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Points de vue - Page 268

  • Ebola et notre inconscience...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur le site Europe solidaire et consacré à la menace mondiale que fait peser l'épidémie de fièvre Ebola en raison de l'importance des mouvements de populations par voie aérienne, notamment.

     

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    Ebola et notre inconscience

    Sans avoir encore explosé aussi exponentiellement que ne le prévoyaient certains modèles (que nous avions précédemment cités dans nos article) l'épidémie d'Ebola se développe rapidement et pourrait très bien atteindre non seulement l'ensemble des pays dits pauvres, mais aussi à un moindre degré (voire peut-être à un degré voisin) les pays dits riches, Europe, Etats-Unis notamment.

    Il en est de même des taux de mortalité. Loin de s'atténuer, comme lors des précédentes épidémies d'Ebola, ils paraissent s'accroitre. Les statistiques venant des pays actuellement touchés minorent sans doute d'ailleurs la réalité, tant en ce qui concerne les cas que les décès, compte tenu de la difficulté d'identifier ce qui se passe en brousse, comme dans les bidonvilles des mégapoles africaines où le virus se répand actuellement.

    La communauté internationale, selon l'expression classique, n'a manifestement pas pris conscience de l'ampleur et des taux de progression de l'épidémie. Ceci tient à diverses raisons: la croyance (fausse) que le virus resterait confiné dans les pays pauvres, des croyances également fausses concernant la contagiosité, laquelle paraît plus grande qu'il n'est dit généralement, d'autres illusions, relatives aux capacités de réaction rapide des institutions sanitaires.

    Il apparaît ainsi de plus en plus évident que les autorités politiques et de santé ne sont pas suffisamment informées et averties pour prévoir les grands changements systémiques que l'humanité devra dorénavant affronter. Ces changements découleront de phénomènes désormais irréversibles comme le réchauffement climatique et la destruction des écosystèmes. Il serait ainsi tout à fait probable que si une grande majorité d'espèces vivantes complexes disparaissaient dans le siècle ou le demi-siècle, des espèces moins complexes mais tout à fait bien organisées pour faire face prendraient le relais. Ce serait le cas des virus et microbes. Ou bien ceux déjà existants muteraient pour profiter des nouveaux espaces à eux ouverts, ou bien de nouvelles espèces mieux organisées émergeraient, la nature ayant horreur du vide. Il faudra aussi tenir compte du fait que si les sociétés humaines s'appauvrissaient à l'occasion de ces changements, les taux de natalité pourraient continuer à croître à court terme, aggravant les problèmes rencontrés par les adultes survivants.

    Plus immédiatement, les observateurs considèrent qu'Ebola est le fruit de la « croissance » croissance elle-même incontrôlable. De la forêt où le virus restait confiné chez certaines chauves-souris ou primates, il s'étendra dorénavant sans limites aujourd'hui perceptibles à l'ensemble des continents, du fait de la densité des transports aériens et de la multiplication des mégapoles où devraient résider prochainement, selon les prévisions, au moins les trois quarts des humains. La Chine et l'Inde, à cet égard, auront des soucis à se faire.

    Nous ne pouvons prétendre traiter d'aussi graves problèmes dans un simple article. Abordons cependant quelques points qui sont à l'ordre du jour, complétant ce qui avait été indiqué dans nos articles précédents. Le lecteur voulant approfondir le sujet trouvera sur le web anglophone toutes les informations nécessaires.

    La contagiosité

    Sans évidemment être virologue ou épidémiologue, mais en faisant appel au simple bon sens, nous ne comprenons pas comment les pays destinataires des vols en provenance de l'Afrique, comme plus généralement les pays recevant des voyageurs provenant de zones infectées, puissent se rassurer en affirmant que la détection des températures ( à condition d'ailleurs qu'elle soit bien faite) suffirait à identifier les malades contagieux. Il est dit que la contagiosité ne se produirait pas avant les premier symptômes, dont celui de la fièvre. A supposer que ceci soit vrai et le demeure, comme l'on sait que ces symptômes, notamment la fièvre, n'apparaissent que quelques jours après la contamination, le risque est grand de voir des voyageurs déjà contaminés mais non encore symptomatiques pénétrer sur le territoire, sans être détectés par les filtres aux frontières.

