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Métapo infos - Page 1086

  • « La civilisation moderne n’est plus qu’une forme sophistiquée de barbarie »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Thibault Isabel au site Philitt. Rédacteur en chef de la revue Krisis, Thibault Isabel a déjà publié, aux éditions de La Méduse, un ouvrage passionnant consacré au cinéma, La fin de siècle du cinéma américain, ainsi que plusieurs essais ou recueils d'articles de philosophie politique, dont le dernier est intitulé A bout de souffle (La Méduse, 2012). Ces ouvrages peuvent être commandés sur le site personnel de l'auteur..

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    Thibault Isabel : « La civilisation moderne n’est plus qu’une forme sophistiquée de barbarie »

    PHILITT : La conduite saine du débat public en France est devenue quasiment impossible. Le pluralisme n’existe plus et les opinions jugées scandaleuses sont systématiquement diabolisées. Comment interprétez-vous cette forme de violence, qui pourrait paraître anachronique ? Une société civilisée n’est-elle pas plutôt celle qui ne craint pas la diversité des opinions ?

    Thibault Isabel : Tout dépend du modèle de civilisation que vous avez en tête. Du point de vue des civilisations modernes, l’État doit pacifier les mœurs. Dans la vie privée, c’est-à-dire dans l’intimité la plus stricte, vous avez le droit de faire ce que vous voulez, et nul ne peut vous adresser le moindre reproche. Mais, dans la sphère publique, vous devez autant que possible vous abstenir d’adopter des comportements clivants, d’afficher des préférences trop marquées, de brusquer les autres. Telle est la contrepartie de votre tranquillité privée. Comme dit l’adage : « Chacun chez soi, chacun pour soi, et les bons comptes feront les bons amis. » Bien sûr, vous pouvez vous exprimer dans ce qui reste d’arène médiatique (que les Grecs appelaient l’« agora »). Mais vous ne votez que dans la solitude de l’isoloir, à l’abri des regards indiscrets ! Le monde moderne fait en sorte de ramener le vote à un choix purement individuel, presque à un choix de consommation, qui ne concerne que vous.

    Au fond, notre époque se méfie de la liberté d’expression, qui attise les rivalités et les haines, et lui préfère la liberté de conscience, qui n’engage que les individus, seuls face à eux-mêmes. L’État a fait depuis longtemps le pari d’aseptiser notre environnement public, pour limiter les heurts entre individus et communautés. On pourrait multiplier les exemples de ce genre, comme le refus du scrutin proportionnel, la méfiance à l’égard des corps intermédiaires, la pénalisation du « politiquement incorrect », voire la tendance croissante des gouvernants à légiférer sur ce qu’il est bon de croire ou de penser en matière de vérité historique. Mais tout cela n’est en quelque sorte que la face émergée de l’iceberg. Le phénomène se manifeste à un niveau bien plus profond, dans les infrastructures anthropologiques de nos mentalités collectives.

    Le modèle antique, grec notamment, était d’une tout autre nature. On adorait les joutes verbales et les concours d’éloquence autant que le pugilat. Débattre et se battre, c’est la même chose, comme le rappelle l’étymologie. La culture du débat a donc disparu parallèlement à la culture du combat, au cours des derniers siècles. Mais cette évolution a surtout transformé notre manière d’être, en nous rendant beaucoup plus timorés. À mesure que le monde se pacifie, les joyeuses altercations d’autrefois prennent une allure traumatisante. S’opposer ne relève plus du jeu, mais du crime ; l’adversaire n’est plus un rival, mais un diable. On règle les problèmes en les dissimulant sous le tapis, au lieu de les prendre à bras le corps. Ceux qui sortent des sentiers battus sont ostracisés ou persécutés. Tout le système les prend en grippe.

    Nos démocraties actuelles souffrent d’une obsession liberticide pour la pacification et l’unité. On ne doit certes jamais laisser les pulsions humaines dépourvues d’encadrement, sous peine d’ouvrir la porte au chaos ; mais l’excès d’ordre est tout aussi nuisible : on y perd son âme vigoureuse de citoyen.

    Le sens commun a tendance à penser que la civilisation correspond à la disparition progressive de la violence. Vous dénoncez quant à vous cette croyance comme une illusion. Dans quelle mesure la civilisation implique-t-elle nécessairement l’usage de procédés violents ?

    Toute civilisation s’efforce jusqu’à un certain point de pacifier les mœurs : c’est d’autant plus vrai des civilisations modernes, qui s’articulent presque exclusivement autour de cet impératif. Pour nous sortir de l’anarchie du monde sauvage, l’État nous impose des lois, qui vont réguler la vie sociale. La violence interindividuelle se trouve dès lors proscrite. Si mon voisin m’insupporte, je n’ai plus désormais la liberté de le tuer. En tout cas, si je le tue, j’aurai à rendre des comptes à l’État, et je finirai en prison. Mais le processus de civilisation n’éradique pas pour autant la violence, qui est consubstantielle à la nature (et donc aussi à la nature humaine). L’État se contente de déplacer la violence, depuis la sphère interindividuelle vers la sphère collective. Il s’arroge ce que Max Weber appelait le « monopole de la violence légitime ». Je n’ai pas le droit de m’en prendre à mon voisin, quand bien même il me rendrait la vie insupportable ; mais l’État en a le droit, lui, si mon voisin est jugé coupable au terme d’un procès. Le condamné terminera alors ses jours derrière les verrous ou sur l’échafaud.

    Le monopole étatique de la violence nous préserve de certains vices antiques, mais favorise aussi certaines dérives des sociétés contemporaines. Autrefois, on avait surtout à craindre un mauvais usage de la violence par les individus. Aujourd’hui, il faut plutôt craindre un mauvais usage de la violence par l’État. Nous risquons moins d’être victimes d’un meurtre ; mais nous devons davantage prendre garde aux débordements sécuritaires du pouvoir, à la censure et à la limitation des libertés publiques.

