La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque (n° 77, mars - avril 2015).
Le dossier central est consacré à la défaite de 1940. On peut y lire, notamment, des articles de Philippe Conrad ("Les raisons du désastre"), de Henry Ortholan ("La ligne Maginot fut-elle inutile ?"), de Martin Benoist ("Les combattants de 1940"), de François de Lannoy ("Les communistes pendant la drôle de guerre" ; "Les chars français en 1940 : les causes d'un échec"), de Michel Savoie ("Les forces aériennes françaises en juin 1940") et de Max Schiavon ("Les erreurs des généraux" ; "La bataille des Alpes : une victoire dans la défaite").
Hors dossier, on pourra lire, en particulier, un entretien avec Jean-Pierre Arrignon ("D'où vient et où va la Russie ?") ainsi que des articles d'Emma Demeester ("Maximilien Robespierre, une icône révolutionnaire"), de Philippe Parroy ("Quand la Floride faillit être française"), de Frédéric Le Moal ("Les Savoie, une dynastie européenne"), de Rémy Porte ("La Grande Guerre sur le front des Vosges"), de Martin Benoist ("1935 : le gouvernement de Pierre laval") et de Jean Haudry ("Les Indo-Européens ont bien existé").
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L'étrange défaite...
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Qu'est-ce qu'être français ?...
Qu'est-ce qu'être français ? Vous pouvez découvrir la superbe réponse que donne la fondation Polémia à cette question fondamentale...
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"Une France plongée en état d’apesanteur et noyée dans la moraline"...
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré aux suites des attentas des 7, 8 et 9 janvier 2015...
On pourra regretter le caractère un peu superficiel de la réponse à la dernière question...
D'abord pourquoi parler d'islamophobie ? Le fait de ne pas apprécier l'islam, religion monothéiste extra-européenne, ou à tout le moins de s'inquiéter de la place un peu envahissante qu'il commence à prendre en France, n'est pas une maladie mentale mais bien une opinion, pas totalement absurde me semble-t-il.
Il faudrait faire une distinction entre islam et islamisme... Soit. Mais on nous demande maintenant de faire une distinction entre islamisme modéré et islamisme radical... Reconnaissons que cela devient un peu compliqué. Le "vivre-ensemble" implique-t-il de devenir des spécialistes de théologie islamique ? Comme le notait fort justement Vincent Coussedière dans un texte intitulé « Six thèses sur l'angélisme qui nous gouverne » : "Pourquoi les Français devraient-ils être savants en matière d’islam et être rendus responsables de la difficile articulation entre islam et islamisme? C’est aux musulmans, par définition «savants» en islam, qu’il appartient de ne pas s’amalgamer à l’islamisme et de montrer à leurs concitoyens, par leurs paroles et par leurs actes, qu’il n’y a pas lieu d’avoir peur et que cet amalgame est effectivement infondé".
Enfin je ne vois pas en quoi le rejet de l'islam envahissant impliquerait automatiquement l'approbation du mode de vie occidental et de l'américanisation de la société... Il me semble que les Etats-Unis ont assez vigoureusement critiqué la loi interdisant le port de la burqa dans l'espace publique. L'islam envahissant et le communautarisme qu'il génère ont donc, au contraire, tout à voir avec l'américanisation de la société. En fréquentant un peu la banlieue, on le découvre rapidement : une jeune femme peut avoir des Nike aux pieds et porter le voile intégral !...
« Une France plongée en état d’apesanteur et noyée dans la moraline »
Près de quatre millions de personnes qui défilent, après les attentats, pour un journal qui vendait péniblement à 30.000 exemplaires, c’est en soi un événement. Grand moment de communion nationale ou psychose collective ?
Les manifestations auraient eu du sens si elles s’étaient bornées à exprimer de façon solennelle le refus du terrorisme par le peuple français. Organisées par le gouvernement et les partis politiques, elles se sont transformées en une immense vague d’identification victimaire symbolisée par le slogan « Je suis Charlie », promu de manière orwellienne nouveau mot d’ordre « républicain ». Dès lors, il ne s’agissait plus tant de condamner des attentats et des assassinats que de s’identifier aux « valeurs » de Charlie Hebdo, c’est-à-dire à la culture du blasphème et de la dérision.
