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Points de vue - Page 273

  • « Politique de la ville » : la spirale criminelle...

    Nous reproduisons ci-dessous les deux parties d'un article de Xavier Raufer, cueilli dans Le Nouvel Economiste et consacré à l'échec de la « politique de la ville » menée depuis 40 ans...

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    « Politique de la ville » : la spirale criminelle

    Toujours plus, le cancer aimablement nommé “politique de la ville” ronge la vie politique française, d’abord au niveau municipal, mais aussi désormais, à ceux du département et de la région.
    Houla ! “cancer”… “crime organisé”… Serait-on ici dans la polémique, dans l’outrance ? Nullement – il suffit de lire Le Monde de ce 12 juin pour réaliser la virulence criminelle et criminogène d’une “politique de la ville” corrompant notre pays depuis trois décennies.

    Nous voici à la cour d’appel de Marseille, où l’on juge une élue au conseil régional pour détournements de fonds publics. Citons Le Monde : “Entre 2005 et 2008, un total de 716 000 euros a ainsi été ‘flambé’ par les deux principaux bénéficiaires de la fraude”, notamment “un caïd plusieurs fois condamné”. Mme Zerbib, la présidente de la cour, s’indigne – lisons-la bien : “C’est quoi la politique de la ville ? C’est des charrettes de billets qu’on déverse dans les quartiers et on se sert ?”

    Médiapart – de gauche, lui aussi – parle, ce 7 juin, de “procès de voyous”. Il nous présente “le relais de Mme Andrieux, son fer de lance dans la campagne de 2007”, Abrerrazak Z, “condamné à quatre ans de prison dans un dossier de trafic international de cannabis”. Un nervi multicarte ayant tout compris de la politique de la ville, car à la fois membre de l’UMP et du PS. Ce chef d’une bande de voyous “connus de la justice pour violences volontaires, tentatives de meurtres, séquestration ou escroquerie” (Libération, 11/03/2013) “assurait la sécurité des élections” – et comment. L’un de ses sbires, Boumediène B., menace ainsi un récalcitrant au racket politico-criminel : “Tu veux faire le mariolle, je vais m’occuper de ton cas, tu vas morfler.”

    Après chaque homicide ou presque, un élu local bêle à la télévision que “Marseille n’est pas Chicago”, mais à entendre Abderazak et Boumediène, on éprouve un sérieux doute…

    Doute encore aggravé quand la Chambre régionale des comptes de Provence – Alpes – Côte d’Azur nous apprend que le conseil général des Bouches- du-Rhône avait attribué plusieurs marchés à des sociétés (comme Alba-Sécurité) proches du truand Bernard Barresi, fiché au grand banditisme.

    Une nouveauté à Marseille, cette corruption criminelle de la politique de la ville ? Pas vraiment, car voici comment se défend M. Michel Vauzelle, président socialiste du conseil régional de Paca (Libération, 14/03/13) : “Les procédures viciées étaient déjà en place lorsqu’il est devenu président en 1998” – donc 15 ans minimum que ça dure…

    Rappelons ici que, selon la Cour des comptes et de 2000 à 2005, cette politique de la ville a coûté, tous financements confondus, Union européenne, Etat, collectivités locales, la somme pharaonique de 34 milliards d’euros. Et sans doute autant depuis.

    Mais dans les cités hors contrôle, sur les territoires la “politique de la ville”, siphonner le pactole de la “politique de la ville” est-il la seule ressource illicite ? Non : publié en décembre 2013, un rapport sur l’ “Impact des nouveaux dispositifs sur la population des cités sensibles marseillaises” dépeint les trafics de stupéfiants dans les quartiers Nord de la ville. Il constate que “les centaines de milliers d’euros de bénéfices tirés [chaque mois] du trafic [de stupéfiants] prennent probablement une part dans l’économie locale”.

    Voilà donc l’indéniable preuve que la politique de la ville, créée vers la fin de la décennie 1970 pour insérer les “quartiers chauds” dans le droit commun et y faire émerger des élites policées, a abouti à l’exact inverse : concentrer dans ces quartiers d’énormes trafics illicites, contrôlés par des gangs “tenant” par ailleurs des politiciens complices ou épouvantés.
    Cela, même les actuels politiciens socialistes ne tentent plus de le nier : le précédent ministre de la Ville, M. Lamy, veut “rompre avec trente ans d’échecs de la politique de la Ville” et l’actuelle titulaire du poste, Mme Vallaud-Belkacem, parle des politiques de naguère comme d’un “empilement de dispositifs formant un millefeuille aussi illisible que souvent incohérent”.
    Même désormais, de grands prêtres de la culture de l’excuse comme les sociologues Didier Lapeyronnie et Michel Kokoreff en viennent à dénoncer (Le Nouvel Observateur, 10/01/13) “la montée des violences des bandes en lien avec des trafics de drogue”.

    Jusqu’au Monde, impavide soutien de la “politique de la ville” trente ans durant, contraint de lâcher (7/06/13), dans un article intitulé “Cités mortelles : la mort violente frappe plus en banlieue qu’ailleurs”. Et le 7 février 2014 encore, à propos du quartier hors contrôle du Mirail, à Toulouse : “Les voyous se sont structurés en équipes de malfaiteurs… Le trafic de drogue s’est aggravé de manière quasi exponentielle ces dernières années… la présence des trafiquants pèse de plus en plus.”

    Tout cela, notons-le, prévu, décrit et publié par les criminologues sérieux depuis à peu près vingt ans.

    Avouer tardivement ne suffit cependant pas. Il faut autopsier cette “politique de la ville” car la corruption criminelle des cités et quartiers “sensibles” n’est ni récente, ni bien sûr cantonnée à la seule ville de Marseille.

    Dès 1999, un rapport de l’instance régionale (Ile-de-France) d’évaluation de la politique de la ville s’alarme de “l’apparition des vols à main armée” et de la “présence de bandes bien visibles dans les espaces collectifs privés”.

    Mais en la matière, l’omerta joue vite et ce rapport est enterré. Le lobby pro-politique de la ville fait tout aussi vite disparaître le rapport (2005) d’un “Observatoire national des faits d’insécurité dans l’habitat social”, suscité par la puissante Union sociale pour l’habitat, qui regroupe quelque 800 organismes HLM (4 millions de logements, 76 000 salariés). Occultation encore et toujours (2007) du rapport de “l’Observatoire de l’activité commerciale dans les quartiers sensibles”.