    Vous avez souvent pris position en faveur des républiques antiques, contre les républiques modernes. Qu’est-ce qui vous déplaît dans la modernité politique ? Et pourquoi le rapport moderne à la violence vous semble-t-il insatisfaisant ?

    La modernité a évidemment beaucoup de qualités remarquables : la justice à charge et à décharge, la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, etc. Nous sommes parvenus à modérer l’excès d’impulsivité des civilisations antiques. Reste malgré tout à savoir si nous ne sommes pas allés trop loin !

    La civilisation moderne substitue un régime juridico-légal, fondé sur le droit, à un régime d’honneur, fondé sur la morale. La différence ne réside pas dans l’utilisation de la violence, qui est commune aux deux régimes ; la différence réside dans le caractère étatique ou interindividuel de la pression civilisatrice. Même les sociétés les plus anciennes étaient régulées. Néanmoins, leur système de civilisation reposait encore très peu sur la contrainte extérieure d’un État, puisque les structures politiques étaient locales et embryonnaires. L’homme était tout au plus régulé, à l’extérieur, par l’influence de sa communauté, et, à l’intérieur, par lui-même. L’un des inconvénients de ce système était d’encourager la violence des individus : quand vous devez vous auto-discipliner, il est clair que vous vous régulez moins que si la police vous surveille en permanence. L’avantage du système, en revanche, était de responsabiliser chacun d’une manière plus forte qu’aujourd’hui : la motivation et l’enthousiasme trouvaient à s’exprimer quotidiennement dans l’existence collective.

    C’est ce qui explique l’admirable vitalité des républiques antiques, si chère à la tradition européenne de l’humanisme civique. Nos républiques actuelles sont sclérosées par l’indifférence des citoyens, qui ne se sentent plus impliqués dans la vie publique. L’État représente pour nous quelque chose de lointain, d’impersonnel, d’anonyme : « le plus froid des monstres froids », comme disait Nietzsche. Et c’est ce qu’il est ! L’impersonnalité lointaine et anonyme de l’État moderne garantit sa neutralité dans l’exercice du monopole de la violence. Quand la violence interindividuelle était moins canalisée par les lois, moins encadrée par la répression policière, l’État offrait au citoyen davantage de prise directe sur les décisions de la cité. Le pouvoir n’était pas providentiel, mais mobilisateur. Il n’était pas transcendant, mais immanent. Il n’était pas bureaucratique, mais incarné.

    La modernité a pacifié les mœurs, en limitant les ardeurs citoyennes, toujours susceptibles de provoquer des tensions. Bien des comportements et des idées se sont donc trouvés bannis. Le goût de la dispute et du débat, l’apologie de l’héroïsme, le gouvernement de soi-même et l’exigence morale (plutôt que la soumission docile à la loi) sont tous des facteurs potentiels de violence ou de sédition, des facteurs de danger. Mais, s’ils ont leurs mauvais côtés, ils ont aussi leurs vertus. Et, en les éliminant de la civilisation humaine, la modernité nous a privés d’une part de notre énergie.

    Dans À bout de souffle, vous faites remarquer que, de manière assez paradoxale, les politiques sécuritaires se développent souvent à mesure que les démocraties se libéralisent. L’idéologie libérale produit-elle nécessairement de la violence ?

    Il n’existe que deux modes de régulation du comportement : soit par la morale, comme dans les sociétés peu étatisées de l’Antiquité, soit par la loi, comme dans les sociétés modernes hyper-administrées. On voit là deux modèles distincts de civilisation (tandis que la barbarie se caractérise quant à elle par l’absence de régulation, et donc aussi par le refus ou l’incapacité d’encadrer les pulsions).

    Le libéralisme a cette particularité de nous affranchir de la morale. C’est sa raison d’être : il nous libère des impératifs éthiques. Nos rapports avec autrui ne sont plus régis par le bien ou le bon, mais par le calcul d’intérêt, ainsi que l’affirme la fameuse « théorie des choix rationnels ». Seulement, si l’intérêt nous guide plutôt que la morale, la vie sociale risque fort de devenir assez vite une foire d’empoigne. Face au reflux de la morale, il faut accréditer le règne des lois. Plus on libéralise les mœurs, plus on doit en même temps sécuriser la sphère sociale. La police est tenue d’intervenir pour départager les individus, car leur conduite n’est plus policée d’elle-même par le devoir. La violence d’État se substitue à la violence des hommes.

    L’État sécuritaire s’impose par conséquent pour garantir les libertés privées, dans un monde où l’on se détourne du devoir public. Cette disposition d’esprit débouche sur une société plus apaisée et moins exigeante. D’un point de vue strictement utilitaire, mieux vaut laisser libre cours à l’égoïsme des hommes, sans chercher à discipliner leur désir ; on se contentera plutôt d’enrégimenter la population sous l’action protectrice et maternante d’un pouvoir policier. En revanche, lorsqu’on compte sur le perfectionnement moral des citoyens, on les sollicite d’une manière épuisante, et l’on risque surtout de propager le chaos social en cas d’échec. Car le modèle ancien de la vertu est très difficile à établir, à tel point qu’il était presque condamné à disparaître au fil de l’histoire. La violence est toujours mieux contrôlée en pratique lorsqu’elle est surveillée ; les lois sont plus efficaces que l’élévation progressive des mœurs. Mais si l’efficacité apporte quantitativement davantage de bienfaits, d’un point de vue matériel, elle affadit qualitativement le caractère sur un plan existentiel. Le citoyen moderne jouit de plus de confort, grâce à l’État ; mais il a moins la possibilité d’épanouir sa vertu. On l’abandonne en quelque sorte à sa propre immaturité individuelle, à sa propre absence de morale et de structuration, pour le civiliser d’une façon artificielle, à travers la violence des contraintes juridiques et de la répression sécuritaire. La civilisation moderne n’est plus à certains égards qu’une forme sophistiquée de barbarie. Elle est à la fois excessive dans l’exigence extérieure d’ordre, et laxiste dans l’exigence intérieure de responsabilité.

