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Métapo infos - Page 238

  • Parlez-vous le mème ?...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai, sous forme de lexique, d'Anne Tremblay et Paul Francpain intitulé Parlez-vous le mème ? - Une contre-culture numérique de droite. Anne Tremblay est illustratrice et Paul Francpain étudiant en histoire et en sciences politiques. Tous deux fréquentent assidument les secteurs les plus politiquement incorrects et inventifs de la Toile.

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    " Il y a sur Internet des mots, insolents et facétieux comme des lutins ou des farfadets. Des petits êtres lexicaux qui se cachent dans ses forums et ses arcanes. Par magie, ils échappent aux griffes de la pensée unique. Ce sont des incels, des coomers, des chads. Et même des animaux : loups alpha, bêta, gamma ou batracien effronté. La forêt numérique est peuplée de ces créatures libres. Les voici présentées et illustrées.

    La jeunesse est un état d’esprit mais surtout un vocabulaire, qui évolue à vive allure sur la Toile. Parlez-vous le mème ? Anne Tremblais et Paul Francpain vous livrent les secrets de la contre-culture numérique de droite. Un florilège des expressions les plus populaires. "

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  • Pas de pain, mais des jeux ! 2023 sera sportif…

    Nous reproduisons ci-dessous une tribune de François Bousquet, cueillie sur Boulevard Voltaire et consacrée à la crise énergétique qui frappe en particulier les artisans et les petites entreprises.

    Journaliste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020) et Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Pas de pain, mais des jeux ! 2023 sera sportif…

    Du pain et des jeux ! La formule de ce bon vieux réac de Juvénal a traversé avec dignité des siècles d’obscurantisme, mais peut-être ne survivra-t-elle pas au XXIe siècle. On a encore des jeux, on n’a même plus que cela, mais bientôt on risque de ne plus avoir de pain, faute de boulangers. Avec 200, 300, 400 % d’augmentation au 1er janvier sur leur facture énergie, c’est la mise à mort des maîtres du levain. Qui résisterait à une pareille explosion des coûts ? Au moins, dans leur ruine, les boulangers échapperont-ils à la chaise électrique, avec les coupures d’électricité qui s’annoncent, quand bien même le peloton d’exécution aura des allures de peloton d’électrocution. Sur le monument aux morts de la mondialisation, la boulangerie s’apprête ainsi à rejoindre les manufactures de textile, l’agriculture familiale, la métallurgie, les chantiers navals, le nucléaire civil, le minitel, rose ou pas, et j’en passe. Une hécatombe industrielle. Suivront les restaurateurs qui tirent le diable par la queue, les hôtels miteux de province en quête de colporteurs et de VRP qui se font aussi rares que les derniers Cheval blanc et Lion d’or.

    Alors que la baguette de pain vient de faire son entrée sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, elle s’apprête à disparaître de nos assiettes, comme le béret a disparu de nos têtes et de nos toilettes. Ainsi procède la magie de la mondialisation, par ablation. Deux symboles qui s’en vont. C’en sera fini d’une certaine idée de la France. Les Français seront alors pareils aux Italiens selon Voltaire : un peuple de gardiens de musée. Jusque dans leurs villages. Dans le mien, 550 habitants, il n’y a plus de boulangerie depuis quatre ans. L’ultime auberge fermera le 31 décembre. Autant dire que nous sommes en passe de devenir un village fantôme, entre le dortoir pavillonnaire et le mouroir crépusculaire.

    De la start-up nation au modèle Amish

    Les Anciens rendaient un culte au pain, nous au marché. Ils réservaient leurs premières semailles aux déesses de la fertilité, nous à la spéculation. Ils signaient d’une croix leur pain quotidien avec un couteau avant de se signer. Nous, on saigne les boulangers. Franchement, si avec cela il n’y a pas de nouvelles révoltes frumentaires, c’est à n’y rien comprendre. L’une des dernières remonte à la guerre des farines, au printemps 1775. La guerre de l’électricité risque d’en ouvrir de nouveaux chapitres. Gilets jaunes et épis d’or.

