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  • Le hussard Nimier...

    Les éditions Gallimard viennent de publier dans leur collection Quarto un recueil des Œuvres de Roger Nimier.

    Écrivain, journaliste et scénariste, Roger Nimier (1925-1962), qui a été institué par la critique littéraire chef de file des "Hussards". On rappellera dans son œuvre Les épées (1948), Le Hussard bleu (1950), Le grand d'Espagne (1950), D'Artagnan amoureux (1962) ou encore le scénario du film de Louis Malle, Ascenseur pour l’échafaud (1958).

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    " Dans une littérature d'après-guerre dominée par Sartre et Camus, la voix du jeune Roger Nimier, né en 1925, s'élève remarquablement. Insolent, provocateur, libre, Nimier choque intellectuels et critiques d'alors. Entre 1948 et 1951, il publie quatre romans, dont Le Hussard bleu qui l'impose sur la scène littéraire, ainsi qu'une série d'essais non conformistes (Le Grand d'Espagne). Qui est ce jeune écrivain de vingt-cinq ans ? Élève brillant et précoce, il commence ses études de philosophie à la Sorbonne en 1942. En mars 1945, il s'engage dans le 2e régiment des hussards, à Tarbes, et sera démobilisé en août. La période qui s'ouvre est, pour Nimier, celle d'un grand mensonge national, faite de bien-pensance et d'opportunisme. Au lieu de distinguer le bien du mal entre Vichy, le gaullisme et la collaboration, le jeune homme qui "veut comprendre" cherche à mettre en action la complexité politique et morale des choix et des situations. Il est bien trop tôt, la France n'est pas prête, et Nimier dérange. En réalité, il porte en lui le sentiment d'une dette à l'égard de ses camarades morts. L'écriture du roman est chargée d'acquitter cette dette, elle doit donner la parole aux jeunes disparus de la guerre et évoquer la génération des "Vingt ans en 45", dont ses héros sont les porte-parole. Rapidement Nimier conquiert le milieu littéraire, passant de la revue La Table ronde (1949) pour contrer l'existentialisme à Opéra en 1951, qu'il transforme en journal culturel. Au discours des bourgeois et des révolutionnaires, il oppose une ironie aristocratique, un scepticisme qui n'interdit pas l'indignation, une lucidité désabusée. Après la publication d'Histoire d'un amour (1953), il se consacre à la critique, aux chroniques. En 1956, il devient conseiller littéraire aux Éditions Gallimard, s'occupe de plusieurs collections, travaille à la reconnaissance littéraire d'écrivains déconsidérés, tels que Chardonne, Morand, Montherlant et Céline. Il se tourne aussi vers le cinéma, est l'auteur de scénarios de Louis Malle (Ascenseur pour l'échafaud, 1958) et d'Alexandre Astruc (Éducation sentimentale, 1962). Son décès dans un accident de voiture en 1962 survient alors qu'il achève D'Artagnan amoureux, signe d'un retour au roman. "

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  • Le monde éclaté : naissance des tribus cognitives et mort de la civilisation commune...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Yann Vallerie cueilli sur Breizh-Info et consacré à l'existence de tribus cognitives étanches.

     

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    Le monde éclaté : naissance des tribus cognitives et mort de la civilisation commune

    « Autrefois, on débattait d’idées : tout le monde partageait la même réalité, on se disputait sur ce qu’il fallait en faire. Aujourd’hui, chacun vit dans son récit. »

    C’est peut-être la phrase, tweetée récemment par Pierre Sautarel, animateur du site Fdesouche, la plus inquiétante de notre époque.

    Car lorsque les hommes cessent de partager la même réalité, ils cessent d’appartenir à la même civilisation. Et bientôt, à la même espèce.

    La fin du réel

    Autrefois, la querelle politique était rude, mais elle se déroulait dans un univers commun. On admettait les faits. On débattait de la route à suivre, pas de l’existence même de la route. Aujourd’hui, nous vivons dans des mondes parallèles, cloisonnés par des écrans, des algorithmes, des idéologies auto-référentielles. Chacun s’enferme dans son récit – sa bulle cognitive, sa tribu narrative –, persuadé que les autres sont fous, dangereux, ou contaminés.