Durant la manifestation et les jours qui ont suivi, dans une France plongée en état d’apesanteur et noyée dans la moraline, on aura tout vu. Les cloches de Notre-Dame de Paris sonnant le glas pour les bouffeurs de curé. L’« union nationale » sans le Front national. La « liberté d’expression » réduite au droit au blasphème et s’arrêtant à Dieudonné. Celle des caricaturistes dépendant de la personne visée (Mahomet en train de sodomiser un porc : tellement drôle ! Christiane Taubira en guenon : intolérable !). Des bataillons de chefs d’État (deux fois le G20 !) chantant les louanges d’un titre dont ils n’avaient jamais entendu parler huit jours plus tôt. Des millions de zombies se ruant dans les kiosques pour acheter, tel le dernier smartphone, un journal qu’ils n’avaient jamais eu la curiosité d’ouvrir depuis vingt ans. Le badge « Je suis Charlie » succédant au ruban pour le SIDA et à la petite main de « Touche pas à mon pote ». Spectacle surréaliste ! Tout le monde il est gentil, tout le monde il est Charlie, dans le grand hospice occidental transformé en bisounurserie. Les rédacteurs de Charlie Hebdo, qui se voulaient tout sauf « consensuels », auraient été les premiers stupéfaits de se voir ainsi canonisés. Quant aux djihadistes, ils ont dû bien rigoler : un défilé des moutons n’a jamais impressionné les loups.
Ces cortèges peuvent-ils être mis sur le même plan que le défilé gaulliste sur les Champs-Élysées en 1968, les marches contre Jean-Marie Le Pen en 2002 ou la déferlante de la Manif pour tous ?
Je ne le crois pas. Pour Valls et Hollande, la manifestation avait au moins six objectifs : marginaliser le Front national et neutraliser l’UMP (qui est évidemment tombée dans le panneau la tête la première) au nom de l’« union sacrée », solidariser les Français autour d’une classe politique gouvernementale discréditée, justifier l’engagement de la France dans une nouvelle guerre d’Irak où elle n’a rien à faire, mettre en place un espace policier européen où l’on sait d’avance que ce ne sont pas seulement les islamistes qui seront surveillés (Manuel Valls affirmant sans rire que les « mesures exceptionnelles » qu’il s’apprête à prendre ne seront pas des mesures d’exception !), faire croire que le terrorisme auquel nous sommes aujourd’hui confrontés a plus à voir avec le Proche-Orient qu’avec l’immigration et la situation des banlieues, enfin persuader l’opinion que, « face au terrorisme », la France, fidèle vassale du califat américain, ne peut qu’être solidaire de pays occidentaux qui n’ont jamais cessé d’encourager l’islamisme, tout en noyant leurs erreurs et leurs crimes derrière le rideau de fumée du « choc des civilisations » (Poutine n’avait bien sûr pas été invité !). Force est de reconnaître que tous ces objectifs ont été atteints.
J’ai eu le tort, dans un entretien précédent, de parler de réactions spontanées. Celles auxquelles ont eu droit les journalistes de Charlie Hebdo – mais non le malheureux otage français Hervé Gourdel décapité en Algérie trois mois plus tôt – ont en réalité été mises en forme par les injonctions sociales et médiatiques, la grande fabrique postmoderne des affects et des émotions. Il faudrait un livre entier pour analyser dans le détail ce coup de maître qui a permis, en l’espace de quelques heures, de récupérer la colère populaire au bénéfice d’une adhésion « républicaine » à l’idéologie dominante et d’une « union nationale » avant tout destinée à redresser la courbe de popularité du chef de l’État. La classe politique gouvernementale apparaît ainsi comme la principale bénéficiaire de la légitime émotion soulevée par les attentats.
On a enregistré ces derniers jours une recrudescence des actes antimusulmans (attaques contre des mosquées, etc.). Cela vous surprend ?
