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Métapo infos - Page 344

  • Immigration, idéologie et souci de la vérité...

    Les éditions L'Artilleur viennent de publier un essai de Michèle Tribalat intitulé Immigration, idéologie et souci de la vérité

    Ancienne directrice de recherche à l’INED (Institut national des études démographiques), Michèle Tribalat a été membre du Haut Conseil à l’Intégration et a publié plusieurs livres remarqués dont Les Yeux grands fermés (Denoël, 2009) et Assimilation : la fin du modèle français (Toucan, 2013).

     

     

    Tribalat_Immigration, idéologie et souci de la vérité.jpg

    " Décoder les décodeurs en matière d’immigration.
    Dans cet ouvrage, la démographe Michèle Tribalat, spécialiste de la question migratoire, s’est saisie de quelques   exemples de «  décodages  » de la presse nationale, pour montrer l’hémiplégie du décodage.
    Sur le terrain de la démographie et des migrations, pour être du bon côté, il faut se garder d’être nataliste tout en rassurant les Français sur les performances exceptionnelles de la France par rapport à l’Europe en matière de fécondité. Fécondité qui ne doit pas grand-chose à l’immigration. Immigration qui est à la fois une chance et une fatalité, qu’il faut toujours minorer, relativiser ou naturaliser et qui amène des musulmans, en grand nombre lorsqu’on cherche à implanter l’idée que c’est irréversible, mais en moins grand nombre lorsqu’on cherche à relativiser le djihadisme. Il faut s’élever, par tous moyens, contre l’idée de Grand Remplacement, dévoiler l’imposture, quitte à faire dire à son inventeur ce qu’il n’a pas dit. La mauvaise foi n’est pas interdite.
    L’auteur tente de décoder ce que les décodeurs n’ont pas vu, pas voulu voir ou mal vu sur des sujets sur lesquels ils exercent pourtant une intense vigilance. "

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  • Droite, gauche, extrême centre et présidentielle...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Jean-Yves Le Gallou, cueilli sur Polémia et consacré aux perspectives politiques de ce début d'année.

    Ancien haut-fonctionnaire et homme politique, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016), Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018) et Manuel de lutte contre la diabolisation (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Droite, gauche, extrême centre et présidentielle. Entretien avec Jean-Yves Le Gallou

     

    Gauche, droite, « extrême centre » et Révolution française

    Guillaume de Tanoüarn : Les notions de droite et de gauche ont-elles encore un sens, après le passage d’Emmanuel Macron au pouvoir ?

    Jean-Yves Le Gallou : Emmanuel Macron c’est un peu l’extrême centre, l’extrémisme politiquement correct. Il porte massivement toutes les valeurs ou non valeurs de gauche assorties d’un libéralisme économique de façade. Il n’a en rien diminué le poids des impôts et des charges. En revanche, il a contribué à la destruction de l’Etat et à la vente des actifs français comme Alstom Energie, bradé à General Electric dans un accord fait par des banques d’affaire qui sont parmi les premiers soutiens financiers de la campagne d’Emmanuel Macron. Ce dernier apparaît comme un liquidateur du patrimoine français au service d’une superclasse mondiale qui l’a adoubé et choisi entre autres parce qu’il est membre de la French-American Foundation, du forum de Davos et du groupe Bilderberg.

    Guillaume de Tanoüarn : Diriez-vous que la France qui a inventé la Révolution française est un pays foncièrement à gauche ?

    Jean-Yves Le Gallou : C’est avec la Révolution Française, qu’apparaît le placement gauche/droite des élus dans les hémicycles et c’est vrai que depuis ce moment, on peut avoir l’impression que l’histoire est un glissement à gauche continu. Il y eut des assemblées de droite : en 1918 la chambre bleue horizon, en 1968 face aux événements de Mai 68, en réaction au joli mois de Mai de cette année-là. En 1986, aussi, par réaction au mitterrandisme, la droite est largement majoritaire à l’Assemblée. Dans ces trois cas, on constate plus ou moins la même chose : les chambres se trouvent frappées d’impuissance et contraintes de facto à renier les préférences de leurs électeurs. En matière de trahison de la droite, en 86, malgré son succès électoral et une première cohabitation, Chirac renonce à son programme sur l’immigration et l’insécurité, à la suite de l’exploitation de la mort de Malik Oussekine. En 1968 déjà, la chambre introuvable pourtant peuplée de gaullistes intransigeants et de réactionnaires authentiques avait cautionné tous les abandons : réforme de l’éducation nationale, de la souveraineté monétaire, lois liberticides, réforme du code civile autour de la famille etc.

    Guillaume de Tanoüarn : Le politiquement correct est-il d’origine française ?
    Jean-Yves Le Gallou : Il y a deux éléments qui permettent de répondre par l’affirmative à votre question : les lois liberticides et la propagande antiraciste ont commencé à s’implanter en France, avant de se répandre sur le reste de l’Europe. Quant au wokisme qui nous revient d’Amérique, on peut dire qu’il s’est formé, entre autres, à partir de ce que les Américains nomment la French Theory, ce grand courant de pensée où s’épanouissent les premiers déconstructeurs de Simone de Beauvoir à Michel Foucault et à Jacques Derrida..

    Guillaume de Tanoüarn : La gauche a-t-elle encore une existence politique aujourd’hui en dehors de son action culturelle ?

    Jean-Yves Le Gallou : D’un point de vue démocratique le pouvoir que la gauche exerce sur la société française est absolument insupportable. La gauche, aujourd’hui, écolos compris, représente à peine le quart du corps électoral mais elle contrôle la quasi-totalité du système médiatique et exerce sa férule sur le corps judiciaire. Quant au monde associatif, de gauche, il vit sous perfusion de subvention publique. Le paradoxe c’est que moins la gauche a d’existence politique plus elle existe en termes idéologiques. Pour reprendre l’expression de Guillaume Bernard, Il y a un mouvement dextrogyre dans l’opinion, c’est incontestable et de ce point de vue la gauche aujourd’hui n’est plus une force électorale. Mais demeure un mouvement sinistrogyre, en particulier chez les prescripteurs d’opinion. Pourquoi on n’en finit pas si facilement avec la gauche ? Pourquoi garde-t-elle une audience chez les intellectuels, même lorsqu’elle perd le peuple ? La gauche, en définitive, ce sont les Lumières : rationalisme, individualisme, progressisme et ruptures de tradition. Beaucoup d’analystes, dont tout récemment Michel Geoffroy dans le livre qui justement porte ce titre, sentent venir le crépuscule des Lumières, mais les révolutions culturelles, ou en l’occurrence les contre-révolutions culturelles, quand elles ne sont pas programmées par un pouvoir totalitaire sont beaucoup plus lentes à advenir que les évolutions politiques.

    Guillaume de Tanoüarn : Qu’est-ce qu’un gouvernement de droite?

