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Points de vue - Page 264

  • Nos amies les féministes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue percutant de Sylvain Pérignon, cueilli sur le site du Cercle Aristote et consacré aux féministes...

     

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    Nos amies les féministes

    Guide pour devenir le collabo docile de la pensée officielle

    Tu es français, blanc, mâle, hétéro, de culture gréco-latine et de sensibilité chrétienne. C’est déjà un acte d’accusation et avec un pareil dossier, tu as intérêt à te faire tout petit. Tu ne fais partie d’aucune franc-maçonnerie, d’aucune nomenklatura, d’aucune caste surprotégée, d’aucune minorité souffrante et tes identités se veulent discrètes. Détestant l’exhibitionnisme idéologique, tu es plutôt « majorité silencieuse » sur bien des sujets.

    Tu es contre la guerre, la famine, le viol, la torture, l’esclavage et le travail des enfants au fond des mines, mais tu n’éprouves pas le besoin de le clamer sur tous les toits et de faire admirer  tes postures.

    Dans l’isoloir, tu essayes de voter pour le moins menteur, le moins démagogue et le moins clientéliste, sans grandes illusions d’ailleurs.

    Tu vois ce que tu vois, tu entends ce que tu entends, tu penses ce que tu penses. Hé bien, garde le pour toi. Tu ne fais pas le poids.

    Tu ne fais pas le poids devant les sachants, les doctes, les experts, les pontes, les consultants qui t’écrasent de leur mépris souriant si tu n’emploies pas les mots autorisés ou si tu dévoiles de suspects questionnements.

    Tu ne fais pas le poids devant les artistes rebelles qui font leur promo avec leurs engagements en bandoulière, les saltimbanques « qui se sentent concernés », les  humoristes qui n’ont la dérision que méchante et sectaire.

    Tu ne fais pas le poids devant le terrorisme des communautés, qui instaurent par l’intimidation  des interdictions d’ouvrir les débats qui leur déplaisent.

    Tu as d’ailleurs intérêt à faire profil bas. N’oublie pas que nous vivons dans une société de délation, où l’État sous-traite à de multiples associations subventionnées le quadrillage de la société civile et la surveillance des atteintes à la bien-pensance. Juges indépendants et journalistes objectifs y veillent également, la main dans la main. La liste des choses-qui-ne-sont-pas-des-opinions-mais-des délits ne cesse de croître.

    Il convient donc de te guider pour que tu puisses t’en sortir et gagner l’estime de nos élites. La réserve et la discrétion ne suffisent pas, il te faudra clamer bien haut tes repentances et tes allégeances, et avant tout surjouer tes indignations.

    Tu dois d’abord apprendre quels sont tes amis. Tu dois commencer par faire allégeance au matriarcat light et faire oublier le macho en puissance que tu es. Tu seras gay friendly en demandant l’indulgence pour ton hétérosexualité. Tu tireras ta révérence devant nos amis mahométans et éviteras les amalgames et les stigmatisations. Tu plaindras et excuseras nos amis égarés, les délinquants, victimes d’une société d’exclusions et d’inégalités. Tu cesseras de considérer les écolos comme une secte obscurantiste et malfaisante. Et tu demanderas plus d’Europe, qui t’a apporté la paix et la prospérité.

    Tu devras ensuite lister tes ennemis et apprendre à les reconnaître, même lorsqu’ils se cachent sous divers masques : Les cathos, les fachos, les xénophobes, les réactionnaires, qui sont les multiples têtes de l’hydre qui ose combattre la modernité et s’interroger sur ses bienfaits. Tu déconstruiras l’idée même de nation et dénonceras sans faiblir les inquiétantes dérives populistes qui montrent en fait le véritable visage du peuple, qu’il faut savoir remettre à sa place.

    Il te faudrait un petit manuel de survie en milieu progressiste, pour t’aider à devenir le collabo docile de la pensée officielle. Tu  échapperas ainsi à  la placardisation ou à l’ostracisme  qui te guettent si tu relèves la tête. Tu cesseras de passer pour un  blaireau populiste aux yeux des personnes éclairées. Accessoirement, tu t’éviteras de sévères râteaux si jamais tu entreprenais de séduire des dames qui pensent bien comme il faut.

    Rééduque toi avant d’être forcé à le faire !!

    Aujourd’hui, nous allons te parler de nos amies les féministes. Et non pas « nos amies les femmes », qui nous donnerait plus de trente millions d’amies, mais te grillerait définitivement.

    Tu es un homme de ton temps. Tu es le premier étonné que les femmes françaises n’aient eu le droit de vote qu’en 1944, quatorze ans après les femmes turques, et que cela ait pu si longtemps faire débat. Mais sous la Troisième République, la gauche laïcarde et franc-maçonne s’y opposait farouchement, les femmes étant suspectées de suivre docilement les consignes de l’église catholique. Il te semble évidemment normal que les femmes étudient, travaillent, et disposent des mêmes droits que les hommes. Dans ton milieu  professionnel, tu n’appelles pas tes subordonnées « mon petit »,  et tu sais par expérience  que tes collègues féminines peuvent être très compétentes, tout en faisant moins de cinéma que les mecs. Mais tu n’apprécies guère qu’à une critique qui te semble fondée, on te réponde « vous dites cela parce que je suis une femme ». Si tu dépends d’une supérieure hiérarchique et qu’elle te reproche un manquement professionnel, tu te défendras comme tu pourras si tu estimes injuste ses propos, mais tu ne mettras pas cela sur le compte d’une misandrie inavouée.

    Tu es un homme de ton temps, encore un peu « macho », comme elles disent. Tu as rigolé en entendant quelques histoires de blondes, tu ne repasses pas tes chemises, tu laisses ta compagne se dépatouiller avec les histoires de contraception, tu n’aimes pas lui laisser le volant quand vous vous déplacez en voiture, sauf si vous rentrez d’une soirée où tu as un peu picolé.

    Mais comme tous les hommes, tu n’en mènes pas large devant la féminité et les jupes des filles. Tu ne peux mieux dire qu’Alain Souchon :

     «  Elles, très fières,
    Sur leurs escabeaux en l’air,
    Regard méprisant et laissant le vent tout faire,
    Elles, dans l’suave,
    La faiblesse des hommes, elles savent
    Que la seule chose qui tourne sur terre,
    C’est leurs robes légères ».

    Tu viens d’aggraver ton cas en évoquant le charme et la beauté  des femmes. Voudrais-tu les enfermer dans les rôles millénaires de la séductrice rouée, de l’allumeuse calculatrice,  de l’amoureuse intrigante ? Crois-tu que l’amour peut réellement exister tant que règnera le système hétéro-patriarcal ?

    Il est grand temps pour toi de rompre avec le machisme et de devenir un militant féministe. Mais à qui faire acte d’obédience ?

    Il y a d’abord le féminisme canal historique. Tu connais ses mantras : « On ne nait pas femme, on le devient ; la femme est un homme comme les autres ». Les menues différences d’ordre biologique  entre les sexes sont totalement secondaires par rapport aux différences culturelles imposées par la domination phallocratique. Il convient donc de revendiquer une égalité totale des droits, et surtout d’avoir un égal accès aux postes, aux places, au pouvoir, à l’argent, en éliminant par tous les moyens, même légaux, toute forme de discrimination sexiste.

    Mais il y aussi le féminisme de la féminitude, revendiquant une nature féminine, des valeurs féminines  apportant dans un monde de brute attention à autrui, douceur et compassion. Face au mâle dégoulinant de testostérone, qui ne connaîtra jamais les joies  rédemptrices de la maternité et de l’allaitement, la femme doit s’investir dans la vie publique pour faire reculer la violence, l’agressivité, le cynisme, la mauvaise alimentation et l’alcoolisme. La femme est l’avenir de l’homme. Elle ne lui est pas égale, mais supérieure, car elle seule peut être mère.