Cela me surprend d’autant moins que les attentats sont faits pour ça : stimuler une islamophobie que les terroristes djihadistes considèrent comme un « vecteur de radicalité » privilégié. Les terroristes islamiques adorent les islamophobes. Ils souhaitent qu’il y en ait toujours plus. Ils savent que plus les musulmans se sentiront rejetés par les non-musulmans, plus ils pourront espérer les convaincre et les radicaliser. Les djihadistes assurent qu’ils représentent le « véritable islam », les islamophobes leur donnent raison en disant qu’il n’y a pas de différence entre l’islam et l’islamisme. Que les premiers commettent des attentats alors que les seconds verraient plutôt sans déplaisir se multiplier les pogroms contre ceux qui « rejettent le mode de vie occidental » (le sympathique mode de vie mondialisé de la consommation soumise) n’y change rien. Les islamophobes sont les idiots utiles de l’islamisme radical.
À l’époque de la guerre d’Algérie, que je sache, on ne faisait pas grief aux harkis d’être musulmans, et l’on ne s’étonnait pas non plus qu’il y ait des mosquées dans les départements français d’Alger, d’Oran et de Constantine. Pour ma part, je ne ferai pas aux terroristes islamistes le cadeau de devenir islamophobe. Et je ne fantasmerai pas non plus sur la « France musulmane » comme Drumont fantasmait sur La France juive (1885), en associant mécaniquement islam et terreur comme d’autres associaient naguère les Juifs et l’argent.
Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 18 janvier 2015)
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Vente d'Alsthom : le dessous des cartes...
Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Michel Quatrepoint au Figaro Vox à propos des suites de la vente d'une partie de l'entreprise Alstom au groupe américain General Electric...
Journaliste économique, Jean-Michel Quatrepoint a récemment publié Le choc des empires: États-Unis, Chine, Allemagne : qui dominera l'économie-monde ? (Gallimard, 2014).
Vente d'Alsthom : le dessous des cartes
Vendredi 19 décembre, dans un complet silence médiatique, les actionnaires d'Alstom ont approuvé à la quasi-unanimité le passage sous pavillon américain du pôle énergie du fleuron industriel. 70% des activités d'Alstom sont donc vendues au conglomérat General Electric (GE). Que cela signifie-t-il concrètement?
Le protocole d'accord approuvé par Emmanuel Macron en novembre et voté par l'assemblée générale d'Alstom, le 19 décembre, est proprement hallucinant! tant il fait la part belle à Général Electric et ne correspond pas à ce qui avait été négocié et présenté au printemps dernier.
Au-delà des éléments de langage des communicants et de la défense de Patrick Kron, il s'agit, bel et bien de la vente - oserais-je dire, pour un plat de lentilles - d'un des derniers et des plus beaux fleurons de l'industrie française à General Electric.
Pour comprendre les enjeux, il faut rappeler quelques faits. Le marché mondial de la production d'électricité, des turbines, est dominé par quatre entreprises: Siemens, Mitsubishi, General Electric et Alstom. Le groupe français détient 20 % du parc mondial des turbines à vapeur. Il est numéro un pour les centrales à charbon et hydrauliques. Alstom Grid, spécialisé dans le transport de l'électricité, est également un des leaders mondiaux. Mais c'est dans le nucléaire qu'Alstom était devenu un acteur incontournable. Avec 178 turbines installées, il couvre 30 % du parc nucléaire mondial. Ses nouvelles turbines, Arabelle sont considérées comme les plus fiables du monde et assurent 60 ans de cycle de vie aux centrales nucléaires. Arabelle équipe les futurs EPR. Mais Alstom a également des contrats avec Rosatom en Russie et avec la Chine pour la livraison de quatre turbines de 1000 MW. Alstom, faut-il le rappeler, assure la maintenance de l'îlot nucléaire des 58 centrales françaises.
Les activités nucléaires d'Alstom n'étaient-elle pas censées être sanctuarisées?
Au début des négociations avec GE, celui-ci n'était intéressé que par les turbines à vapeur et notamment à gaz. Dans l'accord du mois d'avril dernier, cette activité était vendue à 100 %, mais trois filiales 50-50 étaient créées. L'une pour les énergies renouvelables, dont l'hydraulique et l'éolien en mer. La deuxième pour les réseaux, Alstom Grid, et la troisième, pour les activités nucléaires. À l'époque, les autorités françaises, par la voix d'Arnaud Montebourg, avaient garanti que ce secteur nucléaire resterait sous contrôle français. Le vibrionnant ministre français est parti et les promesses, c'est bien connu, n'engagent que ceux qui veulent les croire.
