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Métapo infos - Page 1090

  • Internet est-il la nouvelle frontière du néo-libéralisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Evgeny Morozov à Rue 89 et cueilli sur le site Les Crises. Chercheur et essayiste, Evgeny Morozov étudie les conséquences sociales et politiques des nouvelles technologies.

     

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    Morozov : « Internet est la nouvelle frontière du néolibéralisme »

    Selon le chercheur et essayiste Evgeny Morozov, la technologie sert le néolibéralisme et la domination des Etats-Unis. « Il faut considérer la Silicon Valley comme un projet politique et l’affronter en tant que tel », dit-il.

    Evgeny Morozov s’est imposé en quelques années comme l’un des contempteurs les plus féroces de la Silicon Valley. A travers trois ouvrages – « The Net Delusion » (2011, non traduit en français), « Pour tout résoudre, cliquez ici » (2014, FYP éditions) et « Le Mirage numérique » (qui paraît ces jours-ci aux Prairies ordinaires) –, à travers une multitudes d’articles publiés dans la presse du monde entier et des interventions partout où on l’invite, il se fait le porteur d’une critique radicale envers la technologie en tant qu’elle sert la domination des Etats-Unis.

    A 31 ans, originaire de Biélorussie, il apprend toutes les langues, donne l’impression d’avoir tout lu, ne se trouve pas beaucoup d’égal et maîtrise sa communication avec un mélange de charme et de froideur toujours désarmant.

    L’écouter est une expérience stimulante car il pense largement et brasse aussi bien des références historiques de la pensée (Marx, Simondon…) que l’actualité la plus récente et la plus locale. On se demande toujours ce qui, dans ses propos, est de l’ordre de la posture, d’un agenda indécelable, ou de la virtuosité d’un esprit qui réfléchit très vite, et « worldwide » (à moins que ce soit tout ça ensemble).

    Nous nous sommes retrouvés dans un aérogare de Roissy-Charles-de-Gaulle, il était entre deux avions. Nous avons erré pour trouver une salade niçoise, car il voulait absolument une salade niçoise.

     

    Rue89 : Est-ce qu’on se trompe en ayant l’impression que vous êtes de plus en plus radical dans votre critique de la Silicon Valley ?

    Evgeny Morozov : Non. Je suis en effet plus radical qu’au début. Mais parce que j’étais dans une forme de confusion, je doutais de ce qu’il fallait faire et penser. J’ai aujourd’hui dépassé cette confusion en comprenant que la Silicon Valley était au centre de ce qui nous arrive, qu’il fallait comprendre sa logique profonde, mais aussi l’intégrer dans un contexte plus large.

    Or, la plupart des critiques ne font pas ce travail. Uber, Apple, Microsoft, Google, sont les conséquences de phénomènes de long terme, ils agissent au cœur de notre culture. Il faut bien comprendre que ces entreprises n’existeraient pas – et leur modèle consistant à valoriser nos données personnelles serait impossible – si toute une série de choses n’avaient pas eu lieu : par exemple, la privatisation des entreprises télécoms ou l’amoncellement de données par d’énormes chaînes de grands magasins.

    Cette histoire, il faut la raconter de manière plus politique et plus radicale. Il faut traiter cela comme un ensemble, qui existe dans un certain contexte.

    Et ce contexte, c’est, il faut le dire, le néolibéralisme. Internet est la nouvelle frontière du néolibéralisme.

    Le travail critique de la Silicon Valley ne suffit pas. Il faut expliquer que le néolibéralisme qu’elle promeut n’est pas désirable. Il faut expliquer que :

    • A : le néolibéralisme est un problème ;
    • B : il y a des alternatives.

    Il faut travailler à l’émergence d’une gauche qui se dresse contre ce néolibéralisme qui s’insinue notamment par les technologies.

    Le travail que fait Podemos en Espagne est intéressant. Mais voir les plateformes seulement comme un moyen de se passer des anciens médias et de promouvoir un renouvellement démocratique ne suffit pas. Il faut aller plus en profondeur et comprendre comment les technologies agissent sur la politique, et ça, Podemos, comme tous les mouvements de gauche radicale en Europe, ne le fait pas.

    Mais vous voyez des endroits où ce travail est fait ?

    En Amérique latine, on voit émerger ce type de travail. En Argentine, en Bolivie, en Equateur, on peut en voir des ébauches.

    En Equateur par exemple, où la question de la souveraineté est essentielle – notamment parce que l’économie reste très dépendante du dollar américain -,- on l’a vue s’articuler à un mouvement en faveur d’une souveraineté technologique.

    Mais on ne voit pas de tels mouvements en Europe. C’est certain.