    Si ensuite, ces personnes, ou des personnes avec lesquelles elles auront été en contact, manifestent des symptômes identifiés comme ceux d'Ebola, elles auront eu le temps, avant d'être mises en isolement , de contaminer des dizaines d'autres contacts. On ne pourra pas en effet considérer que les millions de personnes atteintes de grippes ou d'entérites, fréquentes en cette saison, devraient passer des tests ou être isolées. Lorsque le virus sera installé, même faiblement, dans les pays jusqu'alors indemnes, le prédiagnostic, consistant à demander si le sujet provient d'un pays africain contaminé, ne sera plus applicable. Faudra-t-il alors faire passer des tests approfondis à tous les grippés, afin de séparer les faux-positifs des positifs? Le système de santé sera vite débordé, non seulement par le nombre des malades déclarés, mais par la nécessité de multiplier par prudence des milliers ou millions d'examens qui se révélerait ensuite inutiles.

    Un autre problème est désormais à l'ordre du jour, concernant la prévention de la contagiosité. Celle-ci suppose des équipements spéciaux coûteux, devant en principe être détruits rapidement après usage. Or ils commencent à manquer dans les pays infectés. Il en sera rapidement de même dans les pays menacés d'infection. Qui paiera et plus spécifiquement qui lancera les actions de production et de distribution susceptibles de pallier ces ruptures de stocks

    L'appel à l'armée

    En cas d'urgence nationale, un gouvernement pourrait considérer qu'il doive faire appel à la police ou à l'armée pour mettre un semblant d'ordre dans une situation devenue incontrôlable. Mais ce serait courir le risque de contaminer rapidement les policiers ou militaires. De plus, aussi disciplinés et dévoués que soient ces personnels, il serait compréhensible que certains d'entre refusent d'obéir à des ordres dépassant évidemment ceux auxquels ils considéraient de leur devoir d'obéir.

    Par ailleurs, comme beaucoup des Etats atteints, aujourd'hui en Afrique, verront très vite s'écrouler le peu qu'ils possédaient de structures institutionnelles, les pays riches devront-ils envoyer des troupes prétendument au secours de ces Etats en faillite. D'ores et déjà, Barack Obama, qui vient de décider l'envoi de quelques 5.000 hommes en Afrique de l'ouest, s'est fait (non sans de bonnes raisons selon nous) accuser de vouloir introduire dans ces pays la présence de l'Africa Command dont les gouvernements avaient précédemment déclaré vouloir se passer. Même s'il s'agissait de troupes sous mandat de l'ONU, elles seraient nécessairement très mal accueillies au vu des mesures de prophylaxie qu'elles seraient obligées d'imposer. Les ONG occidentales ne le seront pas mieux. Ainsi l'USAID, principale ONG américaine, est souvent à juste titre considérée comme un faux-nez de la CIA ou du Pentagone . Seule, Médecins sans frontières (MSF) semble échapper à ces critiques. Mais elle le paiera durement du fait de la mortalité qui frappera nécessairement ses volontaires.

    Vaccins et sérums

    L'appel aux vaccins, destinés à prévenir la contagion, et aux sérums, destinés à soigner des malades déjà infectés, est présenté comme la solution la plus efficace permettant de bloquer la diffusion du virus. Mais généralement ceux qui en parlent dans les médias ne se rendent pas compte des difficultés qu'il faudra résoudre, ni des obstacles pratiques qu'il faudra surmonter, pour que de tels remèdes surviennent à temps. Une course de vitesse est désormais engagée entre les recherches médicales et la diffusion du virus. Rien ne dit que l'humanité pourra la gagner, malgré les ressources de la science.

    Jusqu'à présent, le virus Ebola avait été considéré comme de diffusion locale, dans des pays dont l'état sanitaire ne mobilisait pas les grands industriels de la recherche médico-pharmaceutique (les « big Pharma », selon le jargon). Quelques recherches avaient été mollement menées au début des années 2000 à l'instigation du département américain de la défense, étudiant les risques de bio-terrorisme. Mais rien de grande ampleur n'en était sorti. A ce jour, dans la suite de ces recherches, deux vaccins comportant l'ajout de protéines d'Ebola dans un virus inoffensif, ont été annoncés.

    L'un par une petite entreprise américaine nommée Newlink Genetics ( http://newlinkgenetics.com/development-pipeline) l'autre par le géant britannique GSK. Ils semblent agir chez des macaques, mais n'ont pas encore été testés chez des humains.

