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Points de vue - Page 158

  • Le grand remplacement n’est ni un fantasme, ni un complot...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Dir, cueilli sur Breizh info et consacré à la question du grand remplacement qui a récemment refait surface dans les médias, à l'occasion de l'attentat de Christchurch.

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    Paris, station Château Rouge, en ce début de 21e siècle...

     

    Immigration. Le grand remplacement n’est ni un fantasme, ni un complot

    Je ne suis pas un fan de Renaud Camus, parce que je crois avant tout en l’Europe, et pas du tout en la République française.

    Je déteste par contre qu’on lynche un homme comme c’est le cas pour Renaud Camus depuis l’attentat de Christchurch en Nouvelle-Zélande, simplement parce que cet écrivain explique dans ses ouvrages – ses détracteurs les ont-ils seulement lus ? – que la France change et que l’immigration entraîne des transformations ethniques et religieuses dans le pays et en Europe.

    Un lynchage organisé sur les réseaux sociaux et par des journalistes de la presse mainstream qui doivent avoir des difficultés à se regarder dans une glace le matin tant ils sont laids, extérieurement comme intérieurement. Un lynchage qui rappelle des années sombres durant lesquels des écrivains ont été condamnés à mort par des tribunaux français, pour de simples écrits. Saut qu’à l’époque, leurs amis de gauche, leurs amis journalistes, défendaient les accusés face à la Justice. Aujourd’hui, ils tiennent le fusil.

    Les politiques qui rentrent dans la danse pour frapper un homme seul et à terre donnent la nausée. Ceux qui feignent, pour se faire accepter d’un Système qui ne les acceptent pourtant pas, de ne pas savoir qui est Renaud Camus et ce qu’est le grand remplacement qu’il décrit dans ses livres, aussi.

    L’attentat de Christchurch est une ignominie

    Qu’on soit bien clair avant toute chose pour ceux qui seraient tentés de mener des procès d’intention à mon égard : l’attentat de Christchurch est une ignominie. Car par nature un soldat, ou celui qui se prétend comme tel, ne tire pas sur des individus désarmés, sur des femmes et des enfants qui n’ont rien demandé à personne.

    À titre de comparaison, Kendal Breizh, militant libertaire breton parti au Kurdistan se battre les armes à la main contre les islamistes puis le régime turc, lui est estimable, parce qu’il a fait face à des hommes armés.

    On peut dresser tous les constats que l’on veut, avoir les meilleurs idées du monde, ou les pires, si l’on se comporte comme un lâche et comme un boucher, on est un lâche et un boucher. Et la rhétorique du « œil pour œil, dent pour dent », qui consisterait à dire qu’il faut faire à tous les musulmans la même chose que quelques islamistes nous font depuis des années, n’est pas une rhétorique qui m’est culturellement familière, ni séduisante. Ne cherchez d’ailleurs pas en Europe les origines de la loi du talion…

    Pourtant, pour les hyènes et les vampires qui composent l’oligarchie qui nous dirige, il n’en fallait pas plus que cet attentat pour justifier le début d’une campagne folle contre ceux qui critiquent l’immigration, qui en dénoncent ses conséquences, qui s’en inquiètent. Aucune remise en question bien entendu, alors qu’a contrario, il pourrait être reproché également aux partisans du multiculturalisme et de l’immigration forcée de faire cohabiter des populations qui vont finir par se faire la guerre…

    Ainsi donc, le terroriste de Christchurch n’est pas cloué au pilori pour ses crimes, mais pour ses idées. Un réflexe très républicain français d’ailleurs, il suffit de rappeler qu’en République française, les idées peuvent être des circonstances aggravantes devant les tribunaux.

    En France, vous n’écoperez pas de la même peine si vous frappez quelqu’un parce qu’il vous a fait une queue de poisson au volant, ou si vous le frappez parce qu’il vous a fait une queue de poisson au volant et qu’en plus vous l’avez secoué en le traitant de « sale hétérosexuel » ou de « sale blanc ».

    Il suffit M. Dir ! Le tueur de Christchurch était un militant nazi (terme qu’il ne revendique à aucun moment dans son manifeste d’ailleurs) ! Un militant nazi contre l’immigration ! Un assassin nazi contre l’immigration ! Vous êtes contre l’immigration ! Vous êtes un nazi et potentiellement un assassin ! Fin du raisonnement de ceux que vous rémunérez via votre redevance TV ou via vos impôts. Charmant.

    Le grand remplacement, n’est pas une théorie, ni un complot sorti d’un cerveau malade

    Les mêmes vous insultent également quand vous réclamez des statistiques ethniques et religieuses, pour éventuellement confirmer que la population européenne de souche n’est pas en train de diminuer en France par rapport à d’autres populations. Il n’y a pas de religion, pas d’ethnie, pas de race, Monsieur Dir ! Rien que des républicains, des Français !

    Il n y a que les Bretons qui n’ont jamais mis les pieds à Paris (et maintenant encore, il suffit d’aller simplement jusqu’à Rennes ou Nantes) pour ne pas se rendre compte que la France change, que les Français changent. Il n’y a pas de remplacement progressif de population qu’on vous dit ! C’est du complotisme ! Paris gare du Nord ? Complotiste ! Calais ? Complotiste ! Centre-ville de Nantes ? Complotiste ! Championnat de France de Ligue 1 ? Raciste ! Mais pourquoi alors vouloir que la « diversité » soit plus représentée partout, dans les médias, à la publicité, dans la vie publique, si nous ne sommes que des Français et que la population ne change pas ? Taisez-vous, fasciste !

    Mais enfin, pourquoi ne voulez-vous pas que je m’exprime, que j’explique mes craintes de voir mes enfants disparaître ? Parce que le mélange, c’est la vie qu’on vous dit ! Parce que la diversité est formidable, le métissage c’est formidable ! Ils sont plus Français que vous ! Ils sont une richesse ! Ah bon, mais je croyais « qu’ils » n’étaient pas si nombreux que ça d’après vos dires ? Taisez-vous, fasciste, raciste !

    Le grand remplacement, n’est pas une théorie, ni un complot sorti d’un cerveau malade rêvant à des Illuminati négociant avec Macron, Attali et la mafia nigériane l’invasion programmée d’une armée de millions d’Africains dans notre pays.

    C’est une réalité. Certains l’encouragent. D’autres combattent ses causes. D’autres encore s’attaquent aux conséquences. Certains se taisent. Une minorité tire des bénéfices collatéraux de la situation.

    La France refuse les statistiques ethniques ? Alors prenez celles du Royaume-Uni. 2 468 970 Asiatiques en 2001. 4 143 403 en 2011 (de 5 à 7 % de la population tandis que les estimations faisaient état de quelques dizaines de milliers au milieu du XXe siècle). 44 679 361 Blancs en 2001, 45 281 142 Blancs en 2011 ( de 91 % à 85 % de la population totale).

    « Mais de toute façon, l’avenir, c’est le mélange, sinon c’est la consanguinité. Et puis nous les Blancs, méritons ce qui nous arrive vu comment nous nous sommes comportés dans l’histoire avec le monde entier ». Dernier argument, lapidaire.

    Mais au fait, qu’est-ce qu’il nous arrive ?

    Julien Dir (Breizh infos, 19 mars 2019)

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  • Mondialisation et prolifération de l'hostilité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré aux changements de forme de la guerre provoqués par la mondialisation. Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe enseigne à la Sorbonne et est l'auteur de nombreux essais sur le sujet, dont, récemment, La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015) et Fake news - La grande peur (VA Press, 2018). Avec Xavier Desmaison et Damien Liccia, François-Bernard Huyghe vient de publier Dans la tête des Gilets jaunes (VA Press, 2019).

     

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    Pas d'idée de paix sans définition de la guerre

    Comment sait-on que l'on est en guerre ? Il y a quelques années, la question aurait été absurde. La guerre était l’affaire des États (ou de groupes armés qui voulaient s’emparer de l’État, donc du monopole de la violence légitime, et il était alors convenu de parler de «guerre civile»).

