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immigration - Page 7

  • Thierry Tuot, un immigrationniste nommé au Conseil d’État...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de S. Quintinius, cueilli sur Polémia et consacré à la nomination à un poste stratégique au sein du Conseil d'Etat d'un immigrationniste affiché.

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    Thierry Tuot, un immigrationniste nommé au Conseil d’État

    Par décret du 22 février 2023, le président de la République a nommé Thierry Tuot à la présidence de la section de l’intérieur du Conseil d’Etat. Cette nomination dans la plus haute juridiction administrative française est lourde de symboles compte tenu des prises de position passées de l’heureux élu. Elle n’aurait pas eu un tel retentissement si elle ne s’inscrivait pas dans un contexte de montée en puissance du pouvoir juridictionnel en France.

    Un poste stratégique

    Il est important pour prendre la mesure de l’importance de la nomination du nouveau président de la section de l’intérieur du Conseil d’État de la placer dans le cadre de son organisation. Cette institution  a deux missions principales : « trancher les litiges qui opposent les citoyens, entreprises et associations aux administrations et proposer au gouvernement et au parlement des améliorations pour sécuriser les lois et réglementations, avant qu’elles ne soient votées ou entrent en vigueur » (1).

    Le site de l’assemblée nationale donne quelques précisions supplémentaires sur le rôle du Conseil d’État en matière de conseil du gouvernement : il « examine les projets de loi et les projets d’ordonnance, avant qu’ils ne soient soumis au Conseil des ministres. Il connaît également des projets de décret les plus importants, qualifiés de « décrets en Conseil d’État ». Son avis porte sur la régularité juridique des textes, leur forme et leur opportunité non politique mais administrative » (2).

    S’agissant de la section de l’intérieur, le Conseil d’État indique sur son site internet qu’elle « examine les projets de texte liés à la politique intérieure du pays (projets de texte relatifs aux principes constitutionnels, aux libertés publiques, au droit d’asile, à l’immigration, à la jeunesse et au sport, etc.) » (3). Le champ de compétence de la section de l’intérieur du Conseil d’État est donc considérable et son importance stratégique.

    Conformément aux textes définissant son organisation et son fonctionnement, pour les questions les plus importantes, l’assemblée générale du Conseil d’État statue après que la section compétente se soit prononcée. A titre d’exemple, l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi intitulé « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », actuellement en débat au parlement, a été rendu par son assemblée générale le 26 janvier 2023, sans qu’il soit possible de voir si celui-ci a été modifié par rapport à l’avis initial rendu par la section de l’intérieur du Conseil d’État.

    La nomination de Thierry Tuot

    Le Figaro prête dans un article du 7 mars 2023 à un membre du Conseil d’État les commentaires suivants sur la nomination de Thierry Tuot à la présidence de la section de l’intérieur : « Au tableau du Conseil d’État, Thierry Tuot, qui était déjà vice-président de cette section, est légitime en grade, à l’ancienneté et, à quelques années près, en âge. Pour autant cela ne veut pas dire qu’il était le seul candidat légitime. Mais Sylvie Hubac, la présidente sortante et ancienne directrice de cabinet de François Hollande, a pesé de tout son poids pour imposer son candidat auprès du bureau du Conseil d’État, et l’a emporté » (4).

    Le site du Conseil d’État précise au sujet des promotions au sein de l’institution que « si l’avancement de grade se fait, en théorie, au choix, il obéit, dans la pratique, strictement à l’ancienneté, ce qui assure aux membres du Conseil d’État une grande indépendance, tant à l’égard des autorités politiques qu’à l’égard des autorités du Conseil d’État elles-mêmes » (5).

    Les éléments précis sur les critères de départage des différents candidats au poste de président de la section de l’intérieur du Conseil d’État n’ont pas été rendus publics. Il est cependant utile de revenir sur quelques-unes des prises de position passées du nouveau titulaire du poste.

    Des prises de position nombreuses

    En 2000 paraissait un ouvrage intitulé « Les indésirables : l’intégration à la française » signé par un certain Jean Faber, un pseudonyme emprunté par Thierry Tuot. La présentation qu’il en a faite à l’époque au journal Libération en donne un aperçu (6). Les indésirables, ce sont « tous ceux qui ne sont perçus et désignés que comme « immigrés ». Le reste est à l’avenant : « On n’a pas souhaité qu’ils viennent en France, on ne souhaite pas vraiment qu’ils restent et s’ils le font, on veut qu’ils soient les moins visibles et les moins immigrés possible (…) On n’a jamais rien fait au niveau étatique (…), on n’a jamais défini une politique d’intégration ».

