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Métapo infos - Page 1084

  • Le déclin du courage...

    Les éditions des Belles Lettres viennent de rééditer Le déclin du courage, le texte d'un célèbre discours d'Alexandre Soljenitsyne. Ancien dissident soviétique, avant de devenir un dissident de l'Occident, passé par le Goulag, Alexandre Soljenitsyne est l'auteur d'Une journée d’Ivan Denissovitch ou de L'archipel du Goulag, mais aussi de La Roue rouge, son énorme récit romancé de la révolution russe et de ses prémisses...

     

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    " Le 8 juin 1978 Alexandre Soljénitsyne disait aux étudiants de l'université de Harvard :
    « Non, je ne peux pas recommander votre société comme idéal pour transformation de la nôtre. (…) Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l’Est, c’est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l’Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n’est même pas le fait du monde éclaté, c’est que les principaux morceaux en soient atteints d’une maladie analogue. » "

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  • La diplomatie française entre atermoiements et impuissance assumée...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Migault, cueilli sur le site de l'agence d'informations russe Sputnik et consacré au flottement de la diplomatie française, notamment vis-à-vis de la Russie...

    Philippe Migault est directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et stratégiques (IRIS).

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    La diplomatie française entre atermoiements et impuissance assumée...

    La reconduction des sanctions envers la Russie avec l’assentiment de la France est révélatrice de notre incapacité à conduire une politique étrangère cohérente. Soucieuse de donner des gages à tous, notre diplomatie n’est plus lisible, ni crédible.

    Dans la foulée des attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre dernier, les autorités françaises ont cessé de camper sur leurs anciennes positions déconnectées des faits sur le dossier syrien afin de demander la collaboration de la Russie, que François Hollande est allé chercher en personne au Kremlin, à grand renfort d'amabilités et de tutoiement vis-à-vis de Vladimir Poutine. Terminée l'intransigeance sur le départ préalable de Bashar el-Assad, avant tout processus négocié de sortie de crise. Contraint et forcé, Laurent Fabius est non seulement revenu sur cette ligne inflexible, mais est même allé jusqu'à évoquer une coopération contre l'Etat Islamique avec les troupes du dirigeant syrien, bref, semblait rejoindre la position de la Russie. Dans ce cadre, alors que nous semblions bel et bien prêt à nous rendre à Canossa, il eût semblé logique de mettre fin à la bouderie franco-russe déclenchée par la crise ukrainienne et de cesser d'apporter notre soutien à la politique de sanctions décrétée par l'Union européenne envers Moscou. Manuel Valls, avec sans aucun doute l'assentiment préalable de François Hollande, semblait aller dans ce sens lorsque, le 26 novembre dernier, il déclarait à la tribune de l'Assemblée nationale que la France aimerait que ces sanctions prennent fin. Mais une fois encore le diable se cache dans les détails et pour ceux qui n'ont pas retenu simplement cette phrase, mais ont pris soin d'écouter la totalité du discours du Premier ministre, il était clairement stipulé que la levée des sanctions demeurait conditionnée au respect par la Russie des accords de Minsk-2. C'est là, dans cette aspiration à obtenir tout et son contraire en Syrie et en Ukraine, que le bât blesse.

    Car les autorités françaises savent pertinemment que la plupart des violations du cessez-le-feu sont à attribuer, non pas à la Russie et aux séparatistes du Donbass, mais aux Ukrainiens. Elles ne peuvent que constater l'impuissance de Kiev à réformer sa constitution dans le sens d'une autonomie accrue des provinces ukrainiennes, comme convenu dans le cadre de ces accords. Bref, elles exigent des Russes qu'ils se conforment à un texte qui n'est pas respecté par la partie adverse, ce dont celle-ci, aussitôt, tirerait avantage. Ce que nous, Français, serions certainement prêts à accepter suivant l'angélisme coutumier de nos dirigeants, s'imaginant qu'ils ont vocation à guider le monde par l'exemple, suivant « l'esprit des lumières », mais qu'on ne peut guère attendre d'un réaliste déterminé comme Vladimir Poutine. Manuel Valls savait donc, lorsqu'il s'exprimait il y a un mois, que ses propos relevaient du vœu pieux et ne l'engageaient à rien.

