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Points de vue - Page 62

  • Face au Système oligarchique, nous menons le bon combat...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au combat contre le Système oligarchique....

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021) et dernièrement Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021).

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    Face au Système oligarchique, nous menons le bon combat

    Nous devons affronter la nouvelle année avec une certitude forte : nous menons le bon combat ! Et nos adversaires se trouvent dans le mauvais camp, celui du Système, celui de l’oligarchie, celui du Mal.

    Nous avons eu raison sur tout !

    Nous menons le bon combat d’abord parce que notre famille de pensée a eu raison sur tout, avant les autres.

    C’est bien la droite « hors-les-murs », « dissidente », « extrême », « horlogère » ou « nouvelle » – qu’importe le qualificatif dont nous ont affublé nos adversaires – qui dès les années 1970, mettait en garde contre les conséquences catastrophiques de la dérégulation de l’immigration voulue par le patronat. Et contre la crise démographique européenne qui s’annonçait.

    C’est cette droite qui a annoncé, avec Guillaume Faye, la perspective d’une colonisation de l’Europe[1] organisée par le Système à tuer les peuples[2] qui prenait le pouvoir en Occident à partir des États-Unis.

    C’est cette droite diabolisée qui a perçu la première que la question identitaire allait devenir déterminante et qui a dénoncé l’hypocrisie d’une gauche bourgeoise ralliée au capitalisme mondialiste. Une bourgeoisie qui cherche dans l’immigré un peuple et un électorat de rechange et qui promeut le sociétal pour abolir le social.

    Une ruse de l’histoire

    C’est aussi notre famille de pensée qui – prenant la suite du Général De Gaulle par une ruse dont l’histoire a le secret – a toujours considéré que l’Europe n’avait de sens que de l’Atlantique à l’Oural et que l’inféodation aux États-Unis conduirait notre continent à la déchéance et à la guerre. Et que la société ne pouvait se réduire au marché ni à la Bourse.

    C’est aussi notre famille de pensée qui a dénoncé les dérives de l’Éducation nationale dès les années 1980, comme celle des juges idéologisés[3] qui allait conduire au gouvernement des juges et à l’explosion de l’incivilité et de l’insécurité. Car notre famille de pensée a renouvelé la critique traditionnelle de l’idéologie des Lumières et de l’égalitarisme, en s’appuyant sur les sciences du vivant[4].

    On pourrait continuer l’énumération : nous avons été les seuls à annoncer et dénoncer la dérive mortelle du monde occidental américanisé, dans sa globalité.

    C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on nous a diabolisés en permanence !

    Dépasser la politique politicienne

    Nous menons le bon combat ensuite parce que nous avons compris que la lutte contre le Système ne pouvait se limiter à la politique politicienne.

    C’était déjà la conclusion du petit opuscule Pour une critique positive, paru en 1962 et attribué à Dominique Venner, tirant les conséquences de l’échec de l’Algérie française.

    Car ceux qui pensent qu’il suffit de « gagner les élections » ou de constituer un groupe parlementaire pour mettre à bas l’oligarchie se méprennent et trompent surtout leurs électeurs. Ce que tous les prétendus « sauveurs » de droite n’ont cessé de faire, il est vrai, depuis 40 ans.

    La lutte contre ce que représente le Système n’est ni politicienne ni franco-française en effet : elle est métapolitique, métaphysique et culturelle. Elle ne peut être que totale et mondiale.

    Une réforme intellectuelle et morale

    La renaissance de notre pays ne peut donc résulter que d’un changement de vue-du-monde, ouvrant la voie à une réforme intellectuelle et morale, comme Alain de Benoist l’a exposé dans son maître essai Vu de Droite dès 1977[5]. Une renaissance permettant l’émergence d’une nouvelle élite politique, seule à même de mettre en mouvement notre peuple, en réalisant la grande politique qu’il attend désespérément [6].

    Une fois encore la droite dissidente a vu juste là où la droite établie n’a rien compris, ce qui explique sa marginalisation.

    C’est d’ailleurs parce que notre famille de pensée a été la plus diabolisée, censurée et persécutée depuis 40 ans qu’elle a pu aussi, la première, dénoncer la dérive de plus en plus liberticide du Système et le caractère factice de notre démocratie. Comme le démontre chaque jour Emmanuel Macron, le président incapable et impopulaire, curieusement réélu en 2022, et qui gesticule… sans majorité absolue au Parlement.

    Vers la guerre

    Nous menons le bon combat car il n’est plus possible, enfin, d’ignorer que l’oligarchie mondialiste qui a pris le pouvoir en Occident nous conduit vers la guerre mondiale, la paupérisation et la destruction de notre civilisation.

    Nous avions prévu que l’oligarchie n’hésiterait pas à recourir à la guerre pour empêcher la remise en cause de sa domination par les états-civilisationnels émergents, comme la Chine, l’Inde ou la Russie[7]. Et que les ruines et le chaos qu’elle avait provoqués au Proche Orient, nous donnaient un avant-goût de ce qui nous attendait.

    Cette prévision est en train de se réaliser avec la guerre en Ukraine, le retour des tensions au Kosovo, les provocations occidentales face à la Chine, la multiplication des points d’affrontement sur notre continent et la guerre ethnico-religieuse larvée qui commence à ravager l’Europe de l’Ouest.

    Il est vrai que la guerre est bonne pour les affaires de l’oligarchie, ce qui explique le ralliement au bellicisme états-unien, de l’Union européenne, « machin » livré aux lobbys et à la corruption.

