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  • Poutine : le De Gaulle russe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Faye, cueilli sur son site J'ai tout compris et consacré à Vladimir Poutine...

     

    Poutine Kremlin.jpg

    Poutine : le De Gaulle russe ?

    La thèse que je soutiens  ici  est que Vladimir Poutine défend une vision gaullienne de l’Europe et du monde, ainsi que de la souveraineté de la Russie. Il se heurte logiquement à l’hégémonie de Washington et des pays anglo-saxons et, comme en son temps le Général de Gaulle, il est présenté comme un danger et un ennemi. Pourtant, c’est notre meilleur allié.

    La diabolisation de Poutine

    Le journaliste du Figaro Pierre Rousselet, dans un article intitulé « Le monde sans règles de Vladimir Poutine » (30/10/2014) nous explique, au terme d’une démonstration fumeuse, que Poutine « joue avec une habileté redoutable de sa capacité de nuisance dans un monde où les règles ont de moins en moins d’emprise ».  Il veut dire par là que le Kremlin viole le droit international  à la suite de la crise ukrainienne. Il se moque du monde et, peut-être sans le savoir, il utilise la méthode de la propagande stalinienne de l’inversion de la réalité. Cette méthode est celle, paradoxalement, de Washington et d’une Union européenne aux ordres.  Le monde de Poutine n’est pas ”sans règles”, au contraire, il est ”avec des règles”. Le monde sans règles est celui  de la politique étrangère US  depuis le bombardement de la Serbie par l’Otan et l’affaire du Kossovo. 

    Poutine est présenté comme le ”nouveau Tsar”, c’est-à-dire un autocrate non élu, alors qu’il a été régulièrement élu à la présidence avec une majorité plus importante que ses homologues occidentaux. La gauche socialo-trotskiste avait accusé en son temps le général de Gaulle d’être un ”fasciste” – en particulier en Mai 68. La même mouvance idéologique rabâche les mêmes éructations contre Poutine. Et ceux qui diabolisent Poutine et la Russie – notamment tous les milieux atlantistes et ”démocrates” – se satisfont parfaitement de bonnes ententes et d’alliances avec  divers régimes tyranniques à travers le monde.  

    La colère anti russe des Anglo-Saxons

    Exclu du G8, Poutine a été très mal accueilli au sommet du G20 de Brisbane en Australie les 15 et 16 novembre. Il a interrompu son séjour avant la fin de la réunion, ce qui est parfaitement normal pour un chef d’État qui est maltraité par ses pairs. Or les médias, renversant les torts, ont expliqué que Poutine « narguait » les Occidentaux et faisait de la « provocation ». Plus incroyable, le premier ministre australien Tony Abbott (lui aussi à la botte de Washington) a reproché, à l’ouverture de la réunion, à la Russie de « vouloir restaurer la gloire perdue du tsarisme ou de l’Union soviétique ». Et alors ? Ce propos est proprement scandaleux : la Russie serait donc illégitime à vouloir redevenir une grande puissance ! Sous-entendu : seuls les USA ont vocation à être une grande puissance et la Russie doit se contenter d’être une puissance régionale soumise à la ”pax” americana. Poutine subit de la part des Anglo-Saxons la même attitude d’hostilité que le Général de Gaulle, en beaucoup plus violent du fait de la taille de la Russie.

    À la réunion de Brisbane, les quatre Anglo-Saxons (le président des États-Unis, les premiers ministres de Grande-Bretagne, du Canada et d’Australie, tous trois féaux de Washington) ont vilipendé Poutine et la Russie avec brutalité, accusant le président russe de violer le droit international, de trahir sa parole et d’agresser un pays voisin. Accusations complètement contraires à la réalité. Ils l’ont menacé d’aggraver les sanctions économiques et l’isolement de la Russie s’il continuait d’aider les séparatistes de l’Ukraine orientale – alors que c’est l’armée de Kiev, encouragée, armée et conseillée par les Anglo-Saxons, qui est responsable d’agression militaire.

    À côté de cela, le président français (M. Hollande) et surtout Angela Merkel ont longuement essayé à Brisbane de négocier avec M. Poutine pour calmer le jeu. Malheureusement, ni la France ni l’Allemagne, pratiquant une diplomatie molle et timorée, n’osent aller au bout de leur démarche. Elles sacrifient leurs intérêts pour complaire aux Anglo-Saxons. Répétons ici que l’affaire ukrainienne résulte d’une provocation américaine (voir autres articles de ce blog sur le sujet) et que les sanctions (illégales) contre la Russie, servilement acceptées par les Européens,  se font au bénéfice de l’Amérique et de la Chine et au détriment de l’UE.

