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Métapo infos - Page 239

  • La déterritorialisation des terres : un changement civilisationnel...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue consacré à la « déterritorialisation des terres » , cueilli sur le site Champs communs - Le laboratoire d'idées de la reterritorialisation animé par Guillaume Travers.

    Professeur d'économie, Guillaume Travers est chroniqueur à la revue Éléments et a notamment publié Pourquoi tant d'inégalités ? (La Nouvelle Librairie, 2020), Économie médiévale et société féodale (La Nouvelle Librairie, 2020), Capitalisme moderne et société de marché (La Nouvelle Librairie, 2020) et La société de surveillance, stade ultime du libéralisme (La Nouvelle Librairie, 2021).

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    La déterritorialisation des terres : un changement civilisationnel

    « Déterritorialisation des terres » : l’expression est paradoxale. Et pourtant, c’est bien de cela dont il s’agit : des terres transformées en purs actifs financiers, échangées dans le monde entier par des sociétés anonymes dont les gérants ne les habiteront jamais ; des terres qui ne vaudront que comme placements ou sources de dividendes. Le phénomène est difficile à mesurer, car les statistiques disponibles ne le saisissent pas, mais il s’accélère massivement. Tentons un état des lieux.

    Un état des lieux

    En France, l’un des premiers signaux d’alerte s’est allumé en 2015, lorsque deux entreprises chinoises ont racheté 1 700 hectares de terres agricoles dans l’Indre. Le phénomène n’était pas complétement nouveau : on savait ces achats de terres massifs sur d’autres continents, et l’on avait déjà vu des vignobles passer dans des mains étrangères. Mais l’annonce a néanmoins fait l’effet d’une petite bombe – c’était là des champs de blé et d’orge. Un livre récemment paru, Hold-up sur la terre, montre que les acheteurs ne sont pas qu’étrangers : nombre de petites exploitations et de parcelles sont rachetées par des groupes industriels et des entreprises de la grande distribution, Fleury Michon ou Chanel. Les prix payés pour ces achats dépassent tout ce que les jeunes agriculteurs peuvent raisonnablement débourser pour s’installer. À petit feu, l’agriculture cesse d’être familiale, pour être confiée à des multinationales gestionnaires embauchant des travailleurs agricoles non propriétaires. Il est à craindre que la tendance s’accentue soudainement, car la moyenne d’âge chez les agriculteurs est élevée, et plus de 160 000 exploitations devront trouver un successeur dans les trois ans à venir. Enfin, dernière révélation récente : la terre intéresse aussi les très grandes fortunes. Aux États-Unis, le plus grand propriétaire de terres arables n’est autre que Bill Gates, le fondateur de Microsoft, qui détient 97 000 hectares de champs répartis sur 18 États – et qui a bien du mal à expliquer publiquement les raisons de ces achats.

    Le même mouvement touche aussi les forêts. Le bois bénéficie de la mode des énergies « vertes », mais ce n’est guère une bonne nouvelle pour la gestion des forêts, qui se voit industrialisée : des parcelles entières rasées et replantées avec une seule espèce – celle qui convient le mieux à la demande du marché. Là encore, un livre récent, Main basse sur nos forêts, tente d’alerter l’opinion. Et là aussi, la question des achats par l’étranger devient saillante. Plus de 30% du bois français partirait vers l’étranger avant d’être transformé, et notamment vers la Chine, dont les importations de chêne ont bondi de 42% sur un an (et de 66% pour les résineux).

    Notons, pour clore brièvement le constat, que des tendances comparables touchent aussi le foncier urbain. Au Canada, dans des villes comme Toronto ou Vancouver, plus du tiers de l’immobilier serait possédé par des acteurs chinois. À New York, des débats intenses ont récemment eu lieu s’agissant de certains gratte-ciel autour de Central Park, qui passent de sociétés financières en sociétés financières, sans même être habités. De purs placements.

