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crise - Page 16

  • La dette infinie...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Alain de Benoist consacré à la crise de la dette et publié dans le numéro de février de la revue Le spectacle du monde. Ce numéro, actuellement en kiosque, comporte un dossier particulièrement riche sur la crise, que nous vous conseillons vivement de lire.

     

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    La dette infinie

    En 55 avant notre ère, Cicéron écrivait : « Le budget devrait être équilibré, les finances publiques devraient être comblées, la dette publique devrait être réduite, l’arrogance de l’administration devrait être abolie et contrôlée et l’aide aux pays étrangers devrait être diminuée de peur que Rome ne tombe en faillite. » Il y a longtemps que la classe politique ne lit plus Cicéron ! Depuis la fin des années 1970, la plupart des pays industrialisés sont entrés dans un régime de dette permanente, dont même les périodes de forte croissance économique n’ont pas permis de sortir.

    La dette mesurée est celle des administrations publiques, qu’on appelle « dette souveraine » ou « dette publique ». La dette publique « au sens de Maastricht », mesurée en valeur nominale (et non en valeur de marché), se définit comme le total des engagements financiers des Etats contractés sous forme d’emprunts résultant de l’accumulation, au fil des années, d’une différence négative entre leurs rentrées et leurs dépenses ou leurs charges. Elle concerne trois secteurs : les administrations centrales, c’est-à-dire l’Etat proprement dit, les administrations locales (collectivités territoriales, organismes publics, etc.) et les régimes de Sécurité centrale.

    Le traité de Maastricht (1992) avait adopté comme principes que le déficit des Etats membres de l’Union européenne ne devait pas dépasser 3 % du produit intérieur brut (PIB) et que leur dette publique devait rester inférieure à 60 % du PIB. Ces objectifs n’ont pas été atteints. Globalement, la dette publique dans la zone euro a augmenté de 26,7 % depuis 2007. Elle représente aujourd’hui 80 % du PIB global de la zone. Mais il ne s’agit là que d’une moyenne. En 2011, huit pays de l’Union européenne affichaient une dette supérieure à 80 % de leur PIB : la Hongrie et le Royaume-Uni (80,1 %), l’Allemagne (83 %), la France (85 %), le Portugal (92 %), la Belgique (97%), l’Italie (120 %) et la Grèce (160 %). Les Américains ne se portent pas mieux : à l’heure actuelle, toute dépense publique faite aux Etats-Unis est financée à hauteur de 42 % par l’emprunt !

    En France, la dette publique ne représentait en 1980 que 20,7 % du PIB, soit l’équivalent de 92,2 milliards d’euros. En 2007, lorsque Nicolas Sarkozy a été élu à la tête de l’Etat, elle avait déjà atteint 64,2 % du PIB (1211 milliards d’euros). Elle s’élève maintenant à 85,3 % (1688 milliards d’euros), soit 30 % d’augmentation en quatre ans. Le rapport 2011 de la Cour des comptes laisse prévoir qu’elle pourrait atteindre 100 % du PIB en 2016. L’essentiel de la dette est porté par les administrations centrales : 1297 milliards d’euros sur 1646 milliards en 2011 (les collectivités locales n’étant endettées qu’à hauteur de 156 milliards, la Sécurité sociale à hauteur de 191 milliards). Quant au déficit des finances publiques, qui s’est établi en 2011 à 98,5 milliards d’euros, il continue à s’accroître au rythme de 3200 euros à la seconde !

    Le service de la dette représente le paiement annuel des emprunts souscrits arrivés à échéance. La charge de la dette représente le paiement des seuls intérêts, soit en France près de 50 milliards d’euros par an, ce qui correspond à 20 % du budget de l’Etat, à 89 % de l’impôt sur le revenu, ou encore à 140 % de l’impôt sur les sociétés. Le remboursement du capital de la dette s’élevant à environ 80 milliards d’euros, le service total de la dette représente aujourd’hui pour l’Etat 118 milliards d’euros, soit l’équivalent de la totalité de ses ressources fiscales directes. Quant au paiement des seuls intérêts, il est en passe de devenir le premier poste budgétaire de l’Etat, avant l’Education nationale, la Défense ou la sécurité. 

    Mais à qui doit-on tout cet argent ? Essentiellement aux marchés financiers, à des établissements bancaires, à des compagnies d’assurances, à des fonds de pension et à certaines sociétés de crédit. Ce sont eux qui « achètent » des titres de dette française, qu’il s’agisse des obligations assimilables du Trésor (OAT), les plus importantes en volume, qui sont des produits à long terme, des bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN), d’une durée de deux à cinq ans, ou des bons du Trésor à taux fixes et à intérêts précomptés (BTF), à très court terme. De fait, c’est aujourd’hui à travers la gestion des dettes des Etats que les marchés financiers sont structurés et organisés. Les établissements financiers échangent ensuite la dette qu’ils ont « achetée » sous des formes multiples, comme les produits dérivés, ce qui leur permet de spéculer à leur tour sur les marchés. 

    Le pays industrialisé le plus endetté est le Japon, avec une dette excédant 195 % de son PIB, mais l’essentiel de cette dette est détenu par les Japonais euxmêmes, ce qui met le Japon relativement à l’abri des aléas de la conjoncture internationale. Ce n’est pas le cas de la France, où 68 % de la dette négociable de l’Etat est entre les mains d’investisseurs « non résidents », c’est-à-dire étrangers. Quels sont les pays qui en possèdent le plus ? Il est impossible de le savoir avec certitude, car la loi interdit de divulguer cette information.

    Comment en est-on arrivé là ? Les causes sont évidemment multiples : déficits budgétaires à répétition (la France est en déficit depuis près de quarante ans), incapacité de la plupart des Etats à maîtriser leurs dépenses publiques, réformes fiscales et baisses d’impôts démagogiques (si la fiscalité n’avait pas changé depuis 1999, la dette française serait aujourd’hui d’environ 20 points de PIB de moins), désindustrialisation en partie due aux délocalisations rendues possibles par la mondialisation (dans l’ensemble des pays membres de l’OCDE, quelque 17 millions d’emplois industriels ont été détruits en l’espace de seulement deux ans), dérégulation, privatisations, etc.