    La criminalisation des cités et quartiers ? Le pillage des commerces par des bandes organisées ? La classe politique et les médias font, pour l’essentiel, silence. Balayons la poussière sous le tapis, édulcorons tout cela sous le nom de “faits divers” – le cauchemar se dissipera bien tout seul.

    Mais ce cauchemar ne peut cesser si le diagnostic est faux et si journalistes et politiciens continuent d’occulter le fait massif qu’une ville, c’est d’abord ceux qui y vivent – ce qui est ici en cause étant la désastreuse politique d’immigration conduite un demi-siècle durant :

    - Le rapport précité sur les cités marseillaises souligne que “la majeure partie de la population a une origine du Maghreb, d’Afrique subsaharienne ou des Comores”.

    - Le Monde (26/10/09) : “Il pourrait y avoir de 100 000 à 300 000 migrants clandestins en Seine-Saint-Denis.”

    - En avril 2011, le Haut Conseil à l’intégration (conduit par un ex-président de la Licra) souligne que dans les “Zones urbaines sensibles” d’Ile-de- France, 64% de la population entre 18 et 50 ans est issue de l’immigration. Dans son rapport au Premier ministre (12/04/2011) “La France sait-elle encore intégrer ses immigrés”, le HCI ajoute par ailleurs que “la politique de la ville est née des concentrations d’immigrés jugées excessives et plus particulièrement des désordres qui leur sont associés” [nous soulignons]. Et le fort progressiste Jacques Donzelot (Quand la ville se défait, Le Seuil, 2006) renchérit : “La politique de la ville fut le nom donné à une politique d’intégration des immigrés qui n’osait pas dire son nom” : la cause est entendue.

    Or bien sûr, nier au XXIe siècle les séquelles criminelles du problème migratoire ne règle pas plus le problème qu’en 1850, le fait d’occulter les amours ancillaires (Friedrich Engels et sa femme de chambre irlandaise…) ne faisait disparaître l’exploitation de classe.

    L’essentiel étant nié, les choses s’aggravent ensuite fatalement. Si bien que les grands médias d’information, ne pouvant pas tout camoufler, mais idéologiquement tenus d’édulcorer, ont dû concevoir un rituel annuel, qui se déroule comme suit :

    - Grande séance de lamentations, d’usage en novembre quand paraissent divers rapports, tous pires les uns que les autres, sur le chômage dans les banlieues et autres drames périurbains. Que d’affreuses nouvelles ! Pire encore que l’an passé ! Les quartiers à feu et à sang ! Des bandits partout ! Le Monde est affligé, Libération, en ébullition.

    Ici, le modèle est celui des congrès du Parti communiste de l’Union soviétique, évoquant la politique agricole : c’est la phase “camarades, ne cachons pas les dysfonctionnements de la société socialiste”.

    - La messe dite, les médias tournent la page et tout continue comme avant : le budget de la politique de la ville est reconduit – voire augmenté. Les milliards coulent à flot. L’agriculture soviétique est tragiquement inefficace ? Planifions-la plus encore et tout ira bien.

    Mais survient un désastre banlieusard majeur, entraînant l’émotion populaire. La classe politique se doit alors d’agir – ou de simuler. Le stratagème est alors de “rebattre les cartes”.

    M. Lamy et 2012, Mme Vallaud-Belkacem en 2014, “rebattent les cartes”. Mais – tout joueur de belote le sait – les cartes qu’on rebat sont toujours les mêmes : en l’occurrence et à perpétuité, celles des plans Bonnemaison-Dubedout, jamais repensés depuis la décennie 1980.

    On est ici dans un gâtisme administratif chimiquement pur – pathologie mentale ainsi définie : accomplir toujours un identique geste, dans l’espoir qu’à chaque fois, il produise un effet différent.

    De là, l’incohérence gagne toute l’administration périurbaine : on apprend ainsi en juin 2014 que dans les banlieues “la carte d’implantation des agences de Pôle-Emploi est sans rapport avec celle du chômage”. Et que les emplois d’avenir (explicitement prévus pour les jeunes des ZUS) “sont pour l’instant affectés à plus de 80 % à des jeunes hors de ces zones”.

    Ce toxique mélange de militantisme paléo-gauchiste, d’incompétence grossière et de corruption grimée en moralisme peut-il perdurer ? Il ne semble pas. Car voici comment le géographe Christophe Guilluy dépeint la France des espaces périurbains, ruraux ou industriels, des villes petites ou moyennes. Là vivent les nouvelles classes populaires, employés, ouvriers, retraités – 60 % de la population, quand même. La France qui boucle ses fin de mois à 50 euros près. Les bobos des centres-villes peuvent tant et plus ériger une barrière symbolique entre eux-mêmes et les “autres” – la France périurbaine, désarmée et exposée, est absolument privée de cette capacité.

    Là est la vraie fracture française.

    Là réside le péril – et en même temps l’espoir, comme le souligne le prophétique vers de Friedrich Hölderlin (Patmos) : “Mais où est le danger, croît aussi ce qui sauve.”

    Ce vers, méditons-le.

    Xavier Raufer (Le Nouvel Economiste, 19 juin et 16 juillet 2014)

     

    Annexe : Quelques repères sur la « politique de la ville »

    • Un monstre gouvernemental

    Le ministère de la Ville est créé en 1991 sous Mitterrand ; de là à 2014, ont défilé 3 ministres en charge de la Ville, 7 ministres notamment chargés de cette politique, 6 ministres délégués, 4 secrétaires d’Etat. Parmi ceux-ci : Michel Delevoye, Bernard Tapie, Simone Veil, Eric Raoult, Xavier Emmanuelli, Claude Bartolone, Jean-Louis Borloo, Fadela Amara, etc.

    • Les étapes du désastre

    1977 – (Giscard d’Estaing) Plan “Habitat et vie sociale”
    1981-83 – (Mitterrand) Plan “Développement social des quartiers” et “plan banlieue 89”
    1991 – (Rocard) Loi d’orientation pour la ville
    1996 – (Chirac) Pacte de relance pour la ville (“Plan Marshall 1”)
    1999-2001 – (Jospin) Rénovation urbaine et solidarité
    2003 – (Borloo) Loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine
    2008 – (Sarkozy) Espoir Banlieue (“Plan Marshall 2”)
    2013 – Plan Hollande Ayrault (“absence d’objectifs chiffrés”)
    2014 – Plan Vallaud-Belkacem – pour la dixième fois, la mouche fonce sur la vitre, persuadée que, cette fois-ci, elle passera à travers…

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  • L'égalitarisme contre l'égalité...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Brighelli, cueilli sur le site du Point et consacré à la suppression des bourses attribuées aux élèves méritants...