    La rupture du lien à la terre

    Le fait de pouvoir acheter des terres n’importe où dans le monde paraît normal à la plupart de nos contemporains. Cela ne choque la majorité, au mieux, que dans quelques cas extrêmes. Si l’on considère la longue durée historique, c’est pourtant quelque chose de tout à fait neuf.

    Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire des institutions européennes, une distinction très nette est toujours établie entre les biens immobiliers et les biens mobiliers. Ces derniers, que l’on parle de troupeaux ou de monnaie, ont très tôt été l’objet d’échanges, y compris avec des étrangers. À l’inverse, c’est un pléonasme d’affirmer que le propre de l’immobilier, c’est d’être immobile. Contrairement aux biens meubles, les Européens se sont toujours représentés la terre comme quelque chose qui ne peut pas être liquide, échangeable avec n’importe qui. La terre n’est pas un simple bien matériel, c’est le lieu sur lequel se déploie l’existence d’une lignée ou d’une communauté. Ce fait se laisse voir par de multiples exemples. Ainsi, dans le monde antique, là où les biens mobiliers sont échangés sans formalisme abondant (selon un modèle propre aux transactions commerciales), l’échange de la terre était beaucoup plus rare et formalisé par des cérémonies de nature religieuse : en faisant passer la terre de mains en mains, on délogeait les divinités familiales qui y habitaient, et cela ne pouvait être un acte anodin. Depuis l’Antiquité et jusqu’à la Révolution de 1789, une pratique comme celle du retrait lignager évitait la dispersion du patrimoine des lignées, en permettant précisément de ramener un bien dans le lignage quand celui-ci devait être vendu. Quant à la qualité d’une terre, elle n’a longtemps pas été pensée comme quelque chose de purement objectif ou matériel. On pensait au contraire qu’une terre était meilleure si des lignées illustres y avaient résidé : toujours, la valeur de la terre était représentée comme intrinsèquement liée à l’identité de ceux qui y avaient vécu ou y vivaient toujours. Sous des formes diverses, ces grands traits se retrouvent, pour autant qu’on puisse les reconstituer, depuis les civilisations indo-européennes jusqu’à la fin du Moyen Âge, en passant évidemment par l’Antiquité grecque et latine et par le monde germanique.

    La distinction très forte longtemps établie entre mobilier et immobilier avait un grand nombre de conséquences pour la structure de l’ordre social. Tout d’abord, la terre avait toujours une dimension politique. Elle était le bien des citoyens ou des membres de la communauté et n’était jamais cédée, ou presque, à des étrangers hors de la cité ou de la communauté. Pour cette raison, l’attachement à la terre était aussi le fondement du pouvoir – aussi bien à Rome que dans le monde féodal. Mais, et c’est ce qui est ici le plus important pour nous, le traitement spécial accordé à la propriété de la terre fut associé à tout un univers mental. La terre n’était pas un bien coupé des hommes, mais une chose à laquelle ils étaient intimement reliés. Elle était considérée comme ce qu’il y a de plus sûr (une perception qui demeure encore aujourd’hui en Europe, ce qui n’est pas le cas dans toutes les aires culturelles, où les biens considérés comme les plus sûr son parfois des meubles, comme les bijoux). Enfin, là où les biens mobiliers sont liquides, homogènes (rien n’est plus similaire à une pièce de monnaie qu’une autre pièce de monnaie), et peuvent être accumulés en théorie sans fin, l’immobilier est associé à l’image d’un monde profondément divers et borné. L’idée que l’on puisse accumuler sans fin des terres, considérées seulement pour leur superficie ou leurs qualités abstraites, est un non-sens dans le monde européen prémoderne.