    L’une des causes immédiates de la hausse de la dette réside dans les plans de sauvetage de la finance décidés par les Etats en 2008 et 2009. Pour renflouer les banques et les compagnies d’assurances, les Etats ont dû emprunter à leur tour sur les marchés, ce qui a accru leur dette dans des proportions énormes. Des sommes astronomiques (800 milliards de dollars aux Etats-Unis, 117 milliards de livres en Grande-Bretagne) ont été dépensées pour empêcher les banques de sombrer, ce qui a grevé d’autant les finances publiques. Au total, les quatre principales banques centrales (Réserve fédérale américaine, Banque centrale européenne, Banque du Japon et Banque d’Angleterre) ont injecté 5000 milliards de dollars dans l’économie mondiale entre 2008 et 2010. C’est le plus grand transfert de richesses de l’histoire du secteur public vers le secteur privé ! Un transfert qui a permis aux banques sauvées par les Etats de se retrouver créancières de leurs sauveurs…

    Le crédit, dans le même temps, n’a cessé de se généraliser. La possibilité offerte aux ménages d’emprunter pour couvrir leurs dépenses courantes ou acquérir un logement a été l’innovation financière majeure du capitalisme d’après-guerre. En s’endettant massivement, les ménages ont incontestablement contribué, entre 1948 et 1973, à la prospérité de l’époque des Trente Glorieuses, l’endettement permettant à la machine à consommer de continuer à tourner. Et le crédit s’est encore développé lorsque les monnaies, devenues fiduciaires, ont définitivement cessé d’être convertibles en or.

    La dette est un contrat entre deux entités portant sur un échange échelonné dans le temps. Le crédit se définit comme le pouvoir d’acheter en échange d’une promesse de payer. Le système ne fonctionne évidemment que si cette promesse est tenue.

    La crise actuelle, on le sait, a commencé aux Etats-Unis à l’été 2007, avec l’affaire des subprimes. Les ménages américains, incapables d’épargner, ont été systématiquement incités à s’endetter en hypothéquant leur logement. Comme le recours à l’emprunt n’était pour eux qu’un moyen de maintenir artificiellement leur niveau de vie en dépit d’une baisse de leurs revenus, les faillites n’ont pas tardé à se multiplier. Les banques et les compagnies d’assurances ont été à leur tour menacées, ce qui a conduit les Etats à emprunter massivement pour les renflouer. C’est ainsi que la crise du surendettement privé s’est muée en crise du surendettement public.

    La notion de dette est aujourd’hui fortement associée au mécanisme de création monétaire. L’ouverture de crédits par les banques privées est une création de monnaie scripturale, purement comptable, c’est-à-dire virtuelle, résultant d’un simple jeu d’écritures. Par la création monétaire, les banques créent ex nihilo un « pouvoir d’acheter » qu’elles transmettent à leurs clients emprunteurs. Cette monnaie représente aujourd’hui plus de 90 % de la masse monétaire. Son rôle est amplifié par l’effet multiplicateur du crédit permis par le système des réserves fractionnaires, qui permet aux banques de prêter plusieurs fois le montant de leurs fonds propres.

    Une grande partie des dettes publiques se trouve donc aujourd’hui dans les comptes des banques, qui n’ont cessé d’en acheter en se refinançant auprès de la Banque centrale européenne (BCE) à un prix quasi nul. En d’autres termes, les banques ont prêté aux Etats, à un taux d’intérêt variable, des sommes qu’elles ont elles-mêmes empruntées pour presque rien. Mais pourquoi les Etats ne peuvent-ils pas se procurer eux-mêmes les sommes en question auprès de la Banque centrale ? Tout simplement parce que cela leur est interdit !

    La date clé est celle du 3 janvier 1973, date à laquelle le gouvernement français, sur proposition de Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances, a fait adopter une loi de réforme des statuts de la Banque de France disposant que « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France » (art. 25), ce qui signifiait qu’il était désormais interdit à la Banque de France d’accorder des prêts – par définition non grevés d’intérêt – à l’Etat, celui-ci étant dès lors obligé d’emprunter sur les marchés financiers aux taux d’intérêt que ceux-ci jugent adéquats. Cette disposition a été ensuite généralisée dans toute l’Europe, avant d’être reprise dans le traité de Maastricht (art. 104), puis dans le traité de Lisbonne (art. 123), qui fait interdiction à la Banque centrale européenne de prêter aux Etats, ceux-ci se retrouvant dans l’obligation d’emprunter auprès de marchés ou d’établissements privés moyennant de forts taux d’intérêts. Les banques privées, elles, peuvent continuer d’emprunter à la BCE à un taux dérisoire (moins de 1%) pour prêter aux Etats à un taux variant entre 3,5 et 7 %.

    La loi de 1973 marque le moment où la Banque de France a abandonné son rôle de service public et dépossédé l’Etat de sa souveraineté monétaire. A l’origine, cette loi s’appuyait sur le fait que les prêts sans intérêts accordés par les banques centrales aux Etats favorisaient l’inflation. Ce n’était pas faux, mais on est passé d’un excès à l’autre. Au lieu de conserver le même système tout en mettant en place une procédure permettant de limiter l’inflation, on a purement et simplement décrété que les banques centrales ne pourraient plus prêter aux Etats – mais pourraient le faire aux banques à un taux d’intérêt ridiculement bas. On a ainsi transféré aux banques le privilège majeur des Etats, qui était le privilège de battre la monnaie, et donné au secteur privé le monopole de la création monétaire.

    Dès 1999, Maurice Allais, Prix Nobel d’économie, écrivait : « Dans son essence, la création monétaire ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique, je n’hésite pas à le dire, à la création de monnaie par des faux-monnayeurs. Concrètement, elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents. » (La crise mondiale d’aujourd’hui).

    Tout récemment encore, Mario Draghi, nouveau président de la BCE, a décidé d’accorder aux banques des prêts en euros à un taux de 1% sur trois ans, sans aucune limitation de montant. Le taux Euribor, c’està- dire le taux auquel les banques se prêtent de l’argent entre elles, étant de 1,9 %, les institutions financières de la zone euro ont ainsi accédé à des financements deux fois moins coûteux. Sans surprise, 523 banques européennes ont immédiatement souscrit au premier volet de cette offre, daté du 21 décembre 2011, pour un montant de 489 milliards d’euros – qu’elles vont maintenant pouvoir prêter aux Etats au taux qu’elles voudront !

    C’est ici qu’interviennent les agences de notation, dont le rôle est désormais bien connu (lire page 29). Plus un pays est bien noté, plus il a loisir d’emprunter à des taux réduits (de 1 à 4% en fonction de la durée de l’emprunt contracté). A l’inverse, un pays mal noté doit faire face à un relèvement des taux d’intérêt censé compenser le risque plus élevé que prennent les établissements et les marchés en lui prêtant de l’argent.

