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Points de vue - Page 156

  • La libération de Notre-Dame...

    Nous reproduisons ci-dessous un pont de vue de Slobodan Despot cueilli sur son site Antipresse et consacré à l'incendie de la cathédrale Notre-Dame. Éditeur, directeur de la lettre hebdomadaire Antipresse, Slobodan Despot a publié deux romans, Le miel (Gallimard, 2014) et Le rayon bleu (Gallimard, 2017).

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    La libération de Notre-Dame

    Notre-Dame de Paris. Le nom sonne si tendre, si incarné qu’on en oublie que c’est un édifice de pierre. Il y a belle lurette que ce nom ne désigne plus une construction, mais un être vivant. Une femme, une déité, une mère, la nôtre qui plus est, qui veille sur Paris, sur la France et par conséquent sur le monde entier. Car le plan qui va de l’église Notre-Dame au Louvre et du Louvre à l’Arc de Triomphe est incrusté dans la géographie intime de toute l’humanité civilisée, par-delà ses langues, ses traditions et ses religions.

    Les Français d’aujourd’hui sont les dépositaires d’un héritage qui les dépasse et qui appartient à l’humanité entière. Quelques générations, bien avant eux, ont touché à ce souffle intemporel et universel de l’être dont l’universalisme intellectuel n’est qu’une pâle transposition. Notre-Dame n’est pas plus française, ni moins, que le Taj Mahal n’est moghol, que Pétra n’est jordanienne ou que Sainte-Sophie n’est turque. Notre-Dame est l’une de ces enclaves de l’absolu qui parlent la langue commune de l’humanité, n’appartenant à personne mais intelligible de tous. C’est pourquoi le sort de Notre-Dame concerne toute l’humanité civilisée. Et c’est pourquoi la jubilation sur ses cendres désigne ceux qui ne méritent d’appartenir à aucune forme de société, tout juste de recevoir leur pitance à travers les barreaux de la cage. Le fait qu’un grand nombre de ces Orques et Gobelins aient été non seulement tolérés, mais encore nourris et protégés par l’Afrance d’aujourd’hui éclaire dans toute sa fatalité la logique de l’immolation de Notre-Dame. Dans l’Afrance d’aujourd’hui, cette nef qui a traversé neuf siècles de troubles avait plus de raisons de flamber que de rester intacte.

    Notre-Dame de Paris. Dans nos têtes, infailliblement, le nom évoque bien plus qu’une architecture. Il rappelle «la double solennité, réunie depuis un temps immémorial, du jour des Rois et de la Fête des Fous». Il réveille le joyeux chahut des escholiers et des moinillons, il anime les silhouettes du bon peuple de Paris s’amassant dans ce qui était alors le plus vaste espace couvert au monde, et qui servit aussi bien, des siècles durant, à célébrer Dieu qu’à abriter les mules et les va-nu-pieds.

    Notre-Dame fut bâtie une première fois par des générations de maçons et une deuxième fois par un seul homme, posté nu devant son lutrin et giclant frénétiquement, en moins de trois ans, à la plume d’oie pâteuse sur d’immenses feuilles de papier, un univers complexe dont ses malingres descendants armés de traitements de texte et de bases de données ne pourraient esquisser la centième partie sans s’y noyer. Notre-Dame de Paris, depuis deux cents ans, est mariée dans sa démesure au génie extravagant du plus grand romancier qui fut.

    Qu’elle s’ancre dans l’obscure persévérance des compagnons ou la fulgurance démoniaque de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris témoigne du passage d’une autre race sur cette terre, d’une race de géants. Échouée au nanométrique XXIe siècle, elle y «brille comme une vieille épée qu’on déterre» (Tsernianski), comme une de ces armes dont on se demande, en les voyant aujourd’hui, quel poignet pouvait les manier. Et quelle chair survivre à leurs coups.

    La négligence est pire que le crime

    Voici des décennies qu’elle gisait là, comme Gulliver à Liliput, entravée d’un réseau de câbles, envahie d’un grouillement de touristes, truffée d’une forêt de dispositifs et de règles de sécurité. Et voici que la grâce des flammes l’a libérée— pour quelques années au moins — de ce servage industriel indigne d’une servante de Dieu.