    Le plus inadmissible est l’absence de l’ONU dans la résolution de la crise ukrainienne. Comme pour le Kossovo, comme pour les guerres d’Irak, l’ONU est écartée, en violation de sa Charte et de tous les traités internationaux. L’ONU est remplacée par l’unilatéralisme américain et son impérialisme décomplexé. Le Coréen du Sud, Ban Ki-moon, le Secrétaire général, est totalement absent de la diplomatie internationale. Tout le monde sait que ce personnage falot est une créature de Washington, ainsi que l’a avoué dans ses Mémoires John Bolton, ancien ambassadeur américain à l’ONU. Le Conseil de Sécurité de l’ONU a été complètement marginalisé par Washington depuis la guerre des Balkans de 1999.  (1)      

    Le piège ukrainien  tendu à la Russie

    L’escalade militaire qui se produit en Ukraine a pour origine l’armée ukrainienne et non pas les séparatistes prorusses de Donetsk et du Donbass. Kiev avait procédé à des tirs d’artillerie, près de Chakhtarsk, sur le site du crash du vol  MH17 de la Malaysia Airlines abattu le 17 juillet, comme pour empêcher une enquête objective sur le terrain. En 7 mois, les affrontements ont fait 4.000 morts, en majorités civils. Le protocole de Minsk, prévoyant un cessez-le-feu, signé le 5 septembre par Kiev et les séparatistes a été violé par le gouvernement ukrainien. Ce dernier  est encouragé par une diplomatie washingtonienne et européenne irresponsable. Des militaires américains sont présents en Ukraine. Ils observent, pondent de faux rapports et attisent les braises. Ils poussent l’Ukraine à une guerre contre la Russie.

    On accuse actuellement la Russie de faire parvenir des chars, des armes lourdes et des combattants sans insignes aux insurgés russophones du Donbass et de Donetsk.  Vraie ou fausse, cette aide militaire me semblerait logique si j’étais à la place de Poutine : peut-on rester  insensible à  une agression contre des quasi-nationaux installés dans un pays voisin ? Plutôt que de se mettre autour d’une table de négociation pour résoudre tranquillement, dans le cadre des institutions internationales, la difficile question ukrainienne, l’Occident sous domination  américaine a choisi de créer la crise, tout en tenant un discours hypocrite pseudo-pacifiste.    

    Il n’y a jamais eu d ’”annexion” de la Crimée, mais un référendum demandant le retour d’une province russe autoritairement détachée en 1954. Jamais le retour de la Crimée à la Russie n’a menacé l’ordre international. En revanche, l’invasion américaine de l’Irak a totalement déstabilisé l’ordre international et embrasé le Proche-Orient. Les donneurs de leçons de Washington sont ceux-là mêmes qui créent les désordres. À 25% par cynisme et à 75% par idéalisme naïf et stupidité.   

    Concernant les sanctions de l’Union européenne contre la Russie, en fait imposées par les USA, Renaud Girard note : « la Russie en souffre indiscutablement mais les Européens aussi ! L’Union européenne a perdu toute souplesse diplomatique, comme l’a montré son incapacité à répondre aux ouvertures de Poutine exprimées lors du sommet de Milan du 16 octobre 2014 » (Le Figaro, 11/11/2014). La raison de cette rigidité diplomatique est que l’UE n’a pas de diplomatie propre, celle-ci se décidant à Washington.

    La propagande US anti Poutine

    L’Américaine Fiona Hill, directrice de recherches à la Brookings Institution (antenne de la CIA), spécialiste de la Russie et coauteur d’un livre sur Poutine a tenu des propos russophobes très révélateurs. En gros on accuse Poutine des maux dont est soi-même coupable. Elle explique : « Poutine a interprété toutes nos actions comme une menace, ce qui l’a poussé à mettre en place une politique offensive de défense de ses intérêts, qui consiste à pousser  toujours plus loin les limites de ce qu’il peut faire ». Cette politologue gaffeuse admet donc que la Russie est illégitime à ”défendre ses intérêts” ! Seuls les USA ont le droit de ”défendre leurs intérêts”. Pas les autres.  Et que veut-elle dire par ”toutes nos actions” ? C’est un aveu. Il s’agit de l’agitprop menée par tous les réseaux US pour déstabiliser l’Europe centrale depuis 1991.

    Alors même que ce sont les USA qui recherchent une nouvelle guerre froide avec la Russie et qui essaient d’écraser dans l’œuf toute velléité d’indépendance et de puissance russe comme toute alliance euro-russe, la politologue américaine affirme que la Russie est une menace pour toute l’Europe et l’Occident. C’est ce thème romanesque qui est au centre de la propagande atlantiste actuelle. Diabolisant Poutine, elle expose : « Poutine n’est plus seulement un danger pour la souveraineté de l’Ukraine et la sécurité européenne mais un danger pour l’ordre politique européen. Très clairement, son but est de discréditer les institutions européennes et la démocratie. Il veut aussi discréditer l’Otan dont l’existence est vue comme un danger »

    Elle accuse Poutine, à la tête d’un « pouvoir dangereux et corrompu » issu du KGB, de manipuler les mouvements identitaires européens, de vouloir posséder « un droit de veto dans l’espace qu’occupait l’Empire russe et l’URSS » et –suprême délire–  de « mettre le ”gun” nucléaire sur la table, sous-entendant qu’il serait prêt à utiliser une arme nucléaire tactique ». Puis elle exhorte : « si nous ne montrons pas la force du lien transatlantique, nous perdrons, car Poutine cherche la division »