    Sans doute impressionné par la force de ces constats, le premier ministre de l’époque confiait en 2012 au conseiller d’État une mission visant à analyser la politique d’intégration et à « proposer des axes d’action pour en assurer un nouveau départ ». Le rapport rendu à cette occasion le 1er février 2013 a fait grand bruit (7).

    Critiquant la conception française de l’intégration et de l’assimilation, Thierry Tuot y plaide pour « des efforts partagés : le vôtre, le mien pour que nous soyons Français ensemble. La société qui intègre se transforme autant qu’elle transforme celui qui s’intègre ».

    La « question musulmane » ? «  pure invention de ceux qui la posent, ne cesse d’enfler et de soucier, de polluer le débat public, et de troubler jusqu’au délire les meilleurs esprits. À l’islamisme – revendication publique de comportements sociaux présentés comme des exigences divines et faisant irruption dans le champ public et politique – répond un laïcisme de combat, furibond et moralisateur, qui mêle dans un étrange ballet les zélotes des racines chrétiennes de la France ».

    La nécessité de limiter l’immigration ? : « la plupart des flux migratoires échappent à toute politique visant à les réduire ou les augmenter ; la plupart des clandestins, dont la part est irréductible, finissent par être régularisés; les flux migratoires vont dans les deux sens, c’est-à-dire que beaucoup d’immigrés repartent, de leur plein gré, – et pour ceux-ci, il serait tout de même préférable, dans un monde globalisé, qu’ils le fassent en ayant une autre image de la France que celle d’un guichet renfrogné, ayant chichement mesuré le droit au séjour ».

    Un autre passage sur les clandestins est tout aussi définitif : « Nous sommes un État de droit. Ceux que nous ne reconduisons pas à la frontière ne peuvent pas l’être. Une toute petite minorité essaie de dissimuler son origine, et faute qu’on sache de quel pays l’intéressé provient on ne peut le reconduire. Mais pour la plupart, le défaut de reconduction tient à ce qu’ils sont en droit inexpulsables : soit parce que le pays vers lequel on les reconduirait leur ferait un très mauvais sort, soit pour d’autres raisons tenant notamment à leur situation personnelle (enfants, santé…). L’immense écart entre cette situation de droit finalement assez satisfaisante, et les mouvements martiaux publics des différentes autorités, se traduit par un marécage de souffrance et de destruction sociale qu’il est impératif d’assécher ».

    Malika Sorel-Sutter estimait dans un essai paru en 2015 que le rapport du premier ministre paru en novembre 2013 sur la refondation de la politique d’intégration s’inscrit dans la filiation directe du rapport Tuot, « auquel il est d’ailleurs fait référence » (8).

    Le caractère engagé de certains propos de Thierry Tuot se retrouvait dans une interview accordée en 2013 au journal L’Humanité. Tout en se prononçant pour une facilitation de la régularisation des clandestins et de l’accès à la nationalité française, il y fustigeait les opposants à la politique migratoire laxiste du gouvernement : « C’est tellement simple de dire qu’il y a trop d’immigrés. On se cache derrière les flux migratoires pour ne pas traiter les réalités sociales » (9).

    Plus récemment, en 2018, le journal Le point soulignait qu’à l’occasion de la présentation du projet de loi asile et immigration, les commissaires du gouvernement ont découvert que « le premier opposant au projet de loi asile-immigration du gouvernement ne siège pas dans l’opposition, mais au Conseil d’État », en la personne de Thierry Tuot ». Et le journaliste d’indiquer, exemples à l’appui, qu’à plusieurs reprises, « il a semblé que l’analyse juridique cédait la place au discours militant » (10).

    Le rôle croissant des juges

    La nomination de Thierry Tuot à la présidence de la section de l’intérieur du Conseil d’Etat n’aurait pas eu un tel retentissement si elle ne s’inscrivait pas dans le contexte de l’importance grandissante du rôle des juges dans la construction du droit. Ce phénomène a été décrit notamment par un autre (ancien) conseiller d’état, Jean-Éric Schoettl, dans plusieurs articles et dans un récent essai. En particulier en matière d’immigration et d’asile, les Français voient bien dans quel sens le droit et les pratiques évoluent depuis le fameux arrêt Gisti en 1978 consacrant le droit au regroupement familial.