    «Notre-Dame s’est échappée!» Je roulais ce lundi soir vers ma maison pendant que mon téléphone posé sur le siège passager faisait défiler les images que m’envoyait un ami. Ce n’était pas possible! Ma gorge hésitait entre le rire et le sanglot. «Elle s’est échappée!» ai-je fini par dire, tout haut. «Affranchie!»

    Notre-Dame était une scandaleuse irruption d’éternité dans le poulailler de l’instant-culture. Elle était l’otage d’un temps et d’une population — peut-on encore parler de peuple? — incapables de la comprendre et trop faibles pour la sauvegarder. Avant même d’avoir maîtrisé l’incendie, on l’a proclamé accidentel, enclenchant d’emblée l’appareillage de la restriction mentale devenue obligatoire lors de chaque traumatisme collectif.

    Accidentel, soit! Un avion se crashe par accident: on désigne aussitôt le pilote, le fabriquant, l’aiguilleur — bref quelqu’un. Cinq jours plus tard, à Notre-Dame, c’est toujours personne. La buée de l’émotion est plus dense encore que les sinistres fumées jaunes de lundi. Soupirer tant qu’on veut, ne surtout pas réfléchir: doctrine appropriée pour les humains au «cœur dur et à la tripe sensible» comme Bernanos diagnostiquait ses contemporains.

    Accidentel, nécessairement! Toute autre hypothèse est impensable et, surtout, insoulevable pour les épaules malingres des nains gestionnaires. On a vu l’ex-architecte de la Dame étaler sa stupéfaction chez Pujadas: ça ne brûle pas comme des allumettes, le chêne presque millénaire! «Il faut mettre beaucoup de petit bois pour y arriver!», lâcha-t-il en plaisantant à moitié, créant la gêne sur le plateau. Dès le lendemain, le gouvernement mit en place une «communication davantage centralisée» afin que les architectes et autres gardiens du patrimoine ferment leur bec.

    Les rois foireux

    On fuit comme la peste l’idée du geste intentionnel. Comment affronter des terroristes qui auraient le pouvoir de frapper ce pays en son cœur même? Et que faire si l’analyse rationnelle devait aboutir à un scénario de type «incendie du Reichstag», ou tout du moins à une exploitation cynique d’une catastrophe historique par le pouvoir en place? Prendre les armes? Qui, parmi ces conspirationnistes de réseaux sociaux, aurait la force d’aller au bout de ses conclusions?

    La piste criminelle est un cauchemar, mais la piste accidentelle est pire. D’un côté, on aurait affaire, dans le «système» ou hors de lui, à des criminels hideux mais capables. De l’autre, à des jean-foutre absolus, sans aucune valeur, qui auraient tellement dépouillé et désorganisé l’État qu’il n’est plus capable de veiller efficacement sur le premier monument de France (et son plus gros atout touristique)(1).

    Mais la Dame n’en a cure, de ces discussions académiques. La Dame s’est envolée vers le ciel drapée dans ses volutes jaunes. On peut bien promettre pour dans cinq ans une cathédrale reconstruite «plus belle qu’avant», blanchir les milliards des évadés fiscaux, appeler au «geste architectural contemporain» (= provocation prétentieuse en langue de bois d’énarque), rivaliser de mauvais goût et de transgressions. Rien ne rendra au socle de pierre sa «forêt» de chênes que quatre générations de bûcherons et de charpentiers affinèrent avant d’oser la hisser sur les ogives. Le nom du nain qui l’a laissée partir en fumée est d’ores et déjà gravé — ce seul exploit y suffit — dans la lignée des rois foireux, après celui qui, le jour même de son investiture, fut contraint par la foudre de retourner penaud sur son tarmac au lieu d’aller montrer patte blanche à la reine teutonne, à Berlin (2). Le doigt de Dieu n’est pas une plaisanterie. Notre-Dame de Paris, le roman aussi monumental que le temple, ne s’ouvre-t-il pas sur le mot ANÁΓKH (anankè): fatalité?