    Ce n’est pas ce ”lien transatlantique” qui compte pour l’Europe – il est source de soumission –, c’est le lien euro-russe. La propagande de Washington consiste à ahurir les Européens en construisant un ”danger russe” fantasmatique. Mais nous n’avons que ce que nous méritons : plutôt que d’être indépendants et forts afin de régler tranquillement avec la Russie, dans une ”Maison commune”, tous les problèmes continentaux qui peuvent se poser (comme l’Ukraine), nous avons préféré nous soumettre à Washington, ce faux protecteur, pour régler nos affaires à notre place.

    Or le but –compréhensible et logique – de l’Amérique est d’être notre suzerain, notre pseudo-protecteur, pour mieux nous soumettre. Dans un prochain article qui s’intitulera La  stratégie US contre la Russie et l’Europe, j’approfondirai ce point capital. La politique extérieure américaine cherche malheureusement à créer en permanence des conflits.  Toujours sous le prétexte de la ”paix et de la démocratie”. Mais ce n’est pas l’intérêt de l’Amérique elle-même, c’est-à-dire du peuple américain.

    Le poutinisme,  ou le gaullisme russe

    Frédéric Pons, dans son essai consacré à Vladimir Poutine,  (Poutine,  Calmann-Lévy) montre bien que  – quelles que soient les opinions qu’on porte sur sa politique – cet homme est un vrai chef d’État, porteur d’une vision globale pour son pays et le monde et qu’il place le destin de son pays avant sa carrière personnelle. C’est un patriote, au sens étymologique, doté d’une vision et, comme De Gaulle, d’un grand pragmatisme. Il n’a rien d’un exalté ou d’un fanatique à la Robespierre, à la Lénine, à la Hitler. Il ne ressemble pas au catastrophique G.W Bush, caricature du cow-boy décervelé.  Rien à voir non plus avec les politiciens occidentaux (français en particulier) qui changent de convictions en fonction des sondages pour assurer leur carrière. Poutine, comme De Gaulle, est un homme d’État, c’est-à-dire qu’il est d’abord préoccupé par la dimension historique de sa fonction. 

    La diplomatie russe de Poutine et du ministre des Affaires étrangères Lavrov ressemble étrangement à celle du Général de Gaulle sur plusieurs points : 1) multilatéralisme et  opposition à l’hégémonie américaine ; l’Amérique n’a pas vocation à être le ”gendarme du monde” car cela n’aboutit qu’à des catastrophes ; 2) recouvrement du statut de grande puissance et de la souveraineté nationale ; 3) refus de l’ingérence américaine dans les affaires du continent européen ;  4) hostilité envers l’Otan ; 5) construction d’une espace économique euro-russe ; 6) préférence du lien continental sur le lien transatlantique ; 7) ajoutons, sur le plan, intérieur : défense de l’identité ethno-culturelle et des traditions liée à la puissance et à l’innovation techno-scientifiques.

     Entre Poutine et De Gaulle, les comparaisons sont nombreuses. La doctrine exprimée par  Poutine le 24 octobre lors de sa conférence devant le Club Valdaï est la réaffirmation de principes gaulliens des rapports internationaux et de la sécurité en Europe. Il ne s’agit nullement d’un ”nationalisme russe” comme le prétend la propagande US relayée par les médias et les politiques en Europe. Poutine accuse l’Occident sous direction US de mener des actions de provocation et de déstabilisation, de l’Ukraine au Moyen-Orient, qui menacent la paix mondiale. Ce n’est pas lui qui a violé l’accord d’Helsinki de 1975 fondant la stabilité en Europe, pour la ”détente” et la fin de la guerre froide, c’est l’Occident sous direction US. Objectivement, la diplomatie russe n’a jamais cherché l’hégémonie russe mais a toujours été défensive. En revanche, la politique étrangère américaine a toujours été offensive et belliciste.  Dire cela n’est nullement être hostile au vrai peuple américain.

    Conclusion : Eurorussie

    Nous devons chercher, nous autres membres de l’Union européenne, notre véritable souveraineté en alliance avec la Russie. Nous devons donc aussi réfléchir aux vraies menaces. La vraie menace sur l’Europe ne vient nullement de la Russie mais d’une incursion invasive migratoire sous la bannière d’un islam de plus en plus agressif et radical ; le second problème à résoudre est notre inféodation volontaire à une Amérique qui est pourtant en situation de déclin relatif. Un énorme soleil couchant qui fascine toujours mais qui est en train de s’éteindre, doucement.   

    Si la France était dirigée par un gouvernement authentiquement gaulliste, elle serait la première à vouloir régler le problème ukrainien de manière pacifique et à choisir l’alliance franco-russe, afin d’y entrainer nos partenaires européens. Sans hostilité contre les USA : qu’ils vivent leur vie. Notre seule chance, notre seule solution, c’est de réfléchir à l’hypothèse d’une alliance avec la Russie. Nous appartenons au même peuple, à la même civilisation, nous avons un destin commun.  