    On mesure donc la révolution que constituent les dynamiques actuelles d’accaparement, où les terres ne valent plus, aux yeux de ceux qui les achètent, comme lieux différenciés et habités d’une âme, mais comme source de profits, ou comme simples « actifs sûrs » pour l’investissement. Historiquement, ce bouleversement est le fruit de la Révolution française et du Code civil, qui ont fait triompher une conception purement individualiste et absolue de la propriété. L’accélération très récente de la concentration de la terre dans les mains de groupes internationaux est un fruit direct de l’amplification de la mondialisation – mais qui ne doit pas faire oublier ces causes plus anciennes. Dans le cas des terres agricoles, la rupture se manifeste nettement dans le fait que les parcelles ainsi achetées ne sont plus travaillées par des paysans attachés à un champ particulier, mais par des simples travailleurs agricoles, possiblement tout aussi mobiles que les capitaux qui les emploient.

    Les périls de l’industrialisation

    Si la « déterritorialisation de la terre » heurte notre sensibilité, elle est aussi porteuse de périls graves. Elle témoigne d’un rapport pathologique, purement utilitariste et court-termiste, à notre environnement. Car l’autre face de la marchandisation de la terre, c’est son industrialisation, sa gestion technique, comme une ressource distante, afin de maximiser la profitabilité immédiate du sol.

    Les dangers sont particulièrement nets dans le cas des parcelles forestières, dont l’intérêt stratégique est depuis longtemps connu. Au XVIIe siècle, alors que la construction d’un navire peut nécessiter l’abattage de 4000 chênes centenaires, Colbert pense la politique forestière de la France à l’horizon d’un siècle au moins. Récemment, la Chine a fait de même, interdisant l’abattage de tout chêne dans le pays pour une durée de 99 ans. La Russie a suivi, en interdisant les exportations de bois. Alors qu’elle a longtemps été un modèle de gestion forestière, la France subit aujourd’hui de plein fouet les ravages de la marchandisation. La pression commerciale pousse à couper des arbres très anciens, à une vitesse qui ne permet plus leur renouvellement. L’absence de régulation stricte, qui se fonde sur l’illusion libérale selon laquelle rien n’est stratégique localement, car tout pourra toujours être acheté ailleurs, menace tôt ou tard certains de nos approvisionnements. Une part croissante de ces ressources stratégiques part à l’étranger  alors que, dans un mouvement inverse, nombre de pays réduisent leurs exportations. À la faveur de discours industriels vantant la « biomasse » et l’« économie verte », les parcelles déboisées sont souvent replantées avec une espèce unique, poussant vite et qui permettent d’optimiser l’utilisation de l’espace. Les conséquences écologiques sont parfois désastreuses : gérée par des coupes franches de parcelles entières, la forêt perd en diversité, et cesse d’être un écosystème vivant pour devenir une plantation industrielle d’arbres. De tels maux sont particulièrement nets sur les terres achetées par des multinationales afin de « compenser » leurs émissions de carbone par des plantations d’arbres. Certaines de ces parcelles n’ont parfois plus rien de naturel, et deviennent paradoxalement des déserts biologiques.

    Les périls d’une gestion trop distante planent aussi sur les terres agricoles. Gérées de manière industrielle, elles sont converties afin de produire les marchandises les plus échangeables internationalement. Dans le contexte actuel, les cultures destinées à la production de bio-carburants tiennent le haut du pavé, et raison notamment des subventions et du regard public favorable dont elles jouissent. Sur le temps long, le développement à grande échelle des bio-carburants est cependant un leurre. Tout d’abord, les terres étant limitées, leur exploitation à des fins énergétiques se fait au détriment de la production alimentaire – humaine ou animale – , de sorte que l’indépendance en ce domaine est remise en cause. Ensuite, ces activités, qui valent avant tout par la quantité de biomasse produite, sont particulièrement épuisantes pour les sols (il s’agit de planter de priorité ce qui pousse « beaucoup » et « vite ») et sont souvent très gourmandes en intrants. On voit poindre là un danger majeur : le jour où les biocarburants cesseront de bénéficier de subventions directes ou indirectes, l’intérêt des industriels s’en détournera, et l’on réalisera que des millions d’hectares de terres ont été appauvris par des politiques à trop court terme. Le sol est, lui aussi, une ressource épuisable et stratégique qu’il convient de gérer sur le temps long. La marchandisation des terres n’y participe guère.

