre des armes aux Saoudiens et Qataris sunnites qui sont by the way les financiers du djihadisme mondial dont nous subissons la haine et la violence terroriste sur notre sol désormais à un rythme soutenu? C'est de l'opportunisme à très courte vue, mais plus encore un hiatus stratégique béant et la manifestation d'une totale incompréhension du réel.

    De telles contradictions ne peuvent s'expliquer que par notre entêtement à vouloir en finir avec le régime syrien actuel dont nul n'imaginait qu'il résisterait si longtemps aux feux croisés de l'Amérique et de ses alliés sunnites. L'exigence américaine - reprise à son compte par Paris - d'une cessation des bombardements aériens sur Alep-Est «pour raisons humanitaires» aurait permis en fait de laisser les islamistes de la ville (soit rien moins qu'Al Nosra et consorts) se refaire une santé militaire en se servant des civils comme de boucliers humains, de poursuivre leurs tirs d'obus sur la partie ouest de la ville et d'empêcher Damas et Moscou de faire basculer décisivement le rapport de force militaire en faveur de l'Etat syrien dans le cadre d'une négociation ultime. Qui a d'ailleurs fait échouer le cessez le feu signé le 9 septembre dernier à Genève? Les groupes terroristes qui n'en voulaient pas et les Etats-Unis qui ont bombardé les forces syriennes à Deir el Zor et ouvert la voie aux forces de l'Etat Islamique. Encore un accord de dupes.

    Temps court versus temps long, individu versus groupe, froideur politique versus empathie médiatique (sélective): on se refuse à voir, dans nos démocraties molles, que la véritable action stratégique, pour être efficace, ne peut prendre en compte que des nombres, des masses, des ensembles, des mouvements, des processus, quand toute l'attention médiatique et la gestion politicienne des crises, elles, veulent faire croire que l'individu est central et se concentrent sur la souffrance et le sort des personnes, alors que celles-ci sont depuis toujours et sans doute pour encore longtemps sacrifiées à la confrontation globale et brutale entre Etats. Les images terrifiantes de la guerre au quotidien masquent la réalité d'un affrontement sans scrupules de part et d'autre, dont en l'espèce les malheureux Syriens ne sont même plus les enjeux mais de simples otages.

    L'impensé du discours français n'en reste pas moins le suivant: si Assad, «bourreau de son propre peuple» selon l'expression consacrée, était finalement militairement et politiquement mis hors-jeu, par qui compte -on le remplacer? A qui sera livrée la Syrie, «utile» ou pas, une fois que DAECH en aura été progressivement «exfiltré» vers d'autres macabres «territoires de jeu», en Libye par exemple? Quelle alternative pour la survie des communautés, notamment chrétiennes, encore présentes dans le pays qui passe par la survie des structures laïques d'Etat? Quels individus veut-on mettre au pouvoir? Les pseudo «modérés» qui encombrent les couloirs des négociations en trompe l'œil de Genève? Le Front al Nosra, sous son nouveau petit nom - Fateh al Sham -, que les Américains persistent à soutenir en dépit des objurgations russes et qui a fait exploser le cessez-le feu? Ou peut-être certains groupuscules désormais armés de missiles américains TOW qui n'attendent qu'un «go» pour tenter de dézinguer un avion ou un hélico russe, «par erreur» naturellement? Ou encore les représentants des Forces démocratiques syriennes, ou ceux de «l'Armée de la Conquête» qui renait opportunément de ses cendres… Ou un mixte de tous ces rebelles - apprentis démocrates férus de liberté et qui libèreront enfin le peuple syrien du sanglant dictateur qui le broyait sous sa férule depuis trop longtemps?