    En 2023, il faudra choisir son camp

    La guerre que promeut l’oligarchie mondialiste traduit surtout l’affrontement eschatologique qui est en train de prendre place entre un Occident, qui incarne désormais la déchéance de l’homme, et le reste de l’humanité, qui rejette de toutes ses forces cette décadence. Un affrontement final d’ailleurs prévu par nombre de religions.

    Dans un tel affrontement, les Européens ne peuvent plus rester spectateurs : ils en sont déjà les victimes !

    Chaque Européen conscient doit donc choisir son camp et ce ne peut-être celui d’un Occident décadent et corrompu dans tous les sens du terme, qui nous conduit à la ruine et à la guerre.

    En 2023, nous continuerons de mener le bon combat !

    Michel Geoffroy (Polémia, 31 décembre 2022)

     

    Notes :

    [1] Guillaume Faye « La Colonisation de l’Europe » , l’Aencre, 2000
    [2] Guillaume Faye « Le Système à tuer les peuples » , éditions Copernic, 1981
    [3] Notamment par les travaux du Club de l’Horloge
    [4] Henry de Lesquen et le Club de l’Horloge « La Politique du Vivant » , Albin Michel, 1978
    [5] Alain de Benoist « Vu de Droite, Anthologie critique des idées contemporaines », éditions Copernic, 1977
    [6] Voir Bruno Mégret « Le Temps du Phénix », éditions Cité Liberté, 2016
    [7] Voir notamment Michel Geoffroy « La Nouvelle Guerre des Mondes » Via, Romana, 2020

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  • Seize clichés imbéciles sur la France d’aujourd’hui...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Tandonnet, cueilli sur son blog personnel et consacré aux clichés sur la France colportés par l'air du temps au sein du système.

    Ancien haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, et désormais enseignant, Maxime Tandonnet a été conseiller à l’Élysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a donné un témoignage lucide et éclairant de cette expérience dans Au cœur du volcan (Flammarion, 2014). Il a également publié des biographies d'André Tardieu (Perrin, 2019) et de Georges Bidault (Perrin, 2022).

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    Seize clichés imbéciles sur la France d’aujourd’hui

    • « Les institutions sont solides » : Elles ne sont pas solides du tout, mais figées, rigides. Elles protègent certes les dirigeants politiques en les rendant irresponsables. Mais elles favorisent l’immobilisme, l’impuissance, l’exubérance vaniteuse au détriment du bien du pays. L’idée que la Ve dans sa version actuelle est supérieure aux IIIe et IVe République est par excellence le cliché des imbéciles.
    • « Ils ont bien géré la crise sanitaire » : au contraire, ils ont fait naufrage ont plongé le pays dans l’Absurdistan bureaucratique et liberticide,  ruiné ses finances publiques pour un résultat médiocre en termes de statistiques de mortalité au regard des comparaisons internationales sur des pays de même profil.
    • « Le football est la dernière expression patriotique » : le patriotisme se définit comme la capacité de sacrifice pour son pays : l’éblouissement collectif autour des aléas d’un ballon rond ne relève en rien du patriotisme mais du chauvinisme.
    • « M. est intelligent » : Il est comme les politiques qui réussissent, désinhibé, privé de surmoi, capable d’absolument tout et n’importe quoi pour se mettre en avant et parvenir à ses fins, ce qui n’a strictement rien à voir avec l’intelligence au sens d’une vision d’autrui, de la France, du monde et de l’histoire.
    • « MLP sera la prochaine présidente » : Personne n’en sait rien de ce qui va se passer dans 4 ans: a priori, aucune raison pour que la famille le Pen, l’épouvantail officiel, après 8 défaites aux présidentielles, réussisse à sa neuvième tentative.
    • « La France a une politique économique libérale » : C’est exactement le contraire, avec une dette publique de 116% du PIB, des prélèvements obligatoires de 45%, le record en Europe, une économie largement subventionnée, surfiscalisée et suradministrée au niveau national comme européen (prix de l’énergie), la France est  bien plus proche du modèle soviétique que libéral.
    • « Ils ont transformé la France comme jamais »: Mensonge fondamental, ils n’ont rien transformé du tout, jamais la France n’a connu aussi peu de réformes utiles que depuis 2017. La prétendue réforme emblématique de la SNCF n’a absolument rien amélioré sur le fonctionnement et les performances de cette société comme les Français le vivent au quotidien.
    • « La France est menacée de dictature par l’extrémisme » : En 2020 et 2021, sous la grande peur sanitaire, la France a connu toutes les caractéristiques d’un régime autoritariste (confinements, Etat policier, abolition des libertés, couvre-feu, état d’urgence indéfini, suspension de fait du parlement). Ainsi, la France n’a nullement besoin de l’extrémisme pour instaurer un régime liberticide.
    • « Les lois sur l’immigration servent à quelque chose » : Les règles sur l’immigration sont décidées à Bruxelles (règlement et directives) et par les juridictions notamment la CJUE: les lois nationales sur l’immigration sont de pur formalisme, d’affichage ou de gesticulation.
    • « Les hauts fonctionnaires décident de tout » : en dehors de ceux, une infime minorité (0,001%), qui accèdent aux fonctions politiques de haut niveau, l’immense majorité des autres sont des serviteurs absolument zélés du pouvoir politique qui appliquent les directives d’en haut – parfois bien trop zélés.
    • « Les chômeurs sont des fainéants » : le cliché des crétins et des imbéciles qui n’ont pas connu la souffrance de la perte d’un emploi, de l’exclusion, de la solitude, le désœuvrement, des milliers de CV envoyés sans réponse, du bonheur de décrocher enfin un entretien sur un poste pour mille candidats…
    • « La France ne se porte pas si mal » : notre pays subit une violente explosion de ses déficits budgétaires, commerciaux et de sa dette publique et en parallèle un vertigineux effondrement de ses service publics, hospitaliers, sécuritaires, scolaire. Comment faire pire ?
    • « Une recomposition politique est en cours ». La politique française serait en train de se recomposer pour passer d’une logique droite/gauche à une logique bourgeoisie mondialisées/périphérie populaire: en vérité, il n’y a aucune logique, le processus de décomposition et de chaos s’accélère pour tendre vers un champ de ruines à peu près total (voire la Nupes en ce moment).
    • « Les Français ont les dirigeants qu’ils méritent » : Faux: les gesticulations vaniteuses, narcissiques et impuissantes des dirigeants politiques actuels contrastent avec la majorité silencieuse, simple, courageuse et laborieuse. Non les Français ne méritent pas un tel spectacle: ils en sont les victimes.
    • « Les jeunes ne veulent plus travailler» : Il suffirait aux imbéciles de connaître quelques jeunes de moins de 30 ans, de toutes origines, ou de faire un tour dans une université populaire de la région parisienne, pour voir comment la plupart d’entre eux sont prêts à tous les sacrifices personnels pour s’en sortir par tous les moyens.
    • « Les partisans d’une solution de paix sont des « collabos » : slogan idiot des incultes en histoire: les « collabos » n’ont jamais plaidé en faveur d’une solution de paix mais au contraire pour la guerre à outrance, un alignement de la France sur l’effort de guerre de l’Allemagne nazie sinon l’entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne nazie en vue de l’écrasement de la Russie soviétique (Laval, Déat, Doriot).

