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Points de vue - Page 269

  • De la société du spectacle à la société du cirque...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Jean-Pierre Le Goff, cueilli sur le site du Figaro  et consacré aux pathologies de notre société...

    Jean-Pierre Le Goff est sociologue et a publié de nombreux essais, dont La gauche à l'épreuve 1968 - 2011 (Tempus, 2012) et La fin du village (Gallimard, 2012).

     

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    Clowns violents, McCarthy, télé-réalité : de la société du spectacle à la société du cirque

    FIGAROVOX: Comment expliquez-vous les agressions menées par des individus déguisés en clown? Ne sont-elles pas une manifestation de la dégradation de l'état des mœurs dans notre société?

    Jean-Pierre le Goff: Ces phénomènes s'enracinent dans une culture adolescente et post-adolescente qui se nourrit de séries américaines mettant en scène des clowns maléfiques, de vidéos où des individus déguisés en clown font semblant d'agresser des enfants, mais aussi des films d'horreur avec leurs zombies, leurs démons, leurs vampires, leurs fantômes… Le film «Annabelle», qui met en scène une poupée tueuse et un jeune couple attaqué par les membres d'une secte satanique, a dû être déprogrammé dans certaines salles suite au déchaînement d'adolescents surexcités... Dans le Pas de Calais, certains individus déguisés en clown ont brandi des tronçonneuses devant une école, en écho au film d'horreur à succès des années 1970, «Massacre à la tronçonneuse» qui sort à nouveau dans les salles. Face à ces phénomènes, la société et ses experts cherchent à se rassurer: il s'agit d'une catharsis nécessaire, une sorte de passage obligé pour les adolescents qui se libèrent ainsi de leur angoisse, satisfont un désir de transgression propre à leur âge. Si ces aspects existent bien, nombre d'agressions auxquelles on assiste débordent ce cadre et l'on ne saurait en rester à une fausse évidence répétée à satiété: ces phénomènes ont toujours existé.

    Face aux «clowns agresseurs», une partie de la société est déconcertée et hésite sur le type de réponse à donner: où met-on la limite? Ne risque-t-on pas de faire preuve d'intolérance vis-à-vis de la jeunesse? Mais, à vrai dire, le sujet paraît plus délicat: comment remettre en cause une culture adolescente faite de dérision et de provocation qui, depuis des années, s'affiche dans les médias et s'est érigée en une sorte de nouveau modèle de comportement? Le jeunisme et sa cohorte d'adultes qui ont de plus en plus de mal à assumer leur âge et leur position d'autorité vis-à-vis des jeunes, pèsent de tout leur poids. Le gauchisme culturel et ses journalistes bien pensants sont là pour dénier la réalité et développer la mauvaise conscience: «Attention à ne pas retourner à un ordre moral dépassé, à ne pas être ou devenir des conservateurs ou des réactionnaires…» Ces pressions n'empêchent pas une majorité de citoyens de considérer que nous avons affaire à quelque chose de nouveau et d'inquiétant qu'ils relient au développement des incivilités et des passages à l'acte.

    Le phénomène des «clowns agresseurs» tend à effacer les frontières entre la farce et l'agression, ce qui permet à des voyous et des voleurs de brouiller leurs forfaits. On est loin des blagues de potaches d'antan, des émissions de télévision comme «La caméra invisible» ou «Surprise surprise» auxquelles ont succédé des «caméras cachées» menées par des animateurs ou de nouveaux «comiques» qui, protégés par leur statut d'intouchable télévisuel, provoquent méchamment leurs victimes jusqu'à la limite de l'exaspération. Filmer des agressions ou des méfaits sur son portable est une pratique qui s'est répandue chez les adolescents. La transgression s'est banalisée dans le monde spectaculaire des médias et des réseaux sociaux. Elle ne se vit plus comme une transgression - qui implique précisément la conscience de la norme, des risques et du prix à payer pour l'individu ; elle est devenue un jeu, une manière d'être et de se distinguer, dans une recherche éperdue de visibilité, comme pour mieux se sentir exister.

    Les agressions d'individus déguisés en clown renvoient à une déstructuration anthropologique et sociale de catégories d'adolescents et d'adultes désocialisés, psychiquement fragiles, nourris d'une sous-culture audiovisuelle et de jeux vidéos, en situation d'errance dans les réseaux sociaux, pour qui les frontières entre l'imaginaire, les fantasmes et la réalité tendent à s'estomper. Une telle situation amène à s'interroger sur les conditions psychologiques, sociales et culturelles qui ont rendu possible une telle situation. Dans cette optique, les bouleversements familiaux et éducatifs qui se sont opérés depuis près d'un demi-siècle ont joué un rôle important. Il en va de même du nouveau statut de l'adolescence qui déborde cette période transitoire de la vie pour devenir, sous le double effet du jeunisme et du non-travail, un mode de vie et de comportement qui s'est répandu sans la société . Il est temps d'en prendre conscience, d'assumer l'autorité et d'expliciter clairement les limites et les interdits, si l'on ne veut pas voir se perpétuer des générations d'individus égocentrés, immatures et fragiles, avec leur lot de pathologies et des faits divers en série.

     

    Quel est le rôle joué notamment par les nouveaux instruments de communications? Internet et les grands médias audiovisuels alimentent-ils ce show perpétuel?

    Elles font écho à un individualisme autocentré et en même temps assoiffé de visibilité, mais elles ne le créent pas. Ce type d'individu a constamment besoin de vivre sous le regard des autres pour se sentir exister. Internet et les nouveaux moyens de communication lui offrent des moyens inédits pour ce faire, avec l'illusion que chacun peut désormais accéder à quelques instants de gloire. Ces derniers sont rapidement oubliés dans le flux continu de la communication et des images, mais ils sont recherchés à nouveau dans une course sans fin où l'individu vit à la surface de lui-même et peut finir par perdre le sens du réel et l'estime de soi, pour autant que ces notions aient encore une signification pour les plus «accros». Ces usages n'épuisent pas évidemment les rapports des individus à Internet et aux médias qui demeurent des outils de communication et d'information - sur ce point l'éducation première, l'environnement familial, social et culturel jouent un rôle clé -, mais ils n'en constituent pas moins leur versant pathologique. L'égocentrisme et le voyeurisme se mêlent au militantisme branché quand les Femen montrent leur seins, quand on manifeste dans la rue dans le plus simple accoutrement, quand on se met à nu pour de multiples raisons: pour défendre l'école, l'écologie, les causes caritatives…, ou plus simplement, quand des pompiers ou des commerçants font la même chose pour promouvoir la vente de leur calendrier, en cherchant à avoir le plus d'écho sur Internet et dans les médias.

    Sans en arriver là, on pourrait penser que le nombre des «m'as-tu vu» qui «font l'important» s'est accru - ceux qui veulent à tout prix «en être» en s'identifiant tant bien que mal aux «people» de la télévision, ceux qui se mettent à parler la nouvelle langue de bois du «politiquement correct» de certains médias, ceux qui ne veulent pas ou ne tiennent pas à s'opposer aux journalistes militants, ou au contraire ceux qui dénoncent le système médiatique tout en étant fasciné par lui et en y participant… Ceux-là sont nombreux sur les «réseaux sociaux» où ils peuvent s'exposer et «se lâcher» sans grande retenue en se croyant, suprême ruse de la «société du spectacle», d'authentiques rebelles et de vrais anticonformistes. On ne saurait pour autant confondre cette exposition «communicationnelle» et médiatique avec la réalité des rapports sociaux et la vie de la majorité de nos compatriotes qui ont d'autres soucis en tête, qui se trouvent confrontés à l'épreuve du réel dans leur travail et leurs activités. En ce sens, les grands médias audio-visuels, Internet et les nouveaux moyens de communication ont un aspect de «miroir aux alouettes» et de prisme déformant de l'état réel de la société.