    Au demeurant cela n'a rien de surprenant. La France est coutumière de cette diplomatie conjuguant effets de manche, absence de volonté politique et stratégie inexistante. D'une diplomatie multipliant les déclarations mais jamais suivie d'actes. Alors que nous avons perdu 130 de nos compatriotes, de nos proches, sous les coups des terroristes islamistes, les mêmes qui ont frappé à Beslan ou ont détruit l'Airbus A321 russe de Metrojet, rien ne semblait plus logique, alors que nous sommes de facto partenaires puisque confrontés au même ennemi, que de saisir cette occasion pour aplanir nos différents avec la Russie. Il n'en est rien. Car il est tellement plus important de donner des gages à nos « véritables » alliés. De flatter nos amis Polonais, qui nous ont fait miroiter des milliards de dollars de contrats d'armement si nous renoncions à vendre des Mistral aux Russes et qui, la chose faite, font la fine bouche sur nos matériels. De rassurer nos amis Baltes, pourtant loin de cultiver l'art du « vivre ensemble » avec les fortes minorités russes vivant sur leur territoire. De complaire à nos clients Qatari et Saoudiens, qui ignorent tout, bien entendu de l'Etat Islamique, du Wahabbisme et du terrorisme. De prouver notre fidélité à cette Union européenne dont le modèle s'écroule. De faire acte d'allégeance, enfin, à notre grand frère américain.

    Oui, il est si important de plaire à nos mandataires, de ne pas froisser nos « partenaires », même lorsqu'ils ne pèsent rien comparativement à nos intérêts en Russie, qu'il ne nous reste, en définitive, que les mots pour donner l'illusion que la France conserve sa liberté d'action. Nos atermoiements n'ont rien d'innocent. Ils correspondent à notre statut réel. Celui d'une puissance régionale de second ordre qui, arguant de sa maîtrise de l'arme nucléaire et de son siège au conseil de sécurité, tente de persuader ses habitants qu'elle conserve un rôle mondial, mais qui, dans les faits, connaît ses moyens et assume son impuissance en catimini. Parce qu'il est hors de question, pour ses élites, de rêver encore de grandeur ou d'indépendance.

    Philippe Migault (Sputnik, 23 décembre 2015)

     
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  • La guerre et le droit...

    Les éditions L'Harmattan viennent de publier un traité en trois volume de David Cumin intitulé Le droit de la guerre. Maître de conférence en droit public et en sciences politiques à l'université Lyon III, David Cumin est un spécialiste de l’œuvre de Carl Schmitt et est l'auteur de Carl Schmitt - Biographie intellectuelle et politique (Cerf, 2005) ainsi que d'une Histoire de la guerre (Ellipse, 2014).

     

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    " Aussi ancien que la guerre et que le droit international dont il constitue le cœur historique, le droit de la guerre existe. Croisant droit et polémologie, portant sur les conflits armés internationaux et internes, ce traité expose, explique et reconstruit l'ensemble du droit international contemporain relatif à l'emploi de la force armée - auteurs et acteurs de la belligérance, ses buts, moyens, théâtres, régimes - et propose une analyse critique de la responsabilité réparatrice et punitive. "

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  • Réflexion sur le temps présent, c’est à dire du temps qui presse...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Rochedy, cueilli sur son site Rochedy.fr et consacré à la question de la politique dans une période qui ressemble fort à la fin d'un monde...

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    A quoi peut servir la politique dans le monde nouveau ?

    Réflexion sur le temps présent, c’est à dire du temps qui presse

    Dans la période que nous vivons, je tiens que la politique, entendu au sens d’une force qui réglementerait nos vies individuelles, n’a non seulement plus de pertinence, mais surtout plus d’objet.

    D’abord, d’un point de vue historique, les formes politiques que nous connaissions sont au stade de l’agonie. Il est possible de se battre pour maintenir en état les choses, mais ce faisant, nous ne faisons que gagner du temps ; nous ne pouvons inverser le processus.

    L’Etat pourrait contraindre les hommes à « vivre-ensemble », les enfermer de force dans la circonscription nationale,  mettre le paquet dans l’Education pour former des Français pensant, sentant, s’exprimant tel un Gaulliste des années 60 ou un hussard noir des années 1900, que tout cela serait vain, nécessairement emporté par les flots des évolutions historiques, du monde en marche, du temps qui coule et qui bouleverse.

    Pour s’en convaincre, il faudrait un livre entier d’arguments, et celui-ci arrivera, mais en attendant, il suffit aussi de regarder autour de soi, et, peut-être, de connaître un peu l’Histoire. Dans celle-ci, il n’y a point de schéma idéal et figé comme tel. Tout se transforme en permanence, selon des logiques connues. La vérité d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui. Il faut agir et penser selon les forces en présence et les potentiels possibles ; il faut, en un mot, se contextualiser, seul droit, finalement, à la pertinence.