    La Silicon Valley va au-delà de tout ce qu’on avait connu auparavant en termes d’impérialisme économique. La Silicon Valley dépasse largement ce qu’on considérait auparavant comme les paragons du néolibéralisme américain – McDonald’s par exemple – car elle affecte tous les secteurs de notre vie.

    C’est pourquoi il faut imaginer un projet politique qui rénove en fond notre conception de la politique et de l’économie, un projet qui intègre la question des infrastructures en garantissant leur indépendance par rapport aux Etats-Unis.

    Mais si je suis pessimiste quant à l’avenir de l’Europe, c’est moins à cause de son impensée technologique que de l’absence flagrante d’esprit de rébellion qui l’anime aujourd’hui.

    Mais est-ce que votre dénonciation tous azimuts de la Silicon Valley ne surestime pas la place de la technologie dans nos vies ? Il y a bien des lieux de nos vies – et ô combien importants – qui ne sont pas ou peu affectés par la technologie…

    Je me permets d’être un peu dramatique car je parle de choses fondamentales comme le travail, l’éducation, la santé, la sécurité, les assurances. Dans tous ces secteurs, des changements majeurs sont en train d’avoir lieu et cela va continuer. La nature humaine, ça n’est pas vraiment mon objet, je m’intéresse plus à ses conditions d’existence.

    Et puis je suis obligé de constater que la plupart des changements que j’ai pu annoncés il y a quelques années sont en train d’avoir lieu. Donc je ne pense pas surestimer la force de la Silicon Valley.

    D’ailleurs, ce ne sont pas les modes de vie que je critique. Ce qui m’intéresse, ce sont les discours de la Silicon Valley, ce sont les buts qu’elle se donne. Peu importe si, au moment où j’en parle, ce sont seulement 2% de la population qui utilisent un service. Il se peut qu’un jour, ce soient 20% de la population qui l’utilisent. Cette possibilité à elle seule justifie d’en faire la critique.

    D’accord, mais en vous intéressant à des discours, ne prenez-vous pas le risque de leur donner trop de crédit ? Dans bien des cas, ce ne sont que des discours.

    En effet, on peut toujours se dire que tout ça ne marchera pas. Mais ce n’est pas la bonne manière de faire. Car d’autres y croient.

    Regardez par exemple ce qui se passe avec ce qu’on appelle les « smart cities ». Quand vous regardez dans le détail ce qui est vendu aux villes, c’est d’une pauvreté confondante. Le problème, c’est que les villes y croient et paient pour ça. Elles croient à cette idée du logiciel qui va faire que tout fonctionne mieux, et plus rationnellement. Donc si la technologie en elle-même ne marche pas vraiment, le discours, lui, fonctionne à plein. Et ce discours porte un agenda propre.

    Il est intéressant de regarder ce qui s’est passé avec la reconnaissance faciale. Il y a presque quinze ans, dans la suite du 11 Septembre, les grandes entreprises sont allées vendre aux Etats le discours de la reconnaissance faciale comme solution à tous leurs problèmes de sécurité. Or, à l’époque, la reconnaissance faciale ne marchait absolument pas. Mais avec tout l’argent des contrats, ces entreprises ont investi dans la recherche, et aujourd’hui, la reconnaissance faciale marche. Et c’est un énorme problème. Il faut prendre en compte le caractère autoréalisateur du discours technologique.

    Quelle stratégie adopter ?

    Il faut considérer la Silicon Valley comme un projet politique, et l’affronter en tant que tel.

    Ça veut donc dire qu’un projet politique concurrent sera forcément un projet technologique aussi ?

    Oui, mais il n’existe pas d’alternative à Google qui puisse être fabriquée par Linux. La domination de Google ne provient pas seulement de sa part logicielle, mais aussi d’une infrastructure qui recueille et stocke les données, de capteurs et d’autres machines très matérielles. Une alternative ne peut pas seulement être logicielle, elle doit aussi être hardware.

    Donc, à l’exception peut-être de la Chine, aucun Etat ne peut construire cette alternative à Google, ça ne peut être qu’un ensemble de pays.

    Mais c’est un défi gigantesque parce qu’il comporte deux aspects :

    • un aspect impérialiste : Facebook, Google, Apple, IBM sont très liés aux intérêts extérieurs des Etats-Unis. En son cœur même, la politique économique américaine dépend aujourd’hui de ces entreprises. Un réflexe d’ordre souverainiste se heurterait frontalement à ces intérêts et serait donc voué à l’échec car il n’existe aucun gouvernement aujourd’hui qui soit prêt à affronter les Etats-Unis ;
    • un aspect philosophico-politique  : on a pris l’habitude de parler de « post-capitalisme » en parlant de l’idéologie de la Silicon Valley, mais on devrait parler de « post-sociale-démocratie ».