    Slobodan Despot (Antipresse, 21 avril 2019)

     

    NOTES
    1. Comme l’a résumé le grand diplomate et militant humanitaire Craig Murray: «Comme d’autres Etats occidentaux, la France possède d’incroyables technologies, amassées à coups de trillions d’euros, capables de détruire des villes entières en un instant. Mais elle a investi dans des échelles et des lances trop modestes pour sauvegarder Notre-Dame et son héritage…»

    2. Élucidant du même coup le quatrain d’Onuphre que je citai dans mon éditorial du Nouvelliste le 18 mai 2012: «Lorsque Hollande Hongroys vaincra/Et tiendra couronne de France,/Ciel son vol foudroyera/Par despit de male alliance.»

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  • Vers une Notre-Dame recyclable et inclusive ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Olivier Babeau, cueillie sur Figaro Vox et consacré à la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame, à la suite des déclarations d'Emmanuel Macron indiquant sa volonté de la faire rebâtir "plus belle ", "en cinq ans", et avec une flèche "adaptée aux enjeux de notre époque", selon son Premier ministre... Olivier Babeau est professeur d'université.

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     Olivier Babeau: «Pitié, ne nous faites pas une Notre-Dame recyclable et inclusive!»

    On pensait qu’avec la fin de l’incendie, le pire était passé. Il semblerait que de plus grands périls menacent la cathédrale. Le futur chantier s’est transformé en quelques jours en un champ de bataille. C’est plus qu’une version nouvelle de la querelle des Anciens et des Modernes qui fait désormais rage. C’est la mémoire de la France elle-même que certains voudraient, de façon explicite, enterrer. C’est l’Histoire de notre pays qui s’apprête à être réécrite, sous couvert d’innocentes mises au goût du jour.

    Faut-il restaurer la cathédrale du XIIIe siècle, auquel cas il faudrait aussi repeindre les statues et les façades de couleurs vives comme à l’époque, ou bien respecter Viollet-le-Duc? Le débat sur ce que peut signifier l’authenticité d’un monument maintes fois remanié est loin d’être clos. Pour l’heure, c’est à notre sens une autre question qui se pose, beaucoup plus fondamentale. Les déclarations étranges se multiplient: Édouard Philippe annonce l’organisation d’un concours pour concevoir une nouvelle flèche «adaptée aux enjeux de notre époque». D’autres proposent de remplacer l’ennuyeuse toiture providentiellement partie en fumée par une magnifique serre qui serait un «espace laïc transparent». «Sans abattage d’arbre» est-il précisé. D’autres enfin, comme le site RollingStone, remarquent que le monument était un symbole très lourd d’une «Europe chrétienne idéalisée qui n’a jamais existé» (sic). Un architecte de l’université d’Harvard, Patricio del Real, aurait déclaré: «le bâtiment était si chargé de significations que son incendie semble un acte de libération». Et Rolling Stone d’enfoncer le clou: «toute reconstruction doit être une réflexion non sur la vieille France, ou sur la France qui n’a jamais existé — la France non-laïque blanche — mais sur la France d’aujourd’hui, une France qui est en train de se faire». L’idée de reconstruire à l’identique serait «naïve», le futur bâtiment devant être une expression de «ce que nous sommes aujourd’hui».

    A-t-il été «naïf» de reconstruire l’opéra de la Fenice ou le parlement de Bretagne à l’identique? Attend-on des Grecs qui relèvent le Parthénon un geste architectural pour mettre Phidias au goût du jour? Ajoutera-t-on à la Joconde une marque des «enjeux de notre époque» lors de sa prochaine restauration? En quoi au juste serait-il nécessaire qu’un bâtiment historique rénové soit plus remanié que ne l’est un tableau ancien?

    Notre-Dame court le risque d’être confisquée par notre siècle. La rénovation servant de prétexte de bon aloi pourrait bien n’être que le faux-nez d’une volonté plus pernicieuse de profiter des travaux pour stériliser ce symbole gênant d’une époque que l’on veut oublier. Certains y voient clairement l’occasion rêvée de faire progresser leur agenda révolutionnaire, en transformant le témoin d’un passé haï en une célébration de l’ordre nouveau. Le débat autour du chantier de Notre-Dame est révélateur des fondamentalismes sur lesquels est bâtie notre modernité.