Non seulement le 50-50 est devenu 50 plus une voix pour General Electric, mais le groupe américain détiendra 80 % pour la partie nucléaire. C'est dire que la production et la maintenance des turbines Arabelle pour les centrales nucléaires sera contrôlée par GE.
Quelles sont les conséquences sur l'industrie française, notamment sur la filière nucléaire?
On peut dire ce que l'on veut, mais c'est désormais le groupe américain qui décidera à qui et comment vendre ces turbines. C'est lui aussi qui aura le dernier mot sur la maintenance de nos centrales sur le sol français. La golden share que le gouvernement français aurait en matière de sécurité nucléaire n'est qu'un leurre. Nous avons donc délibérément confié à un groupe américain l'avenir de l'ensemble de notre filière nucléaire…
Pourquoi General Electric qui, il y a un an, n'était intéressé que par les turbines à vapeur a-t-il mis la main sur ce secteur nucléaire?
Tout simplement, parce que l'énergie est au centre du projet stratégique américain. Et que le nucléaire est une des composantes de l'énergie. Le marché redémarre. Dans les pays émergents, mais aussi en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. General Electric en était absent. Là, il revient en force et acquiert, pour quelque milliards de dollars avec Arabelle, le fleuron des turbines nucléaires.
Sur le marché chinois, l'un des plus prometteurs, Westinghouse associé à Hitachi, est en compétition face à EDF, Areva et Alstom. Arabelle était un atout pour la filière française. Que se passera-t-il demain si GE négocie un accord avec Westinghouse pour lui fournir Arabelle? C'est donc à terme toute la filière nucléaire française qui risque d'être déstabilisée à l'exportation.
Cela peut-il également avoir des conséquences diplomatiques et géopolitiques? Lesquelles?
Oui, et c'est peut-être le plus grave. Les Etats-Unis sont nos alliés, mais il peut arriver dans l'histoire que des alliés soient en désaccord ou n'aient pas la même approche des problèmes, notamment dans la diplomatie et les relations entre États. Est-on sûrs qu'en cas de fortes tensions entre nos deux pays, comme ce fut le cas sous le Général de Gaulle, la maintenance de nos centrales nucléaires, la fourniture des pièces détachées seront assurées avec célérité par la filiale de GE?
En outre, on a également oublié de dire qu'il donne à GE le monopole de la fourniture de turbines de l'ensemble de notre flotte de guerre. D'ores et déjà, le groupe américain fournit près de la moitié des turbines à vapeur de notre marine, à travers sa filiale Thermodyn du Creusot. Alstom produit le reste, notamment les turbines du Charles de Gaulle et de nos quatre sous-marins lanceurs d'engins. Demain, GE va donc avoir le monopole des livraisons pour la marine française. Que va dire la Commission de la concurrence? Monsieur Macron a-t-il étudié cet aspect du dossier?
Enfin, il est un autre secteur qu'apparemment on a oublié. Il s'agit d'une petite filiale d'Alstom, Alstom Satellite Tracking Systems, spécialisée dans les systèmes de repérage par satellite. Ces systèmes, installés dans plus de 70 pays, équipent, bien évidemment, nos armées, et des entreprises du secteur de la défense et de l'espace. C'est un domaine éminemment stratégique, car il concerne tous les échanges de données par satellite. General Electric récupère cette pépite. Quand on sait les liens qui existent entre la NSA, les grands groupes américains pour écouter, lire, accéder aux données des ennemis, mais aussi des concurrents, fussent-ils alliés, on voit l'erreur stratégique à long terme que le gouvernement vient de commettre. Le ministère de la Défense a t il donné son avis?
Peut-on aller jusqu'à parler de dépeçage?
Oui car, ne nous y trompons pas, l'histoire est écrite. Patrick Kron, actuel PDG, s'est félicité que les accords avec les Américains permettront à Alstom de vendre, d'ici à trois ou quatre ans, ses participations dans les trois sociétés communes, dans de bonnes conditions… pour les actionnaires. Ce qui restera d'Alstom, la partie ferroviaire qui aura bien du mal à survivre, reversera de 3 à 4 milliards d'euros aux actionnaires dont Bouygues qui détient 29% et qui souhaitait sortir. En fait on fait porter à Bouygues un chapeau trop grand pour lui. Ce n'est pas la raison principale de cette cession. Ni le fait que la branche énergie d'Alstom ne soit pas rentable ( seules les turbines à gaz depuis le rachat catastrophique de l'activité de ABB en 2000 posent problème ).