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 19 novembre 2014)  

     

    Note :

    (1) L’ONU  n’a strictement  aucun rôle diplomatique international sérieux. La France et la Russie, pourtant membres permanents du Conseil de Sécurité ont été incapables d’avoir une influence efficace à l’ONU, organisation manipulée par les USA ; pourtant, au Conseil de Sécurité, ce sont deux membres permanents. L’ONU devrait être refondée et avoir son siège en Suisse, à Genève, pas à New-York . 

     

     

     

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  • Le fantôme de la diplomatie française (2)...

    Vous pouvez découvrir la deuxième partie de l'excellent article de Caroline Galactéros, cueilli sur le site du Point et consacré à la diplomatie française.

    Lire la première partie :

    Le fantôme de la diplomatie française (1)

    Poutine Elysée.jpg

    Le fantôme de la diplomatie française (2)

    En politique étrangère, le suivisme précipité "pour en être" ne suffit pas. Sur les fronts irakien et syrien ouverts contre Daesh, la France "en est" certes, mais... de quoi au juste ? D'une alliance aléatoire dont certains membres, non des moindres, jouent un jeu si trouble qu'il confine à la trahison ? La question est posée, car la défiance est au cœur même de cette coalition de circonstance et d'affichage.
    Notre crédibilité militaire et politique pâtit de ce vice de fond, face à l'ennemi comme aux yeux de nos propres populations. En bout de ligne, ce sont les Français qui risquent de subir dans leur chair l'impact de cette réduction de l'action diplomatique à des postures martiales. Car nous avons de fait laissé grandir la menace. En niant la gravité de phénomènes politiques et sociaux internes, en faisant mine de croire que l'Afghanistan était sur la voie de la démocratie, que l'Irak se stabilisait, que la démocratie avançait en Libye grâce à notre intervention, que l'Iran renoncerait au nucléaire militaire, que l'on pourrait contenir durablement l'offensive des mouvements djihadistes au Sahel, que l'Occident parviendrait rapidement à retrouver son leadership mondial. Péchant par orgueil, ethnocentrisme et ignorance, saisis de spasmes d'impuissance désordonnés, nous faisons en fait de l'anti-diplomatie.

    Se garder du moralisme

    Notre auto-enfermement dans un moralisme décorrélé du réel nous empêche de penser librement et de définir une vision ambitieuse et des lignes pragmatiques de déploiement de l'action diplomatique qui servent nos intérêts de puissance et d'influence. Il est vrai que ces trois derniers mots, "intérêts", "puissance" et "influence", sentent le soufre. La France, confite dans une grandiloquence abstraite, a peur de son ombre et devient la spectatrice automutilée des vastes mouvements géostratégiques en cours.
    Car le monde réel refuse d'épouser les contours des visions iréniques de nos diplomates. La parole ne fait pas plus advenir la réalité en politique internationale qu'en économie. De même que la danse de la pluie ne suffit pas pour faire venir la croissance, rêver éveillé que Bachar el-Assad "n'en a que pour quelques semaines" ou que la "résistance libyenne modérée" est une réalité politique confine à l'auto-aveuglement ! Il fut pourtant un temps où nous étions moins présomptueux et plus habiles, où la France se gardait bien de soutenir ou de condamner des régimes, se limitant à reconnaître des États. Il faut réapprendre les fondamentaux de l'action diplomatique. Le diplomate n'est pas un grand inquisiteur ni un censeur ; il peut et doit parler à tout le monde, surtout "aux pires" des interlocuteurs, à ceux qui ne pensent pas comme lui. C'est sa raison d'être. Il doit maintenir en toutes circonstances des canaux, officiels ou secrets, de communication et de renseignement avec toutes les parties au conflit. Son pire ennemi est le moralisme au petit pied qui ne fait qu'enkyster les oppositions et isoler ceux qui devront finir par se parler pour que certaines lignes bougent.

    Définir notre objectif

    Une fois ce bon sens diplomatique retrouvé, à nous de structurer une stratégie globale de puissance et d'influence. Lucidité, réalisme, ambition et humanité en sont les pierres angulaires. La capacité d'écoute, le goût de l'autre, la recherche d'effets de longue portée, le déploiement sans états d'âme de notre capacité de nuisance ou de bienveillance et l'édification de liens et de réseaux dans la durée sont ses tenons et mortaises. Certes, la France n'est plus une grande puissance, mais son histoire politique, militaire et culturelle lui offre l'opportunité d'un rôle unique et indispensable dans la comédie pathétique du monde et de ses jeux de puissance.
    Cette stratégie suppose la définition d'un objectif à long terme (en langage militaire, un "effet final recherché" - EFR) et d'un faisceau de manœuvres tactiques de moyen et court terme autour de "lignes d'opérations" (militaire, diplomatique, médiatique, culturelle, normative, économique, financière, scientifique, éducative, industrielle, etc.) visant à l'atteindre.
    Pour la France, l'EFR peut être ambitieux mais raisonnablement atteignable : forger et conserver un positionnement de médiateur incontournable et recherché sur l'ensemble des points majeurs de conflit et de crise, faire jeu égal avec Berlin en Europe, être en capacité de peser sur le cours des choses et de faire avancer, y compris lorsqu'ils ne se rencontrent pas, nos intérêts (économiques et militaires) et nos principes politiques. Cela suppose évidemment que l'on renonce au rôle de pédant professeur en maturité démocratique que ses élèves turbulents n'écoutent plus depuis longtemps.