    - La guerre entraînait certains actes de langage : on la proclamait pour mobiliser son camp, au moins moralement, on la déclarait à l’autre, on l’exaltait par des discours, on la concluait par un écrit, tel un traité, on l’inscrivait dans les livres d’histoire ou sur des monuments. Le but était d’imposer le silence : silence des armes, silence du vaincu qui renoncerait à s’adresser à la postérité et à énoncer sa prétention politique

    - L’état de guerre – une période avec un début et une fin- supposait des codes spécifiques : elle était ou bien juste ou bien injuste au regard du droit des gens ; des professionnels, les militaires (et eux seuls), avaient en fonction des circonstances le droit de tuer ou pas Chacun savait s’il était combattant (éventuellement « sans uniforme ») ou civil. La distinction ennemi privé / ennemi public était indépassable (extros contre polemos en grec, hostis contre innimicus en latin, etc..)

    - La guerre se déroulait en un lieu connu : front, champs de bataille, zones occupées ou libérées. Un coup d’œil sur la carte montrait quelles troupes progressaient et lesquelles se repliaient.

    - La guerre s’accompagnait de destruction à commencer par un taux de mortalité anormal. : cette expérience du sacrifice revenait à chaque génération par cycles et apparaissait comme inhérente à la condition humaine. La belligérance, catégorie anthropologique fondamentale, stimulait les plus fortes passions de notre espèce.

    - Les belligérants savaient qu’ils participaient à un conflit armé collectif ayant des fins politiques. Ils continuaient à s’infliger des dommages ou à occuper leur territoire respectif, jusqu’à la victoire ou au compromis (traité). Victoire ou compromis devaient modifier un rapport de souveraineté ou de pouvoir et s’inscrire dans l’Histoire. Le vaincu reconnaissait sa défaite ou disparaissait comme acteur (massacré, par exemple).


    En termes de communication, de normes, de temps, d’espace, de forces, de conscience et de finalité, la distinction entre guerre et paix était aussi fondatrice qu’incontestable.
    Tout ce que nous venons de rappeler correspond à une vision « classique » européenne ; celle de penseurs aussi divers que Clausewitz, Hegel, Weber, Schmitt, Freud, Caillois, Bouthoul, Aron, … et qui paraît aujourd’hui si désuète.

    Les nouvelles violences

    Sans même parler de la guerre froide dont la principale caractéristique fut de ne pas éclater à partir de la seconde moitié du XX° siècle, apparurent des formes de conflits inédites, certaines virtuelles ou fantasmées :

    - Affrontements entre acteur étatique et combattants qui se considèrent comme armée de libération ou se réfèrent à une notion similaire. Reste à savoir à partir de quel degré d’organisation, permanence, visibilité (une « guerre clandestine » est-elle une vraie guerre ?), suivant quels critères politiques relatifs à la noblesse ou au sérieux de sa cause, un belligérant mène une vraie guerre de partisan. Sinon, il s’agit d’émeutes, d’incidents, de raids de groupes armés… relevant plus ou moins de la police et du maintien de l’ordre. Pour ne prendre qu’un exemple, dans les années 50, il n’y avait pas une guerre mais des « événements d’Algérie ». Quarante ans plus tard, l’État algérien se demandait s’il faisait la guerre aux maquis islamistes ou s’il s’agissait de maintien de l’ordre.

    - La question devient cruciale soit lorsqu’il y a pluralité d’acteurs armés, comme la prolifération des milices au Liban dans les années 80, soit quand la distinction entre politique et criminalité devient presque indiscernable. En Amérique latine ou dans des le « triangle d’or » proche de la Birmanie, bien subtil qui sait distinguer une bande armée de trafiquants de drogue d’une guérilla.

    - La distinction militaire/civil est remise en cause par la tendance à mobiliser des combattants sans uniforme, et la propension croissante des conflits à tuer bien davantage de civils que de militaires. Au moins d’un côté (voir le fantasme du « zéro mort »). Quand des milices massacrent des civils qui ne se défendent guère, comme au Darfour, faut-il continuer à parler de guerre ? Dans un tout autre genre : quand un membre d’une société militaire privée accomplit-il une mission de sécurité, est-il un assistant d’un « vrai » militaire et quand commence-t-il à « faire » la guerre ? Où passe la frontière entre terrorisme, guerre secrète, guerre du pauvre, guérilla ?

    - Inversement, le système international - pour ne pas dire l’Occident – a inventé des interventions armées inédites des représailles sanctions jusqu’aux interventions humanitaires. Elles doivent séparer des protagonistes ou protéger des populations. Le discours des puissances intervenantes souligne qu’elles mènent une guerre « altruiste » censées ne leur apporter aucun avantage. Elles disent lutter contre des criminels ou ennemis du genre humain, contre des dirigeants et non des peuples qu’elles sont au contraire venues sauver. De là le droit d’ingérence qui autorise le recours à la force armée pour empêcher des violences inacceptables. Les opérations militaires, que nous nommerions « de contrôle », se multiplient, pour maintenir la violence armée des pauvres et des archaïques (conflits ethniques par exemple) à un degré supportable .

    - Les situations intermédiaires -pas vraiment la paix, pas encore la guerre - se multiplient. Ainsi, en Afghanistan, la guerre contre les talibans est censée être finie, et pourtant les troupes de la coalition doivent utiliser des armes lourdes. Corollairement, des citoyens de pays industrialisés peuvent ignorer dans combien de conflits ou d’opérations de « maintien de la paix » sont engagés leurs troupes et ne pas ressentir l’état de belligérance. Pour reprendre le même cas, la perte de quelques soldats d’élite français en Afghanistan en 2007 a soulevé moins d’émotion que certains accidents de la route. Le sentiment de sécurité qu’éprouvaient la plupart des Européens (mais moins d’Américains depuis 2001), l’idée que la guerre est une vieillerie dont le droit, la démocratie et la prospérité nous ont délivrés, tout cela serait apparu proprement stupéfiant il y a quelques décennies.

    - Les stratèges ne cessent d’imaginer des formes de conflit où les armes prendrait une forme inédite ; ils intègrent dans leurs panoplies des outils informationnels au sens large qui agissent plus sur les esprits que sur les corps. Qu’il s’agisse de priver l’adversaire de ses moyens de communiquer, de le désorganiser ou de le désinformer, de percer tous ses secrets, de le sidérer psychologiquement, de rendre la force plus intelligente et mieux ciblée…, les spécialistes de la Revolution in Military Affairs et des diverses cyberwar et autres information warfare, n’ont jamais manqué d’imagination. Parallèlement, les notions de guerre de quatrième génération, de faible intensité, guerre continue ou celle, chère aux stratèges chinois, de guerre sans limite, reflètent les formes inédites du conflit technologiques, psychologiques, économiques, et devient de moins en moins évident que la guerre se pratique avec ces outils reconnaissables que sont les armes.

    - Parmi les catégories utilisées pour décrire les nouvelles formes de l’affrontement armé, celle de guerre asymétrique est particulièrement révélatrice. Elle porte sur les moyens employés (guerre du pauvre contre guerre du riche high tech et surarmé), sur la stratégie (attrition contre contrôle), mais elle porte aussi sur les objectifs. Pour le fort la règle est : annuler ou limiter l’action du faible. Pour le faible : durer, infliger une perte sur le terrain moral ou de l’opinion, démoraliser celui que l’on ne peut désarmer, lui rendre le prolongement du conflit insupportable. La guerre asymétrique repose plus sur l’utilisation de l’information que sur celle de la puissance et partant contredit toutes les conceptions classiques. Elle postule que la victoire stratégique n’est pas une addition de victoires tactiques ; elle déplace la question de la légitimité de la guerre (donc de la croyance qui la soutient) non pas en amont de la guerre mais comme son objectif même.

    Ces tensions et contradictions trouvent leur point culminant le jour où les États-Unis proclamèrent une « Guerre globale au terrorisme ». Elle appelle la notion complémentaire de « guerre préemptive » autorisant une intervention armée à l’étranger contre des groupes terroristes ou contre des tyrans susceptibles de les aider et/ou de posséder des armes de destruction massive.