    Pour rebondir sur l’actualité, comment expliquer que les sociétés compassionnelles que sont devenues les sociétés occidentales soient incapables de « penser » une autre violence que celle qui les frappe ? D’un côté, sentiment hypertrophié de la violence subie ; de l’autre, sentiment atrophié de la violence pratiquée, notamment en Orient.

    Votre remarque est très juste. Il existe en effet une exacerbation victimaire de la souffrance, en Occident, qui découle du nouveau régime anthropologique dans lequel nous sommes entrés avec l’essor de la modernité. Nous craignons démesurément la violence, à laquelle nous ne sommes plus habitués depuis que l’État en assume le monopole légitime. Toute expression trop directe des passions nous tétanise, nous effraie. Nous nous méfions de ce qui émeut et divise.

    Dans l’Antiquité ou au Moyen Âge, on avait beaucoup moins peur qu’aujourd’hui du danger, justement parce qu’il était quotidien. La rapine, la lutte, la chasse aux animaux ou même la chasse à l’homme faisaient partie des nécessités de l’existence et étaient inscrites dans les structures mêmes de la société. Cette familiarité à l’égard du danger se manifestait volontiers à travers un certain sadisme. Au XVIe siècle, à la Saint-Jean, on avait coutume de brûler vif une ou deux douzaines de chats, en guise de réjouissance populaire. Au contraire, la moindre vue de ce qui pourrait rappeler la violence nous devient désormais insupportable. Nous nous gaussons de notre absence de cruauté, que nous percevons comme un progrès moral ; toutefois, reconnaissons qu’il nous est devenu pénible d’observer un spectacle qui évoque la mort, même dépourvu de cruauté, de sorte que notre répugnance est peut-être moins due à notre charité qu’à notre pusillanimité. Accepterions-nous encore qu’un porc soit servi entier à table, rose et saignant, lors d’un banquet, et que sa dépouille soit découpée devant tous les convives : d’abord la tête, puis les pieds, etc. ? Nous préférons de nos jours, dans notre « bienveillance », que l’animal soit préparé dans l’arrière-salle d’une boucherie, puis servi sous une forme qui nous permette d’oublier qu’il était un être vivant.

    Le problème, c’est que toutes les populations du monde n’ont pas le même rapport à la violence. Si nous souffrons d’un excès de civilisation, qui nous rend angoissés et craintifs, voire parfois irresponsables à force de fermer les yeux sur le tragique des choses, d’autres souffrent d’un  manque de civilisation, qui les rend impulsifs et dépourvus d’empathie (ce qui relève d’une autre forme d’irresponsabilité). Cette divergence prend également une dimension sociale, à l’intérieur même de nos nations développées. L’intensité de la répression pulsionnelle que s’imposent les individus est en règle générale plus forte dans les milieux aisés, où l’on est habitué à des exigences professionnelles rigoureuses, mieux aptes à favoriser l’établissement de comportements régulés. La surveillance de la police est étroite dans les quartiers tranquilles, et la sécurité bien assurée, de telle sorte que la plupart des Occidentaux éprouvent une grande sensibilité face à la violence, qui ne fait pas partie de leur univers mental. De plus, l’accès à un certain confort rend prudent, tandis que la misère incite à la prise de risques. Il se trouve malheureusement que les inégalités sociales se creusent, depuis la fin du XXe siècle. On voit se constituer des poches urbaines ghettoïsées, où se concentrent des communautés qui n’ont rien à espérer de la vie et pour qui la violence n’est guère plus qu’un jeu. Cela provoque une confrontation entre deux mondes que tout oppose : un monde qui craint les altercations et un autre qui n’en a cure, au point même de les rechercher parfois, pour s’amuser.

    Une des particularités du monde moderne, écrivez-vous, est qu’il tend à dissimuler les morts, tandis que les sociétés traditionnelles les intégraient à la vie de la communauté. Pourquoi cette évolution ?

    L’historien Philippe Ariès parlait de la « mort inversée » des modernes, qui ont expulsé le tragique hors du cours normal de la société pour ne pas en perturber le rythme. Nous ne craignons pas il est vrai de laisser les personnes âgées terminer leur vie dans de froides chambres d’hôpital, et les cérémonies funéraires se déroulent maintenant dans des cimetières isolés. On n’imagine plus des pleureuses gémir à grand fracas au milieu des rues pour avertir toute la population du départ de celui qui s’est éteint, comme on klaxonne pour célébrer un mariage. Quant à laisser une chaise et une assiette vides à destination des défunts lors des fêtes, voilà qui paraîtrait plus morbide encore ; on sait que cette coutume était pourtant courante dans le passé, notamment chez les peuples celtes.

    Le christianisme moderne sanctifie la vie (au sens de la survie biologique) : chez les peuples chrétiens, la mort apparaît sous un jour particulièrement détestable et effrayant, qu’il s’agit même de conjurer par une « vie après le trépas », dans la paix éternelle de Dieu. Le paganisme antique envisageait au contraire la mort comme la condition de possibilité de la vie, au même titre que la vie est la condition de possibilité de la mort. Tout dans la nature relève d’un grand cycle : la fleur doit s’épuiser et mourir pour que son pollen se répande et féconde la terre. D’où le culte des morts, qui revient à honorer à la fois l’origine et la destination de la vie. D’où aussi l’acceptation de la violence dans la nature, qui explique pourquoi la vie ne peut qu’être une conséquence de la mort : c’est la même nature innocente qui engendre quand elle détruit, et qui détruit quand elle engendre. Accepter la violence et accepter la mort vont symboliquement de pair.