    Conclusion

    Un pays dont le peuple n’est plus maître de ses terres est en danger : parce qu’il s’expose à des crises majeures mais aussi parce qu’il cesse d’habiter son environnement et de nouer avec lui des liens intimes. Des garde-fous ont longtemps existé, même à l’époque moderne, pourtant dominée par l’absolutisation du droit de propriété : les Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) pour réguler la vente des terres agricoles, et l’ONF (office national des forêts) pour gérer les forêts. Malheureusement, par manque de volonté politique, ces deux structures ont été laissées à l’abandon. Dans les deux cas, le tarissement des fonds publics a été compensé par un financement privé, qui a pour partie modifié la nature de ces organismes : financés par des prélèvements sur les ventes de terres agricoles, ou par les ventes de bois, ces institutions ont désormais, davantage que par le passé, intérêt à maximiser les transactions et l’exploitation industrielle des ressources… donc à accompagner le pillage des terres et le démantèlement du patrimoine commun. En miroir, de plus en plus de pays dans le monde nous montrent une autre voie : celle qui conduit à voir la terre comme une ressource d’intérêt national, qui ne peut pas être abandonnée au seul jeu de l’offre et de la demande mondiales.

    Champs communs (Champs communs, septembre 2022)

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  • Guy Debord et l'histoire...

    Les éditions L'échappée viennent de publier un recueil de notes de lectures de Guy Debord intitulé Histoire. Figure de proue et principal penseur du mouvement situationniste, Guy Debord est l'auteur de La société du spectacle et des Commentaires sur la société du spectacle. Il est également l'inventeur d'un jeu de réflexion stratégique, dont les règles ont été publiés dans Le jeu de la guerre (Gallimard, 2010).

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    " Ces fiches de lecture de Guy Debord sont la preuve irréfutable que l’histoire est un pivot essentiel du processus d’élaboration de son œuvre. Elles font le lien entre le « lyrisme humain », thème qui lui est cher, et la lecture philosophique des phénomènes qui déterminent la vie des hommes par l’adjonction d’une analyse socio-historique dont le grand mérite est de contraindre à ne se satisfaire ni de sa pensée ni de ses sentiments. L’étude de l’histoire invite en effet à prendre la hauteur que requiert notre appartenance à un mouvement global de l’humanité dont il importe de comprendre les rouages.
    On mesure à travers ce livre à quel point cette étude de l’histoire fut une matière importante pour Debord, à la fois pour son contenu, mais aussi pour les méthodes d’investigation mises en œuvre. Il s’intéresse ainsi par exemple à ce qui fonde les analyses d’Ibn Khaldoun et de Thucydide. Cet intérêt pour la méthode ne peut que nous renvoyer à sa réflexion sur les meilleurs moyens à mettre en œuvre dans son travail de critique sociale.
    Par ailleurs, ces fiches indiquent une phase de lecture plus intensive des livres d’histoire à partir de la fin des années 1960. Cette hypothèse peut se trouver confortée par le fait que s’y lit aussi à plusieurs reprises un regard critique et rétrospectif sur l’idée de révolution, en lien avec les événements de Mai 1968. "

     

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  • Qui sont les vrais insoumis ?...

    Dans cette émission du Plus d’Éléments, diffusée par TV Libertés, l'équipe du magazine, autour d'Olivier François, à l’occasion de la sortie du nouveau numéro, s’intéresse aux nouvelles dissidences à partir d’un sondage exclusif consacré à "la désobéissance aujourd’hui" et d’un entretien avec Marine Le Pen. Quels sont les nouveaux visages de la dissidence ? Qui, parmi les Français, conteste ? Autant de questions auxquelles la rédaction répond.
    Au menu également : la mort du grand Sempé, et "Cher connard", le dernier roman de Virginie Despentes... On trouvera sur le plateau,
    François Bousquet, rédacteur en chef, Patrick Lusinchi, directeur artistique, Christophe A. Maxime et Daoud Boughezala...