    Car quand on regarde comment fonctionne Uber – sans embaucher, en n’assumant aucune des fonctions de protection minimale du travailleur –, quand on regarde les processus d’individualisation des assurances de santé – où revient à la charge de l’assuré de contrôler ses paramètres de santé –, on s’aperçoit à quel point le marché est seul juge.

    L’Etat non seulement l’accepte, mais se contente de réguler. Est complètement oubliée la solidarité, qui est au fondement de la sociale-démocratie. Qui sait encore que dans le prix que nous payons un taxi, une part – minime certes – sert à subventionner le transport des malvoyants ? Vous imaginez imposer ça à Uber….

    Il faut lire le livre d’Alain Supiot, « La Gouvernance par les nombres » (Fayard, 2015), il a tout juste : nous sommes passés d’un capitalisme tempéré par un compromis social-démocrate à un capitalisme sans protection. C’est donc qu’on en a bien fini avec la sociale-démocratie.

    Ce qui m’intrigue, si l’on suit votre raisonnement, c’est : comment on a accepté cela ?

    Mais parce que la gauche en Europe est dévastée ! Il suffit de regarder comment, avec le feuilleton grec de cet été, les gauches européennes en ont appelé à la Commission européenne, qui n’est pas une grande défenseure des solidarités, pour sauver l’Europe.

    Aujourd’hui, la gauche a fait sienne la logique de l’innovation et de la compétition, elle ne parle plus de justice ou d’égalité.

    La Commission européenne est aujourd’hui – on le voit dans les négociations de l’accord Tafta – l’avocate d’un marché de la donnée libre, c’est incroyable ! Son unique objectif est de promouvoir la croissance économique. Si la vie privée est un obstacle à la croissance, il faut la faire sauter !

    D’accord, mais je repose alors ma question : comment on en est venus à accepter cela ?

    Certains l’ont fait avec plaisir, d’autres avec angoisse, la plupart avec confusion.

    Car certains à gauche – notamment dans la gauche radicale – ont pu croire que la Silicon Valley était une alliée dans le mesure où ils avaient un ennemi commun en la personne des médias de masse. Il est facile de croire dans cette idée fausse que les technologies promues par la Silicon Valley permettront l’émergence d’un autre discours.

    On a accepté cela comme on accepte toujours les idées dominantes, parce qu’on est convaincus. Ça vient parfois de très loin. L’Europe occidentale vit encore avec l’idée que les Américains ont été des libérateurs, qu’ils ont ensuite été ceux qui ont empêché le communisme de conquérir l’Europe. L’installation de la domination idéologique américaine – de McDonald’s à la Silicon Valley – s’est faite sur ce terreau.

    Il y a beaucoup de confusion dans cette Histoire. Il faut donc théoriser la technologie dans un cadre géopolitique et économique global.

    En Europe, on a tendance à faire une critique psychologique, philosophique (comme on peut le voir en France chez des gens comme Simondon ouStiegler). C’est très bien pour comprendre ce qui se passe dans les consciences. Mais il faut monter d’un niveau et regarder ce qui se passe dans les infrastructures, il faut élargir le point de vue.

    Il faut oser répondre simplement à la question : Google, c’est bien ou pas ?

    Aux Etats-Unis, on a tendance à répondre à la question sur un plan juridique, en imposant des concepts tels que la neutralité du Net. Mais qu’on s’appuie en Europe sur ce concept est encore un signe de la suprématie américaine car, au fond, la neutralité du Net prend racine dans l’idée de Roosevelt d’un Etat qui n’est là que pour réguler le marché d’un point de vue légal.

    Il faut aller plus loin et voir comment nous avons succombé à une intériorisation de l’idéologie libérale jusque dans nos infrastructures technologiques.

    Et c’est peut-être en Amérique latine, comme je vous le disais tout à l’heure, qu’on trouve la pensée la plus intéressante. Eux sont des marxistes qui n’ont pas lu Simondon. Ils se donnent la liberté de penser des alternatives.

    Pour vous, le marxisme reste donc un cadre de pensée opérant aujourd’hui pour agir contre la Silicon Valley ?

    En tant qu’il permet de penser les questions liées au travail ou à la valeur, oui. Ces concepts doivent être utilisés. Mais il ne s’agit pas de faire une transposition mécanique. Tout ce qui concerne les données – et qui est essentiel aujourd’hui – n’est évidemment pas dans Marx. Il faut le trouver ailleurs.

    Evgeny Morozov (Rue 89, 4 octobre 2015)

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  • L'assassinat des livres...

    Les éditions L'échappée viennent de publier un ouvrage collectif dirigé par Cédric Biagini et intitulé L'assassinat des livres par ceux qui œuvrent à la dématérialisation du monde. Cédric Biagini anime les éditions L'échappée et écrit dans le mensuel La décroissance.