    On cherche en vain un début de commencement de politique énergétique en France. Il n’y en a pas. C’est le « modèle Amish » brocardé par Macron qui prévaut à Matignon et à Bercy. Les économies de bouts de chandelle : soit le col roulé en cachemire de Bruno Le Maire, la doudoune chic d’Élisabeth Borne, l’étendoir à linge sur la baignoire en marbre de Gilles Le Gendre. Attention : on parle des plus belles intelligences de France. Je cite Bruno Le Maire : « Mon intelligence est un obstacle. » Et Gilles Le Gendre : « Notre erreur est d’avoir probablement été trop intelligents, trop subtils. » Vous vous rendez compte de ce qu’aurait fait Michel Audiard avec des zozos pareils : il les aurait mis sur orbite géostationnaire à mi-chemin de la constellation de la métaconnerie et du zodiaque de la surdébilité.

    Notre gouvernement est comme Charles de Rohan, alias le prince de Soubise, qui cherchait son armée en déroute avec une lanterne au soir de la défaite de Rossbach. Cela se passait pendant la guerre de Sept ans, au milieu du XVIIIe siècle. À l’époque, l’ennemi, c’étaient les Prussiens. Aujourd’hui, tout indique que c’est l’Allemagne, ne nous en déplaise, bien aidée par la médiocrité de nos dirigeants. L’audition d’Henri Proglio, ex-patron d’Électricité de France, j’ai nommé EDF, devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, en fournit la preuve accablante. Ce n’était d’ailleurs pas une audition, mais une oraison funèbre du Grand Siècle, Bossuet penché sur le corps d’Henriette d’Angleterre. Madame Électricité de France se meurt, Madame Électricité de France est morte. « La transition énergétique allemande s’est transformée en catastrophe absolue », dixit Proglio. Et d’enfoncer le clou : « Comment voulez-vous que ce pays [l’Allemagne], qui a fondé sa richesse sur son industrie, accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF ? » Comment ? En démantelant le géant français pour le transformer en une sorte d’« Autriche-Hongrie rabougrie » avec un parc nucléaire en voie de soviétisation avancée. Sur sa lancée, Proglio recommande de sortir du marché européen de l’énergie, à la suite de l’Espagne et du Portugal. Nous n’en prenons pas le chemin. Depuis dix ans, le gouvernement ouvre des pistes cyclables et ferme des centrales. Autant financer des voitures électriques… sans électricité.

    Mourir pour Zaporijjia

    La stratégie de la France, c’est qu’il n’y a pas de stratégie, sinon la soumission aux délires éoliens des Verts, la subordination aveugle à l’Allemagne et l’alignement idéologique sur Bruxelles. Si gouverner, c’est prévoir et pouvoir, on n’aura eu ni l’un ni l’autre. Rien qu’une suite de mauvaises décisions et d’indécision qui nous auront conduit au bord de la rupture d’approvisionnement. Nul dans l’anticipation du risque, nul dans la prise décision, nul dans la gestion de crise. La manne du gaz russe a longtemps masqué ces défaillances en série. La Russie, c’est 40 % du gaz utilisé dans l’Union européenne. On peut s’en priver, mais s’en priver c’est accepter de vivre dans une chambre froide les mois d’hiver. Or, loin des plateaux télévision, les gens ne veulent pas se grelotter pour la défense de Kherson ou la centrale de Zaporijjia, pas plus qu’ils ne voulaient hier mourir pour Dantzig. Surtout quand les factures explosent et les revenus stagnent.

    Voilà où nous a mené une élite exclusivement régentée par les lois de la consanguinité et de l’entre soi. La cooptation du même par le même, partout. Dans les grandes écoles, dans les ministères, dans les médias centraux, dans les institutions. On ne peut en ouvrir les portes qu’à la condition de psalmodier le discours dominant, seul légitime, celui de l’ouverture sans restriction, sauf au cœur de ladite élite, elle totalement verrouillée. Tout ce qui dépasse est étêté. Le critère de sélection, c’est une médiocrité de bon aloi, radieuse et décontractée dans le prêt-à-porter de son confort intellectuel. Bref, l’uniforme de l’uniformité. En voir un, c’est les voir tous ; en entendre un, c’est les entendre tous. On sait sur quels boutons appuyer – pour qu’ils s’indignent, pour qu’ils se pâment d’admiration, pour qu’ils capitulent. Zéro pointé, on l’a dit. Au moins Néron, devant Rome qui brûlait, déclamait des vers en jouant de la harpe, Macron, lui, enlace lascivement Kylian Mbappé et Bruno Le Maire poste sur son compte Instagram le roman-photo de sa collection hiver de moufles et cols roulés en nous expliquant qu’il va provoquer l’effondrement de l’économie russe. On y croit.