    Les agences sont-elles infaillibles ? Nullement, car il leur est impossible d’évaluer en toute objectivité un avenir par nature indéterminé. En décembre 2010, l’agence de notation Standard & Poor’s soulignait ainsi que « la France est notée AAA, soit la note la plus haute, avec une perspective stable, ce qui signifie qu’on ne voit pas cette note bouger dans les deux prochaines années ». Treize mois plus tard, la France perdait son « triple A ». Plus grave : les avis des agences de notation peuvent être comparés à des thermomètres qui, non contents d’enregistrer la température, la feraient automatiquement s’élever lorsqu’ils constatent qu’elle est mauvaise. Il suffit en effet qu’un pays soit « dégradé » pour que ses emprunts deviennent plus coûteux et que par conséquent sa situation s’aggrave.

    Résumons. Les Etats en déficit doivent emprunter de l’argent à des taux d’intérêt fixés par leurs créanciers en fonction de leur plus ou moins bonne santé financière supposée. Ces intérêts doivent aussi être remboursés. Etant en déficit, et n’ayant donc pas les moyens de rembourser leur dette ni leurs intérêts, les Etats font de nouveaux emprunts, d’abord pour faire fonctionner leur pays, ensuite pour rembourser le montant du prêt précédent, enfin pour rembourser les intérêts de ce dernier, ce qui a pour effet d’augmenter encore leur dette et d’alourdir encore leurs intérêts. Et comme leur situation s’aggrave, les taux d’intérêt qu’on leur impose augmentent eux aussi. Résultat : plus ils remboursent, plus ils empruntent et plus ils doivent payer. La dette est ainsi placée en situation de croissance exponentielle pour la simple raison que tout argent mis en circulation l’est par des prêts bancaires et que l’emprunteur doit toujours rembourser plus que le montant perçu. Spirale infernale.

    Comment en sortir ? La solution qu’ont choisie les Etats pour assainir la situation consiste à ponctionner les retraites, les allocations familiales ou les salaires des fonctionnaires, à réduire les programmes sociaux, à diminuer le nombre des fonctionnaires, à vendre ou à privatiser tout ce qui peut l’être (ce qui réduit d’autant leur patrimoine), à instaurer partout la rigueur et l’austérité. Le problème est que ces mêmes Etats veulent en même temps « relancer la croissance ». Or, les programmes d’austérité entraînent mécaniquement une aggravation du chômage et une détérioration du pouvoir d’achat, donc de la demande, ce qui ne peut que freiner la croissance et diminuer encore la solvabilité des Etats. Sous l’effet de l’austérité, l’économie ne peut plus être tirée par la consommation, qui est inéluctablement appelée à se contracter. Les classes moyennes et les classes populaires sont alors les premières à payer l’impéritie de la classe dominante. Lorsque l’austérité atteint un niveau jamais vu en temps de paix, les conséquences politiques et sociales menacent de déboucher sur le chaos.

    La mise en oeuvre de programmes d’austérité revient à « organiser la récession en Europe, avec pour résultat que les pays ne sortiront jamais du surendettement », déclarait récemment Hubert Védrine, interrogé par le quotidien québécois le Devoir. Avant d’appeler à « dompter les marchés » plutôt qu’à les rassurer, « car ces marchés ne sont pas un rassemblement de vieilles personnes inquiètes, mais un marécage de crocodiles ».

    Y a-t-il une autre façon de faire ? Une solution, au moins à court terme, serait que la BCE accepte de « monétiser la dette », c’est-à-dire de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort. Mais la BCE s’y refuse, l’Allemagne aussi et la Commission européenne également. Que faire alors ? Renationaliser l’économie et mettre fin à l’indépendance des banques centrales ? C’est ce que le gouvernement hongrois vient de faire, avec comme conséquence de s’exposer à une plainte pour « violation du droit communautaire » déposée par la Commission européenne. Effacer la dette ? Ce serait possible si tous les pays endettés l’exigeaient en même temps (la France, d’un trait de plume, a effacé en juin 2011 la totalité de la dette du Togo). Mais personne ne veut s’y résoudre.

    Alors ? Alors, faute de remettre en question les fondements du système actuel, chacun scie consciencieusement la branche sur laquelle il est assis. Les politiques se plaignent de dépendre des marchés financiers et des agences de notation, mais ils ont fait tout ce qu’il fallait pour se placer sous leur contrôle. Ils ont dérégulé les marchés pendant des décennies, ils ont libéralisé le crédit, ils ont toléré les délocalisations, ils ont permis aux banques de dépôt et aux banques d’investissement de fusionner leurs activités, ils ont interdit aux banques centrales d’aider financièrement les Etats, ils ont laissé la contrainte actionnariale se développer au-delà du raisonnable, ils ont donné aux agences de notation le pouvoir (qu’elles n’avaient pas auparavant) de noter les Etats, alors même qu’ils s’endettaient eux-mêmes durablement. Ils recueillent aujourd’hui les fruits de leur aveuglement.

    On appelle « usure » l’intérêt d’un montant abusif attribué à un prêt. Mais l’usure est aussi le procédé qui permet d’emprisonner l’emprunteur dans une dette qu’il ne peut plus rembourser, et à s’emparer des biens qui lui appartiennent et qu’il a accepté de donner en garantie. C’est très exactement ce que nous voyons se passer actuellement à l’échelle planétaire. Ce que Keynes appelait un « régime de créanciers » correspond à la définition moderne de l’usure. Les procédés usuraires se retrouvent dans la manière dont les marchés financiers et les banques peuvent faire main basse sur les actifs réels des Etats endettés, en s’emparant de leurs avoirs au titre des intérêts d’une dette dont le principal constitue une montagne d’argent virtuel qui ne pourra jamais être remboursée.

    Comme conséquence de la crise, l’Europe du Sud se retrouve aujourd’hui gouvernée par des technocrates et des banquiers formés chez Goldman Sachs ou Lehman Brothers. « Etre gouverné par l’argent organisé est aussi dangereux que de l’être par le crime organisé », disait Roosevelt.

    Il n’y aura pas de rétablissement spontané du système. Aucun pays n’a aujourd’hui les moyens d’arrêter la hausse de sa dette en pourcentage de son PIB, aucun n’a les moyens de rembourser le principal de sa dette. C’est la raison pour laquelle la crise de la dette est beaucoup plus grave que la crise de l’euro, qui ne joue, par rapport à elle, qu’un rôle de circonstance aggravante. La preuve en est que les pays industrialisés qui n’appartiennent pas à la zone euro sont tout aussi endettés que les autres, sinon plus. L’Europe s’oriente vers la récession, les Etats-Unis et le Royaume-Uni vers la dépression. En dépit de toutes les manoeuvres de retardement, une explosion généralisée semble inéluctable d’ici deux ans.