    Et tu as enfin les dures de chez dures, les radicales, les postmodernes, les queers,   pour    lesquelles le choix d’une sexualité n’a rien à voir avec le fait d’être affligé d’un sexe biologique, pure donnée de fait qui n’a aucune signification en soi. La différence des sexes est une pure construction sociale permettant la domination hétéro-patriarcale, et qu’il faut déconstruire pour permettre un libre choix d’une identité de genre. Il faut donc détruire tous les stéréotypes, les conditionnements, les préjugés qui s’opposent à ce libre choix. On concédera, du bout des lèvres, qu’il arrive (quelquefois ? très souvent ? généralement ?) que l’identité de genre choisie coïncide avec le sexe biologique, mais c’est avant tout sous la pression sociale. Il faut se défaire des années de dressage à l’hétérosexualité. D’ailleurs la lesbienne n’est pas plus une femme que l’homosexuel n’est un homme, tous deux sont des sujets humains qui ont choisi leur genre. Idem pour les bi(e)s et les trans. Cette liberté de choix est la seule voie pour mettre à bas la différenciation sexuelle et le système de hiérarchisation et d’exploitation qu’elle fonde. C’est pourquoi celles qui sont appelées « femmes » dans le langage androcentré n’ont pas besoin des hommes. Comme le disent les féministes américaines, une femme sans homme, c’est un poisson sans bicyclette. Il ne peut y avoir de complémentarité entre les sexes, puisque ceux-ci n’existent pas. Le genre chasse le sexe !

    Les grandes prêtresses des diverses églises féministes ne cessent de s’excommunier mutuellement, chacune accusant les autres de trahir la cause sacrée. Ces débats sont d’ailleurs difficiles à suivre, car il y a même des féministes qui s’opposent à l’interdiction du voile musulman dans l’espace public, au nom de la diversité des cultures et de l’anticolonialisme.

    Mais ne t’avise pas de prendre part à ces controverses (Par pitié, ne parle pas de « querelles de filles » !), elles feraient bloc contre toi, sous l’étendard de la revanche contre des millénaires d’oppression masculine, pendant lesquels le mâle a imposé sa loi, obligeant à échanger sexe contre nourriture et protection !

    Tu devras donc donner des gages à toutes les dimensions du féminisme, sous le regard pointilleux des militantes et des associations dédiées à la cause, qui te surveillent et rêvent de te punir.

    Ne crois pas que le droit de vote, la généralisation du travail des femmes et l’avortement en libre service marquent la fin des luttes émancipatrices : tout reste à faire ! Et dénonce l’amnésie des jeunes générations pour lesquelles les suffragettes n’évoquent rien, sauf quelque chose qui se situerait entre les clodettes et les majorettes.

    Tu commenceras par massacrer la langue française : Il convient de mettre fin à l’invisibilité linguistique des femmes. Tu veilleras à nommer correctement les auteures, les chercheures, les  professeures, les écrivaines, les sergentes, les bourrelles, les substitutes, les maîtresses de conférences, les cheffes de cabinet, les questrices, les rectrices, les rabbines, les sapeuses-pompières et les sans-papières. Madame la première ministre nommera des préfètes, et la députée sera rapporteuse du budget. Bon, tu t’y feras. Tu t’indigneras qu’une grammaire suintant le mépris sexiste  exige encore que le masculin l’emporte sur le féminin. Tu militeras pour qu’à cette règle odieuse se substitue la règle de proximité qui accorderait le genre et le nombre de l’adjectif avec le nom le plus proche qu’il qualifie : Ainsi, les hommes et les femmes seraient égales et belles !

    Une grande victoire a déjà été obtenue avec la suppression de l’immonde case « Mademoiselle » dans les formulaires administratifs, victoire qui a du faire chaud au cœur de nos sœurs d’Afghanistan. L’ignoble expression « en bon père de famille » a été virée du code civil. Mais il convient d’aller plus loin encore. Est-il supportable que dans le numéro de sécurité sociale le chiffre 1 désigne le mâle et le chiffre 2 la femelle ? Est-il admissible que l’école des touts petits soit dénommée « école maternelle », terme  qui renvoie une fois de plus à la fonction maternante dans laquelle on veut enfermer la femme ?

    Tu militeras ensuite pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Pardon, pour l’égalité entre les femmes et les hommes. L’égalité des droits te semble acquise depuis longtemps, mais la réalité est cruelle : Jusqu’à nouvel ordre, ce sont encore les femmes qui font les enfants. Il y a là une assignation biologique, comme elles disent et le regrettent pour certaines. Mais après l’accouchement, auquel le père doit obligatoirement assister  même s’il trouve cela un peu gore, rien ne justifie le partage inégal des tâches domestiques et d’élevage des enfants, qui pénalise les femmes, pendant que les salopards de mâle font carrière. Les solutions du type temps partiel consacrent définitivement les inégalités de salaire et de promotion.

    Il convient donc que l’Etat réagisse. Les 35 h devaient être l’occasion pour les hommes de se réinvestir dans l’espace domestique ou familial. Pas de chance, ils en profitent surtout pour faire du travail au black, sous prétexte de ramener des sous à la maison. Il faudrait passer aux 32 h, et contrôler par tous les moyens de surveillance possibles l’amélioration du partage des tâches qui devrait s’ensuivre. Et pas question d’heures supplémentaires, surtout défiscalisées.

    Le congé parental. Que cela te plaise ou non, tu seras bientôt obligé de le prendre et de le partager à égalité avec ta compagne, sous peine de diverses sanctions. Le refus de le prendre devrait d’ailleurs être constitutif d’un délit pénalement réprimé. Dans ton travail, tu lutteras  contre la culture du présentéisme et refuseras toute réunion après l’heure du goûter. De gré ou de force, l’entreprise devra jouer le jeu. Il faut bien obliger les hommes à avoir eux aussi leur triple journée, d’actif, de père et d’époux. Et défense d’avoir la migraine !

    Tu te battras également pour la parité. L’égalité doit aboutir à la mixité de tous les métiers et à la parité dans tous les lieux de pouvoir ou de mémoire. Il est vrai que les femmes sont peu ou pas représentées au Panthéon, au Jockey club, dans les loges maçonniques et dans les régiments d’infanterie de marine.  98% des rues sont actuellement baptisées de noms masculins, dont bon nombre de négriers, de militaires, d’ecclésiastiques  ou pire encore. Et personne ne connaît le nom de la femme du soldat inconnu !

    Tu t’étonneras de la vivacité de la revendication, alors que la féminisation du travail est une réalité aveuglante, et qu’il n’est plus guère de professions ou de filières fermées au beau sexe. (Surtout, ne dis pas « elles sont partout », cela te nuirait). Mais l’égalité exige la parité, qu’il s’agisse des instances publiques  ou des conseils d’administration des sociétés ou associations.

    Ce robuste appétit de pouvoir s’accompagne de l’idée que si tout va mal en ce bas monde, c’est que le pouvoir  est accaparé par les hommes.  Comme le chante Renaud,

    « Aucune femme sur la planète
    N’s’ra jamais plus con que son frère
    Ni plus fière ni plus malhonnête
    A part peut-être, Madame Thatcher »

    Toutes les crises que nous connaissons se résument en une seule : la crise de l’hyper-masculinité des instances de pouvoir. On sait effectivement tout ce que les femmes peuvent apporter au monde en matière de douceur et de paix. De Frédégonde à Madeleine Albright, qui fit bombarder Belgrade, la participation des femmes à la vie politique en est l’illustration éclatante.

    Pour imposer la parité, tu réclameras donc la généralisation des femmes-quotas : partout, où que ce soit, dans n’importe quel lieu, dans n’importe quelle circonstance, il en va des fondements mêmes de la démocratie. Ne pense pas que cette discrimination positive soit légèrement insultante pour les femmes, et notamment pour les femmes qui sont arrivées à de hautes fonctions ou responsabilités en raison de leurs compétences, de leur travail et de leurs mérites. Pas le temps d’attendre : grâce aux quotas, tout de suite les places et les postes !  Et fait taire les vils phallocrates qui ricanent en soulignant les avantages d’une stratégie combinant promotion canapé et bon usage des quotas, on sait bien que cela ne peut exister que dans l’imagination dévoyée des mâles dominants.

