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Entretiens - Page 4

  • Michel Geoffroy : "Le monde veut se moderniser sans s'occidentaliser"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Michel Geoffroy à Régis Le Sommier pour Omerta, dans lequel il évoque la place qu’occupe actuellement l’Europe en Occident et son américanisation mortifère.

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, ainsi que plusieurs essais, dont La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021), Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023) et, dernièrement Occident go home ! - Plaidoyer pour une Europe libre (Via Romana, 2024).

     

                                                 

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  • Le monde médiatique hexagonal : une impeccable homogénéité idéologique libérale-libertaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Xavier Eman à Breih-Info à l'occasion de la sortie de son enquête intitulée Formatage continu (OJIM/La Nouvelle Librairie, 2024) et consacrée aux écoles de journalisme.

    Rédacteur en chef de la revue Livr'arbitres et rédacteur en chef adjoint de la revue Éléments, Xavier Eman est l'auteur de deux recueils de chroniques intitulés Une fin du monde sans importance (Krisis, 2016 et la Nouvelle Librairie, 2019), d'un polar, Terminus pour le Hussard (Auda Isarn, 2019) et, dernièrement, d'Hécatombe - Pensées éparses pour un monde en miettes (La Nouvelle Librairie, 2021).

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    « Enseignants comme étudiants, issus des mêmes milieux urbains bourgeois, se considèrent comme une élite éclairée moralement supérieure à la plèbe »

    Breizh-Info : Dans Formatage continu, vous explorez les quatorze principales écoles de journalisme en France. Qu’est-ce qui vous a conduit à écrire cet ouvrage ?

    Xavier Eman : A tout seigneur, tout honneur, c’est Claude Chollet, le président et guide suprême de l’OJIM qui a eu l’idée de cette publication à la suite d’une réflexion partagée – d’ailleurs assez commune et banale – sur l’incroyable conformisme idéologique, tendant presque à la « mêmeté », du personnel journalistique et médiatique français. Pourquoi l’écrasante majorité des journalistes est-elle si parfaitement interchangeable, si remarquablement soumise à la doxa « libérale libertaire » et mondialiste, et si parfaitement imperméable aux changements et évolutions politiques et idéologiques de l’opinion publique ? C’est pour tenter de répondre à cette question que je me suis donc penché sur leur formation, leurs écoles, ce qu’on leur y enseigne et qui y enseigne. Et je n’ai pas été déçu.

    Breizh-Info : Comment avez-vous choisi les quatorze écoles incluses dans ce « Tour de France » ? Certaines écoles se démarquent-elles par un profil plus « dissident » ou plus critique, ou est-ce un phénomène général ?

    Xavier Eman : Nous avons décidé de limiter l’analyse aux 14 écoles « reconnues par la profession » et qui sont donc les plus prestigieuses et sensément les plus « sérieuses ». En réalité, ce sont surtout celles qui ont le meilleur « carnet d’adresses » pour placer leurs « poulains » à l’issue de leurs études. Ce sont également celles dont sont issus la plupart des « grands noms » de notre paysage médiatique. Il y a bien sûr des différences et des nuances entre les établissements, mais celles-ci restent très superficielles, pour ne pas dire cosmétiques. Les fondements pédagogiques et idéologiques sont très similaires.

    Breizh-Info : Vous évoquez un système de « formatage idéologique » et de « cooptation politique » dans ces écoles. Quels sont, selon vous, les principaux mécanismes qui aboutissent à cette uniformité de pensée chez les jeunes journalistes ?

    Xavier Eman : L’élément principal est la totale uniformité idéologique des intervenants dans ces écoles, sur un panel allant du centre-gauche (Le Monde) à l’extrême-gauche (Mediapart, Streetpress…) ce qu’ils considèrent très certainement comme la parfaite expression d’une remarquable « diversité » sans cesse mise en avant dans leur communication. Le second point est l’omniprésence, dans les enseignements comme dans les travaux pratiques, des thématiques sociales et sociétales les plus prétendument « progressistes », des droits LGBTQI+++ aux « violences policières » en passant par les difficultés d’insertion des migrants et les monstruosités imposées aux femmes par le patriarcat. Dans les nombreux différents journaux d’apprentissage réalisés par les étudiants, vous ne risquez pas de trouver un seul article sur le racisme antiblanc ou sur les drames de Lola ou de Philippine, ou alors simplement pour en « décrypter » l’odieuse « récupération » par « l’extrême-droite ».