    Se tourner vers la Russie

    Nous devons ensuite identifier des points d'appui majeurs pour le déploiement de cette stratégie. Tout en repensant une politique arabe évanouie, il faut structurer notre nouvelle assise stratégique globale autour d'une relation multicanal soutenue avec l'Iran et la Russie. Contrairement à la doxa ridicule qu'ânonne l'Europe, notamment depuis la crise ukrainienne, ces deux États sont à l'évidence des pivots de croissance et de stabilité déterminants pour nous Français et pour le continent tout entier.
    L'Europe a un besoin stratégique évident de la Russie pour exister vis-à-vis de la Chine et de l'Asie, vis-à-vis de l'Amérique, vis-à-vis du Moyen-Orient, bref, partout. Nous devons donc faire admettre à certains de nos partenaires européens, tels la Pologne ou les pays Baltes, que si nous comprenons évidemment leur relation historique douloureuse avec Moscou, on ne peut pour autant brader les intérêts stratégiques globaux de l'Union en niant par exemple l'appartenance de la Russie à l'ensemble géographique, culturel et religieux européen. Sauf à consentir à l'abaissement politique, économique et stratégique définitif de l'Union européenne au profit des USA, y compris au plan technologique et industriel. N'oublions pas que l'Otan est aussi une vitrine et un véhicule commercial redoutablement efficace pour l'industrie américaine de l'armement.

    Cesser de se tromper sur l'Iran

    Quant à l'Iran, déjà évoqué, cette puissance régionale est en passe de retrouver un rôle global de premier plan. Située à la charnière des mondes indien, chinois et russe, elle est évidemment un tampon essentiel pour l'Occident dans la reconfiguration agressive des équilibres stratégiques du monde, sans même parler de son potentiel économique. Nous l'avons vu, les États-Unis ne s'y trompent pas. Un esprit "complotiste" pourrait même faire remonter à l'invasion américaine de l'Irak en 2003 et au fait de favoriser massivement la mainmise chiite sur le pays l'amorce réelle du basculement stratégique de Washington vers la Perse, dans une tentative de rééquilibrage de sa relation avec l'Arabie saoudite et Israël. Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter, la question reste entière. Quoi qu'il en soit, les Américains avancent leurs pions. Le maintien des sanctions est essentiellement dû à leur volonté de lever l'embargo au bon moment, celui où sera atteint un accord stratégique sur le nucléaire monnayé au mieux de leurs intérêts. Pendant ce temps, Téhéran fait monter les enchères, Allemands et Britanniques se placent... et Paris se trompe.

    Augmenter le budget de la défense

    Évidemment, une telle approche diplomatique ne peut réussir qu'appuyée sur un outil militaire fort et son engagement à niveau suffisant pour garantir un effet de crédibilité politique indiscutable. Cela requiert évidemment un renforcement de nos effectifs comme de nos moyens, donc une augmentation du budget de la défense.
    Last but not least, cette nouvelle "intelligence du monde" requiert une action pédagogique résolue et décomplexée vers l'opinion publique nationale pour développer son adhésion à cette diplomatie refondée. Arrêtons de prendre nos concitoyens pour des imbéciles. Expliquons-leur le monde tel qu'il est au lieu de le peindre en rose et d'être sans arrêt démentis ou ridiculisés par les faits. Ils nous en sauront gré.

    Caroline Galactéros ( Le Point, 8 novembre 2014)

     

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  • Le fantôme de la diplomatie française (1)...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur le site du Point et consacré à la diplomatie française... ou à ce qu'il en reste ! Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre  (Nuvis, 2013).

     

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    Le fantôme de la diplomatie française (1)

    La diplomatie française est introuvable. Dans un contexte international marqué par une grande dangerosité et une forte imprévisibilité, la France est aphone. Elle produit un timide bruit de fond, mais n'invente plus les paroles ni les mélodies du monde. Les guerres dans lesquelles elle se jette imprudemment ne sont que les pointes émergées de frustrations géopolitiques ou culturelles de parties du monde qui refusent l'arasement ou l'indifférenciation. Paris veut ignorer cette réalité et préfère se rassurer dans un alignement naïf et sans contreparties sur les positions américaines... avec des années de retard toutefois. On "fait du George W. Bush" à contretemps alors que les Américains eux-mêmes semblent revenus des outrances vengeresses post 11 Septembre et renoncent à la guerre punitive. Nous faisons de la diplomatie américaine l'étalon de notre propre politique étrangère alors que nous ne sommes pas l'Amérique. Nous n'avons ni son histoire, ni sa géographie, ni sa pratique politique, ni surtout ses intérêts.