    Le petit mitron, c’est le petit Macron

    Certes, il faut se méfier des comparaisons par-dessus les siècles, mais les points communs ne manquent pas entre la libéralisation du commerce du grain sous l’Ancien Régime et la libéralisation du marché de l’énergie en Europe. Même vœu pieux, même intentionnalité libérale, même acharnement à se tromper. Dans les deux cas, il s’agissait de supprimer la réglementation pour favoriser la libre circulation – des grains ou de l’énergie – dans l’espoir que les prix baissent. Dans les deux cas, ils ont augmenté, sous les ministres Choiseul et Turgot, sous les ministres Borne et Le Maire. Dans les deux cas, une cause extérieure est venue amplifier les problèmes : les mauvaises récoltes ou la guerre en Ukraine. Résultat : à la veille de la Révolution, les émeutes de la faim se succèdent. Elles ne suffiront pas à faire la Révolution, mais elles ressemblent rétrospectivement à un coup de semonce. « Nous ramenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron », braillaient les Parisiennes quand elles allèrent chercher la famille royale à Versailles en octobre 1789. Le petit mitron aujourd’hui, c’est le petit Macron.

    François Bousquet ( Boulevard Voltaire, 20 décembre 2022)

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  • La Condamnation de l’Action française...

    Les éditions Kontre Kulture ont réédité récemment une étude historique de Philippe Prévost intitulée La condamnation de l'Action française. Historien, essayiste et docteur es lettres, Philippe Prévost a publié de nombreux essais historiques, dont La France et la déclaration Balfour (Erick Bonnier, 2018).

     

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    " Le 29 décembre 1926, la Congrégation du Saint-Office met à l’index cinq livres de Charles Maurras ainsi que le journal de l’Action française. Bien que cette dernière multiplie les gestes de bonne volonté, Rome refuse toute discussion et durcit ses mesures disciplinaires envers les dirigeants de l’AF : privation des sacrements, de la confession, refus de l’enterrement religieux, etc., mais également contre les prêtres qui contourneraient ces interdictions. Une véritable chasse aux sorcières se met en place, avec délations et punitions. Mais alors que les dirigeants de l’Action française sont accusés de nier Dieu, les mystères de l’Incarnation, les dogmes et toute morale, on peut se demander si cette condamnation est véritablement religieuse ou si elle n’obéit pas en réalité à des motivations politiques. En effet, le plébiscite des idées de Maurras inquiète les démocrates-chrétiens et Rome n’a comme seul vrai reproche que le refus du ralliement par un mouvement royaliste et résolument antirépublicain. Pour répondre à cette question, l’auteur a mené une authentique enquête, fouillant dans les archives du Vatican, mais également dans divers fonds privés ou publics, découvrant lettres, notes personnelles, témoignages et coupures de journaux.

    On pourrait croire que cette condamnation ne fut qu’un épisode sans conséquence de l’histoire tourmentée des relations de l’Église avec sa fille aînée, la France. Ce serait une grande erreur, car la déchirure qui se produisit alors au sein de la communauté catholique joua un rôle prépondérant dans son affaiblissement – faisant perdre la foi à de nombreux catholiques – et poussa à la nomination de cardinaux ralliés qui seront particulièrement actifs lors du concile Vatican II. Mais surtout, cette fracture est encore présente aujourd’hui, empêchant toute action cohérente des catholiques qui, par refus de tout lien avec ce qui est qualifié d’ « extrême-droite », finissent par se rallier, eux aussi, au système en place. "

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  • Violence sociale : la lucidité de Dionysos...

    Le 19 décembre 2022, Rémi Soulié recevait, sur TV libertés, Michel Maffesoli à l'occasion de la réédition de son essai, L’ombre de Dionysos (Cerf, 2022).