     

                                                

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  • Rééducation Nationale...

    Les éditions Rue Fromentin viennent de publier un roman de Patrice Jean intitulé Rééducation Nationale. Professeur de lettres, Patrice Jean a déjà publié plusieurs romans marquants, dont La France de Bernard (Rue Fromentin, 2013), Les structures du mal (Rue Fromentin, 2015), L'homme surnuméraire (Rue Fromentin, 2017), Tour d'ivoire (Rue Fromentin, 2019), La poursuite de l'idéal (Gallimard, 2021) et Le parti d'Edgar Winger (Gallimard, 2022).

     

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    " « La nuit, il rêvait qu'il rendait des copies [...] en félicitant chaque élève; parfois, des applaudissements intempestifs interrompaient sa leçon, pour honorer une démonstration grammaticale, un mot d'esprit ou une envolée lyrique. Le jour, il rêvait que le recteur de l'académie lui piquait, au revers de son veston, la Légion d'honneur, sous les hourras des élèves, des collègues et du personnel administratif, cuisinier compris.»

    Lorsque Bruno Giboire, candide et fraîchement titularisé, pousse enfin les portes du Lycée Malraux en septembre, c'est une toute autre histoire qui s'offre à lui...
    Le premier trimestre n'est pas achevé que la salle des profs monte en pression au sujet de la vente d'une statue antique pour financer « un atelier pédagogique et citoyen ». Si, pour le plus grand plaisir des élèves, tous les coups sont permis entre pédagogistes et réacs, une question subsiste : l'Éducation sortira-elle victorieuse?
    Dans Rééducation Nationale, Patrice Jean met en scène de façon hilarante l'inanité des idéologies et explore, dans une veine plus satirique que jamais, les thèmes qui lui sont chers : la morale dominante, la bêtise et l'amour de la littérature. "

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  • Callac, laboratoire du peuplement de la France profonde par l’immigration...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul Tormenen, cueilli sur Polémia et consacré au projet d'Emmanuel Macron de peuplement des communes rurales avec des étrangers extra-européens.

     

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    Callac, laboratoire du peuplement de la France profonde par l’immigration

    Le président de la République a annoncé le 15 septembre sa volonté d’organiser le peuplement des territoires ruraux par des migrants. Le village breton de Callac fait dans ce cadre figure de « laboratoire », avec le projet du maire et d’une fondation privée d’y installer prochainement des migrants en grand nombre. Un vent de révolte commence à souffler contre cette politique de peuplement de la France périphérique par des immigrés, nouvel « avenir radieux » que l’oligarchie compte imposer à des populations souvent réticentes voire opposées.

     

    Le projet d’Emmanuel Macron pour faire face à la « transition démographique »

    Le 15 septembre, le président de la République a réuni les préfets à l’Élysée pour leur présenter leur feuille de route pour les prochains mois (1). Parmi les différents sujets traités, Emmanuel Macron a dévoilé son projet pour faire face à la « transition démographique » de la France, sous la forme d’un diagnostic et d’un plan d’action, qui suscite d’ores et déjà de nombreuses interrogations et critiques.

    Le diagnostic : la « transition démographique »

    Le chef de l’État a fait le constat dans son discours que la procédure d’asile est actuellement longue et complexe en France, que de nombreux migrants économiques s’y engouffrent, que notre système d’aide sociale est plus généreux que celui d’autres pays européens, que l’intégration des étrangers récemment arrivés en France est souvent déficiente et que le nombre de reconduites dans leurs pays des étrangers en situation irrégulière est insuffisant.

    Emmanuel Macron a également souligné que la France est confrontée à un problème de « transition démographique »: « D’ores et déjà nous sommes en train de perdre des élèves dans des écoles et des collèges, cette année environ 60 000, l’année prochaine plus de 95 000 ».