     

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    " Cerné de toute part, le livre est sommé de rentrer dans l’ordre numérique. Laboratoires du futur plus innovants que jamais, multinationales du Web, géants de l’électronique, pouvoirs publics et techno-enthousiastes œuvrent de concert pour faire disparaître ce petit « cube de papier » qui fait figure de fossile à l’heure où la culture numérique s’impose partout. Bien que sa liquidation ne se fasse pas aussi vite que prévu – le marché de l’e-book peinant à s’imposer en France –, les acteurs de la chaine du livre sont de plus en plus fragilisés, même si certains croient pouvoir transférer leur métier dans un monde qui n’a pourtant pas besoin d’eux. Et ce, alors que les modes de lecture induits par le livre, au fondement de nos façons de penser et de nos manières d’être au monde, sont aujourd’hui en crise. Le livre, dans sa linéarité et sa finitude, dans sa matérialité et sa présence, constitue un espace silencieux qui met en échec le culte de la vitesse, permet de maintenir une cohérence au milieu du chaos. Point d’ancrage, objet d’inscription pour une pensée critique et articulée, hors des réseaux et des flux incessants d’informations et de sollicitations, il est peut-être l’un des derniers lieux de résistance.
    C’est ce que nous rappellent les libraires, bibliothécaires, éditeurs, auteurs, traducteurs et lecteurs, venus d’horizons divers, qui s’expriment dans cet ouvrage. Un peuple du livre, réfractaire aux illusions numériques, qui défend ce pour quoi il se bat au quotidien, à contre-courant des processus qui endommagent nos capacités de lecture, de contemplation, de réflexion, d’écoute et d’abandon esthétique, pourtant si nécessaires à la construction de soi et au bien-être collectif. "

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  • La France est-elle sur le déclin ?...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Hervé Juvin, réalisé le 8 octobre 2015 par Élise Blaise pour TV Libertés, dans lequel il aborde la question de l'hyperpuissance américaine et du déclin de la France. Essayiste, Hervé Juvin a récemment publié Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé (Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

     

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  • Le temps d'Antigone...

    Les éditions Xénia viennent de publier un nouvel essai d'Eric Werner intitulé Le temps d'Antigone. Penseur profond et subtil, Eric Werner est l'auteur de plusieurs essais importants comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015) L'après-démocratie (L'Age d'Homme, 2001), Douze voyants (Xénia, 2010) ou De l'extermination (Xénia, 2013) et de recueils de courtes chroniques comme Ne vous approchez pas des fenêtres (Xénia, 2008) et Le début de la fin et autres causeries crépusculaires (Xénia, 2012).

     

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    " Or ce que dit Sophocle dans Antigone, comme du reste dans ses autres pièces, est en soi assez simple et assez clair. Le grand historien Werner Jaeger le résume en ces termes : « Les drames de Sophocle marquent l’apogée de la notion grecque de mesure, tenue pour l’une des valeurs les plus hautes de la vie humaine». Effectivement, tout comme Héraclite, Sophocle se pose en défenseur de la mesure (en grec, sôphrosunè), on pourrait aussi dire des limites, limites qu’il importe de respecter si l’on ne veut pas attirer sur soi le malheur. Il défend les limites, donc aussi met en garde contre l’hybris, qui est le contraire de la sôphrosunè. C’est le cas en particulier dans Antigone. "

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  • Peut-on aimer la France, sans aimer les Français ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Denis Bachelot, cueilli sur Polémia et consacré à l'oligarchie et à son entreprise de déconstruction identitaire...

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    Peut-on aimer la France, sans aimer les Français ?

    La grande offensive médiatique qui sévit depuis quelques semaines autour de la crise migratoire a au moins un mérite certain ; elle a mis au jour la vision du destin de leur pays portée par les élites dirigeantes européennes.
    En effet, au-delà des injonctions émotionnelles sur l’indispensable solidarité avec les « réfugiés » que nous avons le devoir moral d’accueillir sans restriction, l’argument massue mis en avant est celui de la contrainte économique :

    La démographie du vieux continent nous obligerait à recevoir dans les prochaines décennies des dizaines de millions d’immigrés pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre qui menace les pays d’Europe. Cet argument représente la version rationalisante du discours dominant.

    Imposée comme une vérité d’évidence, cautionnée par les économistes en vue, cette affirmation, contestable au strict plan économique, doit être perçue par ce qu’elle révèle de ses présupposés idéologiques.

    On pourrait rétorquer, de prime abord, que les hommes ne sont pas des êtres indifférenciés que l’on peut sans risque substituer les uns aux autres. Dans cette approche anthropologique, la vraie question est de savoir alors quel est le rôle de la cohésion culturelle dans les performances des différentes nations ? Le sujet, du coup, devient infiniment plus complexe que la bien-pensance contemporaine ne l’affirme.