     

    Existe-t-il encore des frontières entre spectacle et politique? N'est-on pas amené à en douter quand une émission de télévision met en scène des politiques déguisés pour mieux vivre et connaître la réalité quotidienne des Français?

    Cette émission n'a pas encore été diffusée mais elle a déjà produit ses effets d'annonce… J'avoue que j'ai eu du mal à croire à ce nouvel «événement» médiatique: comment des politiques, dont certains ont occupé de hautes fonctions comme celles de Président de l'Assemblée nationale, ou de ministre de l'Intérieur et de la Défense, ont-ils pu accepter de se prêter à un tel spectacle télévisuel au moment même où le désespoir social gagne du terrain et où le Front national ne cesse de dénoncer la classe politique? Peuvent-ils croire sérieusement qu'une telle émission va contribuer à les rapprocher des Français et à mieux connaître la réalité? Quelle idée se font-ils de leur mission? J'entends déjà les commentaires qui diront que cela ne peut pas faire de mal, que cela peut aider à mieux comprendre les problèmes des français, qu'il faut s'adapter à la «modernité» et tenir compte de l'importance des médias, qu'on ne peut pas aller contre son temps…

    C'est toujours la même logique de justification, celle de la «bonne intention» ou de la fin noble qui justifie les moyens qui le sont moins, agrémentée d'une adaptation de bon ton à la modernité, sauf que le moyen en question est une formidable machinerie du spectaculaire et que prétendre de la sorte comprendre les préoccupations des citoyens ordinaires est un aveu et une confirmation des plus flagrantes de la coupure existante entre le peuple et une partie de la classe politique. En fonction des informations dont je dispose sur cette nouvelle affaire médiatique, il y a fort à parier qu'elle va donner encore du grain à moudre au Front national et qu'elle risque de creuser un peu plus le divorce avec les Français qui, même s'ils sont nombreux à regarder cette émission, ne confondent pas pour autant le spectacle télévisuel avec la réalité.

    Je ne suis pas un puriste dans l'usage des médias, mais il y a un seuil à ne pas dépasser, sous peine de verser dans le pathétique et l'insignifiance. Je ne peux m'empêcher de considérer cette nouvelle affaire médiatique comme déshonorante pour la représentation nationale et la fonction politique. C'est un pas de plus, et non des moindres, dans un processus de désinstitutionnalisation et de dévalorisation de la représentation politique auquel les hommes politiques ont participé en voulant donner à tout prix une image d'eux-mêmes qui soit celle de tout un chacun . J'espère qu'au sein du monde politique, des personnalités se feront entendre pour désavouer de telles expériences télévisuelles au nom d'une certaine idée de la dignité du politique.

     

    Existe-t-il encore des frontières entre spectacle et politique, entre dérision et sérieux, entre le réel et le virtuel?

    Oui, fort heureusement, pour la majorité de la population. Mais j'ajouterai que ces frontières sont plus ou moins nettes selon les situations et les activités particulières des individus. Au sein du milieu de l'audiovisuel comme dans certains milieux de la finance, il existe une tendance à se considérer comme les nouveaux maîtres du monde en n'hésitant pas à donner des leçons sur tout et n'importe quoi. L'humilité est sans doute une vertu devenue rare dans les univers de l'image, de la communication et de la finance qui ont acquis une importance démesurée. En l'affaire, tout dépend de l'éthique personnelle et de la déontologie professionnelle de chacun. Mais il n'est pas moins significatif que l'animateur, le journaliste intervieweur, à la fois rebelle, décontracté et redresseur de tort, soit devenu une figure centrale du présent, une sorte de nouveau héros des temps modernes qui s'affiche comme tel dans de grands encarts publicitaires dans les journaux, à la télévision ou sur les panneaux d'affichage.

    Le rôle de «médiateur» à tendance à s'effacer derrière le culte de l'ego. Le fossé est là aussi manifeste avec la majorité de la population. Comme le montre de nombreux sondages, les Français font de moins confiance aux médias et les journalistes ont tendance à être considérés comme des gens à qui on ne peut pas faire confiance, quand ils ne sont pas accusés de mensonges et de manipulation. Quant aux traders qui se considéraient omnipotents, ils ont connu quelques déboires. Jérôme Kerviel, après avoir été considéré comme l'exemple type de l'«ennemi» qu'était supposé être la finance, a été promu victime et héros de l'anticapitalisme par Jean-Luc Mélenchon. Tout peut-être dit et son contraire, on peut vite passer de la gloire à la déchéance au royaume de la communication et des médias.

    La fracture n'est pas seulement sociale, elle est aussi culturelle. Cette fracture se retrouve avec ceux que j'appelle les «cultureux» qui ont tendance à confondre la création artistique avec l'expression débridée de leur subjectivité. Un des paradigmes de l'art contemporain consiste à ériger l'acte provocateur au statut d'œuvre, devant lequel chacun est sommé de s'extasier sous peine d'être soupçonné d'être un réactionnaire qui souhaite le «retour d'une définition officielle de l'art dégénéré», comme l'a déclaré la ministre de la culture, à propos du «plug anal» gonflable de Paul McCarthy, délicatement posé sur la colonne Vendôme avant d'être dégonflé par un opposant. Tout cela n'a guère d'emprise sur la grande masse des citoyens, mais n'entretient pas moins un monde à part, survalorisé par les grands medias audiovisuels et les animateurs des réseaux sociaux, en complet décalage avec le «sens commun». Les citoyens ordinaires attendent des réponses crédibles et concrètes à leurs préoccupations qui ont trait à l'emploi, au pouvoir d'achat, à l'éducation des jeunes, à l'immigration, à la sécurité…

    Les politiques férus de modernisme à tout prix, comme nombre d'intellectuels et de journalistes, ont-ils la volonté de rompre clairement avec ce règne de l'insignifiance, des jeux de rôle et des faux semblants, pour redonner le goût du politique et de l'affrontement avec les défis du présent? En tout cas, le pays est en attente d'une parole forte et de projets clairs qui rompent avec cette période délétère et permettent de renouer le fil de notre histoire, pour retrouver la confiance en nous-mêmes au sein de l'Union européenne et dans le monde.

    Jean-Pierre Le Goff (Figarovox, 1er novembre 2014)

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  • Croissance démographique : une menace mondiale ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur le site Europe solidaire et consacré à la menace de la croissance démographique mondiale, et tout particulièrement africaine...

     

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    Croissance démographique. Menace mondiale

     

    Il est généralement considéré qu'à conditions de ressources inchangées, la planète, qui peine désormais à nourrir 7,2 milliards d'habitants, sera incapable de faire face à d'importantes augmentations d'effectifs sur la durée du siècle. Mais que sont les augmentations prévues?

