Au sommaire cette semaine :
- sur le site de Marianne, Bruno Deniel-Laurent revient sur le thème du déclin de l'Occident, très présent dans le débat intellectuel depuis quelques années...
- sur le site de l'Express, Jérôme Dupuis nous informe de prochaines rééditions de quelques maudits des lettres françaises...
Jacques Chardonne, Paul Morand, Lucien Rebatet : le retour des pestiférés
Métapo infos - Page 1410
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Tour d'horizon... (42)
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Pourquoi les Français détestent-ils les journalistes ?...
Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia a répondu aux question de l'hebdomadaire Minute à l'occasion de la sortie de son nouveau livre, La tyrannie médiatique, publié aux éditions Via Romana.
Pourquoi les Français détestent-ils les journalistes ?
« Journaliste est la profession la plus détestée des Français », affirme, preuves à l’appui, Jean-Yves Le Gallou, dans son nouvel ouvrage, La Tyrannie médiatique (à paraître ce 14 février, aux éditions Via Romana). Pour le président de la Fondation Polémia, les médias sont passés du stade de contre-pouvoir, à celui de premier pouvoir : celui qui s’exerce sur les esprits. Pire, « ils ont même pris le contrôle des autres pouvoirs, intellectuel, politique et judiciaire ». C’est ce qu’il appelle « la médiagogie ». La seule alternative, reste, selon lui, de pratiquer la « guerre asymétrique de l’information », sur Internet, ou dans le cadre d’une presse véritablement libre – comme « Minute », qui a droit à tout un chapitre. En attendant la sortie de cet ouvrage déjà dans le viseur des médias dépendants, voici un entretien avec Jean-Yves Le Gallou.
Minute : Dans votre nouvel ouvrage, vous dénoncez une « tyrannie médiatique » exerçant son emprise sur l’ensemble de la société et des leviers de pouvoir. Sur quoi repose cette analyse ?
Jean-Yves Le Gallou : Notons d’abord que la corruption des médias et leur transformation en outil de propagande ou d’influence ne constitue pas un phénomène nouveau. De grands scandales ont éclaboussé la presse, dès le XIXe siècle. Avant la Grande Guerre, « Le Figaro » fut mêlé à l’affaire des emprunts russes, parce qu’il était payé par l’ambassade de Russie pour convaincre les épargnants français d’investir dans ces produits « pourris ». Jusqu’à la chute de l’Union soviétique, « L’Humanité » était subventionnée par le Kremlin…
Mais jusque dans les années 1980, il existait une diversité de la presse. Aujourd’hui, alors que les moyens de communication n’ont jamais été aussi importants, c’est l’uniformité de l’information qui domine. La puissance médiatique est utilisée pour faire vivre les Français dans une bulle virtuelle, régie par les intérêts des actionnaires de presse et le conformisme de la plupart des journalistes. Cette alliance du grand capital et de la pensée unique de salle de rédaction passe l’information au crible d’une idéologie mondialiste satisfaisante pour les deux parties: ouverture des frontières, dé régulation économique, rejets des traditions, antiracisme, exaltation du consumérisme et des modes « sociétales » du type mariage gay, visant à satisfaire des caprices individualistes au détriment de l’intérêt général…
Sauf qu’on a déjà vu des sociétés de rédacteurs se rebeller contre les souhaits de l’actionnaire…
Vous faites sans doute allusion à « Libération », où certains journalistes n’ont pas forcément bien pris de passer sous la coupe de M. Rothschild. Mais prenons un exemple: en avril dernier, une petite moitié (114 sur 200) des salariés de la Société civile des personnels de Libération (SCPL) ont signé un texte dénonçant « le sentiment d’être dépossédés du journal » et « l’attitude autoritaire et arrogante de la direction ». On reprochait au directeur du journal, Nicolas Demorand, d’être le zélé représentant de l’actionnaire principal et de faire aller le quotidien « à l’encontre des valeurs qui ont toujours été les siennes » Ce qui veut bien dire, vous en conviendrez, que l’actionnaire dictait sa ligne!
Evidemment, il y a eu des conciliabules, des promesses, éventuellement des aménagements et des compromis. Mais sur le fond, le journal s’aligne toujours lorsqu’il s’agit des intérêts du propriétaire.