    Mais le point central de cette affirmation est sa conception induite du devenir des nations et de leurs peuples. Pour la première fois, officiellement et massivement, les dirigeants européens ont fait savoir à leurs populations que leur avis n’avait aucune importance. La nécessité économique, telle que les élites, économiques et politiques, la perçoivent, s’impose comme une fatalité qui relève de l’ordre naturel qui n’est pas à discuter.

    Un passage en force

    Maîtresse du jeu européen, Angela Merkel, sans aucune consultation autre que les pressions intenses du patronat allemand, a ouvert toutes grandes les vannes d’une immigration de masse qui déstabilise les équilibres fragiles du vieux continent. Sa rapide marche arrière, avec une fermeture « temporaire » des frontières, apparaît bien dérisoire face à l’appel d’air qu’elle a activé.

    En France, très rapidement, le PS a choisi le passage en force, en affirmant la responsabilité morale de l’Europe à l’égard des « réfugiés ». Le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, a donné le ton lors du Congrès de Poitiers. « J’en ai assez, lance-t-il devant une salle acquise d’avance, de cette Europe forteresse, assez de cette Méditerranée cimetière, il faut un monde solidaire ». Et Manuel Valls de surenchérir : « Ceux qui fuient la guerre, les persécutions, la torture, les oppressions, doivent être accueillis. »

    Tout discours « d’équilibre », selon l’approche verbale du président Hollande et du premier ministre sur la nécessaire maîtrise des frontières fait par la suite pâle figure au regard de l’injonction morale qui, d’emblée, culpabilise et disqualifie tout esprit de résistance. Tout un chacun peut comprendre que le propos volontaire sur l’accueil contrôlé (qui croit au chiffre de 24.000 inlassablement répété ?) n’est qu’un paravent qui masque l’impuissance du politique face à une fracture de l’histoire.

    D’ailleurs, quelques personnages publics, plus ou moins oubliés, sont venus, opportunément, dire la vérité toute nue. Pour Dominique de Villepin, « les dirigeants politiques n’ont pas à se déterminer par rapport au  sentiment populaire » sur ce sujet et Mgr Gaillot, tiré de son sommeil médiatique, nous rappelle, vigoureusement, à notre devoir moral : « Seule compte la tragédie des migrants, des frères que nous devons accueillir ; nous ne devons pas penser à nous dans ces circonstances ».

    Dans sa naïveté moralisatrice, l’évêque de Partenia nous révèle la vérité profonde que l’idéologie dominante agite depuis longtemps sans l’expliciter tout à fait : l’histoire ne doit jamais être considérée du point de vue des peuples européens.

    Le désinvestissement affectif des «  élites »

    Nous sommes là au cœur du processus de domination culturelle qui sévit en Europe depuis plus de quatre décennies. La déconstruction des romans nationaux, particulièrement exacerbée en France, a principalement servi à délégitimer le lien fusionnel qu’un peuple entretient avec son histoire et son territoire. Le but recherché est de conduire le sujet collectif à ne plus distinguer le Nous de l’Autre, ne plus faire la différence entre ce qui procède de mon identité et ce qui est extérieur à moi.

    Le fait que personne ne questionne, dans les univers politiques et médiatiques institutionnels, l’affirmation qu’il faille, absolument, compenser le déclin démographique européen par une immigration de masse est la preuve la plus manifeste d’un désinvestissement affectif total des dirigeants européens à l’égard de leur peuple. L’identification à un destin commun a disparu.

    Le discours, sinon, serait – et ce depuis longtemps puisque la démographie est une affaire de long terme – de mettre en place des politiques natalistes volontaristes qui, outre leur finalité matérielle, solliciteraient le sentiment collectif d’une identité à perpétuer. Il faut pour cela un sentiment affectif d’appartenance commune à une identité qui fait aujourd’hui largement défaut à nos gouvernants. A comparer avec la politique nataliste qu’à mise en place le gouvernement de Poutine, au nom du destin historique du peuple russe.

    Ce que proposent aujourd’hui les responsables européens à leurs peuples est un effacement de leur identité au nom d’une logique économique simpliste et courtermiste qu’ils camouflent sous des vocables désincarnés et pavloviens d’ouverture à l’autre et de diversité ; enrichissantes, forcément !

    Dans ce contexte, toute référence à un principe identitaire pérenne qui dépasse et transcende les intérêts immédiats et particuliers est une dissidence insupportable à l’achèvement d’un monde plat, nomade et indifférencié, qui sous-tend la vision politique des élites dominantes de la vieille Europe, celles de Bruxelles en tête.