    Jean-Yves Le Gallou : On peut citer quelques caractéristiques d’un gouvernement qui se dit de droite et d’abord la priorité du domaine régalien sur les domaines économiques et sociaux. On trouve aussi parmi les valeurs de droite le respect du patrimoine. La défense des traditions ne signifie pas le recroquevillement sur le passé. Elle signifie une défense et illustration de la transmission qui nourrit des innovations : « Nous sommes des nains sur les épaules de géants » comme on disait au Moyen-Age. La droite, c’est aussi la défense des libertés contre toutes les tendances centrifuges de l’étatisme. A l’Iliade, on résume cela en un mot : LIS : ce qui signifie : Libertés (au pluriel) Identité Souveraineté (à la fois souveraineté des peuples et souveraineté des nations).

     

    Éric Zemmour : diviser ou mieux gagner ?

    Guillaume de Tanoüarn : On reproche à Eric Zemmour ici ou là de diviser le camp national. Quel est son apport spécifique. Ne réside-t-il pas justement dans la défense de la civilisation chrétienne ?

    Jean-Yves Le Gallou : Dans cette campagne électorale, l’apport de Zemmour est immense. Il a redonné de l’intérêt à une campagne qui s’annonçait atone. Il a replacé au cœur du débat la question de l’identité et de ce que nous appelons, nous, la défense de la civilisation européenne et chrétienne. Je pense même que les « marinistes » devraient être infiniment reconnaissants de la candidature de ce nouveau venu en politique. Il a remis les thèmes immigration et insécurité dans le débat ; il a réveillé Marine Le Pen qui a été plutôt efficace ces derniers mois. Je me permets cum grano salis de citer un vieux proverbe africain : « Quand le lion court dans la savane l’antilope se remet à courir ».

    Guillaume de Tanoüarn : Y aurait-il un rapport entre Zemmour et Bruno Mégret, le fondateur du MNR ?

    Jean-Yves Le Gallou : Sur le plan des convictions, on trouverait j’en suis sûr beaucoup de points communs, mais les circonstances de la candidature de Zemmour à la Présidentielle sont radicalement différentes. Même s’il avait un passé RPR, Mégret venait de l’intérieur du FN. En revanche Eric Zemmour, aujourd’hui, vient de l’intérieur du système, c’est un atout important. Il y a aussi de grandes différences entre les deux personnalités : Mégret paraît plutôt réservé et introverti. Zemmour est beaucoup plus extraverti, et selon certains même parfois trop. Le moment aussi est différent : lors de la scission de Mégret, il n’y avait ni chaine d’information continue, ni médias alternatifs, ni Internet. L’équilibre des forces médiatiques a changé. Les médias mainstream restent très puissants mais ils ont perdu le monopole qu’ils avaient en 1999.

    Guillaume de Tanoüarn : Peut-on dire que la dite extrême droite en France est née de la trahison des droites ?

    Jean-Yves Le Gallou : Extrême droite n’est pas un terme de science politique mais de polémique politique qui désigne tous ceux qui refusent le politiquement correct sur les valeurs. Tout anticonformisme est, a été ou sera qualifié d’extrême droite. Dans les années 80, il y avait un problème croissant aux yeux des Français : le problème de l’immigration. En même temps c’était un problème interdit et donc un point aveugle du débat politique. Au début du Club de l’Horloge, Raymond Marcellin ancien ministre de l’Intérieur de 1968 à 1974, réputé homme de droite, sécuritaire, nous avait dit : « Surtout ne parlez pas d’immigration ». C’était un conseil de sagesse, pour qui voulait faire carrière, que nous n’avons pas suivi ; c’était pourtant l’époque d’Enoch Powel, le leader conservateur, dont le grand discours sur l’immigration avait ruiné la carrière. Les gens soucieux de paraître convenable avait prévu de ne pas parler d’immigration. Le génie politique de Jean-Pierre Stirbois et de Jean-Marie Le Pen fut de s’affranchir de ce tabou. Et c’est le fait qu’ils s’en soient affranchis qui a permis le développement du FN. Le Parti de Jean-Marie Le Pen a occupé l’espace politique que le RPR avait abandonné, par conformisme et crainte de la dénonciation. Pour revenir à votre question : qu’est-ce que l’Extrême-droite ? On désigne de cette façon dépréciative non pas un extrémisme, mais la droite qui a osé enfreindre les tabous, inventés par la gauche.

     

    Années 80

    Guillaume de Tanoüarn : Des tabous qui tournent beaucoup, dès les années 80, autour de l’immigration ?

    Jean-Yves Le Gallou : Je me permets de vous raconter une petite histoire personnelle, pour que vous compreniez l’atmosphère de cette époque. En 1985, j’avais publié chez Albin Michel La préférence nationale, un livre d’analyse, de diagnostic et de propositions sur l’immigration, un livre d’ailleurs qui reste ou redevient d’actualité. J’avais à l’époque longuement rencontré Alain Peyrefitte, ancien ministre du Général et président du comité éditorial du Figaro. Il m’a fait une explication de gravure qui a été décisive dans mon orientation postérieure : « Ce que vous dites dans ce livre est juste, ce que vous proposé est nécessaire mais nous (RPR) nous ne pourrons pas le faire. Les centristes, les gens comme Simone Veil, (qui venait de conduire la liste RPR UDF aux Européennes), ne nous le permettraient pas ». A l’époque cette conversation m’avait convaincu qu’arrivé au pouvoir le RPR dirigé par Chirac ne ferait pas les réformes nécessaire et c’est pour cela que j’ai rejoint Jean-Marie Le Pen. Ultime confirmation dans ce chemin, pour moi : l’opération culturelle conduite auprès des maires et des adjoints à la culture avec Aude de Kerros et d’autres venait d’être torpillée par le RPR.

    Guillaume de Tanoüarn : Le gaullisme est-il de droite ?

    Jean-Yves Le Gallou : Le gaullisme se veut ni de droite ni de gauche en ce sens qu’il cherche à rassembler les classes populaires et les classes bourgeoises sur la base d’un patriotisme partagé. De Gaulle fut parfois ambigu mais sa formation intellectuelle d’origine subit la double inspiration de Barrès et de Maurras, et l’influence des penseurs de la Révolution conservatrice allemande qu’il découvre pendant sa captivité en 1917 selon les travaux de François-Georges Dreyfus. C’est aussi l’homme qui définit la France comme un pays de race blanche de civilisation gallo romaine et de religion chrétienne. On trouve déjà cette longue période, souvent citée aujourd’hui par les hommes politiques et les journalistes, dans les Mémoires d’espoir. On en retrouve un verbatim dans le C’était De Gaulle de Peyrefitte.

    Guillaume de Tanoüarn : Le RPR, au début des années 80, sous Mitterrand, est-il un mouvement qui a un programme d’extrême-droite ?