     

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    Suppression des bourses au mérite : le raisonnement de Gribouille

    Les mauvais coups se portent pendant l'été, c'est bien connu. Cette fois, Geneviève Fioraso, qui a besoin d'argent pour des missions nobles, n'en doutons pas, a décidé de mettre les étudiants méritants au régime sec, en supprimant d'un trait de plume les "bourses au mérite" qui leur permettaient d'entrer avec un peu plus de confiance dans le supérieur.

    J'avais déjà évoqué ici les aberrations du système des bourses, qui laisse à l'écart les enfants des classes moyennes. "Multiplions les bourses au mérite !" écrivais-je... Le gouvernement m'a entendu : il les supprime.

    L'idée tripotait le ministère depuis longtemps. L'année dernière déjà, une première tentative de suppression des bourses avait été reportée (courageusement) d'un an. Cette fois, nous y sommes.

    Les mots proscrits

    J'avais dans un blog parallèle analysé l'exécration gouvernementale, peillonesque et fiorasonique pour certains mots - "conservatisme" ou "élitisme". "En répugnant ainsi à l'élitisme, écrivais-je, Vincent Peillon s'engage sur une voie dangereuse - mais malheureusement conforme à la réalité, surtout celle de son ministère." J'avais oublié "mérite" ! Dis-moi quels mots tu t'interdis, je te dirai qui tu es - et ce que tu vaux.

    Raisonnement de gribouilles : en supprimant ces 1 800 euros par an pendant trois ans, attribués normalement aux boursiers ayant obtenu une mention très bien au bac (est-ce l'inflation de ces mentions qui a poussé le ministère à en gommer le bénéfice ?), le ministère prétend redistribuer les sommes ainsi dégagées aux seuls boursiers "sociaux". Saupoudrage et éparpillement sont en bateau, "mérite" est tombé à l'eau.

    Ces gens-là réalisent-ils qu'en répugnant au mérite, ils envoient un signal terrible aux futurs étudiants ? Inutile de vous décarcasser : la situation fiscale de vos parents suffit à vous promouvoir ou à vous anéantir. Les "fils et filles de" s'en sortiront toujours. Quant aux autres...

    Les grands perdants

    Encore une fois, quand on analyse les conditions nécessaires pour bénéficier d'une bourse, on réalise immédiatement que les grands perdants sont ces classes petitement moyennes (et en temps de crise, ce sont toujours les classes moyennes qui glissent prioritairement vers le moyen moins).

    1 800 euros (Byzance !), cela permettait à des étudiants de payer une partie au moins de leur studio et des bouquins indispensables. Parce que si l'on réfléchit deux secondes, la redistribution (dont on ne nous dit pas sur quelle base elle sera calculée...) permettra à chaque boursier de recevoir quelques euros de plus.

    Les comptables du ministère avaient déjà tenté le coup en décembre dernier en proposant de sucrer 20 % aux salaires des profs de prépas pour les redistribuer aux profs de ZEP - à raison de 8 euros par personne. Byzance again !

    Égalitarisme contre égalité

    Le même raisonnement avait conduit par le passé certains syndicats à demander instamment l'annulation des cours spéciaux donnés dans certains lycées, en terminale, aux élèves désireux de passer le concours de Sciences Po, afin de redistribuer les crédits ainsi dégagés (quelques milliers d'euros, quand on y pense) à l'ensemble de la "communauté éducative, au nom de l'égalitarisme... Là aussi, l'Unsa ou le Snes - c'était eux ! - préféraient localement un saupoudrage inefficace au sauvetage de quelques étudiants résolus.

    Je vais faire une suggestion à ce gouvernement de grippe-sous et de médiocres.

    Il existe dans mon lycée (et dans une vingtaine de lycées en France) deux classes de "prépa à la prépa", l'une préparant à Sciences Po (et accessoirement à une bonne école de commerce marseillaise, la Kedge Business School), l'autre aux prépas scientifiques (sur le modèle de ce qui s'est fait initialement à Henri-IV. Une poignée d'élèves méritants (ils sont sélectionnés sur dossier), issus des lycées ZEP de la ville, tous boursiers (ce sont les conditions initiales), appartenant pour la plupart à cette "diversité" que la majorité actuelle aime tant caresser dans le sens du poil, bosse sérieusement un an durant pour rattraper le niveau qui aurait dû être le leur en fin de terminale dans un lycée décent - j'entends un lycée où les préoccupations pédagogiques l'auraient emporté sur le maintien brinquebalant de la discipline.

    De ces élèves, nous sauvons entre la moitié et les deux tiers - soit, en moyenne, une grosse vingtaine de braves gosses par an : cette année, dans la prépa à Sciences Po du lycée Thiers où j'enseigne, dix sont entrés dans des IEP, et huit autres à la Kedge Business School. Sans compter que les six derniers sont enfin armés pour faire des études supérieures (en droit, en histoire, en économie) avec des chances raisonnables d'échapper au couperet de la licence (50 % d'échecs en L1, faut-il le rappeler ?).

    Je suggère donc à Mme Fioraso et à ses conseillers de supprimer ces dispositifs, afin de redistribuer les fonds ainsi regagnés à l'ensemble des étudiants du supérieur (là, on sera dans l'infinitésimal) au nom de l'égalitarisme. Et de renvoyer ces étudiants sauvés, arrachés à leur propre milieu, à leur misère intellectuelle et sociale. Au nom de l'égalitarisme.

    Or, l'égalitarisme n'est pas l'égalité - mais comment le faire comprendre aux têtes creuses de la rue Descartes ? L'égalité consiste à donner à chacun une chance d'aller au plus haut de ses capacités : pour cela, il faudrait reprendre les programmes et la pédagogie à la base, sans se soucier des jérémiades des uns et des autres, parce que ce sont les enfants qui sont prioritaires. L'égalitarisme consiste à égaliser la misère, à étêter les talents, parce que dans la démocratie telle que la conçoivent les têtes creuses du ministère, seule la médiocrité - la leur ! - est admissible.