    Remarque, les quotas, j’allais dire les emplois réservés mais ça c’est pour les handicapés, n’ont pas que du mauvais : Ils peuvent constituer non un plancher, mais un plafond  destiné à protéger la biodiversité. On sait que les magistrats et avocats mâles  deviennent une espèce en voie de disparition face aux espèces invasives que sont les magistrates et les avocates. Mais je te déconseille cette vision des quotas, qui sont et doivent rester à sens unique !

    Non, le problème, c’est que les femmes ne sont pas les seules à exiger des quotas  dans tous les domaines. Dans la revendication victimaire, la concurrence est rude. Minorités visibles et invisibles exigent aussi leur juste part du gâteau, ce qui risque de nous entraîner dans une combinatoire de critères difficile à maîtriser. Mais quand on commence à compter les unes et les autres, on ne sait plus où s’arrêter.

    Et si les exigences d’égalité et de parité amènent des femmes à atteindre leur niveau d’incompétence, ce n’est pas grave et c’est même rassurant. Comme l’écrivait Françoise Giroud : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente ».

    Françoise Giroud peut être rassérénée. D’Edith Cresson à Cécile Duflot, son vœu s’est amplement réalisé.

    Mais il ne suffit pas de prôner l’égalité et la parité. Il faut surtout s’attaquer à la racine du mal, les stéréotypes qui dès le plus jeune âge, avec la complicité de parents rétrogrades, enferment filles et garçons dans des identités qu’ils n’ont pas choisies et dans des rôles inégaux. On devrait arracher les enfants à leurs parents, afin que l’Etat soit seul habilité à formater les jeunes âmes.

    En attendant ce jour, participe à la lutte contre le sexisme ! Quand on pense que des municipalités semi-fascisantes offrent à la rentrée des classes des cartables roses aux filles et bleus aux garçons ! Tu jetteras à la poubelle les « Martine », ouvrages pernicieux qui véhiculent des valeurs nauséabondes. « Martine infirmière », « Martine hôtesse de l’air » et « Martine petite maman » sont parmi les plus insidieux. Il conviendrait que les parents n’aient pas le droit d’acheter cette littérature, et que l’accès aux livres soit contrôlé par l’école  ou par des bibliothécaires municipaux soigneusement séléctionnés. « Jean a deux mamans », « Tango a deux papas », « La princesse qui n’aimait pas les princes », « Papa porte une robe » , voilà des lectures qui s’imposent pour remettre dans le droit chemin les gamines qui rêvent d’être princesse ou les gamins qui réclament un masque de Spiderman. Si le petit DSK avait appris à l’école l’égalité femmes-hommes, il serait aujourd’hui Président de la République.

    Avec les chiennes de garde, tu lutteras contre l’instrumentalisation du corps de la femme pour faire vendre n’importe quoi, et tu éviteras de penser que les femens font la même chose en taguant leurs nichons. Et n’avoue jamais avoir souri devant le célèbre slogan vantant la crème Babette : « Babette, je la lie, je la fouette, et parfois elle passe à la casserole ». Le sens de l’humour et du second degré se fait rare en milieu féministe.

    Tu lutteras contre la prostitution (pardon, le « système prostitutionnel ») et réclameras la pénalisation du client, ce qui est nettement plus facile que de traquer le proxo albanais ou la mamma maquerelle africaine. Et surtout, ne demande pas comment concilier cette lutte avec les projets de création d’un statut d’assistant(e) sexuel(le), destiné à régler les problèmes des personnes « en situation de handicap » (et demain ceux des « personnes avancées en âge » ?). Quand c’est un service public, ce n’est pas la même chose, voyons ! Ne demande pas non plus comment concilier la lutte contre la marchandisation du corps féminin et la lutte pour la légalisation des « mères porteuses ». Comme le déclarait Pierre Bergé, « Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? ». Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

    Et pour mieux lutter contre les stéréotypes sexués, tu te déviriliseras avec constance et méthode. Si tu deviens papa, ne sois pas un pater familias, figure de la loi et de l’autorité, mais deviens une seconde maman. D’abord, tu regretteras amèrement que les lois idiotes de la nature ne te permettent pas d’enfanter. Comme le chante Renaud ,

     Parfois c’qui m’désole, c’qui m’fait du chagrin
    Quand je r’garde son ventre et l’mien
    C’est qu’même si j’dev’nais pédé comme un phoque
    Moi j’s’rai jamais en cloque…

    Pour rattraper le coup, tu accompagneras ta compagne aux séances de préparation à l’accouchement et feras comme elle le petit phoque ou le petit chien. Tu peux même faire la couvade, c’est très mode. Tu apprendras à changer les couches (lavables, si vous êtes écolos, c’est plus amusant). Tu dénonceras le scandale des logos qui, dans les aires de repos des autoroutes, indiquent le coin « change-bébé » par la stylisation d’une maman se penchant sur l’enfant. Tu feras le kangourou portant le bébé sur ton ventre. Tu te feras discret pour ne pas troubler l’amour fusionnel entre la reine-mère et l’enfant-roi.

    N’en fais pas trop, cependant. Une maman, ça va ; deux, bonjour les dégâts !

    Dévirilise toi (et n’en profite pas pour larguer toutes tes responsabilités !). Tu liras avec profit le manifeste de John Stoltenberg : «  Refuser d’être un homme-Pour en finir avec la virilité », Editions Syllepse, 2013 (publicité gratuite). Si tu es un people, tu te feras photographier en talons haut, pour montrer ton refus des stéréotypes. Tu verras en Conchita Wurst le symbole des valeurs de l’Union Européenne. Tu laisseras ton ado aller en jupe à l’école pour démontrer  l’horreur de la sexuation vestimentaire. Tu militeras pour que les mecs fassent pipi assis, vieille revendication des féministes suédoises, y a pas de raisons ! N’aie pas peur du ridicule, tu n’en feras jamais assez pour tuer en toi le mâle prédateur hétéro-fasciste.

    Et ne sois jamais galant. Le malheureux Barack Obama en a récemment fait l’expérience. Lors d’une réunion, il avait félicité la ministre de la Justice de Californie d’être « brillante, engagée, stricte », mais il avait cru bon d’ajouter  qu’ « il se trouve aussi qu’elle est, de loin, la plus belle ministre de la Justice du pays ». Hurlements des féministes, l’éditorialiste du New York Magazine soulignant que « le degré auquel les femmes sont jugées sur leur apparence reste un important obstacle à l’égalité des sexes au travail« . On a frisé la procédure d’impeachment.

    Il faut dire que le féminisme victimaire n’a qu’une seule et unique grille de lecture de notre monde : Le sort injuste fait aux femmes dans le système de la domination masculine. Dès lors, il lui faut toujours trouver du nouveau grain à moudre, pour faire oublier ce qu’elles ont déjà obtenu et lutter contre ce qui a déjà largement disparu. Il faut sans cesse ouvrir de nouveaux fronts, dénoncer de nouvelles discriminations. Le dernier exemple en est la campagne lancée par le collectif féministe  Georgette Sand (on ne rit pas) dénonçant la « taxe rose » générée par le fait que certains produits, destinés aux femmes, seraient plus chers que leurs équivalents destinés aux mâles. Aux dernières nouvelles, le ministre de l’économie va lancer une enquête sur ce sujet, et nul ne doute que le législateur se penchera un jour sur ce grave problème.

    Et si tu émets timidement des doutes sur l’idéologie féministe, sur les statistiques bidonnées, sur les interprétations biaisées, évacuant toute la complexité des rapports entre les hommes et les femmes, prend garde à toi. Tu te heurtes à un système d’accusation mélangeant sciemment les dénonciations les plus diverses, visant les inégalités salariales, la drague lourdingue, le plafond de verre, le harcèlement, les stéréotypes, l’excision des africaines, le retard dans le paiement des pensions alimentaires, la prostitution, la part des femmes dans les instances de pouvoir politique ou économique , la burka, le trop faible nombre d’écrivaines couronnées par un prix littéraire et l’insuffisant partage des tâches ménagères.