    Or des tests, généralement impérativement requis dans des situations normales, paraissent en ce cas impraticables. Il faudrait selon les informations données par les experts, administrer le sérum à au moins 5000 personnes avant de placer ceux-ci dans des situations à risque. Il a été dit que les travailleurs médicaux travaillant déjà sur le terrain pourraient accepter de courir ce risque, mais cela parait improbable. Pour bien faire, ils devraient en effet accepter de ne pas se protéger. De toutes façons, le temps nécessaire à ces tests sera beaucoup trop long pour que des enseignements utiles puissent en être tirés.

    Certains spécialistes considèrent aujourd'hui que le taux de mortalité est si important qu'il faudrait sans attendre vacciner le plus grand nombre possible de personnes, soit à partir des vaccins cités ci-dessus, soit à partir d'autres souches qui seront par ailleurs présentées (La Russie vient d'annoncer pouvoir disposer de 3 vaccins expérimentaux d'ici 6 mois),. Ceci sans se préoccuper des risques. Ceux-ci ne seront pas plus élevés que ceux découlant du parti pris de ne rien faire.

    L'organisation mondiale de la Santé vient de se réunir en urgence le 5 septembre à Genève (http://www.who.int/mediacentre/events/meetings/2014/ebola-interventions/en/). Il y a été dit que pour bloquer l'épidémie, face au million de cas prévu à la fin de l'année, il faudrait plusieurs milliers de doses de vaccins (non testés) à cette date pour commencer à agir. En fait, il en faudrait plusieurs millions, davantage encore si l'on voulait vacciner des populations non encore en risque immédiat.

    Or, il ne suffit pas de décider d'une telle politique pour qu'elle devienne immédiatement applicable, ceci dans les délais de quelques semaines qui seraient nécessaires. Les grosses firmes pharmaceutiques, même abondamment subventionnées, ne pourraient pas fabriquer en temps utile les doses nécessaires. Si elles le pouvaient, manquerait alors le personnel de santé, ou les civils formés à cette fin, nécessaires aux opérations de vaccination sur le terrain. Et que se passerait-il si les vaccins utilisés, comme certains anti-rétroviraux auxquels on pense par ailleurs, se révélaient finalement sans action. Et que se passerait-il si le virus mutait dans l'intervalle, en acquérant davantage de virulence, au lieu d'en perdre comme il avait semblé le faire lors des épidémies précédentes.

    Alors ne survivrait qu'une petite moitié de l'humanité, faite d'individu semblables à ceux qui, pour des raisons encore inconnues, survivent d'ores et déjà à l'infection. On voit que les économistes, qui pour le moment ne s'inquiètent que des pertes commerciales en provenance d'Etats africains de plus en plus paralysés par l'Ebola, sont loin du compte.

    Jean Paul Baquiast (Europe solidaire, 12 octobre 2014)

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  • « François Hollande s’est délibérément placé sous commandement américain »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'engagement de la France dans la guerre contre l'Etat islamique d'Irak et du Levant...

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    « François Hollande s’est délibérément placé sous commandement américain »

    La France a participé à la première guerre du Golfe, refusé de s’engager dans la deuxième, et se retrouve maintenant à bombarder les positions de l’État islamique en Irak. Incohérence ?

    Alain Marsaud, ancien juge antiterroriste, dénonce une grave « erreur ». Dominique de Villepin parle d’une intervention « absurde et dangereuse ». « La France n’a pas à caracoler au premier rang », a dit Jean-Pierre Chevènement. Ils ont raison. En décidant de bombarder l’Irak, mettant ainsi l’opinion devant le fait accompli, François Hollande s’est délibérément placé sous commandement américain pour engager la France dans un nouveau bourbier. Il s’est lancé dans une guerre dont la France n’a pas les moyens, avec des forces armées déjà engagées sur trois autres théâtres d’opérations (Mali, Centrafrique, Afghanistan), et de surcroît rendues exsangues par les coupes budgétaires, contre un ennemi mal défini, pour une durée indéterminée (au minimum trois ans, disent les Américains), guerre qui menace de s’étendre à tout le Proche-Orient, et dans laquelle les intérêts de la France ne sont pas en jeu (la lutte contre le terrorisme passe d’abord par la sécurité intérieure).