    Démocratie versus République

    "Démocratie" est un beau nom, mais c'est surtout, désormais, un joli prétexte. Prétexte à supprimer tout ce qui est susceptible de laisser quelques-uns émerger. L'égalitarisme leur enfoncera définitivement la tête sous l'eau. Et vous voudriez que je fasse confiance à des potentats locaux, pas plus doués que les troupes de Fioraso et Hamon, pour mener une politique qui fasse enfin une place au mérite ? "Démocratie" tend à devenir l'antithèse de "République", parce qu'une vraie république tend à promouvoir une aristocratie, et à la remettre sans cesse en cause. Leur démocratie installe des minables, et les perpétue.

    Il faut des décisions nationales cohérentes, prises par un ministre capable - pas par la clique (de droite et de gauche, si vous avez lu les programmes des uns et des autres que j'ai patiemment décryptés pour vous, ici, ici et ) des politiciens qui persistent à s'agiter là-haut. J'attends Richelieu, j'attends Clemenceau, j'attends de Gaulle. Impossible, dites-vous ? Ma foi, nous les avons déjà eus une fois. Alors, pourquoi pas deux ? Nous avons besoin de chefs, pas de pitres.

    Jean-Paul Brighelli (Le Point, 25 juillet 2014)

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  • L'Europe ne pourra se faire que contre les Etats-Unis !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré aux États-Unis et à leur place de grande puissance...

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    L'Europe ne pourra se faire que contre les États-Unis !

    Après la chute du Mur de Berlin, les États-Unis sont devenus une « hyperpuissance ». Où en est aujourd’hui la puissante Amérique, entre crises financières et guerres erratiques ?

    Le débat sur le « déclin américain » a été lancé aux États-Unis dès la fin des années 1980, par Paul Kennedy, dont le livre (Naissance et déclin des grandes puissances) est aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Beaucoup de ceux qui partagent son point de vue raisonnent à partir de l’adage selon lequel « tout Empire périra ». Les États-Unis n’ont pourtant jamais créé un véritable Empire, mais une zone d’influence, ce qui n’est pas la même chose. Les alliés y sont considérés comme des vassaux, les ennemis comme des figures du Mal (le dernier en date étant Vladimir Poutine). Ces dernières années, la montée en puissance des pays émergents, à commencer par la Chine, le bilan catastrophique des guerres en Irak et en Afghanistan, l’affaiblissement du système du dollar, aujourd’hui ouvertement contesté par les Chinois et les Russes, l’accumulation depuis Reagan de déficits d’une ampleur encore jamais vue, voire l’évolution démographique (la population d’origine européenne ne représente déjà plus qu’une minorité des naissances), ont donné une certaine crédibilité à cette thèse. Cela dit, les États-Unis sont encore la principale puissance du monde, d’autant que la mondialisation crée un environnement favorable au développement de leur « soft power », théorisé en 1990 par Joseph Nye dans Bound to Lead.

    Le fait que l’Amérique du Nord soit la seule nation au monde à avoir vu le jour à la suite d’un génocide peut-il expliquer sa psychologie si spécifique et l’idée que certains Américains puissent se faire de cette « destinée particulière » ?

    J’ai plutôt l’impression que c’est, à l’inverse, cette psychologie qui explique l’extermination méthodique des Indiens. La mentalité américaine est marquée par une conception économique et commerciale du monde, par l’omniprésence des valeurs bibliques et par l’optimisme technicien. Les États-Unis ont une histoire courte, qui se confond avec celle de la modernité ; la civilisation américaine est une civilisation qui se déploie dans l’espace plus qu’elle ne se déploie dans le temps. Au cours de leur brève histoire, les États-Unis n’ont connu qu’un seul grand modèle politique, pratiquement inchangé depuis les origines – d’où leur conformisme (Céline, en 1925, parlait de la « platitude accablante de l’esprit USA »). La pensée des Pères fondateurs est pour l’essentiel inspirée de la philosophie des Lumières, qui implique le contractualisme, le langage des droits et la croyance au progrès. Christopher Lasch dit à juste titre « qu’aux États-Unis, la suppression des racines a toujours été perçue comme la condition essentielle à l’augmentation des libertés ». Les États-Unis sont nés d’une volonté de rupture avec l’Europe. Tocqueville écrivait : « Les passions qui agitent les Américains sont des passions commerciales, non des passions politiques. Ils transportent dans la politique les habitudes du négoce ». La « démocratie en Amérique » n’est que le règne d’une oligarchie financière.

    Mais les premiers immigrants entendaient aussi créer une société nouvelle qui serait susceptible de régénérer l’humanité entière. Ils ont voulu fonder une nouvelle Terre promise qui pourrait devenir le modèle d’une République universelle. Ce thème biblique, qui est au centre de la pensée puritaine, revient comme un véritable leitmotiv dans toute l’histoire des États-Unis. Il constitue le fondement de la « religion civile » et de l’« exceptionnalisme » américains. Dès 1823, James Monroe avait placé sous le signe de la Providence la première doctrine américaine en matière de politique étrangère. Interventionnistes ou isolationnistes, pratiquement tous ses successeurs adopteront la même démarche. Et c’est aussi la théologie puritaine du « Covenant » qui inspire la doctrine de la « destinée manifeste » (Manifest Destiny) énoncée par John O’Sullivan en 1839 : « La nation d’entre les nations est destinée à manifester à l’humanité l’excellence des principes divins […] C’est pour cette divine mission auprès des nations du monde… que l’Amérique a été choisie ». Autrement dit, si Dieu a choisi de favoriser les Américains, ceux-ci ont du même coup le droit de convertir les autres peuples à leur façon d’exister, qui est nécessairement la meilleure.

    Les « relations internationales » ne signifient alors rien d’autre que la diffusion à l’échelle planétaire du mode de vie américain. Représentant le modèle à la perfection, les Américains n’ont pas besoin de connaître les autres. C’est aux autres d’adopter leur façon de faire. On ne peut s’étonner, dans ces conditions, que les déboires rencontrés par les États-Unis dans leur politique extérieure résultent si souvent de leur incapacité à imaginer que d’autres peuples puissent penser différemment d’eux. En fait, pour beaucoup d’Américains, le monde extérieur (le « rest of the world ») n’existe tout simplement pas, ou plutôt il n’existe que pour autant qu’il s’américanise, condition nécessaire pour qu’il devienne compréhensible.