     

     Ces dernières années, les démographes s'étaient accordés sur le fait que partout diminuaient les taux de natalité, du fait de l'augmentation des niveaux de vie et surtout d'une meilleure éducation et émancipation des femmes dans les pays pauvres à forte natalité. On pensait que la population mondiale pourrait se stabiliser autour de 8 à 9 milliards de personnes à la fin de ce siècle. Nourrir ces effectifs devait pouvoir être possible, compte tenu de différents progrès techniques à espérer, tant dans le domaine agricole que dans l'utilisation d'aliments de synthèse.

     

    Or une équipe de l'ONU dirigée par le démographe Patrick Gerland et le statisticien Adrian Raftery oblige à réviser ces chiffres en forte hausse. Selon un article publié dans la revue Science, il devrait y avoir sur terre 9,3 milliards d'êtres humains en 2050, et entre 10 et 15 milliards, selon les variations du taux de fertilité, en 2100. Cette étude aggrave encore les prévisions du rapport de l'ONU dit « Perspectives démographiques mondiales, révision de 2012 »

     

    En dehors des données globales et des nouvelles modalités de calcul utilisées pour les obtenir, l'étude présente des répartitions de croissance par grandes régions du monde qui retiennent l'attention. Ce sera l'Afrique qui assurera plus de la moitié de la croissance de la population mondiale, passant de 1,1 milliard d'habitants à 2,4 milliards en 2050 et 4,2 milliards en 2100. Avant 2050, les Nigérians devraient être plus nombreux que les Américains et se retrouver au niveau de la Chine à la fin du siècle. Plusieurs pays, surtout africains, devraient passer la barre des 200 millions d'habitants avant 2100 dont le Pakistan, la Tanzanie, la République démocratique du Congo, l'Ethiopie, l'Ouganda et le Niger.

     

    La population dans le reste du monde ne devrait augmenter que de 10 % entre 2013 et 2100 tandis que l'Europe verra sa population baisser de 14 %. Le chiffre de population à prévoir en Russie est actuellement en discussion. Mais s'il augmente, ce ne sera que très faiblement.

     

    Conclusions possibles. Le cas de l'Afrique

     

    La presse mondiale a donné une certaine publicité à ces prévisions, mais laisse chacun en tirer les conclusions qu'il jugera bon. Pour notre part, afin de ne pas traiter à nouveau la question de l'adéquation des ressources aux besoins des populations, déjà abordée par nous dans des articles précédents, nous voudrions nous limiter à évoquer très rapidement les conséquences des nouvelles données démographiques proposées par l'étude, si elles se confirment.

     

    Un écart croissant se développera d'ici la fin du siècle entre le peuplement du continent africain et ceux, non seulement de l'Europe, en augmentation très lente, mais de l'Inde et la Chine, pourtant considérées déjà, par leurs gouvernements comme non loin des maximums supportables. Par ailleurs, l'Afrique verra sa population se rajeunir de plus en plus, du fait d'une natalité ne manifestant aucun signe de devoir se réduire prochainement

     

    Ce point capital concernant les différences entre l'Afrique (Afrique sub-saharienne) et le reste du monde est fort peu évoqué, sans doute par peur d'encourager en Europe un rejet de l'Afrique, déjà non négligeable dans certains milieux ou pays. Le développement actuel d'une épidémie comme Ebola ayant trouvé sa source en Afrique ne fera que renforcer ce rejet. Il convient cependant de se poser plusieurs questions concernant l'avenir de l'Afrique et, par répercussion l'avenir du monde.

     

    Dans un continent où les » aménagements », d'origine interne ou importés par les grands pays extérieurs mettent de plus en plus en danger les écosystèmes, provoquant rapidement leurs disparition, que restera-t-il en Afrique de capacités agricoles? Par ailleurs faute d'aides extérieures, l'accroissement de la population se traduira inévitablement par le multiplication des mégalopoles de plus en plus insalubres faute d'équipements.

     

    Comment dans ces conditions, les tentations déjà très fortes poussant les populations à fuir leur sort ailleurs, notamment en Europe, la plus proche, ne vont-elles pas générer des émigrations dites de la misère, de plus en plus violentes – suscitant en retour des exclusions elles-mêmes de plus en plus violentes? Comment enfin réagiront les gouvernements africains face à ces mouvements? Tenteront-ils de les freiner ou au contraire les encourageront-ils, dans un objectif de puissance, parfois sur fondement religieux?

     

    Un certain nombre de futurologues optimistes, principalement aux Etats-Unis, prévoient l'apparition dans les prochaines décennies de diverses sciences et technologies susceptibles de résoudre tous les problèmes matériels (le phénomène dit de la Singularité). Mais d'autres bien plus pessimistes pensent que les investissements mondiaux majeurs qui seraient nécessaires pour financer les recherches nécessaires ne seront pas faits. Ceci délibérément, par les quelques 5% de la population mondiale qui continueront dans les décennies prochaines à détenir 95% des richesses mondiales. Ces « élites » feront tout au contraire, y compris la guerre, pour maintenir leur domination sur le monde. L'Afrique sera la première victime de cet égoïsme.

     

    Mais dira-t-on, l'Afrique ne pourra-t-elle pas de son propre chef réduire suffisamment rapidement sa natalité pour atteindre un équilibre global entre les morts et les naissances, qualifié par les démographes de transition démographique ? Nous laisserons à chacun de nos lecteurs le soin de réfléchir à la forme que pourrait prendre une telle révolution.

    Jean-Paul Baquiast ( Europe solidaire, 31 octobre 2014)

    Référence

    * Gerland, Raftery et al: World population stabilization unlikely this century http://www.sciencemag.org/content/346/6206/234.short

    * ONU Perspectives démographiques mondiales, révision de 2012 http://esa.un.org/wpp/

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  • Le peuple n'était pas à Saint-Sulpice...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 27 octobre 2014 et consacrée aux obsèques du patron de Total, Christophe de Margerie...

     


    Christophe de Margerie : "Le peuple n'était pas... par rtl-fr

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  • Vide du politique et politique du vide...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Gérard Dussouy, cueilli sur Metamag et consacré au retour du politique en Europe après une longue période de vide.

    Ancien professeur de géopolitique de l'université de Bordeaux, Gérad Dussouy est l'auteur d'un essai intitulé Fonder un état européen (Tatamis, 2013).

     

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    Vide du politique/Politique du vide/Révolution

    La société du vide que dépeignait Yves Barel, en 1984, est bien là.  Elle est consécutive au triomphe de la consommation, à la prévalence de l’activité marchande et financière sur toutes les autres formes d’activités humaines. Corrélativement, elle a vidé le politique de sa substance. Cette mutation globale n’est ni un fait du hasard, ni une nécessité historique.  Mais, elle est  le résultat d’une stratégie de longue haleine inspirée par l’interprétation véhémente de la philosophie libérale (celle que redoutait et condamnait David Hume), et, plus précisément, par une extrapolation du « paradigme smithien » qui convient si bien au monde des affaires, lequel sait l’instrumentaliser avec le plus grand  cynisme.
      En effet, il a été emprunté à Adam Smith deux idées qui fondent et légitiment l’argumentaire des hommes politiques occidentaux contemporains. Au-delà de leurs nuances partisanes, qu’elles soient de droite ou de gauche. La première, la plus connue, est que la généralisation de l’économie de marché et de l’échange, qui satisfait à la recherche du gain individuel, est la meilleure façon de développer « la richesse des nations ». La seconde est qu’il existe chez l’homme « un plaisir de sympathie réciproque » (in Théorie des sentiments moraux) tel que l’élévation du produit global, accouplée à l’expansion de la communication universelle, doit lui permettre de sortir de l’animosité latente de la sociabilité politique. L’homme mondialisé, sans appartenance identifiée, dépolitisé, sans préférences nationales ou culturelles, est ainsi devenu, en dépit de toutes les réalités qui en contredisent l’existence, l’icône de la pensée occidentale moderne. Au point que l’on voudrait enlever aux Européens leur droit à conserver leurs différences, et interdire qu’ils s’opposent, dès lors et à ce titre, au fait d’être remplacés sur leurs propres terres par des populations venues d’ailleurs. 