Le socialiste et militant homosexuel Pierre Bergé, actionnaire du « Monde », a d’ailleurs piqué une colère noire en mai 2011 lorsqu’il a noté des écarts de conduite concernant… un simple article critique à l’égard de François Mitterrand ! Son rappel à l’ordre a été cinglant. Et vous noterez que ce n’est pas dans « Le Monde » que l’on a pu lire, récemment, une analyse équilibrée concernant le mariage gay…
Vous dénoncez également le rôle de la publicité…
Ce qui prive un média de sa liberté, c’est la volonté des actionnaires d’engranger de l’argent. Donc de faire passer un maximum de publicité. Aujourd’hui, les conférences de rédaction sont suivies par un directeur de la publication, très vigilant sur les intérêts des actionna ires; et par un commercial jugeant de la pertinence d’un article en fonction de son intérêt publicitaire!Tel article pouvant être accolé à une publicité est retenu. Tel autre, pouvant au contraire susciter le mécontentement de l’annonceur, sera écarté. On impose même des sujets liés à un contrat publicitaire: « J’ai une pub pour la vidéosurveillance, il faudrait un sujet sur les vols de voitures. »
Pourquoi les principaux journaux ont-ils désormais une multitude de suppléments – littéraires, féminins, « culturels »? Parce que ces cahiers sont transformés en catalogues publicitaires, à l’écart des pages consacrées à une actualité potentiellement « anxiogène ».
Il devient impossible d’avoir une ligne vraiment libre et originale. Le modèle du « Figaro magazine » est exemplaire: conçu comme un grand journal d’opinion, où s’exprimaient de talentueuses plumes « de droite », comme Alain de Benoist, Jean-Claude Valla ou Jean Ferré, il a rapidement été mis au pas par les annonceurs. Le nombre de lecteurs s’est effondré, mais les recettes publicitaires ont grimpé. Ce processus est amplifié pour les radios et télévisions. Et il touche à la caricature avec la presse dite « gratuite ». La communication a tué l’information. Qui paie, commande! Si « Minute » vivait de la publicité, vous ne pourriez pas dire le dixième de ce que vous dites. Pareil pour Radio Courtoisie…
Mais chez nous, les journalistes ne sont pas de gauche…
Il est vrai que partout ailleurs, la loi de la finance internationale se marie parfaitement avec les préjugés d’une classe journalistique mondialiste, très majoritairement à gauche, sur le plan des idées, et libérale sur le plan économique.
C’est l’exemple des éditocrates: Audrey Pulvar, Caroline Fourest, Pascale Clark, Jean-Michel Apathie, Michel Field, Bernard-Henri Lévy…
La campagne présidentielle 2012 a révélé l’incroyable fossé coupant la caste médiatique du reste de la population: des votes fictifs dans les grandes écoles de journalisme ont donné des scores de dictateurs africains à François Hollande et Jean- Luc Mélenchon. Robert Ménard, fondateur de Reporters sans frontières, a déclaré, lors de la 4e journée de réinformation de Polémia, qu’un jeune journaliste osant défendre le pluralisme « ruinerait sa carrière »! Récemment, « Minute » a d’ailleurs évoqué le cas alarmant d’une journaliste d’un grand hebdomadaire, blacklistée car des collègues avaient reconnu… sa voix, dans le cadre d’une campagne contre le racisme antifrançais organisée par le FNJ! La jeune femme a subi en silence, car elle appartient à l’autre versant du monde journalistique: celui des pigistes payés au lance-pierre, précarisés… Une autre forme de dépendance à l’argent.
Pourquoi les médias seraient-ils devenus le premier pouvoir?
Parce que la société et ses leviers de pouvoir – la justice, les politiques et l’ensemble des décideurs – sont obnubilés par la « visibilité ». Ce faisant, ils ne parlent plus au nom de l’intérêt général, mais en fonction de l’accueil médiatique de leurs propos. Les politiques n’essaient même plus de séduire le peuple (c’est la démagogie) : ils veulent plaire aux journalistes. C’est la « médiagogie ». Pour cela, ils sont prêts à tout, notamment à réciter le catéchisme politiquement correct. Et les plus dociles y bâtissent une carrière ou assurent leur retraite, voyez Roselyne Bachelot, ancien ministre qui, pour quelques 20000 euros par mois, vient éclater de rire sur les plateaux de D8 en essayant des chaussures qui lui donnent, selon ses propres mots, « un air de pute »!