    La gauche woke vit dans un monde imaginaire où l’homme n’existe plus, remplacé par des identités fluides et des oppressions infinies.

    La droite institutionnelle s’accroche au mythe du progrès et du “vivre-ensemble” comme à une bouée percée. Et le peuple, lui, se réfugie dans ses écrans, dans ses séries, dans ses dettes, anesthésié par la peur de tout perdre.

    Nous ne voyons plus la même chose. Nous ne parlons plus la même langue. Nous ne croyons plus au même monde.

    Le choc des récits

    C’est cela, la guerre métapolitique du XXIᵉ siècle : une guerre des perceptions.

    Plus besoin de chars ni de bombardiers quand il suffit de fabriquer des réalités concurrentes. Chacun s’invente son apocalypse, son paradis, son ennemi intime.

    Les militants écolos croient sauver la planète en détruisant la civilisation. Les technocrates croient sauver la démocratie en la bâillonnant. Les bien-pensants croient protéger le “vivre-ensemble” en dissolvant le réel.

    Nous sommes devenus des tribus cognitives : nos croyances valent plus que nos yeux. La science elle-même n’est plus un langage commun : elle est devenue une arme rhétorique.

    « Les scientifiques disent… » — voilà la nouvelle prêtrise, la nouvelle inquisition. Et quiconque doute de ce nouveau catéchisme est excommunié comme hérétique ou complotiste.

    Le retour de la sauvagerie

    Ce monde de récits clos, de vérités parallèles, c’est celui où commence la barbarie. Car quand l’homme ne reconnaît plus dans l’autre un semblable, il cesse de lui parler : il le frappe.

    L’histoire le prouve : avant chaque guerre civile, il y a eu une guerre du réel. Avant les massacres, il y a eu des récits concurrents, des vérités irréconciliables.

    Nous y sommes. Les fractures ne sont plus politiques, mais anthropologiques. Elles touchent au cœur de ce que nous sommes : la vision du monde, du corps, du temps, du sacré.

    Quand une société ne partage plus de réalité commune, elle cesse d’être une société. Elle devient une jungle peuplée d’humains qui ne se reconnaissent plus entre eux.

    Le prix du mensonge

    Le plus tragique, c’est que cette déconnexion du réel ne vient pas du bas, mais du haut. Ce sont les élites qui ont cessé d’habiter le monde.

    Elles vivent dans les tours de verre, dans les métavers, dans les abstractions statistiques. Elles ne voient plus les visages, les villages, les vies concrètes.
    Elles administrent un peuple fantôme, comme des dieux distraits gérant une simulation.

    Et le peuple, en retour, se crée ses mythes, ses totems, ses explications magiques., Les uns se réfugient dans l’eschatologie climatique, d’autres dans les prophéties du grand remplacement, d’autres encore dans la religion du progrès technologique.
    Chacun son apocalypse, chacun son évangile.

    Mais un monde où plus rien n’est partagé, où le réel lui-même devient un champ de bataille, ne peut pas durer.
    Le mensonge collectif ne fonde pas une civilisation : il la détruit.

    Retrouver le monde

    Il faudra revenir au réel. Brutalement, s’il le faut.
    Il faudra réapprendre à voir, à nommer, à décrire.
    Redonner aux mots leur sens, aux faits leur poids, aux frontières leur fonction.
    Retisser une réalité commune, enracinée, organique — à hauteur d’homme, de peuple et de terre.

    Sinon, il ne restera plus que le fracas des bulles qui éclatent, les récits qui se heurtent, les tribus qui s’entre-déchirent.
    Et, au milieu du chaos, quelques hommes lucides qui se souviendront qu’avant de tout perdre, on avait cessé de voir le monde tel qu’il est.

    Yann Vallerie (Breizh-info, 2 novembre 2025)

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