Après Arras, Bruxelles : personne n'aura été surpris. Débouté du droit d'asile, en séjour illégal, condamné en Tunisie, islamiste radicalisé, connu des services de police, le suspect de l'attentat de Bruxelles n'avait rien à faire sur le sol européen. L'État belge a encore failli.
La Belgique est confrontée aux mêmes problèmes que la France mais, rapporté à sa population, ils sont d'une bien plus grande ampleur. L'immigration y est plus importante (61 % de la population bruxelloise est d'origine extra-européenne), de même que les naturalisations (40 % des Belges de Bruxelles sont d'origine étrangère). Dans la capitale, il n'y a plus que 23 % de Belges d'origine belge, selon la terminologie de Statbel, l'office national des statistiques. Par rapport à la France, deux fois plus de djihadistes ont rejoint l'État islamique et on se souvient douloureusement du rôle de la cellule de Molenbeek dans les attentats de Paris (2015) et de Bruxelles (2016). Cette ville, supposée être la capitale de l'Europe, est en passe de devenir à majorité musulmane !
Contrairement à la France, c'est au cœur des grandes villes que se concentre la population musulmane, transformant définitivement la physionomie urbaine. Il y a longtemps que toute forme de politique d'assimilation a été abandonnée, et même l'intégration n'est plus vraiment à l'ordre du jour, remplacée par «l'inclusion» qui implique que chaque communauté fasse le même pas vers l'autre.
C'est à Bruxelles qu'une première femme voilée, Mahinur Özdemir, a siégé dans un parlement en Europe, un tremplin qui lui a permis récemment de devenir ministre d'Erdogan en Turquie, car les Turcs comme les Marocains ne perdent pas leur nationalité d'origine. L'année dernière, la STIB, l'équivalent de la RATP, a été condamnée pour avoir refusé d'engager une femme portant le hijab. Il est question que les conducteurs de métro puissent porter des signes religieux. Depuis des années, les synagogues et lieux communautaires juifs font l'objet d'une protection spéciale permanente. Dans les quartiers musulmans, le voile est omniprésent, la Shoah n'est plus enseignée depuis belle lurette dans les écoles et «juif» est devenu une insulte générique, sans lien avec la qualité de celui qui la subit. Bruxelles compte désormais plusieurs parlementaires, maires et échevins (adjoints au maire) musulmans qui pratiquent un communautarisme effréné. Les campagnes électorales se déroulent aussi en turc, en arabe ou en ourdou.
En résumé, en Belgique, toutes les digues de la souveraineté nationale ont cédé face à la pression de l'islam. Les brèches ont été ouvertes par les pouvoirs publics eux-mêmes, surtout à partir de 1999. Pour la première fois, le gouvernement sorti des urnes a proclamé que la Belgique, auparavant francophone, flamande et germanophone, était une société multiculturelle ouverte à tous. Dans un bel enthousiasme et sans opposition, les mesures prises à cette époque ont fait exploser l'immigration, principalement musulmane, et les naturalisations qui ne nécessitaient plus que trois ans de séjour (deux ans pour les réfugiés), sans aucune condition d'intégration, ni même la connaissance d'une des langues nationales. En parallèle, dans un État fédéral faible où les compétences sont morcelées et se chevauchent entre neuf gouvernements, la Belgique est devenue un ventre mou où tous les courants de l'islam se sont implantés, souvent sans contrôle des autorités.
Dans les années 2000, Bruxelles s'est avérée être une plaque tournante pour la préparation d'attentats terroristes, depuis celui contre le commandant Massoud en Afghanistan en 2001 jusqu'à ceux de 2015 et 2016. Encore davantage qu'en France, politiques, médias et associations ont vécu et vivent encore largement dans le déni des conséquences de cette islamisation progressive, rejetant à «l'extrême droite» et dans l'oubli médiatique, les rares lanceurs d'alerte. Les djihadistes belges de l'État islamique ont même parfois été présentés comme des victimes de la société ! La CEDH, les tribunaux belges et les médias, tous orientés au centre ou à gauche, ont coupé l'herbe sous le pied des maigres velléités politiques de reprendre le contrôle de l'immigration.
Les réactions aux récents attentats terroristes du Hamas ont montré à quel point la gauche francophone belge était désormais soumise à son électorat musulman. Le PTB, proche de La France Insoumise, a pris parti pour le Hamas. Par une phrase ambiguë, la présidente socialiste de la Chambre des représentants a renvoyé dos à dos le Hamas et Israël en affirmant «Je ne sais pas où qualifier les actes terroristes». Écolo, le second parti à Bruxelles lors des dernières élections régionales, était lui aux abonnés absents. Contrairement à Bart de Wever, le bourgmestre nationaliste flamand d'Anvers, celui de Bruxelles, socialiste, a refusé d'arborer le drapeau israélien sur l'hôtel de ville et a autorisé une manifestation pro-palestinienne où des slogans antisémites ont été scandés. Le seul parti francophone à avoir condamné sans ambiguïté l'attaque terroriste du Hamas est le Mouvement réformateur (MR) proche de Macron et son président George Louis Bouchez, mais il ne représente que 20 % de l'électorat.
Il en fut de même après l'attentat de cette nuit. Certes, cette fois, le mot terrorisme a été prononcé mais le mot islamisme semble toujours incapable de sortir de la bouche des représentants de la gauche.
Alain Destexhe (Figaro Vox, 17 octobre 2023)