    Cette vision, elles la théorisent avec un simplisme intellectuel désarmant. Rappelons-nous les réflexions des technocrates de Terra Nova sur l’effacement irréversible des classes populaires traditionnelles (comprendre : blanches) issues du monde de la production, et la nécessité vitale pour le PS de réorienter ses choix politiques en fonction des nouvelles dynamiques sociales issues des minorités ethniques et culturelles : une façon grossière de faire passer une réalité mouvante, issue de facteurs circonstanciels, pour une vérité définitive et inéluctable. Les livres du socio-géographe Christophe Guilluy sont, opportunément, venus repositionner dans le débat public l’existence de ces classes « invisibles » qui, loin des centres villes, forment encore la substance profonde du pays.

    « La France doit être gérée comme un hôtel », affirmait, dans la même logique, le prophète cathodique de la mondialisation nomade Jacques Attali. Mais qui est prêt à mourir pour la gestion d’un hôtel ?

    Ce désinvestissement émotionnel total à l’égard d’un peuple et de son destin n’explique toutefois pas tout. Il ne pourrait être qu’une indifférence fonctionnelle et distante, sans autre finalité qu’un utilitarisme trivial. Comme nous l’écrivions dans notre précédent article : « L’œuvre de déconstruction identitaire, basée sur un intense travail de culpabilisation de l’identité traditionnelle, n’était pas une condition indispensable de la nouvelle phase de déploiement du capitalisme en voie de mondialisation» (1).

    Haine et violence idéologique

    L’entreprise forcenée de déconstruction identitaire dont nous sommes témoins depuis plusieurs décennies ne peut pas faire l’économie de la prise en compte d’une démission déterminante du combat politique : la haine comme fondement de la violence idéologique.

    On ne peut expliquer sinon, après bien d’autres exemples, l’incroyable violence de la campagne médiatique qui a frappé Nadine Morano, après sa déclaration sur le peuple « de race blanche et de culture judéo-chrétienne », reprise du général De Gaulle et maintes fois évoquée dans le débat public depuis la publication du livre d’Alain Peyrefitte qui la rapporte. Elle renvoie à une réalité historique simple et évidente, forte de deux millénaires de mémoire vive, que seule une hystérisation émotionnelle du débat permet, non pas seulement de nier, mais d’en interdire jusqu’à l’évocation même !

    Et pourtant, n’importe quel esprit tant soit peu rationnel peut d’emblée saisir la différence entre le rappel historique d’une réalité identitaire qui s’est construite au fil des siècles et un jugement de valeur sur la France contemporaine, désormais (qui peut le nier ?) multiethnique et multiculturelle. Mais le peuple « de souche », le peuple indigène, n’a pas le droit de se nommer lui-même en tant que référence première et déterminante de l’identité française, au risque, sinon, de ressusciter les démons du passé.

    La reductio ad hitlerum a encore de beaux jours devant elle. Elle est la pointe avancée d’une violence idéologique dont les formes de domination relèvent plus des mécanismes de la psychologie collective que de l’affrontement des idées.

    Le retournement des processus d’identification qui conduisent naturellement à privilégier ce qui vous ressemble, vous précède et vous prolonge, s’est construit sur un gigantesque travail de dévalorisation des cultures populaires traditionnelles, transformées en des séries de représentations répulsives et ringardes. Comment peut-on oublier, pour ne citer qu’un exemple, le personnage de prolo qui fit les choux gras de Coluche, avec son nez rouge d’alcoolo, son phrasé d’abruti et son racisme primaire ?

    Les discours rationalisants sur la « diversité » comme source d’enrichissement culturel et facteur de croissance économique ne sont que des constructions secondaires dans les rapports de force idéologiques, comparés à la puissance subjugante des systèmes de représentation de masse qui activent les processus collectifs d’identification.

    L’identification à la force au cœur de l’idéologie « progressiste »

    Il n’y a plus d’identification positive possible à la représentation dégradée d’une masse indifférenciée. Plus encore, nous assistons à un phénomène de renversement du processus d’identification qui fait que l’identification à l’Autre, l’étranger à ma culture, est plus valorisante que l’identification au semblable infériorisé. Nous sommes là dans une situation de domination culturelle et sociale classique, où le dominé n’arrive plus à se percevoir au travers de ses propres références culturelles qui le valorisent et intériorise son statut de dominé. Et l’identité dévalorisée du dominé ne suscite plus le désir d’identification. La faiblesse n’a rien d’attractif et l’identification va naturellement au modèle fort.

    L’occultation de son processus d’identification à la force est la face la plus cachée de l’idéologie « progressiste » mass-médiatisée (2).