    Alain de Benoist (Le spectacle du monde, février 2012)

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  • Le dernier contrat...

    Olivier Maulin frappe fort. Après la parution aux éditions Balland, à l'automne, de son roman Les Lumières du ciel, il revient avec Le dernier contrat, un polar politique se déroulant dans un futur proche, publié aux éditions de La Branche. Animateur du Cercle Cosaque à Paris, Olivier Maulin est aussi l'auteur de trois autres romans particulièrement réjouissants, En attendant le roi du monde (L'esprit des péninsules, 2006), Les évangiles du lac (L'esprit des péninsules, 2008) et Petit monarque et catacombes (L'esprit des péninsules, 2009), dont nous vous conseillons vivement la lecture !

     

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    "Laminée par une crise économique et politique sans précédent, la France est plongée dans le chaos.
    Un mystérieux mouvement, dirigé par le charismatique et médiatique Frère-la-Colère, tente de profiter de la situation pour hâter l'effondrement général. Prêt à tout, Frère-la-Colère engage un tueur à gages, un pro sur le retour, dépressif et alcoolique. Son contrat : assassiner le président de la République le samedi 14 juillet, pendant le défilé.

    Guerre civile ; clandestinité ; répression ; terrorisme. Sous ces motifs politiques puissants se dessine un roman d'action diablement efficace, mené tambour battant par un duo improbable... et franchement dérangeant."

     

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  • Des clefs pour comprendre la crise ?...

     

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    Le numéro de février 2012 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. 

    Le dossier est consacré à la crise, à ses origines et aux moyens de la juguler. On pourra y lire, notamment, des articles d'Alain de Benoist ("La dette infinie"), de Jean-François Gayraud ("Les criminels de la finance"), d'Hervé Juvin ("Après la mondialisation"), de Jean-Luc Gréau ("La chute de la maison euro"), de François-Laurent Balssa ("Vers une internationale protectionniste"), de Julien Thouery ("Casse sociale et friche industrielle"), de Valentin Goux ("Argentine, la souveraineté contre la crise"), d'Arnaud Guyot-Jeannin (" Karl Polanyi, prophète de la crise") ou de Thierry Lentz ("Les potions amères du baron Louis"), ainsi que des entretiens avec Paul Jorion ("Il est temps de fermer la parenthèse Adam Smith"), Jacques Sapir ("La zone euro est ingérable") et François Bayrou.

    Hors dossier, on pourra aussi lire des articles de François Bousquet ("Philippe Barthelet, magicien du verbe"), d'Olivier François ("Charles Dickens, un génie fraternel") ou de Michel Thibault ("Gallen-Kallela, le romantisme du Kalevala"). Et on retrouvera aussi  les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour.

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  • Quelques chiffres incroyables sur l'économie américaine...

    Nous reproduisons ci-dessous des données concernant l'économie américaine cueillies sur le site du Manifeste pour un débat sur le libre-échange et sur l'euro. Edifiant... Mais cela n'empêche pas pour autant Tim Geithner, le secrétaire américain au Trésor de venir sermonner les chefs d'états européens à l'occasion des sommets consacrés à la crise...

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    29 chiffres incroyables sur l'économie américaine

    Enfance

    #1 Aujourd’hui 1 américain sur 7, et 1 enfant sur 4, dépend de l’aide alimentaire.

    #2 Approximativement 57% des enfants des USA vivent dans des foyers à « faible revenus » ou sous le seuil de pauvreté.

    #3 Le nombre d’enfants sans-abris aux États-Unis est désormais 33% plus élevé que ce qu’il était en 2007.

    #4 Tristement, la pauvreté infantile a littéralement explosé partout aux États-Unis. Selon le « National Center for Children in Poverty », 36.4% des enfants vivants à Philadelphie vivent dans la pauvreté, 40,1% à Atlanta, 52,6% à Cleveland et 53,6% à Detroit.

     

    Pauvreté

    #5 Le pourcentage d’américains vivant dans l’extrême pauvreté (6.7%) a atteint un nouveau record.

    #6 Selon Paul Osterman, environ 20% des adultes travaillent pour une rémunération au niveau du seuil de pauvreté.

    #7 Une étude a montré qu’approximativement 41% des actifs avaient des problèmes à payer leurs factures de santé ou ont actuellement un emprunt pour y faire face.

    #8 48% des américains sont considérés comme ayant de « faibles revenus » ou vivant dans la pauvreté.

    #9 Depuis Décembre 2007, le revenu médian aux USA a diminué de 6,8% compte tenu de l’inflation.

     

     

    Inégalités

    #10 Les six héritiers du fondateur de Wall-Mart, Sam Walton, ont un capital net presque équivalent à celui des 30% des américains les plus pauvres.

    #11 Selon Paul Osterman, environ 20% des adultes travaillent pour une rémunération au niveau du seuil de pauvreté.

    #12 Selon une étude qui vient de paraître, les revenus des PDG des plus grosses entreprises américaines ont augmenté de 36,5% sur les 12 derniers mois.

    #13 Selon une analyse des données du Census Bureau, faite par le Pew Research Center, le capital médian des ménages de plus de 65 ans est 47 fois plus important que le capital médian des ménages de moins de 35 ans.

     

    Dettes des ménages

    #14 1 américain sur 7 possède au moins 10 cartes de crédit

    #15 Selon une étude récente, menée par BlackRock Investment Institute, le ratio dette des ménages sur revenus des ménages est de 154%.

    #16 En 2011, l’économie a ralenti et le nombre de mariages avec. Selon Pew Reserch Center analysis, seuls 51% des américains majeurs sont actuellement mariés. En 1960, ils étaient 72%.

     

    Retraites

    #17 La crise des retraites aux USA continue à empirer. Selon le Employee Benefit Research Institute, 46% des actifs ont moins de 10 000$ d’épargne pour leur retraite, et 29% des actifs ont moins de 1000$ d’épargne retraite.

     

    Chômage Emploi

    #18 En 1969, 95% des hommes entre 25 et 54 ans avaient un emploi. En Juillet 2011, seulement 81.2% des hommes de cette tranche d’âge avaient un emploi. Soit un taux de chômage réel de 2% en 1969 et 16% en 2011.

    #19 Un sondage effectué cette année a montré qu’environ 20% des américains ayant un emploi se considèrent comme sous-employés.

    #20 La durée moyenne de chômage entre 2 emplois pour un actif américain est de 40 semaines.

    #21 Une étude récente a montré que 1 américain sur 3 serait incapable de payer la mensualité de son emprunt immobilier ou le loyer du mois prochain s’il perdait soudainement son emploi.