    Guerre des absolus

    La plus grande puissance de tous les temps ( qui, a priori devrait avoir le moins à craindre) considère que l’état de guerre existe est susceptible de durer plus d’une génération. Et ce jusqu’à la disparition de tout acteur hostile (État Voyou, groupe terroriste), de toute intention hostile (le terrorisme, ceux qui haïssent la liberté, l’extrémisme violent, pour reprendre diverses formulation des dirigeants américains) et de tout instrument hostile (les Armes de Destruction Massive). Il est tentant d’en déduire qu’il s’agit d’une guerre perpétuelle pour une paix perpétuelle. On n’y nomme ni son adversaire, ni sa limite, ni les conditions de sa victoire. Faire du monde « un lieu plus sûr pour la démocratie » est un programme politique pour Sisyphe. Six ans de Guerre Globale au Terrorisme semblent indiquer que, loin d’éliminer les régimes hostiles, les groupes armés (y compris avec l’arme de l’attentat suicide) et les ADM (en Iran ou en Corée), elle semble les encourager.

    Symétriquement, la guerre comme jihad défensif voire offensif (Daech voulait rien moins qu’étendre le califat à la planète) telle que la prônent les groupes islamistes n’est pas moins surprenante : elle est licite aux yeux de ses acteurs (elle est commandée par Dieu et constitue une obligation). Non seulement elle ne connaît pas de limites dans son extension territoriale ni dans le choix de ses victimes (pratiquement n’importe qui sauf un jihadiste est « éligible »). Il n’est pas certain qu’elle vise à une victoire (sauf à supposer la conversion de l’humanité entière à la variante salafiste du sunnisme). Au contraire,le jihad trouve sa propre justification non dans la réalisation de fins politiques, mais en lui-même, comme occasion de sanctification par le martyre ou comme compensation mimétique (ben Laden parle même de « talion ») des souffrances et humiliations subies par l’Oumma.

    Et dans les deux cas, la dimension symbolique du conflit prédomine. D’un côté montrer la résolution des États Unis et démentir qu’ils soient un « tigre en papier ». De l’autre, infliger une humiliation à l’Occident orgueilleux et idolâtre. Et, si l’on remonte plus haut, ce sont deux guerres de conversion : il s’agit de faire disparaître une croyance qui offense le droit universel dans le premier cas (la haine de la liberté des terroristes), qui contredit loi divine dans le second (la haine de Dieu des juifs, des croisés et des apostats).

    Chacun est libre de penser que « guerre » n’est qu’une catégorie juridico-philosophique particulièrement héritée de la pensée classique voire une très longue parenthèse historique (pour certains commençant au néolithique) et dont ni l’universalité, ni la perpétuité ne sont démontrées. Ou peut aussi la considérer comme degré dans les violences que les hommes s’infligent sans trop se soucier des catégories.

    Notre propos n’est pas une quelconque forme de nostalgie envers les bonnes guerres d’autrefois qui se faisait au moins dans l’ordre et la discipline et que nous n’avons pas connues. Simplement il faudra apprendre à vivre avec ce paradoxe : mondialisation et affaiblissement du principe de souveraineté politique, autrefois considéré comme belligène, n’impliquent pas la fin de l’hostilité mais sa prolifération et sa privatisation.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 22 mars 2019)

     

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  • La Punition...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur Eurolibertés et consacré au délitement de l'Union européenne portée par Emmanuel Macron. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).

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    La Punition

    Le spectacle de l’indigence acrimonieuse de l’Union européenne touche à son paroxysme. Les anathèmes, les menaces incessantes et les punitions catastrophiques continuent de pleuvoir sur les peuples européens à souveraineté de plus en plus limitée.

    La Grèce, La Pologne, la Hongrie, la Roumanie, l’Italie ont déjà fait les frais plus ou moins catastrophiques de la vindicte de Bruxelles à des niveaux différents mais toujours dans l’optique de montrer les muscles pour l’UE. Muscles dérisoires des illusions d’être le « patron » et d’imposer un management par le mépris.

    La Grèce, qui a provoqué la première le feu en quelque sorte des chevaliers de Bruxelles, a fini par céder à leurs oukases pour  sombrer dans la misère et la récession pour deux générations. Tant pis pour elle. Mais la Grande Bretagne n’est pas la Grèce et les rodomontades agressives de l’UE dans le cadre du Brexit s’adressent à un État de poids. Et c’est bien ce qui rend Bruxelles et son chevalier blanc, Emmanuel Macron, furibonds.

    Au-delà des subtilités diplomatiques et des négociations alambiquées dont la Grande Bretagne a toujours eu le secret, la réalité est bien plus prosaïque. Il s’agit pour l’UE de dissuader par la menace, quiconque aurait des velléités de quitter l’Union du bonheur européen. Alors, après les muscles, on montre les dents et les postures intransigeantes pour bien indiquer qu’on n’a rien à craindre de cette petite île arrogante. M. Macron est, bien entendu, en pointe et le leader incontestable de la croisade, lorsque Madame Merkel est beaucoup plus nuancée et en retrait dans cette affaire très politico-médiatique. Intimider les peuples souverains par la menace et les sanctions reste l’apanage des ayatollahs bruxellois menés par M. Macron qui en profite pour se positionner comme le « monsieur Propre » de l’ultralibéralisme d’un fédéralisme convoité, contre l’horreur populiste.

    L’horreur est incarnée par le vote britannique pour le Brexit, ce qui apporte de l’eau au moulin des grands démocrates tellement opposés à l’expression souveraine des peuples. La démocratie, oui, mais sans le peuple. Seuls les énarques et les élites officielles devraient pouvoir voter.

    Le Brexit sans accord se profile dans un climat de catastrophisme inouï. Toutes les élites politico-médiatiques européennes ultralibérales se liguent pour décrire doctement à longueur d’antennes les conséquences dramatiques du Brexit pour une Grande Bretagne dans la misère et la désolation. Londres désertée par les financiers et dégradée de son rang de première place financière (au profit espéré de Paris ou de Francfort peut-être se laisse-t-on à rêver…) ; la Grande Bretagne en récession irrémédiable ; des millions de gens à la rue ; plus de médicaments ni de nourriture (sic), etc… « Voilà ce qui vous attend si vous osez quitter l’UE » suggère lourdement Bruxelles et M. Macron « à la Ville et au Monde. »

    Les messages sont clairs à défaut d’être justes. Mais la perspective des élections européennes démultiplie les assauts outranciers et les coups de menton outragés contre toute dissidence et menace populiste aux conséquences si dramatiques.

    De la Grèce au Royaume Uni, c’est cinq années d’anathèmes, de menaces et de sanctions. La Grèce meurt d’être restée dans l’UE et dans la zone euro. Le Royaume Uni se redéployera en quittant l’UE et grâce à sa monnaie qu’elle a su toujours préserver de l’euro et des intérêts de l’Allemagne. En outre, la politique britannique, comme l’avait si bien proclamé Churchill, n’a jamais été européenne : « Si j’ai à choisir entre l’Europe et le grand large, je choisirais toujours le grand large ». Le Royaume Uni s’appuie sur la Livre sterling, le Commonwealth et les USA, et n’a pas besoin de l’Europe. Bon vent au Royaume Uni ! « L’Angleterre est une île et entend bien le rester !»

    Il faut ajouter que pendant ces journées d’esbroufe dramatisé par l’UE et Macron, les élections provinciales pour le renouvellement du Sénat des Pays-Bas viennent de consacrer le triomphe combiné des deux partis « populistes » (PVV et FdV) qui, avec 16 sièges (sur 75) deviennent la première force politique des Pays-Bas, contre toute attente… encore une fois. Le parti majoritaire du gendre idéal européo-aseptisé Mark Rutte est devenu minoritaire. De quoi exciter encore Bruxelles et Macron qui ne savent plus où donner de la tête pour écraser la contestation en Europe malgré la puissance de leur communication apocalyptique.

    Usque tandem abutere Catilina patientia nostra ?

    Jusqu’à quand l’UE et Macron abuseront-ils de notre patience ?