    Le culte de la terre-mère, d’abord, voudrait interdire le «sacrifice» d’arbres pour rebâtir, ignorant la possibilité d’une gestion raisonnée des forêts. L’être humain étant considéré comme un parasite à la surface du globe, tout monument est en soi une provocation qu’il convient d’expier. Les totems écologiques que sont les éoliennes ne suffisant plus car leur effrayant bilan réel commence à être connu, d’autres gestes ostensibles de soumission seront réclamés. Quoi de plus visible que le toit de Notre-Dame? Il lui sera demandé demain, au minimum, d’être à énergie positive et recyclable.

    La seconde obsession contemporaine qui s’exprime dans certaines prises de position est la célébration permanente du progressisme, présenté comme l’aboutissement heureux de l’histoire morale après des millénaires d’errements. L’incendie de Notre-Dame est ainsi transformé en une sorte de nouveau bûcher des vanités. Les Savonarole modernes nous crient de renier nos anciennes passions, d’oublier ces absurdes ferveurs qui ont conduit des gens vivant il y a huit siècles à édifier ces vaisseaux de pierre désormais passés de mode. En réalité il ne s’agit pas d’un combat des chrétiens contre les autres religions, des croyants contre les non-croyants, mais d’une l’opposition entre ceux qui reconnaissent l’importance (et l’existence!) de nos racines, et les apôtres de la nouvelle foi égalitaire. Selon cette dernière, l’ordre ancien doit faire l’objet d’une damnatio memoriae méthodique afin d’y substituer le visage riant d’une modernité inclusive, solidaire, durable et festive.

    Pitié pour Notre-Dame! La faire vivre avec son temps serait la rendre intempestive. Ne lui faisons pas porter d’autre message que celui que ses bâtisseurs ont voulu transmettre. Respectons le témoignage de ferveur et de courage qu’ils nous envoient à travers les âges et laissons notre époque à la porte de la cathédrale. N’exigeons pas d’un tel monument qu’il rentre dans notre siècle, précisément parce que c’est en restant intemporel que sa portée restera universelle.

    Olivier Babeau (Figaro Vox, 18 avril 2019)

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  • Les médias de grand chemin, archétypes du libéralisme libertaire !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Edouard Chanot sur Sputnik, datée du 18 avril 2019, consacrée aux médias de grand chemin comme porte voix du libéralisme libertaire...

     

                                          

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  • Ni progressiste, ni populiste: conservateur ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Matthieu Baumier, cueilli sur Figaro Vox et consacré au conservatisme. Ecrivain, Matthieu Baumier vient de publier Voyage au bout des ruines libérales-libertaires  (Pierre-Guillaume de Roux, 2019).

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    «Ni progressiste, ni populiste: conservateur!»

    Les mots «conservateur» et «conservatisme», efficients dans nombre de démocraties représentatives et libérales modernes, n’auraient, dit-on, pas le vent en poupe en France. C’est faux: notre pays est redevenu conservateur, lassé des marches en avant perpétuelles.

    Ce n’est pas l’avis du Président de la République. Sur le plan électoral, il a peut-être raison: le dogme progressiste pourrait lui permettre de sauver les meubles aux prochaines élections. En face, il a besoin d’un populisme de droite, sans cesse amalgamé au Mal, pour nous conduire à marche forcée dans un mur. Face à ce jeu douteux, le populisme n’est en réalité pas la réponse politique la plus constructive, bien que légitime dans un contexte où, à en croire les chiffres de l’OCDE publiés le 10 avril, le monde est de plus en plus inégalitaire et le sera de plus en plus si nous poursuivons cette grande marche vers le «progrès». Les catégories moyennes et populaires, celles qui le plus souvent travaillent, sont en cours de déclassement et d’appauvrissement, au profit de 2 % des humains de la planète. Face à cela, le populisme est une colère à même de provoquer bouleversements et révolutions. Mais est-ce bien cela que nous souhaitons, de la colère et des bouleversements, nous qui voulons rappeler que l’humain n’est pas hors sol mais enraciné, que les nations ne sont pas un jeu de construction intellectuel, que les civilisations, avec leurs différences existentielles, sont des réalités charnelles, que les cultures et les identités ne sont pas un vain mot, qu’aucun humain n’aspire à être une fourmi au service de la divinité Croissance, que la vie est en premier lieu une limite, que la liberté des échanges peut se faire avec des frontières, qu’il y a des hommes réels dans le monde, bien plus que cet individu virtuel que le progressisme libéral-sociétal encense?