    Croit-on sérieusement que l'on pourra contrôler une seule minute ces nouveaux «patrons» du pays qui se financent dans le Golfe -dont nous sommes devenus les obligés silencieux-, et dont l'agenda politique et religieux est aux antipodes de la plus petite de nos exigences «démocratiques»? Ne comprend-on pas qu'ils vont mettre le pays en coupe réglée, en finiront dans le sang avec toutes les minorités, placeront les populations sunnites sous leur contrôle terrifiant, et que tout processus électoral sera une mascarade et ne fera qu'entériner une domination communautaire et confessionnelle sans appel? … «Anne, ma sœur Anne ne vois-tu rien venir? je ne vois que l'herbe qui verdoie et la terre qui poudroie» … Quelle naïveté, quelle ignorance, quelle indifférence en fait!

    L'interview accordée le 5 octobre dernier par notre ministre des Affaires étrangères à la veille de son départ pour Moscou à Yves Calvi sur LCI est à cet égard, un morceau de bravoure édifiant, qui escamote la réalité et brosse un paysage surréaliste du conflit et de ce qu'il faudrait y comprendre et en attendre.

    Florilège et exégèse….

    «La guerre ne sert à rien. Elle ne fait que renforcer les djihadistes»

    Est-ce à dire qu'il faut les laisser faire, leur donner les clefs du pays et prier peut-être, pour qu'ils ne massacrent pas les minorités qui y demeurent encore et instaurent la démocratie? Faut-il ne plus agir en espérant qu'ils vont s'arrêter? De qui se moque-t-on? Adieu Boucle d'Or. Nous sommes au Pays des rêves bleus de Oui-Oui…

    Les Russes, qui se disent satisfaits de l'efficacité de leurs frappes contre les terroristes d'Alep-Est «sont cyniques» … Qui est cynique ici? Celui qui déforme la réalité d'un affrontement pour ne pas avouer qu'il est (avec d'autres) à la manœuvre d'une déstabilisation d'Etat par des groupuscules terroristes liés à Al-Qaïda (matrice de Daech) sous couvert d'aspiration à la démocratie? Ou ceux qui cherchent à réduire l'emprise djihadiste et à renforcer des structures d'Etat laïques avec ou sans Bachar?

    «La politique de la France est claire… Nous avons une stratégie, une vision.»

    Ah?! Laquelle? Nous avons depuis 5 ans une politique étrangère à contre-emploi et à contre temps, réduite à deux volets: action humanitaire et diplomatie économique. En gros vendre des armes à tout prix aux pays sunnites, les aider à faire la guerre et à s'emparer du pouvoir à Damas… et porter des couvertures aux victimes de cet activisme économico-militaire: les Syriens.

    En dépit de l'excellence de nos forces armées, de la présence du Charles de Gaulle sur zone et de nos missions aériennes soutenues, Paris n'est diplomatiquement et stratégiquement plus nulle part en Syrie, et depuis longtemps. Par dogmatisme, par moralisme, par notre parti pris immodéré pour les puissances sunnites de la région, nous nous sommes engouffrés dans un alignement crédule sur la politique américaine qui s'est en plus retourné contre nous dès l'été 2013, lorsque Barack Obama a dû renoncer à frapper directement Damas au prétexte d'un usage d'armes chimiques qui n'a d'ailleurs jamais été confirmé. Un camouflet d'autant plus lourd à porter que notre ancien ministre des affaires étrangères avait jugé bon, dès août 2012, de dire que «Bachar el Assad ne méritait pas d'être sur terre» et, en décembre 2012, «qu'Al Nosra faisait du bon boulot». L'Etat Français a d'ailleurs été poursuivi - en vain à ce jour -pour ces déclarations ministérielles qui ont de facto encouragé le prosélytisme islamiste et le terrorisme en présentant le départ pour la Syrie à des apprentis djihadistes français comme une œuvre politique salutaire, avec les résultats que l'on connait sur le territoire national. N'en déplaise à Monsieur Ayrault, la France n'est ni écoutée, ni considérée, ni attendue sur le dossier syrien. Elle en est réduite à servir de go between entre Washington et Moscou lorsque ceux-ci ne peuvent plus se parler et qu'il faut faire semblant, une fois encore, de rechercher un compromis et d'amener Moscou à lever le pied d'une implication trop efficace à notre goût.