    Jean-Yves Le Gallou : Dans les années 70- 80, Chirac occupait un créneau de droite souverainiste anti-immigration. Il était couramment surnommé « Facho Chirac ». Ses communicants, notamment sa fille Claude, l’ont convaincu de mettre de l’eau dans son gros rouge, pour se faire accepter par le système et par les médias. Ce qu’il a fait allant jusqu’à établir une muraille de Chine entre le FN et le RPR : il assurait ainsi pour 40 ans l’hégémonie de la gauche sur le paysage politique français. C’est cette hégémonie qui est mise en cause aujourd’hui. Ce que Zemmour tente de briser en attaquant frontalement les pouvoirs judiciaires, médiatiques et associatifs et en tentant de briser le cordon sanitaire entre la droite classique et l’extrême droite. Il est assez significatif que dans la cartographie de ses soutiens, le Monde souligne la présence de gens venus des deux rives.

     

    Regard sur la présidentielle

    Guillaume de Tanoüarn : Aujourd’hui que représente Valérie Pécresse, parmi les droites ? Le tandem Ciotti-Pécresse a-t-il un avenir selon vous ?

    Jean-Yves Le Gallou : Valérie Pécresse est surnommée par les mauvaises langues Valérie traitresse. Si elle a des convictions à géométrie variable, elle a un ancrage atlantiste extrêmement fort. Elle a fréquenté la French-American Foundation et le groupe Bilderberg comme Macron. Son mari Jérôme Pécresse qu’elle met en scène dans le cadre de sa campagne, est l’un des hauts dirigeants d’Alstom. Il a collaboré au raid de General Electric sur cette entreprise française. Si Valérie Pécresse devait succéder à Macron, cela signifierait que l’Etat profond américain garderait ses quartiers à l’Elysée. Quant à Ciotti il joue le rôle de Pasqua, rabatteur pour Chirac. Ce sera un Pasqua au petit pied, rabatteur électoral de Pécresse, mais lui-même non sans talent.

    Guillaume de Tanoüarn : Que faut-il penser de la division de la droite de conviction, droite que l’on trouve au RN, à Reconquête et chez les LR ? Est-elle définitive ?

    Jean-Yves Le Gallou : Il faut distinguer deux figures politiques différentes l’une de l’autre. Entre RN et Reconquête, rien n’interdira des alliances au deuxième tour ou pour les législatives. Il suffira que chacun des partenaires se montre un peu raisonnable. En revanche la stratégie de LR est de rester adoubé par le système, ce qui interdit toute entente avec ceux qui sont diabolisés : les électeurs modérés se laissent trop souvent dicter leur loi par les médias diabolisateurs.

    Guillaume de Tanoüarn : Vous soutenez Eric Zemmour alors qu’un homme de terrain comme Robert Ménard ne cache pas sa préférence pour Marine Le Pen. Qu’est-ce qu’apporte Zemmour à la présente campagne ?

    Jean-Yves Le Gallou : Si j’avais des chats à confier je choisirais Marine. Ce qu’apporte Zemmour ? De la vie, de la fraicheur, de la vérité. Il a mis les pieds dans le plat. Assez drôlement, Ménard a un comportement que l’on peut rapprocher de celui de Jean-Marie Le Pen dans cette campagne : un coup j’encourage Zemmour ; un coup je renouvelle mon soutien à Marine Le Pen. C’est aussi une manière de rester dans l’angle des caméras. Quand les sondages montent pour Zemmour, il soutient Zemmour. Quand ils montent pour Marine, il soutient Marine. Ça ne porte pas à conséquences.

    Guillaume de Tanoüarn : Le vrai pouvoir n’est-il pas le pouvoir des juges plutôt que le pouvoir des politiques ?

    Jean-Yves Le Gallou : La vraie question, dirais-je, est de rendre le pouvoir à l’exécutif présidentiel. Le pouvoir est aujourd’hui accaparé par des juges sans aucune légitimité démocratique. Le pouvoir des juges s’est construit autour du dogme de l’Etat de droit censé défendre les libertés. Mais en validant la quasi-totalité des dispositions liberticides de la dictature sanitaire, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat ont montré qu’ils ne défendaient en rien les libertés des Français. Les seules libertés qu’ils défendent étant celles des étrangers, des clandestins, des délinquants, et des lobbies minoritaires, la majorité des Français n’a rien à en attendre. Leur légitimité judiciaire est sans fondement.

    Jean-Yves Le Gallou, propos recueillis par l’abbé Guillaume de Tanoüarn (Polémia, 8 janvier 2022)

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  • Céline à hue et à dia...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un recueil d'articles de Marc Laudelout intitulé Céline à hue et à dia. Journaliste et critique littéraire, Marc Laudelout est l’éditeur du Bulletin célinien.

     

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    Louis-Ferdinand Céline est sans nul doute l’écrivain français le plus considérable du siècle dernier. Il lègue à la postérité une œuvre immense mais entachée du sceau de l’antisémitisme.

    Étudier cette plume prodigieuse, c’est naviguer à vue entre les louanges des fidèles et les imprécations des bien-pensants. Une lourde tâche dont Marc Laudelout s’acquitte depuis quarante ans avec brio dans les pages du Bulletin célinien que nous avons réunies ici en une anthologie. Avec une grande rigueur intellectuelle et morale, il y traite méthodiquement de tout ce qui touche à l’auteur, sans rien occulter et non sans démonter les discours caricaturaux des anti-céliniens incurables. À travers ses articles, on plonge au cœur d’une œuvre qui ne cesse de faire couler l’encre de la critique. Un travail de titan, qui fera dire à Pol Vandromme : « Il fallait supporter la preuve que le célinisme pouvait être une passion intellectuelle de l’espèce honorable. La voilà faite.»

     

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  • L'élection présidentielle, les maires et les cinq cents signatures...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Nicolas Lévine, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à la protection que constitue pour le système la quête de cinq cents parrainages d'élus locaux pour les candidats à l'élection présidentielle.

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    Éric Zemmour et les cinq cents

    Ça ne leur suffit pas que des millions de voix ne soient pas représentées dans les chambres et les assemblées, encore faut-il que les candidats putatifs de ce peuple bafoué ne puissent pas se présenter à l’élection présidentielle faute de signatures. C’est le risque qui pesait hier sur la candidature Le Pen, aujourd’hui sur celle de Zemmour. Ces 500 signatures, c’est le pass vaccinal de la République, celui qui ouvre les portes et les referme. La démocratie est morte, vive l’oligarchie !