    J’aime l’exemple des Empereurs romains du bas-Empire. Contrairement aux idées reçues, ils ne furent point des décadents. Au contraire, la valeur d’un Marc-Aurèle, d’un Julien, d’un Septime Sévère, Claude II, Probus, Aurélien, Valentinien, Théodose, Dioclétien ou d’un Constantin, est d’un rare mérite. Ce sont des hommes d’Etat et des soldats hors pairs, peut-être supérieurs à des Auguste ou des Césars. Pourtant, ils combattaient et régentaient dans le vent. Par leur puissance et leur énergie, ils parvinrent à ralentir la mort d’un corps politique qui pourtant l’était déjà, l’Empire.

    De Gaulle, le dernier des grands Français, avait tout compris. Dans les Chênes qu’on abat, dialogues avec Malraux, il reconnaît qu’il aura écrit la dernière page de l’Histoire de France, et il sait que ce qui n’est qu’une morphologie politique parmi tant d’autres, la France, était vouée à se transformer considérablement, comme l’Empire Romain du Ve siècle commença lui-même  à se transformer pour voir apparaître de nouvelles formes politiques, et, en quelque sorte, une nouvelle Histoire.

    Désormais, à quoi sert donc la politique, si elle n’est plus qu’un théâtre d’ombres jouant au  pouvoir et rêvant à des restaurations impossibles ? Plus grand-chose, assurément. Toutefois, la politique a encore un rôle à jouer.

    Si elle ne cherche qu’à retarder, qu’à restaurer, alors elle échouera, et le temps qu’elle fera perdre aux hommes sera catastrophique.  Mais elle peut envisager un autre objet : permettre l’accouchement du monde en germes en protégeant dans le chérubin ce qu’il y a de plus utile. Pour y parvenir, sa dignité sera de se retirer au maximum.

    Les Européens, et parmi eux les Français, crèvent de déresponsabilisation. Quand leur corps politique était encore vivant et vivace, ils jetaient leurs yeux au Ciel et voyait l’Etat, qui les embrassait dans une puissance commune ; il les protégeait, et les projetait. Aujourd’hui, quand leur corps politique n’est plus qu’une fiction, et qu’ils n’ont plus par conséquent qu’une fiction d’Etat, ils persistent à jeter leur yeux au Ciel mais ne voient plus rien. Le Salut par la politique n’est plus ; mais, misérables qu’ils sont, il attendent, à cause d’une trop longue habitude, les genoux à terre et les mains suppliantes. D’où les angoisses actuelles, la turbidité, la nervosité qu’aucune force ne semble pouvoir épancher.

    C’est que la politique s’occupe encore trop d’eux. Elle n’a plus la force du père, mais elle a gardé celle de la mère. Elle n’est plus qu’une assistante sociale qui doit « s’occuper de leurs problèmes », « écouter leurs préoccupations », « leur trouver du travail », « bien les soigner », et au final, bien les dorloter. Les hommes et les femmes de notre personnel politique ont pris le pli de cet état de fait ; celui qui gagnera l’élection sera celui qui rassurera le plus, comme s’il s’agissait d’un concours de la meilleure maman.

    Le véritable intérêt de la politique serait de réparer cette situation, et non pas d’y souscrire. Il faudrait que la politique reflue d’elle-même, qu’elle arrête de s’occuper des hommes.  Que la politique cesse de se préoccuper de l’éducation des enfants, qu’elle arrête de maintenir des foules entières dans l’assistanat,  qu’elle ne se mêle plus de morale (démocratisme, droits-de-l-hommisme, vivre-ensemble etc.), qu’elle oblige même les individus à s’intéresser eux-mêmes à leur sécurité, et en quelques décennies seulement, les hommes, les citoyens, accoucheraient du monde nouveau, avec ses nouvelles formes d’organisation, ses nouvelles élites, ses sanctuaires, sa nouvelle morale et ses nouveaux desseins.

    Laissez une province tranquille. Ne lui faites plus la morale. Ne l’assistez plus. Obligez là à se prendre en main. En somme, mettez Paris sous cloche de verre. Revenez quelques années plus tard : vous trouverez là des hommes qui s’en seront sortis, qui auront renouvelé leurs élites,  qui se seront organisés de telles façons qu’ils auront d’eux-mêmes chassés les perturbateurs ou les inutiles, qui auront trouvé comment avoir un intérêt économique dans la mondialisation et auront revivifié leur culture populaire et traditionnelle, etc. Ou alors, cette province sera morte, vidée de ses meilleurs habitants, et dans ce cas, c’est qu’elle vivait sous perfusion et qu’elle devait, historiquement, crever. Et à ce compte là tout est bien.