    Tu admireras cette tactique éprouvée du monde féministe, consistant à lier indissolublement  les réalités les plus diverses. Dès lors, si tu manifestes la moindre réserve sur un des aspects du package, si tu considères que les rôles sexués ne peuvent se ramener à une simple construction sociale, si tu penses que le mâle  n’a pas le monopole des comportements malfaisants, tu seras jugé complice du système patriarcal et des crimes qu’il génère, et ta parole sera inaudible. Le féminisme est un bloc qu’il faut accepter comme tel, sous peine d’encourir la plus infamante des accusations, celle de « masculinisme ».

    Alors prosterne-toi devant la sainte alliance des féministes, des lesbiennes et des homosexuels. Essaye de répondre à leurs injonctions les plus contradictoires. Et le jour où une femme déplorera qu’il n’y a plus de vrais mecs, évite de lui répondre que le communautarisme féminin n’y est pas pour rien.

    Sylvain Pérignon (Cercle Aristote, 24 novembre 2014)

     

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  • Le choc des non-civilisations ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Fares Gilon, cueilli sur Philitt et consacré à l'absurdité de la notion de choc des civilisations. Un texte grinçant qui ne manquera pas de susciter le débat...

     

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    Le choc des non-civilisations

    Choc des civilisations vraiment ? De part et d’autre, l’entretien de cette fiction permet surtout d’oublier l’état réel de la civilisation que l’on prétend défendre, et de se lancer en toute bonne conscience dans de lyriques et exaltantes considérations identitaires. Dans ce ridicule concours des fiertés (civilisation pride ?), les divers gardiens de néant oublient l’essentiel : ils veillent sur un champ de ruines.

    Dans Respectez la joie, chronique publiée il y a déjà douze ans, Philippe Muray posait la question suivante : « Comment spéculer sur la défense d’une civilisation que nous ne faisons même pas l’effort de voir telle qu’elle est, dans toutes ses extraordinaires et souvent monstrueuses transformations ? » Face à l’ennemi islamiste, à sa haine de « l’Occident », qu’avons-nous à faire valoir pour notre défense, hormis « la liberté d’expression », « les jupes courtes », « le multipartisme », « le sexe » ou « les sandwichs au bacon » ? Pas grand-chose. Et ces éléments sont eux-mêmes illusoires : « Le seul ennui, écrit Muray, c’est que ces mots recouvrent des choses qui ont tant changé, depuis quelques décennies, qu’ils ne désignent plus rien. » Ainsi de la liberté sexuelle, brandie comme un progrès civilisationnel (ce qui en soi peut se contester), alors même qu’elle est de moins en moins effective : « On doit immédiatement reconnaître que c’est la civilisation occidentale elle-même qui a entrepris de détruire, en le criminalisant, le commerce entre les sexes ; et de faire peser sur toute entreprise séductrice ou galante le soupçon du viol ; sans d’ailleurs jamais cesser de se réclamer de la plus grande liberté. »

     

    L’Occident s’est tiré deux balles dans le pied

    L’Occident post-moderne a achevé l’Occident moderne, celui de la liberté individuelle et de la pensée critique. Et l’Occident moderne était né lui-même de la destruction de l’Occident traditionnel, de sa civilisation, de son histoire et du christianisme. L’Occident post-moderne est le fruit d’un double meurtre : d’abord celui de la royauté de droit divin, avec tout ce qu’elle comporte de représentations symboliques traditionnelles, avec toute la conception hiérarchique de l’ontologie qu’elle suppose. Puis, celui de l’individu. Muray, en vieux libéral qu’il est, est évidemment plus touché par ce dernier meurtre : l’individu réellement libre – c’est-à-dire : ayant les moyens intellectuels de l’être – n’est plus. Cela n’empêche pas toute l’école néo-kantienne de la Sorbonne – entre autres – de répéter à l’envi que le respect de l’individu caractérise notre civilisation, par opposition à la « barbarie » médiévale d’une part, et au « retard » des autres civilisations d’autre part, encore prisonnières d’un monde où le groupe, la Cité, importent davantage que l’individu. La réalité est pourtant plus amère, et il n’y a pas de quoi fanfaronner : notre civilisation a fini par tuer l’individu réellement libre, si durement arraché à l’Ancien Monde.

    Par un étrange paradoxe, c’est précisément en voulant émanciper l’individu que nous l’avons asservi. En effet, nous avons souscrit à la thèse progressiste selon laquelle la liberté politique et intellectuelle de l’individu suppose son arrachement à tous les déterminismes sociaux, à tous les enracinements familiaux, culturels, religieux, intellectuels. Seuls les déracinés pourraient accéder à la liberté dont l’effectivité « exigerait au préalable un programme éducatif ou un processus social (ou les deux) capable d’arracher les enfants à leur contexte familier, et d’affaiblir les liens de parenté, les traditions locales et régionales, et toutes les formes d’enracinement dans un lieu ». Cette vieille thèse, résumée ici par Christopher Lasch (Culture de masse ou culture populaire ?), est toujours d’actualité : Vincent Peillon, ex-ministre de l’Éducation nationale, a ainsi déclaré vouloir « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ».

    Elle est pourtant contredite par la réalité de la société de marché que nous avons bâtie. Ainsi que le remarque Lasch, « le développement d’un marché de masse qui détruit l’intimité, décourage l’esprit critique et rend les individus dépendants de la consommation, qui est supposée satisfaire leurs besoins, anéantit les possibilités d’émancipation que la suppression des anciennes contraintes pesant sur l’imagination et l’intelligence avait laissé entrevoir ».

     

    Le cas de l’islam en France

    Comment alors s’étonner des phénomènes que l’on constate dans les « quartiers difficiles », de l’illettrisme généralisé et de la violence banalisée qui s’y côtoient ? Comment s’étonner des effets du double déracinement des immigrés ? Voilà des gens que l’on a arraché à leur terre (ou qui s’en sont arrachés), qui ont abandonné leur culture, ont oublié leur langue, et qui n’ont dès lors plus rien à transmettre à leurs enfants. Ces enfants, parfaits cobayes de l’expérimentation de la liberté par le déracinement, sujets idéals de l’idéologie délirante d’un Peillon, sont les premiers post-humains. Sans racines, et bientôt, après un passage par l’école républicaine, sans savoir et sans attachement à leur nouvelle terre. Coupés de leurs origines sans qu’on leur donne la possibilité de s’enraciner dans une civilisation qui se sabote elle-même, ils incarnent au plus haut degré le néo-humain sans attaches, sans références, celui que rêvent les idéologues de la post-modernité. Ce n’est donc pas en tant qu’étrangers à la France que les déracinés de banlieue posent problème, mais en tant qu’ils sont les parfaits produits de la nouvelle France, celle qui se renie elle-même.

    Ce règne, chaotique dans ses effets, de la table rase n’est pas sans provoquer un certain malaise chez les individus les plus conscients. On a beau déraciner, la réalité demeure : l’enracinement est un besoin essentiel à l’humanité. On y revient toujours, d’une manière ou d’une autre. « Le déracinement détruit tout, sauf le besoin de racines », écrit Lasch. D’où le phénomène de réislamisation, processus de ré-enracinement parmi d’autres (car il en est d’autres), qui s’explique par la recherche d’une alternative à ce que l’on nomme le « mode de vie occidental » (en réalité le mode de vie mondialisé de la consommation soumise).

    Il est d’ailleurs amusant de constater que le plus grand grief que la koinè médiatique fait aux beurs réislamisés ou salafisés, plus grave encore que les attentats qu’ils projettent ou commettent, c’est « le rejet du mode de vie occidental ». Horreur ! Peut-on imaginer plus atroce blasphème ? « Comment peut-on être pensant ? » comme dit Muray. Faut-il donc être un odieux islamiste tueur d’enfants (juifs de préférence) pour trouver à redire à ce merveilleux monde démocratico-festif, qui n’est pourtant plus que l’ombre d’une ombre ?