    Breizh-Info : Vous parlez d’une endogamie sociale au sein des écoles de journalisme. Comment se traduit-elle concrètement ? Et quelles en sont, selon vous, les conséquences sur la qualité de l’information et la représentation de la diversité des opinions ?

    Xavier Eman : Même si certaines écoles se félicitent de la mise en place de « filières » ou de conditions d’admission sensées favorisé la « mixité sociale », la grande majorité des étudiants reste issue de la bourgeoisie citadine des centre-villes. Ils ont donc déjà, à l’origine, sinon l’idéologie du moins la « façon de penser » bobo-mondialiste qui va avec. Ils ont généralement fréquenté les mêmes établissements scolaires (le plus souvent privés), les mêmes soirées, les mêmes lieux devillégiature de vacances, etc. Venant d’un milieu privilégié, largement préservé et protégé, ils ont l’habitude de « l’entre-soi » de gens se considérant comme une « élite éclairée » moralement supérieure à la plèbe. C’est le fameux « camp du Bien ». Cette endogamie sociale explique en grande partie leur déconnexion quasi-complète vis à vis des réalités, des préoccupations et des problèmes de la majorité de la population.

    Breizh-Info : Selon vous, comment pourrait-on réformer la formation des journalistes pour favoriser une plus grande diversité de points de vue et mieux représenter la pluralité des opinions en France ? N’y a-t-il pas le risque que les instituts de formation libres du journalisme formatent « à l’envers » d’autres journalistes indépendants ou alternatifs ?

    Xavier Eman : C’est évidemment un risque… De la même façon que la « réinformation » ne doit pas être de la « désinformation inversée », une formation journalistique « alternative » ne doit pas simplement remplacer du « bourrage de crâne de gauche » par du « bourrage de crâne de droite »… Dans une vision idéale, on pourrait imaginer une école se concentrant sur la transmission des aspects « techniques » du métier de journaliste et qui solliciterait des intervenants de toutes les sensibilités politiques. Quant aux écoles existantes, certaines seraient évidemment réformables, notamment celles qui sont publiques, en changeant le personnel de direction et une partie au moins des enseignants… La gauche hurlerait évidemment alors à l’atteinte à la « liberté », celle-ci se cofondant, dans son esprit, avec un monopole absolu et incontestable sur la culture, l’enseignement et les médias.

    Breizh-Info : Pensez-vous qu’une forme d’autocensure s’installe chez les étudiants en journalisme pour s’intégrer dans le cadre idéologique dominant, ou cette conformité est-elle imposée dès les premiers cours ?

    Xavier Eman : Il y a autocensure chez ceux qui, justement, ne partagent pas la doxa idéologique de ces écoles mais sont obligés de « faire profil bas » et de se conformer aux injonctions des professeurs et des intervenants pour ne pas se « faire repérer » voire « dénoncer » (parfois par leurs propres condisciples…) comme étant des « mal pensants » à sanctionner voir à écarter de la formation. Nous avons récolté plusieurs témoignages d’anciens élèves qui nous ont raconté à quel point ils devaient se surveiller pour ne pas éveiller la méfiance des autres élèves ou des cadres de l’institution. Pour pouvoir non seulement suivre « paisiblement » leur formation mais également espérer trouver du travail à sa sortie, ils étaient condamnés à une forme de « schizophrénie « , à dire et à écrire le contraire de ce qu’ils pensaient.

    Breizh-Info : Vous êtes également rédacteur en chef de Livr’arbitres et du magazine Éléments. Dans quelle mesure votre propre parcours a-t-il influencé votre perception du journalisme ?