    Le pire, c’est qu’il n’y a aucune vision derrière ce choix. Ni vision stratégique ni vision politique, seulement le souci de détourner l’attention des problèmes intérieurs en se livrant à un nouvel exercice de reptation pour complaire au calife Obama, tout en prônant « l’unité nationale », argument mystificateur par excellence (« l’Union sacrée » de 1914 l’était déjà). Le seul résultat est de faire de notre pays la cible n° 1 des djihadistes de l’État islamique. La première victime en a été le malheureux Hervé Gourdel, dont on se garde de signaler que les (presque) derniers mots, prononcés quelques instants avant d’être décapité, ont été les suivants : « Hollande, tu as trop suivi Obama. »

    La « coalition internationale » visant à intervenir contre les combattants de l’État islamique semble se réduire comme peau de chagrin. Votre analyse ?

    Les Américains veulent aujourd’hui qu’on les aide à éponger les dégâts qu’ils ont causés. Ils appellent leurs vassaux à stopper un Golem qu’ils ont eux-mêmes créé, avec l’espoir de revenir comme force de libération dans un pays qu’ils avaient quitté comme force d’occupation après l’avoir saigné à blanc (un million et demi de morts). Pour quels résultats ? La Turquie, qui ne veut pas voir le Kurdistan devenir un État indépendant, a d’abord refusé de rejoindre la « coalition », alors même qu’elle est membre de l’OTAN. L’Égypte et les États du Maghreb étaient absents de la « Conférence sur la paix et la sécurité en Irak » tenue le 15 septembre à Paris. À l’exception de la Jordanie, tous les pays arabes se tiennent plus ou moins en retrait. Les pays européens traînent eux-mêmes les pieds pour s’associer aux Etats-Unis. On veut, par ailleurs, frapper les terroristes de l’EI tout en soutenant l’opposition à Bachar el-Assad, et en tenant à l’écart la Russie et l’Iran, alors que ces deux pays sont indispensables dans la guerre contre le djihadisme. Là est l’incohérence.

    La France a prétendu limiter ses frappes à l’Irak. Comme cela serait-il possible, puisque les bases arrière de l’EI se trouvent dans l’est de la Syrie ? Les États-Unis ont, d’ailleurs, déjà commencé à bombarder ce pays, en violation flagrante du droit international. À Paris comme à Washington, on assure aussi qu’on n’enverra pas de troupes au sol. Qui peut le croire ? Comme l’a dit Michel Goya, « des frappes aériennes seules n’ont jamais vaincu personne ». Alors qui fera le travail ? L’armée irakienne ? Les Américains ont essayé de la reconstituer entre 2003 et 2011, mais face aux combattants de l’EI, elle s’est débandée en trois mois.

    Quid de l’ennemi ?

    Dans l’expression « État islamique », désormais « Daech », le premier terme est encore plus problématique que le second, puisqu’il ne s’agit ni d’un État, ni d’un gouvernement, ni même d’une organisation, mais d’un ensemble de réseaux dissidents d’Al-Qaïda, comprenant en leur sein plusieurs milliers de combattants étrangers, non seulement des Européens, mais aussi des Libyens, des Saoudiens, des Tchétchènes et des Chinois musulmans (Ouïghours).

    De cet État islamique, Laurent Fabius dit qu’il « n’est mû que par la haine ». Cela peut faire plaisir à entendre, mais quand on a dit cela, on n’a encore rien dit. Toute guerre qui se veut moralement « juste » vise à déshumaniser ses adversaires, rendant ainsi légitime le recours à tous les moyens contre eux. Quand on prétend se battre au nom de l’humanité, on ne peut que placer ses ennemis hors humanité. Il n’est, dès lors, plus seulement question de les vaincre, mais de les « éradiquer », à la façon dont le Bien doit triompher du Mal. Les terroristes sont aujourd’hui l’équivalent moderne de ce qu’étaient autrefois les pirates : des hors-la-loi. Le problème, c’est que du même coup, on perd de vue le sens politique de la guerre. Or, c’est bien un problème politique qu’il s’agit de régler. Quels sont les objectifs politiques de cette guerre ? Et en quoi correspondent-ils aux intérêts français ? Aucune réponse à ces questions n’a, pour l’instant, été donnée.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 28 septembre 2014)

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  • "La Turquie est décidément bien loin de l'Europe"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 9 octobre 2014 et consacrée à la Turquie et à sa politique décomplexée de puissance islamique...

     


    Éric Zemmour : "La Turquie est décidément bien... par rtl-fr

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  • L'esthétisme - contribution à l'identification de la problématique politique à venir...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques-Yves Rossignol, cueilli sur Scriptoblog et consacré à la question de l'esthétique mortifère de l'art contemporain...