    Face à la chute des anciens modèles occidentaux, les jeunes déracinés que nous avons produits cherchent à reprendre racine. Que certains se tournent vers l’Islam, comme vers un modèle qui leur semble traditionnel et producteur de sens, doit être compris comme une réaction au modernisme du déracinement culturel. Dans la mesure où toute alternative au « mode de vie occidental » est présentée comme une régression barbare, la radicalité de la réislamisation, le fait qu’elle se fasse notamment – mais pas uniquement – dans les termes du salafisme, paraît inéluctable : le néo-Occident permet qu’on le fuie, à condition que l’on se jette dans les impasses qu’il ménage à ses opposants.

     

    La déchéance civilisationnelle de l’islam

    Il est une autre raison à la radicalité de la réislamisation. Elle tient à la chute de l’islam comme civilisation. À l’instar de l’Occident, à sa suite et sous son influence, l’Orient en général et l’islam en particulier subissent les effets de la modernité et des bouleversements politiques, sociaux, intellectuels, théologiques qu’elle entraîne.

    Historiquement et politiquement, cela s’est fait d’abord par la pression occidentale sur le califat ottoman, qui ployait déjà sous son propre poids. N’oublions pas que le monde arabo-musulman est mis au contact de la pensée des Lumières dès 1798, avec l’expédition d’Égypte de Napoléon. À peine la France avait-elle accompli sa Révolution qu’elle tentait déjà d’en exporter les principes, appuyés par une subjuguante supériorité technique. Les Britanniques, mais aussi, dans une moindre mesure, les Français, n’eurent ensuite de cesse d’encourager l’émergence des nationalismes, insufflant chez les peuples arabes le désir de révolte contre la domination turque : ils posèrent en termes modernes, ceux des nationalismes, un problème qui ne se posait pas ainsi. Plus tard, ce fut l’islamisme dont se servirent cette fois les Américains. À ces facteurs, il faut ajouter l’apparition de la manne pétrolière, mise au service du wahhabisme (lui-même soutenu originellement par les Britanniques) et la révolution islamique iranienne. Tout concourrait à la destruction des structures politiques et sociales traditionnelles de la civilisation islamique : les interventions étrangères certes, mais également un certain essoufflement de l’Empire ottoman, qui avait manqué le train de la révolution industrielle et se trouva dépassé par les puissances occidentales.

    En l’absence de structures sociales fortes, ce fut bientôt la pensée islamique traditionnelle elle-même qui succomba. Face aux puissances occidentales, les musulmans réagirent de deux façons antagonistes, que l’excellent historien Arnold Toynbee a qualifiées de « zélotisme » et d’ « hérodianisme ». Voyant une analogie entre la réaction des musulmans à la domination occidentale, et celle des Juifs à la domination de l’Empire romain, Toynbee explique que tout bouleversement venu de l’étranger entraîne historiquement une réaction de repli sur soi, d’une part, et une réaction d’adhésion et de soumission totales aux nouveaux maîtres, d’autre part. Mais dans les deux cas, on sort de la sphère traditionnelle : ni les zélotes ni les hérodiens ne peuvent prétendre représenter la pensée islamique traditionnelle. Leurs conceptions respectives de l’islam obéissent à des circonstances historiques déterminées, et ne sont plus le résultat de la réflexion sereine d’une civilisation sûre d’elle-même.

    Les nombreuses manifestations de l’islamisme contemporain sont autant de variétés d’un islam de réaction. Couplée à la mondialisation, qui est en réalité occidentalisation – au sens post-moderne – du monde, et à ses conséquences, cette réaction a fini par produire un islam de masse, adapté aux néo-sociétés, et qu’Olivier Roy a admirablement analysé dans ses travaux. Dans L’Islam mondialisé, il montre ainsi en quoi le nouvel islam est un islam déraciné pour déracinés, et en quoi la réislamisation est « partie prenante d’un processus d’acculturation, c’est-à-dire d’effacement des cultures d’origines au profit d’une forme d’occidentalisation ».

    Dès lors, il apparaît clairement que le prétendu « choc des civilisations » procède d’une analyse incorrecte de la situation. Il n’y a pas de choc des civilisations, car il n’est plus de civilisations qui pourraient s’entrechoquer ; toutes les civilisations ont disparu au profit d’une « culture » mondialisée et uniformisée, dont les divers éléments ne se distinguent guère plus que par de légères et inoffensives différences de colorations. Ce à quoi on assiste est donc plutôt un choc des non-civilisations, un choc de déracinés.

    Fares Gillon (Philitt, 3 novembre 2014)

     

     

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  • Poutine : le De Gaulle russe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Faye, cueilli sur son site J'ai tout compris et consacré à Vladimir Poutine...

     

    Poutine Kremlin.jpg

    Poutine : le De Gaulle russe ?

    La thèse que je soutiens  ici  est que Vladimir Poutine défend une vision gaullienne de l’Europe et du monde, ainsi que de la souveraineté de la Russie. Il se heurte logiquement à l’hégémonie de Washington et des pays anglo-saxons et, comme en son temps le Général de Gaulle, il est présenté comme un danger et un ennemi. Pourtant, c’est notre meilleur allié.

    La diabolisation de Poutine

    Le journaliste du Figaro Pierre Rousselet, dans un article intitulé « Le monde sans règles de Vladimir Poutine » (30/10/2014) nous explique, au terme d’une démonstration fumeuse, que Poutine « joue avec une habileté redoutable de sa capacité de nuisance dans un monde où les règles ont de moins en moins d’emprise ».  Il veut dire par là que le Kremlin viole le droit international  à la suite de la crise ukrainienne. Il se moque du monde et, peut-être sans le savoir, il utilise la méthode de la propagande stalinienne de l’inversion de la réalité. Cette méthode est celle, paradoxalement, de Washington et d’une Union européenne aux ordres.  Le monde de Poutine n’est pas ”sans règles”, au contraire, il est ”avec des règles”. Le monde sans règles est celui  de la politique étrangère US  depuis le bombardement de la Serbie par l’Otan et l’affaire du Kossovo. 

    Poutine est présenté comme le ”nouveau Tsar”, c’est-à-dire un autocrate non élu, alors qu’il a été régulièrement élu à la présidence avec une majorité plus importante que ses homologues occidentaux. La gauche socialo-trotskiste avait accusé en son temps le général de Gaulle d’être un ”fasciste” – en particulier en Mai 68. La même mouvance idéologique rabâche les mêmes éructations contre Poutine. Et ceux qui diabolisent Poutine et la Russie – notamment tous les milieux atlantistes et ”démocrates” – se satisfont parfaitement de bonnes ententes et d’alliances avec  divers régimes tyranniques à travers le monde.  

    La colère anti russe des Anglo-Saxons

    Exclu du G8, Poutine a été très mal accueilli au sommet du G20 de Brisbane en Australie les 15 et 16 novembre. Il a interrompu son séjour avant la fin de la réunion, ce qui est parfaitement normal pour un chef d’État qui est maltraité par ses pairs. Or les médias, renversant les torts, ont expliqué que Poutine « narguait » les Occidentaux et faisait de la « provocation ». Plus incroyable, le premier ministre australien Tony Abbott (lui aussi à la botte de Washington) a reproché, à l’ouverture de la réunion, à la Russie de « vouloir restaurer la gloire perdue du tsarisme ou de l’Union soviétique ». Et alors ? Ce propos est proprement scandaleux : la Russie serait donc illégitime à vouloir redevenir une grande puissance ! Sous-entendu : seuls les USA ont vocation à être une grande puissance et la Russie doit se contenter d’être une puissance régionale soumise à la ”pax” americana. Poutine subit de la part des Anglo-Saxons la même attitude d’hostilité que le Général de Gaulle, en beaucoup plus violent du fait de la taille de la Russie.

    À la réunion de Brisbane, les quatre Anglo-Saxons (le président des États-Unis, les premiers ministres de Grande-Bretagne, du Canada et d’Australie, tous trois féaux de Washington) ont vilipendé Poutine et la Russie avec brutalité, accusant le président russe de violer le droit international, de trahir sa parole et d’agresser un pays voisin. Accusations complètement contraires à la réalité. Ils l’ont menacé d’aggraver les sanctions économiques et l’isolement de la Russie s’il continuait d’aider les séparatistes de l’Ukraine orientale – alors que c’est l’armée de Kiev, encouragée, armée et conseillée par les Anglo-Saxons, qui est responsable d’agression militaire.