    Xavier Eman : J’ai toujours nourri une grande passion pour le journalisme, que j’associais à la liberté et à la recherche de la vérité, ou du moins, plus modestement, de l’honnêteté. Mais mes premières confrontations au « journalisme professionnel » m’ont rapidement fait perdre mes illusions et, face aux carcans imposés à la fois par le « politiquement correct » et les impératifs économiques (poids des annonceurs, des actionnaires…), j’ai vite compris qu’il n’y avait de véritable marge de manoeuvre et de possibilité d’expression libre que dans les médias alternatifs et indépendants, c’est à dire aussi dans une certaine marginalité. Par ailleurs, tous les grands journalistes, passés ou présents, que j’admire sont des autodidactes, donc je ne suis nullement fasciné et encore moins impressionné par les titres universitaires dans ce domaine.

    Breizh-Info : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui envisagent une carrière dans le journalisme, mais qui craignent de perdre leur indépendance de pensée ?

    Xavier Eman : Déjà je leur conseillerai de lire le plus possible. De se constituer une solide culture générale et historique sur laquelle ils pourront appuyer leurs analyses de l’actualité et faire la différence avec les tragiques incultes qui occupent massivement les plateaux et les rédactions. Pour le reste tout dépend de leur caractère, de leurs envies et de leurs ambitions… S’ils veulent briller et gagner de l’argent, ils devront, dans le contexte actuel, courber l’échine et se renier. S’il acceptent la perspective de nombreuses difficultés, d’une relative pauvreté et d’un assez large anonymat, alors ils peuvent envisager de faire un travail à la fois sérieux, honnête et utile. La multiplication des nouveaux supports de type « youtube » offre notamment aujourd’hui des perspectives viables en dehors des médias dominants et institutionnels. Par ailleurs, le développement actuel des titres « conservateurs » ou « libéraux conservateurs » peut sensiblement changer la donne. A condition, comme nous l’avons déjà dit, que cela n’aboutisse pas simplement à une inversion des conformismes et des censures…

    Xavier Eman, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 18 novembre 2024)

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  • Dans l'Océan indien, le monde multipolaire a commencé...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit Hervé Juvin,pour évoquer avec lui l'émergence du monde multipolaire dans l'Océan indien.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

                                            

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  • Conversation avec Richard Millet...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une conversation de l'animateur du site Voyages en récits avec Richard Millet.

    Romancier, essayiste et polémiste, Richard Millet est l'auteur, notamment, de La confession négative (Gallimard, 2009), d'Arguments d'un désespoir contemporain (Hermann, 2011), de Fatigue du sens (Pierre-Guillaume de Roux, 2011), de Langue fantôme (Pierre-Guillaume de Roux, 2012), de Tuer (Léo Scheer, 2015), de Français langue morte (Les Provinciales, 2020), de Paris bas-ventre - Le RER comme principe évacuateur du peuple français (La Nouvelle Librairie, 2021) ou de  Nouveaux lieux communs - Exégèse, exorcisme (La Nouvelle Librairie, 2024). Un recueil de ses écrits de combat a également été publié sous le titre de Chronique de la guerre civile en France (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

                                               

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  • "La Vie des spectres", critique acérée de notre époque...

    Le 6 octobre 2024, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Patrice Jean pour évoquer avec lui son dernier roman intitulé La vie des spectres (Le Cherche Midi, 2024) qui évoque la solitude de ceux qui mettent la vérité au-dessus des intimidations de l’époque....

    Professeur de lettres, Patrice Jean a déjà publié plusieurs romans marquants, dont La France de Bernard (Rue Fromentin, 2013), Les structures du mal (Rue Fromentin, 2015), L'homme surnuméraire (Rue Fromentin, 2017), Tour d'ivoire (Rue Fromentin, 2019), La poursuite de l'idéal (Gallimard, 2021), Le parti d'Edgar Winger (Gallimard, 2022), Rééducation nationale (Rue Fromentin, 2022), Louis le magnifique (Cherche-Midi, 2022) ou dernièrement Kafka au candy-shop (Léo Scheer, 2024).