    Penseur de la post-modernité, ancien élève de Julien Freund et de Gilbert Durand, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019) ou, dernièrement, La faillite des élites (Lexio, 2019).

     

                                                 

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  • Art, ésotérisme et politique...

    Les éditions L'Harmattan viennent de publier le numéro 36 de la revue Politica Hermetica consacré au thème "Art, ésotérisme et politique". On y trouvera notamment un article consacré au peintre russe Nicolas Roerich et un autre au peintre et sculpteur futuriste italien Giacomo Balla...

     

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    " À la différence de ce qui s'est produit pour les périodes antérieures, ou encore dans le domaine des arts asiatiques, les interactions entre courants ésotériques et activités artistiques, à l'époque contemporaine, ont quelque peu tardé à faire l'objet d'enquêtes scientifiques approfondies - y compris chez les historiens de l'ésotérisme. Certes, des institutions pionnières comme l'emblématique Warburg Institute et son fameux Journal ont, dès l'entre-deux-guerres, mis en valeur ces relations et imposé leur prise en compte dans l'histoire du Moyen Âge ou celle de la Renaissance. De surcroît, l'Institut en question a également innové en termes d'approches et de méthodologie(s), intégrant à l'histoire de l'art les perspectives liées à l'histoire des idées, à l'anthropologie sociale, à la psychologie, voire aux « sciences occultes ». Toutefois, par rapport à celle de leurs manifestations antérieures, l'étude de l'art contemporain et de ses liens avec l'ésotérisme exige à son tour une démarche critique renouvelée, qui reconnaisse en particulier, dans les deux pôles en présence, des registres fortement imbriqués de la modernité « occulturelle ». Ainsi ce volume illustre-t-il, à propos d'exemples concrets très diversifiés, plusieurs modalités de cet échange vivant entre magie et style, énergie et forme(s), psychisme et plastique, dont participe au fond toute expression artistique. "

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  • De quelle décadence parle-t-on ? Retour sur le débat Houellebecq-Onfray...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jure Georges Vujic à Polémia dans lequel il revient sur le débat entre Michel Houellebecq et Michel Onfray, publié ce mois-ci par la revue Front Populaire

    Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011),  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015) et Les convergences liberticides - Essai sur les totalitarismes bienveillants (L'Harmattan, 2022).

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    De quelle décadence parle-t-on ? Retour sur le débat Houellebecq-Onfray

    La revue Front populaire vient de publier une longue conversation entre l’écrivain Michel Houellebecq et le philosophe Michel Onfray sur le thème de la fin de l’Occident. Quel regard portez-vous sur ce thème ?

    L’idée de fin, de décadence ne date pas d’hier est l’on se souvient du vaste mouvement littéraire et artistique qui s’est développé en Europe au cours des vingt dernières années du xixe siècle et qui a donné ses lettres de noblesse avec Paul Bourget, Jules Barbey d’Aurevilly, Péladan ou Huysmans, et plus tard Valéry, et dans le domaine de l’histoire avec Spengler, Gibbon, Toynbee. Déjà dans l’entre-deux-guerres on parlait de l’agonie de l’Europe, alors qu’en 1921, s’inscrivant dans le sillage de Paul Valéry, Hofmannsthal se demandait « si “Europe”, en tant que vocable exprimant un concept spirituel, a cessé d’exister ». Onfray et Houellebecq ont le mérite d’ouvrir les véritables thématiques civilisationnelles de notre époque : déclin, peine de mort, grand remplacement, islam, transhumanisme, féminisme, spiritualité, euthanasie… qui sont autant de symptômes de ce qu’on appelle l’occidentisme. D’autre part, même si les deux penseurs se gardent bien d’adopter une posture r, il subsiste néanmoins en fin de lecture une sorte de non-dit, d’inachevé quant au telos, quant à l’interprétation téléologique du discours décliniste, une ambiguïté qui aboutit à mon sens à une forme de confusion sémantique et épistémologique entre l’idée et les vocables d’Occident et d’Europe qui se trouvent très souvent assimilables, voire interchangeables, tout au long de la conversation. Or le propre du désordre multiforme de l’époque contemporaine réside en premier lieu dans la confusion sémantique, qui va de l’altération, du déni de sens, au travestissement et la dénaturation des mots, du langage. Houellebecq à ce sujet pose la question qui est le dilemme central, après avoir fait le diagnostic acerbe et juste du déclin : « Je veux bien défendre l’Occident, mais encore faut-il qu’il mérite d’être défendu. » Car si l’on choisit de défendre l’Occident dans une perspective politique et culturelle de renaissance, sommes-nous bien sûrs de défendre ipso facto l’Europe en tant que culture et essence spirituelle ?