     

    Immobilier

    #22 Si vous arrivez à y croire, le prix moyen d’une habitation à Detroit est maintenant de 6 000$ seulement.

    #23 La construction d’habitations neuves aux USA est sur le point d’atteindre son plus bas niveau historique.

    #24 Selon le US Census Bureau, 18% des habitations de l’Etat de Floride sont vacants. C’est 63% de plus qu’il y a 10 ans.

    Déficit commercial

    #25 Les USA dépensent environ 4$ en produits et services chinois pour chaque dollar que la Chine dépense en produits et services américains.

    #26 La prévision pour le déficit commercial des USA en 2011 est de 558 milliards de dollars.

    Banques

    #27 Aujourd’hui, les banques « too big to fail » (trop grosses pour faire faillite) sont plus grandes que jamais. Le total des actifs des 6 plus grandes banques américaines a progressé de 39% entre le 30 septembre 2006 et le 30 septembre 2011.

    Aides sociales

    #28 En 1980, les prestations sociales représentaient 11,7% des revenus. Aujourd’hui elles représentent plus de 18% des revenus

    #29 48,5% des américains reçoivent des aides du gouvernement. En 1983, seulement 30% en bénéficiaient.

    Sources : Olivier Berruyer (Les-crises.fr) et Manifeste pour un débat sur le libre échange

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  • Silence, on coule !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur le site de Polémia et consacré à la focalisation des médias sur la seule crise financière et à leur silence sur les nombreuses autres menaces qui pèsent sur notre pays en particulier et sur l'Europe en général...

     

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    Silence, on coule ! Les crises dont on ne nous parle pas

    Les médias valorisent dans leur communication la crise financière sous ses différentes formes : crise des dettes souveraines, notation des Etats, solvabilité des banques, déficits budgétaires, etc. Bien sûr, cette crise est préoccupante et on ne doit pas oublier que la grande dépression des années 1930 provenait justement à l’origine d’une crise liée au surendettement qui avait pris naissance aux Etats-Unis avant de se répandre en Europe via l’Allemagne.

    Mais ce biais financier traduit aussi le fait que les journalistes sont des employés de banque comme les autres : car ce sont les grandes institutions financières et les grands groupes qui sont les vrais propriétaires des médias. Les médias traduisent donc prioritairement les préoccupations de ceux qui les emploient.

    Cet accent mis sur le volet financier a pour effet collatéral cependant d’occulter ce qui se passe ailleurs et qui est tout aussi inquiétant. En effet, d’autres crises se déroulent tout aussi graves mais qui ne sont pas médiatisées et en tout cas jamais mises en perspective ni en relation. Mais l’histoire est comme l’herbe, on ne la voit pas pousser…

    L’explosion de la délinquance ou l’implosion de l’Etat légitime

    La crise de la délinquance, d’abord, n’est présentée dans les médias que sous forme de faits divers épisodiques ou pittoresques. La réalité est hélas tout autre : les crimes, les délits, la délinquance explosent dans notre pays. L’Observatoire de la délinquance et de la réponse pénale dénombre en France plus de 5 millions de victimes de crimes, délits et violences en 2010, un chiffre qui ne faiblit pas. En d’autres termes l’Etat, malgré un arsenal répressif sans précédent en temps de paix et sans cesse croissant, n’est plus capable d’assurer en France la sécurité des citoyens : il ne maîtrise plus rien en la matière, sauf la communication ministérielle.

    La médiatisation de certains faits divers a d’ailleurs pour effet – et peut-être pour vocation… – de nous accoutumer à des situations qui auraient pourtant été jugées insupportables et scandaleuses par nos parents et grands-parents : violences systématiques à l’encontre des représentants de l’Etat dans certaines zones du territoire, dégradation de biens publics ou privés notamment par graffitis (voyez nos gares !), présence de militaires armés dans les lieux publics, prolifération des « zones de non-droit », crimes et délits commis par des récidivistes notoires (*), émeutes ethniques, libération immédiate de prévenus dangereux, incapacité à traiter la délinquance de plus en plus violente des mineurs, etc.

    Or sur quoi repose la légitimité de l’Etat et celle des juges ? Sur leur capacité à remplir leurs fonctions souveraines et notamment de garantir la loi et l’ordre sur le territoire. L’insécurité fait donc imploser, silencieusement, la légitimité de l’Etat en France.

    Le sous-emploi durable pour tous

    Ensuite, il y a la crise du sous-emploi croissant des Européens, conséquence notamment du libre-échangisme mis en œuvre par l’Union européenne et de la désindustrialisation qui l’accompagne.

    La moyenne de l’Union européenne se situe aux alentours de 9% de la population active (9,6% en 2010, 9,9% au sein de la zone euro en 2010), mais en réalité, si l’on neutralise ceux qui sont titulaires d’un emploi public durable, le taux de chômage concerne une part beaucoup plus élevée de la population. Celle-ci vit de subsides publics, comme dans le bas Empire romain.

    Le taux officiel atteint en outre des chiffres records dans certains pays, comme l’Espagne (20%) par exemple, et frappe en outre plus la population jeune que les autres.

    Certes, la notion de « chômage des jeunes » recouvre deux réalités bien différentes : celui des autochtones et celui des allogènes dont l’appétence pour le travail ne semble pas identique. Il est aussi en France la traduction de l’inadaptation croissante du système d’enseignement qui déverse sur le marché des jeunes gens aux compétences faibles mais aux prétentions élevées.

    Une situation pire que durant la Grande Dépression

    Néanmoins, l’accoutumance aux données statistiques médiatisées sur le chômage nous fait perdre de vue qu’une part croissante de la population ne travaille plus au sens où on l’entendait habituellement et cela dans des proportions jamais atteintes : elle vit d’aides publiques ou familiales, de petits boulots sporadiques, de contrats aidés, elle suit des stages plus ou moins rémunérés ou est purement et simplement en recherche d’emploi.

    Il y avait en France en 1936 – c’est-à-dire au sommet de la crise – 860.000 chômeurs recensés. Il y en a aujourd’hui 2,8 millions (recensés officiellement en novembre 2011), alors que le secteur public est beaucoup plus développé aujourd’hui. En tenant compte de la progression de la population entre ces deux dates (22 millions d’habitants de plus), cela signifie que la proportion de chômeurs a plus que doublé. Le chiffre du chômage en France s’élève aujourd’hui à 4,4 millions en prenant les chômeurs partiels et les personnes dispensées de recherche d’emploi. En clair : 10% des actifs français sont au chômage total ; 15% des actifs français sont au chômage total ou partiel ; 20% des actifs français hors secteurs protégés sont au chômage partiel ou total. Presque toutes les familles sont donc concernées par cette situation.