    Nous craignons la mort à notre époque parce que notre existence s’est dévitalisée. Nous avons désappris la violence, lorsque l’État moderne nous a ordonné de le faire. Or, la mort est ce qu’il y a de plus violent au monde : nous sommes donc obligés de la refouler pour trouver encore le courage de vivre, alors que les héros d’Homère s’en nourrissaient pour se couvrir de gloire.

    La violence brute est une mauvaise chose, bien sûr. Tout ce qui est brutal est médiocre. La vie doit être cultivée et raffinée, sans quoi elle est barbare. Il faut privilégier les formes sublimées de la violence, comme la création artistique ou philosophique, l’ambition, le sport ou la participation aux débats publics. Mais il faut prendre garde aussi, en disciplinant la violence, de ne pas l’abolir. La violence sublimée est une force positive de vie. Une fois métamorphosée et mûrie, elle ne détruit plus capricieusement ce qui nous entoure, mais contribue plutôt à nous élever nous-mêmes.

    Dans Le Paradoxe de la civilisation, vous expliquez, en vous appuyant sur les sagesses chinoises, que l’homme civilisé est celui qui a réconcilié en lui la nature et la culture. La modernité compromet-elle l’homme civilisé en voulant nier le naturel ?

    On avait coutume de dire en Chine : « La culture tient à la nature, la nature tient à la culture, comme sa bigarrure tient au tigre. Arrachez ses poils à la peau d’un tigre ou d’un léopard, et il ne vous reste que la peau d’un chien ou d’un mouton. » Confucius lui-même mettait déjà ses contemporains en garde contre la tentation de dresser l’une contre l’autre des forces qui gagneraient en fait à s’infuser mutuellement : « Quand le naturel l’emporte sur la culture, cela donne un sauvage ; quand la culture l’emporte sur le naturel, cela donne un pédant. L’exact équilibre du naturel et de la culture produit l’honnête homme. »

    L’Occident moderne, influencé à la fois par le christianisme paulinien et le rationalisme des Lumières, a voulu construire une civilisation qui nous arrache au corps et à la nature. Mais si l’homme a besoin de tendre vers le ciel, il doit aussi préserver les racines qui le relient à la terre. Nous ne devons pas livrer notre humanité à ses instincts naturels, sous peine de plonger dans la barbarie ; mais, si nous négligeons nos passions, nous nous dessécherons dans une culture atrophiée.

    De même, l’harmonie procède selon vous d’un jeu d’équilibre entre des forces contraires. La modernité semble avoir choisi une conception monolithique du bien et du mal contre l’harmonie. En quoi est-ce un risque ?

    L’harmonie traditionnelle envisage la morale d’une façon équilibrée. Il faut tenir compte à la fois de la nature et de la culture, du corps et de l’esprit, de la violence et de la paix. À l’inverse, le dualisme chrétien, qui s’est prolongé dans l’idéalisme sécularisé des Lumières, privilégie les logiques antithétiques : il choisit alors la culture contre la nature, l’esprit contre le corps et la paix contre la violence. Mais il refoule du même coup tout un pan de ce que nous sommes, et tout un pan de ce qu’est la vie. Si bien que ce refoulé sera un jour condamné à surgir de nouveau, sous une forme morbide.

    Nous sommes entrés dans une civilisation de l’excès. Notre placidité collective engendre en nous – et autour de nous – un besoin croissant de stimulation frénétique, comme si nous voulions réveiller nos consciences éteintes et notre inaptitude au débat à grands coups de polémiques stériles et hystérisées. Le dialogue public est devenu tellement insipide et ennuyeux que nous recherchons avidement la moindre source d’agitation : nous passons notre temps à stigmatiser les dérapages verbaux d’insupportables trublions médiatiques, qui n’ont de cesse pourtant de nous fasciner par devers nous. C’est alors la surenchère à l’insulte ou à la caricature, au point que l’aseptisation du débat dominant conduit à la radicalisation tout aussi pathologique de ses marges ! Ce constat s’applique d’ailleurs à tous les champs de la vie sociale, qui sont perpétuellement tiraillés entre des excès contradictoires. Notre peur aveugle de la violence entretient ainsi des poches souterraines de barbarie, où prolifère le goût du désordre et de l’agression : nous ne supportons plus la vue d’un cadavre, mais prenons un plaisir morbide à regarder des reportages sur les tueurs en série ou les massacres de masse. Et notre soif sécuritaire de contrôle engendre des mouvements compensatoires de rébellion, d’insubordination, voire d’atomisation urbaine, qui menacent de plus en plus gravement l’ordre public.

    Les contraires s’aimantent. Loin de s’opposer, ils se rejoignent. Mais à force de se maudire, de s’exclure et de se diaboliser, ils cèdent l’un et l’autre à ce qu’il y a de plus extrême en eux. La modération nous sauve de nous-mêmes ; elle rétablit l’équilibre fragile de l’harmonie et nous épargne de périlleux retours de balancier. C’est une antique loi de la nature que nous devrions rapprendre des Grecs et des Chinois si nous espérons faire durer un peu notre vieille civilisation fatiguée.

    Thibault Isabel, propos recueillis par Matthieu Giroux (Philitt, 16 décembre 2015)

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  • La guerre des Amériques...

    Les éditions Perspectives libres viennent de publier un essai de Norman Palma intitulé La guerre des Amériques - Histoire de la domination occidentale de l'Amérique Latine. Économiste et philosophe, maître de conférence à la Sorbonne, Norman Palma a déjà publié plusieurs essais dont Autopsie d'un désastre économique (Perspectives libres, 2014).