    Or, selon le chef de l’État, « si nous savons offrir de l’urgence, de l’hébergement et de l’intégration dans ces régions (les territoires ruraux NDLR) à des femmes et des hommes qui arrivent sur notre sol, les conditions de leur accueil seront bien meilleures que si nous les mettons dans des zones qui sont déjà densément peuplées, qui ont une concentration de problèmes économiques et sociaux massifs, qui ont déjà trop d’élèves par classe, qui ont 10 à 15 élèves allophones, c’est ça la situation qui est la nôtre, elle est absurde, donc sur ce sujet, il faudra mobiliser, changer nos règles (…) pour que l’on puisse créer un système de répartition, bien meilleur de celles et ceux qui arrivent sur notre sol ».

    Le plan d’action : le peuplement des territoires ruraux

    Pour faire face tant à la baisse de la natalité dans notre pays qu’au déficit d’intégration de nombreux migrants récemment arrivés, Emmanuel Macron a annoncé avoir confié à la première ministre la tâche de travailler sur « une politique profondément différente de répartition sur le territoire des femmes et des hommes qui sont en demande de titres (de séjour NDLR) et aussi de ceux qui en ont reçus ». Le chef de l’Etat a indiqué en conclusion qu’un projet de loi relatif à l’asile et l’immigration sera déposé au parlement début 2023, adossé à une loi d’orientation et de programmation ambitieuse.

    Emmanuel Macron entend donc fixer un nouveau cap à la politique d’immigration de la France. Après avoir créé les conditions d’une augmentation considérable du nombre d’arrivées d’étrangers extra-européens dans notre pays, après quasiment doublé le parc d’hébergement des demandeurs d’asile, qui dépasse désormais les 110 000 places, après avoir organisé leur répartition administrée dans les centaines de structures créées sur le territoire national, ainsi que celle des dits mineurs non accompagnés, le chef de l’Etat veut donc parachever sa politique de peuplement, en organisant la répartition de migrants dans les territoires ruraux, en vue de leur installation pérenne.

     

    La politique de peuplement, arme de destruction de l’identité nationale

    Le constat est connu : chaque année, des centaines de milliers d’extra-Européens arrivent légalement ou clandestinement en France. A l’exception de l’immigration de travail, les étrangers choisissent de s’installer en France, bien plus que la France ne les choisit. L’absence de quotas d’immigration ne permet aucune limite tant quantitative que, bien souvent, qualitative à cette immigration. Dans ces conditions, la politique de peuplement administré des territoires ruraux ne manquera pas de prendre une ampleur considérable.

    La politique de peuplement menée par le gouvernement chinois au Tibet peut à ce sujet être utilement rappelée. Afin d’y éradiquer toute résistance au pouvoir central, le pouvoir communiste a par son entreprise de « sinisation » tenté de renverser de la composition ethnique des territoires où elle était appliquée. Les transferts massifs de population ont été dénoncés par une grande partie de la communauté internationale pour les graves dangers qu’ils représentent pour l’identité des peuples locaux. Pour quelle raison ce qui serait condamnable pour les Tibétains ne le serait pas pour les Français ?

    Cette comparaison est-elle exagérée ? L’avis du haut-commissaire au plan est à ce titre intéressante. François Bayrou s’est vu confier la mission d’animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’Etat et d’éclairer les choix des pouvoirs publics, notamment en matière démographiques. S’exprimant quelques jours après la déclaration d’Emmanuel Macron sur son projet de peuplement des campagnes par des allogènes, il déclarait : « les peuples ont droit à leur identité et à des garanties sur la pérennité de leur identité. (…) On n’a pas fait suffisamment attention à ce droit. Les peuples sont attachés (…) aux modes d’être, aux modes de vie qui font que la France est la France, la Suisse est la Suisse, l’Italie est l’Italie » (2). On ne saurait mieux dire.