    L’éviction du politique en Occident
    La fin du politique a été stratégiquement réfléchie au lendemain de la Grande guerre, dont il faut dire, mais la seconde guerre mondiale aussi, combien elle a illustré les effets néfastes et catastrophiques de la part d’irrationnel qui peut habiter l’animal politique qu’est l’homme. Plutôt que dans l’internationalisme du président américain Wilson, c’est dans la conception d’un monde unifié (One World) qui occupe l’esprit de Franklin D. Roosevelt, laquelle lui est inspirée par son conseiller le géographe américain Isahïa Bowman, qu’il faut situer cette réflexion. Ce dernier cultivait l’idée d’un fédéralisme mondial, réalisable le jour où les Etats-Unis parviendraient à débarrasser le monde de ce qu’il jugeait être « la force la plus rétrograde du Vingtième siècle », à savoir l’Etat-nation. Dans les faits, il aura fallu attendre la fin de la Guerre froide, et que les Etats-Unis aient vaincu le communisme après avoir écrasé le nazisme, pour que l’économicisation des sociétés et des relations internationales devienne effective. Le nouvel ordre mondial, qui s’est esquissé à la fin du Vingtième siècle, n’est pourtant pas celui attendu par Washington. Il est demeuré, ou redevenu, un  « concert de puissances », nouveau par sa configuration géographique et parce qu’il a, maintenant, un chef d’orchestre asiatique qui, lui, n’a pas perdu le sens du politique. C’est donc en Europe que l’éviction de celui-ci est le plus net. A tel point que la bonne gouvernance (ou le « bon gouvernement ») consiste principalement à aligner, à coup d’ajustements vers le bas, les économies nationales sur les critères du marché mondial ; et d’abord, sur celui du travail. Il est symptomatique que ce que l’on tient pour être la « réussite » de l’Allemagne consiste à ce qu’elle y parvienne mieux que ses partenaires. Bien qu’elle soit plus fragile qu’il n’y paraît, et qu’elle doive tout à la bonne spécialisation internationale industrielle de la RFA (qui pourrait pâtir bientôt d’une insuffisance de ses investissements). Et sans qu’il s’agisse en contrepoint, car ce serait trop facile, d’exonérer les gouvernements français successifs de leurs propres gestions calamiteuses, cette « réussite » révèle une résignation consécutive à une impuissance du politique.

    Cette impuissance est celle des Etats européens face à un environnement international dont ils sont incapables de mettre en cause les règles. Elle découle, à la fois, de leur dépassement structurel dans une mondialisation qu’ils ont voulue, et de l’adhésion obstinée de leurs élites au « paradigme smithien ». 

    La  politique du vide
    Le vide du politique est, dès lors, comblé, au niveau des partis de gouvernement, par une logorrhée convenue qui s’efforce d’expliquer qu’il n’existe pas d’alternative à l’inclusion dans un système mondial de plus en plus contraignant et régressif.  Qu’il faut donc accepter la fin du modèle social européen (gravement menacé, de toutes les façons, par l’état de la démographie des pays concernés), pour un autre plus inégalitaire et qui fait cohabiter, tant bien que mal, une élite compradore avec différentes catégories de nationaux. Parmi ceux-ci, les plus aisés ont à charge d’assister ceux qui le sont moins, ainsi d’ailleurs  que tous les nouveaux venus sur le sol européen. Les partis politiques sont aidés dans cette tâche par une pléthore de journalistes et d’informateurs dont la « fausse conscience » est remarquable (falsches bewusstein, dixit Franz Mehring). Elle consiste dans le fait que toutes ces personnes ne se rendent pas compte (ou ne veulent pas savoir) qu’elles sont là où elles sont, et rémunérées en conséquence, pour tenir le discours qu’elles tiennent. Alors qu’elles se croient porteuses d’objectivité, elles ne font que participer à un travail de persuasion.  La politique du vide conduit ainsi à vivre sur des acquis, à essayer de les faire durer le plus longtemps possible, tout en sachant qu’ils sont incompatibles avec la logique du système mondial en marche. En son sein, les rapports sont devenus trop inégaux et trop pénalisants pour n’importe lequel des Etats européens, pour qu’il en soit autrement.  La conscience de la chose éveille certains, mais la décadence est une période  confortable, au moins tant qu’il y a du patrimoine à liquider ou de l’épargne à épuiser (les Français en disposeraient, tous ensemble, de quelques 10 000 milliards d’euros). Cette résignation est, sans doute, ce qu’il y a de plus préoccupant dans la situation présente de l’Europe. Car, loin des théories sur la manipulation des foules, ou loin aussi de l’on ne sait quel complot mondial, il faut admettre que la situation est ce qu’elle est car elle satisfait, encore, à la quiétude de populations qui n’entendent pas se remettre en cause, ni du point de vue matériel, ni du point de vue symbolique (celui de leur idéologie et de leurs croyances), ni encore du point de vue comportemental. Par exemple, le problème de l’immigration, qui prend des proportions considérables, est avant tout celui de la démographie européenne, de la dénatalité et du vieillissement. Il est symptomatique d’une dégradation sociétale ancienne et d’essence individuelle. Et, malgré les déséquilibres démographiques internationaux, il va de soi qu’il se poserait avec moins d’acuité si les populations européennes étaient jeunes et dynamiques.    La politique du vide est donc sans perspective politique et sans vision stratégique globale. Elle se résume à une gestion économique «  au fil de l’eau » ; ou, pour être plus académique, à une « politique au fil de la croissance ».Cependant, l’économie ne règle pas tout, surtout que la croissance s’étiole. Et ce n’est pas demain qu’elle va retrouver des taux enchanteurs. Il ne peut pas y avoir en Europe de reprise forte et durable. Cela pour deux raisons : (1) la faiblesse structurelle de la demande interne (en termes de consommation comme  d’investissement) à cause du vieillissement de la population et de la saturation des marchés (que l’on essaie de surmonter à coups de gadgetisation des produits) ; (2) le recul de  la demande extérieure à cause des transferts de technologie et de la montée en gammes des productions des économies émergentes. L’impasse économique qui se dessine est d’autant plus à redouter que l’on sent bien que la mondialisation est au bord de l’implosion (il ne s’agit de quelques années) par suite au déferlement migratoire qui s’annonce, aux pandémies qui se développent, aux vertiges  politiques et culturels (ou religieux) induits par la nouvelle donne de la puissance. 