    Le conservatisme est à l’ordre du jour

    La colère, pourquoi pas? Elle ne devrait cependant pas faire oublier l’essentiel. Elle ne fait pas gagner les élections. Le moment est à des alliances électorales regroupant ceux qui ont un point commun plus important que les divergences: l’état d’esprit conservateur. Les élections se gagnent sur ce qui est essentiel à un moment précis. Ce qui est essentiel, maintenant? Nous voulons un futur en héritage, pour nous et pour nos enfants. Ce qui nécessite un programme politique à construire, fondé sur des principes: le souci de protéger la personne humaine, dans une démocratie réellement représentative qui ne peut exister si la question de la proportionnelle n’est pas soulevée ; le fait qu’aucune société ne peut être équilibrée sans reconnaître que nous naissons avec un héritage et que nous avons la responsabilité de le transmettre ; nous sommes liés par un commun hérité, culturel, linguistique, civilisationnel et spirituel: c’est à ce commun qu’autrui a le devoir de se plier, ou bien le droit de partir ; les concepts de liberté et d’égalité ne sont rien face aux libertés et aux égalités concrètes ; le bien commun, fondé sur la paix, la justice, pas uniquement conçue comme «justice» sociale, et la concorde, permettant l’existence d’une seule communauté et non de communautés multiculturelles séparées, est ce qui prime. Ce bien commun induit que la vie, sa transmission, tant à l’échelle de l’être humain qu’à celle de la planète ne soient plus négociables ; l’individu et son ego sont secondaires, le «droit de» prime sur le «droit à» des minorités. Un socle de cet ordre doit redevenir le fondement de nos sociétés et la base de notre économie, sans lequel aucune politique par exemple migratoire ou environnementale responsable ne sera possible.

    Pour une alliance des conservateurs

    Ainsi, le conservatisme n’est pas une simple volonté de conserver ce qui est, n’en déplaise à ceux qui ne veulent surtout pas le voir émerger concrètement dans la vie politique française, mais un espoir. Il ne s’agit pas de conserver au sens d’un repli mais de déterminer avec volontarisme ce qui doit ou non être changé, et ce qui doit ou non être limité, toute évolution n’étant pas bonne en soi ou synonyme de «progrès». Il s’agit de décider de ce qui ne doit plus être politiquement et sociétalement déconstruit, le bien de la communauté primant sur celui d’individus autoproclamés «avant-gardistes». La «révolution» voulue par le candidat Macron en 2017 et l’affirmation actuelle d’un dogme progressiste ne seront pas battus en brèche uniquement par des populismes éparpillés, réceptacles de colères légitimes. Ces conceptions seront électoralement battues si le conservatisme est capable de devenir une idée neuve en France ainsi qu’une alliance dépassant l’union des droites. Une alliance électorale des conservateurs et de l’état d’esprit conservateur? L’alliance, cela se pratique dans la diversité des angles de vue mais avec un programme/projet commun et une stratégie politique claire. Au-delà des tabous apparents.

    Alors, qui? Une alliance des conservateurs de droite et de gauche, car ces derniers existent, des conservateurs-libéraux de droite et de gauche (l’économie de marché retrouvant sa place véritable, celle d’être un outil au service d’une vision politique et non plus un but en soi, l’ordre des mots est ici important), des souverainistes, des républicains-souverainistes, des écologistes ne confondant pas le vert et le rouge, des chrétiens, des musulmans républicains, premières cibles après les chrétiens de l’islamisme, des humanistes soucieux de la transmission de notre héritage commun et des populistes de droite à même de comprendre ce qui se joue maintenant: l’époque n’est plus au Grand Bond en avant mais à la prise en compte de nos limites essentielles, qui sont la condition d’un futur commun. Un mot d’ordre: conservatisme, d’abord!

    Matthieu Baumier (Figaro Vox, 15 avril 2019)

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  • Autour de Notre-Dame en feu, l'écho d'une âme collective ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Maffesoli, cueilli sur Figaro Vox et consacré aux manifestations de recueillement qui ont été observées autour de Notre-Dame en feu.

    Penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018) et dernièrement La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019).

     

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    Maffesoli: «Que signifie la piété collective au pied de Notre-Dame en feu?»

    En cette nuit funeste Notre-Dame de Paris brûlait! Et tout autour, peu à peu, une immense foule se rassemblait. Impuissante, mais comme en communion de destin avec cet esprit de pierre tout en incandescence. Peuple silencieux. Puis, soudainement, chantant ou priant le «Je vous salue Marie». Place Saint Michel, Quai d’Orléans, Pont Saint Louis, l’émotion se sublimait en un chant n’ayant rien d’offensif, mais où l’on entendait comme un écho d’une âme collective, qui, depuis le Moyen-Âge, entoure cette figure protectrice de la cité.

    Nombreux sont ceux ayant célébré, tel Victor Hugo «Notre-Dame de Paris» (1831). Ne soulignent-ils pas que ses cloches, son bourdon en particulier, émeuvent les esprits les plus rassis et certains jours, enflamment l’ensemble de la ville.

    Ce qui frappe est le climat de piété régnant autour de la cathédrale. Quelque chose d’une pensée méditante. Me vient à l’esprit la remarque de Heidegger, considérant «la pensée comme un exercice de piété». Piété caractéristique de ceux qui sont pieux. Le pieu c’est, également, cette pièce de bois droite permettant d’être assuré et solide.

    Notre-Dame comme un pieu fiché en terre, pour servir de fondation à tout être.

    On entend ça et là des personnes déplorer cet incendie, car il met en danger l’attraction qu’exerçait cette église, mondialement connue et attirant 14 millions de touristes par an. La mettant, ainsi, sur le même plan que Disneyland.

    Réduction utilitariste à bien courte vue, ne saisissant pas la force de l’imaginaire, cause et effet d’une telle construction. Les bâtisseurs des cathédrales étaient animés par un autre objectif: une incarnation du sacré. Et l’émotion collective éprouvée en voyant cette cathédrale brûler n’est pas autre chose que l’irréfragable perdurance de ce que Joseph de Maistre nommait «le résidu divin».

    Résidu comme solide substrat de toute société, voire de toute culture. Résidu qui comme le pieu de la piété est, certes, enraciné en un lieu donné, mais ne manque pas de rayonner d’une manière on ne peut plus large. Et il suffisait d’entendre , dans la foule compacte, les murmures prononcés en nos langues latines, pour comprendre «l’unidiversité» dont Notre-Dame de Paris est le symbole. Elle rassemble ce qui est épars. C’est le prototype de l’enracinement dynamique. Celui du «commerce», en son sens large, qui était pré-moderne, et qui sera, certainement, postmoderne.

    «Commerce» que l’on retrouve dans le roman de Victor Hugo, où Quasimodo, Esmeralda, la Gitane et le beau Phoebus de Châteauperce se mêlent en une symphonie baroque où le parler en langues diverses n’en souligne pas moins l’unicité fondamentale autour d’un principe commun. En la matière, la nostalgie de l’ailleurs, celle de l’homme de désir, toujours taraudé par la transcendance.

    C’est bien cela que les prières, les chants jaillissant spontanément, les pleurs surgissant sans honte traduisaient: une transcendance immanente, confortant, réconfortant un peuple rassemblé.

    Durkheim parlait des «rites piaculaires»: rites de pleurs. Moments où l’émotion collective a une fonction charismatique, c’est-à-dire une fonction d’union, de communion. Renaissance d’un lien que l’individualisme moderne n’a pas réussi tout à fait à rompre et qui à certains moments retrouve une force et vigueur indéniables. Certes le bavardage médiatique ou politique «pérore» sur l’attraction touristique de la cathédrale, ce qui est bien loin d’être essentiel. Car au-delà ou en deçà du tourisme, la véritable attraction est spirituelle ou même sacramentelle. C’est-à-dire à l’image du sacrement, ce qui rend visible une force invisible. En la matière le besoin d’un au-delà à l’enfermement égotiste propre à la modernité. Dialogie du visible et de l’invisible faisant fi de la marchandisation dominante.