     

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    " Pour comprendre le passé et le présent de l’Amérique latine, il faut comprendre que ce continent est passé d’une domination à l’autre. De l’empire espagnol à l’Empire du dollar, c’est l’histoire de cette domination et de la quête d’émancipation des peuples latino-américains que nous conte Norman Palma. C’est un hymne à Amérique latine et à sa liberté que nous propose l’auteur. "

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  • Mettre l'actualité en questions...

    Le 15 décembre 2015, Martial Bild et Élise Blaise recevaient, sur TV libertésAlain de Benoist et Nicolas Gauthier à l'occasion de la sortie de leur livre Survivre à la pensée unique (Krisis, 2015), dans lequel le philosophe et le journaliste, au travers de l'actualité, cherchent à élucider le sens des événements...

     

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  • Socialisme ?...

    Le numéro 42 de la revue Krisis, dirigée par Alain de Benoist, vient de paraître. Cette nouvelle livraison est consacrée au socialisme... 

    Vous pouvez la commander sur le nouveau site de la revue Krisis ou sur le site de la revue Eléments.

    Bonne lecture !

     

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    Savons-nous encore vraiment ce qu’était le socialisme? Rien n’est moins sûr, à l’heure où l’imaginaire marchand colonise l’ensemble de la planète. La critique du capitalisme est passée aux oubliettes depuis le tournant social-démocrate de la présidence Mitterrand, en 1983, si bien que la gauche se résume désormais à l’aile réformiste du parti libéral. L’image qu’elle nous donne au XXe siècle ne ressemble en rien à ce qu’elle était cent ans plus tôt. Mais le problème est plus complexe qu’il n’y paraît. Car la trahison de la gauche n’est pas seulement affaire de degrés en plus ou en moins dans la radicalité des réformes, comme tendent par exemple à le penser les derniers représentants du communisme français. La gauche s’est aussi éloignée du socialisme par les orientations générales de son discours. La question n’est pas à ce titre de savoir si elle est suffisamment à gauche, mais si elle est suffisamment socialiste! Sa rupture idéologique avec les pionniers du mouvement concerne la nature même de ses revendications.
     

    Au sommaire de ce numéro:

    Christopher Lasch / Pourquoi la gauche n’a pas d’avenir.

    Entretien avec Costanzo Preve / Un socialisme pour le XXIe siècle?

    Charles Robin / La sagesse anarchiste.

    Entretien avec Denis Collin / Marx, le communisme et la République.

    David L’Épée / Le socialisme face à l’idée nationale.

    Luc Pauwels / Henri de Man, un socialiste atypique.

    Thibault Isabel / L’idée fédérale chez Pierre-Joseph Proudhon.

    Raymond Robert Tremblay / Critique de la théorie marxiste de l’État.

    Entretien avec Alain de Benoist / Georges Sorel.

    Document : Werner Sombart / Pour quelle raison le socialisme n’est-il jamais parvenu à s’implanter en Amérique? (1906)

    Yohann Sparfell / Autonomie socialiste contre autarcie libérale.

    Le texte : Karl Marx / L’aliénation par le travail (1844).

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  • Le nouveau bipartisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Faye, cueilli sur son site J'ai tout compris et consacré à la montée en puissance du Front national...

    Polémiste et essayiste, Guillaume Faye vient de publier Comprendre l'islam (Tatamis, 2015).

     

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    Le nouveau bipartisme : FN contre RPS

    Il était prévisible que le Front national n’emportât aucune présidence de région. Mais sa progression est considérable : plus de 6,8 millions de suffrages au soir du second tour. Seul contre tous, il s’est confirmé comme premier parti de France face aux deux coalitions objectivement alliées LR–Centristes et PS–extrême gauche. Le RPS. Ces élections régionales ont été en fait un référendum pour ou contre le FN. Son ascension vers le pouvoir a commencé mais elle sera incertaine, difficile et explosive.   

    Le plafond de verre existe toujours mais il monte…

    Au second tour des élections régionales, le 13 décembre, plus de 6,8 millions d’électeurs ont donc voté FN, un record historique. Il a dépassé les 6,4 millions de la présidentielle de 2012 alors que la participation était plus forte de vingt points cette année-là. Le FN est le seul parti capable de rassembler un tiers de l’électorat. La coalition droite–centristes a accumulé (avec l’apport artificiel de voix de gauche anti-FN dans trois régions) 41% des suffrages, la coalition de gauche 30% et le FN seul 29%.   

    Au plan national, comme le sanglier poursuivi par la meute, le FN seul affronte à droite LR, UDI, le Modem et à gauche PS, Radicaux de gauche, Front de gauche, EELV et PCF, soit huit formations politiques contre une. La grande ligue. 

    Obtenir près de 30% des suffrages exprimés, c’est à la fois énorme pour un parti considéré comme d’ ” extrême droite” (dans les années 80, quand le FN dépassait la barre des 10% ont parlait de séisme…) mais insuffisant : bien que premier parti de France, dans ce nouveau système tripartite (en apparence seulement), le Front national doit affronter deux coalitions plus ou moins alliées, celle de la droite et des centres et celle de la gauche et de l’extrême gauche. Il joue à un contre deux. 30% des électeurs sont pour lui mais 70% contre, ne l’oublions pas. Les jeux ne sont pas faits. Le plafond de verre est à 50% des suffrages exprimés. Le FN, isolé et sans alliances, en est encore loin. Mais il ne faut jurer de rien. C’est la marée qui monte, poussée par le vent des événements…

    Le vote FN a progressé de 7 point sous Sarkozy et de 10 sous Hollande. 57 % des Français estiment que le FN est un ”parti comme les autres”. Il y a dix ans, ils étaient à peine 10% à le penser. Cela dit le vote massif pro-FN, d’un point de vue sociologique, n’est pas ”politique”, au sens classique, mais plutôt symbolique. C’est une sorte d’appel au secours, dont la submersion migratoire est la première motivation. 