    S. Quintinius (Polémia,18 mars 2023)

     

    Notes :

    (1) https://www.conseil-etat.fr/qui-sommes-nous/le-conseil-d-etat/missions
    (2) https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-institutions-francaises-generalites/le-conseil-d-etat
    (3) https://www.conseil-etat.fr/qui-sommes-nous/le-conseil-d-etat/organisation/les-sections-consultatives
    (4) https://www.lefigaro.fr/actualite-france/multiculturalisme-au-conseil-d-etat-la-nomination-de-thierry-tuot-fait-des-vagues-20230307
    (5) https://www.conseil-etat.fr/pages/recrutement-et-carrieres/au-conseil-d-etat/les-metiers/les-membres-du-conseil-d-etat
    (6) https://www.liberation.fr/societe/2000/10/07/on-n-a-jamais-defini-une-politique-d-integration_339835/
    (7) https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/134000099.pdf
    (8) Décomposition française. Malika Sorel-Sutter. Ed. Fayard. 2015
    (9) https://www.humanite.fr/societe/thierry-tuot-c-est-tellement-simple-de-dire-qu-il-515947
    (10) https://www.lepoint.fr/politique/projet-de-loi-asile-et-immigration-un-conseiller-d-etat-tres-engage-24-02-2018-2197563_20.php#11

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  • Tour d'horizon... (240)

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    Au sommaire cette semaine :

    - le dossier de la Fondation Identité et démocratie consacré au savoir et réalisé par Hervé Juvin...

    Du marché des savoirs à la société de l’ignorance

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    - la note de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie consacré aux obstacles posés par les juges à la mise en œuvre d'une politique d'immigration ferme...

    Politiques d'immigration : le gouvernement des juges ?

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  • Migrants déployés dans les régions : l’invasion silencieuse...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Dir, cueilli sur Breizh-Info et consacré à la stratégie insidieuse du gouvernement visant à répartir discrètement les migrants clandestins qui affluent en région parisienne dans les communes de la France périphérique...

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    Migrants déployés dans les régions. L’invasion silencieuse

    Les autorités semblent avoir retenu la leçon de Callac. Sans néanmoins renoncer à importer tous les migrants qui rentrent actuellement illégalement sur le territoire hexagonal, dans nos régions. Ainsi, actuellement, discrètement, avec l’aide d’associations perfusées aux subventions publiques (avec votre argent donc) des milliers de migrants quittent chaque mois les squats, les parkings, les rues où ils s’entassent depuis leur arrivée en France, direction les régions françaises. Direction nos campagnes, nos moyennes villes. Dans la plus grande discrétion.

    « 75% des demandeurs d’asile sont mis à l’abri”, dont 1.800 personnes “orientées en région chaque mois” » indique ainsi le directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) Didier Leschi.

    Cela s’appelle une invasion silencieuse. Non annoncée par les pouvoirs publics. Réalisée souvent sans grands échos y compris dans la presse locale et dans les municipalités, pour ne pas susciter de tensions (on ne dit rien à la population comme ça elle évitera de protester et de se rebeller…c’est un procédé dégueulasse estampillé République française). Entendons-nous bien : 98% des extra européens arrivant en France ne sont sûrement pas – hormis le fait d’être entrés illégalement sur un territoire sans être invité – des délinquants en puissance.

    Mais ce n’est pas une question d’être gentil ou pas, intégré ou pas, pacifique ou pas. L’immigration n’est pas, et ne doit pas être, une question de délinquance, ou la variable d’ajustement du chômage et de l’emploi. L’immigration est un problème car à terme, elle change culturellement, religieusement, ethniquement, le visage d’un pays, et avant cela de villes, de régions (Qui osera dire que la Seine St Denis est la même ethniquement qu’il y a 100 ans ?). L’immigration est un problème car elle oblige des individus, puis des groupes communautaires, à cohabiter sur un même territoire alors qu’ils ne peuvent pas cohabiter quoi qu’en dise la République française qui s’est toujours comportée de toute façon comme une machine à broyer les peuples, à nier les identités, les races, les cultures…tout ça pour produire la société déliquescente dans laquelle nous évoluons aujourd’hui.

    Mais les citoyens ne sont pas aveugles. Ils voient bien ces nouveaux arrivants. Ici une famille dans un village et quelques enfants de plus intégrant l’école. Là, un groupe de jeunes hommes extra européens, qui sont posés toute la journée à la terrasse d’un café ou sur la place du centre d’une petite ville.

    Petit à petit. Une famille par ci, un groupe de jeunes hommes par là, sans bruit. L’Etat français – incapable de mener une politique d’immigration à la tunisienne, consistant à mettre tout ce beau monde dans des avions et à les renvoyer dans leurs pays d’origine – impose l’immigration dans nos campagnes, dans nos petites villes. Vous le voyez, mais vous n’avez le droit de rien dire, sous peine d’être taxé de tous les noms. La presse vous demande cette preuve que vous ne pouvez pas sortir, n’étant pas dans les petits papiers des Préfectures ni des associations, et cela malgré que vous ayez la preuve visuelle, que même une certaine droite n’ose pas affirmer : oui, nous voyons arriver de plus en plus d’extra-européens dans nos villes, et cela se voit, en effet, à la couleur de peau, mais aussi à la façon de parler, ou plutôt de ne pas parler la langue du pays.