    Étonnamment plus royaliste que le roi, le Quai d'Orsay semble dominé par des crypto-néoconservateurs qui sentent la naphtaline et refusent de voir les inflexions géostratégiques considérables opérées par notre "grand allié". L'Amérique nous a pourtant volontiers laissé intervenir en Libye - et aujourd'hui agir au Sahel et en Centrafrique -, puis abandonnés en rase campagne dans nos habits de guerre face à Bachar el-Assad, oubliant la "ligne rouge" des armes chimiques syriennes qu'elle avait elle-même tracée. Humiliée par dix ans de fiascos irakien et afghan hors de prix, elle a fait ses choix. Recentrée massivement vers l'Asie-Pacifique, elle vante désormais en Europe les atouts d'un leadership from behind (qui peut être traduit par "Direction en soutien", NDLR), d'une - very - light footprint ("empreinte légère", NDLR), et recule devant les aléas de nouveaux engagements massifs au sol.

    Surtout, Washington infléchit depuis déjà quelques années sa position vis-à-vis de l'Iran et cherche à hâter un rapprochement économique et politique devenu impérieux et réclamé par les lobbys d'affaires américains. Pendant ce temps, au lieu de nous demander pourquoi la terre entière favorise en sous-main la levée des sanctions contre Téhéran et y envoie ses hommes d'affaires et de réseaux par avions entiers "en avance de phase", nous invoquons la menace d'un Iran nucléaire et faisons pression pour que nos patrons restent l'arme au pied et arrivent bons derniers dans ce nouvel eldorado ! Nous continuons à mépriser ce grand État moderne, faisant mine de croire qu'il veut la bombe non pour sanctuariser son territoire, édifié par le sort du malheureux Irak, mais pour s'en servir contre Israël ou l'Occident !

    Coopération militaro-énergétique

    Pire, dans le conflit qui oppose sunnites et chiites, où nous devrions nous garder de prendre parti, ignorant le vaste mouvement à l'oeuvre en Irak, en Syrie et en Iran, de prise d'ascendant du chiisme, on prend fait et cause pour les sunnites (Saoudiens, Qataris, Syriens ou Libyens) ! On feint de les croire "modérés", alors que l'on sait pertinemment que l'Arabie saoudite a financé larga manu, dès les années 80, la déstabilisation de l'Afghanistan, des Balkans ou de la Tchétchénie par ses escouades de moudjahidine. Notre complaisance pour ces régimes au nom de la coopération militaro-énergétique ou en soutien de notre alliance stratégique avec Israël nous fourvoie. Elle nous éloigne d'une appréhension fine des conflits entre courants de l'islam et des alliances occultes objectives entre certains États. Nous n'osons même pas nommer notre véritable adversaire, le wahhabisme combattant qui diffuse un salafisme dévoyé, et préférons donner des leçons de démocratie à la Russie au lieu de rechercher son appui dans la lutte contre l'islamisme.

    Paris n'a donc pas vu le temps passer ni le monde changer. Notre diplomatie brouillonne et inconséquente semble vouloir oublier son seul geste audacieux, qui avait fait se lever dans le monde arabe un vent d'espoir et de confiance envers la France : le discours de Dominique de Villepin devant le Conseil de sécurité des Nations unies en février 2003. Mais nous n'avons pas su "transformer l'essai". À l'inverse, on fait dans l'allégeance béate aux Américains. Nous partons la fleur au fusil et en première ligne dans la coalition de bric et de broc réunie autour de Washington pour combattre la nouvelle incarnation du Mal : l'État islamique, alors même que notre "grand allié" nous prive de l'avantage de la surprise en prévenant l'adversaire de ses intentions. Le président américain avoue n'avoir "pas de stratégie claire" dans la région, puis confirme qu'il n'enverra pas de troupes au sol dans un tonitruant "No boots on the ground" ("pas de bottes sur le terrain", NDLR) !

    Cette déclaration d'impuissance ahurissante reflète la désorientation profonde des politiques occidentaux qui, non seulement se trompent d'ennemi, mais aussi de cibles ! Persuadés que leurs électeurs ne leur pardonneront pas des pertes humaines, nos politiques veulent les convaincre qu'ils seront défendus sans dommages et jouent avec l'idée de "faire la guerre" depuis les airs ou en misant sur les seules forces spéciales. À moins qu'ils n'aient conscience d'avoir déjà perdu la partie. Ce qui est faux. Nous pouvons l'emporter. Il faut juste rebattre les cartes et jouer nos vrais atouts.

    Caroline Galactéros ( Le Point, 8 novembre 2014) 

     

    Lire la deuxième partie de l'article :

    Le fantôme de la diplomatie française (2)

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  • Si la France veut peser sur Berlin, il faut qu’elle rompe avec Washington…

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la place actuelle de l'Allemagne en Europe...