    Richard Dessens (EuroLibertés, 23 mars 2019)



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  • Le coeur et la rage...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Michel Maffesoli, cueilli sur le site de L'Inactuel et consacré aux raisons profondes de la crise des Gilets jaunes. Penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018) et dernièrement La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019).

     

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    Michel Maffesoli: “Le coeur et la rage”

    Dans notre progressisme natif, nous avons du mal à accepter que les époques se suivent et ne se ressemblent pas. Des esprits aigus ont pu noter, à juste titre, la fin de l’ère des révolutions (E. Hobsbawm). Si nous savons voir, avec quelque lucidité, l’architecture des sociétés contemporaines, nous pouvons dire que nous assistons à l’ère des soulèvements populaires.

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  • Sur l'effondrement qui vient...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Werner, cueilli sur le site d'Antipresse et consacré à la crise climatique et à l'effondrement sur lequel elle doit déboucher.

    Penseur subtil et profond, Eric Werner est l'auteur de plusieurs essais marquants comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015) L'après-démocratie (L'Age d'Homme, 2001), Douze voyants (Xénia, 2010), De l'extermination (Xénia, 2013) ou Le temps d'Antigone (Xénia, 2015) et de recueils de courtes chroniques comme Ne vous approchez pas des fenêtres (Xénia, 2008) et Le début de la fin et autres causeries crépusculaires (Xénia, 2012). Il vient de publier dernièrement Un air de guerre (Xénia, 2017).

     

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    Sur l'effondrement qui vient

    La crise climatique inquiète, et à juste titre. Car elle est bien réelle. On ne peut plus aujourd’hui dire, comme l’ont longtemps fait (et continuent d’ailleurs encore à le faire) certains (ceux qu’on appelle les «climatosceptiques»), qu’elle n’existe pas. Oui bien sûr qu’elle existe. En sous-estimer la gravité est même d’une particulière stupidité.

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  • Droite/Gauche : fin ou transformation du clivage ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Arnaud Imatz, cueilli sur le Cercle Aristote et consacré au clivage droite - gauche. Fonctionnaire international à l’O.C.D.E. puis administrateur d’entreprise, spécialiste de l'Espagne, Arnaud Imatz a notamment publié  La Guerre d’Espagne revisitée (Economica, 1993), Par delà droite et gauche (Godefroy de Bouillon, 1996) et José Antonio et la Phalange Espagnole (Godefroy de Bouillon, 2000) et Droite - Gauche : pour sortir de l'équivoque (Pierre-Guillaume de Roux, 2016).

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    Droite/Gauche : fin ou transformation du clivage ?

    L’une des questions les plus débattues au cours des dernières années par les observateurs politiques européens – journalistes et politologues – est la possibilité ou l’impossibilité de surmonter la division droite / gauche. Il en a été ainsi tout particulièrement dans les pays dits d’Europe « latine » que sont la  France et l’Italie où pourtant la « vieille » dichotomie, implantée depuis plus d’un siècle, semblait solidement et durablement établie. Dans les sondages qui ont été effectués depuis la fin des années 2000, 60 à 70% des citoyens ont déclaré sans équivoque (du moins lorsqu’il leur a été permis de le faire) que la démocratie a cessé de fonctionner correctement, qu’il n’existe pas de différences substantielles entre les gouvernements de droite et de gauche et que le clivage n’est plus vraiment pertinent.

    J’ai moi-même contribué au débat sur la permanence ou la fin du clivage, sa transformation ou son déclin, en publiant huit mois avant les élections présidentielles de 2017, Droite / Gauche : pour sortir de l’équivoque. Histoire des idées et des valeurs non conformistes du XIXe au XXIe siècle (éditions Pierre Guillaume de Roux, 2016). Si je reviens aujourd’hui sur ce sujet, c’est afin de répondre au souhait de nombreux amis qui m’ont demandé de résumer la teneur de ce livre, et que je sais en outre, par expérience, combien un fort volume documenté peut rebuter les lecteurs pressés [1].

    Pour comprendre la radicale et surprenante évolution politico-sociale récente des pays européens (naissance et développement de nombreux mouvements populistes dans la majeure partie du continent, alliance gouvernementale entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles en Italie, rébellions/insurrections populaires comme les « Bonnets rouges » et les « Gilets jaunes » contre les oligarchies ou « élites » progressistes autoproclamées, surgissement de Vox en Espagne, Brexit du Royaume-Uni etc.), il est nécessaire de mener une réflexion approfondie en essayant de répondre sérieusement aux questions-clés : qu’est-ce que la droite ?, qu’est-ce que la gauche ?, quels sont les arguments pour et contre « l’inévitable » ou « accidentelle » division qui articule la vie politique des démocraties représentatives modernes ? Et, finalement, pourquoi la dichotomie gauche-droite est-elle de plus en plus discréditée dans l’opinion publique des pays européens ?

    Comment définir la gauche et la droite ? Le point de vue essentialiste : la division n’est pas finie

    Par delà la multiplicité des définitions de la droite et de la gauche, deux approches radicalement différentes s’affrontent : l’une est philosophique et l’autre historique. L’approche philosophique cherche à définir l’essence, le caractère intime des deux phénomènes ; l’approche historique, empirique et relativiste, nie qu’il s’agisse d’absolus isolés, indépendants de situations contingentes (locales et temporelles). La première approche conduit à renforcer ou à consolider la dichotomie traditionnelle et la seconde à la critiquer, à la questionner ou à la mettre en doute [2].

    Le point de vue essentialiste a été défendu par de nombreux auteurs depuis plus d’un demi-siècle. À partir d’une position de droite, on peut citer, entre autres, le démocrate-chrétien Français René Rémond, le traditionaliste Hongro-Américain Thomas Molnar ou le conservateur Espagnol, Gonzalo Fernández de la Mora. Plus récemment, on trouve par exemple l’ex-conseiller de l’ancien président Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson (et son biographe, proche collaborateur d’Alain de Benoist, le journaliste François Bousquet [3]), le politologue Guillaume Bernard ou le professeur de droit constitutionnel Jean-Louis Harouel. Sur le versant de gauche, il faut citer, parmi les plus connus, l’Italien Norberto Bobbio, l’Anglais Ted Honderich, le Français Jacques Julliard ou l’Espagnole Esperanza Guisán [4].

    Dans le sens le plus conventionnel et le plus vulgaire du terme, la droite serait synonyme de stabilité, d’autorité, de hiérarchie, de conservatisme, de fidélité aux traditions, de respect de l’ordre public et des convictions religieuses, de protection de la famille et de défense de la propriété privée. À l’inverse, la gauche incarnerait l’insatisfaction, la revendication, le mouvement, le sens de la justice, le don et la générosité. 

    La propagande néo-marxiste, néo-social-démocrate et parfois même néolibérale, qui se veut « progressiste », voit dans la droite la réaction contre les Lumières, contre le Progrès, la Science, l’Égalité, l’Humanisme (dieux toujours écrits en lettres capitales). La droite et la gauche ne refléteraient somme toute que le conflit éternel entre les riches et les pauvres, les dominants et les dominés, les oppresseurs et les opprimés. Mais lorsque le sujet fait l’objet d’une enquête un peu plus sérieuse, on se rend vite compte que cette identification de la droite politique avec la droite économique, ou de la droite de conviction avec la droite d’intérêt ou d’argent, si répandue dans les grands médias, n’est qu’un mythe de plus, un enfumage idéologique, un mensonge de propagande. Les lecteurs de Vilfredo Pareto, familiers de sa célèbre thèse sur la collusion entre ploutocrates et révolutionnaires, le savent bien. Les exemples qui nuancent ou infirment le mythe, abondent, depuis les acteurs et héritiers bourgeois de la Révolution française, jusqu’aux magnats milliardaires et spéculateurs financiers d’aujourd’hui comme George Soros.