    La coalition anti –FN : les Nuls contre les Inconnus

    Nous ne sommes pas dans un nouveau système tripartite (droite, gauche, FN) mais dans un duel droite–gauche contre FN. Comme le reconnaît Guillaume Tabard (Le Figaro, 14/12/2015) : «  de Manuel Valls à Alain Juppé […] en passant par Bertrand et Estrosi, la tentation ou le désir d’un nouveau paysage bipolaire affleure, autour de la seule question du Front national ». Le bloc, l’agrégat bicéphale Républicains et alliés avec PS et alliés, qu’il faut nommer RPS, s’oppose donc au FN dans une nouvelle configuration bipartisane de fait. Pour l’opinion publique, ceux qui ont gouverné (RPS) s’opposent à ceux qui n’ont pas encore gouverné (FN). Les nuls contre les inconnus. 

    Christian Estrosi, symbole théâtral du politicien roué, félicité par Manuel Valls pour sa victoire, s’est posé en « résistant » face au FN (allusion ridicule et insultante à la vraie Résistance de 1940–1944) et a assuré qu’il créerait un « conseil territorial » pour gouverner la région PACA avec la gauche. Alain Juppé : «  merci à ceux qui ne partagent pas nos idées et qui se sont mobilisés pour éviter le scénario du pire. Cela nous oblige ». Sous entendu : on est tous d’accord, droite et gauche contre le FN.

    Non seulement la gauche s’est désistée en faveur de la droite et du centre dans les régions Nord et Sud-Est, ce qui prouve que l’animadversion anti FN est plus forte que le sacrifice de tous les élus régionaux, mais les gagnants, MM. Bertrand et Estrosi, ont promis qu’ils ”tiendraient compte” des voix de gauche qui les ont fait élire. Autrement dit, ils mèneront la même politique que la gauche, avec d’infimes nuances, comme cela se passe au niveau national. Le RPS est donc bien un fait politique et la divergence gauche–droite n’est pas programmatique ni idéologique mais politicienne.

    Elle peut être idéologique, mais en paroles seulement, pas en actes. Mme Pécresse, nouvelle présidente de l’Ile–de–France par exemple – j’en fait le pari– n’abolira pas la remise de 75% sur le prix des transports pour les immigrés clandestins., par ailleurs constitutionnellement illégale. M. Raffarin : « nous devons travailler avec le gouvernement car le FN est un adversaire commun ». NKM, Estrosi et Bertrand parlent de « rassemblement républicain » contre le FN. M. Sarkozy, lui, avec son ”ni ni” ne sait plus où il habite. Un projet stratégique de recomposition politique est en cours pour former un barrage–bloc gauche–droite contre le Front national. LR, ex UMP, est en panne de programme ; le carriérisme politicien est le seul horizon de ses dirigeants. L’alliance droite modérée–centre mou– gauche contre le FN est la coalition qui se dessine après ces élections.

    Alain Juppé a d’ailleurs déclaré le 11 décembre qu’aux prochaines législatives, il appellerait au retrait du candidat de droite arrivé troisième en cas de triangulaire ou à voter pour le PS en cas de duel. Ce qui prouve bien qu’une bonne partie des caciques de la coalition molle LR–Centre voit cette dernière comme alliée de la gauche contre le FN. Il y a, dans le raisonnement de la classe politique, l’idée d’un bloc moralement légitime gauche–droite majoritaire contre un FN moralement illégitime, minoritaire mais en dangereuse progression. Le problème est que le ”peuple électoral ” pense de moins en moins ainsi.   

    La bonne vieille tactique du ”front antifasciste”

    La tactique du PS (M. Valls) –comme de François Hollande en prévision du second tour de la présidentielle de 2017– consiste à dire : ”la question n’est pas de voter pour nous et notre programme mais de voter contre ce FN d’extrême droite, pour faire barrage à l’horreur”. La logique de légitimation positive (”notre programme est le meilleur, votez pour nous”) cède la place à celle de la légitimation négative : ” notre bilan est mauvais, mais l’essentiel n’est pas là ; votez pour nous pour vous éviter le pire, le Front national ”.

    Face à la montée du Front national, on s’emploie donc à ressusciter la tactique communiste du Komintern inventée par les services soviétiques dans les années trente, le « front antifasciste ». Le « front républicain » n’est que la réplique essoufflée de ce dernier. Sauf que le FN est sans doute plus ”républicain” et démocrate que les sectes partisanes et oligarchiques qui usurpent ces termes. Quand on patauge dans l’échec complet et qu’on n’a rien à offrir, on utilise cette ressource, en ignorant que le FN n’a rigoureusement rien à voir avec les mouvements fascistes, comme l’a démontré le politologue et historien des idées politiques Pierre–André Taguieff.

    L’argument selon lequel le FN serait l’héritier de Vichy (qui était un régime de gauche, ne l’oublions pas, soumis à l’occupant national–socialiste, ne l’oublions pas non plus), rabâché par l’intellocratie, n’a aucune prise sur l’électorat, notamment des nouvelles générations.

    Un conseiller de l’Élysée, cité par Le Figaro (08/12/2015) déclare : « Hollande veut apparaître comme le candidat de la République et du rassemblement, contre le terrorisme et l’extrême droite […] Il fait le pari qu’il sera face à Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017 » Hallucinant mais vrai : le FN est mis sur le même curseur de dangerosité que le terrorisme islamique. Le FN est comparé à Dae’ch. Cette rhétorique est tellement dépourvue de bon sens qu’elle est évidemment contre productive.