    Le plus frappant chez les Américains, c’est leur incontestable capacité de rebond…

    Cette capacité de rebond s’explique à la fois par le fait que les Américains n’ont pas d’états d’âme sur la valeur de leur modèle, par l’omniprésence de la violence dans leur culture, et aussi par le fait qu’ils n’ont pas subi au XXe siècle les abominables saignées qu’ont subies les Européens. Les États-Unis ont eu 117.000 morts pendant la Première Guerre mondiale (1,7 million pour la France), 418.000 morts pendant la Deuxième (au moins neuf millions pour l’Allemagne), environ 40.000 au Vietnam, soit au total moins que les pertes humaines enregistrées lors la guerre de Sécession. Les États-Unis ne doivent pas être sous-estimés, non seulement parce que leurs moyens restent considérables, mais parce qu’ils n’ont pas été vidés de leur énergie. Il n’en reste pas moins que, de même que les États-Unis sont nés d’un refus de l’Europe, l’Europe ne pourra se faire que contre les États-Unis.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 21 juillet 2014)

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  • La Justice française ? Ni indépendante, ni impartiale !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Le Gallou, cueilli sur le site de Polémia, dans lequel il nous donne quelques bonnes raisons de ne pas croire en la justice de notre pays...

     

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    Justice française ? Ni indépendante, ni impartiale !

    1- Au cours des 30 dernières années le Code pénal à doublé de volume. Des centaines d’incriminations nouvelles ont été créées. Et les circonstances aggravantes se sont multipliées. Appliqué au pied de la lettre, le Code pénal permettrait de mettre en prison 10 millions de personnes. Certes, ce n’est heureusement pas le cas !

     

    2- La rigueur du Code pénal est atténuée par le principe «d’opportunité» des poursuites. C’est le parquet qui décide de poursuivre les délinquants présumés ou de classer sans suite les affaires qui leur sont reprochées. Or les procureurs ne sont ni indépendants ni impartiaux, ils obéissent au garde des Sceaux, en ce moment la militante socialiste et «antiraciste» Christiane Taubira.

     

    3- Les parquets ne sont pas seulement placés sous la subordination hiérarchique du ministre de la Justice, ils sont aussi soumis à la tyrannie médiatique qui les conduit à biaiser leur prise en compte des infractions : selon que vous serez politiquement corrects ou non, les poursuites des parquets (en attendant les jugements des cours) vous rendront blancs ou noirs.

     

    4- De cela les preuves abondent : quand Anne Gravoin, compagne du premier ministre, intervient pour faire «sauter» la contravention de l’une de ses amies, elle commet le délit de concussion et risque 10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende. On peut comprendre que ce délit soit classé sans suite mais il faut savoir que c’est le même texte qui est mis en branle contre l’ex président Sarkozy dans l’affaire Azibert.

     

    Plus fondamentalement, qui peut croire sérieusement que les Homen et les Femen bénéficient de la même interprétation des textes ? Qui ignore que, quand des supporters algériens de football utilisent des fumigènes pour enflammer le parvis d’une église, ce sont des scènes de «liesse» ? Mais alors pourquoi, quand des Homen utilisent ces mêmes fumigènes à Roland Garros, ce sont «des armes par destination» ? De même se retrouver en groupe sur les Champs-Elysées peut être, selon l’humeur du préfet de police, interprété comme une sympathique manifestation d’enthousiasme ou comme un attroupement interdit. Tout est affaire d’appréciation !

     

    5- Bien sûr, poursuite ne vaut pas condamnation. Et les magistrats du siège jugent théoriquement en leur «âme et conscience». Mais s’ils ne peuvent pas être mutés d’office, ils n’en sont pas moins des hommes et des femmes soucieux de leur carrière et de leur promotion, sans parler des décorations qu’ils sollicitent comme autant de crachats rouges sur leur indépendance, fièrement affichés au revers de leur veston (ou tailleur).

     

    6- Allons plus loin : les présidents de cour ou de tribunal ne peuvent dicter un jugement à un magistrat mais ils peuvent choisir d’affecter telle ou telle affaire à telle ou telle chambre susceptible de répondre à leurs attentes. Obtenir le jugement souhaité est souvent question d’habileté dans le choix du «casting».

     

    7- D’autant plus que les juges sont loin d’être tous neutres, au contraire : nombre d’entre eux sont très engagés politiquement ou idéologiquement, à gauche ou à l’extrême gauche pour beaucoup, dans le politiquement correct de bon aloi pour la majorité des autres. Inutile d’insister sur le Syndicat de la magistrature : immigrationniste au regard du droit au séjour, laxiste avec les délinquants ordinaires, répressif avec ses adversaires politiques. L’Union syndicale des magistrats ne vaut guère mieux : elle est au barycentre du conformisme médiatique et son ancien président fut le conseiller Justice de Ségolène Royal lors de sa campagne de 2007.

     

    8- Les avocats jouent aussi leur rôle dans la création de l’environnement idéologique de la justice : le Syndicat des avocats de France se fait le relais médiatique des partis pris du Syndicat de la magistrature ; l’ordre des avocats ménage, lui, la chèvre et le chou et met en avant les personnalités les plus conformistes : personnalité modérée, avocate réputée, Brigitte Longuet fut écartée du poste de bâtonnier de Paris en raison des engagements politiques de son mari, ministre UMP à la parole décomplexée.

     

    9- Dans ces conditions on ne s’étonnera pas que pour un magistrat un tropisme de gauche soit bien vu ; a contrario, un tropisme de droite est incapacitant ; aux premiers les belles affaires ; aux seconds les placards !

     

    Je renvoie ceux qui pourraient croire que j’exagère aux affaires Claire Thépaut et François Lagarde.

     

    La juge Thépaut est une fervente militante du Syndicat de la magistrature, adversaire résolue de Nicolas Sarkozy et de l’UMP, mais les instances judiciaires et médiatiques ont estimé que cela ne permettait pas de mettre en cause son impartialité lorsqu’elle a mis en examen l’ancien président de la République dont elle a condamné la politique.

     

    François Lagarde est, lui, magistrat administratif à Lyon. Il a été élu à Orléans (hors du ressort de son tribunal, donc) conseiller municipal délégué à la lutte contre l’immigration clandestine (bref, en charge de faire appliquer la loi). Il a été victime d’une campagne de dénonciation du Syndicat des avocats de France et de la presse locale. Après avis du comité de déontologie du Conseil d’Etat, il s’est vu retirer toutes les affaires (la moitié de son plan de charge) concernant l’immigration au motif qu’il pourrait être suspect de partialité.