    À côté de cela, le président français (M. Hollande) et surtout Angela Merkel ont longuement essayé à Brisbane de négocier avec M. Poutine pour calmer le jeu. Malheureusement, ni la France ni l’Allemagne, pratiquant une diplomatie molle et timorée, n’osent aller au bout de leur démarche. Elles sacrifient leurs intérêts pour complaire aux Anglo-Saxons. Répétons ici que l’affaire ukrainienne résulte d’une provocation américaine (voir autres articles de ce blog sur le sujet) et que les sanctions (illégales) contre la Russie, servilement acceptées par les Européens,  se font au bénéfice de l’Amérique et de la Chine et au détriment de l’UE.

    Le plus inadmissible est l’absence de l’ONU dans la résolution de la crise ukrainienne. Comme pour le Kossovo, comme pour les guerres d’Irak, l’ONU est écartée, en violation de sa Charte et de tous les traités internationaux. L’ONU est remplacée par l’unilatéralisme américain et son impérialisme décomplexé. Le Coréen du Sud, Ban Ki-moon, le Secrétaire général, est totalement absent de la diplomatie internationale. Tout le monde sait que ce personnage falot est une créature de Washington, ainsi que l’a avoué dans ses Mémoires John Bolton, ancien ambassadeur américain à l’ONU. Le Conseil de Sécurité de l’ONU a été complètement marginalisé par Washington depuis la guerre des Balkans de 1999.  (1)      

    Le piège ukrainien  tendu à la Russie

    L’escalade militaire qui se produit en Ukraine a pour origine l’armée ukrainienne et non pas les séparatistes prorusses de Donetsk et du Donbass. Kiev avait procédé à des tirs d’artillerie, près de Chakhtarsk, sur le site du crash du vol  MH17 de la Malaysia Airlines abattu le 17 juillet, comme pour empêcher une enquête objective sur le terrain. En 7 mois, les affrontements ont fait 4.000 morts, en majorités civils. Le protocole de Minsk, prévoyant un cessez-le-feu, signé le 5 septembre par Kiev et les séparatistes a été violé par le gouvernement ukrainien. Ce dernier  est encouragé par une diplomatie washingtonienne et européenne irresponsable. Des militaires américains sont présents en Ukraine. Ils observent, pondent de faux rapports et attisent les braises. Ils poussent l’Ukraine à une guerre contre la Russie.

    On accuse actuellement la Russie de faire parvenir des chars, des armes lourdes et des combattants sans insignes aux insurgés russophones du Donbass et de Donetsk.  Vraie ou fausse, cette aide militaire me semblerait logique si j’étais à la place de Poutine : peut-on rester  insensible à  une agression contre des quasi-nationaux installés dans un pays voisin ? Plutôt que de se mettre autour d’une table de négociation pour résoudre tranquillement, dans le cadre des institutions internationales, la difficile question ukrainienne, l’Occident sous domination  américaine a choisi de créer la crise, tout en tenant un discours hypocrite pseudo-pacifiste.    

    Il n’y a jamais eu d ’”annexion” de la Crimée, mais un référendum demandant le retour d’une province russe autoritairement détachée en 1954. Jamais le retour de la Crimée à la Russie n’a menacé l’ordre international. En revanche, l’invasion américaine de l’Irak a totalement déstabilisé l’ordre international et embrasé le Proche-Orient. Les donneurs de leçons de Washington sont ceux-là mêmes qui créent les désordres. À 25% par cynisme et à 75% par idéalisme naïf et stupidité.   

    Concernant les sanctions de l’Union européenne contre la Russie, en fait imposées par les USA, Renaud Girard note : « la Russie en souffre indiscutablement mais les Européens aussi ! L’Union européenne a perdu toute souplesse diplomatique, comme l’a montré son incapacité à répondre aux ouvertures de Poutine exprimées lors du sommet de Milan du 16 octobre 2014 » (Le Figaro, 11/11/2014). La raison de cette rigidité diplomatique est que l’UE n’a pas de diplomatie propre, celle-ci se décidant à Washington.

    La propagande US anti Poutine

    L’Américaine Fiona Hill, directrice de recherches à la Brookings Institution (antenne de la CIA), spécialiste de la Russie et coauteur d’un livre sur Poutine a tenu des propos russophobes très révélateurs. En gros on accuse Poutine des maux dont est soi-même coupable. Elle explique : « Poutine a interprété toutes nos actions comme une menace, ce qui l’a poussé à mettre en place une politique offensive de défense de ses intérêts, qui consiste à pousser  toujours plus loin les limites de ce qu’il peut faire ». Cette politologue gaffeuse admet donc que la Russie est illégitime à ”défendre ses intérêts” ! Seuls les USA ont le droit de ”défendre leurs intérêts”. Pas les autres.  Et que veut-elle dire par ”toutes nos actions” ? C’est un aveu. Il s’agit de l’agitprop menée par tous les réseaux US pour déstabiliser l’Europe centrale depuis 1991.

    Alors même que ce sont les USA qui recherchent une nouvelle guerre froide avec la Russie et qui essaient d’écraser dans l’œuf toute velléité d’indépendance et de puissance russe comme toute alliance euro-russe, la politologue américaine affirme que la Russie est une menace pour toute l’Europe et l’Occident. C’est ce thème romanesque qui est au centre de la propagande atlantiste actuelle. Diabolisant Poutine, elle expose : « Poutine n’est plus seulement un danger pour la souveraineté de l’Ukraine et la sécurité européenne mais un danger pour l’ordre politique européen. Très clairement, son but est de discréditer les institutions européennes et la démocratie. Il veut aussi discréditer l’Otan dont l’existence est vue comme un danger »

    Elle accuse Poutine, à la tête d’un « pouvoir dangereux et corrompu » issu du KGB, de manipuler les mouvements identitaires européens, de vouloir posséder « un droit de veto dans l’espace qu’occupait l’Empire russe et l’URSS » et –suprême délire–  de « mettre le ”gun” nucléaire sur la table, sous-entendant qu’il serait prêt à utiliser une arme nucléaire tactique ». Puis elle exhorte : « si nous ne montrons pas la force du lien transatlantique, nous perdrons, car Poutine cherche la division »

    Ce n’est pas ce ”lien transatlantique” qui compte pour l’Europe – il est source de soumission –, c’est le lien euro-russe. La propagande de Washington consiste à ahurir les Européens en construisant un ”danger russe” fantasmatique. Mais nous n’avons que ce que nous méritons : plutôt que d’être indépendants et forts afin de régler tranquillement avec la Russie, dans une ”Maison commune”, tous les problèmes continentaux qui peuvent se poser (comme l’Ukraine), nous avons préféré nous soumettre à Washington, ce faux protecteur, pour régler nos affaires à notre place.

    Or le but –compréhensible et logique – de l’Amérique est d’être notre suzerain, notre pseudo-protecteur, pour mieux nous soumettre. Dans un prochain article qui s’intitulera La  stratégie US contre la Russie et l’Europe, j’approfondirai ce point capital. La politique extérieure américaine cherche malheureusement à créer en permanence des conflits.  Toujours sous le prétexte de la ”paix et de la démocratie”. Mais ce n’est pas l’intérêt de l’Amérique elle-même, c’est-à-dire du peuple américain.

    Le poutinisme,  ou le gaullisme russe

    Frédéric Pons, dans son essai consacré à Vladimir Poutine,  (Poutine,  Calmann-Lévy) montre bien que  – quelles que soient les opinions qu’on porte sur sa politique – cet homme est un vrai chef d’État, porteur d’une vision globale pour son pays et le monde et qu’il place le destin de son pays avant sa carrière personnelle. C’est un patriote, au sens étymologique, doté d’une vision et, comme De Gaulle, d’un grand pragmatisme. Il n’a rien d’un exalté ou d’un fanatique à la Robespierre, à la Lénine, à la Hitler. Il ne ressemble pas au catastrophique G.W Bush, caricature du cow-boy décervelé.  Rien à voir non plus avec les politiciens occidentaux (français en particulier) qui changent de convictions en fonction des sondages pour assurer leur carrière. Poutine, comme De Gaulle, est un homme d’État, c’est-à-dire qu’il est d’abord préoccupé par la dimension historique de sa fonction. 