    Le soir du premier tour des régionales, le 6 décembre, sur les plateaux télé, on a entendu des politiciens de gauche ou LR comparer le FN au « péril brun » (allusion à la ”peste brune” nazie) ou l’assimilant à un danger pour la ”république”, la démocratie, les libertés publiques. Au soir du second tour, on a rabâché sur les TV à la face des (rares) invités FN placides: ” vous n’êtes pas des républicains ni des démocrates ”. Sous entendu : vous êtes des nazis dissimulés.

    Et ces paroles ignobles provenaient de gens, associés électoralement au Parti communiste et aux trotskistes, abreuvés au lait d’un marxisme qui, comme l’islam(isme), a multiplié les crimes contre l’humanité. Inversion de la réalité, incongruité. Passons. 

    L’oligarchie ”démocratique” contre le populisme

    Diaboliser le FN, le présenter comme un danger majeur pour la démocratie, la République, les ”valeurs” (lesquelles ?), comme un risque de dictature, fonctionne parfaitement bien pour un certain nombre d’électeurs (droite ou gauche). La question est de savoir combien tombent dans ce piège : de moins en moins, d‘après les sondages, mais toujours suffisamment pour créer un ”plafond de verre”, qui monte, certes, mais qui se situe toujours en dessous du seuil fatidique de 50%.

    En effet, un certain pourcentage d’électeurs préfère voter pour la coalition droite–gauche que pour le FN, représenté comme un parti spécial et dangereux. Mais exclure idéologiquement le FN de l’arc politique légitime gauche–droite est une tactique à double tranchant : ce peut être pertinent dans l’effroi (positif) mais aussi susciter l’exaspération par la grosseur du mensonge (négatif). L’ennemi principal et objectif de l’oligarchie (qui se réclame évidemment de la ”démocratie”, comme le faisaient les soviétiques) c’est le ”populisme”, le peuple autochtone, dont la représentation symbolique (plus que politique) est le Front national.

    Pour les idéologues de gauche, inspirés par le trotskisme bourgeois du think tank Terra Nova, les ”classes dangereuses”, ce sont les masses des électeurs FN et de la ”Manif pour Tous” qui a marqué les esprits et fut sévèrement réprimée par la police. Ce ne sont pas les banlieues islamisées et violentes qui effraient mais ces petits Blancs de la France périphérique qui osent faire de la résistance par leur vote silencieux. Le peuple de souche des classes populaires est placé sous la surveillance attentive de l’oligarchie et de ses alliés objectifs. Vous devinez lesquels.   

    Un vote FN symbolique et insurrectionnel

    La carte des scores électoraux FN au premier tour des régionales regroupe à peu près exactement celle des zones à forte présence d’immigration afro-maghrébine et d’islamisation. Fait sociologique incontournable. La motivation du vote massif FN de la part de nouveaux électeurs n’est ni celle d’un vote protestataire ni celle d’un vote d’adhésion mais, entre les deux, celle d’un vote insurrectionnel.

    Le programme économique du FN que j’ai souvent critiqué (voir autres articles de ce blog) importe assez peu pour ses électeurs. Même ceux qui sont libéraux passent l’éponge et votent FN, un peu à l’aveugle, pour ”essayer autre chose”. Immigration et islamisation non maîtrisées, délinquance explosive, justice anti répressive, Éducation nationale déliquescente, sont les principales raisons du vote FN. La question de la résorption du chômage vient, contrairement aux discours des politologues télévisuels, en second lieu.

    Cela dit, la position brutale du FN pour l’abandon de l’Euro, très irréfléchie, lui a probablement fait perdre plusieurs points dans ses scores électoraux. La direction du FN a très médiocrement piloté son programme économique et social, ce qui lui a fait perdre – et empêché de capter – plus de voix qu’elle n’en a gagnées. C’est la faiblesse majeure du FN. Ses solutions en matière économique sont superficielles, amateuristes et déconnectées de la réalité. Elles constituent un verrou. Elles sont sans originalité, banalement alignées sur la politique pratiquée depuis des décennies par les gestionnaires d’un État Providence en faillite. Manque d’audace et de talent. Dommage : gros handicap pour le FN.

    Les propos racistes anti Blancs (et ethnomasochistes) de M. Claude Bartolone à l’encontre de Valérie Pécresse, accusée d’être la candidate de la « race blanche », ont probablement abouti non pas à faire voter pour lui des abstentionnistes ”Beurs–Blacks” du 93 comme il l’espérait, mais à accentuer un report de voix FN (vote utile) vers son adversaire féminine LR., et à le faire battre. M. Bartolone n’est pas réputé, même au PS, pour être un génie…

    La dynamique sociologique du FN

    Mais ce nouveau bipartisme est une autoroute pour le Front national. Il apparaît comme la seule force d’alternance à une classe politique droite/gauche qui a échoué dans tous les domaines, dont le bavardage idéologique fut inversement proportionnel aux actes, aux résultats. Il est probable que le FN va continuer de bénéficier de fuites d’eau d’électeurs(–trices), d’élu(e)s et de diverses forces (y compris LR et gauche) qui vont rejoindre ses rangs. Pour des raisons à la fois idéologiques et d’intérêt, sincères et insincères. C’est la nature humaine.

    Dans ce contexte, les petits partis souverainistes ou identitaires en orbite autour du FN, qu’ils s’y opposent ou lui fassent du genou, vont très probablement se vider de leur encadrement et le rejoindre.

