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Métapo infos - Page 377

  • Les raisons de la crise franco-algérienne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Lugan cueilli sur son blog et consacré à la crise diplomatique entre l'Algérie et la France.

    Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, dont Histoire de l'Afrique (Ellipses, 2009), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018), Esclavage, l'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2020) et dernièrement Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance (L'Afrique réelle, 2021).

     

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    Les raisons de la crise franco-algérienne

    L’Algérie vient de rappeler en consultation son ambassadeur à Paris, puis elle a décidé de fermer son espace aérien aux avions français  ravitaillant Barkhane. La raison ? Simple calcul électoral ou véritable et louable prise conscience, le président Macron qui, jusque-là, parlait de la colonisation comme d’un « crime contre l’humanité », vient étonnamment de faire preuve de « virilité » en dénonçant le cœur du « Système » qui pompe la substance de l’Algérie depuis 1962. Deux points de la déclaration présidentielle ont littéralement ulcéré les dirigeants algériens :
     
    1) Les prédateurs qui dirigent l’Algérie survivent à travers une rente mémorielle entretenue par une fausse histoire.
     
    2) L’existence de l’Algérie comme nation est discutable puisqu’elle est directement passée de la colonisation turque à la colonisation française. Or les dirigeants d’Alger ne dénoncent jamais la première.
     
    Le président Macron aurait-il donc lu mon livre Algérie, l’histoire à l’endroit, un livre expédié à l’Elysée au moment de la publication du lamentable « rapport Stora », et dans lequel la fausse histoire algérienne est démontée en dix chapitres ? L’on pourrait en effet le penser puisque, l’Algérie vit effectivement au rythme d’une fausse histoire entretenue par une association sangsue, l’ « Organisation nationale des moudjahidines » (ONM), les « anciens combattants ». Or, comme l’a déclaré l’ancien ministre Abdeslam Ali Rachidi, « tout le monde sait que 90% des anciens combattants, les moudjahidine, sont des faux » (El Watan, 12 décembre 2015). J’ai ainsi démontré, toujours dans mon livre, que les moudjahidine furent en réalité cinq fois moins nombreux que les Algériens combattant dans les rangs de l’armée française.
     
    En 2008, Nouredine Aït Hamouda, député du RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie), a lui-même pulvérisé cette fausse histoire et son mythe du 1,5 million morts causés par la guerre d’indépendance. Un chiffre que tous les Algériens sérieux considèrent comme totalement fantaisiste, mais qui permet au « Système » de justifier le nombre surréaliste des veuves et des orphelins, soit 2 millions de porteurs de la carte de moudjahidine et d’ayants-droit, dont les ¾ sont des faux…
    Ces faux moudjahidine qui vivent de la rente mémorielle née de la fausse histoire, bénéficient du 3° budget de l’Etat, juste derrière ceux de l’Education et de la Défense. Car, « originalité » algérienne, et contrairement à la loi naturelle voulant que plus on avance dans le temps, moins il y a de gens qui ont connu Abd el-Kader…, en Algérie, tout au contraire, plus les années passent, et plus le nombre des « anciens combattants » augmente…Ainsi, fin 1962-début 1963, l’Algérie comptait 6000 moudjahidine identifiés, 70.000 en 1972 et 200.000 en 2017…
     
    Comment regarder l’histoire en face quand, en Algérie, six décennies après l’indépendance, l’on obtient encore la carte d’ancien moudjahidine sur la simple déclaration de « faits d’armes » imaginaires ? La raison est que ses détenteurs ainsi que leurs ayants-droit touchent une rente de l’Etat, bénéficient de prérogatives, jouissent de prébendes et disposent de passe-droits. Cette carte permet également d’obtenir une licence de taxi ou de débit de boisson, des facilités d’importation, notamment de voitures hors taxes, des réductions du prix des billets d’avion, des facilités de crédit, des emplois réservés, des possibilités de départ à la retraite, des avancements plus rapides, des priorités au logement etc.
    Dans ces conditions, toute remise en question de la fausse histoire entrainerait la ruine des prébendiers et la mort du « Système ». Voilà donc pourquoi les dirigeants algériens se sont directement sentis visés par les propos du président Macron.
     