    Revenez ensuite encore quelques décennies plus tard, et observez un nouvel Etat régénéré qui  se fera fort de concentrer ces provinces et leurs nouvelles organisations dans une volonté commune. De là, il pourra s'appuyer sur des forces renouvelées et donc briller. Puis, quelques siècles plus tard, il dégénérera, et ainsi de suite. l'Histoire est fabuleuse. 

    De toutes façons, c’est exactement ce qu’il se passe actuellement. La politique n’a plus de volonté, car elle n’a plus de force ; elle n’est que velléitaire. Sa nature de père est morte avec De Gaulle, sa nature de mère n’en a plus pour très longtemps. Le seul souci, c’est qu’en ne le voyant pas, cette transition risque de se faire dans l’anarchie la plus complète, tandis qu’un homme politique avisé pourrait accompagner cette transition en sauvant au maximum ce qui pourrait l’être.

    Les hommes ont besoin de liberté et de responsabilité. Par là, ils arrêteraient de courir après de chimères, et, se prenant en mains, ils s’organiseraient comme ils doivent s’organiser naturellement, car telle est leur nature. Il ne faut pas brider la nature et ce qu’elle porte en elle, il faut, au contraire, lui permettre d’accoucher en douceur.  Voici ce que serait encore, en ce début de millénaire, l’honneur de la politique.  

    Julien Rochedy (Rochedy.fr, 22 décembre 2015)

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  • Samain, Imbolc, Belteine et Lugnasad...

    Les éditions Yoran Embanner viennent de rééditer Les Fêtes celtiques,  l'ouvrage de Françoise Le Roux et de Christian-J Gyuonvarc'h. Les deux auteurs, disciples de Dumézil et spécialistes réputés du monde celtique, ont également publié un essai intitulé La civilisation celtique, lui aussi disponible chez l'éditeur.

     

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    " L’américanisation de nos sociétés a popularisé la fête d’Halloween, ou plus exactement Samain,
    selon son nom irlandais, dont les médias ne manquent à chaque automne, de rappeler sa lointaine origine celtique. Mais derrière son aspect folklorique et festif, en quoi consistait-elle exactement ? Quelle était sa signification ? Sa symbolique ?
    Sa place avec les autres fêtes célébrées par les Celtes de l’Antiquité ? Alors que la thématique celtique connaît un regain d'intérêt, cet ouvrage se veut une initiation claire et précise aux quatre principales fêtes des Celtes : Samain, le 1er  novembre qui ouvre l’année celtique, Imbolc au 1er février, Belteine au 1er mai et Lugnasad, le 1er août.
    Avec un décalage d’environ quarante-cinq jours sur la date calendaire réelle, ces fêtes se classent selon deux catégories : les fêtes solsticiales de Samain et Belteine et les fêtes équinoxiales d'Imbolc et de Lugnasad. Seules les deux grandes fêtes de novembre et de mai comportaient des sacrifices et des cérémonies religieuses tandis que la fête d’août était une fête des moissons et celle de février, un rituel de lustration.

    Ces quatre fêtes sont étudiées ici à partir de sources irlandaises médiévales qui constituent, du Moyen Âge jusqu’à l’époque contemporaine, la seule source valable de documentation et d’interprétation. "

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  • Etat d'urgence : l'exception ou la norme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré au débat sur l'état d'urgence...

     

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    « État d’urgence : quand une mesure d’exception peut devenir la norme… »

    La France est en état d’urgence. Qu’est-ce que cela veut dire exactement ? Est-ce un « état normal » ou un « état d’exception » ?

    Au même titre que l’état de siège (art. 36 de la Constitution) ou que les pleins pouvoirs conférés au chef de l’État (art. 16), l’état d’urgence relève de l’état d’exception. Prévu par une loi du 3 avril 1955, il n’avait été décrété qu’à deux reprises depuis la fin de la guerre d’Algérie : en 1984, en Nouvelle-Calédonie, et en 2005, pour faire face aux émeutes des banlieues. Sa caractéristique majeure est de suspendre, au nom du pouvoir discrétionnaire de l’exécutif, donc sans le contrôle d’un juge, un certain nombre de libertés publiques : principe de sûreté, droit de séjour, intimité de la vie privée, liberté de la presse et de la radio, liberté de circulation, liberté d’expression, liberté d’association, de réunion, de manifestation, etc. Bref, c’est la mise en œuvre du principe de Montesquieu : « Il y a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur la liberté » (De l’esprit des lois). Nécessité fait loi.