    Vous vous souvenez du Grand débat ? Alors que la magistrature et les antifas, alliés comme jamais, réduisaient les Gilets jaunes sous les applaudissements des gardiens de la démocratie, des vigies de l’humanisme – je parle bien sûr des journalistes, mais tout le monde aura deviné qui étaient ces héros des temps modernes –, Macron, avec la cape de premier de la classe qu’il porte depuis la première échographie de sa mère, se lançait dans une tournée des salles des fêtes, invitant les maires à venir le questionner afin de sortir de la « crise ». J’ai longuement regardé. C’était dingue. Les journalistes politiques n’en pouvaient plus, ils étaient excités comme un soir de partouze. Ohlala ! qu’il était beau, qu’il était intelligent, comme il tombait bien la veste, comme il était bien peigné, comme il avait – c’est vrai – réponse à tout, Macron ! Au moment où une majorité de Français, selon tous les sondages, continuait de soutenir le mouvement des Gilets jaunes malgré les tombereaux de merde que la plupart des commentateurs jetaient sur ces derniers et les manipulations de toutes sortes dont ils étaient l’objet, ces élus, eux, manifestaient une servilité totale.

    Le Kennedy d’Amiens

    Il est vrai que l’Élysée sélectionnait les élus en question. Les rares maires RN et LFI étaient écartés. Pour le fun et parce que, depuis fort longtemps, le PCF est révolutionnaire comme moi j’aime le RnB, on avait bien choppé deux ou trois vieux communistes à béret pour animer un tout petit peu un exercice qui, en fait, tenait plus de l’autofellation que du « débat ». Dotation, subvention, péréquation : de toute évidence, parmi tous les problèmes soulevés par cette « crise », les maires de France ne voyaient que celui de leurs ressources – donc de leur réélection. Alors que, durant quatre mois, les Gilets jaunes, en plus de très justes revendications sociales, avaient mis sur la table la représentation d’abord, l’immigration, la souveraineté, l’Europe ensuite, les maires, eux, se lamentaient parce que les travaux de la médiathèque Nelson-Mandela et de la piscine Salvador-Allende avaient pris du retard… La déconnection entre représentants nationaux et peuple était acquise – sauf aux yeux des oligarques, bien sûr. Grâce au grand one-man-show du Kennedy d’Amiens, ceux qui ignorent tout de la politique locale, comment elle se fait – entre Rotary et Grand Orient de France –, purent découvrir que les « élus de terrain », les « élus des territoires » (sic) représentaient finalement encore plus mal les citoyens français. Il y eut cinq cents questions posées à Macron, ai-je entendu. Sur cinq cents questions, il y en eut une seule, UNE SEULE sur l’immigration – il faut rendre hommage au maire de Montauban, Brigitte Barèges, qui seule osa et qui fut alors huée par les autres maires présents dans la salle – et qui fut, ensuite, lourdement punie pour cette audace.

    La grève des isoloirs

    La perpétuation du scrutin uninominal majoritaire à deux tours n’a qu’un objectif : exclure de la représentation ceux qui votent mal et, par là même, pourraient brider la marche du Progrès. Dans le peuple, le MODEM ne représente rien : il a pourtant plus de quarante députés. LFI et le RN en ont respectivement dix-sept et… six1. Soit, tous les mots sont aujourd’hui galvaudés ; Macron se dit patriote… Mais je ne vois pas bien comment quelqu’un qui se dit démocrate peut soutenir un système qui admet sans faiblesse qu’un pan considérable de l’électorat ne peut pas être représenté dans nos chambres. La proportionnelle produirait une instabilité ? Sans doute, mais s’il faut choisir entre la stabilité de nos institutions fantoches et la justice, je choisis tous les jours la seconde. Ce n’est évidemment pas le choix des macronistes, des libéraux en général ; êtres moralement très supérieurs, êtres de lumière qui, comme le Skippy des Inconnus, conduisent leurs semblables dans une totale liberté de pensées cosmiques vers un nouvel âge reminiscent, les libéraux se satisfont visiblement très bien d’un régime qui leur assure, de trahison en trahison, sans rien changer à leurs convictions – ce qui est plutôt facile quand on n’en a aucune sinon la volonté de faire carrière, voyez par exemple Gérald Darmanin –, de garder le pouvoir. Sans cesse plus importante, la grève des isoloirs, qui concerne pour l’essentiel les classes populaires, s’explique d’abord ainsi. Ceux qui, à commencer par les politiques, ont chialé après les dernières régionales à cause du minable taux de participation sont au mieux des gros crétins, au pire de gros Tartuffes.

    La quête des signatures

    Ainsi donc, la « démocratie locale » se porterait mieux, nous dit-on. Les dizaines de milliers de maires que notre pays compte seraient de meilleurs porte-parole des « petites gens ». À l’heure où j’écris ces mots, Éric Zemmour ne dispose pas des signatures nécessaires pour entrer officiellement dans la course à la présidence de la République française. Les sondages lui donnent entre 14 et 17 % au premier tour ; ce sont justement et surtout les « petites gens » qui le suivent ; il suffit de ne pas être macroniste, de connaître d’autres « travailleurs » que les nounous ivoiriennes et les Uber maghrébins des « métropoles connectées sur le monde » (sic) pour savoir combien l’homme est populaire dans le peuple. À chaque présidentielle, le RN galère pour trouver ces fameuses cinq cents signatures ; ses difficultés en la matière sont, hélas, un marronnier des campagnes élyséennes. Zemmour fait donc face au même problème, rendu quasi insoluble depuis que François Hollande, entre deux humiliations des Françaises-et-des-Français – ô, Leonarda ! ô, Mistral ! –, a décidé que lesdites signatures seraient rendues publiques. Quel pouvait être le but de cette décision – que personne ne réclamait – sinon de compliquer encore davantage la vie des vraies oppositions et de renforcer le bipartisme, de nous empêcher d’échapper à la légendaire « alternance » entre sociaux-démocrates et démocrates-sociaux, gauche libérale et droite libérale, mondialistes bourgeois et bourgeois mondialistes ?

    Vos papiers, candidat Zemmour !

    Si Éric Zemmour ne pouvait finalement pas se présenter à cette élection, il ne s’agirait pas d’un « déni de démocratie », expression que même une Valérie Pécresse peut éhontément employer. Il s’agirait de l’acte de décès officiel du peu qu’il reste de notre démocratie. Et bien sûr, passée la fausse indignation produite par la subséquente « polémique », on trouverait sans peine des zozos libéraux pour venir défendre, au nom de la « transparence », la porte claquée au nez de celui derrière qui tous les patriotes vraiment désireux de vaincre, de rendre enfin aux élites apatrides qui les méprisent, les moquent, les nazifient la monnaie de leur pièce se rangent aujourd’hui.

    Il en va de ces fichues signatures comme de l’incroyable pass vaccinal : dans l’incapacité d’interdire, le système entend bien « emmerder jusqu’au bout » ceux qui le défient. Cette logique nourrit une colère on ne peut plus légitime. Et c’est cette colère qui est la plus authentiquement démocratique.

    Nicolas Lévine (Site de la revue Éléments, 8 janvier 2022)

     

    Note :

    1. Si l’absence de l’extrême gauche dans les chambres est scandaleuse, elle l’est moins que celle de l’extrême droite dans la mesure où la première est hégémonique dans le champ culturel même si, comme le dit justement Mathieu Bock-Côté, la gauche est tellement habituée à dominer intellectuellement depuis l’après-guerre – et en fait depuis 1789 – qu’il lui suffit d’être contestée pour se sentir assiégée.