     

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    L'esthétisme - contribution à l'identification de la problématique politique à venir

    L'une des réalités massives de ce temps, c'est sans aucun doute l'effort consenti pour mettre la culture en général, et l'art en particulier, à la portée de tous, à la disposition de chacun.

    C'est un fait d'observation qu'expositions, festivals, revues d'art, galeries, abondent, pullulent, surabondent. C'est un autre fait d'observation que le milieu qui produit de l'art constitue un monde relativement autonome, relativement réservé, et très fortement hiérarchisé. On a donc, grosso-modo, une double coupure, d'une part entre les producteurs d'art et les connaisseurs ("les artistes", "les critiques") et les simples consommateurs ("le public"), d'autre part entre les producteurs d'art peu valorisés ou dévalorisés ("les ringards", "les ploucs") et les producteurs d'art fortement valorisés ("les branchés", "les artistes" proprement dits).

    La grande presse, les médias en général nous convaincraient volontiers que le "public" répond positivement à cette mise à disposition de l'art, de l'art branché évidemment, de l'art proprement dit, l'art des ringards et des ploucs servants de repoussoir aux véritables artistes, au même titre que les danses folkloriques et populaires par exemple. On doit cependant remarquer qu'au-delà du cercle des connaisseurs et des amateurs, désormais considérable il est vrai, ce n'est qu'après une sorte de "dressage" et de "conversion" à l'art véritable que le public se précipite "spontanément" vers les expositions, les rétrospectives et les foires d'art contemporain. ll faut alors creuser ceci et considérer que l'effort de dressage et de conversion du public à l'art véritable est considérable. Toute une flopée d'intermédiaires, eux même solidement convertis bien sûr, va assurer auprès du "public" une action d'inculcation de la croyance en l'art des artistes : journalistes plus ou moins spécialisés, rédacteurs de livres de vulgarisation, enseignants de tous niveaux, animateurs de musées. Tout cela est très bien fait, avec beaucoup de conviction et de crédulité chez les convertis et beaucoup de financement de la part des commanditaires et ce qui devient alors très difficile, c'est de garder une distance critique face au flux de discours des pédagogues de l'art véritable.

    Malgré tout, "çà" ne prend pas absolument partout, et il y a encore bien des "petites gens" pour affirmer que l'art d'aujourd'hui "c'est n'importe quoi", que "ça ne veut rien dire", que "leur petite sœur en ferait autant", réactions dérisoires, réactions cependant. Le peuple, les "braves gens" semblent en tous cas profondément rétifs à la vénération des véritables artistes et de leurs œuvres, contrairement aux "petits bourgeois culturels" qui sont toujours prêts à suivre ce qui est dans l'air du temps quels qu'en soient les tenants et les aboutissants et qui craignent par-dessus tout de rater quelque chose qui les aiderait à monter sur "l'échelle sociale". Cette résistance implicite et malheureuse du petit peuple à l'art contemporain, il va falloir l'expliquer.

    C'est désormais avec toute l'approbation et tout le soutien des pouvoirs financiers qui se mettent en place, c'est à dire en dernière instance avec l'approbation et le soutien du mondialisme le plus exacerbé et le plus aveugle (qui ose tenter de projeter sérieusement où il mène ?) que certains artistes prétendants sont intronisés artistes véritables.

    C'est plus précisément uniquement grâce au soutien du "mondialisme financier" que les artistes qui comptent, dans le monde de l'art, vivent, et plutôt bien, de leur art qui devient l'art qui compte, simplement parce qu'il devient le seul art en position de se présenter comme tel, parce qu'il est le seul produit par des artistes qui comptent, le contenu de leurs enveloppes. C'est très simple et cela devient évident lorsque l'on se documente un tout petit peu sur le marché de l'art, les subventions, le mécénat. Le mondialisme qui s'installe ne contrôle pas seulement le monde de l'information, il contrôle aussi très largement le monde de l'art, et l'on pose ici que ce dernier contrôle est beaucoup plus inquiétant que le premier pour l'avenir de la pensée.

    En tous cas, lorsqu'un artiste est ainsi révélé par les financiers et les critiques d'art associés, son nom et son œuvre ne tardent pas à être diffusés jusqu'au fond de nos provinces, grâce à la diligence des pédagogues de toutes sortes déjà évoqués, Les "nouveaux bourgeois" boivent, ou gobent avec délectation, les "nouveaux petits bourgeois" se précipitent pour ne rien rater, le peuple renâcle. Etrange chaîne idéologique. Reste donc à dominer ce processus par la pensée et à refuser de se laisser piéger par l'idéologie de l'art essentiellement respectable quelles qu'en soient les implications éthiques et politiques.