    L’objectif de la République française, c’est de répartir l’immigration, d’étaler tout cela bien partout dans l’hexagone afin qu’il n y ait demain plus aucun coin qui n’échappe au côté « multiculturel » des grandes métropoles, des paradis sur terre comme chacun sait, havre de paix, de sécurité, de « vivre ensemble », etc etc. De la répartir insidieusement, mais sûrement. Et dans dix ans, les mêmes qui installent aujourd’hui ces migrants clandestins/demandeurs d’asile sur notre territoire (qui seront devenus français de papier par magie entre temps) vous diront l’air grave : « Mais ils sont français comme vouzémoi, quel est votre problème ? Leurs enfants sont français, vous n’avez rien à dire ».

    Souriez, vous allez être remplacés. Progressivement. Mais sûrement. Tant que la pompe aspirante ne sera pas fermée. Tant qu’on continuera à accepter que notre argent, nos taxes, nos impôts, soient alloués à des associations qui oeuvrent quotidiennement pour les autres, pas pour les nôtres. Tant que l’on continuera à baisser la tête par peur d’être qualifié de « raciste d’extrême droite » ou autre anathème dont vous avez peur qu’il vous condamne à une mort sociale, professionnelle, certaine. Tant que l’on continuera à tolérer que la République française et ses agents imposent, sur votre territoire, via des logements sociaux, des rachats de biens immobiliers par des associations, une immigration que vous rejetez pourtant systématiquement, élection après élection, sans que personne ne vous écoute.

    Vous ne croyez pas à cette immigration insidieuse imposée par les autorités françaises ? A Callac, si le projet Horizon a bien été annulé, c’est l’Etat qui a pris la relève : depuis le début de l’année 2023, deux familles de migrants, d’Afrique noire, mais aussi du Moyen-Orient, sont arrivées, et ils constituent une quinzaine de personnes.

    Cela se passe à Callac, à Coray, mais aussi à Quimperlé, à Saint-Brévin, et dans des centaines de villes et de villages de l’hexagone. Sous vos yeux, à votre insu. C’est vous qui payez aujourd’hui l’addition, et vos enfants, demain, les conséquences. Mais pour combien de temps encore?

    Julien Dir (Breizh-Info, 9 mars 2023)

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  • Immigration : le gouvernement italien tarde à faire ses preuves...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de S. Quintinius, cueilli sur Polémia et consacré aux maigres résultats obtenus en Italie par le gouvernement de Giorgia Meloni en matière de lutte contre l'immigration.

     

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    Immigration : le gouvernement italien tarde à faire ses preuves

    Le 25 septembre dernier, la coalition de droite composée de Fratelli d’Italia, La Lega et Forza Italia remportait les élections législatives en Italie. Quatre mois après la formation du nouveau gouvernement dirigé par Giorgia Meloni, le premier bilan que l’on peut tirer de sa politique de lutte contre l’immigration clandestine est en demi-teinte. Les prochains mois seront décisifs pour prouver sa crédibilité en la matière. Les enjeux sont considérables pour l’ensemble des pays d’Europe de l’ouest.

    Des enjeux considérables

     Le constat est malheureusement connu : les migrants clandestins sont de plus en plus nombreux à arriver sur les côtes italiennes. Ils étaient 104 000 en 2022, soit trois fois plus qu’en 2020 (1). Ils proviennent pour l’essentiel de Libye. Mais les départs sont également croissants de Tunisie et atteignaient 16 200 à fin octobre 2022 (2).

    Le potentiel de migration est considérable : selon le dernier recensement réalisé par l’Office International pour la Migration, près de 667 000 migrants sont actuellement présents en Libye (3). Ils proviennent pour l’essentiel du Niger, d’Egypte, du Soudan, du Tchad et du Nigéria. La Libye n’est pour la majorité d’entre eux qu’une étape avant de gagner le continent européen. Ce sont essentiellement des migrants économiques : en août 2020, un envoyé des Nations Unies avait évalué à 70% la proportion des migrants arrivant en Italie qui ne peuvent prétendre à la protection au titre de l’asile (4).

    La capacité du gouvernement italien à stopper une immigration clandestine de plus en plus importante est donc un enjeu majeur tant pour l’Italie que pour l’ensemble des pays européens : elle conditionne en partie le nombre des migrants clandestins qui arrivent en Europe sans y avoir été autorisé.

     La politique du gouvernement italien en matière de lutte contre l’immigration clandestine

    Giorgia Meloni avait lors de la campagne électorale pendant l’été 2022 clairement affiché sa volonté de lutter pied à pied contre l’immigration clandestine qui arrive en Italie par la mer méditerranée. Cet engagement a sans nul doute été déterminant dans la victoire de la coalition de droite composée de Fratelli d’Italia, La Lega et Forza Italia, lors des élections législatives le 25 septembre dernier.