    «Si le choix est entre Bachar et Daech, il n'y a pas de choix.»

    Mais c'est pourtant le cas, ne nous en déplaise. Nous combattons l'Etat islamique pour la galerie, sans grande conviction ni détermination politique, de très haut, par des frappes qui sans présence terrestre demeurent symboliques. Pour Moscou, au contraire, il n'existe pas «d'islamistes modérés» ; combattre le terrorisme revient à combattre l'EI mais aussi ses avatars locaux innombrables à tout prix, y compris au prix de pertes civiles importantes. Et c'est aujourd'hui la Russie qui, dans les airs mais aussi au sol, avec l'Iran et le régime syrien, «fait la guerre», se bat contre le terrorisme islamiste qui menace tout l'Occident, gangrène nos vieilles sociétés repues et pacifiques et nous prend pour cible. Ils «font le job». Un horrible job. Dans l'immédiat, il faut choisir entre le soutien à l'Etat syrien - que le régime d'Assad incarne-, et DAECH et Cie.

    Le sommet est atteint à la fin de l'intervention ministérielle, lorsque l'on apprend que «la Syrie future devra être unitaire, avoir des structures étatiques stables, être protectrice de toutes ses minorités, mettre en place des institutions solides, contrôler son armée et ses Services…» (sic)! Les bras nous en tombent. Voici décrite…la Syrie d'avant la guerre! Ce terrifiant carnage n'aurait-il donc été qu'un coup d'épée dans l'eau?

    Mais le pire était à venir. Ce matin, nous avons franchi un nouveau seuil dans le ridicule et le suicide politique. Au moment où il est d'une extrême urgence de se parler enfin à cœur ouvert, de dire la vérité, d'abandonner les poses et les anathèmes, de ne plus se tromper d'ennemi, de faire front commun - comme l'ont proposé les Russes depuis des lustres -, contre l'islamisme qui a décidé notre perte et s'esclaffe de notre ahurissante naïveté et de notre faiblesse, le président de la République française s'interroge publiquement, de bon matin, dans une émission de divertissement, devant l'animateur Yann Barthes sur TMC, sur l'opportunité de recevoir Vladimir Poutine à Paris le 19 octobre prochain! «P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non …» La réponse de Moscou à cette insulte ne s'est pas fait attendre: le Président russe ne viendra pas. Nous sommes au fond du fond du fond de l'impuissance politique et l'on se laisse couler, saisis par l'ivresse des profondeurs en croyant surnager.

    Hauteur de vue et profondeur de champ, véritable souci pour la souffrance humaine: la realpolitik est la solution, pas le mal. La confusion permanente entre l'Etat syrien et le régime syrien nourrit la guerre. C'est l'Etat qu'il faut aider à survivre à l'offensive islamiste au lieu d'encourager les mouvements terroristes à le déstructurer. Le sort de Bachar el Assad est à la fois central et accessoire. Si l'Etat syrien devait tomber sous la coupe de DAECH ou sous celle d'Al Nosra et de ses avatars, alors ce seront les massacres communautaires et le chaos. Qui aura alors des comptes à rendre pour les avoir laissé advenir?

    Caroline Galactéros (Figaro Vox, 11 octobre 2016)

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  • Sur les chemins noirs...

    Sylvain Tesson, qu'on avait laissé, dans Bérézina (Guérin, 2015),  avec son side-car sur les traces de Napoléon en Russie, revient, après un grave accident, avec Sur les chemins noirs, publié cette semaine aux éditions Gallimard. Géographe, aventurier et journaliste, Sylvain Tesson, bien connu pour ses récits comme L'axe du loup (Robert Lafont, 2004) ou Dans les forêts de Sibérie (Gallimard, 2011), est aussi l'auteur de recueils de nouvelles, parfois grinçantes, comme Une vie à coucher dehors(Gallimard, 2010) ou Vérification de la porte opposée (Phébus, 2010). Il a également publié un fort sympathique Petit traité sur l'immensité du monde (Equateurs, 2005).