    Pouvez-vous clarifier cette confusion entre Europe et Occident ? Qu’est-ce qui différencie la civilisation occidentale de l’idée d’Europe ?

    Dans l’ouvrage Assomption de l’Europe, Raymond Abellio observe que « l’Europe est stable dans l’espace et la géographie, tandis que l’Occident est mobile ». Le concept d’Occident a évolué au cours de l’histoire et, déjà au xviiie siècle, on parlait de l’Occident comme du « Nouveau Monde » et du « système américain » par opposition à « l’hémisphère oriental » (Europe, Afrique et Asie), alors que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et du monde bipolaire, l’Occident était assimilé à l’Europe de l’Ouest et ses alliés (USA et Grande-Bretagne) par rapport au bloc de l’Est et à l’Union soviétique. Aujourd’hui, l’Occident comprend tous les pays économiquement développés, industrialisés et modernisés du monde, y compris le Japon, Taïwan, la Corée du Sud et l’Australie, ainsi que les anciens pays communistes, les États-Unis et l’Amérique du Sud. Le philosophe Alfred Korzybski rappelle qu’« une carte n’est pas un territoire » afin de montrer que le sens sémantique d’une sphère culturelle ou civilisationnelle ne coïncide pas nécessairement avec des catégories géographiques. Et en effet, aujourd’hui, l’Occident ne constitue pas une entité géographique homogène, mais une catégorie mentale transnationale qui transcende les spécificités nationales, ethniques et religieuses. La grande erreur de Huntington a été d’essayer de réduire l’Occident à des entités nationales et ethniques fermées, car aujourd’hui il n’y a plus de carte claire de l’Occident. On pourrait dire que tout ce qui constitue « l’occidentalisme » en tant que « mental spécifique » dans la « façon de penser et d’agir », dans la sphère sociale, culturelle, économique et politique appartient à l’Occident : démocratie de marché, économie de marché, héritage des Lumières, individualisme, idolâtrie de la technoscience, rationalisme, société de consommation. Par conséquent, la question du déclin de la civilisation européenne serait alors intimement liée par une sorte de nœud causal à l’émergence et la domination de l’Extrême-Occident. On pourrait même en conclure que les processus de déliquescence politique, sociétale et culturelle de l’Europe correspondent à la surextension du modèle extrême-occidental avec aujourd’hui toutes ses déclinaisons sociétales telles que la cancel culture, le wokisme, l’idéologie du genre, le transhumanisme, etc. L’Extrême-Occident serait en quelque sorte l’Europe après l’Europe, une Europe aux valeurs inversées, évoquée par le philosophe tchèque Jan Patocka selon lequel nous vivons dans le monde de l’« après Europe », que Patocka situait dès la fin de la Première Guerre mondiale. Une Europe dévoyée spirituellement par la « globalisation marchande » et « l’ère planétaire ». S’interrogeant sur l’héritage européen, Patocka constate avec raison que l’Europe a renié son identité originelle et sa vocation première, celle du « soin de l’âme » – thème socratique –, sacrifiant à l’adoption généralisée et démesurée du seul calcul de la puissance et des reliquats de sa suprématie déchue.

    Les États Unis sont-ils le principal vecteur d’occidentalisation dans le monde ?