    Le nouveau gouvernement au pouvoir en Italie s’appuie principalement sur deux piliers dans sa lutte contre l’immigration clandestine : la régulation de l’activité des O.N.G. et l’interception des départs d’Afrique du nord.

    Le conseil des ministres italien a adopté le 28 décembre 2022 un décret imposant de nouvelles règles lors des opérations de sauvetage en mer (5). Les O.N.G. doivent désormais immédiatement après une opération de secours demander un port de débarquement vers lequel leurs bateaux doivent se diriger sans délai. Les migrants doivent en outre être informés de leur possibilité de demander l’asile dans d’autres pays de l’Union européenne que l’Italie.

    La présidente du conseil avait avant son élection annoncé son intention si elle était élue de « bloquer les départs » des côtes africaines (6). Un accord entre la Libye et l’Italie conclu en 2017 se traduit déjà chaque année par l’interception en mer de dizaines de milliers de bateaux de migrants et leur renvoi en Libye. Les garde-côtes libyens revendiquent ainsi avoir intercepté près de 23 000 migrants en 2022 (7). Les garde-côtes tunisiens auraient pour leur part intercepté 25 000 personnes en mer l’année dernière (8).

    Une nouvelle étape a été franchie le 28 janvier 2023 avec la signature de deux accords de coopération entre les autorités italiennes et libyennes. Le premier prévoit la livraison de 5 bateaux patrouilleurs, financés par l’U.E., destinés aux garde-côtes libyens, le second prévoit la création d’une force opérationnelle conjointe chargée de la lutte contre l’immigration clandestine, le terrorisme et le trafic de drogue (9).

    Des résultats peu probants

    Il est trop tôt pour estimer le nombre d’interceptions supplémentaires qu’effectueront les garde-côtes libyens avec leurs moyens accrus. Les nouvelles obligations imposées par les autorités italiennes aux O.N.G. sont par contre entrées en vigueur en début d’année 2023. Les villes portuaires qui sont désignées par les autorités italiennes aux équipages des bateaux des O.N.G. pour le débarquement des migrants sont souvent loin du point le plus proche d’arrivée en Italie. Elles sont en outre souvent dirigées par la gauche… (10). Le gouvernement invoque pour cette orientation la saturation des centres d’accueil des demandeurs d’asile dans le sud du pays. Mais les résultats de cette politique sont loin d’être convaincants : comme le portail du H.C.R. des Nations unies le fait ressortir, chiffres à l’appui, le nombre de clandestins débarqués sur les côtes en Italie était en forte hausse en début d’année 2023 par rapport aux années précédentes : 5 000 arrivées en janvier 2023 contre 3 000 en janvier 2022 (11). En l’espèce, cette forte affluence serait à attribuer à…la météo clémente !

    Tir de barrage des O.N.G.

    L’interception des bateaux à leur départ d’Afrique du nord et la régulation de l’activité des bateaux des O.N.G. en méditerranée sont des mesures fortement contestées par plusieurs collectifs no border. Ceux-ci font un intense lobbying pour mettre fin à ces entraves jugées insupportables. Dans le prolongement de ces initiatives, la commissaire européenne aux droits de l’homme a demandé – sans succès – au gouvernement italien de retirer son décret de régulation de l’activité des O.N.G. (12), tout comme le Conseil de l’Europe (13). Après les démarches « amiables », c’est sur le terrain judiciaire qu’il faut s’attendre à voir porter le litige qui oppose les O.N.G. et les associations de défense des droits de l’homme au gouvernement italien. Tant les juridictions italiennes qu’internationales (CEDH, CJUE) pourraient avoir à se prononcer sur le respect par le gouvernement italien des différentes sources de droit qui s’imposent à lui.

    Satisfecit de l’oligarchie

    Le nouveau gouvernement italien a été au début de son mandat présenté comme infréquentable, du fait des racines historiques alléguées du parti politique auquel appartient Giorgia Meloni. Mais il ne cesse depuis de montrer qu’il ne souhaite en aucun cas s’écarter des fondamentaux de la commission européenne : rigueur budgétaire, atlantisme forcené, participation à l’effort de guerre en Ukraine, etc. (14). Sur le plan migratoire, ses premières mesures ont surtout contribué à augmenter le bilan carbone des bateaux des O.N.G.. et à diminuer le nombre de leurs rotations. Le temps du quasi blocus mis en place par Matteo Salvini en 2018 et 2019 semble loin. C’est maintenant la crédibilité de Fratelli d’Italia, jusqu’à maintenant intacte, et plus largement la possibilité de contrôler les flux migratoires croissants à destination de l’Europe, qui est en jeu.