    En outre, le chômage ne cesse de progresser depuis 30 ans en France alors que les chômeurs des années 1930 avaient retrouvé du travail dès la fin de la guerre et cela malgré le retour des prisonniers.

    L’insécurité économique durable devient donc la règle pour une part croissante de la population, même quand elle travaille, et la récession qui vient va en accentuer les effets.

    La situation est sur ce plan pire que durant la Grande Dépression dans notre pays. Car dans les années 1930, la France était un pays à dominante rurale, encore doté de fortes solidarités familiales et de cadres religieux, moraux et politiques solides.

    Mais aujourd’hui, dans la société des individus dans laquelle nous vivons, où la vie se résume à la consommation, le chômage est beaucoup plus difficile à supporter psychologiquement même s’il est subventionné : il signifie l’isolement, la mort lente, économique et civile.

    La nouvelle crise des minorités

    La crise de l’immigration connaît le même traitement médiatique en mode mineur, avec la circonstance aggravante qu’il est devenu politiquement incorrect et donc pénalement risqué d’aborder le sujet dans notre pays, autrement qu’en termes laudateurs.

    Mais à l’évidence les flux migratoires à destination de l’Europe occidentale et de la France en particulier ne cessent pas et sont en train d’initier un mouvement de changement de population.

    L’Europe n’a plus de frontières et toute tentative, même modeste, de réguler plus fortement les entrées se heurte aux décisions des « juges » européens et aux pressions continues du patronat et des associations. L’immigration n’est donc nullement « choisie », mais en réalité imposée aux peuples européens, qui doivent au surplus se plier de plus en plus aux mœurs exotiques des nouveaux arrivants.

    Il suffit de se promener dans les rues de nos villes pour se rendre compte que l’immigration, notamment africaine, s’installe partout. Or plus le nombre de personnes d’origine immigrée augmente, plus elles ont tendance à se regrouper en communautés : c’est une loi de la nature. L’assimilation fonctionne donc en proportion inverse du nombre de personnes à assimiler.

    La constitution de communautés d’origine étrangère est lourde de conséquences pour la paix civile comme le démontrent d’ores et déjà les émeutes ethniques que les pays européens connaissent épisodiquement et qui se ressemblent toutes dans leur déroulement puisque leur cause est identique. Elle contredit aussi la tradition unitaire de la nation française et de la plupart des nations européennes.

    Avec sa politique migratoire démente, l’oligarchie et ses compagnons de route a donc recréé en Europe un « problème des minorités » qui avait déjà empoisonné la première moitié du XXe siècle et qui a par deux fois conduit à la guerre. Comme si cela ne suffisait pas, l’oligarchie y a ajouté au surplus un problème religieux – celui de l’islam – et un problème noir.

    L’Europe désarmée

    La dernière crise est de nature diplomatique et militaire. Ces questions traditionnellement ne passionnent pas nos compatriotes en temps de paix et elles ne sont pas traitées par les médias sinon sur le registre larmoyant (les méchants « dictateurs ») ou spectaculaire (nos envoyés spéciaux en Libye).

    L’Europe qui se croit jouer les « soft power » sort en réalité de l’histoire car elle a raté la chance historique de sortir de sa dormition après la chute du communisme soviétique. Il faut dire que le grand frère américain ne l’y a pas aidée : il a tout fait, au contraire, pour empêcher l’émergence d’une Europe puissance de l’Atlantique à l’Oural.

    Aujourd’hui le roi est nu mais on le cache aux Européens.

    L’Europe n’a ni frontières ni défense : elle n’est qu’un espace économique ouvert à tous les prédateurs.

    Quand des soldats de l’armée française meurent en Afghanistan, il se trouve un juge pour instruire une plainte contre le commandement militaire. Dans l’Europe décadente et vieillissante, mourir au combat est une incongruité, une sorte d’accident du travail pour lequel il faut sanctionner l’employeur. Les budgets militaires ont partout été rognés en Europe et n’importe quel roitelet arabe ou coréen dispose de plus d’armements modernes que nos forces.

    L’Europe n’a pas non plus vu venir la montée en puissance de l’Asie, de l’Inde et des puissances émergentes. Ses gesticulations politico-militaires au nom des droits de l’homme et de la démocratie n’ont servi qu’à une chose : renforcer l’islamisme partout, en particulier sur le pourtour de la Méditerranée. L’Europe perd chaque jour de nouvelles « marches » et son influence ne cesse de diminuer. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de l’Empire byzantin.

    L’Europe s’est jetée dans le piège de l’Otan où elle quémande des commandements. La belle affaire : nous ne sommes plus en 1950 ! Les Etats-Unis regardent ailleurs aujourd’hui – vers l’Asie et le Pacifique. Il n’est pas du tout sûr que les « boys », qui sont de moins en moins européens en outre, acceptent une nouvelle fois de venir au secours des Européens, préoccupés de leur petit confort, de leur retraite et de leur « environnement ».

    Autrefois les Européens inspiraient aux autres peuples, par leur génie et leur dynamisme, la peur ou l’admiration. Aujourd’hui ils font rire tout le monde avec leurs cheveux gris, leurs femmes en uniforme et leurs croyances bizarres. Ils n’intéressent qu’en qualité de touristes, à la condition qu’ils soient fortunés. Mais ils ne font plus peur. Ni aux délinquants. Ni aux immigrés qui se sentent chez nous chez eux. Ni au reste du monde.

    L’Europe est devenue une proie, un butin, un pays de cocagne pour qui saura la prendre.

    Mais chut ! il ne faut pas non plus en parler ! Ne réveillons pas la belle endormie. Ce serait gâter la soirée de nos chers téléspectateurs.

    Michel Geoffroy (Polémia, 1er février 2012)

    (*) Comme, par exemple, ce délinquant récidiviste, trafiquant de stupéfiants interpellé pour la 50e fois (Le Monde du 31 janvier 2012).

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  • Que faire de l'euro ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Alain de Benoist, publié dans la revue Eléments (n° 141, octobre 2011) et consacré à la crise de l'euro.

     

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    L'euro ? Il faut en faire une monnaie commune !