Au-delà du spectacle, comment les médias désinforment-ils?
Les moyens sont légion et je les détaille sur 150 ou 200 pages dans La Tyrannie médiatique. Pour résumer, en alternant habilement et massivement, sous prétexte d’objectivité, des informations vraies et fausses, en mettant sur le même plan la victime et l’agresseur, en fabriquant des héros et des salauds, on finit par faire perdre le sens du vrai. La pseudo-objectivité se substitue à l’honnêteté et l’on finit par faire avaler d’incroyables bobards à la majorité. Souvenez-vous de la Serbie, de l’Irak, de Carpentras, du 21 avril 2002 ou de l’affaire DSK… Je donne des dizaines d’exemples et l’on peut se reporter aux différentes éditions de la cérémonie des Bobards d’or, créée par Polémia pour récompenser les journalistes les plus malhonnêtes…
Et récemment ?
Le traitement des manifestations contre le mariage homosexuel a parfaitement illustré la désinformation médiatique. Contre toute évidence, les médias ont minimisé l’ampleur des défilés et le nombre des manifestants. La plupart, toujours sous prétexte d’objectivité, se sont contentés d’annoncer une fourchette entre 340000 (chiffres du ministère de l’Intérieur, supposés vraisemblables) et 800 000 personnes (chiffres des organisateurs, supposés exagérés). Mais le rôle d’un journaliste ne serait-il pas, comme disait Albert Londres, de porter la plume dans la plaie et d’enquêter pour savoir ce qui est vrai? Au vu du Champ-de-Mars rempli, n’auraient-ils pu se livrer à une simple équation en calculant le nombre de manifestants au mètre carré? Ou comparer avec les chiffres concernant d’autres manifestations aussi spectaculaires au même endroit? Ce sont finalement des internautes qui ont fait ce travail de réinformation, révélant de manière éclatante la duplicité ou l’incapacité des médias officiels!
Vous avez forgé le concept de « guerre asymétrique de l’information »
Avec le mariage gay, nous sommes au cœur du sujet: c’est une guerre du faible au fort. Depuis dix ans, la dictature médiatique s’est accrue, tout comme le sectarisme des journalistes, ainsi que leur aptitude à mentir de plus en plus délibérément. Mais au cours des dix dernières années, les médias alternatifs se sont multipliés, grâce à Internet. Les adversaires du mariage homo ont remporté la bataille médiatique parce qu’il y a eu publication des photos sur Internet, ce qui a permis une diffusion virale, massive, qui a contré les médias de l’oligarchie. Certes, TF1 reste le plus puissant média français.
Mais désormais, il est possible de corriger ou de contester la version officielle. Evidemment, ceux qui corrigent sont faibles, par rapport au fort, mais ils existent. Les samizdats circulaient de manière réduite et sous le manteau, à l’époque soviétique. Mais à la fin, le travail des dissidents a payé! Aujourd’hui, en Fran ce, nous prenons moins de risque que ces courageux opposants et, au lieu de photocopier durant des heures dans des refuges incertains, il suffit d’un clic pour agir, derrière son écran! Je crois donc que la cyber-dissidence peut permettre de fissurer le mur de la désinformation. Et ce mur s’effondrera comme le mur de Berlin s’est effondré !
Jean-Yves Le Gallou, propos recueillis par Patrick Cousteau (Minute, 13 février 2013)
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De l'extermination...
« Ce qui contribue encore à compliquer le problème, c'est que l'une des dimensions privilégiées de l'extermination n'est autre aujourd'hui que la dénonciation même de l'extermination (ou la propagande dont elle est le prétexte). Car l'extermination est ce qu'elle est, mais il y a aussi ce qu'on dit qu'elle est. Il y a les mots, mais aussi les images. Les images, mais aussi les truquages. Les sens qu'on sidère et les réflexes qu'on conditionne. Les chiffres qui s'alignent et les masses qu'on décervelle. En sorte que lorsqu'on veut aujourd'hui exterminer quelqu'un, le meilleur moyen encore est de le désigner comme exterminateur. Car que mérite un exterminateur, sinon d'être lui-même exterminé ? C'est un exterminateur, donc il est à exterminer. »
Les éditions Xénia viennent de rééditer De l'extermination, un essai profond et subtil d'Eric Werner, publié en 1993 aux éditions Thaël et qui était devenu introuvable. Comme Alain de Benoist ou Jean-Claude Michéa, Eric Werner est un auteur qu'il faut lire. Son dernier ouvrage paru, Le début de la fin et autres causeries crépusculaires, est sorti en 2012, également aux éditions Xénia.