    La situation économique, sociale, politique et morale de l’Algérie est à ce point catastrophique que des milliers de jeunes sans espoir tentent l’aventure mortelle de la haraga, la traversée de la Méditerranée. Quant au « Système », totalitaire et impuissant tout à la fois, acculé par la rue dans une impasse, il est aux abois.  Réduit aux expédients et aux basses manœuvres, afin de tenter de faire diversion, voilà pourquoi, totalement isolé diplomatiquement et coupé de sa propre population, il a ordonné une double offensive, à la fois contre le Maroc, d’où la rupture des relations diplomatiques avec Rabat (voir le numéro d’octobre de l’Afrique Réelle), et  contre la France. Une fuite en avant suicidaire.

    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 3 octobre 2021)

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  • Les méditations philosophiques et politiques de Julien Freund...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un ouvrage inédit de Julien Freund intitulé Les lettres de la vallée - Méditations philosophiques et politiques. Philosophe et sociologue, Julien Freund (1921-1993), qui a été le principal introducteur de la pensée de Carl Schmitt en France, est l'auteur de plusieurs ouvrages fondamentaux comme L'essence du politique (1965), Sociologie du conflit (1983) ou La décadence (1984). On trouve une magnifique introduction à sa pensée dans le recueil de textes intitulé Le Politique ou l'art de désigner l'ennemi (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

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    " À son décès, Julien Freund laissait parmi ses papiers un recueil de textes inédits, sous forme épistolaire, adressés à ses amis et collègues : les Lettres de la vallée. Dans ces méditations, rédigées en sa retraite vosgienne – qui n’est pas sans évoquer la Hütte de Heidegger, de l’autre côté du Rhin – et loin des servitudes propres aux écrits universitaires, l’auteur de L’Essence du politique s’exprime en toute liberté, à bâtons rompus, sur ses sujets de prédilection (le politique, l’idéologie, la guerre, les totalitarismes, l’utopie, la décadence), mais également l’enseignement, le journalisme, la connaissance, le droit, la morale, la métaphysique, les limites… Ce livre forme la clef de voûte où se rejoignent les grands thèmes de sa pensée. "

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  • Sous le soleil du Management...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Baptiste Rappin au Cercle Jean Mermoz pour évoquer ses travaux.

    Philosophe, maître de conférence à l’Université de Lorraine, Baptiste Rappin a concentré sa réflexion sur les implications de la révolution managériale dans nos sociétés contemporaine et est l'auteur de plusieurs essais sur le sujet, dont De l'exception permanente (Ovadia, 2018). Il vient de publier un Abécédaire de la déconstruction (Ovadia, 2021).

     

                                            

    Au sommaire :

    Chapitres

    00:00:00 - 00:06:52 ( Armature philosophique de Baptiste Rappin )

    00:06:52 - 00:16:46 ( La condition de l’homme moderne )

    00:16:46 - 00:36:47 ( Retour sur les termes : Management, performance, cybernétique )

    00:36:47 - 00:55:33 ( Ré-enrôlement dans l’Ordre managérial : la figure du Coach )

    00:55:33 - 01:05:16 ( Un Autre management possible ? )

    01:05:16 - 01:11:34 ( L’impossible Civilisation Industrielle )

    01:11:34 - 01:19:56 ( “L’essence proprement apocalyptique du management )

    01:19:56 - 1:24:37 ( Quel recours aux forêts ? )

    1:24:37 - Fin ( Si la France était un Livre ? )

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  • Tuons le clair de lune !!...

    Les éditions Auda Isarn viennent de publier Tuons le clair de lune !! , un recueil de textes de Filippo Tommaso Marinetti. Écrivain, Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944) a été le fondateur et le chef de file du futurisme.

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    " « Nous voulons glorifier la guerre – seule hygiène du monde –, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme.

    Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires.

    Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte ; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes ; la vibration nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes électriques ; les gares gloutonnes avaleuses de serpents qui fument ; les usines suspendues aux nuages par les ficelles de leurs fumées ; les ponts aux bonds de gymnastes lancés sur la coutellerie diabolique des fleuves ensoleillés ; les paquebots aventureux flairant l’horizon ; les locomotives au grand poitrail, qui piaffent sur les rails, tels d’énormes chevaux d’acier bridés de longs tuyaux, et le vol glissant des aéroplanes, dont l’hélice a des claquements de drapeau et des applaudissements de foule enthousiaste. »

    Voilà ce qu’écrit, le 20 février 1909, Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944) dans les colonnes du Figaro. Ce pavé dans la gueule de l’art académique, intitulé Le Manifeste du futurisme, va se décliner sur tous les plans : littérature, peinture, architecture, cinéma, photographie…

    Outre ce texte fondateur, nous réunissons ici Tuons le clair de lune !! , Contre Venise passéiste, Le Mépris de la femme, Ce qui nous sépare de Nietzsche et Destruction de la syntaxe. "

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  • (In)dépendance(s)...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré à la question de l'indépendance nationale. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

     

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    (In)dépendance(s)

    Au moment où certains, grâce à Joe Biden, découvrent l’évidence, à savoir que les États font prévaloir leurs intérêts sur les liens qu’ils ont noués avec leurs alliés, il peut être utile de réfléchir au concept d’indépendance nationale.

          La notion a bien sûr une connotation militaire : est indépendant le pays qui peut se défendre seul contre des attaques ennemies. A cet égard la France peut se prévaloir d’une armée aguerrie, de matériels modernes et d’un « parapluie » nucléaire : peu d’États peuvent en dire autant. Mais pour certaines opérations, la surveillance par drone par exemple, elle dépend de ses alliés américains ; par ailleurs, selon certaines études récentes elle ne serait pas en mesure de soutenir longtemps un conflit de haute intensité sans faire appel à eux [1] ; enfin, l’appartenance à l’OTAN, où les États-Unis ont clairement plus de poids que les autres membres, réduit singulièrement son autonomie. Notre indépendance militaire ne va donc pas sans une certaine dépendance.

          Mais le pays pourra-t-il continuer à maîtriser les technologies de pointe, à mener à bien les programmes de R&D et à se doter des matériels de dernière génération ? Cette question dépasse bien sûr le seul domaine militaire et concerne l’ensemble de l’économie, sous ses diverses composantes. La prospérité économique repose en effet sur  des grands programmes industriels nécessitant des investissements rarement à la portée d’un seul État et dont le temps de retour excède les attentes d’un marché de plus en plus court-termiste : la solution réside dans des conglomérats industriels multinationaux dont on ne sait plus bien s’ils sont dominés par une logique industrielle ou nationale-bureaucratique mais où l’on constate que chacun est sous la dépendance des autres ; l’impossibilité d’exporter des matériels français comportant des composants venant d’entreprises de pays faisant des choix différents en matière de contrôle des exportations (États-Unis, Allemagne) l’a clairement montré. Mais la prospérité économique suppose aussi des innovations qui sont souvent le fait de start up constituées autour d’entrepreneurs dynamiques, sachant maîtriser le fonctionnement dit « agile » et capables de séduire des investisseurs aimant le risque : il n’est pas certains que les efforts récents consentis pour transformer la France en une start-up nation suffisent à empêcher les jeunes pousses de se tourner vers des fonds américains, chinois ou moyen-orientaux qui les placent sous leur dépendance.

          Les choix industriels ont à l’évidence une importance capitale. A cet égard la décision de diminuer la part du nucléaire dans le mix énergétique au profit de celle du solaire et de l’éolien consiste à préférer des technologies aux mains d’industriels généralement asiatiques et dépendant de terres rares inconnues dans nos contrées à une filière dont nous maîtrisons toutes les étapes : cela ne va pas dans le sens d’une indépendance énergétique accrue. L’étrange abandon, en catimini de surcroît, du programme Astrid de réacteur à neutrons rapides, qui aurait permis de quasiment se débarrasser de la problématique des déchets nucléaires, concourt à la même évolution mettant l’approvisionnement énergétique du pays sous la dépendance de tiers.

          Mais le débat ne concerne pas que les pouvoirs publics : il est à cet égard frappant de constater que les grands capitalistes français investissent dans le luxe et l’art contemporain « globalisé » alors que leurs homologues américains investissent dans les technologies d’avenir, énergétiques, numériques ou spatiales. Or, s’il ne suffit pas d’acquérir un sac pour perdre son indépendance, être l’usager des GAFA, forcé de surcroît, faute de vraie concurrence, oblige à communiquer une foultitude de données qui placent les consommateurs européens sous la dépendance d’entreprises d’un pays étranger et peut-être, à travers elles, de leurs services de renseignement, le RGPD n’y changeant pas grand-chose.