    Il y a toujours eu en Europe, tout au moins depuis la fin du XIXe siècle, une droite antilibérale ou « illibérale » (comme on dit aujourd’hui), traditionnelle, sociale et anticapitaliste, qui non seulement affirme son engagement envers la communauté nationale mais défend également la justice sociale. Et il y a toujours eu aussi une gauche socialiste ou socialisante qui défend à la fois le républicanisme, la laïcité, la patrie et la nation.

    Quelles sont les oppositions conventionnelles entre la gauche et la droite ?

    Le point de vue essentialiste privilégie toujours l’ « idée » à l’ « existence », la réalité ou les faits. Il s’est développé à différents niveaux d’analyse plus ou moins sophistiqués. Rappelons ici les oppositions qu’il relève le plus fréquemment :

    1. Premièrement, il y a le pessimisme de la droite contre l’optimisme de la gauche. Le réalisme et le sentiment tragique de la vie contre l’idéalisme, le sentimentalisme, le triomphe de la bonne conscience et l’angélisme. Selon cette prémisse, il y a finalement deux tempéraments qui s’opposent toujours l’un à l’autre. Il y a toujours le même antagonisme : les réactionnaires / conservateurs versus les progressistes réformistes ou révolutionnaires.

    2. À un second niveau d’analyse, il existe deux positions métaphysiques : la transcendance et l’immanence. D’un côté, ceux qui défendent Dieu, et de l’autre, ceux qui déifient l’homme. On oppose ici la métaphysique chrétienne et la lecture correcte des Évangiles aux grandes hérésies et aux utopies falsificatrices du christianisme, au millénarisme, au gnosticisme (le Dieu du mal contre le Dieu du bien), ou encore à la croyance aux religions de la politique avec leur version sécularisée de l’apocatastase. À l’arrière-plan, il y a une sorte de combat éternel de la lumière contre les ténèbres, du bien contre le mal, chacun étant bien sûr interprété et défini différemment selon que l’on appartient ou non à l’un des deux pôles de droite ou de gauche.

    3. D’autres auteurs opposent la droite qui croit en la nature humaine sans changement et la gauche qui croit en la perfectibilité indéfinie de l’homme (un homme bien sûr non souillé par le péché originel comme l’enseigne le christianisme). Il y a donc la droite qui croit en l’ordre naturel par opposition à la gauche qui croit en la raison universelle ; la droite qui a une vision holiste de la société par opposition à l’approche individualiste de la gauche (cet individualisme radical apparu avec la Révolution française expliquerait par ailleurs la réaction collectiviste et totalitaire ultérieure du socialisme marxiste). Il existe donc l’organicisme de droite (c’est-à-dire la société qui se développe comme un arbre avec des racines et des branches qui ne peuvent être changées impunément selon la volonté de chacun) qui s’oppose au mécanicisme de gauche (c’est-à-dire la société qui fonctionne comme une horloge avec la possibilité de changer et modifier sans limites chacune des pièces).

    4. Une quatrième différence serait l’importance de l’éthique familiale et communautaire défendue par la droite face à l’obsession de la gauche pour la libération des mœurs et des coutumes.

    5. Mais l’antinomie la plus fréquemment citée est sans doute celle entre, d’une part, l’aristocratisme spirituel (à ne pas confondre avec l’aristocratisme social ou matériel) et le sentiment de liberté, typique de la droite et, d’autre part, l’égalitarisme niveleur et matérialiste, caractéristique de la gauche ; en d’autres termes la qualité versus la quantité [5]. L’idée force de la gauche serait la recherche de l’égalité dont le moteur serait l’envie, alors que le message de la droite serait la croyance en l’émulation. La gauche serait une sorte de pente vers l’égalité matérielle et la droite une sorte de pente vers l’aristocratie spirituelle [6].

    6. Une autre dissemblance significative a été également relevée : la passion de l’unité de la droite (avec l’appel habituel à l’union de la communauté nationale) face à l’esprit ou la volonté de division de la gauche (avec la réactivation permanente de la lutte des classes).

    7. Deux autres principes majeurs semblent irréductibles. Il y a la vision conflictuelle ou polémologique du monde, caractéristique de la droite qui s’oppose au rêve de l’avenir radieux de l’humanité, à l’utopie de « l’homme nouveau » obsession de la gauche. Il ne s’agit pas évidemment ici de l’homme nouveau voulu par le Dieu chrétien mais du nouvel homme désiré par les totalitarismes modernes (dans leurs versions marxiste-léniniste, national-socialiste, et néolibérale ou néo-social-démocrate mondialistes, sans oublier la variante idéologique récente de la « justice anthropologique », qui est elle-même intensifiée par les bio-idéologies, idéologies délirantes, dont étrangement les germes se retrouvent pratiquement tous dans le national-socialisme, comme l’a opportunément relevé le politologue érudit Dalmacio Negro Pavón).

    8. Last but not least, il y a l’éternel combat entre le vieux et le nouveau, le branché et le démodé, l’actuel et le caduc, l’ancien et le moderne. Certains même n’hésitent pas à voir dans la défense de la langue un authentique marqueur de droite. Mais à ce compte, les enseignants des écoles publiques, républicains, laïcs, socialistes, nationalistes et autres « progressistes » d’antan, modérés ou extrémistes, réformistes ou révolutionnaires, ne seraient que de vulgaires réactionnaires ou droitistes qui s’ignoraient.

    Bref, du point de vue essentialiste, il y a toujours une droite et une gauche.  Certains, comme Jacques Anisson du Perron, partent de la prémisse ou de l’axiome intangible : «  La droite a toujours existé puisqu’elle se confondait avec l’organisation politique des civilisations traditionnelles.  Au contraire, la gauche n’est apparue qu’aux temps modernes… ». En conséquence, nous serions condamnés éternellement à vivre et à ne connaître que deux conceptions opposées du monde et de la vie, et à un niveau inférieur, deux morales, deux formes de psychologie voire deux tempéraments.

    Arriver à ce stade, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que le mathématicien et dissident russe Igor Chafarevich disait que, d’un point de vue philosophique, le socialisme a toujours existé comme une tendance spécifique des sociétés humaines (et qu’il n’est pas seulement apparu historiquement au XIXe siècle). N’oublions pas non plus que Nicolas Berdiaev disait la même chose du nationalisme ou du patriotisme (qui, malgré ce que prétendent les ignorants et les démagogues, ont beaucoup d’histoire commune dans leurs formes modernes ; nés à gauche, au début du XIXe siècle, ils sont passés partiellement à droite à la fin du XIXe siècle).

    Cela étant dit, encore faut-il souligner un point clé : la plupart des auteurs « essentialistes » insistent sur la diversité ou le caractère pluriel de la droite et de la gauche. Ils montrent à juste titre qu’il n’y a pas une droite et une gauche, mais des droites et des gauches, sans parvenir toutefois à un consensus lorsqu’il s’agit de les définir ou de les classer. Ainsi, par exemple, René Rémond distinguait trois droites : traditionaliste, libérale et nationaliste et trois gauches : libertaire, autoritaire et marxiste. Mais après lui d’autres auteurs (comme le socialiste israélien Zeev Sternhell) ont distingué deux droites : radicale/révolutionnaire et conservatrice, et deux gauches : progressiste et révolutionnaire. D’autres encore (comme Stéphane Rials) voient une seule droite traditionnelle et quatre gauches : autoritaire-nationaliste, libérale-bourgeoise, anarcho-libertaire et social-marxiste. Plus récemment enfin, des auteurs comme Marc Crapez (spécialiste de la gauche nationaliste ou « réactionnaire ») ont signalé l’existence d’une bonne douzaine de tendances de droite et de gauche et ont discrédité ou retiré beaucoup de valeur et d’intérêt aux classifications pédagogiques et universitaires. 

    Pourquoi et comment la division gauche/droite est-elle critiquée ? Le point de vue historico-relativiste

    Historiquement, la division droite/gauche a à peine un siècle voire un siècle et demi. Telle est la réalité prosaïque. Après la Révolution française et pendant des décennies, la division ou l’opposition s’est limitée à une question de langage parlementaire (les partisans du pouvoir occupaient les sièges de droite et l’opposition ceux de gauche). Comme l’a fort bien dit le philosophe Espagnol Gustavo Bueno: « Dans les Cortes de Cadix [l’Assemblée constituante siégeant de 1810 à 1814 pendant la guerre d’indépendance contre la France], il n’y a pas de droite et de gauche ». La division mythique est en effet beaucoup plus récente.