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    Si la France veut peser sur Berlin, il faut qu’elle rompe avec Washington…

    Qu’on s’en félicite ou non, l’Allemagne signe son grand retour sur la scène internationale et européenne. Fin d’une époque et solde de tout compte de la Seconde Guerre mondiale ?

    Bien que beaucoup de gens ne paraissent pas s’en rendre compte, il n’est pas exagéré de dire qu’il s’agit là d’un événement historique. C’est en effet la première fois depuis 1945 que l’Allemagne s’affirme, non seulement comme une grande puissance économique, mais comme une puissance dont la voix politique commence à porter. Tournant considérable. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands s’étaient vu intimer de se détourner définitivement du domaine militaire et de ne plus faire preuve désormais de leurs capacités d’excellence que dans le domaine économique. En 1944, le plan Morgenthau, rédigé à la demande de Roosevelt, était même allé jusqu’à préconiser la désindustrialisation de l’Allemagne, son démembrement et sa transformation en un pays uniquement pastoral ! L’Allemagne échappa à ce sort grâce à la guerre froide. Pendant plus d’un demi-siècle, elle fut donc un géant économique doublé d’un nain politique.

    Les choses ont commencé à changer avec la chute du mur de Berlin. Les Allemands sont d’abord parvenus à intégrer et à remettre à niveau les Länder de l’ancienne RDA, ce qui n’a pas été un mince exploit. Ils ont ensuite réanimé leurs anciens liens avec les pays d’Europe centrale et orientale (Hongrie, Tchéquie, Pologne, Croatie, Roumanie, etc.). Ils ont également obtenu que l’euro ait la même valeur que l’ancien mark, ce qui n’a d’ailleurs pas été sans poser les problèmes que l’on sait. Aujourd’hui, ils prennent politiquement l’initiative, avec d’autant plus de facilité que la France est affaiblie et que les pays du sud de l’Europe sont ruinés. Le refus de l’Allemagne de participer à la seconde guerre du Golfe était déjà un signe. L’activisme déployé par la chancelière allemande dans l’affaire ukrainienne en est un autre.

    Certains s’en affligent, notamment dans les milieux souverainistes, qui ont toujours eu du mal à admettre que l’Allemagne ne soit pas la principauté de Monaco, et ne se privent pas de dénoncer à tout bout de champ « l’Europe allemande ». Je n’appartiens pas à ces milieux, qui me paraissent avoir oublié que, dès février 1962, dans son discours de Hambourg, de Gaulle appelait à faire de la coopération franco-allemande « la base d’une Europe dont la prospérité, la puissance, le prestige égaleront ceux de qui que ce soit ».

    L’Allemagne est le plus grand pays d’Europe occidentale. Elle occupe en Europe une position centrale. Il n’est pas illogique qu’elle retrouve aujourd’hui la place qui va de pair avec cette position. Cela ne veut certes pas dire que les choix politiques qu’elle fera dans les décennies qui viennent seront nécessairement les bons. Mais pour l’heure, bornons-nous à faire ce constat : Angela Merkel « tient le continent européen », comme le dit Emmanuel Todd (qui va jusqu’à déclarer que, s’il n’avait pas d’autre choix, il préférerait l’hégémonie américaine à l’hégémonie allemande, ce qui n’est pas mon cas).

    Les Allemands participent aux sanctions contre Poutine, alors même que leurs investissements en Russie sont considérables. Paradoxe ?

    L’histoire des relations entre l’Allemagne et la Russie, dont la Pologne (et l’Ukraine !) a souvent fait les frais, est complexe. Au cours de l’histoire, l’Allemagne a été tour à tour l’alliée et l’adversaire de la puissance russe. Aujourd’hui, elle ne peut effectivement négliger ses investissements en Russie. Mais elle peut aussi être tentée par une autre politique : rassembler autour d’elle les anciens pays satellites de l’URSS pour en faire une zone d’influence en Europe centrale, et s’affirmer progressivement indépendante de la Russie comme des États-Unis. On en est encore loin, mais cela peut s’envisager. C’est ce que fait Emmanuel Todd, quand il déclare pressentir « l’émergence d’un nouveau face-à-face entre la nation-continent américaine et le nouvel empire allemand ». D’où ses critiques de l’Amérique qui, selon lui, devrait avant tout redouter l’affaiblissement de la Russie. Ce qui est sûr, c’est que d’ores et déjà, l’Allemagne s’est substituée à la Russie comme puissance contrôlant l’Est européen, ce qui n’est pas sans conséquences pour les relations entre Moscou et Berlin.

    Et pour la France, coincée entre Mitteleuropa et puissant voisin anglo-saxon, aujourd’hui plus affaiblie que jamais, quelles perspectives ?