          Un autre risque de dépendance technologique résulte des opérations de M&A réalisées à l’échelle mondiale qui découpent et redécoupent à l’envi les périmètres des entreprises pour générer de nouvelles synergies et des gains de structure ou d’échelle : il peut en résulter un transfert d’une entité stratégique. Les turbines Arabelle, qui équipent les centrales nucléaires terrestres ou embarquées et qui sont passées entre des mains américaines en 2014 lorsque GE a acheté la division énergie d’Alstom, sont emblématiques d’une telle perte d’indépendance, alors étrangement acceptée par les pouvoirs publics.

          C’est en fait la mondialisation qui est, de manière plus générale, en cause, même s’il ne s’agit pas ici de nier ses bienfaits, pour le pouvoir d’achat des consommateurs des pays clients comme pour l’emploi et le développement économique des pays producteurs. Les tergiversations et palinodies auxquelles la crise sanitaire a donné lieu pour de simples masques et tests, puis l’actuelle pénurie de semi-conducteurs, montrent les conséquences d’une division internationale du travail non construite ni maîtrisée et révèlent que l’interdépendance théorique entre pays n’est qu’un synonyme de la désindustrialisation et peut cacher une dépendance à sens unique. Aucune réflexion sérieuse n’a été menée pour déterminer les technologies et les produits qu’un pays doit conserver pour demeurer indépendant : le fait que la tâche soit malaisée ne la rend pas moins nécessaire.

          La diplomatie bilatérale ou multilatérale, bien sûr, n’a pas les mêmes conséquences puisqu’elle repose sur des bases volontaires. Mais la « démocratie planétaire », consistant à traiter de manière équivalente tous les États, indépendamment de leur population, leur richesse, leur poids géopolitique, place chaque pays sous la dépendance d’une « pensée mondiale » dont on ne sait pas trop qui la forme ou la manipule. A cet égard le poids pris par certaines ONG peu soucieuses d’avoir pour elles-mêmes la transparence qu’elles exigent des autres et dont on sait les liens avec certains intérêts publics ou privés, peut faire douter que les débats soient tous fondés sur une indépendance réelle de tous les intervenants.

          Dans ce jeu international, l’Europe tient une place particulière. Elle est une condition d’indépendance pour que ses pays membres puissent avoir un peu de poids face aux États-Unis et à la Chine. Mais elle est aussi un facteur de dépendance dont l’actualité récente fournit maints exemples. La difficulté à obtenir la prise en compte du nucléaire dans la « taxonomie » des activités « vertes » dans le même temps où le gaz, qui émet 40 fois plus de CO2, y serait inclus ressemble furieusement à une volonté de remettre en cause le modèle énergétique français et à faire de l’allemand, malgré les échecs de l’energiewende, désormais reconnus par tous, le parangon. Le Green Deal bruxellois revient à priver les États de la possibilité de définir eux-mêmes la politique énergétique qu’ils comptent mener pour atteindre les objectifs climatiques qu’ils se sont fixés conjointement. Dans un autre domaine, l’arrêt rendu le 15 juillet dernier par la Cour de Justice de l’Union Européenne interdit aux États de décider la durée de travail de leurs militaires, remettant en cause un élément basique de leur souveraineté, voire de leur légitimité.

          Le problème est que, si les États ont accepté de se placer ainsi sous la dépendance des institutions européennes, il n’en est pas résulté le gain attendu : l’Europe n’a toujours aucun poids dans les débats internationaux, et le récent pied de nez offert par la nouvelle internationale anglo-saxonne dévoilant l’AUKUS au moment où l’Europe annonçait sa stratégie pour la région indo-pacifique en est une illustration lumineuse.