     

    Les enjeux et opportunités du projet présidentiel

    L’enjeu majeur du projet de peuplement des territoires ruraux par des migrants est bien évidemment celui de la continuité historique de la France et de la préservation de son identité. Bien loin de ces considérations, Emmanuel Macron souhaite pour sa part saisir deux opportunités majeures.

    En premier lieu, l’initiative d’Emmanuel Macron lui permet de reprendre la main sur le projet de loi que Gérald Darmanin devait initialement présenter en septembre visant à faciliter l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. En y ajoutant un volet « intégration », Emmanuel Macron cherche « en même temps » à remporter l’adhésion de la gauche et de certains parlementaires LR. Car l’idée de répartir des migrants dans les campagnes est loin de provoquer l’hostilité générale au sein du parti Les Républicains. Le directeur de campagne de Valérie Pécresse lors de l’élection présidentielle d’avril 2022, Patrick Stefanini, ne déclarait-il pas en novembre 2020 : « Une intégration réussie exige une répartition plus équilibrée des immigrés sur le territoire et des moyens financiers importants » (3) ? Une conseillère municipale LR de Callac estimait plus récemment au sujet du projet de peuplement du village par des migrants qu’« il nous faut accepter que Callac soit un laboratoire. Et espérer le succès de l’opération. » (4).

    D’autre part, en présentant son projet comme visant une meilleure intégration des migrants extra-européens, le chef de l’Etat entend faire accepter aux Français sa politique d’immigration de plus en plus débridée, qu’il entend non seulement poursuivre, mais également amplifier. Car plus que jamais, Emmanuel Macron considère l’immigration comme un phénomène naturel et positif, un flux qui ne peut  en aucun cas être ralenti ou freiné, mais qui doit être accompagné et réparti.

     

    Callac, laboratoire du peuplement administré de la France par des migrants

    C’est dans ce contexte qu’une famille de riches mécènes souhaite organiser le peuplement du village breton de Callac, dans les Côtes d’Armor, par des migrants.

    Une première étape a été franchie en avril 2022 avec la signature d’une convention de partenariat entre le fonds « Merci » et le maire de la commune de Callac, visant à financer l’accueil de « réfugiés » et de non-réfugiés et la « revitalisation » du territoire.

    Le rapport d’activité 2021 du fonds de dotation donne quelques informations sur la nature de l’aide qui devrait être apportée : « Horizon propose de rénover ou de construire des « lieux de vie » avec des personnes réfugiées et non-réfugiées qui, grâce à leurs savoir-faire, participeront ensemble au développement économique, urbain, social et culturel d’un territoire » (6).

    Le document nous apprend également qu’« Arche de Noé des temps modernes, ce village pionnier a pour objectif de devenir un modèle duplicable » (7). Une carte de France fait apparaitre une vingtaine d’autres sites qui pourraient devenir des « villages horizon ».

    Si à ce stade, aucune indication n’a filtré sur le nombre de migrants à accueillir et la date de leur arrivée, plusieurs éléments peuvent utilement être rappelés sur le contexte de ce projet de peuplement.

     

    Callac, un échec déjà patent

    Quel est ce village où les mécènes de la fondation Merci et le maire veulent installer des migrants ? Callac est l’une de ces innombrables communes frappées par l’exode rural, un exode qui n’est en rien le fruit du hasard et qu’un peuplement hasardeux ne freinera qu’artificiellement. Les abattoirs qui étaient installés sur la commune ont fermé, des exploitations agricoles ont disparu, des emplois ont été supprimés, la mécanisation a fait le reste. A Callac comme ailleurs dans la France périphérique, les commerces et les services publics ont fermé progressivement. Près de 18 % de la population active de la commune est au chômage.

    Interrogé par Le Figaro, un membre du collectif « pour la défense de l’identité de Callac » affirme : « À Callac, il y a des gens qui cherchent du travail depuis longtemps : pourquoi on ne leur offre pas des formations, des logements réhabilités et le permis de conduire, à eux ? »(7).