    Le  retour du politique : du chaos à la révolution européenne
    S’il doit avoir lieu, et tout ce que l’on a appris de l’Histoire le donne à penser, le retour du politique en Europe se fera à l’occasion du chaos (pour l’éviter, pour le surmonter ou parce que celui-ci l’aura rendu inéluctable), pris ici dans le sens d’une « destruction créatrice » (Schumpeter). Le retour se fera nécessairement sous des formes politiques nouvelles, à l’occasion d’une révolution européenne, au sens propre (celui du changement et de l’innovation), parce qu’on ne peut pas affronter des défis de dimension globale avec des instruments du passé. C’est ce qui, entre parenthèses, rend la démarche intellectuelle du Front National obsolète et dérisoire, son programme inadapté au réel et même contreproductif, et sa pratique partisane si incertaine, notamment quant à ses alliances. Et,  parce qu’en plus d’innover, il faut voir grand et loin devant, la restauration du politique sera le fait de jeunes Européens menacés de devenir minoritaires dans leurs propres patries. Pour cette bonne raison, mais aussi parce qu’ils ont appris à se connaître (c’est le bon côté de la « génération Erasmus ») et à transcender leurs nationalités, ils  auront compris que leur cadre d’action est continental. 
    Renouer avec la primauté du politique, c'est donner la priorité aux intérêts matériels et symboliques des Européens contre ceux du marché ou encore ceux de la pseudo-société mondiale ; c’est se débarrasser, en même temps, des inhibitions idéologiques et des prescriptions de la pensée dominante. Cela devrait être permis par le chaos parce que, comme l’enseigne l’épistémologie pragmatiste, quand le contexte change, les valeurs changent aussi, comme les faits.  On est donc en droit de croire, ou d’espérer, que le chaos va enclencher une révolution cognitive, soit amener une autre façon de percevoir le monde et de penser le réel qui va remplacer le « paradigme smithien », épuisé. L’opportunité intellectuelle et cognitive créée par le chaos n’aura néanmoins de traduction politique possible que si les Européens ne se trompent pas sur la direction à suivre, en regardant en arrière et en voulant restaurer des institutions périmées, et si, en conséquence, ils savent se donner les moyens pour agir. L’instrument politique qu’ils doivent forger, et ils n’ont pas d’autre choix, parce que tout le reste n’est qu’illusion mondialisante ou, au contraire, aveuglement passéiste, est l’Etat européen révolutionnaire. Il est le seul moyen, pour les jeunes générations européennes, de mener à bien « les travaux d’Hercule » qui les attendent (remigration, restauration et autonomisation de l’économie européenne, relance de l’innovation technologique, etc.), pour se sauver.
    La meilleure manière de se préparer mentalement à vivre cette mutation historique et à la conduire à bon terme serait de préfigurer l’instrument étatique dans un parti européen révolutionnaire. Ce serait là, le cadre transnational idoine pour expérimenter le vivre-ensemble-européen et pour préparer communautairement des solutions communes aux immenses difficultés qui se précisent.  Faute de ce retour du politique à la dimension du continent, il y a tout lieu de craindre que le chaos ne se prolonge, et cela sans la moindre contrepartie créatrice, en entraînant le délitement de la civilisation européenne. Surtout si, par malheur, la fragmentation nationaliste venait ajouter ses effets délétères aux contraintes du monde extérieur à l’Europe.

    Gérard Dussouy (Metamag, 23 octobre 2014)

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  • Le "plug anal" de McCarthy place Vendôme : un accident industriel ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un excellent point de vue d'Eric Conan, cueilli sur le site de Marianne et consacré aux réactions à l'affaire du plug géant de la place Vendôme. Dans ce domaine également, le système commence à se fissurer...

     

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    Deux réalisations de Paul Mccarthy...

     

    Le "plug anal" de McCarthy place Vendôme : un accident industriel ?

    Que se passe-t-il ? Si le sabotage du « plug anal » géant de Paul MacCarthy - lui-même géant de la création contemporaine - érigé place Vendôme pour l’ouverture de la Foire internationale d’art contemporain (Fiac) a produit l’habituel concert de basse-cour des coucous suisses piaillant par réflexe « Réacs ! Réacs ! Réacs ! », de grandes voix ont significativement divergé. A commencer par celle de l’un des commissaires politiques les plus écoutés du marché de l’art contemporain, le critique Philippe Dagen. Cette fois-ci, au lieu de hurler avec les idiots utiles de l’avant-gardisme chic et de la provocation toc, il a condamné dans sa chronique du Monde une opération relevant selon lui du « vulgaire » et de la « trivialité » : « Il y a mieux à faire que gonfler un phallus couleur sapin dans les beaux quartiers de Paris ».

    La surprenante mise en garde de Philippe Dagen est en fait un signal d’alarme lancé à un monde dont lui-même fait partie : la bulle spéculative de l’art contemporain qui s’emballe depuis quelques années. Il prévient qu’elle pourrait exploser et le pot aux roses être découvert à cause d’erreurs comme celle qui a fait « pschitt ! » place Vendôme. Les komsomols à front bas de l’art contemporain se réjouissent du scandale McCarthy - selon eux une réussite totale : l’artiste est un héros d’avoir été agressé physiquement par un dangereux crétin et sa baudruche est grandie d’avoir été dégonflée. Mais Philippe Dagen, lui, a compris autre chose. Et il sermonne le Comité Vendôme (qui réunit les enseignes de luxe de la célèbre place), les organisateurs de la Fiac et la Mairie de Paris pour avoir mis en scène cet « enculoir » (selon la traduction de Delfeil de Ton dans L’Obs) rebaptisé « Tree » pour les petits enfants et les grands journalistes faux-culs. Attention, leur fait comprendre la vigie culturelle du Monde, le choix de ce spécialiste des « provocations pornographiques et scatologiques » risque de mettre à nu les ressorts du système économique de l’art contemporain : une coterie de riches, de critiques et de fonctionnaires de la Culture s’accaparant l’espace public pour décréter « œuvres » des signes qui servent de plus en plus la rente financière et sa défiscalisation massive. Un secteur en plein essor.

    L’art dit contemporain suscite en effet aujourd’hui plus de commentaires dans les pages « Finances » et « Argent » des journaux que dans la rubrique « Culture ». Le Monde Eco Entreprise nous apprend que « 76% des collectionneurs l’achètent pour faire un investissement » : pour les très riches à la recherche de bons placements, « l’art est aujourd’hui le plus porteur. Selon Artprice, son indice a augmenté depuis 2012 de 12 % quand celui de l’or baissait de 49 % et les prix immobiliers de 3 % ». Ce marché, qui a augmenté de 40 % en un an et de 1 000 % sur dix ans, vient d’être rassuré par le gouvernement anti-passéiste de Manuel Valls qui assomme les retraités et les familles mais a maintenu pour les riches l’exonération des œuvres d’art de l’impôt sur la fortune.

    « L'art des traders »

    L’un des artistes les plus côtés, Jeff Koons (les homards gonflables…), lui même un ancien financier, est représentatif de cet « art des traders » analysé par Jean Clair, historien de l’art et ancien directeur du Musée Picasso : « Est arrivée la crise de 2008. Subprimes, titrisations, pyramides de Ponzi : on prit conscience que des objets sans valeur étaient susceptibles non seulement d’être proposées à la vente, mais encore comme objets de négoce, propres à la circulation et à la spéculation financière la plus extravagante ». Le développement de cette bulle spéculative confirme les pronostics faits bien avant la crise par Jean Baudrillard, critique regretté des simulacres de la société de consommation. Il avait décrit la capacité de cet autre marché à « faire valoir la nullité comme valeur » : « Sous le prétexte qu'il n'est pas possible que ce soit aussi nul, et que ça doit cacher quelque chose », l’art contemporain « spécule sur la culpabilité de ceux qui n'y comprennent rien, ou qui n'ont pas compris qu'il n'y avait rien à comprendre. Autrement dit, l'art est entré (non seulement du point de vue financier du marché de l'art, mais dans la gestion même des valeurs esthétiques) dans le processus général de délit d'initié ».