          L’indépendance, les ados le savent, est aussi une question financière. Or l’endettement de la France est élevé, proche de 120 % du PIB, et croissant ; le besoin de financement de l’Etat sur les marchés sera l’an prochain de peu inférieur à 300 Md€, ce qui place le pays à la merci d’une remontée des taux et de modifications des marchés financiers rendant plus malaisés les refinancements. D’autre part, les créances sur l’État français sont, selon l’Agence France Trésor, détenues pour 51 % par des non-résidents : le pays est donc sous la dépendance, au moins partielle, d’étrangers. Enfin, l’accroissement de notre déficit extérieur fait qu’en vingt ans notre position extérieure nette, c’est-à dire la différence entre la valeur de ce que les Français détiennent à l’étranger et celle de ce que les étrangers détiennent en France, est passée de – 40 à – 695 Md€ ; cela signifie que, « ne vendant pas assez de produits à l’export pour payer ses importations, (la France) se vend pour maintenir son train de vie » [2] ; se vend, donc se place sous la dépendance des détenteurs de capitaux étrangers, publics ou privés.

          De même, avec le quantitative easing aux États-Unis puis en Europe, les politiques économiques nationales dépendent désormais entièrement du bon vouloir des banques centrales qui, en achetant des titres publics et privés, permettent le financement des divers « quoi qu’il en coûte » nationaux. Dès lors, si la BCE bénéficie d’une indépendance que son statut lui reconnaît expressément, les gouvernements européens sont dans la dépendance de la même BCE dont l’action, voire seulement les déclarations, conditionne leur politique.

          Par ailleurs, la part du dollar dans les transactions internationales est telle que les États-Unis ont pu en faire le support, ou le prétexte, d’une extra-territorialisation de leur règles juridiques aboutissant à ce que leurs choix politiques, les embargos notamment, s’imposent aux entreprises étrangères et à ce que celles-ci sont justiciables des tribunaux américains, dont elles dépendent désormais au moins autant que de ceux de leur pays.

          Enfin, l’indépendance suppose une certaine autonomie de la vie intellectuelle, une capacité à ne pas suivre aveuglément les modes étrangères, la volonté de défendre les principes qui fondent la communauté nationale et de montrer ses acquis. Or le Global art fait la part belle aux artistes anglo-saxons et désormais chinois et l’idéologie woke ainsi que la cancel culture, bien qu’elles n’aient pas grand-chose à voir avec la tradition intellectuelle française et qu’elles ne concernent guère les principaux problèmes auxquels le pays est confronté, irriguent désormais les débats dans les universités françaises et s’invitent dans celui de l’élection présidentielle.

          Ces quelques réflexions montrent que :

    • l’indépendance est loin de n’être qu’une question militaire ; s’en soucier suppose une réflexion de plus grande ampleur et devrait mobiliser non seulement les pouvoirs publics mais aussi les détenteurs de capitaux, voire les intellectuels et « influenceurs » de toutes natures ;
    • il est illusoire de rechercher une indépendance absolue et générale ; l’important est de choisir ses dépendances, de déterminer dans quels domaines les dépendances sont acceptables, et de qui l’on accepte de dépendre.

          Si l’on rapproche cette analyse de nos récents malheurs à Kaboul et à Cambera, la morale de l’histoire est que l’Histoire n’a pas de morale. Les relations internationales ne sont pas guidées par les grands sentiments, mais par les intérêts et par la capacité des différents protagonistes à défendre leurs intérêts respectifs. La France, depuis bien des décennies, et à part quelques moments de lucidité, veut l’ignorer. Puissent les évènements récents lui ouvrir les yeux et la faire agir avec moins de naïveté.

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 27 septembre 2021)

    Notes :

    [1] Voir “A strong allied stretched thin, an overview of French defense capabilities from a burdensharing perspective”, Rand Corporation, juin 2021.

    [2] Jean-Marc Daniel, Les Echos du 15 septembre 2021.

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  • Tour d'horizon... (212)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Le Grand Continent, Céline Jouin présente un teste inédit de Carl Schmitt consacré à l’obscurcissement du concept de guerre et à la multiplication des états intermédiaires entre guerre et paix...

    « Inter pacem et bellum nihil medium »

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    - sur Philitt, dans un entretien, Alain de Benoist évoque les figures d'Ernst Jünger et de Pierre Drieu la Rochelle...

    Alain de Benoist : « Drieu et Jünger ont été des conservateurs révolutionnaires, désireux de sauvegarder des valeurs éternelles»

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