     

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    " 2014. «L'année avait été rude. Je m'étais cassé la gueule d'un toit où je faisais le pitre. J'étais tombé du rebord de la nuit, m'étais écrasé sur la Terre. Il avait suffit de huit mètres pour me briser les côtes, les vertèbres, le crâne. J'étais tombé sur un tas d'os. Je regretterais longtemps cette chute parce que je disposais jusqu'alors d'une machine physique qui m'autorisait à vivre en surchauffe. Pour moi, une noble existence ressemblait aux écrans de contrôle des camions sibériens : tous les voyants d'alerte sont au rouge mais la machine taille sa route. La grande santé ? Elle menait au désastre, j'avais pris cinquante ans en dix mètres. A l'hôpital, tout m'avait souri. Le système de santé français a ceci de merveilleux qu'il ne vous place jamais devant vos responsabilités. On ne m'avait rien reproché, on m'avait sauvé. La médecine de fine pointe, la sollicitude des infirmières, l'amour de mes proches, la lecture de Villon-le-punk, tout cela m'avait soigné. Un arbre par la fenêtre m'avait insufflé sa joie vibrante et quatre mois plus tard j'étais dehors, bancal, le corps en peine, avec le sang d'un autre dans les veines, le crâne enfoncé, le ventre paralysé, les poumons cicatrisés, la colonne cloutée de vis et le visage difforme. La vie allait moins swinguer. Il fallait à présent me montrer fidèle au serment de mes nuits de pitié. Corseté dans un lit étroit, je m'étais dit à voix presque haute : "si je m'en sors, je traverse la France à pied". Je m'étais vu sur les chemins de pierre ! Je voulais m'en aller par les chemins cachés, flanqués de haies, par les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés. Il existait encore une géographie de traverse pour peu que l'on lise les cartes, que l'on accepte le détour et force les passages. Loin des routes, il existait une France ombreuse protégée du vacarme, épargnée par l'aménagement qui est la pollution du mystère. Une campagne du silence, du sorbier et de la chouette effraie. Des motifs pour courir la campagne, j'aurais pu en aligner des dizaines. Me seriner par exemple que j'avais passé vingt ans à courir le monde entre Oulan- Bator et Valparaiso et qu'il était absurde de connaître Samarcande alors qu'il y avait l'Indre- et-Loire. Mais la vraie raison de cette fuite à travers champs, je la tenais serrée sous la forme d'un papier froissé, au fond de mon sac...» Avec cette traversée à pied de la France réalisée entre août et novembre 2015, Sylvain Tesson part à la rencontre d'un pays sauvage, bizarre et méconnu. C'est aussi l'occasion d'une reconquête intérieure après le terrible accident qui a failli lui coûter la vie en août 2014. Le voici donc en route, par les petits chemins que plus personne n'emprunte, en route vers ces vastes territoires non connectés, qui ont miraculeusement échappé aux assauts de l'urbanisme et de la technologie, mais qui apparaissent sous sa plume habités par une vie ardente, turbulente et fascinante. "

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  • Europa : un panorama historique et géopolitique de l'Europe et de ses peuples...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la présentation par Robert Steuckers d'Europa, son ouvrage en trois volume, à paraître en décembre aux éditions Bios, consacré à l'histoire de l'Europe et de ses peuples.

    Europa : Valeurs et racines profondes de l'Europe (tome 1)

    Europa : De l'Eurasie aux périphéries, une géopolitique continentale (tome 2)

    Europa : L'Europe, un balcon sur le monde (tome 3)

     

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  • "Oui, l'homme fut un essai"...

    Les Presses universitaires de France viennent de publier un essai de Patrick Wotling intitulé  "Oui, l'homme fut un essai" - La philosophie de l'avenir selon Nietzsche. Ancien élève de l'Ecole Normale supérieure et professeur à l'université de Reims, Patrick Wotling est fondateur et directeur du Groupe international de recherches sur Nietzsche.