Quelle est alors, selon vous, la véritable raison de cette vente?
La véritable raison, quoiqu'en disent les dirigeants d'Alstom, c'est la pression judiciaire exercée par la justice américaine qui s'est saisie en juillet 2013 , d'une affaire de corruption, non jugée, en Indonésie pour un tout petit contrat ( 110 milions de dollars ). Tout se passe comme si cette pression psychique, voire physique, sur les dirigeants, la crainte d'être poursuivi, voire emprisonné ( comme ce fut le cas pour un des responsable d'une filiale du groupe aux Etats Unis ) la menace d'amendes astronomiques avaient poussé ces dirigeants a larguer l'activité énergie. Comme par hasard il y avait un acheteur tout trouvé: Général Electric. Ce ne sera jamais que la cinquième entreprise soumise à la vindicte de la justice américaine que ce groupe rachète. Au passage je rappelle que Jeffrey Immelt son PDG est le président du conseil pour l'emploi et la compétitivité mis en place à la Maison Blanche par Obama. Ce qui n'empêche pas GE d'être le champion de l'optimisation fiscale ( Corporate Tax Avoiders ) avec une vingtaine de filiales dans les paradis fiscaux. Sur 5 ans le groupe a déclaré 33,9 milliards de dollars de profits et n'a pas payé un cent d'impôts aux Etats Unis. Outre Atlantique ont dit désormais ce qui est «bon pour GE est bon pour l'Amérique «. Mais ce qui est bon pour GE ne l'est pas forcément pour la France ou l'Europe. A moins de considérer que notre avenir est de devenir une filiale de GE…
Si on peut comprendre que les actionnaires trouvent leur compte dans cette vente, comment expliquer la passivité des acteurs de la filière nucléaire et surtout de l'Etat?
On ne peut que s'étonner du peu de réactions des acteurs de la filière nucléaire. Il est vrai que Bercy et l'Élysée ont donné leur feu vert à cette nouvelle version des accords au moment même où EDF et Areva connaissaient une vacance du pouvoir. Chez Areva, Luc Oursel, aujourd'hui décédé, avait quitté de fait les rênes à la fin de l'été. Chez EDF, François Hollande et Emmanuel Macron ont décidé seuls, contre l'avis de Manuel Valls et de Ségolène Royal, de ne pas renouveler Henri Proglio et de le remplacer par Jean-Bernard Lévy. Un patron de qualité, unanimement apprécié… chez Thalès. Cette vacance du pouvoir, à un moment crucial, a incontestablement favorisé l'évolution des accords au profit de GE. Une politique de gribouille, puisque Henri Proglio va se retrouver président du Conseil de surveillance… de Thalès. Du grand n'importe quoi. Le moins qu'on puisse dire c'est que l'Élysée et Bercy n'ont pas fait un cadeau de Noël aux nouveaux présidents d'EDF et d'Areva. Le drame de l'appareil d'Etat c'est qu'il est dirigé par Bercy où la fibre industrielle a pratiquement disparu. Soit nous avons des politiques qui ne connaissent l'activité économique qu'à travers le prisme des collectivités locales soit nous avons de jeunes technocrates formés, imprégnés par la mentalité de banquier d'affaires . Un bref passage par Rothshild ou Lazard n'est pas forcément un gage de compétences en industrie…
L'Europe a-t-elle joué un rôle dans cette affaire?
Indirectement oui, lorsque Pierre Bilger, en 1999, a racheté une partie des activités de turbines de ABB - un rachat funeste, le groupe français ayant payé fort cher des turbines qui vont se révéler défectueuses - la Commission européenne a exigé qu'Alstom cède une partie de ses actifs dans ce secteur. Et ce, pour éviter une position dominante sur le marché européen. C'est ainsi que General Electric a racheté l'usine de Belfort d'Alstom.
Que dit le cas Alstom de la désindustrialisation de la France?