    S. Quintinius (Polémia, 12 février 2023)

     

    Notes :

    (1) https://data.unhcr.org/en/situations/mediterranean/location/5179
    (2) https://ftdes.net/statistiques-migration-2022/
    (3) https://dtm.iom.int/reports/libya-migrant-report-42-may-june-2022
    (4) https://www.telegraph.co.uk/news/2020/08/18/majority-migrants-crossing-major-sea-route-eu-not-need-protection/
    (5) https://twitter.com/rgowans/status/1610399912297889793
    (6) https://www.nextquotidiano.it/no-il-blocco-navale-lanciato-di-nuovo-da-giorgia-meloni-non-si-puo-fare/
    (7) https://libyaobserver.ly/inbrief/libyan-coast-guard-intercepted-23000-migrants-mediterranean-2022
    (8) https://euromedrights.org/fr/migration-page/
    (9) https://www.rainews.it/maratona/2023/01/giorga-meloni-a-tripoli-sul-tavolo-la-questione-energia-e-il-nodo-migranti-e01c92dd-7d53-4ac0-b1d0-6c09299576bf.html
    (10) https://www.breitbart.com/europe/2023/01/10/italian-desantis-anger-pm-meloni-sends-migrants-cities-run-leftist-mayors/
    (11) https://data.unhcr.org/en/situations/mediterranean/location/5205
    (12) https://twitter.com/CommissionerHR/status/1621057226256392193
    (13) https://www.euractiv.fr/section/migrations/news/le-conseil-de-leurope-condamne-litalie-pour-son-decret-sur-limmigration/
    (14) https://www.lefigaro.fr/international/en-italie-100-jours-de-pouvoir-de-georgia-meloni-marques-par-le-pragmatisme-20230129

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  • Affaire Palmade ou le tourisme sexuel à domicile...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique de François Bousquet dans l'émission Ligne Droite sur Radio Courtoisie, datée du 22 février 2023, dans laquelle il évoque un des angles morts de la très glauque affaire Palmade...

    Journaliste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020) et Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

                                               

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  • Démographie, immigration, totalitarisme... : un tour d’horizon avec Alain de Benoist

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Paul-Marie Coûteaux, pour la revue Le nouveau Conservateur, cueilli sur le site de la revue Éléments.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021) et, dernièrement, L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    « Tout projet qui vise à imposer une pensée unique est totalitaire »

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Alain de Benoist, n’êtes-vous pas alarmé par ce chiffre que donne le démographe Illyès Zouari : le nombre des décès, au sein de l’UE, a dépassé celui des naissances de 1,231 million en 2021 ? Reprendriez l’expression qu’il emploie d’« autogénocide » de l’Europe ?

    ALAIN DE BENOIST. Non, je ne reprendrais pas ce terme, parce que je le trouve à la fois excessif et inutilement polémique. Le mot « suicide » aurait sans été plus raisonnable, même si je crois qu’il ne correspond pas non plus exactement à la réalité. D’une façon plus générale, je ne pense pas qu’il faille raisonner sous l’horizon de l’apocalyptisme, que ce soit en matière écologique ou démographique. La démographie est une discipline dans laquelle il est notoirement impossible de faire des prédictions à long terme : dire qu’au rythme actuel nous allons bientôt disparaître n’a guère de sens puisque nous ignorons si ce rythme va se maintenir (et jusqu’à quand).

    Je suis par ailleurs, comme Renaud Camus, de ceux qui estiment qu’un espace fini comme notre planète ne peut pas accueillir une masse infinie de population. Olivier Rey a bien montré dans ses ouvrages, d’inspiration profondément conservatrice, que toute augmentation de quantité entraîne, une fois passé un certain seuil, un sauf qualitatif qui transforme la nature des phénomènes. C’est la raison pour laquelle la surpopulation a pour effet d’aggraver tous les problèmes que nous connaissons. Il nous a fallu 200 000 ans pour arriver à 1 milliard de bipèdes sur la planète, puis 200 ans seulement pour arriver à 7 milliards. Nous venons maintenant de passer le cap des huit milliards, et nous pourrions être à 11 milliards à la fin de ce siècle, ce qui veut dire que la population mondiale augmente en moyenne d’un milliard de personnes tous les 12 ans Je n’ai personnellement pas envie de vivre dans des villes de 50 ou 60 millions d’habitants…

    Quand une population moins nombreuse succède à une population plus nombreuse, il est inévitable que le nombre des décès l’emporte à un moment ou à un autre sur le nombre des naissances. Cette détérioration de la pyramide des âges est par définition transitoire. La France de 1780, avec ses 27 millions d’habitants (dont la majorité ne parlaient pas le français) se portait beaucoup mieux que la France actuelle avec ses 65 millions d’habitants. J’ajoute que, contrairement à une idée reçue, la baisse de la fécondité ne s’explique pas fondamentalement par la contraception ni même par l’avortement, mais par deux phénomènes essentiels dont on parle trop peu, à savoir la fin du monde paysan (dans lequel une forte descendance était indispensable au maintien des lignées sur leurs terres) et l’entrée massive des femmes sur le marché du travail (qui a considérablement retardé l’âge de la femme à la naissance du premier enfant). S’y ajoutent d’autres facteurs : les effets d’une mentalité hédoniste portée à juger que les enfants coûtent trop cher, les problèmes de logement en milieu urbain (plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans les grandes métropoles, et d’ici 2050 ce sera le cas des deux tiers).