    Ainsi, au-delà de la destruction d’un joyau du patrimoine de l’humanité, la crainte se lisant sur les visages apeurés, c’était celle de voir disparaître un véritable «matrimonium» collectif. Lieu servant de matrice spirituelle à toute vie en société.

    Mais tout comme dans une carrière humaine, il faut, selon l’expression de Saint Augustin: «In te ipsum redi», rentrer en soi-même afin de renaître à un plus-être. Tout est symbole. Dans la nef, la croix lumineuse sur l’autel central a continué à briller. Peut-être faut-il comprendre cet incendie comme une «catabase»: une descente aux enfers qui est aussi l’indice d’une résurrection à venir. C’est bien cela que l’on ressentait dans la piété collective autour de Notre-Dame de Paris en feu !

    Michel Maffesoli (Figaro Vox, 16 avril 2019)

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  • Immigration  : « Oser combattre, oser vaincre » (1)...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la question de l'immigration.

    Économiste de formation, vice-président de Géopragma, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    Immigration  : « Oser combattre, oser vaincre » (1)

    L’immigration de masse est moralement condamnable, politiquement destructrice, socialement détestable, écologiquement dangereuse.

    Il faut le dire. Il faut en finir avec ces convenances qui interdisent de désigner l’ennemi, avec cette étrange timidité qui paralyse ceux qui ont compris, qui ont vu, mais qui se sentent coupables d’avoir vu ce qu’ils voient et compris ce qu’ils comprennent. L’établir sur la base d’expériences historiques multiples et valides, c’est interroger la complaisance qui a laissé des idées fausses et des émotions manipulées interdire un débat qui n’a jamais eu lieu, et qui est pourtant le plus essentiel à la démocratie ; quelles conditions d’accès et de résidence sur nos territoires, quelles conditions d’accès à la citoyenneté française et aux prestations financées par la solidarité nationale ?

    Monopole verrouillé, le camp du Bien n’a jamais voulu tolérer le débat. Terrorisme médiatique et magistère moral aidant, jamais depuis l’Occupation allemande, les Français n’ont pu dire qui ils étaient, ni la France qu’ils voulaient.

    Nous en sommes là. De sorte que le plus urgent est de prendre les armes de la critique, pour regarder en face la situation de déni de démocratie que nous avons vécue, que nous subissons encore, et sous quels étrangers commandements nous subissons. De sorte qu’il est vital d’accélérer un basculement en cours pour reprendre l’initiative et affirmer clairement que le point de vue moral, politique, social, écologique, et aussi culturel donne raison à ceux qui entendent dénoncer le pacte de Marrakech, tenir nos frontières, et dire à tous et à tous : « on ne passe pas ! »

    Immigration : 50 années de déni de démocratie

    L’histoire rappelle qu’après le mouvement massif de rapatriement des Français d’Algérie et des harkis qui avaient combattu pour la France, l’immigration de travailleurs maghrébins et africains répondait au choix des entreprises industrielles de recruter de la main-d’œuvre bon marché en masse plutôt que d’automatiser. L’origine de ce mouvement migratoire est économique. Et ce sont des entreprises industrielles, automobiles et de bâtiment notamment qui en sont responsables. Cette immigration de travail formée d’hommes jeunes, en bonne santé, cotisant aux systèmes sociaux sans en percevoir de prestations, était présentée comme temporaire. Ils étaient de passage. Qui pouvait s’en inquiéter ?

    La majorité n’allait pas repartir au pays. Leur famille allait les rejoindre en France. Un changement majeur dans la population française a eu lieu sans anticipation, sans information publique, sans décision politique. Le décret permettant le regroupement familial a été pris sans débat public, sans même consultation, en catimini, un décret dont le Président Valéry Giscard d’Estaing déclare aujourd’hui que c’est la plus grave erreur de son septennat. Les Français qui auraient voulu interroger le phénomène se sont vu répondre qu’il n’y avait pas de problème, puis qu’ils étaient le problème, eux et leur incapacité de s’adapter à l’immigration (rapport Tuot, Conseil d’État, 2017). La gauche socialiste a abandonné l’ouvrier, le prolétaire, devenu le « beauf » pour sacrifier à la piété pour le migrant, devenu la figure de l’internationalisme.