Qu'il y a un lien direct entre la désindustrialisation de la France, son déficit abyssal du commerce extérieur, sa perte d'influence dans le monde, la lente attrition des emplois qualifiés et les désastres industriels à répétition que notre pays a connu depuis vingt ans. De Péchiney à Arcelor, en passant par Bull, Alcatel, la Générale de Radiologie et aujourd'hui Alstom, la liste est longue de nos fleurons industriels qui ont été purement et simplement liquidés par l'absence de vision stratégique de la classe politique et de la haute administration, par la cupidité et l'incompétence de certains dirigeants d'entreprise qui ont fait passer leurs intérêts personnels avant ceux de la collectivité. Oui, il y a bien une corrélation entre l'étrange défaite de 1940, qui vit en quelques semaines l'effondrement de notre pays et celle, plus insidieuse et plus longue, qui voit le délitement de notre appareil industriel.
Jean-Michel Quatrepoint (Figaro Vox, 5 janvier 2015)
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Les événements...
« C’était un des petits plaisirs ménagés par la guerre, à sa périphérie, que de pouvoir emprunter le boulevard de Sébastopol pied au plancher, à contresens et sur toute sa longueur. En dépit de la vitesse élevée que je parvins à maintenir sans interruption, entre les parages de la gare de l’Est et la place du Châtelet, j’entendais éclater ou crisser sous mes pneus tous les menus débris que les combats avaient éparpillés : verre brisé, matériaux de construction hachés en petits morceaux, branchettes de platane, boîtes de bière ou étuis de munitions. Ici et là se voyaient également quelques voitures détruites, parmi d’autres dégâts plus massifs. Sur le terre-plein central de la place du Châtelet, à côté de la fontaine, des militaires en treillis, mais désarmés, en application des clauses du cessez-le-feu, montaient la garde, ou plutôt allaient et venaient, autour de l’épave calcinée d’un véhicule blindé de transport de troupes. »
Les éditions P.O.L publient cette semaine Les Événements, un roman de Jean Rolin. Journaliste et écrivain, frère d'Olivier Rolin, Jean Rolin est notamment l'auteur de L'Organisation, qui retrace son expérience de militant maoïste de base.
" Les Événements est le récit d’une traversée de la France dans le contexte d’une guerre civile dont les enjeux, pas plus que les causes, ne seront précisés. Il ne s’agit aucunement, en effet, d’un ouvrage de prospective ou de politique-fiction, mais d’une tentative de description d’un pays « normal » (comme son actuel président), soudainement confronté à la violence, à la destruction, à la pénurie, et plus généralement à une perturbation massive de ses habitudes et de son mode de vie. De telles choses arrivent, y compris dans le contexte de pays européens et relativement « développés » : elles se sont produites il y a une vingtaine d’années dans l’ex-Yougoslavie, elles se produisent de nos jours en Ukraine.
C’est surtout aux traces de ces changements dans le paysage, urbain ou rural, que s’attache le récit, fait alternativement à la première personne par « le narrateur »– celui qui traverse la France, d’abord au volant d’une voiture menaçant ruine, puis, pour finir, à pied – et à la troisième personne par un commentateur non-identifié des tribulations du précédent.
Cette traversée de la France, de Paris à Port-de-Bouc via la Beauce, la Sologne et l’Auvergne, se déroule entre la fin de l’hiver et le solstice d’été : car s’il s’agit, à certains égards, d’un récit de guerre (d’ailleurs plutôt burlesque que tragique), il s’agit aussi d’une description des variations qu’entraîne dans le paysage le cycle des saisons. " -
"Ne pas livrer les Mistral aux Russes ravit les paléo-atlantistes"...
Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Olivier Zajec à l'hebdomadaire Marianne et consacré à l'affaire de la vente des deux bâtiments de projection et de commandement de type Mistral à la Russie. Olivier Zajec est maître de conférences en science politique à l'université de Lyon 3 et a notamment publié La nouvelle impuissance américaine - Essai sur dix années d'autodissolution stratégique (Editions de l’œuvre, 2011).