    Dans l’opinion publique, sa naissance remonte à peine aux années 1870- 1900 et peut-être même à plus tard, aux années 1930. Par conséquent, le grand conflit cyclique entre la droite éternelle et la gauche immortelle n’a guère plus d’un siècle. Comme le notait à juste titre Julien Freund en 1986, c’est une division « essentiellement européenne et même localisée aux pays latins, bien qu’elle ait été reprise il y a quelque temps par les pays anglo-saxons ».

    Pour l’historien des idées politiques, il est relativement facile de montrer que les valeurs de droite et de gauche ne sont pas immuables, que les chassés-croisés ou les échanges d’idées ont été et restent constants. Les droites sont diverses et plurielles comme les gauches, ce qui explique leurs divisions et conflits permanents. Les droites et les gauches sont universalistes ou particularistes ; mondialistes/globalistes et partisanes du libre-échange ou patriotiques et anticapitalistes ; centralistes et jacobines ou régionalistes, fédéralistes et séparatistes ; Atlantistes, occidentalistes et européistes (partisanes d’une Europe fédérale) ou nationalistes, européistes (défenseuses d’une Europe des nations) et/ou non tiers-mondistes ; elles sont individualistes, rationalistes, positivistes, organicistes, mécanicistes, athées, agnostiques, spiritualistes, théistes ou chrétiennes. Il n’y a pas de définition intemporelle de la droite ou de la gauche qui s’applique partout et à tout moment. La droite et la gauche ne peuvent être définies historiquement que par rapport aux périodes et aux problèmes qui surviennent à un moment donné.

    Il est facile de montrer que les principales questions politiques se déplacent constamment de gauche à droite et vice versa. Je crois l’avoir fait en détail dans mon livre Droite / Gauche, pour sortir de l’équivoque auquel je renvoi le lecteur intéressé. C’est le cas de l’impérialisme, du colonialisme, du racisme [7], de l’antisémitisme, de l’antisionisme, de l’antimaçonnisme, de l’anti-christianisme, de l’anti-catholisme, de l’antiparlementarisme, de la critique du modèle démo-libéral, du technocratisme et de l’antitechnocratisme, du malthusianisme et de l’antimalthusianisme [8], du fédéralisme, du centralisme, de l’antiétatisme, du régionalisme, du séparatisme, de l’écologisme, de la critique des droits de l’homme et du droit d’ingérence (souvenons-nous des critiques acerbes du libéral anti-fasciste italien Benedetto Croce, du socialiste Harold Lasky ou du nationaliste Mahatma Gandhi) ; et c’est aussi le cas de la dénonciation des Lumières, de l’anticapitalisme, de la défense de la souveraineté et de l’identité des peuples, de l’immigrationnisme et de l’anti-immigrationnisme [9], de la préférence nationale, de l’islamophilie et de l’islamophobie, de l’arabophilie et de l’arabophobie, du patriotisme, du nationalisme, du souverainisme, de l’europhilie et de l’europhobie, de la russophilie et de la russophobie, de l’alliance avec le tiers monde, de l’antiaméricanisme ou de l’anti-impérialisme américain, etc. Toutes, absolument toutes ces questions échappent au débat obsessionnel entre la droite et la gauche. Nombre d’entre elles continuent d’opposer et de diviser non seulement entre les partis, mais aussi à l’intérieur des partis. On comprend mieux alors pourquoi les unions ou les alliances à droite ou à gauche sont et ont toujours été fragiles, volatiles, éphémères ou provisoires. À cela s’ajoute bien sûr le poids de l’ego, généralement surdimensionné des dirigeants politiques, mais aussi leurs intérêts et leurs plans de carrière antagonistes, que masquent mal les prétendues divergences sur les lignes politiques ou les programmes à adopter.

    Qui sont les auteurs qui ont le plus critiqué la division gauche/droite ?

    La remise en cause de la validité permanente de la dichotomie gauche/droite est à la fois historique, philosophique et morale. Elle n’est en rien le monopole d’un auteur, d’un mouvement intellectuel ou d’un parti politique.

    C’est le libéral José Ortega y Gasset qui dit : « Etre de gauche ou être de droite, c’est choisir une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile ; toutes deux, en effet, sont des formes d’hémiplégie morale » (La Révolte de masses, Préface au lecteur français, 1930).

    C’est le libéral Raymond Aron qui déclare : « On n’apportera quelque clarté dans la confrontation des querelles françaises qu’en rejetant ces concepts équivoques [de droite et de gauche] » (L’opium des intellectuels, Préface, 1955).

    C’est le libéral-conservateur Julien Freund qui écrit : « La distinction entre gauche et droite est d’ordre polémique et locale, elle ne détermine pas des catégories politiques essentielles […] La justesse philosophique exige que l’on dépasse cette classification circonstancielle […] La rivalité entre la droite et la gauche n’est pas fondée sur un jugement de moralité, mais elle est l’une des formes actuelles de la lutte pour le pouvoir » (L’essence du politique, annexe, rééd., 1986).

    C’est le national-syndicaliste José Antonio Primo de Rivera qui invite à rejeter les haines recuites de droite et de gauche et qui affirme: « Être de droite ou être de gauche, c’est toujours exclure de l’âme la moitié de ce qu’elle doit ressentir. C’est même parfois exclure le tout pour lui substituer une caricature de moitié » (« Ha fenecido el segundo bienio », 9 janvier 1936).

    C’est le marxologue Costanzo Preve, figure représentative du communisme italien, qui assure : « La dichotomie droite / gauche n’est rien d’autre qu’un résidu incapacitant ou une prothèse artificielle perpétuée par la classe dominante » (Italicum, nº1-2, 2004).

    C’est l’ex-militant soixante-huitard, le gauchiste Jean Baudrillard, qui constate : « Si un jour l’imagination politique, l’exigence et la volonté politiques ont une chance de rebondir, ce ne peut être que sur la base de l’abolition radicale de cette distinction fossile qui s’est annulée et désavouée elle-même au fil des décennies, et qui ne tient plus que par la complicité dans la corruption » (De l’exorcisme en politique ou la Conjuration des imbéciles, 1998).

    C’est le socialiste libertaire grec, Cornelius Castoriadis, qui reconnait: « Il y a longtemps que le clivage gauche-droite, en France comme ailleurs, ne correspond plus ni aux grands problèmes de notre temps ni à des choix politiques radicalement opposés » (Le Monde, 12 juillet 1986).

    En réalité, d’innombrables auteurs aux convictions très diverses s’inscrivent dans la tradition « sceptique » ou critique de la fracture gauche / droite. Ceux qui dénoncent l’épuisement du clivage sont devenus légions depuis quelques années. On peut citer ici à titre d’exemple les noms du traditionaliste Donoso Cortés, des libéraux Ortega et Unamuno, du socialiste-marxiste hétérodoxe Gustavo Bueno ;  des Français Pierre-Joseph Proudhon, Maurice Barrès, Charles Péguy, Simone Weil, Daniel-Rops, Jean Baudrillard, Jean-Claude Michéa, Christophe Guilluy, Vincent Coussedière, Alain De Benoist, Marcel Gauchet ; des Américains Christopher Lasch, Paul Piccone et Paul Gottfried ; des Italiens Costanzo Preve, Augusto del Noce, Pier Paolo Pasolini, Marco Tarchi, Marco Revelli et bien d’autres [10]. 

    La majorité des politologues et des journalistes s’accordent à constater que la gauche néo-social-démocrate (avec ses alliés d’extrême gauche) a cessé de proclamer sa volonté de résoudre la question sociale et de faire la révolution sociale (avec l’espoir de la libération du prolétariat) pour assumer les principes du libre marché et invoquer de préférence les « valeurs » sociétales et anthropologiques (défense du « citoyen mondial », intégration de minorités « victimisées », homosexuels, transsexuels, féministes, immigrants, idéologie du genre et multiculturalisme).  Quant à la droite néolibérale (qui rejette les alliances avec les droites traditionnelles et radicales), elle a abandonné la défense de la nation, la morale, la religion et la famille, pour s’occuper exclusivement et cyniquement d’économie.