    Maxime Tandonnet (Blog de Maxime Tandonnet, 27 décembre 2022)

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  • Une perspective d’Orient...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dario Rivolta, consacré au point de vue de l'Orient sur l'Occident et l'Europe. L'auteur est analyste géopolitique et ancien député italien et membre de la Commission des Affaires Étrangères.

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    Une perspective d’Orient

    Notre monde sous une autre perspective : comment l’orient nous perçoit-il ?

    Pour obtenir de bons résultats dans une négociation internationale, qu’elle soit commerciale ou politique, il est indispensable de bien comprendre quels sont les véritables centres d’intérêts de l’interlocuteur (même non déclarés) et ses « lignes rouges« . Pour cela, il faut essayer d' »entrer » dans sa tête, connaître les racines culturelles dans lesquelles il a grandi et, surtout, savoir comment il nous perçoit ainsi que le monde dont nous sommes le fruit. Au contraire, l’erreur la plus courante et la plus contre-productive dans laquelle nous tombons consiste interpréter la négociation au travers nos codes de lecture en projetant nos propres canons de jugement sur l’autre et en présupposant l’existence de valeurs et réflexes communs.

    Malheureusement, quand nous regardons l’Asie et le reste du monde depuis l’Occident, nous n’avons pas l’habitude de nous dépouiller de nos préjugés et de nos habitudes culturelles. Pire encore : il nous semble évident que notre façon de voir le monde est le seul possible ou du moins la meilleure de toutes les alternatives.

    Cependant, quiconque souhaite jeter au moins un aperçu de la façon dont les Asiatiques voient le monde occidental ferait bien de lire le livre de Kishore Mahbubani : « Occident et Orient : qui perd et qui gagne« .

    Mahbubani est un parfait « médiateur culturel » ayant été diplomate singapourien pendant trente ans ayant assumé différentes hautes responsabilités auprès du Conseil de sécurité des Nations unies. Son éducation culturelle débute à Singapour avec une licence en philosophie et un mémoire de master sur la confrontation entre Karl Marx et John Rawls. Il a étudié la littérature européenne, indienne et chinoise et parle plusieurs langues. Entre autres choses, il a enseigné aux USA à Harvard et a été doyen et professeur de la Lee Kuan Yew School of Public Policy (Singapour). Il a également écrit plusieurs livres, dont un sur Machiavel. Foreign Policy l’a inclus dans la liste des plus grands intellectuels mondiaux et le Financial Times le considère parmi les cinquante économistes capables de débattre raisonnablement de l’avenir de l’économie capitaliste.

    Son jugement sur l’Occident part de l’hypothèse que le plus grand cadeau qu’il ait fait au monde est le pouvoir du raisonnement logique. Mode désormais également adopté par l’Orient mais peu à peu revisité ou même abandonné en Asie : « … L’Occident a perdu la capacité de se poser des questions fondamentales et s’est réfugié dans une bulle auto référentielle et complaisante…« .

    Dans le volume susmentionné, il nous rappelle que depuis le début de l’histoire jusqu’au XIXe siècle, les deux plus grandes économies du monde étaient la Chine et l’Inde et ce n’est qu’au cours des deux derniers siècles que l’Europe et le monde anglo-saxon sont devenus politiquement et économiquement dominants. Cependant, cette situation s’est clairement inversée, surtout au cours des deux dernières décennies. La part du PIB mondial en 1980 était clairement en faveur de l’Occident (au sens large, y compris le Japon et la Corée du Sud, considérés politiquement « occidentaux« ) avec une part supérieure à 60 %, mais aujourd’hui cette part est tombée à moins de 40 % et se contracte continuellement en faveur des économies des pays émergents. Déjà en 2015, les membres du G7 ont contribué à hauteur de 31,7 % à la croissance mondiale, tandis que la Chine + l’Inde + le Brésil + le Mexique + la Russie + l’Indonésie et la Turquie (E7) ont atteint 36,3 %. En termes de pouvoir d’achat, en 1980, la Chine représentait un dixième de l’économie américaine, en 2014 elle est devenue la plus grande économie du monde.