    La décision de doter l’Europe d’une monnaie unique fut prise à l’origine par François Mitterrand et Helmut Kohl, lors du sommet européen qui s’était tenu à Rome en décembre 1990. Mais ce n’est que le 1er janvier 1999 que l’euro est officiellement entré en vigueur, et c’est seulement à partir du 1er janvier 2002 que des billets et des pièces libellés en euro se sont substitués en Europe à un certain nombre de monnaies nationales. L’euro a donc à peine dix ans. Or, le voici déjà remis en question, puisque la crise de l’euro est désormais au centre des tourmentes monétaires.
    Certains s’en réjouissent, qui voient dans cette crise la preuve que leur hostilité à la construction européenne était parfaitement justifiée. Avec la crise de l’euro, disent-ils, c’est le dogme de l’irréversibilité de la construction européenne qui s’apprête à s’écrouler. Telle n’est pas notre position. Il n’y a en réalité aucune raison de se réjouir de la disparition éventuelle de l’euro, dont le principal bénéficiaire seraient les Etats-Unis, qui craignent depuis longtemps de voir l’hégémonie mondiale du dollar menacée par la naissance d’une nouvelle monnaie de réserve.
    Mais il n’y a aucune raison non plus de confondre la construction européenne avec l’actuelle monnaie unique. L’euro et l’Europe ne sont pas synonymes. En témoigne déjà le fait que certains pays de l’Union européenne (Danemark, Suède, Royaume-Uni) ne sont jamais entrés dans la zone euro. Comme l’a écrit Mark Weisbrot dans le Guardian de Londres, « Il n’y a aucune raison pour que le projet européen ne puisse se poursuivre, et l’Union européenne prospérer, sans l’euro »(1).
    L’instauration de l’euro aurait été une chose excellente à condition de respecter deux conditions : que le niveau de la monnaie unique ne soit pas indexé sur l’ancien mark, et que sa mise en place s’accompagne d’un système de protection commerciale aux frontières. Or, aucune de ces conditions n’a été remplie. Au lieu d’assurer une protection communautaire, c’est la carte du libre-échangisme intégral que l’on a décidé de jouer. En 1994, on a assisté au démantèlement du tarif extérieur commun qui, jusque là, protégeait en partie l’Europe de la concurrence dans des conditions de dumping social des pays à bas salaire. La surévaluation chronique de l’euro a ensuite accentué les déséquilibres. En même temps, on a artificiellement plaqué une monnaie unique sur des économies divergentes à tous égards. La crise était dès lors inévitable.
    Le problème de fond de l’euro découle de cette évidence qu’il ne peut y avoir de monnaie unique associant des pays de niveau structurellement divergent. On ne peut en effet appliquer la même politique monétaire, c’est-à-dire le même taux de change (qui détermine importations et exportations) et le même taux d’intérêt à des économies de structures et de niveaux différents. Une telle zone se transforme inéluctablement en zone de tranferts, les plus riches devant payer pour les plus pauvres afin de pallier leur faiblesse économique. C’est ce qu’a démontré la crise grecque.
    Philippe Séguin l’avait dit dès le 5 mai 1992, à la tribune de l’Assemblée nationale : « Dès lors que, dans un territoire donné, il n’existe qu’une seule monnaie, les écarts de niveau de vie entre les régions qui le composent deviennent vite insupportables. Et en cas de crise économique, c’est le chômage qui s’impose comme seule variable d’ajustement ». Deux ans plus tard, Jimmy Goldsmith affirmait de façon prophétique : « Le projet de monnaie unique […] signifierait qu’un pays tel que la Grèce ne pourrait pas ajuster sa monnaie par rapport à celle des Pays-Bas, par exemple. Nous en connaissons le résultat : soit le transfert de subventions vers les pays en difficulté, soit le transfert de chômeurs de ce pays vers d’autres plus prospères »(2). En 1998, enfin, Maurice Allais, Prix Nobel d’économie, avait prévenu : « Une libéralisation totale des échanges et des mouvements de capitaux n’est possible, elle n’est souhaitable que dans le cadre d’ensembles régionaux groupant des pays économiquement et politiquement associés, et de développement économique et social comparable »(3).
    L’euro a donc été adopté dans des pays fortement divergents du point de vue économique, situation que les « critères » de Maastricht n’ont nullement corrigée. Mieux encore, plus l’intégration économique s’est approfondie, plus cette divergence s’est accrue. Quant à la convergence des taux d’intérêt à court terme, elle a conduit à une plus grande divergence des politiques fiscales. L’application d’un taux d’intérêt unique à des économies pourvues d’un taux d’inflation différent a été l’une des sources majeures du gonflement de la dette dans des pays comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal. « L’euro a été aux dettes souveraines européennes ce que la vente libre d’armes à feu est au nombre considérable d’homicides aux Etats-Unis : un pousse-au-crime », a remarqué Nicolas Saint-Aignan.
    Traditionnellement, un Etat qui devient déficitaire dans son commerce extérieur a la possibilité de redresser la situation en dévaluant sa monnaie nationale (le prix de ses exportations sera réduit pour les acheteurs au prorata du taux de la dévaluation). Mais les « dévaluations compétitives » ne sont évidemment plus possibles avec l’euro. En outre, l’euro est depuis des années surévalué (il vaut aujourd’hui environ 1,4 dollar, contre 1 dollar lors de son instauration). Cette surévaluation est le résultat du jeu des marchés. Une monnaie forte rassure les préteurs éventuels sur les capacités de remboursement de ceux qu’ils financent, ce qui leur permet de ne pas exiger des taux d’intérêt trop élevés. A l’inverse, une monnaie faible les pousse à des taux d’intérêt majorés.
    Ayant obtenu au départ que le niveau de l’euro soit aligné sur l’ancien mark, les Allemands sont les seuls (avec l’Autriche et les Pays-Bas) à avoir réellement tiré bénéfice de l’euro. En 2009, l’Allemagne a accumulé 140 milliards d’euros d’excédents de sa balance commerciale, essentiellement au détriment de ses partenaires de la zone euro et des membres de l’Union européenne n’appartenant pas à cette zone (respectivement 82,6 et 3,2 milliards). La cherté de l’euro est en revanche à l’origine des déficits extérieurs de tous les pays du Sud de l’Europe.
    Leurs exportations diminuant en raison du niveau de l’euro, et leurs importations continuant d’augmenter, leurs déficits extérieurs ont explosé, entraînant une diminution de l’investissement productif et la multiplication des délocalisations.Avec l’affaire grecque, on a déjà commencé à s’orienter vers de gigantesques transferts financiers des pays du Nord vers le Sud, transferts qui ne peuvent que devenir très vite insupportables. On voit mal les Allemands, par exemple – qui ont déjà eu dans le passé à éponger la mise à niveau de l’ancienne RDA –, accepter de voir doubler ou tripler leurs impôts pour venir à la rescousse des autres pays d’Europe mis en difficulté. L’appel à la solidarité risque ainsi, non de renforcer l’Europe, mais de l’affaiblir. « En voulant sauver l’euro, estime Nicolas Dupont-Aignan, les dirigeants aveugles sont en train de détruire l’Europe. Car l’Europe n’a de sens que si elle permet à chaque peuple de prospérer davantage avec les autres que seul isolément ».