     

    Mais les magistrats administratifs et les conseillers d’Etat qui militent dans les associations immigrationnistes sont, eux, jugés impartiaux.

     

    Quel meilleur exemple de deux poids, deux mesures ! D’autant plus facile à pratiquer qu’il ne s’est pas trouvé un seul dirigeant de l’UMP ou un seul éditorialiste de la presse «mainstream» pour défendre les libertés du juge Lagarde.

     

    Comment dans ces conditions faire confiance à une justice aussi partisane ?

     

    10- Ajoutons pour faire bonne mesure que le passé n’y incite pas. Les magistrats de la IIIe République étaient réputés indépendants. En 1940, tous, sauf un, prêtèrent serment au maréchal Pétain avant de devenir, en 1944, des épurateurs zélés. Révoqué en 1940, l’unique magistrat récalcitrant fut réintégré en 1944, mais n’occupa que des postes… secondaires car ses employeurs n’avaient pas confiance en lui.

     

    Certains disent que la justice politique est à la justice ce que la musique militaire est à la musique. C’est injuste pour les militaires !

     Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 14 juillet 2014)

     

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  • Pourquoi être localiste ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Laurent Ozon, cueilli sur le site du Cercle non-conforme et consacré à la question du localisme. Laurent Ozon anime Maison commune, un mouvement identitaire, écologiste et localiste.

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    Pourquoi sommes-nous localistes

    De tout temps, les hommes ont cherché à produire autour d’eux ce dont ils avaient besoin et ont en même temps ajusté leurs besoins à ce qu’ils pouvaient produire. Les échanges commerciaux ont toujours existé mais portaient précisément sur les denrées ou les produits que l’on ne pouvait produire autour de soi.

    Les personnes qui consommaient ces biens étaient les mêmes ou vivaient proche de celles qui les avaient produits. Les besoins reflétaient l’expression simple du goût, de la culture et des possibilités qu’offraient la nature et le travail des hommes. Bijoux, outils de cuisine et de jardinage, matériaux de construction, jouets ou véhicules, ces produits ne répondaient pas seulement à la stricte nécessité de la survie mais permettaient aussi de satisfaire aux besoins de beauté, de spiritualité, de communication et de loisirs.

    De fait, le Localisme fut le système économique et politique dans lequel vécurent des milliers de générations avant nous qui trouvèrent plus sage de chercher à satisfaire la part la plus importante possible de leurs besoins par elles-mêmes.

    De là ont procédé les cultures, les goûts, les traditions culinaires et gastronomiques, les coutumes et même les paysages, tant les hommes façonnent la nature autour d’eux et déterminent aussi la typicité des territoires et tout ce qui procède de l’art de vivre.

    Loin de vouloir expliquer que l’ancienneté de ces pratiques suffit à les rendre indiscutables, j’ai souhaité rappeler qu’elles ont été la norme dans des cultures et des civilisations différentes à des époques proches ou lointaines, dans des communautés structurées par des normes sociales, des valeurs et des religions différentes dans l’histoire.

    L’aspiration à l’autonomie qui est l’autre nom de l’aspiration à la liberté, a été la règle durant la quasi-totalité du temps de vie de l’espèce humaine pour tous les peuples qui nous ont précédés. Nos ancêtres ont toujours voulu avoir prise sur ce qui avait prise sur eux, décider et produire chez eux ce qui était bon pour eux ! Et ces pratiques ont permis l’adaptation des histoires humaines à d’innombrables imprévus de l’histoire et des plus difficiles.

    Par-delà d’éventuelles divergences sur les réponses à apporter à la crise profonde que nous traversons, la plupart des acteurs politiques peuvent comprendre l’urgente nécessité de consacrer dès aujourd’hui des efforts sans précédent afin de réanimer l’économie permettant d’assurer un degré d’autosuffisance le plus élevé possible dans les domaines énergétique, sanitaire et alimentaire. Dans ces trois domaines vitaux, notre degré de dépendance est tel qu’une accélération brutale de la crise pourrait entraîner de lourdes conséquences : famines, épidémies, violences, guerre civile et ce dans des pays déjà minés par les divisions. Comment ne pas anticiper les conséquences catastrophiques qui pourraient advenir lorsque l’on sait, pour ne prendre que cet exemple, que l'ensemble des productions européennes riches en protéines végétales (pois, colza...) couvrent 24 % des besoins des élevages et que 85% du soja consommé en UE est importé d'Amérique-du-Sud.

    Par-delà nos opinions politiques, nous pensons que l’intérêt général est aujourd’hui de donner à chaque peuple les moyens de subvenir à une part importante de ses besoins par ses propres moyens. Seule notre capacité à satisfaire nos besoins vitaux pourra conjurer les explosions de violences qui ne manqueront pas d’arriver si la situation devait continuer à se dégrader.

    Nous pensons qu’une politique de relocalisation est inévitable à terme et qu’elle serait, si les politiques voulaient bien sortir de leur autisme, la seule option réaliste à suivre pour anticiper les déstabilisations sociales, économiques et identitaires à venir.

    Une politique qui aurait pour but de favoriser l’embauche locale et les circuits économiques courts pourrait accompagner heureusement des objectifs de qualité écologique, de protection sanitaire, de réhabilitation de la vie démocratique, de protection et de rééquilibrage social, d’inversion concertée des flux migratoires et de pacification rapide des relations internationales. Car loin d’être une utopie politique dont la mise en œuvre réclame un je-ne-sais quel grand-soir politique, les solutions localistes sont compatibles avec les aspirations les plus nobles de ceux qui ont consacré leur vie à la chose publique.

    Au dessus des différences d’opinions, l’intérêt général, pour des raisons, sociales, écologiques, économiques et culturelles est de produire autour de nous ce dont nous avons besoin en priorité. Voilà en quelques mots, pourquoi nous sommes localistes.

    Laurent Ozon (Cercle non-conforme, 25 juin 2014)
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  • Gauche, droite et souveraineté...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur son blog RussEurope et consacré à la question de la souveraineté.