     

                                             

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  • Alain de Benoist : « La victoire de Trump, c’est avant tout la victoire du peuple sur l’Establishment »

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Breizh-Info et consacré aux élections américaines.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

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    Alain de Benoist : « Donald Trump était le candidat des classes populaires, c’est la raison pour laquelle il l’a emporté »

    Breizh-info.com : Quelle analyse, à chaud, faites-vous de la victoire, large, de Donald Trump ?

    Alain de Benoist : Le général de Gaulle, à qui l’on vantait les mérites du système politique américain, avait répondu : « En France, la Cour suprême, c’est le peuple ». Donald Trump était le candidat des classes populaires, c’est la raison pour laquelle il l’a emporté. Une victoire d’autant plus significative qu’au-delà du vote des grands électeurs (qui n’a rien de vraiment démocratique), il a recueilli la majorité du vote populaire, avec une avance substantielle sur sa pitoyable rivale, ce qu’il n’était pas parvenu à faire en 2016 ni en 2020 (et ce qu’aucun candidat républicain n’avait pu faire depuis 2004). Pour le dire autrement, la victoire de Trump, c’est avant tout la victoire du peuple sur l’Establishment. Chez nous, on parlerait de la « France périphérique ». De l’autre côté de l’Atlantique, c’est plutôt la victoire de l’Amérique continentale sur l’Amérique maritime.

    Enfin, et on l’a moins souligné, c’est aussi la victoire de la référence concrète contre l’abstraction. Trump parlait de l’Amérique, c’est-à-dire d’une réalité bien précise, tandis que son adversaire parlait de grandes notions universelles, la « démocratie », la lutte pour « liberté », la « civilisation », qui, comme tous les termes qui ne renvoient pas à un contenu particulier, singulier, ne sont que des mantras vides de sens.

    Breizh-info.com : Selon vous, comment la présidence Trump affectera-t-elle les relations entre les États-Unis et l’Europe, notamment sur des dossiers cruciaux comme l’Ukraine et la défense européenne, mais aussi sur la question du protectionnisme ? Certains estiment que Trump pourrait encourager une forme d’indépendance stratégique en Europe. Pensez-vous qu’un second mandat pourrait précipiter une volonté accrue d’autonomie en matière de défense et de politique étrangère en Europe ?

    Alain de Benoist : Les relations avec l’Europe vont changer. Donald Trump est notoirement indifférent au lien transatlantique. Il trouve que l’OTAN coûte cher aux Américains et ne leur rapporte pas grand-chose. Est-ce de nature à secouer un peu des Européens qui n’ont jusqu’ici eu que trop tendance à s’imaginer qu’« en cas de problème, on pourra compter sur nos alliés américains » ? Dans quelques cas, on pourra y compter, dans d’autres sûrement pas. Trump veut rompre avec le « missionnaire démocratique » pour refonder l’Amérique sur la logique classique des grandes puissances. Et il veut en finir avec les conflits qui ne débouchent sur rien. Concernant l’Ukraine, les initiatives qu’il prendra risquent fort de déplaire à Zelensky, non que Trump sympathise avec Poutine, mais parce qu’il veut en finir avec une guerre qui n’a pas atteint ses objectifs, et que l’Ukraine a déjà perdu. Mais ceux qui s’attendent à ce qu’il développe une politique permettant à la Russie d’être à nouveau considérée pour « fréquentable » en seront pour leurs frais. De même, au Proche-Orient, il est peu probable qu’il accepte de s’engager dans la confrontation armée avec l’Iran dont rêve Netanyahou. La Russie va rester un ennemi pour les Américains, mais le grand rival est la Chine, et c’est visiblement sur elle que Trump veut concentrer ses efforts.

    Le protectionnisme est une autre question. Trump n’a jamais dissimulé son intention de réviser à la hausse les tarifs douaniers sur les produits exportés vers les Etats-Unis. Les Chinois redoutent que leurs marchandises soient taxées à 60 %, alors qu’elles ne le sont aujourd’hui qu’à 20 %. Les Européens sont également visés. Trump ne leur fera pas de cadeaux. D’une façon générale, le nouveau président entretiendra sans doute de bonnes relations avec quelques pays européens, mais il ne s’adressera pas aux Européens dans leur ensemble. Il s’en tiendra à des relations bilatérales lui permettant de mieux défendre ses intérêts.