    À partir des années 1980, émerge un autre discours, idéologique celui-là. S’affirment comme vérités incontestables trois affirmations ;

    1 –« Nous sommes tous des migrants ». Il suffit de consulter des registres paroissiaux pour constater combien d’habitants de Bourgogne, de Bretagne ou des Pyrénées sont établis depuis des siècles sur leur territoire !

    2 –« Tous ne désirent que devenir comme nous ». La montée de l’Islam sous sa forme radicale, voire terroriste, comme sous la forme d’une religion missionnaire attirant les nouveaux convertis, viendra montrer la fausseté de l’affirmation.

    3 –« Les sociétés multiculturelles sont les plus heureuses ». Partout dans le monde, les sociétés multiculturelles sont les plus violentes, les plus criminelles et les plus divisées. Les exemples du Brésil et du Mexique comme celui des États-Unis devraient suffire.

    Ce discours n’est pas imposé par hasard. Les pires ennemis de l’Europe, de sa civilisation, de son unité ethnique et de sa résistance à l’Islam, sont à l’œuvre. Leur discours est porté par des ordres venus d’ailleurs, il émane de dirigeants dont le but avoué est d’en finir avec les Nations européennes. Citons-en trois : 

    - Le général Wesley Clark, qui commandait les forces de l’OTAN lors des bombardements de la Serbie, affirme en 1999 ; «  ma mission est de détruire l’unité ethnique des nations européennes ». Cette mission sera poursuivie avec des moyens illimités par nombre de Fondations et d’ONG américaines. Elle porte notamment sur l’installation et la protection de populations musulmanes en Europe, le recrutement et la formation d’agitateurs, l’organisation de réseaux qui pourront déstabiliser telle ou telle Nation qui ne se conformerait pas à l’agenda américain pour l’Europe.

    - L’ancien dirigeant d’une firme pétrolière converti à l’humanitaire, Peter Sutherland, directeur du programme pour les réfugiés à l’ONU, ordonne à l’Europe de se préparer à accueillir « plus de cent millions d’Africains » dans la génération à venir.

    - Le pacte de Marrakech fait l’objet d’une promotion agressive de la part de l’ONU, d’ONG et d’institutions internationales qui entendent instituer un droit individuel aux migrations, sapant ainsi l’idée de citoyenneté et d’appartenance nationale et territoriale. Prétendument non contraignant, le pacte est calculé pour être formalisé par des tribunaux internationaux (CJUE) et peu à peu traduit en droit positif par les Nations. Sans débat public, la France le signe le 11 janvier 2019, alors que plusieurs pays européens refusent de le ratifier.

    Ce discours affiche ses bonnes intentions, il masque la montée du capitalisme criminel qui met fin au libéralisme et à la prétendue « loi du marché ». Pour étendre son empire et accroitre ses bénéfices, le système capitaliste n’a plus besoin de l’ordre social et de la paix civile, au contraire ; il entend tirer profit du désordre social, de la dissolution des Nations et de l’alliance avec le crime organisé. La subversion individualiste de tout ordre public, national, citoyen, devient l’une des ressources de la croissance des revenus des multinationales et des entreprises privées affranchies de tout lien territorial ou collectif. Et elle interdit toute prise de conscience et toute action en matière démographique ; des voix se font entendre qui attendent un surcroît d’activité économique et de profit de la hausse de la population mondiale ; 12 milliards de consommateurs, quel rêve !

    La fabrique du client devient le ressort de rendements en hausse ; voilà pourquoi interdire aux Européens de regarder en face le risque existentiel majeur que représente pour eux, pour leur mode de vie et pour leurs terres l’explosion démographique de l’Afrique, voilà pourquoi interdire d’évoquer l’action, certes brutale, de réduction des naissances conduite en Chine et en Inde comme l’une des décisions politiques qui ont sauvé le monde – à chacun d’imaginer un monde dans lequel la population de l’Inde et de la Chine dépasserait 4 milliards ! Qu’en disent les « écolos » politiques ?

    L’aveuglement de la gauche dite « sociale » à ce changement de nature du capitalisme est à l’origine de son étonnante complicité avec son moteur ; l’immigration de masse — ou comment le socialisme détruit la société qu’il prétendait défendre.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 11 avril 2019)

     

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