     

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    Gauche, droite et souveraineté

    La souveraineté ne se décline pas, si l’on suit Jean Bodin, en une souveraineté « de droite » ou « de gauche ». Rappelons ses formules : c’est la souveraineté de la Nation dont il s’agit. Cette Nation peut s’incarner dans un homme ou dans un groupe d’hommes ; elle peut être représentée aussi bien par un Prince que par le Peuple. On voit qu’à ce niveau de généralité, la question de séparer la souveraineté entre « droite » et « gauche » perd toute signification.

    Abus de langage…

    Il ne faut pas se laisser abuser par les nombreuses formules qui, chez Bodin tout comme chez Machiavel, font référence au Prince. C’est le produit du contexte dans lequel a été produit ce concept. De plus, et cela est fort souvent le cas, le Prince signifie simplement « celui qui dirige ». Il est plus facile de trouver une différence si l’on regarde les formes de sacralisation de ce Prince. Mais, il faut savoir que l’on ne parle plus de la souveraineté. D’ailleurs, Bodin est très clair sur ce point. S’il souhaite, en Catholique, que celui qui incarnera la souveraineté de la Nation le soit aussi, il n’en fait nullement une condition. Il précise ainsi que le sacre de Reims n’est pas une condition à la légitimité ni à la souveraineté. C’est en cela que se trouve l’extraordinaire modernité de l’œuvre de Bodin. Son injonction de renvoie de la religion, et des signes de toute adhésion, à la sphère privée exclusivement a bien aujourd’hui une dimension fondatrice dans la société française, comme le montre l’arrêt concernant la crèche Baby-Loup[1]. De ce point de vue, il est incontestable que l’interdiction (et en ce qui concerne le voile intégral il s’agit bien d’une interdiction) est le fondement même du vivre-ensemble.

    Si l’on veut absolument introduire les notions de « droite » et « gauche » dans ce registre, c’est bien plus au niveau de la Nation que l’on peut le faire. Il y a clairement en France et ailleurs une tradition de la Nation transcendante. On connaît la formule de Charles de Gaulle parlant d’un pacte de près de deux mille ans entre la France et la liberté. La formule est certes belle, mais elle fait fi de l’histoire de la construction sociale et politique de la Nation. Reconnaître cette histoire, ce qui fut le fait des grands historiens du XIXè siècle, de Guizot à Michelet, ancre plutôt le concept de Nation à « gauche ». Ceci étant dit, il faut immédiatement reconnaître qu’un processus d’une telle durée tend à se représenter aux yeux de ses héritiers comme son résultat[2]. Comme l’a écrit d’ailleurs fort bien un grand historien que j’ai eu l’insigne honneur de côtoyer, Bernard Lepetit : “Le poids du passé devient d’autant plus extrême qu’il tire sa force de son oubli.”[3] Il prend alors la dimension d’un fait transcendant. On peut donc admettre une congruence entre la thèse d’une Nation transcendante et celle de la construction historique de la Nation, tout simplement parce que cette construction historique est une œuvre d’une telle ampleur qu’elle ne peut se représenter que sous la forme d’un résultat « mythique », exactement comme s’il était le produit d’une transcendance.

    Qu’il puisse y avoir des usages que l’on considère « de droite » ou « de gauche » des concepts de souveraineté et de Nation est indubitable et indiscutable. C’est le propre de tout instrument de pouvoir être mal utilisé. Mais, cessons nous d’utiliser un couteau parce qu’il fut utilisé par certains pour commettre des crimes ? Cessons nous de prendre le train, parce que le système ferroviaire fut central dans la réalisation de certains génocides, de celui qui frappa les Arméniens en 1915 à celui qui fut commis par les Nazis contre les juifs et ceux qu’ils appelaient des « sous-hommes » ? Bref, on n’a jamais vu dans l’histoire de la pensée un instrument condamné du fait du mauvais usage qu’en firent certains. Le discours qui prétend refuser la Nation et la souveraineté du fait des mauvais usages qui ont pu être ne tient pas. C’est un discours moralisateur d’une rare bêtise qui confond les niveaux d’abstraction.

    De la haine de l’Etat à la haine de la démocratie.

    La souveraineté est donc un concept dont on ne peut se passer, du moins si l’on veut pouvoir penser la démocratie. L’idée qu’il puisse y avoir une démocratie qui ne soit pas souveraine est une profonde absurdité. Et c’est peut-être là le cœur du débat. En fait, tant à droite qu’à gauche, il y a pour le moins une gêne quand ce n’est pas un déni, voir une haine, pour la démocratie.

    À gauche, on peut retracer cela au biais à la fois libertaire au sens strict du terme et libéral que l’on trouve chez Marx. Marx ne récuse pas la lutte politique pour la démocratie, qui pourtant ne vise que les formes institutionnelles, la “communauté illusoire” pour reprendre ses propres termes. Mais, il soumet cette lutte à l’émancipation générale des travailleurs, qui seule est supposée capable de lui donner sens et à laquelle elle doit donc être entièrement subordonnée. Ceci permet de comprendre pourquoi la démocratie apparaît bien souvent comme un élément secondaire, on dirait aujourd’hui par défaut, des raisonnements qui se réclament de Marx. Dans une société sans classes, les acteurs ayant un accès direct, non médiatisé, avec la réalité, le besoin en organisations séparées de la société disparaît. On connaît la formule: dès lors, l’État dépérit. Dès lors, un des rares auteurs marxistes à s’être spécialisé sur le droit, Pachukanis, pouvait affirmer que, sous le communisme, il n’y aurait plus de réglementations légales mais uniquement des réglementations techniques[4].