" De l’Ancien Testament à la révolution bolchévique, de la Vendée à la Shoah, le génocide n’apparaît pas, hélas, comme une exception, mais souvent comme un moyen ordinaire des guerres, voire leur but. Loin de ses modèles, Machiavel, Montaigne et le libéralisme, Eric Werner explore les causes et les fins de la guerre d’extermination totale. Une réflexion bouleversante sur la violence extrême, qui accompagne l’humanité comme son ombre."
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L'Angleterre, révélateur du devenir européen ?...
Dans cette chronique, mise en ligne sur Realpolitik.tv, Hervé Juvin nous livre une analyse stimulante de l'évolution de l'Union européenne et rappelle opportunément qu'elle est tout , sauf une construction politique destinée à favoriser l'indépendance de l'Europe...
L'Angleterre, révélateur essentiel du devenir... par realpolitiktv -
Guerres franco-françaises...
Le numéro de février 2013 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque.
Le dossier est consacré aux guerres franco-françaises. On pourra y lire, notamment, des articles d'Alain Kimmel ("L'éternelle guerre franco-française" ), de Christian Brosio ("La spirale infernales des guerres de Religion", "Le sang de la Commune", "L'amnistie nécessaire"), de Claude Jacquemart ("Vendée, de la guerre au populicide", "L'OAS, le sursaut du désespoir"), de Philippe Maxence ("La guerre de la laïcité"), ou de François Bousquet ("La Fronde, entre guerre et anarchie") ainsi qu'un entretien avec Eric Werner ("Les dirigeants gèrent l'avant-guerre civile").
Hors dossier, on pourra aussi lire des articles de Bruno Lesvez ("Mali. Géopolitique d'une intervention"), de François-Laurent Balssa ("Molière ou l'hygiène du rire"), de François Bousquet ("Marcel Mauss. Du don au contre-don"), de Michel Thibault ("Marseille. Quand Massalia célébrait Athéna") ou d'Olivier Maulin ("Jean-Pierre Martinet. Le grand défilé des affreux"). Et on retrouvera aussi les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour.
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La fraude des mots et l'extension du domaine du marché...
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Cathy Cardaillac, cueilli sur Polémia et consacré à l'utilisation frauduleuse des mots à laquelle on a assisté au cours du "débat" sur le mariage homosexuel...
La fraude des mots et l'extension du domaine du marché
Comme les lecteurs de Polémia le savent, « la perversion de la Cité commence par la fraude des mots » (Platon). « Mariage pour tous », « homoparentalité », mais aussi « gestation pour autrui », « don de gamètes » : autant que les mots « sans-papiers », «migrants », « jeunes » ou « incivilités », ces termes sont biaisés et mensongers. Certes, l’euphémisme trompeur n’est pas nouveau dans le domaine de la sexualité et de l’intime, l’IVG (et l’IMG ou interruption médicale de grossesse) ayant depuis longtemps remplacé le vilain « avortement ». Mais, parce que « la pensée est impuissante sans parole et qu’un certain vocabulaire condamne non seulement au mensonge exprimé mais au raisonnement tordu » (*), il nous faut refuser les mots du politiquement correct et dénommer clairement ce dont il s’agit.
Le mariage pour tous existe déjà. Tous les célibataires peuvent se marier, mais pas avec n’importe qui : on n’épouse pas un parent proche, plusieurs personnes, une personne de même sexe ou une personne déjà mariée. Le prétendu « mariage pour tous » est donc en fait un mariage entre personnes de même sexe et c’est comme cela qu’il doit être nommé (ce que les Anglo-Saxons ont l’honnêteté d’admettre puisqu’ils parlent de same-sex marriage). Le terme de « mariage pour tous » est destiné à nous sidérer et à désarmer la critique. Car comment peut-on être contre le mariage « pour tous » ? Une si jolie expression qui évoque la culture pour tous, la santé pour tous, ou encore une manif sympa, « Tous ensemble, tous ensemble, ouais, ouais ».