    Délit d’initiés, car, comme les subprimes et la titrisation, cette valorisation financière de la nullité repose sur une division du travail tacite entre collectionneurs privés, fondations (qui défiscalisent à hauteur de 60 %), musées d’Etat et journalistes afin de décider dans le dos du public des valeurs à la hausse. Dans ce système, l’artiste est en fait plus créé qu’il ne crée. « Les commissaires se sont substitués aux artistes pour définir l’art », résume Yves Michaud, philosophe et ancien directeur de l’Ecole des Beaux-Arts. L’important n’est pas l’artiste mais ce processus associant collectionneurs, fonctionnaires et critiques qui le désignent. Dans un milieu de plus en plus fluide : les collectionneurs pénètrent les conseils des musées publics, les « artocrates » passent du ministère de la Culture, aux musées et aux fondations, les grands collectionneurs prescrivent le marché tandis qu’à coup d’expositions et d’achats, les fonctionnaires d’un Etat culturel de plus en plus co-financé par le mécénat privé orientent l’argent des contribuables pour valider auprès du public la cote des artistes sélectionnés. C’est l’un de ces petits marquis de la rue de Valois qui avait dit il y a quelques années au peintre Gérard Garouste qu’il n’aimait pas sa peinture « qui ne représentait en rien l’art français ».

    Imposture en bande organisée

    Comme toute les impostures en bande organisée, cet art d’initiés additionne les risques. D’abord ceux que représentent les grands enfants que sont ces nouveaux artistes. Ils peuvent vendre la mèche comme l’avait fait un jour Jeff Koons : « Mon œuvre n’a aucune valeur esthétique… Le marché est le meilleur critique ! » Une fois qu’ils sont starisés, il est parfois difficile de les contrôler et ils peuvent se montrer approximatif dans le réglage du niveau de provocation, comme McCarthy ou comme cet autre génie qui avait, la nuit, pendu aux arbres d’une place de Milan des imitations d’enfants pour se gausser des ploucs locaux horrifiés au petit matin... Car leur créativité sans bornes est aussi facile que risquée : n’importe qui peut être candidat à l’art conceptuel. Ce qu’avait anticipé Claude Levi-Strauss dans son fameux article sur « le métier perdu » en peinture a bien muté : il n’y a plus besoin d’une formation technique aux métiers de l’art pour récupérer une vieille palette sur un chantier, faire faire un tonneau à une voiture, mettre du caca en conserve ou produire des pénis en chocolat. « L’acte artistique ne réside plus dans la fabrication de l’objet, mais dans sa conception, dans les discours qui l’accompagnent, les réactions qu’il suscite », explique la sociologue Nathalie Heinich, auteur du Paradigme de l’art contemporain (Gallimard).

    Le risque peut venir aussi des collectionneurs, qui par inculture ou passion spéculative, ne savent pas s’arrêter quand il faut, parce qu’ils se flattent, au travers de leurs actes d’achat, d’ignorer le passé, l’histoire, la culture dont il faut faire table rase. « Avoir un Jeffs Koons chez soi dispense de justifier ses gouts tout en envoyant un message clair : "Je suis riche" », explique la marchande d’art Elisabeth Royer-Grimblat. « De la culture au culturel, du culturel au culte de l’argent, c’est tout naturellement que l’on est tombé au niveau des latrines, souligne Jean Clair, Le fantasme de l’enfant qui se croit tout puissant et impose aux autres les excréments dont il jouit ».

    La machine à cash dévoilée

    A ce propos, Philippe Dagen est assez inquiet pour se permettre dans son rappel à l’ordre de sermonner aussi François Pinault. Il reproche au grand collectionneur d’avoir lui aussi commis l’erreur d’exposer dans sa Fondation les œuvres scatologiques de McCarthy et d’autres petits génies dont l’inventivité se réduit à représenter divers carnages, sodomies et supplices sexuels. Il recommande à Pinault et à ses « conseillers » de suivre plutôt l’exemple de son frère ennemi en spéculation artistique, Bernard Arnault, dont la Fondation Vuitton, « loin de chercher le scandale », sait maintenir les apparences, avec un « art ni transgressif ni régressif ».

    Car, insiste Dagen, s’il se réduit à la « blague salace », à la « provocation grasse » et au « scandale sexuel », l’art contemporain aura du mal à continuer de faire croire qu’il est autre chose qu’une machine à cash fonctionnant au coup médiatique. Le risque le plus grave serait de perdre la complicité des élus-gogos et des fonctionnaires drogués au mécénat. Car ces provocations programmées ont besoin de disposer de lieux publics emblématiques et prestigieux (Tuileries, Versailles, Grand Palais, place Vendôme, etc.), la profanation de ces célèbres écrins historiques permettant de sacraliser des « œuvres » – poutrelles de ferraille, animaux gonflables, carcasses de voitures, étrons géants, etc. – qui n’auraient pas le même effet sur un parking de supermarché ou un échangeur d’autoroute. Dagen explique qu’un bug pas banal comme le plug anal « fournit des arguments à tous ceux qui, avec Luc Ferry pour maître à penser, tiennent l’art d’aujourd’hui pour uniformément nul – une vaste blague ». Le philosophe dénonce en effet régulièrement, avec exemples confondant à l’appui, l’« imposture intellectuelle » de cet « art capitaliste jusqu’au bout des ongles », qu’il analyse comme une version nihiliste de la « destruction créatrice » de Schumpeter étendue de l’économie à la culture.

    Derrière les cris des perroquets hurlant aux « réacs »

    Pour l’instant, les réflexes sont toujours là. Canal + continue à ânonner le catéchisme habituel : « Avec cet art qui appuie là où ça fait mal, McCarthy n’a pas fini de déranger et de briser les tabous, et c’est tant mieux pour nous ! ». Et la ministre de la Culture Fleur Pellerin a gagné le prix de la célérité à atteindre le point Godwin de nazification de l’affaire McCarthy en tweetant  : « On dirait que certains soutiendraient volontiers le retour d'une définition officielle de l'art dégénéré ». Plus significatif était le retrait et l’embarras très inhabituel de l’autre ministre de la Culture, Jack Lang, sur le plateau du Grand Journal : il ne dissimulait pas son peu d’empathie pour McCarthy, préférant s’inquiéter de la « spéculation » et de « l’unanimisme » régnant depuis quelques années dans le monde de l’art. Autre parole remarquée, l’aveu récent, au moment de partir à la retraite, d’un des plus grands marchands d’art, Yvon Lambert : « J’arrête aussi parce que mon métier a changé, il n’y a que le fric qui compte ».

    Philippe Dagen a donc estimé urgente sa mise en garde et son article remarqué constitue un tournant historique dans ce petit milieu spéculatif. Le puissant critique du Monde a bien senti, derrière les cris des habituels perroquets hurlant aux « réacs », le silence gêné des professionnels de la profession se demandant si l’affaire du plug anal de 24 mètres de la place Vendôme n’était pas le premier accident industriel du juteux business de l’art contemporain. Philippe Dagen est leur « lanceur d’alerte ».
     
    Eric Conan (Marianne, 26 octobre 2014)

     

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  • Destruction de l'Armée française et sacrifice de la Défense...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Faye, cueilli sur son blog J'ai tout compris et consacré à la politique de défense désastreuse poursuivie par les gouvernements successifs de notre pays depuis trente ans...