    L’identification à la cause de l’Autre victimisé (l’étranger, l’immigré, le réfugié, quelle que soit sa dénomination) permet d’occuper une position de force en se valorisant par la défense du faible qui donne ses lettres de noblesse à l’engagement politique. Cette posture d’identification au faible mythifié est le socle de la fonction normative qui permet de dire qui est au service du bien et qui est du côté du mal ; un pouvoir redoutable pour qui le contrôle.

    L’écroulement des grands systèmes idéologiques n’a pas mis un terme à la violence idéologique. Le journaliste Jean Daniel, en 1979, publia un petit livre fort instructif dans lequel il racontait, à travers l’histoire du Nouvel Observateur, trente ans de cheminement de la conscience de gauche à la lumière des grands événements qui, depuis la Libération, l’ont portée.

    Dès les premières pages de son livre, Jean Daniel tentait de comprendre les mécanismes qui façonnent l’engagement de gauche. D’où vient cette attente passionnée du grand soir, du basculement de l’histoire ? Cette volonté violente de rupture que Michel Foucault, préfaçant l’ouvrage de Jean Daniel, relevait aussitôt : « Il [Jean Daniel] fait apparaître ce qui pour lui constitue la grande évidence structurant toute la conscience de gauche, à savoir que l’histoire est dominée par la révolution ». Une mystique de la révolution que l’auteur appréhende avec une distance critique : « Je finis par me demander, confesse-t-il, à propos de certains d’entre nous, si ce qui leur importe ce n’est pas la légitimation de la violence plutôt que la transformation de la société ? ».

    L’histoire, depuis, a fait son œuvre et les idéologies révolutionnaires se sont écroulées, en même temps que les régimes qui en avaient été, tour à tour, les porteurs. Le mythe d’une grande révolution collective, tranquillement, a été remplacé par celui de la « libération» individuelle.

    L’idéologie de la libération, beaucoup plus sociétale que sociale, a toutefois conservé le soubassement idéologique du mythe révolutionnaire : la rupture radicale avec l’ordre ancien comme condition de l’émergence d’un homme nouveau, libéré des contraintes et des aliénations du passé. La même violence idéologique, la même haine de l’ordre « naturel », sont recyclées au service d’une transformation de l’intérieur, celle du rapport de l’individu à ses désirs.

    Le mythe de l’individu absolu

    Un mythe de l’individu libéré, ou individu absolu, dont la mystique révolutionnaire est certes le soubassement originel, mais qui l’a largement débordé pour devenir, en tant que système de représentation de masse, une idéologie passe-partout, dont la banalisation même vide la mystique révolutionnaire de sa radicalité absolue, sans la vider pour autant de toute sa violence constructiviste.

    Pas de chance pour le prolétaire, jusque-là investit d’une mission messianique en tant qu’acteur historique du projet révolutionnaire, il devient, soudainement, le maillon faible d’un projet d’émancipation dont il ne maîtrise pas les codes culturels et qui n’est plus centré sur ses anciennes luttes sociales. Ce sont désormais les classes moyennes du tertiaire « intellectualisé» qui portent les valeurs de la transformation sociale. Et le beauf de Cabu, avec le mot qui va avec, devint le symbole dérisoire d’une France populaire ringardisée et exécrée.

    A contrario, on ne fait pas carrière dans l’espace public en tant que défenseur de la « France moisie ». Les chanteurs et les actrices « engagés », les comiques et les animateurs en vogue, les intellos en vue et les artistes connus, les journalistes vedettes, la masse des politiques médiatisés et les autorités morales institutionnelles sont quasi unanimes pour brocarder les tentations identitaires d’une France « franchoulliarde » qui, de toute façon, c’est bien connu, n’est qu’un fantasme sans réalité.

    « L’unanimité est mimétique », nous dit René Girard ; le système médiatique fonctionne effectivement en créant cette unanimité de façade qui vise à sidérer les esprits. Cette méthode est particulièrement efficace lors des grandes campagnes d’exécration collective lancées pour punir un « dérapage » ; l’affaire Morano en est un exemple parfait, ou lors des grandes opérations d’émotion de masse, type « Je suis Charlie ».

    Un message répété à l’infini, et légitimé par l’orchestration des voix les plus en vue, détient une force subjugante qui annihile les résistances rationnelles. La peur de ne pas être à l’unisson de ce qui est imposé comme la normalité évidente (il faut être un concentré de médiocrité et d’égoïsme pour refuser d’ouvrir les bras à la masse des réfugiés qui souffrent !) suffit à faire taire toute velléité de contestation du consensus émotionnel. Ce que le peuple « d’en bas » pense au profond de lui-même et refoule dans son for intérieur n’a plus aucune importance. Le Système actuel, au contraire des grands totalitarismes qui ont marqué le XXe siècle, n’a plus besoin de l’adhésion des foules ; il se contente d’une acceptation passive.