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  • Préidentielles 2022 : les nationalistes en ordre de marche ?...

    Le nouveau numéro de la revue Réfléchir & agir (n°72 - Hiver 2022) est disponible en kiosque. Le dossier est consacré aux élections présidentielles de 2022...

     

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    Au sommaire :

    En bref

    Antipasti

    Cassandre Fristot

    DOSSIER 

    Les nationalistes en ordre de marche ?

    Marine le Pen, le naufrage, par Monsieur X

    Entretien avec Martin Peltier
    La galaxie souverainiste, entre eurosceptiques et frexiteurs, par Eugène Krampon
    Le cas Philipot, par Eugène Krampon
    Les jeunes nationalistes et la présidentielle, par Eugène Krampon

    Banc d'essai des candidats « nationaux » , par Eugène Krampon et Klaas Malan

    Pour qui va voter la mouvance

    Grand entretien

    Patrick Jardin

    Fascisme

    Le Cercle Ragnarok, un national-socialisme radical en Norvège, par Christian Bouchet

    Judaïca

    Le territorialisme d'Israel Zangwill, un sionisme contre Sion, par Pierre Gillieth

    Histoire

    L'empire invisible, par Pierre Gillieth

    Un livre  est un fusil

    Le procès de la démocratie, par Oscar Walter

    Notes de lecture

    Cinéma

    Une lame brillante dans la nuit : le giallo, par Pierre Gillieth

    Disques

     

     

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  • Georges Dumézil : variations sur une épopée intellectuelle...

    Nous reproduisons ci-dessous le texte d'une conférence donnée par Aristide Leucate, à l'occasion des Jeudis de l'Iliade, et consacrée à Georges Dumézil.

    Docteur en droit, journaliste et essayiste, Aristide Leucate est l'auteur notamment de Détournement d'héritages - La dérive kleptocratique du monde contemporain (L'Æncre, 2013), d'un Carl Schmitt (Pardès, 2017), d'un Dictionnaire du Grand Épuisement français et européen (Dualpha, 2018), de Carl Schmitt et la gauche radicale - Une autre figure de l'ennemi (La Nouvelle Librairie, 2021) et de Dumézil (Pardès, 2021).

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    Georges Dumézil : variations sur une épopée intellectuelle

    Érudit encyclopédique, locuteur de langues rares ou disparues, le Maître fut sans doute un des derniers grands « honnêtes hommes » de notre civilisation européenne. Évalué à l’aune des canons de notre époque, il serait assurément relégué dans le camp des maudits. Vers la fin de sa vie, ses travaux, sinon ses fréquentations, étaient minutieusement épiés par une camarilla de « vigilants » bien plus préoccupés à polir leur gloire vaine et pâle, qu’à travailler sérieusement sur l’œuvre du Maître ravalé, pro domo, au rang de faire-valoir de leur infinie médiocrité. Il n’en sera d’ailleurs nullement question dans cette conférence, sauf à leur assurer, comme à leurs plus récents épigones, une postérité ou une publicité indue.

    Toujours est-il que Georges Dumézil fut un être complexe, non dénué de contradictions, en dépit de convictions fortes et qui s’obstinait incessamment à s’effacer le plus possible derrière son œuvre, à l’instar de Pythagore ou de Thalès dont ne subsiste, pour l’essentiel, que le souvenir bien plus vivace et utile de leurs célèbres théorèmes.

    Une vie avec les Indo-Européens

    Cet homme à l’intelligence lumineuse, au savoir encyclopédique et à la prodigieuse mémoire, naquit à Paris le 4 mars 1898. Son père, Jean Anatole, était Polytechnicien et deviendra Général de Division en 1916. Durant la Grande Guerre, il supervisera pour l’Etat, la fabrication de l’artillerie.

    Le petit Georges développe précocement un gout acéré pour les langues. À 9 ans, il lit l’Enéide dans le texte, apprend l’allemand et, en parallèle, se passionne pour la mythologie, préférant Jason et Héraclès à Peau d’Ane et le Petit Poucet.

    S’étant émerveillé devant des mots de sanscrits découvert dans le Dictionnaire étymologique du latin du célèbre linguiste, Marcel Bréal, il profitera d’une amitié nouée au lycée Louis-le-Grand avec le petit fils de Bréal pour rencontrer ce dernier qui lui fera présent d’un dictionnaire sanscrit-anglais. « À partir de ce moment, ma vocation fut assurée, j’étais en quelque sorte consacré d’avance par le patriarche », confiera-t-il quelques années plus tard.

    Après son baccalauréat, il effectue ses khâgnes avant d’être reçu premier à l’Ecole normale supérieure.

    L’année suivant son entrée rue d’Ulm, en 1917, Dumézil est mobilisé sur le front. Il a 19 ans. Il sera précipité dans les orages d’acier de la seconde Bataille de la Marne, ce qui lui vaudra la Croix de guerre.

    À la fin de la guerre, il devient agrégé de lettres et part faire ses premières armes au Lycée de Beauvais. Cette expérience lui déplaira singulièrement. Il part ensuite enseigner la littérature française à Varsovie mais en revient très vite. L’appel de la thèse s’avère irrésistible.

    En réalité, il rédige deux thèses, comme il était alors en usage de le faire en ces temps universitaires révolus. Sous la direction d’Antoine Meillet (philologue très en vogue qui défendra, notamment, l’existence d’une civilisation indo-européenne attestée par une unité linguistique originelle) il soutient ses thèses qui lui vaudront la mention très honorable. Nous reviendrons un peu plus longuement sur ces premiers travaux.

    Par l’entremise de Jean Mistler, futur secrétaire perpétuel de l’Académie française, et de quelques universitaires bienveillants, Dumézil part en Turquie à la faculté de théologie d’Istanbul (qu’il quittera subrepticement pour la faculté des lettres, ne tenant pas à se mêler plus que cela de religion). Nous sommes en 1925 et les époux Dumézil (car il s’était marié entretemps) y resteront jusqu’en 1931. Durant ce séjour, n’ayant pu approfondir la question indo-européenne, il se rabattra, avec succès et profits, sur la linguistique caucasique. À son retour en 1931, il part pour deux ans en Suède, séjour qui s’avèrera décisif pour la suite de ses travaux.

    Le 29 juin 1935, Dumézil est élu au sein de la Ve section de l’Ecole pratique des hautes études, avec le soutien bienveillant et actif de Sylvain Lévi, alors un des maîtres éminent de l’indianisme français.

    En 1939, il est à nouveau mobilisé, cette fois en tant qu’officier de liaison, avant de reprendre le cours de ses activités universitaires au moment de l’armistice, jusqu’à sa destitution de la fonction publique en 1941 pour son appartenance maçonnique quelques années auparavant. Bien qu’ayant réussi à se faire réintégrer au sein de l’université, Dumézil sera quand même traduit en 1944, sur dénonciation de collègues communistes, devant la commission d’épuration de l’enseignement supérieur qui le blanchira.