    La diplomatie russe de Poutine et du ministre des Affaires étrangères Lavrov ressemble étrangement à celle du Général de Gaulle sur plusieurs points : 1) multilatéralisme et  opposition à l’hégémonie américaine ; l’Amérique n’a pas vocation à être le ”gendarme du monde” car cela n’aboutit qu’à des catastrophes ; 2) recouvrement du statut de grande puissance et de la souveraineté nationale ; 3) refus de l’ingérence américaine dans les affaires du continent européen ;  4) hostilité envers l’Otan ; 5) construction d’une espace économique euro-russe ; 6) préférence du lien continental sur le lien transatlantique ; 7) ajoutons, sur le plan, intérieur : défense de l’identité ethno-culturelle et des traditions liée à la puissance et à l’innovation techno-scientifiques.

     Entre Poutine et De Gaulle, les comparaisons sont nombreuses. La doctrine exprimée par  Poutine le 24 octobre lors de sa conférence devant le Club Valdaï est la réaffirmation de principes gaulliens des rapports internationaux et de la sécurité en Europe. Il ne s’agit nullement d’un ”nationalisme russe” comme le prétend la propagande US relayée par les médias et les politiques en Europe. Poutine accuse l’Occident sous direction US de mener des actions de provocation et de déstabilisation, de l’Ukraine au Moyen-Orient, qui menacent la paix mondiale. Ce n’est pas lui qui a violé l’accord d’Helsinki de 1975 fondant la stabilité en Europe, pour la ”détente” et la fin de la guerre froide, c’est l’Occident sous direction US. Objectivement, la diplomatie russe n’a jamais cherché l’hégémonie russe mais a toujours été défensive. En revanche, la politique étrangère américaine a toujours été offensive et belliciste.  Dire cela n’est nullement être hostile au vrai peuple américain.

    Conclusion : Eurorussie

    Nous devons chercher, nous autres membres de l’Union européenne, notre véritable souveraineté en alliance avec la Russie. Nous devons donc aussi réfléchir aux vraies menaces. La vraie menace sur l’Europe ne vient nullement de la Russie mais d’une incursion invasive migratoire sous la bannière d’un islam de plus en plus agressif et radical ; le second problème à résoudre est notre inféodation volontaire à une Amérique qui est pourtant en situation de déclin relatif. Un énorme soleil couchant qui fascine toujours mais qui est en train de s’éteindre, doucement.   

    Si la France était dirigée par un gouvernement authentiquement gaulliste, elle serait la première à vouloir régler le problème ukrainien de manière pacifique et à choisir l’alliance franco-russe, afin d’y entrainer nos partenaires européens. Sans hostilité contre les USA : qu’ils vivent leur vie. Notre seule chance, notre seule solution, c’est de réfléchir à l’hypothèse d’une alliance avec la Russie. Nous appartenons au même peuple, à la même civilisation, nous avons un destin commun.  

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 19 novembre 2014)  

     

    Note :

    (1) L’ONU  n’a strictement  aucun rôle diplomatique international sérieux. La France et la Russie, pourtant membres permanents du Conseil de Sécurité ont été incapables d’avoir une influence efficace à l’ONU, organisation manipulée par les USA ; pourtant, au Conseil de Sécurité, ce sont deux membres permanents. L’ONU devrait être refondée et avoir son siège en Suisse, à Genève, pas à New-York . 

     

     

     

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  • Le fantôme de la diplomatie française (2)...

    Vous pouvez découvrir la deuxième partie de l'excellent article de Caroline Galactéros, cueilli sur le site du Point et consacré à la diplomatie française.

    Lire la première partie :

    Le fantôme de la diplomatie française (1)

    Poutine Elysée.jpg

    Le fantôme de la diplomatie française (2)

    En politique étrangère, le suivisme précipité "pour en être" ne suffit pas. Sur les fronts irakien et syrien ouverts contre Daesh, la France "en est" certes, mais... de quoi au juste ? D'une alliance aléatoire dont certains membres, non des moindres, jouent un jeu si trouble qu'il confine à la trahison ? La question est posée, car la défiance est au cœur même de cette coalition de circonstance et d'affichage.
    Notre crédibilité militaire et politique pâtit de ce vice de fond, face à l'ennemi comme aux yeux de nos propres populations. En bout de ligne, ce sont les Français qui risquent de subir dans leur chair l'impact de cette réduction de l'action diplomatique à des postures martiales. Car nous avons de fait laissé grandir la menace. En niant la gravité de phénomènes politiques et sociaux internes, en faisant mine de croire que l'Afghanistan était sur la voie de la démocratie, que l'Irak se stabilisait, que la démocratie avançait en Libye grâce à notre intervention, que l'Iran renoncerait au nucléaire militaire, que l'on pourrait contenir durablement l'offensive des mouvements djihadistes au Sahel, que l'Occident parviendrait rapidement à retrouver son leadership mondial. Péchant par orgueil, ethnocentrisme et ignorance, saisis de spasmes d'impuissance désordonnés, nous faisons en fait de l'anti-diplomatie.

    Se garder du moralisme

    Notre auto-enfermement dans un moralisme décorrélé du réel nous empêche de penser librement et de définir une vision ambitieuse et des lignes pragmatiques de déploiement de l'action diplomatique qui servent nos intérêts de puissance et d'influence. Il est vrai que ces trois derniers mots, "intérêts", "puissance" et "influence", sentent le soufre. La France, confite dans une grandiloquence abstraite, a peur de son ombre et devient la spectatrice automutilée des vastes mouvements géostratégiques en cours.
    Car le monde réel refuse d'épouser les contours des visions iréniques de nos diplomates. La parole ne fait pas plus advenir la réalité en politique internationale qu'en économie. De même que la danse de la pluie ne suffit pas pour faire venir la croissance, rêver éveillé que Bachar el-Assad "n'en a que pour quelques semaines" ou que la "résistance libyenne modérée" est une réalité politique confine à l'auto-aveuglement ! Il fut pourtant un temps où nous étions moins présomptueux et plus habiles, où la France se gardait bien de soutenir ou de condamner des régimes, se limitant à reconnaître des États. Il faut réapprendre les fondamentaux de l'action diplomatique. Le diplomate n'est pas un grand inquisiteur ni un censeur ; il peut et doit parler à tout le monde, surtout "aux pires" des interlocuteurs, à ceux qui ne pensent pas comme lui. C'est sa raison d'être. Il doit maintenir en toutes circonstances des canaux, officiels ou secrets, de communication et de renseignement avec toutes les parties au conflit. Son pire ennemi est le moralisme au petit pied qui ne fait qu'enkyster les oppositions et isoler ceux qui devront finir par se parler pour que certaines lignes bougent.

    Définir notre objectif

    Une fois ce bon sens diplomatique retrouvé, à nous de structurer une stratégie globale de puissance et d'influence. Lucidité, réalisme, ambition et humanité en sont les pierres angulaires. La capacité d'écoute, le goût de l'autre, la recherche d'effets de longue portée, le déploiement sans états d'âme de notre capacité de nuisance ou de bienveillance et l'édification de liens et de réseaux dans la durée sont ses tenons et mortaises. Certes, la France n'est plus une grande puissance, mais son histoire politique, militaire et culturelle lui offre l'opportunité d'un rôle unique et indispensable dans la comédie pathétique du monde et de ses jeux de puissance.
    Cette stratégie suppose la définition d'un objectif à long terme (en langage militaire, un "effet final recherché" - EFR) et d'un faisceau de manœuvres tactiques de moyen et court terme autour de "lignes d'opérations" (militaire, diplomatique, médiatique, culturelle, normative, économique, financière, scientifique, éducative, industrielle, etc.) visant à l'atteindre.
    Pour la France, l'EFR peut être ambitieux mais raisonnablement atteignable : forger et conserver un positionnement de médiateur incontournable et recherché sur l'ensemble des points majeurs de conflit et de crise, faire jeu égal avec Berlin en Europe, être en capacité de peser sur le cours des choses et de faire avancer, y compris lorsqu'ils ne se rencontrent pas, nos intérêts (économiques et militaires) et nos principes politiques. Cela suppose évidemment que l'on renonce au rôle de pédant professeur en maturité démocratique que ses élèves turbulents n'écoutent plus depuis longtemps.