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    Destruction de l'Armée française et sacrifice de la Défense

    Depuis maintenant près de trente ans, sous les gouvernements de droite de gauche, l’Armée française est sacrifiée. Dans ses effectifs, ses équipements, son budget. Analysons ce drame, le sacrifice de la Défense, son ampleur, ses causes, ses conséquences et ce qu’il faudrait faire pour y remédier. Bien entendu, les autres pays européens suivent la même voie funeste de diminution drastique des budgets de Défense. Ce qui donne l’impression que l’Europe, aux frontières ouvertes, baisse la garde.  Au moment même où les menaces intérieures et extérieures s’accroissent.

     

    Sacrifier la Défense : une constante politique droite/gauche.

    Chirac a été le premier à restreindre le budget militaire et a entamer la réduction du format des armées et même, à réduire les vecteurs de la dissuasion nucléaire aux composantes sous marines et aériennes en supprimant  les composantes  fixes et mobiles terrestres. Chirac, le pseudo-gaulliste, a entamé la démolition de l’armée française. Non pas tant en supprimant le service militaire qu’en inaugurant une diminution des effectifs et des budgets des armées professionnelles.

    Aucune des LPM (lois de programmation militaire) n’a vraiment été respectée depuis trente ans. Non seulement on baisse régulièrement les crédits de l’armée française, mais les promesses de ”sanctuarisation” du budget de la défense n’ont jamais été tenues. Tous les gouvernements, adeptes du mensonge élastique,  se sont assis sur les besoins des armées. Avec à peine 1,9% du PIB, leur budget est ridiculement insuffisant.  

     Moins naïfs que les Européens et pas si bêtes, les Américains maintiennent leurs capacités militaires. Le budget du Pentagone représente 50% de tous les autres budgets militaires internationaux. Partout dans le monde, on réarme, sauf en l’Europe où l’on désarme. Depuis 30 ans,  l’armée ne cesse de fondre comme peau de chagrin ; un tiers des départements n’a plus de garnison ; cette désertification militaire provoque à la fois un délitement du tissu social et un recul de l’activité économique locale. Entre 2009 et 2019, au terme de la loi de programmation militaire en cours, l’armée professionnelle aura perdu 80.000 hommes, soit un quart des effectifs.  Beau suicide, accompli au nom de la ”rationalisation”. La loi de programmation militaire 2008-2014, votée par l’UMP et le PS, a sabré 54.000 postes. Les socialistes prévoient encore 23.500 suppressions d’ici 2019. Dissoudre des régiments, couper dans les budgets d’équipement ou les reporter, voici les principales missions des ministres de la Défense successifs. Aucun(e) n’a osé protesté, droite et gauche confondues, puisque leur carrière politicienne passe avant tout.

    À la paupérisation des unités s’ajoute l’obsolescence des matériels. L’armée accomplit ses opérations dans des conditions acrobatiques. Les réformes successives de réduction du format des armées les ont affaiblies dans leurs capacités et minées dans leur solidité psychologique. On se dirige vers une situation de rupture, de la troupe comme de l’encadrement. L’armée est employée à 120% de ses capacités. Chaque année, la liste des régiments dissous s’accroit.. On s’attaque même maintenant à l’hôpital militaire du Val de Grâce ! Cette réduction globale des moyens et du format des trois armées avait commencé avec Chirac, preuve qu’il s’agit bien d’une politique (suicidaire) consensuelle partagée par la classe politicienne de droite comme de gauche.

    Nos voisins et amis européens belges, néerlandais, italiens, espagnols, allemands,  scandinaves, portugais, etc. suivent la même politique de baisse des budgets de la Défense, négligeant leurs capacités militaires. La situation des armées allemandes, Bundeswehr, Luftwaffe et Bundesmarine, (seulement 1,4% du PIB ) est dramatique : plus de 50% des matériels des trois armes, déjà très réduits, sont hors d’usage, faute de crédits de renouvellement et de maintenance. Bien sûr, en tout, les Européens entretiennent 1,5 millions de militaires. Mais ces chiffres sont fallacieux et cachent une autre réalité : de moins en moins de soldats capables de se battre, des matériels hors d’usage, des moyens de transports déficients.  

     

    Sacrifier la Défense : une ineptie économique.

     Sacrifier les dépenses et investissements de la Défense, en les considérant comme variables d’ajustement budgétaire est d’une stupidité économique totale à notre époque. Car le secteur de la Défense, porteur de hautes technologies aux retombées importantes multisectorielles, est capital pour les exportations et l’emploi. Restreindre les crédits d’achats et d’équipements pour l’Armée française induit une baisse des exportations de notre industrie de Défense, aéronautique, maritime,  terrestre, électronique, équipementière, etc. L’industrie de la Défense assure, de manière directe ou indirecte, par sous-traitance et retombées technologiques civiles, environ un million d’emplois. Et pas n’importe lesquels : des emplois hautement qualifiés, pas des balayeur ou des livreurs de pizzas. Sacrifier le budget de la Défense, c’est torpiller un peu plus l’industrie et la recherche françaises. Comme politique ”anti-croissance”, il n’y a pas plus efficace que de sabrer dans le budget de la Défense. Le programme spatial européen Ariane est la retombée directe de budgets militaires français sur les missiles.

    Internet (dont la domination mondiale est américaine) est né grâce aux budgets de la défense du Pentagone. Les commandes du complexe militaro-industriel américain alimentent toujours le dynamisme des grands groupes américains, notamment informatiques et numériques. Idem en Chine. Le budget d’équipement de nos armées est le seul budget d’État qui soit  créateur, en termes de retombées technologiques dans tous les secteurs innovants. Et c’est le seul que l’on sacrifie. Cherchez l’erreur. Elle est le fruit de la bêtise idéologique.

     

    Sacrifier la Défense : un ineptie idéologique et stratégique

    Derrière cette diminution constante du budget de la Défense et de la réduction de la taille de l’outil militaire se cachent des relents d’idéologie antimilitariste et antipatriotique. Ainsi qu’une vision  pacifiste et irénique du monde, naïve et irréaliste. Mais il faut mentionner aussi une inconscience géopolitique : on s’imagine que le XXIe siècle sera pacifique, dominé par les négociations, les petites crises gérables, les interventions humanitaires des armées. Après l’effondrement de l’URSS, on s’est dit que toutes les guerres étaient finies et que seules ne compteraient plus sur une planète globalisée que les opérations de police ponctuelles. Or les conflits majeurs, les guerres de haute intensité ont autant de chance  de disparaître que le soleil de cesser de se lever chaque matin. 

    Au moment où le monde s’arme, la France et l’Europe désarment. Très intelligent ! La Russie est le seul pays européen à accomplir un effort de défense et à essayer d’augmenter ses capacités. Mais on présente la Russie de Poutine comme agressive, comme un danger, un contre-exemple. C’est au contraire un exemple

    Pour s’amuser, les chefs d’État (Sarkozy, puis Hollande) lancent des OPEX (Opérations extérieures), mini-guerres inefficaces, improvisées, en Afrique ou au Proche-Orient, avec de moins en moins de moyens, puisqu’ils coupent eux mêmes dans les budgets.  Pour ces OPEX, l’armée est à bout de souffle, en capacités ou en moral.  Moins on lui donne de moyens, plus on la sollicite sur des terrains extérieurs, et souvent pour des missions stupides et contre productives, lancées par des présidents de la République avides de se poser, de manière immature, en ”chefs de guerre”. Ces opérations inutiles et précipitées réduisent d’autant plus les budgets. 