    S’ouvre alors pour Dumézil une période professionnellement et intellectuellement faste, bien que sa renommée auprès du grand public se fasse jour assez tardivement.

    Cela commence par son élection, en avril 1949, au Collège de France, à la chaire, spécialement créée pour lui, de civilisation indo-européenne. Il bénéficiera de l’appui d’Emile Benveniste, linguiste à la réputation déjà établie et spécialiste incontesté de grammaire comparée des langues indo-européennes.

    Les années cinquante, en même temps qu’elles le verront inlassablement reprendre ses travaux antérieurs, le porteront à l’étranger, de la Turquie jusqu’à son cher Caucase et même au Cuzco, dans les Andes péruviennes, où, durant six mois, il s’éprendra du quechua avec une passion dévorante.

    La décennie soixante commence à marquer l’heure des « bilans ». Pour Dumézil, il s’agit moins de graver définitivement ses conclusions dans le marbre que de reprendre, totalement ou partiellement, l’ensemble de ses travaux et d’en faire le point. Extrêmement pointilleux et méticuleux, Dumézil se refuse à rédiger des manuels, estimant que la matière qu’il étudie ne se prête guère à cet exercice d’académisme. En 1966, La Religion romaine archaïque, magistrale synthèse sur la plus ancienne religion des Romains, voit le jour. S’ensuivent une série de titres qui feront la notoriété de leur auteur jusqu’à sa mort : Mythe et épopée I (1968), II (1971) et III (1973), Heur et malheur du guerrier (1969), Mariages indo-européens (1979), Apollon sonore et autres essais, (1982), L’oubli de l’homme et l’honneur des dieux (1985), Loki (1986), etc. Ouvrages auxquels il convient d’ajouter ses multiples études caucasiennes ou celle consacrées à l’oubykh, langue désormais disparue dont il fut l’un des derniers locuteurs au monde.

    La consécration ultime viendra le 26 octobre 1978, jour de son élection à l’Académie française. En réponse à son discours de réception, son ami Claude Lévi-Strauss prononce un éloge aussi célèbre que synthétique, résumant l’œuvre brillante de Dumézil.

    Dès ce moment, les grands médias, notamment la télévision, commenceront à s’intéresser à ce savant quelque peu singulier qui aura passé son existence aux confins de ce qu’il a appelé l’ultra-histoire, ces années transitoires entre la fin de la préhistoire et la très haute Antiquité.

    C’est ainsi que les Français découvriront cet homme bien mis, aussi rieur que modeste et érudit, lévitant allègrement au milieu d’un amas invraisemblable de livres et de documents constituant une bibliothèque riche d’environ 20 000 ouvrages !

    Ainsi, Parmi ses apparitions télévisuelles, l’on retiendra notamment l’entretien qu’il offrit, un an avant sa mort, à Bernard Pivot dans sa célèbre émission « Apostrophe ». Diffusée en couleur, pour la première fois, le 18 août 1985, elle demeure l’une des plus touchantes jamais consacrée au mythologue qui s’y livre avec élégance, humilité et humour.

    Malade du cœur depuis de nombreuses années, Georges Dumézil s’effondrera chez lui, le 11 octobre 1986, à l’âge de 88 ans.

    Les Indo-Européens en actes

    Après avoir tutoyé les dieux toute sa vie, il allait les rejoindre pour l’éternité et gageons qu’ils lui firent un accueil des plus triomphal.

    Ces dieux provenaient de la plus lointaine civilisation apparue entre la Mer noire et la Baltique vers le 5e ou 4e millénaire avant notre ère.

    Des peuplades s’exprimaient dans des dialectes d’une même langue qui répondra, plus tard, au nom algébrique et générique d’indo-européen.

    Ces hordes se répandirent en tous sens, vers l’Atlantique, vers le Nord, vers l’Asie, ou la Méditerranée, ce dans le courant du 3e millénaire, voire au début du 2e millénaire. Ils conquirent des territoires et se mêlèrent de gré ou de forces aux autochtones.

    Les hypothèses avancées pour expliquer cette dispersion tiendraient, selon l’anthropologue David W. Anthony, à l’invention de la roue et à la domestication du cheval (Le cheval, la roue et la langue : comment les cavaliers de l’âge de bronze des steppes eurasiennes ont façonné le monde moderne, 2007).

    Descendants des Yamna des steppes pontiques, qui enterraient leurs morts sous des kourganes – mot russe d’origine turc signifiant tumulus –, les proto Indo-Européens présentent, au surplus, des similitudes génétiques avec les locuteurs actuels des langues IE, ainsi que l’a montré David Reich dans Comment nous sommes devenus ce que nous sommes. La nouvelle histoire de nos origines (2019).

    Dumézil s’intéressa très tôt, dès ses fameuses thèses de 1924, respectivement intitulées Le Festin d’immortalité et Le Crime des Lemniennes, à ces cultures fort éloignées dans ce passé lointain qu’il allait s’efforcer de rendre accessible, après moult « tâtonnements », erreurs et autres errements.

    Sur les traces de ses maîtres Antoine Meillet et Marcel Mauss et selon une démarche comparatiste pour partie inspirée des travaux du sinologue Marcel Granet, Dumézil s’attachera à reconstituer des faits de civilisation, persuadé qu’il ne peut y avoir de langue commune sans un minimum de pensée commune.

    Par la comparaison des textes religieux et épiques de l’Inde, de Rome ou de Scandinavie, Dumézil a essayé de remonter vers des prototypes communs, soit des points fixes archétypiques dans la préhistoire. Et à partir de ces points à peu près fixes, la méthode consiste à étudier les transfigurations qui ont dû amener aux formes que nous connaissons.

    En 1938, Georges Dumézil, après de longs tâtonnements, découvre un fait qui dominera une grande partie de la matière indo-européenne.

    Les données de cette découverte sont les suivantes : on peut considérer que les peuples IE anciens construisaient leur système du monde, leur conceptions de la société, voire leur cosmologie, leur psychologie en se fondant sur l’idée que, dans leur combinaison harmonieuse, trois pesanteurs agissant sur trois niveaux sont nécessaires au bon fonctionnement du monde.

    Dumézil a mis en évidence ces trois fonctions : la souveraineté juridico-magico-religieuse, la force guerrière et la fécondité ou l’abondance.

    Selon lui, on retrouve l’agencement hiérarchisé de ces trois fonctions dans toutes les civilisations où une substantielle composante IE est attestée de manière incontestable.

    Ainsi, la division de la société indienne en brahmanes (prêtres), kṣattriya (guerriers), et vaiçya (éleveurs-agriculteurs) n’était guère propre à l’Inde des castes (ou ārya) puisqu’elle se retrouvait aussi bien à Rome dans la triade précapitoline formée par Jupiter, Mars et Quirinus, ou encore dans l’ancien monde celtique, avec les druides, les equiles et éleveurs.