    Derrière l’« état d’urgence », d’autres mesures semblent se mettre en place, toutes plus liberticides les unes que les autres. Faut-il craindre un « Patriot Act » à la française ?

    C’est évidemment le problème central. Dans ses Commentaires sur la société du spectacle, Guy Debord écrivait : « Les populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler acceptable. » L’expérience montre en effet que l’opinion publique accepte volontiers la suppression des libertés quand elle est présentée comme le prix à payer pour plus de sécurité : en cas de crise, les postures martiales sont plébiscitées. La raison majeure est que la plupart des gens ont la conviction que les mesures d’exception s’appliqueront aux autres – ceux que nous combattons – mais pas à eux. Croyance en large partie illusoire.

    En temps normal, la justice pénale qualifie une action passée et formule une peine pour l’avenir. En déplaçant la responsabilité vers l’intentionnalité ou la « dangerosité » (notions éminemment floues), en mettant en place une justice visant non plus à sanctionner les actes mais les intentions des suspects présumés, voire à sanctionner « toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics », le risque est grand, non seulement de criminaliser les mouvements sociaux, mais d’accélérer la mise en place d’une société de surveillance plaçant sous contrôle permanent l’ensemble des citoyens, afin de prémunir le pouvoir en place contre de possibles opposants. La vidéosurveillance, le fichage des populations, l’espionnage des particuliers, l’assimilation des pratiques contestataires à une « menace » ouvrent des perspectives qui ne sont pas rassurantes. Les mêmes dispositions qui prévoient la fermeture des sites Internet « faisant l’apologie du terrorisme », par exemple, pourraient tout aussi bien être utilisées pour en fermer d’autres tout différents – à commencer par Boulevard Voltaire.

    L’expérience montre, en outre, que les textes votés en période de crise ont tendance à devenir permanents. Il y a donc de bonnes chances que les mesures prises au nom de l’état d’urgence soient conservées lorsque la menace aura disparu. L’exception deviendrait ainsi la règle. Le gouvernement, qui a déjà indiqué que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence entraîneront une « dérogation à certains droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme », veut d’ailleurs faire inscrire dans la Constitution la possible prolongation des mesures d’exception après la fin de l’état d’urgence. Cela revient à brouiller la distinction entre situation normale et situation extraordinaire, et à favoriser l’instauration d’une dictature légale permanente.

    Mais entre la politique et le droit, comment fixer le statut de l’état d’exception ?

    Dans ses Considérations sur le gouvernement de Pologne, Rousseau affirme que « tout État libre où les grandes crises n’ont pas été prévues est à chaque orage en danger de périr ». Mais dans le Contrat social, il disait aussi que « c’est une prévoyance très nécessaire de sentir qu’on ne peut tout prévoir ». Or, si l’on peut prévoir en théorie le cas d’exception, on ne peut en prévoir la forme. Par définition, les normes ne s’appliquent qu’à l’état normal. L’état d’exception implique donc la suspension des normes. Tout le paradoxe tient au fait qu’on peut le définir comme une suspension du droit prévue par le droit. Mais que dire d’un système juridique qui prévoit sa propre suspension ? L’état d’exception peut-il, du point de vue du droit, se réduire à une situation juridiquement qualifiée par des normes de droit ? Telles sont les questions qui ne cessent, depuis deux siècles, de susciter des débats passionnés chez les politologues et les juristes.

    Que l’état d’exception implique la suspension des normes impersonnelles montre en fait que le droit n’est d’aucune utilité pour distinguer ou qualifier par avance une situation exceptionnelle. Face à l’indétermination de la règle de droit, c’est au pouvoir politique qu’il revient de trancher et de créer les conditions d’application du droit. Le politique prime ainsi le juridique : contrairement à ce que croient les tenants de l’« État de droit », le rapport de droit ne peut pas toujours se substituer au rapport de force. Carl Schmitt fait d’ailleurs de l’état d’exception (Ausnahmezustand) un critère de la souveraineté : « Est souverain celui qui décide de (ou sur) la situation d’exception. » Schmitt ajoute que c’est à partir de l’exception qu’il faut penser la règle, et non pas l’inverse. Cela ouvre des aperçus vertigineux.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 18 décembre 2015)

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