     

    Prendre le budget militaire comme variable d’ajustement sacrificielle constitue une quadruple faute : sur le plan de la cohésion nationale, du rang international de la France (et de l’Europe), de la croissance économique et de la sécurité face aux menaces prévisibles et imprévisibles. Quand le ministre de la Défense, Le Drian, raconte qu’ « il faut faire porter aux armées leur part dans l’effort budgétaires du pays », il se moque du monde. Car, en réalité, seules les armées sont appelées à faire des efforts.

    Où sont les efforts sérieux d’économie dans l’Éducation nationale pachydermique et impotente, les dépenses sociales délirantes de l’État Providence, les aides et allocations aux migrants clandestins, etc. ? En réalité, deux catégories ont été sacrifiées : les familles des classes moyennes (par hausses fiscales et coupes dans les allocations familiales) et les armées. Tout un symbole : la famille et l’armée. Tout ce que déteste sans l’avouer vraiment une oligarchie formatée selon certains dogmes idéologiques officialisés depuis Mai 68.

    Les deux seuls secteurs qui ne devraient pas ”faire d’effort” dans la rigueur budgétaire mais au contraire bénéficier de crédits accrus sont précisément la politique familiale et la Défense ! Et c’est sur eux qu’on s’acharne ! Toujours ce suicide français. Les bla-blas politiciens flatteurs sur l’ ”armée, symbole de la République et de la Nation” ne doivent tromper personne.  Ils sont destinés à prévenir une possible révolte (sous forme de démissions d’officiers et de rébellion gréviste ?) des forces armées.

     

    Questions polémologiques prédictives et inquiétantes

    Il est facile de sacrifier le budget de la Défense, puisqu’on s’est habitué à ce les militaires (de tout rang) se taisent, obéissent, se sacrifient. Mais à un moment, trop c’est trop. La corde casse à partir d’un certain seuil de tension. Un risque d’implosion des armées existe, ce qui, depuis que nous connaissons ce qui s’est produit dans les légions romaines au IVe siècle, se nomme d’un terme dévastateur : la désobéissance. Les chefs militaires sont souvent tentés de créer un clash et de dire les choses clairement. Mais les dirigeants de la ”grande muette” renoncent et, en bons fonctionnaires obéissants, pratiquent la langue de bois ou se taisent. Pour combien de temps ?

    L’armée est la colonne vertébrale de la Nation – de toute Nation pourvue d’une ambition de rang et de rayonnement, d’indépendance et de souveraineté –  parce qu’elle représente, d’un point de vue pratique et moral, l’organe de sa sécurité et de sa crédibilité. De plus, répétons-le, au XXIe siècle, les budgets de défense sont devenus des facteurs  centraux de cristallisation et de retombées technologiques et économiques de pointe dans la recherche et innovation (R&D) et les exportations. Les grandes et moyennes puissances mondiales l’ont parfaitement intégré.  Apparemment pas les gouvernements européens, ni les opinions publiques. Ce genre d’indifférence peut devenir dramatique. 

    Au XXIe siècle, nous sommes entrés dans un monde ”plurimenaçant”. Les menaces sont polymorphes et viennent de partout.  La chute de l’URSS en 1991 a joué comme une gigantesque illusion pour les Européens. Qui peut savoir  – au delà de la ”menace terroriste” et de la ”cyberguerre” souvent exagérées – si l’Europe au XXIe siècle ne risque pas une guerre civile ethnique, une ”attaque intérieure” armée sur son propre territoire ? Voire même une agression extérieure sous une forme classique, voire nucléaire ? Les armées européennes seront-elles capables d’assurer la défense du territoire ? Au rythme actuel d’embâcle et de fonte des moyens, certainement pas. Et inutile de faire un dessin : la menace physique ne vient plus du tout de l’Est européen slavo-russe, mais du Sud et du Moyen-Orient. 

    Et ce ne sont pas les Etats-Unis qui nous défendront. Notre seul véritable allié serait la Russie.

    Faute d’une armée robuste et disciplinée, suffisamment nombreuse et équipée, la France ajoute encore un handicap aux autres. Pour l’instant, elle n’a pas encore, comme la Grande Bretagne, sacrifié sa dissuasion nucléaire, mais qui sait si nos politiciens pusillanimes ne vont pas être tentés de le faire ? La logique suicidaire est une pente savonneuse. D’autre part, un autre problème lourd se pose : le recrutement très important dans l’armée de personnels issus de l’immigration, notamment musulmane. Cette question, c’est le tabou absolu. Je n’aborderai pas ce point ici mais un parallèle éclairant doit être fait avec les légions romaines du Bas-Empire qui engageaient pour défendre Rome les frères de ceux qui l’assaillaient. On sait  comment la tragédie s’est terminée.  

    La constitution d’une armée européenne, serpent de mer récurrent depuis la CED des années 50,  faussement revigorée depuis vingt ans par toutes les tentatives d’”euroforces”, franco-allemandes ou autres, est une impossibilité, qui s’appuie sur des gadgets. L’Europe n’a aucune politique étrangère commune, mis à part la blague des Droits de l’homme et la soumission volontaire à Washington et à l’OTAN.

    Le Front National  a raison de protester contre le sacrifice du budget des armées. Il demande un minimum de 2% du PIB consacré à la Défense – ce qui est d’ailleurs encore insuffisant, il faudrait 3%. C’est un point positif dans son programme, par rapport à ses positions erronées socialo-étatistes dans l’économie. Mais il se méprend quand il affirme que c’est ”Bruxelles” qui oblige les pays européens à tailler dans leurs dépenses militaires ; même l’Otan incite au contraire à les augmenter !  Ce qui  pousse la classe politicienne française à tailler dans les budgets de Défense, c’est un mélange d’indifférence, de solutions de facilités à court terme et d’ignorance des enjeux stratégiques et économiques.  Il est tellement plus facile de sacrifier des régiments ou des commandes d’équipement que de s’attaquer à la gabegie de l’ État Providence.   

     

    Les sept pistes à suivre

    Examinons maintenant ce qu’il faudrait faire, dans l’absolu :

    1) Rétablir le budget de la Défense à 3% du PIB minimum.

    2) Honorer et augmenter les commandes de l’armée à l’industrie nationale de défense, dans les domaines terrestres, aéronautiques/spatiaux et  maritimes, mais aussi dans les budgets R&D.

    3) Mettre en chantier un second porte-avion à propulsion nucléaire.

    4) Rétablir les régiments dissous et durcir les conditions de recrutement.

    5) Effectuer les commandes promises à la Russie de navires BPC.

    6) Construire un ensemble techno-industriel européen de défense indépendant, avec obligation pour chaque pays de l’UE de pratiquer la préférence de commandes à l’industrie européenne et non plus américaine.

    7) Travailler  intelligemment à moyen terme, avec pragmatisme et  avec diplomatie à une dissolution de l’OTAN au profit d’une organisation militaire intra-européenne puis euro-russe. Sans que, bien entendu, les USA n’aient rien à craindre et ne soient désignés comme ennemis. Au contraire, ils pourraient être des alliés s’ils ont l’intelligence de comprendre qui sont les véritables ennemis communs.

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 24 octobre 2014)

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