"Ne pas livrer les Mistral aux Russes ravit les paléo-atlantistes"
Marianne : La France a suspendu sine die la livraison du Mistral « Vladivostok » à la Russie. Que vous inspire cette décision et quelles seraient selon vous les conséquences stratégiques et économiques d’une non-livraison de ces bateaux ?
Olivier Zajec* : Je suis en faveur de la livraison de ce bâtiment, et j’ai peur que le report décidé le 25 novembre ne soit à la fois impolitique, masochiste et décrédibilisant. Impolitique, car nous avons intérêt, sur le long terme, à une relation plus adulte avec la Russie, et ce n’est pas en reniant notre parole que nous y parviendrons. Masochiste, car nous fragilisons notre industrie de défense, l’un de nos atouts les plus solides sur le plan industriel. Décrédibilisant, car la valeur ajoutée de l’offre française d’armement sur le marché export réside justement dans une alternative à la vassalisation technologique et normative américaine. C’est ce que recherche un client comme l’Inde. Avec cette décision qui ravit les paléo-atlantistes, nous manifestons notre soumission à des postures stratégiques qui ne servent pas nos intérêts (et je ne parle pas seulement de la France, mais de l’Europe). Livrer le Mistral n’empêcherait nullement la France de jouer son rôle dans la crise en cours en Ukraine, qui doit absolument être dénouée. Tout au contraire, en réalité, car cette manifestation d’indépendance lui conférerait le rôle de tiers, ce qui lui permettrait d’arbitrer le pugilat grotesque qui oppose les nostalgiques de l’URSS que l’on rencontre parfois au Kremlin, et les hystériques russophobes qui semblent avoir pris l’ascendant à l’OTAN. Notons tout de même que beaucoup de ceux qui s’élèvent contre cette vente sont les mêmes qui dansaient de joie lors de l’entrée des Américains dans Bagdad en 2003. À défaut d’autres qualités, il faut leur reconnaître une certaine constance dans l’aveuglement.Comment évaluez-vous les conséquences d’une brouille avec Moscou notamment en ce qui concerne les négociations avec l’Iran ou sur la Syrie ?
Moscou est un acteur incontournable du jeu moyen-oriental, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette. M. François Hollande, étant donné la complexité du puzzle régional et suivant l’impulsion américaine, est en passe, bon gré mal gré, de se convertir au réalisme sur le dossier iranien, ce qui était hors de question il y a encore peu de temps. Puisque cette lucidité bienvenue s’applique désormais vis-à-vis de Téhéran, qui redevient un interlocuteur, pourquoi ne pas l’appliquer – même provisoirement – à Damas, étant donné la nature de l’adversaire commun ? Bachar el-Assad n’est pas la menace immédiate. La fourniture d’armes aux islamistes syriens fut une faute majeure de notre diplomatie. Agir stratégiquement, c’est aussi hiérarchiser les priorités et coordonner les fronts : que se passerait-il si le régime syrien s’effondrait aujourd’hui ? Il suffit d’observer la Libye post-kadhafiste pour le comprendre. L’intervention militaire peut être une solution, il ne faut jamais l’exclure a priori. Mais à condition qu’elle ne perde jamais de vue le contexte de l’engagement. « Frapper » n’est pas une fin en soi, mais seulement le préalable ponctuel et maîtrisé d’un nouvel équilibre instable des forces politiques. L’État islamique n’est pas sorti tout armé des enfers du soi-disant « terrorisme global ». Ce n’est pas un phénomène de génération spontanée. Il est comptable d’une histoire longue qui plonge ses racines dans l’échec du nationalisme laïc arabe. Cet échec a des causes internes, à commencer par la haine qui sépare Sunnites et Chiites, et les réflexes claniques des élites arabes. Mais aussi des causes externes, en particulier l’incroyable légèreté avec laquelle certaines puissances (et d’abord les États-Unis) ont, depuis des décennies, détruit les fragiles équilibres de la région en jouant l’obscurantisme pétro-rentier contre l’autoritarisme laïc, et le wahhabisme contre la puissance iranienne. Les Occidentaux, de ce point de vue, ont aussi besoin de Moscou pour parvenir à une solution sur place, qui prenne en compte l’intérêt de tous les acteurs.Pourtant lors du récent G20 de Brisbane, Poutine a été à l’unanimité, par les médias comme les politiques, présenté comme « isolé » sur la scène internationale...