    Que veut dire être simultanément de droite et de gauche

    Les marxistes, les néo-sociaux-démocrates, les sociaux-libéraux et les conservateurs-libéraux réduisent souvent la dénonciation de l’opposition droite / gauche à une attitude extrémiste et cynique. De nombreux commentateurs politiques voient même dans cette critique de la dichotomie traditionnelle la résurgence du fascisme pour ne pas dire du national-socialisme ou nazisme. Mais en réalité il ne s’agit là que d’un argument de propagande électorale invalidé par les faits historiques.

    Fondamentalement, se définir simultanément de droite et de gauche, c’est exprimer la conviction qu’une communauté politique a besoin à la fois de justice et de liberté, de progrès et de conservation, de patriotisme et d’internationalisme, de personnalisme et de solidarisme, d’ordre et de liberté, d’initiative économique et de garanties sociales, de respect des droits humains et d’affirmation des devoirs des hommes, d’égalité et de mérite, de fraternité et de compétitivité, rien de plus et rien de moins.

    Ces préoccupations peuvent être résumées en quelques mots. Il s’agit de la volonté politique de défendre des valeurs spirituelles, religieuses, patriotiques ou nationales et, simultanément, de poursuivre le bien commun  ou d’affirmer le besoin de solidarité collective et de justice sociale. Cette tentative de synthèse se retrouve dans les programmes de nombreux mouvements de pensée, qui sont nés et se sont développés en Europe depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Des mouvements qui sont radicaux, révolutionnaires et extrémistes, ou modérés et réformistes selon les lieux et les époques. Dans mon livre, je me réfère à la vingtaine de modèles ou d’exemples que sont le traditionalisme social (selon l’économiste italien Stefano Solari, Donoso Cortés, serait l’inventeur de la Troisième voie) ; le légitimisme ou premier catholicisme social (celui de René de La Tour du Pin et Frédéric Le Play), le bonapartisme et le boulangisme de la fin du XIXe siècle, le nationalisme social (de Maurice Barrès et Charles Péguy), le socialisme patriotique (des héritiers des révolutionnaires radicaux de la Révolution française, comme Jacques Hébert), le socialisme-libertaire et nationaliste d’Auguste Blanqui pendant la Commune, le socialisme non marxiste d’Henri Rochefort, Gustave Tridon, Jules Vallès, Albert Regnard, etc., le syndicalisme révolutionnaire, le coopérativisme et le mutualisme (de Proudhon, Georges Sorel, Antonio Labriola, Georges Valois, etc.), le distributionnisme et le corporatisme catholique (des anglais Hilaire Belloc et Chesterton, des français Louis Baudin, Jean Daujat, Gaétan Pirou, Louis Salleron, Gabriel Marcel et du belge Marcel De Corte), le monarchisme nationaliste de la première Action Française de Charles Maurras, le conservatisme révolutionnaire allemand (de Spengler, Jünger, Spann, Moeller van den Bruck, etc.), le personnalisme des non-conformistes français des années 1930 (Emmanuel Mounier, Thierry Maulnier, Alexandre Marc, etc.), le national-syndicalisme de José-Antonio Primo de Rivera, le Fianna Fáil de l’Irlandais Eamon de Valera (principal fondateur de la République démocratique irlandaise), le fascisme italien (dans sa double version conservatrice et révolutionnaire), le gaullisme de la France d’après-guerre (1946-1969),  l’ordolibéralisme [11] ou ex-néolibéralisme (de Walter Eucken, Wilhelm Röpke, Alexander Rüstow ou Jacques Rueff), et enfin, les différents populismes [12] d’aujourd’hui (de gauche et de droite avec leurs discours souverainistes et/ou identitaires se donnant pour mission de réduire le fossé socio-économique et/ou ethnoculturel).  

    Pourquoi la division droite/gauche est-elle aussi critiquée par des représentants du social-libéralisme, de la néo-social-démocratie et du néolibéralisme?

    La division gauche/droite a été également souvent mise en question par des hommes politiques du centre. C’est notamment le cas d’Emmanuel Macron, de Matteo Renzi et de diverses autres personnalités politiques et intellectuelles. Paradoxalement, il s’agit de représentants avérés de l’oligarchie mondialiste qui, parfaits connaisseurs de la magie des mots, ont présenté à des fins électoralistes une version centriste, édulcorée et diluée de la critique de la division droite/gauche. Ils savent que la division traditionnelle est largement discréditée dans l’opinion publique et qu’ils doivent en tenir compte au moins verbalement pour séduire leurs électeurs. Mais les politiques de ces dirigeants s’inscrivent parfaitement dans la lignée de celles des politiciens sociaux-démocrates ou démocrates-chrétiens qui se sont illustrés il y a déjà plusieurs décennies comme Tony Blair, Schroeder ou Clinton [13]. Ces derniers se réclamaient alors de la « troisième voie » que théorisaient l’Anglais Anthony Giddens et le Nord-Américain Amitai Etzioni. En Espagne, Albert Rivera et son parti Ciudadanos, qui se sont engagés dans la même voie, ont obtenu significativement le soutien de l’ancien Premier ministre socialiste français Manuel Valls.

    On peut résumer le succès de cette stratégie et son résultat électoralement positif (quoique non définitif, comme le démontrent les difficultés considérables du président Macron et de son gouvernement devant la rébellion des Gilets jaunes), en rappelant les fameuses paroles du jeune Tancredi, personnage du Guépard : « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ».

    Que reste-t-il de la division gauche/droite et quel est le nouveau clivage?

    La critique de la dichotomie D/G consiste avant tout à montrer qu’il n’y a ni « valeurs éternelles » de droite, ni « principes immortels » de gauche. En d’autres termes, critiquer la dichotomie traditionnelle, c’est révéler que la droite et la gauche sont le résultat de certaines opinions sur des faits et des idées, qui ne proviennent pas d’un modèle idéal, d’un archétype ou d’une idée au sens platonicien du terme.

    Il ne s’agit pas de nier qu’historiquement la division droite / gauche explique une grande partie des phénomènes politiques du passé, mais seulement de nier qu’elle les explique tous. Il s’agit de montrer que dans l’Europe d’aujourd’hui, le débat politique prétendument immuable, qui oppose deux catégories « essentialisées », la droite éternelle et la gauche immortelle, est devenu une prothèse artificielle qui sert à pérenniser la situation de l’oligarchie dominante.

    La division D/G est devenue un masque, qui sert à cacher une autre division, désormais beaucoup plus décisive : celle qui oppose les peuples enracinés aux élites autoproclamées vecteurs du déracinement ; celle qui oppose les défenseurs de la souveraineté, de l’identité et de la cohésion nationale aux partisans de la « gouvernance mondiale » ; celle qui oppose les exclus de la mondialisation rejetés dans les zones périphériques du pays (personnes ou citoyens qui évidemment ont – ou auront – leurs propres dirigeants en vertu de la « loi de fer de l’oligarchie [14] ») aux privilégiés du système, à l’oligarchie dominante, à la classe dirigeante mondialisée ou hyperclasse qui vit dans les beaux quartiers des grandes villes, les zones les plus développées du pays et qui, par ailleurs, côtoie de préférence ou exclusivement les privilégiés du mondialisme d’autres pays [15].

    Il y a aujourd’hui clairement, et dans toute l’Europe, un nouveau dualisme qui remplace l’ancienne opposition droite / gauche (même les auteurs essentialistes, qui rejettent la possibilité d’une extinction ou d’une disparition de la dichotomie, reconnaissent qu’il s’est produit une profonde altération ou modification). Populisme versus oligarchie, enracinement contre mondialisation, culture communautaire et solidaire contre culture libérale et progressiste, reflètent la nouvelle ligne de partage. Quoi qu’en disent les « experts » et autres « spécialistes » autoproclamés des médias, il s’agit là de deux manières tout à fait nouvelles d’interpréter la réalité qui s’affrontent, de deux façons rationnelles mais inconciliables de voir d’où vient le plus grand danger, de choisir notre avenir et notre engagement.