    Pour confirmer le revirement, des enquêtes ont par exemple établi qu’en 2016, 90 % des jeunes Indonésiens se déclaraient heureux alors qu’en Europe, seuls 57 % de leurs pairs étaient heureux. Il est clair pour tous que le sentiment de bonheur potentiel découle davantage des attentes concernant l’avenir que des conditions du moment.

    Mahbubani décrit un aveuglement des élites occidentales dans le fait que nous continuions à croire que l’événement le plus important de l’histoire mondiale récente ait été le 11 septembre 2001 (Twin Towers). Tout en attribuant la présence d’excellentes universités et d’intellectuels talentueux dans le monde occidental, il est surprenant que l’importance absolue de l’adhésion de la Chine à l’OMC sur les développements futurs dans le monde n’ait pas été comprise et mieux interprétée dans ce qu’elle signifie à l’échelle planétaire. C’est cet événement qui a conduit au début du déclin économique occidental. La Banque des règlements internationaux, elle aussi, le dit dans un rapport officiel de 2017 : l’entrée d’un milliard de nouveaux travailleurs hautement productifs dans le système commercial mondial a entraîné une « destruction créative » massive et la perte de nombreux emplois en Occident. D’où l’instabilité politique et l’appauvrissement économique croissants, les populismes et les luttes entre pauvres qui dévastent nos sociétés. Un fait intéressant (citant un universitaire américain) est le suivant : « En moyenne en 1965, le PDG d’une entreprise américaine gagnait 20 fois le salaire d’un de ses ouvriers. En 2013, toujours en moyenne, ce ratio est passé à 296 fois« . Exactement ce qui a continué à se produire en Europe aussi, contribuant à exacerber les conflits sociaux.

    Concernant la croyance répandue parmi nous selon laquelle les Chinois souffrent tous d’un régime exceptionnellement despotique, il écrit : « Si cette perception occidentale était vraie, comment 100 millions de Chinois voyageraient-ils à l’étranger ? … Et puis, 100 millions de Chinois rentreraient-ils librement chez eux s’ils se sentaient vraiment opprimés ?« . Il ne s’agit pas de nier que de nombreux cas de mécontentement populaire se manifestent aussi en Chine, mais des formes de protestation, parfois violentes, se produisent également dans nos pays démocratiques et la seule différence (importante) tient à la façon dont les gouvernements respectifs réagissent.

    Parlant de visions stratégiques, Mahbubani est très clair. Selon lui, « l’intervention la plus malavisée a été d’envahir l’Irak en 2013. En théorie, la guerre en Irak s’est déroulée au lendemain du 11 septembre. En pratique, ce n’était qu’une démonstration de l’arrogance et de l’incompétence stratégique de l’Occident, et des États-Unis en particulier. En détruisant Saddam et en attaquant les talibans, les États-Unis ont beaucoup aidé la puissance iranienne… et créé un gâchis colossal« . L’Irak est maintenant devenu l’exemple type de comment ne pas envahir un pays. Lee Kuan Yew, Premier ministre de Singapour et ami des Américains, a sarcastiquement noté que « même les Japonais avaient fait mieux pendant la Seconde Guerre mondiale« .

    Selon lui, une deuxième bévue stratégique occidentale majeure a été d’ »humilier davantage la Russie déjà humiliée« . Il cite Churchill qui a soutenu que « dans la victoire, vous avez besoin de magnanimité« . Au contraire, après avoir remporté la guerre froide, l’Occident a voulu étendre l’OTAN aux frontières de la Russie. À ce propos, Thomas Friedman (c’est toujours Mahbubani qui le cite) dans le New York Times du 4 mars 2014 (après le Maïdan) écrivait : « J’ai lutté contre l’expansion de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie après la guerre froide, quand la Russie était de loin la plus démocratique et la moins menaçante de tous les temps. Cela reste l’une des choses les plus stupides que nous ayons jamais faites et, évidemment, a jeté les bases de l’ascension de Poutine.« 

    Autre aspect abordé par le cultivé diplomate singapourien est l’accusation lancée contre la Russie d’avoir tenté de s’ingérer dans les élections présidentielles américaines de 2017 : « Aucun dirigeant américain ne s’est posé la question : mais les USA ne se sont-ils jamais rendus coupables d’ingérence dans des élections dans d’autres pays ? » Et la réponse est citée par une étude (2016) de l’Institute of Politics and Strategies de l’Université Carnegie Mellon qui a constaté que de 1946 à 2000 bien plus de quatre-vingts cas d’ingérence américaine ont été documentés.

    Le troisième point qu’il considère comme une erreur de jugement de l’Occident sont les soi-disant « révolutions de couleur”. Une liste partielle comprend : la Yougoslavie (2000- Bulldozer), la Géorgie (2003- Rose), l’Ukraine (2005- Orange et 2014- Maidan), Irak (2005- Violet), Kirghizistan (2005- Tulipes), Tunisie (2010- Jasmin), Égypte (2011- Lotus). Sans oublier la Libye et la Syrie. Il souligne que certaines de ces « révolutions » ont été générées en interne mais que l’Occident s’est empressé de les soutenir au nom de « l’exportation de la démocratie« . Une exportation qui n’a jamais concerné des pays « amis » comme par exemple, l’Arabie Saoudite et (peut-être) la Turquie.