    Malek Boutih, député PS de l’Essonne, probablement le plus lucide des élus de gauche sur la situation du pays, auteur d’un rapport percutant sur les banlieues défrancisées et islamisées qui va dans le sens des analyses politiquement incorrectes de l’historien Georges Bensoussan, disait récemment que contre la progression du FN, il fallait en finir avec les incantations sur les ”valeurs” et « passer aux actes ». Passer des mots à l’action. Il a raison. Mais son propos est ambigu. Passer aux actes pour faire régresser le chômage et la paupérisation ? Il faudrait des recettes libérales, à la manière suisse ou anglaise. Impensable pour le logiciel socialiste. Passer aux actes pour limiter l’immigration, la criminalité, l’islamisation, racines du vote FN ? Là, il faudrait se tourner vers une solution à la japonaise. Impensable pour le logiciel socialiste. Ou bien passer aux actes pour promouvoir une ”identité heureuse” à la Juppé, un ”vivre ensemble” des intellos germanopratins, un ”islam des Lumières” ? On nage dans le rêve et c’est l’impasse.

    Le premier parti de France ne dirige aucune région ou département, peu de communes et se trouve quasi absent de l’Assemblée et du Sénat. Néanmoins il a obtenu 358 conseillers régionaux. Cette frustration des électeurs FN et des abstentionnistes favorables au FN va probablement renforcer à l’avenir son implantation. Surtout si – ce qui est prévisible – de nouveaux attentats islamiques ont lieu, si les problèmes divers liés à l’immigration incontrôlée et à la criminalité s’accentuent, ce qui est inévitable.

    Le spectre de la guerre civile

    Valls, dans son syndrome colérique permanent, a déclaré que le FN était « raciste et antisémite ». Antisémite ? Qui est antisémite en France, qui menace et qui tue les Juifs ? Le FN ? Les cathos de la Manif pour Tous ? Non. Des gens issus de cette immigration musulmane que chérit le pouvoir socialiste et ses alliés trotskistes ”antisionistes” –concept euphémique. La pensée de gauche est à la fois obsolète et perverse.

    Manuel Valls, Premier ministre irresponsable qui aime à rabâcher en boucle qu’il ”prend ses responsabilités”, a affirmé aussi que  le Front national portait en lui « les germes de la guerre civile ». Les massacres du 13 novembre ont-ils été commis par des adhérents du FN ? Guillaume Tabard écrit à ce propos : « parler de ”guerre civile” recèle un autre danger. Celui de ce qu’on appelle la prophétie autoréalisatrice. À savoir, provoquer dans les faits ce qu’on annonce dans les mots. […] Prédire la ”guerre civile” n’est-ce pas en partie la susciter ? » (Le Figaro, 12–13/12/ 2015). La guerre civile en France et en Europe aura lieu. D’ailleurs, elle a déjà commencé, en basse intensité, puisque l’ ”état d’urgence ” est décrété. Son spectre hante les discours. La responsabilité d’une éventuelle guerre civile revient entièrement aux gouvernants qui depuis les années 70 ont ouvert les frontières à une immigration massive inassimilable d’origine majoritairement musulmane. 

    Les attentats de janvier et de novembre 2015 ont eu un effet de radicalisation et de mimétisme auprès des musulmans de France, essentiellement les jeunes et les mineurs. On note un accroissement majeur des apologies du terrorisme, des agressions physiques anti françaises, des dégradations de lieux de cultes chrétiens et juifs. Les origines des auteurs sont parfaitement connues et pudiquement tues. « Les attentats de janvier et novembre ont déclenché une vague de délinquance qui révèle les fractures de la société française », titrait Le Figaro (16/12/2015). Il s’agit plus que de ”fractures”, selon le jargon politico journalistique, mais d’une faille tellurique majeure entre deux ”nations” au sein même de la France.   

    Une surenchère terroriste islamique est à prévoir sur le territoire français – comme en Belgique – mélangée à des émeutes ethniques bien plus graves que celles de 2005. Pour la première fois, comme je l’avais prévu, un parti ethnique musulman est apparu. L’Union des démocrates musulmans (UDM) en Seine–Saint–Denis et dans les Yvelines a constitué sa liste et a obtenu 5,90% des voix à Mantes–la–Jolie, en sachant que les immigrés boudent massivement les urnes. Pour combien de temps ? Il va y avoir du sport et le FN sera en première ligne. En sera–t–il capable ? Sinon d’autres solutions devront être froidement envisagées qui ne seront pas des plaisanteries.

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 17 décembre 2015)

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  • Les avatars du juvélinisme allemand 1896-1945...

    Les Presses Sorbonne nouvelle viennent de publier un essai de Gilbert Krebs intitulé Les avatars du juvélinisme allemand 1896-1945. Professeur à l'université Sorbonne nouvelle, Gilbert Krebs a dirigé plusieurs ouvrages collectifs consacré à l'Allemagne de la première moitié du siècle comme Exil et résistance au national-socialisme 1933-1945 (Sorbonne nouvelle, 1998) ou État et société en Allemagne sous le IIIe Reich (Sorbonne nouvelle, 1997).

     

    Juvélinisme allemand.jpg

    " Le juvénilisme fut avec le féminisme un facteur important du changement social au XXe siècle. Il a permis à la jeunesse, catégorie sociale émergente dans le cadre des sociétés industrielles naissantes, d’affirmer sa spécificité et de trouver sa place. Comme tout mouvement social, le juvénilisme a présenté des visages différents selon les sociétés et selon les moments.

    Le présent ouvrage retrace son histoire en Allemagne, entre le début du XXe siècle et la fin de la Seconde Guerre mondiale, et montre que les avatars du mouvement, depuis ses débuts néoromantiques, jusqu’à la débâcle de 1945, reflètent les bouleversements qui ont secoué l’Allemagne durant ce demi-siècle et changé progressivement les rapports entre la société et la jeunesse. Considérée par certains comme un possible recours contre la catastrophe qui menaçait l’Allemagne à la fin des années 1920, la jeune génération porteuse du message juvéniliste ne sut pas répondre à cette attente et eut aussi, par son utopisme, sa part de responsabilité dans l’arrivée au pouvoir du national-socialisme et dans le désastre final. "

     

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