    Quant à savoir si, dans ce contexte nouveau, les Européens manifesteront une « volonté accrue d’autonomie en matière de défense et de politique étrangère », on peut toujours rêver. Dans le meilleur des cas, ils ne s’engageront dans cette voie qu’à reculons. L’Union européenne est aujourd’hui en phase terminale. Le plus grand reproche qu’on puisse lui faire, pour reprendre la distinction que j’ai faite plus haut, est d’avoir vidé le mot « Europe » de tout contenu substantiel (l’identité, la puissance, les frontières, les principes) pour en faire un synonyme de « valeurs universelles » qui, rapportées aux situations concrètes, ne signifient absolument rien.

    Breizh-info.com : Trump est souvent perçu comme un symbole de résistance face à la mondialisation mais aussi face au wokisme. Pensez-vous que sa réélection pourrait galvaniser les mouvements nationalistes en Europe et renforcer des figures politiques de la droite populiste ?

    Alain de Benoist : J’en doute beaucoup. Je comprends très bien la sympathie que peut susciter dans les milieux « nationalistes » telle ou telle prise de position de Trump. Le soutien que lui manifestent Giorgia Meloni et Viktor Orbán est tout aussi compréhensible. Mais cela signifie-t-il que Trump doit être pris comme exemple ? Je ne le crois pas un instant tant la vie politique est différente en Amérique et de ce côté-ci de l’Atlantique. De même que les Noirs africains ne sont pas des Européens à la peau plus foncée, les Américains ne sont pas des Européens qui parlent anglais. Les raisons profondes du succès de Donald Trump renvoient à des réalités très étrangères à l’Europe. Le rôle joué par un Elon Musk, la place des chrétiens évangéliques (et des sionistes chrétiens), qui idolâtrent la Bible et la Constitution, la tonalité brutale des interventions trumpiennes, tout cela n’a pas d’équivalent en Europe. Les esprits paresseux réagissent affectivement à des mots-clés, immigration, wokisme, etc., mais ne voient qu’un aspect des choses. Toute tentative de faire « comme Trump » en Europe est à mon avis vouée à l’échec. Les Européens devraient plutôt s’inquiéter de ce que signifie pour nous le fait que l’Amérique veuille retrouver sa « grandeur ». Si elle la retrouve, c’est alors qu’ils seront vraiment menacés.

    Breizh-info.com : Comment voyez-vous évoluer la dynamique entre les États-Unis, la Chine, et la Russie ? L’Europe pourrait-elle se retrouver davantage isolée ou, au contraire, rechercher une nouvelle forme de partenariat stratégique ?

    Alain de Benoist : Les Etats-Unis vont continuer à voir dans la Russie et surtout dans la Chine ce qui menace le plus leur hégémonie, déjà bien vacillante. Dans l’immédiat, faute d’avoir mis la Russie « à genoux », ils vont se désengager du théâtre européen, qui n’a plus grande importance à leurs yeux. Ils vont seulement continuer à tout faire pour que l’Europe ne devienne pas une puissance, c’est-à-dire une rivale. L’Europe va se retrouver face à ses responsabilités, qu’elle n’est visiblement pas capable d’assumer. Le risque principal pour elle n’est pas de « se retrouver isolée », mais de continuer à compter pour rien. Il en ira de même tant que ne sera pas intervenue la nécessaire rupture systémique dont nous avons besoin.

    Breizh-info.com : Trump ayant des positions très fermes sur l’immigration, pensez-vous qu’une telle approche pourrait inspirer des politiques migratoires plus restrictives en Europe ?