    La classe politique dominante a choisi la fuite en avant : tout faire pour « sauver l’euro » sans rien toucher au fond du système financier en place. Est-ce seulement réaliste ?
    L’économiste américain Nouriel Roubini a récemment laissé prévoir l’éclatement de la zone euro dans les cinq ans à venir. Il prévoit même pour 2013 l’éclatement de la « tempête du siècle » (« perfect storm »). La fin de l’euro, selon lui, permettrait aux pays du Sud de l’Europe de restaurer leur compétitivité par le biais d’une dévaluation massive de leurs
    monnaies nationales restaurées4. Cette opinion est partagée par bien d’autres experts, dont certain n’hésitent plus à préconiser un retour à ces anciennes monnaies nationales.
    Le grand argument que l’on oppose en général à une éventuelle sortie de l’euro serait que les pays qui s’y risqueraient verraient instanément leur dette augmenter, puisque celle-ci resterait libellée en euros. On peut répondre qu’en contrepartie ces pays pourraient adopter des mesures susceptibles de favoriser la hausse de la demande intérieure et le rétablissement de leur compétivité, ce qui leur permettrait au contraire de mieux faire face à leur endettement. Un retour aux monnaies nationales associé à une forte dévaluation – comparable à ce qui s’est passé dans les pays de l’Est lorsque ceux-ci ont abandonné le rouble après l’effondrement du système soviétique – abaisserait le coût des produits pour les acheteurs étrangers, et stimulerait d’autant les exportations, ce qui donnerait de meilleurs moyens de régler la dette. On a aussi fait observer que toute dévaluation consécutive à un retour aux monnaies nationales se traduirait fatalement par un renchérissement des produits importés hors de la zone euro. Mais ce dernier est en réalité assez faible : pour la France, les importations de biens et de services hors de la zone euro ne représentent que 13 % du PIB.
    Mais la solution optimale serait évidemment de procéder à une dévaluation massive, nominale et réelle, de l’euro préalablement à un retour aux monnaies nationales, ce qui permettrait d’en sortir sans dommages. L’abaissement de la parité de l’euro face au dollar favoriserait la réduction des déficits extérieurs et contribuerait à rendre plus soutenable les dettes souveraines des pays ayant restauré leur monnaie. Pour éviter l’alourdissement de la dette, celle-ci pourrait être convertie dans une monnaie commune représentant la moyenne des monnaies nationales.
    Dans un texte paru dans Le Figaro, co-signé par Jacques Sapir et Philippe Villon, l’économiste Gérard Lafay a ainsi pris position pour la transformation de l’euro en une simple monnaie commune. Il serait en effet parfaitement possible de conserver le seul avantage incontestable de l’euro – constituer à terme une monnaie de réserve – en transformant la monnaie unique actuelle en une monnaie commune au niveau déterminé à partir de l’euro et des monnaies nationales restaurées. « Ce nouveau système permettrait de changer une fois l’an les parités entre les différentes monnaies européennes, afin d’assurer à chaque pays une compétitivité monétaire raisonnable à l’intérieur de l’Union européenne et ce, tout en continuant à avoir face aux autres grandes devises mondiales une devise européenne unifiée » (Nicolas Dupont-Aignan). La monnaie commune établit une barrière face au reste du monde, mais n’interdit pas l’ajustement des parités de change entre les pays membres. Même si l’euro se maintenait à son niveau actuel dans un certain nombre de pays de la zone, il resterait encore la possibilité d’établir une monnaie commune avec certains pays seulement, dans le cadre d’un système de changes fixes, mais révisables, et d’un étroit contrôle des capitaux.
    Cette solution est très différente de celle du « gouvernement économique » européen que certains voudraient instaurer pour remédier à la crise. Ceux qui plaident pour cette solution en tiennent en fait pour un fédéralisme fiscal5. Or, aucune union monétaire ou fiscale n’a jamais pu survivre en l’absence d’une union politique. Mettre en place un gouvernement économique avant et en l’absence d’un gouvernement politique serait une aberration.
    Sortir de l’euro ne suffirait toutefois pas à s’affranchir de la dictature des banques et des marchés. Le retour aux monnaies nationales n’est en effet pas une panacée. Il ne réglerait aucun des problèmes structurels des sociétés actuelles, et ne constituerait en aucune façon une rupture avec la logique du Capital. « Recouvrer notre souveraineté monétaire n’aurait pas de sens si cela ne devait pas s’accompagner d’un changement radical de notre politique », estime très justement Jacques Sapir, selon qui une éventuelle sortie de l’euro devrait être préparée « comme une opération militaire »(6).
    Certains Etats vont-ils être contraints de quitter l’euro ? Les craquements qui se font entendre dans la zone euro annoncent-ils un éclatement généralisé ? S’achemine-t-on à court terme vers une crise terminale ? Et à long terme, vers une banqueroute mondiale ? La construction européenne, en tout cas, connaît aujourd’hui une situation de crise historique telle qu’elle n’en a jamais connu depuis ses débuts, en 1957. L’Europe, où les anciens Etatsnations se sont transformés en autant d’Etats-marchés, est simultanément en voie de marginalisation géopolitique, de vieillissement, de déstructuration sociale, de
    désindustrialisation et de paupérisation. On n’échappera pas à l’épreuve de force.


    Alain de BENOIST (Eléments, octobre 2011)


    1. « Why the Euro is Not Worth Saving », in The Guardian, 11 juillet 2011.
    2. Jimmy Goldsmith, Le piège, Fixot, Paris 1994.
    3. Maurice Allais, La crise mondiale d’aujourd’hui, Clément Juglar, Paris 1999.
    4. Financial Times, 14 juin 2011.
    5. G. Dussouy et B. Yvars, de l’Université de Bordeaux IV, se sont ainsi prononcés pour la
    réactivation d’un projet fédéraliste européen, seul susceptible à leurs yeux de « rassembler les
    dernières forces vives du continent » (« Bien-être et consolidation de l’Etat de droit dans l’UE dans le
    contexte de la globalisation », texte en ligne daté de juillet 2010).
    6. Cf. Jacques Sapir, La fin de l’euro-libéralisme, Seuil, Paris 2010 ; La démondialisation, Seuil,

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