    Certes, si en Inde, ces trois castes font référence à une relative organisation sociale, à Rome, la trifonctionnalité correspondrait-elle davantage à des fonctions intellectuelles, religieuses ou cosmiques, ce qui signifie, en d’autres termes, qu’il n’y a pas de lien de solidarité obligatoire entre une fonction sociale et cette conception mentale des trois fonctions, lesquelles correspondent plutôt à un cadre de pensée ou un idéal imaginé par ces sociétés.

    À l’objection selon laquelle cette tripartition se retrouve universellement parce que toute société humaine doit tendre à la satisfaction des besoins vitaux qu’impliquent la triple nécessité d’une organisation politique, d’une armée pour se défendre comme d’une économie rurale pour se nourrir, Dumézil répond que dans le monde IE, ces trois besoins constituent bien plus le cadre, la matière à réflexion qui, de proche en proche, finit par offrir une explication de tout.

    Si cette tripartition existe bien évidemment ailleurs, elle n’a jamais engendré, ailleurs que dans le monde IE, un système général de pensée.

    Ce cadre joue, de cette façon, le rôle d’une sorte de superstructure intellectuelle, morale, spirituelle venant coiffer la structure sociale naturelle.

    Pour illustrer ce propos, l’on prendra pour exemple un des rapprochements singuliers que Dumézil a effectués entre l’aire romaine et le monde scandinave.

    C’est ainsi qu’il mit en évidence, dans ce qu’il appelait lui-même le « paradigme de la comparaison », la relation du borgne et du manchot.

    À Rome, d’après les récits tardifs de Tite-Live, notamment, lors de la 1ere guerre de la République (entre la fin du VIe siècle et le début du Ve, avant notre ère) Tarquin Collatin (qui a fait lui-même, dans la relation avec son père Tarquin le Superbe, d’une analyse tripartie par Dumézil, mais ceci est une autre histoire), À Rome, donc, Tarquin Colattin fait appel au roi étrusque Porsenna pour reprendre Rome à l’armée royale mutinée.

    Dumézil distingue deux épisodes dans cette guerre de fondation (celle de la République romaine).

    Le premier, au début de la guerre, voit un guerrier romain, Horatius Coclès, qui empêche le passage du pont du Tibre (le pont Sublicius) par l’armée étrusque de Porsenna.

    Par quel moyen ? En décochant un regard terrible et noir aux assaillants étrusques qui décampèrent en désordre, permettant aux Romains de reprendre l’avantage. Ce regard perçant, sinon glaçant était d’autant plus aigu qu’il était le fait d’un borgne (Coclès).

    Le deuxième épisode a lieu à la fin de la guerre. Symétrique au premier, il narre l’audace de Mucius Scaevola qui pénètre dans le camp étrusque pour assassiner le roi Porsenna. Mais il se trompe et tue le secrétaire du roi. Amené devant celui-ci, il pose son bras droit sur un brasero qui se trouvait là et le défie en lui disant que 300 autres soldats sont aussi déterminés que lui à tuer le souverain. Très impressionné, Porsenna négocie la paix avec les Romains. Dans le même temps, Scaevola gagne son surnom de « gaucher », en référence à son unique main valide.

    À Rome, ce mythe est présenté comme une histoire terrestre. D’ailleurs, ce sera le grand apport de Dumézil, se heurtant alors aux susceptibilités des historiens romanistes, que d’avoir montré et démontré combien la plus vieille histoire de Rome n’était une mythologie transformée en histoire réelle.

    Mais ce couple du cyclope et du gaucher se retrouve dans le ciel des dieux germano-scandinaves.

    À l’aube des temps, les dieux ont vu naître Fenrir un petit loup qui, portant avec lui la promesse de la perte des dieux, était voué à être attacher avec un lien magique invisible qu’Odin, le père des dieux, avait fait tisser.

    Le jeune loup accepte de se faire ligoter, les dieux prétextant un jeu inoffensif, mais à la condition qu’un des dieux place sa main dans sa gueule pendant l’opération, pour sûreté que cette dernière se déroulera sans fausseté.

    Le dieu Tyr court le risque. Mais, à peine s’est-il exécuté, que la bête, ayant subitement compris qu’elle ne pourrait jamais se détacher, lui coupe le bras.

    À la suite de quoi, Tyr, devient le dieu manchot des procédures juridiques et du droit, le dieu du peuple rassemblé dans le thing, assemblée à la fois politique et judiciaire.

    Quant au borgne, c’est à Odin lui-même qu’il revient d’endosser cette mutilation d’origine volontaire.

    En effet, Odin a accepté de sacrifier son œil en le déposant dans la source de la sagesse, en échange d’une vue plus large et plus profonde et de pouvoirs magiques incoercibles. En temps de guerre, cette magie se manifeste par la puissance de pétrifier, d’immobiliser l’adversaire.

    Dumézil, d’autre part, a souligné l’importance fondamentale d’éclairer les détails par les ensembles.

    C’est ainsi, par exemple, que Mars n’est pas un dieu qui s’étudie en lui-même, isolément des autres, mais bien par rapport à un autre dieu qui lui est supérieur (Jupiter) et également par rapport à un autre qui lui est subordonné (Quirinus).

    Ces trois dieux forment donc un système, Dumézil se hasardant même à parler de structure, à une époque où le structuralisme philosophique triomphait littéralement.

    Sur ce point, d’ailleurs, il fit une mise au point définitive dans son introduction à Mythe et épopée III, où il écrivait : « je ne suis pas, je n’ai pas à être, ou n’être pas, structuraliste. Mon effort n’est pas d’un philosophe, il se veut d’un historien, d’un historien de la plus vieille histoire et de la frange d’ultra-histoire qu’on peut raisonnablement essayer d’atteindre, c’est-à-dire qu’il se borne à observer les données primaires sur des domaines que l’on sait génétiquement apparentés, puis, par la comparaison de certaines données primaires, à remonter aux données secondes que sont leurs prototypes communs, et cela sans idée préconçue au départ, sans espérance à l’arrivée, de résultats universellement valables ».

    Et de poursuivre, plus largement sur le sens de sa démarche épistémologique : « ce que je vois quelquefois appelé ‘‘la théorie dumézilienne’’, consiste en tout et pour tout à rappeler qu’il a existé, à un certain moment, des Indo-Européens et à penser, dans le sillage des linguistes, que la comparaison des plus vieilles traditions des peuples qui sont au moins partiellement leurs héritiers doit permettre d’entrevoir les grandes lignes de leur idéologie ».

    C’est que, tout à sa méthode particulière d’investigation, Dumézil n’a jamais prétendu travailler sur autre chose que de la matière morte – un « cadavre », disait-il.