    Henri Maler, dans un ouvrage qui n’a pas reçu l’accueil qu’il aurait dû, montre qu’il y a chez Marx en réalité une multiplicité de modèles du dépérissement de l’État. Au fur et à mesure de l’approfondissement de son analyse; ces modèles sont constamment rectifiés, amendés et modifiés, sans qu’il soit néanmoins possible de les débarrasser de toutes leurs ambiguïtés[5]. Très concrètement, d’ailleurs, quand des marxistes, ou des courants inspirés par certaines lectures du marxisme, sont arrivés au pouvoir, ils n’ont pas su penser la construction et la modernisation de l’État, et il n’ont pas su, ou pu, penser l’architecture qui va de la souveraineté à la légitimité. Lénine lui-même, à la veille de prendre le pouvoir, croyait qu’il était possible de passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses. L’utopisme de Marx est ici aggravé par le scientisme d’Engels, qui conduit à penser le passage de la nécessité à la liberté comme simple application de lois de la société qui pourraient être consciemment mises en oeuvre[6]. Aussi, le problème central du soviétisme n’était pas un étatisme exacerbé comme on le croit souvent, mais au contraire un sous-développement de l’État dont la construction s’est faite en réalité de manière incohérente, non maîtrisée et souvent par le biais de réemplois de méthodes archaïques[7]. La question fondamentale que pose la démarche de Marx n’est pas la critique des illusions de la neutralité de l’État, ou du caractère illusoire de la représentation d’une communauté nationale qui serait dépourvue de conflits, visions qui sont celles des courants démocratiques de la première moitié du XIXè siècle contre lesquels il propose sa théorie du communisme[8]. Cette critique est juste, et reste opératoire. Ce qui pose problème est d’une part qu’elle ne puisse penser la communauté nationale comme un ensemble stabilisé de conflits et qu’elle nous propose aussi une critique de l’État à partir d’une utopie, celle de la société sans classe, transparente au yeux de ses propres acteurs car dénuée de fétichisme. Cette utopie est par ailleurs parfaitement congruente avec l’utopie libérale issue de la tradition néoclassique[9]. Ceci peut alors conduire, si on n’y prend garde, à une naturalisation de fait de l’économie et de la société. En fait, la lecture d’un conflit réel à l’aune d’une hypothétique société sans conflits ne fait que répéter le refus de l’hétérogénéité, en en repoussant certes les effets les plus pervers dans le temps, mais sans les effacer. Il est frappant que Marx soit obligé d’invoquer une société homogène future pour analyser la société existante. Cette méthode mine profondément sur un point important, la question de la démocratie dans les sociétés hétérogènes, le raisonnement marxien. Et c’est bien ce qui explique la virulence de certaines personnes qui se disent « de gauche » dès que l’on aborde les questions de la Souveraineté et de la Nation[10]. Ce que révèle un tel texte est que des militants que l’on considère de gauche, voire d’extrême-gauche, sont incapables de penser les prérequis de la démocratie.

    À droite, on trouve aussi, et c’est même plus étonnant, cette répulsion envers la souveraineté. Elle est le fait de courants libéraux, prisonnier de l’individualisme méthodologie et de l’atomisme de leurs conceptions. Elle vient d’une méfiance instinctive envers le pouvoir des « multitudes », qui conduit à des positions qui sont profondément antidémocratiques. Cette méfiance se retrouve dans l’héritage théorique laissé par F.A. Hayek et rejoint un des fondements du libéralisme politique, de Benjamin Constant à nos jours. Cette méfiance se concrétise aujourd’hui, dans le domaine économique, par une tendance à établir l’indépendance des agences gouvernementales vis-à-vis des institutions politiques. Le cas des Banques Centrales est ici l’exemple contemporain le plus évident; il est loin cependant d’être le seul. Aujourd’hui, ces positions prennent la forme des Constitution économique, ou du gouvernement par des règles techniques (et par ceux qui les ont conçues) et non par la politique. Ceci est aujourd’hui l’archétype des institutions internationales de régulation que l’on cherche à construire, en particulier au sein de l’Union européenne. L’espace de la discussion publique ne peut plus, dès lors que s’organiser autour de deux pôles. Le premier est technique, dévolu aux experts; c’est celui de l’interprétation des arrêts rendus par le marché, c’est celui de l’exégèse des lois naturelles de l’économie. Le deuxième est moral; c’est celui de la compassion que l’on éprouve face aux conséquences de ces lois. Cette compassion devient d’autant plus forte, d’autant plus impérative, que nous intériorisons l’idée qu’il serait aussi vain qu’absurde de s’opposer à de telles lois. C’est ce pôle vers lequel convergent les politiques, ne pouvant revêtir la figure de l’expertise, et les professionnels médiatiques de la posture moralisatrice. On est bien proche de Hayek, et de sa volonté de “détrôner le politique”[11]. Ceci explique sans doute pourquoi nombre de penseurs nourris du marxisme très particulier qui circulait en URSS et dans les pays du bloc soviétique, ont pu se rallier aussi facilement aux thèses ultra-libérales de Hayek. De même, on peut comprendre comment certains anciens marxistes, et en particuliers ceux qui ont entretenu avec la pensée de Marx les rapports les plus dogmatiques, et ils sont légions en France, se sont si aisément convertis aux idées libérales.

    Jacques Sapir (RussEurope, 4 juillet 2014)

     

    Notes :

    [2] Lepetit B., “Histoire des pratiques, pratique de l’histoire” in B. Lepetit (sous la direction de) Les formes de l’expérience, Albin Michel, Paris, 1995, pp. 9-22

    [3] Lepetit B., “Le présent de l’histoire”, in B. Lepetit, (sous la direction de), Les formes de l’expérience, op.cit., pp. 273-298, p. 282.

    [4] E.B. Pashukanis, Law and Marxism, a General Theory, Ink Links, Londres, 1978.

    [5] H. Maler, Convoiter l’Impossible, Albin Michel, Paris, 1995.

    [6] H. Maler, Convoiter l’Impossible , op.cit..

    [7] M. Lewin, La Grande Mutation Soviétique, La Découverte, Paris, 1989. T. McDaniel, Autocracy, Modernization and Revolution in Russia and Iran, Princeton University Press, Princeton, NJ., 1991. J. Sapir, “Penser l’expérience soviétique”, in J. Sapir, (ed), Retour sur l’URSS – Économie, société, histoire , L’Harmattan, Paris, 1997, pp. 9-44; Idem, Le Chaos Russe , La Découverte, Paris, 1996.

    [8] Voir J. Torrance, Karl Marx’s Theory of Ideas , Cambridge University Press et Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, Cambridge-Paris, 1995.

    [9] Voir Sapir, J. Les trous noirs de la science économique – Essai sur l’impossibilité de penser le temps et l’argent, Albin Michel, Paris, 2000.

    [10] Azam G. et alii « La démondialisation, un concept simpliste et dangereux », sur Médiapart, 6 juin 2011, URL : http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/060611/la-demondialisation-un-concept-superficiel-et-s . Ce texte est une réponse aux idées avancées dans un de mes ouvrages, Sapir J. La Démondialisation, Le Seuil, Paris, 2011.

    [11] Bellamy R., “Dethroning Politics: Liberalism, Constitutionalism and Democracy in the Thought of F.A. Hayek”, in British Journal of Political science, vol. 24, part. 4, Octobre 1994, pp. 419-441

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