    Se tourner vers la Russie

    Nous devons ensuite identifier des points d'appui majeurs pour le déploiement de cette stratégie. Tout en repensant une politique arabe évanouie, il faut structurer notre nouvelle assise stratégique globale autour d'une relation multicanal soutenue avec l'Iran et la Russie. Contrairement à la doxa ridicule qu'ânonne l'Europe, notamment depuis la crise ukrainienne, ces deux États sont à l'évidence des pivots de croissance et de stabilité déterminants pour nous Français et pour le continent tout entier.
    L'Europe a un besoin stratégique évident de la Russie pour exister vis-à-vis de la Chine et de l'Asie, vis-à-vis de l'Amérique, vis-à-vis du Moyen-Orient, bref, partout. Nous devons donc faire admettre à certains de nos partenaires européens, tels la Pologne ou les pays Baltes, que si nous comprenons évidemment leur relation historique douloureuse avec Moscou, on ne peut pour autant brader les intérêts stratégiques globaux de l'Union en niant par exemple l'appartenance de la Russie à l'ensemble géographique, culturel et religieux européen. Sauf à consentir à l'abaissement politique, économique et stratégique définitif de l'Union européenne au profit des USA, y compris au plan technologique et industriel. N'oublions pas que l'Otan est aussi une vitrine et un véhicule commercial redoutablement efficace pour l'industrie américaine de l'armement.

    Cesser de se tromper sur l'Iran

    Quant à l'Iran, déjà évoqué, cette puissance régionale est en passe de retrouver un rôle global de premier plan. Située à la charnière des mondes indien, chinois et russe, elle est évidemment un tampon essentiel pour l'Occident dans la reconfiguration agressive des équilibres stratégiques du monde, sans même parler de son potentiel économique. Nous l'avons vu, les États-Unis ne s'y trompent pas. Un esprit "complotiste" pourrait même faire remonter à l'invasion américaine de l'Irak en 2003 et au fait de favoriser massivement la mainmise chiite sur le pays l'amorce réelle du basculement stratégique de Washington vers la Perse, dans une tentative de rééquilibrage de sa relation avec l'Arabie saoudite et Israël. Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter, la question reste entière. Quoi qu'il en soit, les Américains avancent leurs pions. Le maintien des sanctions est essentiellement dû à leur volonté de lever l'embargo au bon moment, celui où sera atteint un accord stratégique sur le nucléaire monnayé au mieux de leurs intérêts. Pendant ce temps, Téhéran fait monter les enchères, Allemands et Britanniques se placent... et Paris se trompe.

    Augmenter le budget de la défense

    Évidemment, une telle approche diplomatique ne peut réussir qu'appuyée sur un outil militaire fort et son engagement à niveau suffisant pour garantir un effet de crédibilité politique indiscutable. Cela requiert évidemment un renforcement de nos effectifs comme de nos moyens, donc une augmentation du budget de la défense.
    Last but not least, cette nouvelle "intelligence du monde" requiert une action pédagogique résolue et décomplexée vers l'opinion publique nationale pour développer son adhésion à cette diplomatie refondée. Arrêtons de prendre nos concitoyens pour des imbéciles. Expliquons-leur le monde tel qu'il est au lieu de le peindre en rose et d'être sans arrêt démentis ou ridiculisés par les faits. Ils nous en sauront gré.

    Caroline Galactéros ( Le Point, 8 novembre 2014)

     

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  • Nous vivons dans un goulag mental...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la présentation par Jean-Yves Le Gallou de La désinformation publicitaire ( Via Romana, 2014), ouvrage publié sous sa direction et regroupant des travaux de la Fondation Polémia.

     

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  • Heidegger et les antinazis de papier...

     Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Robert Redeker, cueilli sur le site de Valeurs actuelles et consacré à Heidegger. Professeur de philosophie et essayiste, Robert Redeker a récemment publié Le soldat impossible (Pierre-Guillaume de Roux, 2014).

     

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    Heidegger et les antinazis de papier

    À nouveau l’affaire Heidegger occupe les gazettes ! Cette histoire, répétée tous les dix ans, du nazisme de Heidegger — dont témoigne le livre de Peter Trawny, Heidegger et l’Antisémitisme (Seuil) est un marronnier destiné à amuser ceux qui ne s’intéressent pas à Heidegger, qui ne le lisent ni ne le travaillent, ni ne travaillent avec lui. On ne voit pas quel est son intérêt, à part céder à la mode grotesque mais payante de l’antifascisme policier. Une fois que l’on a dit que l’homme Heidegger était nazi, on n’a rien dit du tout ! Ce n’est pas l’homme Heidegger dans son entier qui était nazi, encore moins le philosophe Heidegger, mais le particulier Martin Heidegger, à certains moments de son existence. Heidegger n’était pas “un” nazi, il était par moments nazi. L’article un est ici d’une importance capitale.

    Quant à l’oeuvre philosophique de Heidegger, elle est simplement la plus géniale du XXe siècle, et de loin. Elle est par endroits, elle aussi, “dangereuse”. L’antiheideggérianisme de trop nombreux journalistes et de quelques philosophes en mal de succès est un antinazisme facile, un antinazisme de papier, qui, certes, pour les meilleurs, s’appuie sur une lecture du maître de Messkirch, sans s’accompagner néanmoins d’une méditation de cette pensée.

    Le présupposé des commissaires du peuple ne laisse pas d’être inquiétant : les lecteurs de Heidegger sont des nazis en puissance, autrement dit ce sont des demeurés capables de se laisser contaminer ! Les chiens de garde chassant en meute Heidegger militent avec le même présupposé méprisant quand il s’agit de Céline, de Schmitt, de Jünger et d’Evola. (Carl Schmitt et Julius Evola, voire René Guénon et Ezra Pound sont des auteurs qui demandent de grands efforts à l’intelligence : le présupposé des policiers de la pensée tombe dès lors à côté de la plaque.)

    Les vrais lecteurs de Heidegger savent que cette propagande facile s’attaque à un monstre qu’elle fabrique elle-même, « le sozi de Heidegger », selon la fine invention lexicale de Michel Deguy. Cette notion de “sozi”, amalgame sémantique de “sosie” et de “nazi”, est heuristique, conservant une valeur descriptive s’étendant bien au-delà du mauvais procès intenté au philosophe allemand. Elle est un analyseur de la reductio ad hitlerum appliquée aux auteurs que l’on veut frapper d’expulsion du champ de la pensée. Leo Strauss a pointé les dangers pour la vérité de la reductio ad hitlerum : « Nous devrons éviter l’erreur, si souvent commise ces dernières années, de substituer à la réduction ad absurdum la réduction ad hitlerum. Que Hitler ait partagé une opinion ne suffit pas à la réfuter. »

    Une question s’impose : et si le prétendu nazisme de Heidegger fonctionnait un peu comme l’éloge de Manu, de la société de caste, de la chevalerie germanique, chez Nietzsche, c’est-à-dire comme une machinerie “inactuelle” destinée à exhiber autant qu’abattre “l’actuel”, le dernier homme, l’homme planétaire-démocratique ? Peut-être est-ce une stratégie philosophique de ce type-là qui se joue dans le prétendu nazisme de Heidegger ? Dans ce cas, ce qui paraît inacceptable chez Heidegger aux lecteurs superficiels, aux commissaires politiques de la vertu et au gros animal (l’opinion publique) acquiert le même statut philosophique que ce qui paraît inacceptable chez Nietzsche. Nos antinazis de papier — épurateurs de culture qui se comportent, en voulant exclure les ouvrages de Heidegger des programmes du baccalauréat et de l’agrégation, comme les destructeurs des bouddhas de Bâmyân — s’en rendront- ils compte ?

    Robert Redeker (Valeurs actuelles, 12 novembre 2014)

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