    Aujourd’hui, c’est de toute évidence Angela Merkel qui porte la culotte dans le couple franco-allemand – non parce que l’Allemagne est trop forte, mais parce que la France est trop faible. La France ne peut espérer contrôler l’Allemagne, mais elle peut peser sur ses orientations. Ou plutôt elle le pourrait si elle avait elle-même la volonté de s’émanciper de Washington. Le problème, aujourd’hui, c’est qu’elle a choisi la servitude. Et que l’Allemagne est tout autant qu’elle disposée à signer le traité transatlantique dont le grand objectif est de passer un anneau dans le nez des Européens.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 11 octobre 2014)

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  • Le visage d'Eric Zemmour...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Rochedy, cueilli sur son blog et consacré à Eric Zemmour, dont le dernier essai, Le suicide français (Albin Michel, 2014), connait un énorme succès...

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    Le visage d'Eric Zemmour

    Il faut regarder le visage d’Eric Zemmour de ces derniers jours pour comprendre que quelque chose s’est passé. Que quelque chose est passé. Sur lui, et aussi, par lui. Je me rappelle son visage lors de ses premières années en tant que star médiatique : Zemmour parvenait, en toutes circonstances, à conserver son air bon enfant, ses yeux rieurs et complices, y compris avec d’infâmes invités à qui il venait juste d’assener deux ou trois vérités. Zemmour, c’était le gentil mec, le sympathique, le seul qui pouvait faire rimer réactionnaire avec débonnaire, celui qui n’était pas d’accord avec la guimauve de la pensée télévisuelle, mais qui terminait toujours en riant, comme si, au final, tout cela n’était pas si grave. On a beaucoup glosé sur la judéité de Zemmour qui seule, semblait-il, le protégeait dans l’espace médiatique, compte tenu de tout ce qu’il pouvait y dire. On a beaucoup entendu que si Zemmour avait été un catholique blond aux yeux bleus d’un mètre quatre vingt, il eut été catalogué comme "nazi" et aussitôt exclu du PAF. Je crois que l’essentiel n’était pas là ; sa longévité, il la tenait plutôt de son côté accommodant, de son air bienveillant : il la tenait de son visage souriant. N’importe quel personnage issu de son école de pensée (gaullo-bonapartiste, en somme : patriote), en face d’un BHL ou d’un Edwy Plenel, à l’écoute des mensonges des uns ou des naïvetés des autres, eut fini par sévèrement froncer les sourcils, par hausser la ton, par croiser les bras ou au contraire les déplier pour atteindre le nez de ceux d’en face. Pas Zemmour. Depuis 2003 qu’on le voit à la télévision jusqu’à aujourd’hui, jamais il ne fut grave, ou très rarement. On obtient tout avec une arme à la main disait Al Capone ; à la télévision, on obtient tout avec un sourire plaisant. Zemmour s’est battu des années contre la pensée moderne avec la meilleure des armes modernes, une arme féminine qui plus est : la gentillesse. Grâce à elle, il est passé par toutes les mailles du filet, on l’a gardé, on l’a fait intervenir, on ne l’a pas vu venir, et au final, il les a tous battus. La société a changé, la gauche morale s’est écroulée – quelque chose s’est passé – Zemmour a triomphé chez les téléspectateurs. Et c’est alors que quelque chose s’est aussi passé sur le visage d’Eric Zemmour. Je le regarde depuis plus d’une semaine, tandis qu’il écume les plateaux télé pour la promotion de son livre Le suicide Français. Son visage s’est durci subitement, il ne sourit plus, ou moins, et il affronte avec une gravité nouvelle les attaques de tous les prêtres médiatiques qui sentent bien que c’est encore par aménité que Zemmour a parlé de suicide plutôt que de meurtre, sans quoi ils eussent tous été sur le banc des accusés. Le visage d’Eric Zemmour s’est transformé. Il parle désormais sans légèreté de la mort de ce qu’il aime passionnément, la France, son pays, son enfance, et ses rêves de maréchaux napoléoniens éclaboussant de gloire la grande nation. Il sait que tout cela est mort et n’a plus envie de le dire en riant pour faire plaisir aux Ruquier ou aux Domenach. Il parle désormais d’autorité, car il sait que les Français – je veux dire : ceux qu’il reste – sont avec lui et partagent, sinon ses vues, au moins son désarroi. Zemmour n’a plus à jouer désormais, il est devenu grave, plus sombre, plus solennel ; médiatiquement, il n’a plus de visage bon enfant ; c’est un homme maintenant. D’une certaine manière, ce visage est l’heuristique de l’époque dans laquelle nous sommes entrés, car le temps de la dérision est passé, révolu par la réalité dure et violente ; le tragique reprend peu à peu ses droits sur l’Histoire et le temps des hommes revient.

    Zemmour, sans conteste, en est un.  

    Julien Rochedy (Rochedy.fr, 14 octobre 2014)

     

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  • « C'est l'ordre qui est libérateur ! »...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Eric Zemmour dans l'émission Les 4 vérités sur France 2, diffusée le 1er octobre 2014 et dans lequel il évoque son dernier livre, Le suicide français (Albin Michel, 2014).

     

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