    Lorsque l'on considère l'ensemble des œuvres d'art, des œuvres esthétiques produites, valorisées et diffusées par la "nouvelle bourgeoisie" (et il s'agit bien d'œuvres d'art, mais d'œuvres d'art "néo-bourgeoises", et c'est là le spécifique), on ne peut manquer de remarquer qu'elles introduisent toutes à une même disposition affective. Cette disposition affective, la notion de cynisme l'évoque assez bien. Mais il faut tenter d'être plus précis et plus spécifique et dire qu'il s'agit exactement d'acquérir, à travers l'art contemporain, une anesthésie affective, une distanciation morale, une capacité à regarder la souffrance et le malheur d'autrui sans velléité d'intervention. Ce regard glacé et distancié sur les pauvres, les faibles, les sans défense est la disposition affective profonde requise par le mondialisme et c'est à travers l'art contemporain qu'elle se diffuse et s'impose jusqu'à passer pour naturelle et constitutive de l'homme accompli.

    Les spécialistes de la modernité, ce que l'auteur de ces lignes n'est pas, parviennent à distinguer, semble-t-il, parmi les petits cyniques glacés et incultes qui peuplent désormais nos villes "les rebelles", "les branchés", "les artistes" et enfin, au sommet sans doute, "les créateurs". On posera l'hypothèse que ces catégories ne sont pas très rigoureuses, se chevauchent souvent et qu'il n'est pas rare de passer de l'une à l'autre par un petit effort supplémentaire de glaciation mentale ou, à l'inverse, par un relâchement regrettable du devoir d'inhumanité constitutif de l'identité mondialiste-esthétisante en cours de maturation. Un publiciste vaguement anarchiste, aventurier discutable mais véritable esprit libre, avait eu au moins, à l'aube du vingtième siècle, une pensée fulgurante : "Dans les rues, on ne verra bientôt plus que des artistes et on aura toutes les peines du monde pour y trouver un homme."

    On a refoulé les inquiétudes de quelques écrivains qui, à la naissance du cinéma, avaient perçu la catastrophe qu'il pouvait induire, en ses usages les plus vulgaires, dans l'ordre mental : participation immédiate sans recul et réflexion, rythme imposé mécaniquement interdisant toute hiérarchisation et totalisation des affects, réalisme brutal s'opposant à toute distanciation et stylisation critiques chez le concepteur et donc à toute pensée élaborée chez le récepteur. Or c'est le cinéma le plus platement réaliste et bavard qui est passé au statut d'art majeur de ce temps. Mais ce n'est que par un usage idéologique du langage que l'on peut subsumer sous une même catégorie (l' "art") le travail de pensée et de stylisation d'un grand poète et le travail de mise en images réaliste d'un "scénario" par une "équipe" de "tournage" inculte. Pourquoi alors entretenir cette confusion entre l'art poétique, transmuant la réalité en un niveau supérieur de pensée, et les mises en boîte cinématographiques les plus opposées à l'exercice des facultés mentales supérieures ? Mais parce que le cinéma (nous voulons dire le cinéma réalistique et bavard, harassant le rêve et l'imagination) est l'industrie, qui a permis d'introduire progressivement et insidieusement la morale exigée par le mondialisme esthétisant et dont on a esquissé la description plus haut. Description que l'on peut compléter quelque peu en posant que l'esthétique néo-capitaliste habitue en permanence, et d'ailleurs dès la moins tendre enfance, à constituer la souffrance et le malheur des faibles (pauvres, malades et estropiés non néo-bourgeois, animaux) en spectacle. Cette morale, c'est celle, on l'a compris, de la bourgeoisie que l'on persiste à dire bohème et qu'il faudrait dire schizoïde glacée.

    Les fonctions de cet apprentissage de l'anesthésie affective, de cette formation à la cruauté froide sont alors évidentes : il s'agit d'interdire la naissance et le développement de liens de solidarité dans le peuple, de transformer le peuple en une masse d'individus hargneux, méchants voire sadiques envers leurs compagnons d'hier. Ces individus ainsi atomisés, sans attaches, sauf aux doctrines de plus en plus cyniques diffusées successivement par le marché mondial deviennent alors de parfaites machines consommatoires, qui ont en outre l'avantage de contribuer efficacement et gratuitement, par simple non intervention, à l'extermination des ultimes résistances à l'arasement mondialiste. Lorsqu'il contribue, de très loin, à l'expulsion d'un pauvre, ou lorsqu'il jette un regard furtif à un vagabond qu'il ne secouera pas, le néo-bourgeois peut alors, lui aussi, pour quelques instants seulement mais en pleine connivence avec les créateurs contemporains, se sentir habité par une âme d'artiste.