De même, le terme homoparentalité est-il tout sauf neutre. Ce néologisme a été forgé en 1997 par l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens – un lobby s’il en est. Le fait qu’il soit largement admis et repris aujourd’hui est une victoire sur les cerveaux. On impose le mot afin de banaliser la chose. Et l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels va faire monter les enchères sur le marché de l’adoption internationale, en augmentant la demande pour une offre stable ou en baisse du produit le plus convoité : un enfant en bas âge et en bonne santé (prix dans les agences américaines : 30.000 dollars). Bien sûr, là encore, on joue sur les mots en parlant de frais d’agence, de compensation des frais de grossesse, de donation (obligatoire) à l’orphelinat, ou autres euphémismes destinés à masquer la réalité de ce qui est un business.
Penchons-nous à présent plus avant sur les questions autour de la procréation médicalement assistée (PMA), puisque le débat est en train d’émerger et que beaucoup moins de choses ont été dites sur ce point pour le moment.
La Gestation pour autrui (GPA) d’abord : quelle jolie expression, n’est-ce pas ? Et ils y tiennent, à ce qu’on l’utilise, et font les gros yeux à ceux qui parlent de « mère porteuse » (les lecteurs qui auraient eu le courage de regarder Interdits d’enfants, le téléfilm de propagande diffusé sur France 2 le 9 janvier, comprendront de quoi je parle). Elle est si jolie, cette expression, se terminant par un mot français un peu désuet – autrui. Dans « autrui », on entend altruisme. « Autrui » nous rappelle aussi les Évangiles : « Fais à autrui ce que tu voudrais qu’il te fasse ».
Pourtant si l’on examine la chose, où est l’altruisme ? Les mères porteuses sont rémunérées. Elles sont rémunérées parce que si elles ne l’étaient pas, il n’y aurait pas de mères porteuses. C’est aussi simple que cela. Au pays phare de cette innovation, les USA, le prix de la location d’un ventre est de 40.000 euros en passant par une agence (et beaucoup moins si les parties se mettent d’accord directement). L’autorisation de cette pratique dans d’autres pays a permis de casser les prix : c’est 10.000 euros en Inde et 20.000 en Ukraine. Seule une petite partie de ces sommes va aux mères porteuses elles-mêmes.
Quant à la réciprocité (« Fais à autrui… ») qui est au fondement de la règle d’or de l’éthique et des Évangiles, parlons-en. On n’a encore jamais vu une Américaine de la classe moyenne supérieure louer son ventre à une Ukrainienne pauvre ! Les femmes qui louent leur ventre pour neuf mois ont toujours moins d’argent que celles qui ont recours à ce service. Comme souvent, ce rapport économique a aussi une dimension raciale. Ce sont souvent des femmes de couleur qui louent leur ventre pour la gestation de bébés le plus souvent blancs : des Noires américaines et maintenant, avec le développement du tourisme procréatif, des femmes indiennes ou thaïes. Il y a aussi, bien sûr, aussi des femmes blanches : des Américaines blanches de la petite classe moyenne qui ont besoin d’argent, par exemple pour payer la scolarité de leurs propres enfants, et aussi des Ukrainiennes et des Géorgiennes depuis 1997, c’est-à-dire depuis l’effondrement économique des pays ex-soviétiques.