    Garcia Marquez, après le 11 septembre, a écrit au président Bush : « … Comment vous sentez-vous maintenant que l’horreur éclate dans votre jardin et non dans le salon de votre voisin… Savez-vous qu’entre 1824 et 1994, votre pays a fait 73 invasions en Pays d’Amérique latine… Depuis près d’un siècle, votre pays est en guerre avec le monde entier… Qu’est-ce que ça fait, Yankee, de découvrir qu’avec le 11 septembre, la longue guerre est enfin arrivée chez vous ? « .

    Bien sûr, le livre de Mahbubani contient de nombreuses autres considérations vues d’orient qu’il nous est utile de découvrir. Attention, il n’est pas un ennemi de l’Occident et a même été élu membre de la prestigieuse Académie Américaine des Arts et des Sciences. C’est simplement quelqu’un qui nous regarde d’un autre point de vue et, dans de nombreuses circonstances, regrette ce qu’il juge être nos erreurs.

    Le livre se conclut par un constat très intéressant sur la diversité des intérêts des États-Unis et de l’Europe, pas toujours conciliables, et sur son étonnement de voir comment les élites européennes suivent servilement les volontés américaines, même si elles constituent souvent un préjudice pour le Vieux Continent.

    La lecture de Kishore Mahbubani nous oblige à une nouvelle perspective, à travers le spectre asiatique et mondial et nous offre différents angles d’analyse pour observer le globe dans lequel nous vivons trop souvent en guerres inutiles.

    Dario Rivolta (Geopragma, 29 décembre 2022)

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  • En 2023, la vérité nous rendra libres !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au combat pour la vérité....

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021) et dernièrement Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021).

     

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    En 2023, la vérité nous rendra libres !

    La réinformation, la dénonciation des bobards médiatiques, ne se réduit pas à un exercice pédagogique, politique ou parfois amusant. Elle a aussi un sens métaphysique : car dénoncer la propagande c’est révéler le mensonge existentiel sur lequel repose le Système, un mensonge qui est toujours le sous-bassement du Mal dans l’histoire.

    Une société bâtie sur le mensonge

    Le progressisme a fait de la liberté son étendard depuis le 18e siècle. Mais on sait aujourd’hui qu’il s’agissait d’un pavillon de complaisance, d’un faux drapeau.

    Cette liberté n’est en effet que la licence c’est-à-dire la libération des instincts animaux de l’homme. Elle signifie aussi la destruction de tout ordre social sur l’autel des égoïsmes individuels comme le montre l’échec du marché à faire société.

    La liberté c’est en réalité le pouvoir des plus riches et de plus puissants de s’affranchir de la morale commune et de dominer les autres, sans aucune retenue.

    L’homme prétendument « libéré » ne maîtrise pas son destin : au contraire il est devenu le jouet de forces déchainées, principalement économiques, qui se sont autonomisées, mondialisées et désencastrées de la société.

    L’inversion maléfique de toutes les valeurs

    Le monde que le progressisme a bâti est fondé sur le mensonge permanent.

    « Liberté, égalité et fraternité » sont factices car le système est tyrannique et oligarchique. Il repose sur la violence et la guerre de tous contre tous pour imposer son projet. Et le peuple qu’il invoque a toujours été muselé, car depuis 1789 la gauche en France est bourgeoise et non pas populaire.

    Le Système repose essentiellement sur l’inversion maléfique de toutes les valeurs de civilisation, ce qu’avait pressenti George Orwell dans son célèbre roman Mille-neuf-cent-quatre-vingt-quatre paru en 1949.

    Comme quand l’Union européenne baptise « droits reproductifs et sexuels » l’avortement sans limite et le transsexualisme. Ou « accueil des réfugiés », l’organisation du chaos migratoire en Europe. Ou quand l’oligarchie présente comme « sauvegarde de la planète », la régression sociale et la paupérisation programmées des Européens.

    Pas de liberté sans vérité

    La société de propagande qu’analyse Jean-Yves Le Gallou dans son dernier essai, c’est avant tout la société du mensonge érigé en système. Et le mensonge débouche toujours sur la violence.

    C’est pourquoi on ne peut défendre durablement la liberté sans rétablir la vérité de toutes choses.

    La vérité de l’homme : l’homme a une nature, une identité et une dignité qu’on ne saurait violer. Celle du monde, dont la richesse repose sur la diversité des cultures humaines, qu’il faut donc préserver encore plus que la biodiversité.

    La vérité implique aussi de reconnaître l’échec de l’homme sans foi, dont l’horizon se restreint à celui de sa propre vie. Un homme sans foi ni loi comme le savait la sagesse populaire car il ne peut y avoir de morale sans dépassement de son intérêt individuel égoïste. L’Europe ne pourra donc résister à la poussée de l’Islam que si elle retrouve la vérité de sa religion, celle de la chrétienté héritière de la romanité, que la crise de l’Église a obscurcie.

    Un beau programme

    Vie, volonté, vérité, victoire : voilà un  programme d’action.

    Défendre la vie de notre civilisation contre la culture de mort ; faire preuve de volonté pour affronter le monde tel qu’il est au lieu de se contenter de paroles ou de postures sans effet ; avoir le courage d’affirmer la vérité contre la société du mensonge ; préférer la victoire à la soumission.