    Les rares voix dissidentes acceptées au banquet médiatique sont là pour occuper la case du « méchant » qui permet d’entretenir l’illusion d’un débat contradictoire et loyal. Eric Zemmour, avec talent, tient la première place du « réac » que le Système adore détester, un peu concurrencé désormais par Michel Onfray qui tourne mal, comme l’a vigoureusement expliqué Libération. L’icône de l’athéisme jouissif et de la gauche popu devient désormais un philosophe de bistrot pour beaufs lepénisés !

    Enfermée dans une série de représentations négatives, souvent teintées de mépris social, l’identité traditionnelle française est soumise à un processus d’exécration collectif qui soude la cohérence idéologique du Système dominant. La négation même de cette réalité identitaire est probablement l’aspect le plus violent d’un processus de déconstruction, qui, a contrario, sans le dire tout à fait, ne cesse de renvoyer à cette identité française « blanche et judéo-chrétienne », quand il s’agit de dénoncer le racisme et la xénophobie !

    Le devoir de mémoire

    La classe politique et médiatique nous l’a impérativement rappelé à l’occasion de l’affaire Morano, la France est un idéal construit autour de quelques grandes valeurs universelles. En conséquence, la citoyenneté « républicaine », basée sur l’adhésion à ces valeurs, est le seul critère légitime d’appartenance nationale, en dehors de tout héritage de cette longue durée, chère à Fernand Braudel qui a cherché avec passion à appréhender une « identité de la France », à travers la construction obstinée des siècles et des millénaires, à partir de ses peuples, ses mœurs, ses territoires et ses institutions.

    De Gaulle est le dernier dirigeant français d’envergure à avoir lié la vision de son destin personnel à celle de son peuple et de son pays. C’est probablement aussi pourquoi, au-delà de son œuvre politique, il reste tant présent dans les mémoires contemporaines. Il a incarné la pérennité d’une vieille nation, à travers ses fractures et ses drames, avec la conscience aiguë que seule la réalité de son identité profonde permet à un peuple de perdurer. Derrière le Rideau de fer du communisme soviétique, il voyait vivre encore le destin de la Russie et de son peuple. L’histoire sur ce point lui a donné raison.

    Au vu de la dramatisation des crises migratoires sur fond de ruptures géostratégiques, la question doit être désormais posée : peut-on prétendre aimer la France, voire la diriger, sans aimer les Français, c’est-à-dire les héritiers et les garants d’une identité collective pérenne que la longue durée a façonnée ?

    Denis Bachelot (Polémia, 16 octobre 2015)

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  • Jacques Perret, pour le trône et l'autel...

    Le dix-huitième numéro de la revue Livr'arbitres est en vente et comporte un dossier consacré à Jacques Perret

    La revue peut être commandée sur son site :  Livr'arbitre, la revue du pays réel.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    Éditorial

    Plaisirs solittéraires

    Actualité

    Actualité de la nouvelle, par Jacques Aboucaya

    Portrait

    Jacques Perret : avec des textes de Francis Bergeron, Laurent Schang, Jean-Baptiste Chaumeil, François Bousquet, François Kasbi, Jean-Michel Barrault, Jérôme Besnard, Marc Vidal, Olivier Sers et Stéphanie-Lucie Matherne...

    Coup de coeur

    Le Mal-pensant, par Christian Dedet

    Récit de voyage

    L'Orient à portée de livre, par Xavier Eman

    Polar

          Un polar proustien, par Bernard Leconte

    Réédition

    Là-bas, à l'au-delà, si près... , par Sigisbert Clément

    Correspondance

          Le style c'est l'homme, par Maxime Valérien

    Correspondance

           Correspondance Chardonne-Morand, par Didier Dantal

    Entretiens

           Mesure de Drieu, entretien avec Frédéric Saenen

    Entretiens

           Tillinac en question, entretien avec Denis Tillinac

    In memoriam

    Roger Vailland, par Alain Paucard

    In memoriam

          Vailland ou la coalition des classes, par Philippe Lacoche

    In memoriam

           D'après un roman de Roger Vailland, par Michel Marmin

    In memoriam

           Roger Vailland : un cavalier sans retenue, par Alfred Eibel

    Hommage

          Un homme est mort, par Xavier Eman

    Réflexions

           Europe, éternel dilemme, par Rémy Tremblay

    Considération

           Lettre à mon enfant, par Rémy Martin

    Nouvelles

           La mesure 24, par Jacques Aboucaya

    Nouvelles

           Le passe-temps des géants, par Anne Teyssèdre

    Nouvelles

           La bonne aventure, par Olivier Griette

     

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