    Jacques-Yves Rossignol (Scriptoblog, 08 octobre 2014)

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  • Zemmour, Vichy et Léa Salamé...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un extrait de l'émission On n'est pas couché, diffusée le 4 octobre 2014 sur France 2 et dont l'invité était Eric Zemmour. Interrogé par la journaliste franco-libanaise Léa Salamé, sur un chapitre consacré à Vichy dans son dernier livre , Le suicide français (Albin Michel, 2014), Eric Zemmour fait face à la meute avec aplomb...

    Vous pouvez également découvrir ci-dessous des liens vers deux articles de l'historien Alain Michel, que cite Eric Zemmour au cours du débat :

    Rafle du Vel d'hiv : les sept erreurs de François Hollande

    Quand la mémoire klarsfeldienne piétine l'histoire

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  • Néo fachos et gauchos réacs...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un texte offensif de Jean-Paul Brighelli, qui sur son site de Bonnet d'âne, intervient dans la polémique sur la gauche réac...

    Professeur en classes préparatoires, défenseur de l'élitisme républicain, Jean-Paul Brighelli est l'auteur, notamment, de nombreux essais sur le système éducatif, comme La fabrique du crétin : la mort programmée de l'école (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et dernièrement Tableau noir (Hugo et Cie, 2014). Il est également l'auteur de La société pornographique (Bourin, 2012).

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    Néo fachos et gauchos réacs

    « Michel Onfray, fils naturel de Jean-Paul Brighelli et de Farida Belghoul ? » se demande Sandrine Chesnel dans l’Express
    Primo, démentons : Onfray a ses propres parents, qui lui suffisent — et justement, tout est parti de là, depuis trois semaines que l’auteur du Traité d’athéologie est vilipendé par la gauche bien-pensante (pléonasme !).
    Il n’est pas le seul : Véronique Soulé, dans Libé, dresse une première liste de proscription : « Qu’y a-t-il de commun entre Alain Bentolila (linguiste), Jean-Paul Brighelli (professeur) et Michel Onfray (philosophe) ? Réponse: ils trouvent que l’école française n’est plus ce qu’elle était, qu’au lieu d’apprendre à lire et à écrire, elle enseigne des choses ridicules aux élèves – du genre «théorie du genre» – et que tout ça est dû à Mai 1968. Pour ceux qui n’ont déjà pas le moral, mieux vaut s’abstenir. Pour ceux qui chercheraient un débat d’idées, idem. » Mais déjà le 20 septembre [2012] Renaud Dély, dans l’Obs, dressait la liste des « Nouveaux fachos » et de leurs amis : Elisabeth Lévy, Alain Finkielkraut, Eric Zemmour et Richard Millet, mis en contiguïté intellectuelle de Patrick Buisson et de Robert Ménard, sans oublier Marc-Edouard Nabe, Alain Soral et Renaud Camus — « une amicale brune », dit finement le journaliste, qui m’a rappelé ces temps déjà lointain où l’ineffable Frakowiack me reprochait de « penser brun ». Et le 3 octobre, dans le Figaro, Alexandre Devecchio en proposait une autre : « Onfray, Guilluy, Michéa : la gauche réac ? demandait-il. Comment ? ET Natacha Polony ? Laurence de Cock, qui gère Aggiornamento, le site d’Histoire-Géographie où se con/gratule la bien-pensance, a bien voulu la mettre dans le même sac que moi. Qu’elle en soit remerciée, j’en rêvais, effectivement.
    De l’ouvrage de Bentolila, j’ai déjà tout dit sur le Point.fr — et de l’excellent petit livre de géographie pratique de Guilluy, aussi. Sur Finkielkraut, j’avais exprimé ici-même tout ce que m’inspirait la campagne répugnante des belles âmes au moment de son élection à l’Académie française.
    Et pour ce qui est d’Onfray, tout est parti d’un tweet ravageur et d’une interview non moins enlevée sur France Inter à propos de son dernier livre où il feint de s’apercevoir que le Divin marquis malmenait les demoiselles (et s’en faisait malmener : voir son escapade à Marseille en juin 1772). Qu’a-t-il dit de si choquant ce jour-là ? « On apprenait à lire, à écrire, à compter et à penser, dans l’école républicaine. Ce n’est plus le cas. Le gamin d’aujourd’hui qui est fils d’ouvrier agricole et de femme de ménage, il ne s’en sortira pas avec l’école telle qu’elle fonctionne, parce que c’est une école qui a décidé qu’il était réactionnaire d’apprendre à lire, à écrire, à compter, etc. »
    Et cela a suffi à en faire mon fils naturel (j’ai commencé tôt, visiblement, Onfray n’a jamais que six ans de moins que moi). Pourtant, comme le dit avec un soupçon de franchise Véronique Soulé à la fin de son article, « il n’a pas vraiment tort » d’affirmer que « les enfants de pauvres font les frais de l’effondrement du système d’instruction et d’éducation français. Pour les autres, les parents se substituent à l’école défaillante ».