    Comme l’écrivait George Orwell : « À une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire ».

    Ce sera encore plus vrai en 2023.

    Michel Geoffroy (Polémia, 28 décembre 2022)

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  • À droite comme à gauche… encore un effort pour parler aux Français !

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux enjeux politiques au niveau de l'Union européenne ...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    À droite comme à gauche… encore un effort pour parler aux Français !

    Les élections européennes de 2024 se rapprochent et les appétits s’aiguisent. Passons sur l’envie banale d’accéder au statut de député européen — qu’en restera-t-il en 2029 ? Partis et mouvements divers comptent sur l’élection européenne pour confirmer leur dynamique, ancrer leur présence, ou simplement continuer d’exister. Tous travaillent à leur discours sur l’Europe, l’Union européenne, son ambition ou ses dérives.

    Le risque est que les citoyens des Nations d’Europe n’entendent rien à cette musique convenue — pour ou contre l’Union, la Commission, les traités, l’euro, l’élargissement à l’Est, les dérives fédéralistes ou impériales, etc. Tout cela est bien loin de ce qui compte pour eux — avoir chaud cet hiver, bien se nourrir à bon prix, vivre en paix chez soi… Le piège européen est grand ouvert, qui consiste à focaliser le débat sur des questions, comme la forme politique de l’Union, ses institutions, son état de droit, qui occupent les folles journées du Parlement européen, mais n’ont rien à voir avec les préoccupations des citoyens européens. Ces thèmes rebattus détournent l’attention de l’essentiel. Et le risque est que le vide politique dans lequel s’abîment les institutions européennes contamine les partis en Europe, et aussi en France.

    Qu’est-ce qui compte ? C’est la question, la seule, à laquelle tout candidat, tout militant, devrait s’efforcer de répondre.

    Vivre en paix chez soi. Comment rétablir les contrôles aux frontières, la maîtrise du droit d’accès et de résidence sur leur territoire dont dépend leur sécurité ? Comment restaurer les conditions d’une paix durable avec la Russie ?

    Rester libres. Comment défendre nos libertés individuelles contre la dictature digitale qui s’avance, rétablir en Europe la liberté d’expression, de pensée et de débat ? Comment affirmer l’autonomie stratégique des Nations d’Europe et faire passer leurs intérêts communs avant toute autre priorité ?

    Préserver notre mode de vie. Comment lutter contre la folie verte du Green Deal qui multiplie les zones d’exclusion sociale, et pénalise les indépendants au bénéfice des grands groupes, pour faire de la priorité écologique le moyen de bien vivre chez soi ?

    Sur ces trois sujets, il y a urgence.

    1 ) La réalité de l’insécurité identitaire autant que physique se diffuse avec l’immigration imposée aux communautés locales, elle grandit avec la dissolution voulue des appartenances familiales et locales. En France comme en Suède, en Italie comme en Allemagne, il n’est plus possible de nier l’échec de la société multiculturelle. La misère sociale que provoque l’invasion migratoire s’étend et ne peut plus être niée. Les socialistes ne veulent pas voir que le problème social d’aujourd’hui est moins dans les conditions de travail que dans l’insécurité dans les transports et l’incivilité des clients. Il est moins dans la faiblesse des rémunérations que dans cet impôt invisible que fait payer l’insécurité généralisée. Combien de vendeuses, d’employées, à le dire ? Leur problème « social » n’est pas le travail dans Paris, à Auber ou au Palais Royal — c’est le retour à Sarcelles ou Saint-Denis. L’incapacité des gouvernements comme de l’Union à reconnaître les faits, et à accorder la priorité à la sécurité des Européens, est la première faillite de l’Union, celle qui la confronte aux promesses non tenues de l’ouverture et plus encore, à son irréalité.

    2) La folie verte qui sévit dans l’Union européenne détruit le mode de vie des Européens. La « RSE », qui impose aux entreprises au nom de l’environnement une idéologie importée des États-Unis, la taxonomie par laquelle l’Union européenne détruit les exploitations agricoles familiales comme les indépendants, le « Green Deal » qui condamne l’industrie européenne, sont des agressions majeures contre la vie de nos territoires. Plus rien n’échappe au verdissement forcé, des cuisines aux marchés de Noël et des parkings aux salles de bain ! Il est désolant de constater qu’à ce jour, sur des sujets qui font la vie, des communistes quand il en reste aux socialistes éteints, et des républicains aux Nationaux, nous n’entendons rien.

    Rien sur la dictature verte qui menace les libertés fondamentales, y compris le droit de propriété (mise sous condition de « coefficient énergétique » vertueux de la location et bientôt de la vente des maisons et appartements, qui équivaut à une expropriation forcée). Rien non plus pour la défense des modes de vie populaires. Aucun parti ne fait le lien d’évidence entre écologie et ordre naturel, écologie et proximité, écologie et organisation spontanée des sociétés humaines — s’il faut sauver les ours polaires, pourquoi ne pas sauver les derniers peuples de la jungle, de la toundra ou de la mer ? Et les bergers de la Maurienne, les éleveurs de l’Aubrac, et les artisans boulangers de partout ? Aucun parti ne dénonce l’escroquerie qui enferme les PME, les artisans, les indépendants dans un enfer de normes, de déclarations et de critères favorable à ces groupes multinationaux financeurs des ONG et Fondations qui rédigent les textes européens !