    Il y a eu un précédent dans la commune. 5 logements vides ont été attribués à des migrants et à leurs familles en 2017 (8). Le jour de la manifestation contre le projet de peuplement du village, le maire de la commune reconnaissait de façon bien involontaire que « parmi les 5 familles de réfugiés (…), les parents sont « un peu désœuvrés », une façon pudique de dire qu’ils sont une charge pour le système social français (9).

    Pourquoi ce qui a échoué pour 5 personnes réussirait-il pour d’autres en plus grand nombre ? L’immigrationnisme ne semble pas s’appuyer sur des faits mais sur des convictions imperméables à la réalité. Si cette expérience n’est pas concluante, c’est parce qu’elle n’est pas suffisante. Comme elle est vouée à réussir, il faut donc l’amplifier !

    A l’échelle du pays, Emmanuel Macron voudrait faire croire aux Français que l’immigration n’est pas un problème de quantité mais de répartition. Il n’a aucunement pour projet de freiner les flux migratoires et de résoudre les problèmes existants : les innombrables zones de non droit, l’islamisation qui progresse, le chômage endémique, etc. On peut parler d’une véritable obstination déraisonnable en la matière. Une politique de peuplement ne fait pas une politique d’aménagement du territoire, encore moins une politique économique.

    La résistance au projet de peuplement par l’immigration

    Samedi 17 septembre, le rassemblement à Callac contre le projet porté par le maire et le fonds de dotation Merci a réuni près de 300 personnes. L’émoi suscité sur les réseaux sociaux tant par ce projet que par l’annonce du chef de l’Etat de peuplement de territoires ruraux montre que le sujet suscite une forte opposition dans une grande partie de la population.

    Mais les opposants au dessein du président de la République devront pour remporter des succès sortir de l’ornière dans laquelle le pouvoir en place veut les conduire, celle de la marginalisation et de l’ostracisation. Pour y parvenir, il y a tout d’abord un travail d’information à entreprendre, que certains médias ont commencé à faire. Il y a également la mobilisation sur le terrain. Les rares succès de mouvements de refus de l’implantation de centres d’accueil pour migrants ont été obtenus grâce à une mobilisation citoyenne où les partis politiques étaient en retrait. L’opposition au projet de peuplement d’Emmanuel Macron peut être soutenue par des partis politiques, mais elle doit avant tout être un mouvement local et populaire, qui ne marque pas une appartenance à un bord politique, mais un attachement viscéral à l’identité de la France et à sa continuité historique. Un droit qui est reconnu aux autres peuples mais qui pourrait être nié ici et maintenant.

    Paul Tormenen (Polémia, 30 septembre 2022)

     

    Notes :

    (1) Discours du président Emmanuel Macron aux préfets. 15 septembre 2022. Site de l’Elysée
    (2) « Immigration : les peuples ont droit à leur identité, affirme Bayrou ». Le Point. 18 septembre 2022
    (3) « Sur l’immigration, l’intérêt du pays est incompatible avec les zigzags ». Le Point. 28 novembre 2020
    (4) « A Callac, la greffe forcée des réfugiés cabre les villageois ». Le Figaro. 16 septembre 2022
    (6) Rapport d’activité 2021. Fonds de dotation Merci
    (7) cf. (4)
    (8) « 5 logements vides et destinés à des migrants ? ». Breizh Info. 21 décembre 2017
    (9) Tweet de Pauline Launay. 17 septembre 2022

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  • Les snipers de la semaine... (242)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son blog, Maxime Tandonnet rafale les politiques dont le seul souci n'est plus que de faire du "buzz"...

    Quand la politique française atteint les sommets du minable

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    - sur Hashtable, H16 calibre le gouvernement qui se prépare à mettre en place un nouveau plan de contrôle social en s'appuyant cette fois-ci sur la crise énergétique...

    Un plan sans accroc et des coupures électriques bien préparées

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