    Je suis très honoré d’être associé parfois à de grands noms de la pensée contemporaine par les tenants de l’orthodoxie hollandiste (ça existe donc) qui à force d’exclure à droite et à gauche vont se retrouver très seuls. Il fut un temps où, de Zola à Sartre en passant par Bernanos ou Camus, une certaine idée de la contestation pouvait être revendiquée par la Gauche. Mais la Gauche de Jaurès et de Blum, le Parti communiste d’Aragon, ont-ils encore quelque chose à voir avec les néo-libéraux qui s’agitent à l’Elysée, à Libé, au Monde et au Nouvel Obs ? L’idée que Jean Zay se faisait de l’Ecole a-t-elle quelque chose à voir avec celle de Philippe Meirieu ou de Najat Vallaud-Belkacem ?
    Il faut le dire et le redire : les socialistes de salon, de hasard et de bazar, les bobos du Marais et d’ailleurs, les pédagos du SGEN, du SE-UNSA et d’EELV, les antiracistes de profession, qui refusent de voir que la stratégie de Terra Nova en 2012 pour récupérer le vote des enfants d’immigrés impliquait le déni de ce qui se passe effectivement à Marseille ou à Saint-Denis, tous sont les fourriers du FN, les idiots utiles de Marine Le Pen. Parce que c’est prioritairement le peuple qui souffre qui pâtit de leur bonne conscience. Les enfants les plus démunis, comme le dit bien Onfray (« On apprenait à lire, à écrire, à compter et à penser, dans l’école républicaine. Ce n’est plus le cas. Le gamin d’aujourd’hui qui est fils d’ouvrier agricole et de femme de ménage, il ne s’en sortira pas avec l’école telle qu’elle fonctionne, parce que c’est une école qui a décidé qu’il était réactionnaire d’apprendre à lire, à écrire, à compter, etc. ») n’ont plus d’autre espoir que de confirmer les prédictions de Bourdieu : il est venu enfin, le temps des héritiers ! Grâce aux sociologues de gauche (autre pléonasme) qui n’ont eu de cesse, en dénonçant le sort fait aux plus pauvres, d’inventer des dispositifs qui enfermaient dans des ghettos scolaires les victimes des ghettos sociaux. Vous leur laissez l’espoir de s’inscrire en ZEP, pendant que vos propres enfants s’épanouissent à Henri-IV ? Eh bien, ils vont se venger et vous le faire savoir — dans la rue peut-être, dans les urnes certainement. Sur les 35% de ceux qui votent et qui voteront pour Marine, et qui constitueront 52% du second tour en 2017, combien le font et le feront par désespoir de voir leurs enfants confinés dans des réserves, au sens indien du terme ? Oui, Meirieu et ses amis — et il lui en reste, la démence pédagogique étant fort bien partagée dans l’Education nationale — sont directement responsables du glissement à l’extrême-droite de tous ceux — des millions — qui ont cru à l’ascenseur social et n’ont même plus d’escalier.
    Alors, persistez à vilipender les uns, parce qu’ils seraient néo-fachos, et à vous moquer des autres, parce qu’ils seraient gaucho-réacs. Quand vous ferez le tri, vous verrez qu’il ne reste personne, rien que vous et vos amis — les misérables 12% qui ont encore un intérêt à voter pour Hollande en 2017, et qui n’auront plus que leurs yeux pour pleurer, après le second tour — juste avant que l’on vous demande des comptes. Vous récusez l’intelligence, et vous avez raison : vu ce que vous êtes, elle est la suprême insulte.

    Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 4 octobre 2014)

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