     

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    " L'ambition de cet ouvrage est d'éclairer la figure du philosophe telle que Nietzsche la redéfinit à travers dix études, chacune articulée autour d'une notion clé de la réflexion nietzschéenne.
    Ce que Nietzsche appelle la « philosophie de l'avenir » ne désigne pas un genre ni une variante de la philosophie, mais explicite la notion même de philosophie, une fois celle-ci mise en accord avec son exigence de radicalité en matière de questionnement ambition que, selon Nietzsche, les philosophes ne sont jamais parvenus à réaliser véritablement. Habitée par cette exigence, la philosophie se doit de prendre pour objet de réflexion ce qu'il y a de plus radical, ce qui conditionne toute pensée et plus largement toute activité humaine c'est-à-dire le mode de conditionnement lui-même, ce que Nietzsche désigne par le terme de « valeurs ». À titre de conséquence, on découvre alors que c'est le façonnement de l'homme et l'élaboration d'une nouvelle forme de vie qui est au coeur de son entreprise. "

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  • Où chercher les racines de notre civilisation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du docteur Bernard Plouvier, cueilli sur le site d'Eurolibertés et consacré aux racines de la civilisation européenne.

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    Où chercher les racines de notre civilisation ?

     

    À l’occasion des curiosités islamiques qui ont, depuis l’année 2014, souillé notre pays, ensanglanté notre Nation et déshonoré l’État, la fraction la moins sotte des Français de souche européenne (estimons-la aux alentours de 25 – 30 %) a débuté une réflexion sur la guerre des races et des religions qui empuantit notre vie publique.

    On comprend qu’un lecteur du Monde ou de Libération, un spectateur assidu des actualités télévisées des chaînes publiques ou mondialistes – il n’existe nulle différence entre elles –, soit décérébré, admirablement formaté au point de nier la réalité du fait : la guérilla civile qui est en train de basculer vers la guerre ouverte. Nier l’évidence des faits, c’est la définition même du délire et celui-ci est organisé par les vrais maîtres : les patrons de la production des biens de consommation et de leur distribution.

    Comme ce fut toujours le cas de l’histoire humaine, seule compte l’élite de la pensée et surtout de l’action. Toutefois, il ne faut pas se tromper dans sa réflexion de fond et confondre civilisation et choix individuel qui, pour être authentique, doit être librement adopté (et sûrement pas « consenti »).

    L’adhésion à une religion, ou son refus, est affaire purement personnelle et ne devrait jamais être imposée à autrui. Même le port ostentatoire de symboles religieux – et beaucoup de fidèles se croient investis de la mission divine de propager leur croyance – est une atteinte à la liberté des autres, une nuisance identique à celle des vêtures bizarres, du rap ou des musiques gitanes que les immigrés imposent aux Français de souche européenne.

    En aucun cas, une religion ne peut être considérée comme la ou l’une des « racines » d’un peuple. Si elle est considérée comme telle, de fait ou de droit, c’est qu’elle a été imposée comme mythe fondateur. C’est le cas pour la religion juive, particulariste à l’extrême, pratiquant l’exclusion des autres.

    Ni le christianisme, ni le crétinisme marxiste, ni la religion des droits de l’homme ne font partie des racines de l’Europe et l’islam n’a pas vocation pour le devenir. Une foi n’est un fondement spirituel et moral que pour celles et ceux qui l’ont librement choisie, idéalement après mûre réflexion et pas seulement par héritage familial.

    Il en va tout autrement des sources d’une civilisation. Celles-ci sont un mélange d’usages domestiques et communautaires, de culture juridique, intellectuelle et artistique, enfin d’heurs et de malheurs vécus en commun au fil des siècles. La religion n’en fait partie qu’à titre individuel pour les conduites morales, à titre collectif par ses créations architecturales et ses éventuelles œuvres d’art non grotesques.