La « gestation pour autrui » est donc bien mal nommée. Sans doute est-ce volontaire. C’est un slogan publicitaire qui masque la violence du rapport de force économique. Il serait plus honnête de parler de mères porteuses et de maternité de substitution, comme le font les Anglo-Saxons, avec les termes surrogate mothers (opportunément abrégé en surrogates) et surrogacy. Mais ce qui gêne les tenants de la dite « GPA » dans le terme de « maternité de substitution », c’est qu’on nomme « mère » celle qui n’est pour eux que la gestatrice et en aucun cas la mère de l’enfant. La dite « GPA » a d’ailleurs explosé depuis que, après avoir séparé maternité sociale et maternité biologique, les évolutions de la médecine ont permis de diviser la maternité biologique elle-même en deux. En effet, les mères porteuses étaient rarissimes du temps où il fallait en passer par un rapport sexuel, et rares encore avec l’insémination artificielle car peu de femmes sont prêtes psychologiquement à abandonner ainsi leur enfant et à affronter le stigmate social qui va avec. Mais depuis que la fécondation in vitro (FIV) est maîtrisée, la porteuse ne fournit souvent que l’utérus (et tout son environnement évidemment), l’ovule ayant été fourni par une autre femme, laquelle peut être ou pas la mère d’intention ou mère sociale. Les Anglo-Saxons parlent alors de gestational surrogacy. Il faut toujours un ovule fécondé par du sperme et qui grandit dans un utérus pour faire un enfant, mais si l’ovule et l’utérus n’appartiennent plus à la même personne, alors la situation change du tout au tout et la « GPA » peut sortir de la marginalité. En effet, le lien de l’enfant avec la gestatrice est affaibli si celle-ci n’est pas aussi la mère génétique et surtout la situation juridique devient plus sécurisante pour les parents sociaux (le couple qui paye), en particulier si la mère sociale est aussi celle qui a fourni l’ovule. Dans ces conditions, la meilleure mère porteuse sera simplement celle qui a déjà des enfants, besoin d’argent, un mode de vie sain et qui présente le moins de risques de changer d’avis par la suite – finalement des conditions assez faciles à remplir, d’où l’explosion de la pratique.
Et la meilleure « donneuse » d’ovules sera celle qui a le meilleur patrimoine génétique.
Ceci nous amène à notre dernier point : le « don de gamètes » (ovules et spermatozoïdes).
La rémunération des donneurs de gamètes est interdite en France. Il s’agit donc bien d’un don, mais malheureusement, du coup, il n’y a pas assez de donneurs. Et surtout il n’y a presque pas de donneuses d’ovules – leur extraction étant autrement plus compliquée et médicalement contraignante que celle du sperme. Donc les gamètes se vendent et s’achètent sur un marché procréatif mondialisé. Le sperme danois s’exporte dans le monde entier. Alors, combien ça coûte ? En Europe, le prix d’une FIV avec « don » d’ovules frais va de 4 500 à 6 500 euros, selon les pays et les cliniques, plus le voyage et le séjour dans les pays où cela se fait (Espagne, Grèce, certains pays de l’Est). De cette somme rondelette la donneuse reçoit au maximum 1.000 euros. C’est bien le moins pour un « don » qui implique des piqûres et des médicaments tous les jours pendant un mois, puis une opération avec anesthésie locale ou générale pour recueillir les ovules. Sans parler des conséquences à long terme sur la santé, que l’on ne connaît pas vraiment. A la différence de l’Europe, les tarifs aux États-Unis sont beaucoup plus différenciés car ils dépendent de la qualité génétique présumée de la donneuse. Des agences spécialisées présentent des catalogues de donneuses, avec antécédents médicaux et familiaux, mensurations, niveau d’étude et bien entendu photos (de la donneuse adulte et enfant). Une étudiante de Harvard de haute taille peut vendre ses ovules dans les 50.000 dollars, alors que les ovules les moins chers coûtent dans les 3.000 dollars. La loi du marché n’opère pas avec une telle brutalité en Europe dans la mesure où les receveurs (en général des couples) n’ont accès à pratiquement aucune information sur les donneuses.
Finalement, quelle attitude adopter face à tout cela ? D’abord, lutter pour redonner aux mots leur sens. Ensuite, informer sur la réalité de ces pratiques complexes, sans juger à l’emporte-pièce les personnes en situation d’avoir à payer pour ce que les autres ont gratuitement. Enfin, prendre le pouvoir, au moins sur les esprits, et éduquer les jeunes générations pour les détourner de la marchandisation de l’humain. Sinon, de FIV en GPA et d’IVG en DPI (diagnostic pré-implantatoire), nous allons tout droit vers une nouvelle humanité inhumaine. Les publicitaires trouveront bien un sigle désincarné pour masquer le clonage vers lequel nous allons à brève échéance (les pratiques les plus en pointe de la FIV touchent d’ores et déjà au clonage) ou l’utérus artificiel qui, lui, est un horizon plus lointain.
Cathy Cardaillac (Polémia, 11 février 2013)
(*) Vladimir Volkoff, Petite Histoire de la désinformation. Du Cheval de Troie à Internet, Editions du Rocher, 1999, 314 pages