    Il reste, cela dit, deux sujets réels de préoccupation : d’abord le fait que la part des naissances extra-européennes en Europe augmente régulièrement au détriment des naissances « de souche », ce qui induit une transformation du stock génétique de la population, ensuite le différentiel de croissance démographique entre les différences parties du monde : la population de l’Afrique subsaharienne devrait bondir à elle seule de 100 millions d’habitants à 1900 à 3 ou 4 milliards à la fin du siècle, ce qui ne manquera évidemment pas d’avoir des conséquences auxquelles nous sommes très mal armés pour faire face.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Voici un siècle paraissait le livre d’Oswald Spengler « Le déclin de l’Occident ». Dans « Mémoire vive », série d’entretiens avec François Bousquet où vous retracez votre itinéraire intellectuel, on comprend que Spengler a exercé sur vous une grande influence. Qu’en diriez-vous aujourd’hui ? Et pour commencer, avalisez-vous le terme d’« Occident » ? Ne pensez-vous pas que parler du déclin de l’Europe serait plus approprié ?

    ALAIN DE BENOIST. Dans son livre, qui lui a valu une renommée mondiale, Spengler proposait une conception de l’histoire allant exactement à rebours d’une idéologie du progrès pour laquelle l’avenir ne peut être que meilleur que le présent et le passé (ce dont il se déduit que le passé n’a rien à nous dire). Pour Spengler, les cultures sont des organismes collectifs qui, comme tous les organismes, naissent, se développent, atteignent leur apogée, vieillissent et disparaissent. Après quoi Spengler établissait un parallèle morphologique entre les dix ou douze grandes cultures de l’humanité, pour démontrer qu’elles ont toutes illustré ce schéma. Ce travail a évidemment été très mal accueilli dans les milieux progressistes, mais aussi dans les milieux libéraux qui, ignorant la mise en garde de Paul Valéry, s’imaginent que certaines civilisations peuvent être éternelles.

    Le terme d’« Occident » était en effet équivoque. Vous le savez, le mot a une longue histoire. Aujourd’hui, il tend à désigner un bloc qui, pour l’essentiel, associerait les États-Unis d’Amérique et les Européens. Cette façon de voir me paraît un non-sens géopolitique. L’Amérique, comme l’Angleterre avant elle, est une puissance de la Mer, tandis que l’Europe, avec ses prolongements eurasiatiques, représente la puissance de la Terre. Carl Schmitt résumait l’histoire à une lutte séculaire entre les puissances maritimes et les puissances telluriques et continentales. Que les intérêts américains et les intérêts européens (et, au-delà, leurs idéologies fondatrices respectives) soient fondamentalement les mêmes est une absurdité dont le spectacle des dernières décennies devrait nous convaincre. On en a encore eu un bon exemple avec la façon dont, dans l’affaire ukrainienne, l’Union européenne a adopté sur pression des États-Unis des sanctions contre la Russie dont les Européens seront les premières victimes.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : En Allemagne, la vie intellectuelle, voici un siècle, a été marquée par ce qu’on a appelé la « Révolution Conservatrice ». Pensez-vous qu’elle pourrait inspirer aujourd’hui une nouvelle conception du réflexe conservateur qui est avant tout une protestation du monde ancien, de nature humaniste, comme vous l’avez dit sur Radio Courtoisie, face au totalitarisme ?