    Il convient de rappeler que c’est au xixe siècle en Amérique que le mot « Occident » a été créé comme terme politique, afin que le nouvel État américain prenne ses distances avec le vieux continent européen. Cela est évident dans les premiers discours du président américain Jefferson, qui affirmait que l’Amérique représentait un « hémisphère séparé », ou un « méridien distinct » qui séparerait à jamais « l’hémisphère américain » de l’Europe. Dans l’hémisphère américain, comme il l’a appelé prophétiquement, « le lion et l’agneau vivront en paix l’un avec l’autre ». Après cela, la déclaration du président Monroe, qui deviendra plus tard la doctrine Monroe officielle, interdisait à toute puissance européenne d’intervenir dans l’hémisphère occidental américain. Une telle construction sémantique et géopolitique de « l’hémisphère occidental américain » reflète une profonde différence entre l’Europe et l’Occident, qui diffèrent par essence et dans le sens spirituel et géopolitique. Une telle division reposait sur l’opinion que ces deux entités, l’européenne et l’occidentale, ces deux mondes, l’ancien et le nouveau, étaient radicalement opposés. C’est à cette époque que se sont cristallisées les visions manichéennes de l’Amérique comme patrie de la liberté et de l’égalité, et de l’Europe comme pays d’inégalité sociale et d’esclavage, de l’Amérique comme pays de paix et d’harmonie, et de l’Europe comme pays de guerre et de corruption. Ainsi, le « méridien occidental » a toujours été au service du maintien de la dichotomie binaire manichéenne du bien et du mal. On retrouve la filiation d’une telle vision de l’extrême Ouest américain dans le protestantisme puritain militant, qui prônait le retour à la terre promise en tant que peuple élu. À cet égard, la doctrine Monroe est une transposition politique et sécularisée d’une telle mentalité américaine sécessionniste. On pourrait dire que dans ce contexte la prophétie de Hegel s’est réalisée : « L’Amérique s’opposera à l’Europe dès qu’elle aura conquis les pays continentaux de la frontière occidentale de l’océan Pacifique. » Ainsi, ceux qui identifient aujourd’hui l’Europe à l’Occident, en dépit des discours philosophiques et historiques fondamentalement divergents, accepteraient consciemment ou inconsciemment la vision américaine du monde qui cherche à intégrer l’Europe dans la nouvelle matrice de l’Extrême-Occident (États-Unis et sphère mondialiste). D’autre part, le principal vecteur d’« occidentalisation » dans le monde et pas seulement en Europe réside dans le soft power de l’idéologie techno-utopiste californienne qui se diffuse par le biais d’une disruption technologique permanente et qui parachève le vaste processus de colonisation de l’imaginaire européen depuis la première modernité jusqu’à nos jours.

    Étant donné que l’Occident d’aujourd’hui constitue un système-monde américano-centré où prédominent l’utilitarisme pragmatique protestant et le rationalisme technoscientifique, l’Extrême-Occident symboliserait « l’âge de fer planétaire » contemporain dont parle Edgard Morin, dans lequel les processus et phénomènes accélérés de modernité et de postmodernité métastasent, conduisant à des extrêmes (anomie sociale, liberté réduite à un code de consommation, règne de la quantité, primauté de l’économie et de l’utilitarisme dans toutes les sphères de la vie, etc.) qui se manifestent dans les mégalopoles occidentales, de Londres et New York à Tokyo. Un Occident qui, s’étant détaché du centre spirituel incarnant le « nomos européen » et la continentalité tellurique schmittienne, intègre au contraire et promeut la fluidité néo-libérale, une civilisation technoscientifique dévastatrice. Cet Extrême-Occident n’est rien d’autre que le reflet d’une image pervertie, voire inversée, de l’esprit européen qui, quelque part au tournant du xvie siècle, avec la pénétration de l’interprétation protestante-humaniste du monde et la lutte contre la Renaissance chrétienne et le platonisme, a donné naissance aux Lumières, sous l’influence de l’empirisme anglo-saxon et du positivisme libéral. C’était l’époque où, avec le processus de sécularisation d’individualisation, la spiritualité, la politique, la culture et l’éthique se dissolvaient déjà de l’intérieur, processus du « désenchantement du monde » évoqué par Weber.

    Y a-t-il alors selon vous un sens à donner à la résistance face à ce processus de déclin de l’Occident ?