    Alain de Benoist : Eventuellement oui, mais encore une fois ne transposons pas ce qui ne peut pas l’être. Parler de l’immigration en soi, c’est utiliser un mot-valise qui en lui-même ne veut rien dire. Les problèmes liés à l’immigration aux Etats-Unis et en Europe sont de nature très différente. Les immigrés latinos, qui cherchent par tous les moyens à franchir le Rio Grande, sont des catholiques, pas des musulmans. Ils ont en général de l’admiration pour le pays où ils veulent s’installer, et cherchent à s’y intégrer. Ce sont déjà des différences importantes (c’est ce qui explique que Trump ait recueilli les suffrages de 12 % des Noirs et de 45 % des Latinos). La question des frontières se pose elle aussi différemment, pour des raisons à la fois historiques et géographiques. Enfin, on ne saurait oublier qu’en dernière analyse, c’est la mobilité générale engendrée par l’expansion du système capitaliste qui est la cause la plus fondamentale des pathologies sociales nées de l’immigration que nous connaissons.

    Breizh-info.com : Plus globalement, la victoire de Donald Trump témoigne d’une fracture importante aux Etats-Unis. Une sécession du pays, dans les prochaines décennies, est-elle selon vous quelque chose de possible ?

    Alain de Benoist : C’est en effet un vrai problème. On assiste aux Etats-Unis au retour et à l’exacerbation d’une polarisation politique à laquelle on n’était pas habitués. Le vote démocrate des Etats du Sud (les « Dixiecrats »), qui a perduré pour des raisons historiques (Lincoln était républicain), a longtemps eu pour conséquences de rapprocher les programmes des partis démocrate et républicain au point de les rendre indiscernables, surtout pour les observateurs étrangers. Le ralliement progressif du Sud aux républicains a changé la donne. La polarisation a fait son œuvre et, aujourd’hui, démocrates et républicains ne se parlent plus. Il y a désormais deux Amériques qui n’éprouvent plus que de la haine l’une pour l’autre. A moyen terme, tout est possible, à commencer, dans ce pays surarmé qu’est l’Amérique (on y compte plus d’armes de poing que d’habitants), une guerre civile qui me paraît personnellement une possibilité beaucoup plus grande aux Etats-Unis que chez nous. Dans les semaines qui ont précédé le scrutin présidentiel, on a déjà enregistré plus que de l’inquiétude à propos de ce qui aurait pu se passer si Trump n’avait pas été élu. Ces passions ne sont pas près de retomber. Trump a intérêt à disposer de bons gardes du corps…

    Breizh-info.com : Enfin, la victoire de Trump est une gifle, une raclée, pour la caste médiatique mainstream qui, en France comme à l’international, a fait campagne pour Harris. Est-ce que cette nouvelle défaite de la caste va, selon vous, la conduire à de nouvelles approches, de nouveaux regards sur l’évolution du monde, ou bien l’idéologie l’a-t-elle rendu définitivement aveugle ?

    Alain de Benoist : Le symbole du parti démocrate est l’éléphant. Et, c’est bien connu, un éléphant ça Trump énormément ! J’avoue qu’assister aux mines pincées, aux sourcils froncés et aux explications laborieuses des maîtres du cirque médiatique, qui voyaient déjà Kamala Harris s’installer à la Maison-Blanche à l’issue d’un « scrutin serré », a constitué un savoureux spectacle. Aucun signe avant-coureur ne les a ébranlés, et l’échec de Hillary Clinton en 2016 ne leur a pas non plus servi de leçon ! Ils ne comprennent pas comment il est seulement possible que Trump l’ait emporté. Plus précisément, ils ne comprennent pas que Trump l’ait emporté, non en dépit, mais bien à cause de tout ce qu’ils trouvent abominable chez lui. Vous avez raison, ces gens-là sont aveugles. Ils sont aveugles parce qu’ils vivent dans l’entre-soi et qu’ils ne parviennent pas à se rendre compte que le monde réel est de moins en moins conforme à leur wishful thinking. Ils sont politiquement, moralement, physiquement, intellectuellement, incorrigibles. Ils dansent et pérorent sur le pont du Titanic, sans voir que leur monde est en train de s’effondrer, et que celui qui va lui succéder sera plus dur encore. Ils font sortir des moulins à prière des formules rituelle – « populisme », « discours de haine », « racisme systémique », « masculinité toxique » –, mais tout le monde s’en fout. Laissons-les babiller, laissons-les dormir. L’histoire s’écrit sans eux – ailleurs.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 8 novembre 2024)

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