    Rien non plus sur l’exclusion des propriétaires de véhicules anciens des centres-ville, évidente discrimination sociale si confortable aux bourgeois en trottinette ! Que disent les partis contre un système d’aides agricoles européen qui, en Roumanie, est concentré à 90 % sur 1 % des exploitations au détriment de la petite propriété familiale ? Lequel propose de remettre l’écologie sur ses pieds, une écologie humaine, au service des communautés établies sur leur lieu de vie, adaptée à leur niche écologique, riches des biens communs fournis par la nature, la vie, le sacré ?

    3) Le pouvoir numérique enfin monte dans un silence assourdissant. Quelles influences, ou quels intérêts, anesthésient des chefs de parti si prompts à dénoncer les violences policières, ou la petite délinquance ? Le pillage des données par les Amazon, Google, etc., est tel qu’il faudra bientôt parler de l’enfer numérique. À l’inverse de tout ce que promettait l’agora d’Internet, ouverte à tout et à tous, le numérique est devenu le tombeau de la liberté d’expression, et signe l’arrêt de mort des libertés d’opinion, d’expression et de débat ; la révélation des « Twitter files » et de la désinformation massive orchestrée par Twitter contre Donald Trump et les républicains est accablante.

    Qu’une prétendue « gauche » condamne la levée de la censure qu’exerçait Twitter sur les opinions non conformes depuis son rachat par Elon Musk illustre jusqu’à la caricature l’étonnante conversion de ceux qui criaient ; « il est interdit d’interdire ! » et qui sont devenus les flics de la pensée et les fossoyeurs des libertés populaires — derrière tout socialiste, derrière tout militant de l’ultra-gauche, un policier et un juge se cachent. Dernier recours de ceux qui ont perdu le peuple, mais sont invités à Davos ! Le totalitarisme numérique que préparent pass vaccinal, monnaie numérique et identité numérique ouvre des abîmes devant nos démocraties. Il condamne les partis qui n’auront rien compris, rien anticipé, rien refusé.

    L’élection européenne se jouera sur la capacité des partis à répondre à de tels enjeux, et d’abord à les identifier, les exprimer et s’en saisir. La paix, la sécurité, les libertés… Qui peut représenter les citoyens des Nations d’Europe sans se prononcer sur les conditions de la paix, sur la défense des modes de vie d’Europe, sur la souveraineté des Nations et leur autonomie ? Dans les mois à venir, il faudra aux partis, aux groupes et aux candidats, beaucoup de lucidité pour éviter le piège de la confusion européenne, ne pas s’enferrer dans les débats abscons sur la place de la Commission, la révision des traités, le rôle du Conseil ou l’impérialisme européen. Les Localistes européens ! s’emploieront à le dire. C’est qu’il y a urgence. Et l’échec annoncé par certains de l’Union pourrait bien emporter, au-delà des européistes, ceux qui se seront laissés prendre au jeu de diversion, de confusion et d’enfumage devenu le fonds de commerce des institutions de Bruxelles. 

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 15 décembre 2022)

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  • L’Allemagne moderne, un cabinet de curiosités...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur Putsch (!...) et consacré à l'affaire du complot d'opérette démasqué par la police allemande...

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020). 

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    David Engels : « Le putsch des retraités – ou : L’Allemagne moderne, un cabinet de curiosités »

    Vue de l’étranger, l’Allemagne moderne fait de plus en plus penser à un cabinet de curiosités. Et ce n’est pas seulement la compassion pour les participants involontaires qui empêche l’observateur étranger de se doter d’un paquet de chips et de savourer le spectacle, mais aussi la peur sérieuse d’être entraîné de force sur la scène.

    De quoi s’agit-il ? Le 7 décembre 2022, un grand déploiement de 3000 policiers ont effectué plus de 150 perquisitions et deux douzaines d’arrestations. Dans le collimateur se trouvait un « groupe terroriste » qui aurait planifié le « renversement » de la République fédérale d’Allemagne et qui aurait voulu imposer un nouveau gouvernement. Il s’agissait de la plus grande opération spéciale de police dans l’histoire de l’Allemagne moderne, et la quasi-totalité de la presse allemande s’est montrée dûment choquée par cet horrible danger évité de justesse. Même la vénérable FAZ a écrit qu’il s’agissait d’un « coup d’État comme on en trouve dans les livres. Se basant sur des ‘associations patriotiques’, sur l’armée, sur le meurtre et la violence, couronné par un assaut sur le Bundestag, un nouvel ordre devait être établi en Allemagne. »

    Mais ce qui est censé ressembler à une scène de la vie de Napoléon III se révèle plutôt être une farce surréaliste quand on y regarde de plus près (du moins dans l’état actuel de nos connaissances). La plupart des personnes arrêtées ont largement dépassé l’âge de la retraite ; le prince « Henri XIII », prévu comme futur monarque de l’Allemagne, est un vieil aristocrate de 71 ans, manifestement légèrement dérangé et qui a tenté de « fuir » la police en utilisant son monte-escalier ; les « terroristes » demandaient conseil à deux voyants avant d’accepter de nouveaux conjurés ; et les préparatifs pour la « terreur » et le « coup d’État » consistaient (au total) en un peu plus de quelques milliers d’euros en espèces ainsi que des réserves de nourriture, une arme (probablement légale) et quelques pistolets de carnaval…