    On le voit bien, l’Extrême-Occident est une dynamique de flux sans territoire et limites précises, car, depuis la chute de l’Union soviétique, la délimitation de « l’aire occidentale » en tant qu’espace de culture commune s’est élargie, mais elle reste mouvante selon les circonstances et les points de vue, surtout si l’on prend en compte les mouvements d’immigration massive et les bouleversements démographiques au niveau global. Les pays ou les régions qui constituent à l’heure actuelle l’Occident ne peuvent pas être identifiés de manière fixe : ceci en raison du fait que la notion même d’Occident renvoie à des dimensions culturelles, idéologiques, politiques, économiques et sociales diverses et difficiles à définir. Même si certains pays sont fréquemment associés à la notion d’Occident : l’Europe de l’Ouest et l’Europe centrale, mais aussi les anciennes colonies d’outre-mer car elles sont encore majoritairement peuplées d’Européens (Amérique du Nord, Australie et Nouvelle-Zélande), et il se pourrait bien que, dans quelques années, l’Occident au gré des brassages culturels et des bouleversements démographiques corresponde à une vaste zone géoculturelle indifférenciée de consommation uniforme, où les peuples autochtones et les cultures populaires et nationales auront disparu. La délimitation du concept d’Occident est donc subjective, c’est-à-dire qu’elle dépend de la périodisation, des interlocuteurs et des circonstances historiques. L’Occident impérial durant l’Antiquité tardive (Imperium romanum, pars occidentalis) n’est pas celui de l’Occident du Moyen Âge, de la Res publica christiana, l’Occident de la Révolution française était la négation de l’Occident chrétien monarchiste, tout comme l’Occident de la modernité industrielle du début du xxe siècle n’a rien à voir avec l’Occident postnational du xxie siècle. À travers ce vaste mouvement historique de mutation de l’idée occidentale, l’occidentalisation en tant que fer de lance idéologique de la modernité progressiste révolutionnaire a plutôt agi à l’encontre de l’Europe en tant que communauté organique et charnelle. L’Occident ayant embrassé le discours dominant mondialiste, libéral et sansfrontiériste, était devenu le principal agent de dissolution et de dépossession identitaire et culturelle des peuples européens. Le sentiment contemporain de dépossession et d’insécurité culturelle des sociétés européennes s’inscrit donc dans cette continuité de dissolution. C’est aussi pourquoi certaines nations extra-européennes et perdantes de la mondialisation réagissent à la « Westoxification » (empoisonnement par l’Occident) de leurs sociétés.

    Il y a d’autre part dans le terme Occident emprunté au latin occidens quelque chose de fataliste et de prémonitoire, puisqu’il est composé de cadere qui signifie « tomber, choir », « succomber, périr », ce qui supposerait que l’Occident (traduire littéralement « soleil couchant ») porterait en soi dès les origines les germes de son propre déclin et c’est ce qu’avait développé Spengler dans Le Déclin de l’Occident à travers la démesure de sa phase faustienne, la mécanisation du monde étant entrée dans une phase d’hypertension périlleuse. Les symptômes de la décadence de la modernité : le désenchantement du monde, sa quantification, sa mécanisation, l’abstraction rationaliste et la dissolution des liens sociaux, ont été consommés il y a longtemps, que le mal postmoderne accentue sous les formes nouvelles et délétères d’un nouveau progrès technofuturiste du transhumanisme, du wokisme, l’indifférenciation des genres, mais ce qui est nouveau c’est que ce même processus déliquescent dilue en quelque sorte les maux de la modernité, tout en liquidant toute foi en un projet reconstructeur ou refondationniste. Ce mal est par essence un mal postgénérationnel, posthistorique, puisqu’il s’efforce de dissoudre l’idée même de responsabilité et de transmission générationnelle. Ne pas s’attaquer aux racines du mal reviendrait à reconduire les effets déliquescents. Alors, l’ultime posture subversive (voire restauratrice ou patrimonialiste), se réduira à sauver en quelque sorte les « pots cassés » de ce qu’il reste de l’identité européenne. Sauvegarder les restes d’une culture occidentale muséifiée sans ressort vital, et se faire les gardiens d’un patrimoine, d’un héritage sans héritiers. Le dissident, le rebelle se transformerait alors en archiviste de musée, faisant l’inventaire des lieux « avant liquidation » en attendant la fermeture définitive.

    Jure Georges Vujic (Polémia, 14 décembre 2022)

     
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