« Si tout le monde pense la même chose, c’est que quelqu’un ne pense pas ». Cet unanimisme, sur un sujet aussi complexe, n’est certainement pas un très bon signe pour la pensée stratégique et politique française. Vladimir Poutine est moins isolé sur la scène mondiale que François Hollande sur la scène européenne. Tout est question de focale, d’échelles d’analyse, et en l’occurrence, c’est une myopie persistante qui caractérise le commentaire journalistique occidental.Lors du dernier sommet de l’APEC (un forum de coopération économique dans la région Asie-Pacifique, ndlr), Moscou et Pékin ont eu, de leur côté, plaisir à mettre en scène leur rapprochement entre « isolés » de la scène internationale. Ce rapprochement est-il viable et peut-il marquer un changement majeur dans les équilibres internationaux ?
Très certainement. Mais il ne faut surtout pas surestimer ce rapprochement. Pékin et Moscou se méfient l’un de l’autre. Cependant, sur ce sujet comme sur d’autres (politique spatiale, énergie, défense du principe de non-ingérence dans les relations internationales), Russes et Chinois semblent poussés les uns vers les autres par un certain unilatéralisme moraliste occidental.
Beaucoup de commentateurs considèrent que l’objectif de Poutine est de reconstituer un empire soviétique. On retrouve également tout un discours sur les supposés « réflexes de guerre froide de la Russie ». Comment percevez-vous l’agitation de ce spectre d’une nouvelle guerre froide ?
J’y discerne le signe que le logiciel de certains experts est resté bloqué en 1984, et que leur appréhension diplomatique est celle qui prévalait sous Ronald Reagan. Les saillies de M. John McCain sont typiques de ce blocage générationnel : « Nous devons nous réarmer moralement et intellectuellement, dit-il, pour empêcher que les ténèbres du monde de M. Poutine ne s’abattent davantage sur l’humanité. » Sans nier la vigueur des réactions russes en Ukraine, il faut remettre les choses dans leur contexte, car cette crise procède d’éléments de nature différente : la profonde corruption des élites ukrainiennes, pro et antirusses confondus ; l’extension ininterrompue de l’OTAN aux marges de la Russie, depuis plus de vingt ans, alors que la main tendue s’imposait ; la méfiance atavique des Baltes et des Polonais vis-à-vis de Moscou, qui ne cesserait que si les Russes rentraient dans l’OTAN (et encore n’est-ce pas sûr) ; enfin, la propension américaine à jouer sur les divisions européennes. La France et l’Allemagne, qui ont tout à gagner à une relation apaisée avec la Russie, sont les premiers perdants du mauvais remake de John le Carré auquel nous assistons.Que pensez-vous justement de l’absence totale d’identité stratégique de l’Europe, sinon l’alignement aveugle sur Washington ?
Je crois sincèrement que les mots ont un sens. Il n’y a pas, en l’état, d’identité « stratégique » de l’Europe. Nous apportons simplement un appui tactique ponctuel à des opérations relevant d’une stratégie américaine, qui a intérêt à ce que l’Europe demeure un objet et non un sujet des relations internationales. Cette tutelle prolongée sur des alliés tétanisés permet à Washington de masquer sa propre perte d’auctoritas au niveau mondial. Plus généralement, les démocraties « occidentales » semblent s’ingénier à se placer dans le temps court du spasme moral, et non dans le temps long de la stratégie. S’il en était autrement, nos décisions sur les dossiers ukrainien, irakien, syrien, libyen et iranien auraient pris une autre tournure, moins tonitruante et plus réaliste. Pour avoir une stratégie, il faut avoir une conscience politique. L’Europe prise dans son ensemble n’en a pas, malheureusement. La France, elle, qui a la chance de disposer d’une armée extrêmement professionnelle malgré des budgets en baisse constante, a prouvé au Mali en 2013 et en Côte-d’Ivoire en 2002 qu’elle pouvait agir avec efficacité. Et qu’elle pouvait donc encore avoir une stratégie. Ce sont ces modèles, mesurés et dépourvus d’hubris, qu’il faut considérer en priorité.Olivier Zajec, propos recueillis par Régis Soubrouillard (Marianne, 1er décembre 2014)