    En dépit de cette menace relativement circonscrite pour la survie de la démocratie allemande, le 7 décembre 2022, le parti social-démocrate allemand, actuellement au pouvoir, a tweeté de manière grandiloquente : « Notre démocratie reste défendue ! La plus grande opération antiterroriste de notre histoire a permis d’éviter un coup d’État. » Mais comment cette poignée de retraités mécontents aurait-elle réellement pu entreprendre de renverser la République fédérale d’Allemagne et de justifier ainsi l’intervention de 3000 policiers (alors que les « quartiers à problèmes » sont laissés à l’abandon par manque d’effectifs) ? Les 20 à 30 putschistes séniors allaient-ils se présenter au milieu de groupes de touristes espagnols et japonais devant le parlement, la chancellerie et les ministères clés pour déloger les forces de sécurité à l’aide de béquilles, de déambulateurs, de pistolets de carnaval et de boîtes de raviolis, « occuper » les installations labyrinthiques par un coup de main, puis « dissoudre » le gouvernement – avec un effectif maximal de deux seniors par ministère ? Difficile d’imaginer que tout cela ait jamais été autre chose qu’une fantaisie démesurée d’une poignée d’opposants du troisième âge, frustrés par le gouvernement…

    Évidemment, la surréalité de la situation ne doit pas faire oublier la possibilité réelle qu’un jour, l’un ou l’autre des putschistes pensionnés aurait pu, en effet, causer quelques dégâts matériels, voire même corporels, de sorte que l’élucidation de ce jeu de rôle biscornu est tout à fait bienvenue. Toutefois, l’histoire nous apprend qu’un véritable coup d’État se prépare un peu différemment… Et si nous voulons vraiment envoyer des centaines de policiers à la poursuite de tout groupe de retraités se livrant à des fantasmes politiques compensatoires sur le net, que faudrait-il faire alors des déclarations de bon nombre de groupes écolo-gauchistes proches du gouvernement, pour lesquels le terrorisme, la révolution, la dictature et l’expropriation ne font pas seulement partie de leur rhétorique quotidienne, mais sont inscrits ouvertement dans les programmes et même applaudis par les principaux médias – et ceci non seulement en Allemagne… ?

    Néanmoins, il y a derrière toute cette histoire rocambolesque plus qu’une simple hystérie collective. En effet, pensons à l’affirmation immédiate des politiques, des médias et de la société civile selon laquelle la « menace terroriste » qui venait d’être écartée de justesse prouverait que le plus grand danger pour la démocratie allemande viendrait de cette nébuleuse « droite » qui, selon la ministre de l’Intérieur Faeser, compterait déjà des sympathisants « bien au centre de la société ». Et il est déjà sérieusement question de changer la législation allemande afin de pouvoir limoger sans justification toute personne soupçonnée de convictions anti-démocratiques du service public : ce serait désormais à l’inculpé de prouver son innocence, non à l’employeur la culpabilité de ce dernier. Les extrémistes de droite, les anti-vaccins, les euro-sceptiques, les défenseurs de la vie, les intellectuels conservateurs, les catholiques traditionalistes, les aristocrates, les démocrates-chrétiens et même les libéraux – tous se trouvent désormais cuisinés à la même sauce afin de crédibiliser le spectre d’un renversement « fasciste » imminent de la République fédérale. Et bien évidemment, ce renversement ne pourra être évité que par (vous l’aurez deviné) une mise au pas idéologique écolo-gauchiste encore plus résolue de la République fédérale et une exclusion accrue de tous ceux qui ne font pas explicitement, dans leur profession, leur cercle d’amis, leur famille et leur vie politique publique, preuve de cette allégeance idéologique exigée encore et encore.

    Le fait que les « putschistes » auraient compris effectivement une ancienne députée du parti populiste conservateur AfD, ainsi que quelques policiers et officiers de l’armée fédérale à la retraite, tombe à pic. Même si, pour le moment, toute la situation reste fort confuse et qu’il n’est pas certain que tous les accusés fassent véritablement partie des « putschistes », le scandale renvoie néanmoins à la fonction que ce parti a désormais prise au sein du paysage politique allemand, et dans laquelle les médias, la politique et les services de protection de la Constitution l’ont littéralement poussé : il sert d’épouvantail officiel pour créer un bassin dans lequel on peut détourner tout courant d’opposition sans risquer qu’il ne devienne souterrain et donc dangereux, tandis que son discrédit massif garantit en même temps que le parti ne pourra jamais dépasser une certaine masse critique de soutien à l’échelle nationale.

    La « droite », c’est donc ainsi que s’appelle, et non seulement en Allemagne, cette nouvelle caste d’intouchables, et la gauche ne veut en aucun cas les bannir de la cité, mais plutôt les clouer au pilori de manière visible pour tous afin de resserrer ses propres rangs et de servir d’avertissement à ceux qui seraient encore politiquement indécis. Ainsi, la « répression » grandiloquente du putsch des retraités est un nouveau jalon, peut-être décisif, sur la voie de la consolidation institutionnelle de l’idéologie « woke » en Allemagne. Et l’on peut s’attendre à ce que l’événement soit exploité de la même manière que la « prise du Capitole » aux États-Unis : comme un état d’urgence médiatique permanent, maintenu artificiellement en vie, et qui peut être utilisé à tout moment pour discréditer des personnes, des partis ou des idées qui déplaisent, sans pour autant les interdire complètement – la soupape de sécurité idéale pour ne laisser échapper de la chaudière que la vapeur nécessaire pour rendre la pression supportable…

    David Engels (Putsch, 20 décembre 2022)

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