    Arnaud Imatz (Perspectives libres, 12 mars 2019)

     

    Notes :

    [1] Ce résumé a été fait à partir de notes rassemblées pour la conférence Par delà droite et gauche, au Cercle Aristote, présidée par Pierre Yves Rougeyron, le 10 octobre 2016 et pour une série de trois programmes de radio sur la droite et la gauche dans le cadre de l’émission Platon Regresa a la caverna du philosophe Domingo González et du politologue doyen de Faculté Jerónimo Molina Cano,  les 30 novembre, 7 et 14 décembre 2018.

    [2] À l’arrière plan il y a bien sûr la triple fracture entre les partis politiques critiques de la mondialisation radicale menée à bien depuis plus de trente ans par l’oligarchie dominante (politique, économique, financière et culturelle), dont les positions sont tantôt altermondialistes, internationalistes et crypto-marxistes (Podemos, Syriza ou La France insoumise), tantôt antimondialistes, ces derniers se divisant à leur tour entre, d’une part, les libéraux-conservateurs qui poursuivent l’union ou l’alliance des droites (comme Marion Maréchal Le Pen en France ou les leaders de Vox en Espagne), et, d’autre part, la tendance républicaine et laïque « simultanément de droite et de gauche » qui incarne une ligne cherchant à synthétiser les aspirations identitaires et souverainistes, les idées de patrie et de justice sociale (comme le Front National d’hier avec Florian Philippot ou le Rassemblement National de Marine Le Pen aujourd’hui).

    [3] C’est aussi le cas d’un autre des fondateurs de la Nouvelle Droite le journaliste  Michel Marmin (voir : M. Marmin et Eric Branca, Droite + Gauche, Paris, Éditions Chronique, 2016).

    [4] Depuis la droite, Jean-Louis Harouel, Droite-Gauche : ce n’est pas fini, Paris, Desclée de Brouwer, 2017 et Guillaume Bernard, La guerre à droite aura bien lieu. Le mouvement dextrogyre, Paris, Desclée de Brouwer, 2016 et, sur le versant de gauche, Jacques Julliard, Les gauches françaises 1762-2012, Paris, Champs Histoire, 2013 ou Carlo Galli, Perché ancora destra e sinistra, Bari, Laterza, 2013. Voir aussi : Marco Revelli, Post-Sinistra, Bari, Laterza, 2014 et Sinistra Destra : L’identita smarrita, Bari, Laterza, 2014.

    [5] Sur l’envie égalitaire de gauche et l’esprit d’émulation de droite voir Gonzalo Fernández de la La envidia igualitaria, Madrid, Planeta, 1984, Altera, 2011. Sur le principe d’égalité synthèse de la politique de gauche voir : Norberto Bobbio, Droite et gauche, Paris, Seuil, 1996 ; Esperanza Guisán, La ética mira a la izquierda, Madrid, Tecnos, 1992 et Ted Honderich, Conservatism, Londres, H. Hamilton, 1990.

    [6] Sur l’égalitarisme face à l’aristocratisme spirituel voir Jean Jaelic, La droite cette inconnue, préface G. Marcel, Paris, Sept couleurs, 1963.

    [7] On pourrait évoquer ici la raciologie ou le racialisme de la gauche modérée et radicale sous la IIIe République (la Société d’anthropologie de Paris, l’Institut d’ethnologie de Paris, le Musée de l’homme et, plus généralement, l’émergence et le développement de l’ethnologie et de l’anthropologie françaises de 1860 à 1930), ou encore l’eugénisme de la social-démocratie suédoise jusqu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale. A noter que le « multiculturalisme » d’aujourd’hui est une forme d’internationalisme qui postule sans s’en rendre compte, du moins à ses débuts, une nouvelle forme de racisme. Significativement, les jeunes sociaux-démocrates suédois ont demandé que l’immigration soit encouragée afin de mettre fin à la race suédoise par la mixité raciale. On sait aussi que l’homophobie a longtemps marqué la pensée marxiste. Elle a été la norme à Cuba pendant toute la période de Fidel Castro.

    [8] Le malthusianisme extrémiste de l’écologiste de gauche Yves Cochet (voir sa déclaration à l’ Obs du 4 janvier 2019) lui aurait valu une volée de bois vert de la part des front-populistes des années 1930. Dans l’après-guerre, le malthusianisme (la contraception) était encore dénoncé comme une idéologie bourgeoise par le PCF, et en particulier par la femme de son Secrétaire général, Maurice Thorez, la député et sénatrice Jeannette Vermeersch.

    [9] La « préférence nationale » était le principe défendu par la gauche et le Front Populaire français dans les années trente. Les partis socialiste, radical et démocrate-chrétien et les syndicats comme la CGT marxiste s’accordaient à dénoncer le danger de l’immigration au nom de la défense de la main d’œuvre française. Voir les lois anti-immigrationnistes de 1923, 1926 et 1932 et les décrets de 1936, 1937 et 1938.

    [10] L’épuisement de la division D/G a été analysé tant à partir de la perspective  « historico-relativiste » que du point de vue « essentialiste ». On retrouve notamment l’approche essentialiste chez le meilleur spécialiste du conservatisme en Amérique du nord, l’historien et politologue Paul Gottfried (voir : Le Conservatisme en Amérique, Paris, L’Œuvre éditions, 2012). Gottfried affirme sans ambages: «Les différences politiques entre droite et gauche se réduisent de nos jours à des désaccords insignifiants entre groupements qui rivalisent pour l’obtention de places. En fait, ils ergotent sur des vétilles. Le débat est très encadré; il a de moins en moins d’intérêt et ne mérite aucune attention. » P. Gottfried, Nouvelle Revue d’Histoire, septembre-octobre 2011, p. 32. Voir aussi sur le thème « ¿Derecha- izquierda ¿Una distinción política? », Elementos, nº 63 avec les contributions de A. de Benoist, J. Ruiz Portella, J. J. Esparza, H. Giretti, A. Buela, D. Sanmarán, J. Estefania, F. Fernández Buey, A. Giddens, N. Bobbio etc.

    [11] L’ordo-libéralisme considère que les marchés ont besoin d’un cadre éthico-juridico-politique pour assurer la survie des valeurs libérales. Sur l’ordo-libéralisme (premier néolibéralisme) opposé au paléo-libéralisme, à l’ultralibéralisme, au libertarianisme et au néolibéralisme anglo-saxon du tournant du XXIe siècle voir A. Imatz, « Wilhelm Röpke et la troisième voie », Cercle Aristote, 6 juin 2017, http://cerclearistote.com/2017/06/wilhelm-ropke-et-la-troisieme-voie-neoliberale/

    [12] Voir Chantal Delsol, Populismes : les demeurés de l’histoire, Paris, Le Rocher, 2015 et Alain de Benoist, Droite- Gauche, c’est fini. Le moment populiste, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, 2017.

    [13] En pleine irruption des Gilets jaunes, mouvement populaire anti-oligarchique, le président Emmanuel Macron affirmait contradictoirement être un « progressiste » luttant contre la « lèpre nationaliste» (1er novembre 2018) et, très peu de temps après, « nous sommes des vrais populistes » (devant une assemblée de maires, le 21 novembre 2018).

    [14] Voir Dalmacio Negro Pavón, La ley de hierro de la oligarquía, Madrid, Ediciones Encuentro, 2015.

    [15] L’Italien Marcello Veneziani parle de lutte « entre culture communautaire et culture libérale » (M. Veneziani, Sinistra e destra, Firenze, Vallechi, 1995). Quant au sociologue Emmanuel Todd, il se réfère a la nouvelle lutte entre « démocratie xénophobe » (nationale) et « empire autoritaire » (européen) (E. Todd, entrevista « L’État ne peut pas être incarné par un enfant », Atlantico, 20 décembre 2018).

     

     

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