    ALAIN DE BENOIST. Pourquoi pas, mais à condition d’en faire un examen attentif. Ce qu’on a appelé « Révolution Conservatrice » (l’expression est d’Armin Mohler et date du tout début des années 1950) désigne une vaste mouvance comprenant plusieurs centaines d’auteurs, de groupements politiques et de revues théoriques, qui ont joué en Allemagne un rôle très important entre 1918 et 1932. Cette tendance comprenait des tendances différentes, les quatre principales étant les jeunes-conservateurs, les nationaux-révolutionnaires, les Völkische et les Bündische. Tous ne présentent évidemment pas le même intérêt. En outre, dans le syntagme « Révolution Conservatrice », il ne faut pas oublier que le mot « Révolution » et tout aussi important que l’adjectif « Conservatrice ». Les révolutionnaires conservateurs sont des penseurs ou des acteurs politiques (Spengler, Carl Schmitt, Arthur Moeller van den Bruck, Othmar Spann, Albrecht Erich Günther, Ernst Jünger, Arthur Mahraun, etc.) qui considèrent, à l’encontre du conservatisme du XIXe siècle, que dans les conditions présentes, seule une révolution peut permettre de conserver ce qui mérite de l’être. Leur idée fondamentale est que le conservatisme ne doit pas chercher à préserver le passé, mais à maintenir ce qui est éternel. On pourrait dire aussi : entretenir la flamme et non conserver les cendres.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Dans « Communisme et nazisme », ouvrage que vous avez publié en 1998 et qui était sous-titré « 25 réflexions sur le totalitarisme au XXe siècle, de 1917 à 1989 », vous dressiez une liste impressionnante de similitudes entre les deux totalitarismes qui ont pour ainsi dire cohabité au XXe siècle, en comparant notamment ce qu’était la classe pour le communisme à ce que fut la race pour le nazisme : deux catégories à éliminer physiquement (Staline : « Les koulaks ne sont pas des êtres humains, la haine de classe doit être cultivée par les répulsions organiques à l’égard des êtres inférieurs. ») Dans les deux cas, ces totalitarismes du siècle dernier n’ont-ils pas cédé à l’illusion progressiste selon laquelle il était possible, en éliminant les êtres inférieurs, de créer un homme nouveau ? N’est-ce pas aujourd’hui encore le même délire visant à créer par la technique une nouvelle race d’hommes ?

    ALAIN DE BENOIST. La thématique rupturaliste de l’« homme nouveau » remonte à saint Paul, mais celui-ci ne lui donnait évidemment pas le même sens que les grands totalitarismes modernes, ni non plus celui des tenants du « transhumanisme » contemporain. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que dans tous les cas cette thématique tend à justifier des mesures d’élimination de ceux que l’on regarde, soit comme inférieurs, soit tout simplement comme « des hommes en trop » (Claude Lefort), à l’exception de ceux qui acceptent de se convertir à la nouvelle doxa dominante. Aujourd’hui, l’homme nouveau dont on nous annonce l’avènement est avant tout un homme « augmenté » par le moyen des technologies nouvelles – mais dont on a toute raison de penser (je renvoie à nouveau aux écrits d’Olivier Rey) qu’il s’agira en réalité d’un homme diminué. La cancel culture, le « wokisme », la théorie du genre contribuent à cette poussée qui semble annoncer une véritable mutation anthropologique, face à laquelle l’action politique sera, je le crains, parfaitement impuissante.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Vous introduisiez le même ouvrage (« Communisme et nazisme ») par une citation d’Alain Finkielkraut : « Naguère aveugle au totalitarisme, la pensée est maintenant aveuglée par lui. » Ne sommes-nous pas entrés, sans toujours nous en apercevoir, dans une nouvelle ère totalitaire ?

    ALAIN DE BENOIST. Sans doute, mais encore faut-il ne pas céder à une certaine tendance actuelle, que l’on rencontre surtout à droite, qui consiste à voir de façon polémique du « totalitarisme » partout. Il faut de la rigueur pour manier les mots qui ont trop servi. Je m’en tiendrai pour ma part à une observation simple. On a trop fait l’erreur de définir le totalitarisme par les moyens auxquels ont eu recours les grands totalitarismes historiques (censure, parti unique, arrestations arbitraires, déportations, Goulag, camps de concentration, etc.), sans s’interroger outre-mesure sur les fins. Or les moyens totalitaires n’usaient de ces moyens qu’en vue d’une fin bien précise : l’alignement (la Gleichschaltung), la suppression des façons de penser dissidentes, l’éradication de toute pensée qui s’écartait de l’idéologie dominante. Le totalitarisme, en d’autres termes, était dans la fin beaucoup plus encore que dans les moyens Une fois qu’on a compris cela, on ne peut que constater que les sociétés libérales contemporaines visent exactement le même but, mais avec des moyens différents – des moyens moins brutaux, voire de nature à plaire et à séduire, qui vont de pair avec la mise en place d’une surveillance de contrôle et de surveillance d’une ampleur (et d’une efficacité) jamais vue. Cela s’appelle la pensée unique, et tout projet qui vise à imposer une pensée unique est totalitaire. D’où ma méfiance vis-à-vis de l’Unique, auquel j’ai coutume d’opposer ce que Max Weber appelait le « polythéisme des valeurs ».

    Alain de Benoist, propos recueillis par Paul-Marie Coûteaux (Site de la revue Éléments, 17 janvier 2023)

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