    En Athènes, au Ve siècle avant J.-C., on tolérait qu’un Démocrite fût athée. Il demeure l’immortel auteur d’une phrase parfaitement adaptée à notre monde aléatoire et à la programmation génétique des comportements animaux (remaniée, chez l’homme, par l’intervention du libre arbitre et de la transcendance) : « Tout ce qui existe est le fruit du hasard et de la nécessité ». Un siècle et demi plus tard, le plus grand philosophe de l’Antiquité, Épicure – le vrai, pas celui des légendes colportées par ses ennemis stoïciens –, pouvait soutenir que les essences supérieures, si elles existent, ne se soucient nullement de l’humanité.

    Les racines de l’Europe ne sont en aucun cas « judéo-chrétiennes », ni même chrétiennes, comme des convaincus veulent nous le faire accroire, en pitoyable réaction au fanatisme des sectaires de l’islam conquérant. Nos racines, ce sont la culture gréco-romaine, bien connue des humanistes, et la culture celto-germanique, dont on commence seulement à comprendre la grandeur. Ce sont aussi la féerie de la grande Renaissance, celle du Quattrocento italien et de sa poursuite en Europe occidentale au XVIe siècle, ainsi que les progrès scientifiques et techniques ininterrompus depuis l’aube du XVIIIe siècle.

    En revanche, la religiosité hypocrite des Droits de l’homme est une invention britannique et nord-américaine, et, comme tout ce qui vient de ces cyniques contrées, c’est une croyance entachée d’argent et de manipulation de l’opinion publique à des fins commerciales. On peut donc la négliger.

    Enfin et surtout, la principale racine d’un continent, c’est sa race. On comprend que les Chinois, les Mongols ou les Japonais puissent se glorifier de leurs ancêtres et de leurs civilisations respectives. On ne trouve que les Européens, depuis l’année 1945 – l’An Zéro de la réflexion politique, historique et sociologique sur notre continent –, pour cracher sur leur histoire et en renier des pans entiers… comme l’apport de la civilisation technique et scientifique moderne aux peuples d’Afrique et d’Océanie ou assoupis après un départ grandiose (Asie et Amérique du centre et du sud).

    Cette repentance, absurde et grotesque, n’est rien d’autre qu’un délire de négation, à soigner par un regain d’orgueil et une cure d’action. Il est évident qu’il ne manque pas de points d’application à cette dernière mesure : nettoyer notre continent, devenu porcherie ; lutter contre toute forme de fanatisme religieux.

    Certes, il est nécessaire de créer une communauté eurasiatique, amplement justifiée par une égalité de comportement des Européens et des Extrême-Orientaux face au travail, mais cette institution devra être précédée par l’établissement de l’Empire européen, de l’Atlantique à Vladivostok, exclusivement peuplé d’Européens.

    Chacun chez soi : l’expérience des sinistres années qui ont suivi l’An 1976 en France démontre à l’évidence l’intelligence profonde de ce dogme. Les amateurs de métissage et de melting-pot ont l’immense continent des Trois Amérique pour assouvir leur passion.

    La religion de l’agapè – soit l’amour supposé d’un dieu pour ses créatures et, en retour, la pratique de l’amour entre « enfants de dieu », toutes races confondues – est une utopie, que des naïfs peuvent considérer comme « admirable ». On peut, à l’inverse, estimer la charité – soit le don absolu, sans espoir de réciprocité – comme une pratique absurde, si l’on considère l’espèce humaine comme elle est, si on la juge par ce qu’elle a produit depuis des millénaires.

    Au XXIe siècle du comput actuel, que les chrétiens absolvent s’ils le jugent bon, à la suite d’un pape curieux et d’une chancelière allemande luthérienne, les violeurs, les assassins et les terroristes, cela ne regarde que leur conscience. En aucun cas, ce choix dogmatique ne doit influer sur la conduite des affaires politiques et militaires. « Pardonner aux terroristes, c’est le rôle de dieu. Les envoyer auprès de lui, c’est le mien » a fort bien dit Vladimir Poutine, en novembre 2015.

    Une saine réflexion sur les racines d’une civilisation ne doit surtout pas se tromper de définition, pour ne pas errer dans les mesures à prendre.

    Bernard Plouvier (Eurolibertés, 5 octobre 2016)

     

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