    Les Indo-Européens en pratique

    Aussi, serait-il bien audacieux, sinon peut-être présomptueux – voire prétentieux – de s’acharner à chercher ce qui demeure de l’idéologie tripartie dans les sociétés actuelles. Bien que nous continuions à parler des langues indo-européennes, il est vain d’espérer poursuivre la quête d’éléments ou signes attestant de la persistance d’une civilisation indo-européenne originelle.

    Dumézil s’en tenant étroitement aux limites de son domaine de constante, minutieuse et infatigable recherche, s’est toujours refusé à énoncer la moindre extrapolation « paralinguistique » ou « para-mythologique » qui eût eu pour effet de fragiliser ses travaux – alors d’ailleurs vivement discutés, notamment chez les romanistes – et eût risqué même de les entacher d’une perte irrémédiable et désastreuse de crédibilité – sur ce point, nous nous contenterons de renvoyer à l’ouvrage salutaire de Didier Eribon, Faut-il brûler Dumézil ?, narrant par le menu les tentatives ineptes et insanes de démolition d’une œuvre rétrospectivement accusée de sympathies nazies.

    Sous cette expresse réserve émise par Dumézil lui-même, il n’est pas interdit, toutefois, de méditer sur ou à côté de l’œuvre, tant celle-ci semble ouvrir de fructueuses pistes de réflexions d’ordre anthropologique notamment.

    De la sorte, est-il permis d’explorer, tout au moins philosophiquement, les voies d’une intériorisation authentique de l’héritage indo-européen, lequel ne se bornerait pas exclusivement à la locution des langues dérivées.

    En d’autres termes, parce que nous sommes des Européens, devons-nous renouer, non pas seulement avec les âges, mais avec une manière d’être et de penser qui a longtemps structuré notre ethos et façonné notre « Vue du monde » – notre Welt-anschauung, pour reprendre ce terme emprunté à la philosophie allemande dont le signifié met clairement l’accent sur la vérité du monde dans sa cosmogonie profonde.

    Si, depuis longtemps – soit au moins depuis la Révolution française –, la « vue du monde » de nos contemporains n’est guère plus soutenue, même implicitement, par l’idéologie tripartie, cette dernière n’en offre pas moins une grille de lecture structurale des plus pertinentes pour interpréter nos temps actuels, et interroger cette fameuse réelle « crise morale » qu’un certain Emmanuel Macron, au début de l’année 2019, s’était, lucidement mais fugacement, aventuré à diagnostiquer.

    Tandis que la valeur explicative des trois fonctions n’acquiert de sens que par l’ordre dans lequel elles apparaissent hiérarchiquement, comme dans leurs rapports entre elles, ainsi que nous l’avons expliqué tout à l’heure, on demeure frappé, malgré tout, par la persistance têtue d’un fait triadique de première importance et qui caractérise en propre notre postmodernité harassée.

    En d’autres termes, l’idéologie tripartie que l’on croyait disparue depuis plus de deux cents ans, semble à nouveau émerger en tant que fait révélateur d’une nouvelle conception du monde symétriquement inverse à celle inventée par Georges Dumézil et qui constituait, nous l’avons dit, l’arrière-plan intellectuel et spirituel de la mentalité des proto-Indo-Européens.

    C’est ainsi, alors, que l’on constate une capitis diminutio de la première fonction, une évaporation de la deuxième et une hypertrophie symptomatique de la troisième.

    Tout d’abord, la fonction française de souveraineté s’est déplacée vers d’autres lieux, quand son correspondant bivalent, représenté par ce qui reste de la fonction sacerdotale-religieuse (l’Eglise catholique, pour être plus explicite), ne cesse de s’étrécir à proportion des fermetures ou destructions d’églises – sans parler de la crise des vocations.

    Ensuite, convenons que la deuxième n’existe quasiment plus, tant depuis la suppression chiraquienne de la conscription, que par le fait de régulières coupes claires dans le budget de la défense. Notons également que, corrélativement, la violence, naguère monopole de l’autorité légitime encadrée par le droit, s’est éparpillée au point de s’insinuer dans toutes les strates de la société (violences intrafamiliales, dans la rue, à l’école, au bureau…).

    Enfin, relativement à la troisième fonction, son poids qualitatif est devenu inversement proportionnel à sa masse quantitative. Sa participation aux deux autres fonctions étant devenue bien plus symbolique que réelle, elle aurait compensé cette « privation », par un surinvestissement au sein de son propre champ fonctionnel : explosion de l’industrie du tourisme et du loisir, consumérisme d’addiction soutenu par le crédit renouvelable, hédonisme sexuel coupé de toute préoccupation reproductrice, déspiritualisation (selon un mot emprunté à Georges Bernanos) couplée à une perte de sens de la nature et de ses lois intrinsèques, égotisme narcissique, individualisme affinitaire (communautarisme de dilection sexuelle, raciale ou culturo-religieuse).

    Ce changement qualitatif qui affecte les tréfonds de notre antique civilisation se laisse d’autant mieux observer à travers une trifonctionnalité appliquée, que Dumézil a maintes fois insisté sur la nécessité d’éclairer les détails par les ensembles.

    Chaque fonction (incarnée par un dieu ou son célébrant, dans l’optique dumézilienne) ne se laisse pas étudiée en elle-même, mais se définit par rapport aux autres fonctions ; la présence d’une fonction explique et limite les deux autres fonctions triparties.

    Cette triade dont les éléments sont interdépendants forme alors un système.

    Partant, il est loisible de comprendre que la carence ou l’insuffisance d’une fonction engendre un déséquilibre de l’ensemble dont les autres éléments constitutifs ne sortent guère indemnes.

    En l’espèce, la place démesurée occupée par la troisième fonction dans nos sociétés apparaît comme la résultante des faiblesses structurelles inhérentes aux deux autres fonctions de souveraineté et de « force ».

    Cette démarche appliquée ne doit pas évidemment pas tendre à surdéterminer l’importance de l’instrument trifonctionnel dont l’usage ne s’éclaire que parce qu’il est originellement le produit d’une mentalité propre aux lointains Européens et commune aux premiers Indiens, Perses, Grecs et Romains.

    Néanmoins, le fait même que ce schème affleure encore nos consciences démontre sa persistance entêtée, lors même qu’il serait aujourd’hui ravalé à la plus stricte insignifiance dans la psyché de nos contemporains.

    Corde tendue au-dessus du présent, entre le passé le plus lointain et l’avenir, la trifonctionnalité demeure aux fondations des murs porteurs de la civilisation.

    Cependant, et pour paraphraser – en en inversant les termes – une œuvre célèbre de Dumézil, la trajectoire suivie par nos sociétés hyper-festives entraîne les hommes sur la pente du déshonneur à proportion de ce qu’ils font tapageusement et vaniteusement profession de reléguer les dieux aux confins des plus noirs exils de l’oubli.

    Aristide Leucate (Institut Iliade, 9 décembre 2021)

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