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Entretiens - Page 8

  • Rodrigo Ballester : « L’UE se transforme en monstre centralisé »

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien, cueilli sur Breizh-Info et donné par Rodrigo Ballester du directeur du Centre d’études européennes du Mathias Corvinus Collegium, à l'occasion de la publication d'un rapport, dont il est le co-auteur et qui propose de ramener l’Union européenne à ses racines, en rétablissant la souveraineté de ses États membres. 

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    Rodrigo Ballester : « L’UE se transforme en monstre centralisé »

    Le rapport dresse un bilan accablant de l’évolution de l’Union européenne, qui est passée d’une coopération de nations souveraines à une entité supranationale, les institutions de l’UE s’immisçant dans les affaires intérieures des États membres de l’UE. Où est-ce que tout a mal tourné ?

    Rodrigo Ballester : À Maastricht. La tendance que nous décrivons dans le rapport a commencé avec Maastricht. Il y a en gros trente ans que l’Union européenne a commencé à penser politiquement. Le programme fédéraliste, et tous les problèmes qui en découlent, a commencé très, très clairement à Maastricht.

    Le rapport indique que l’UE devrait revenir à son modèle de 1957, à une UE plus forte et ancrée dans la souveraineté nationale. Mais vous dites que les vrais problèmes ont commencé en 1993, lorsque le traité de Maastricht est entré en vigueur ?

    Rodrigo Ballester : Le projet initial n’était pas du tout comme le projet de Maastricht. Le projet initial était très pragmatique. Il respectait beaucoup les États membres, tant leur souveraineté que leurs différences culturelles. Et cela a duré très, très longtemps. Prenez l’Irlande, par exemple. Jusqu’à récemment, il était difficile d’obtenir le divorce. Personne n’en parlait vraiment. C’était accepté comme étant le point de vue de l’Irlande. Imaginez ce qui se passerait maintenant si, par exemple, la Hongrie interdisait le divorce ? Bruxelles deviendrait complètement folle.

    L’Union européenne est devenue un cheval de Troie idéologique, une entité centralisée qui veut imposer beaucoup de choses, y compris l’idéologie, de haut en bas. Ce n’était pas le cas il y a soixante-dix ans, ni même il y a trente-cinq ans. Le pragmatisme et le respect des identités et de la souveraineté nationales ont été remplacés par une intégration excessive et la création progressive d’un monstre centralisé qui ne sert plus les intérêts des États membres ni de leurs citoyens.

    On pourrait dire que les États membres de l’UE ont accepté cela.

    Rodrigo Ballester : En effet, la majorité des États membres sont satisfaits de cette nouvelle Union européenne centralisée. Ils sont prêts à renoncer à encore plus de leur souveraineté. C’est surtout vrai en Europe occidentale. Pourquoi ? Je pense que lorsque vous commencez à éroder la souveraineté des États membres, ils s’y habituent. Ils trouvent très confortable de déléguer le travail à l’Union européenne, en particulier à la Commission européenne. Cela a été très évident au cours des cinq dernières années. Ils se sont lentement habitués à ne pas avoir à prendre de décisions et à ne pas être traités comme des adultes.

    La majorité des pays d’Europe occidentale ont accepté beaucoup de choses qui ne sont même pas incluses dans les traités, des législations pour lesquelles l’UE n’a aucun mandat, et toutes sortes d’idéologies. Les élites occidentales qui ne partagent pas le passé tragique des pays d’Europe centrale et orientale, et qui n’ont pas connu le communisme et la dictature, sont beaucoup plus enclines à adhérer à ce programme mondialiste, avec une certaine naïveté et arrogance.

    Est-ce la raison pour laquelle il semble toujours y avoir peu de résistance de la part des États membres concernant certaines décisions ? On entend rarement parler de veto national lorsque l’unanimité est requise, ou de voix dissidentes lorsqu’une majorité qualifiée est nécessaire. La Hongrie a été sous les projecteurs ces dernières années pour avoir opposé son veto à certaines décisions de l’UE, par exemple sur l’Ukraine, mais sinon, peu d’exemples viennent à l’esprit. Même le fameux Pacte sur l’immigration a été adopté à la majorité qualifiée, et très peu de pays s’y sont opposés.

    Rodrigo Ballester : Parce qu’ils ne sont plus les principaux acteurs de l’Union européenne, et ils semblent l’avoir accepté. Ils négligent leurs propres devoirs et laissent lentement les décisions être prises par quelqu’un d’autre. La majorité des États membres ne veulent plus être traités comme des adultes. Ils sont heureux de renoncer à ces compétences et de sacrifier leur souveraineté nationale. Par pur confort.

    Donc le traité de Maastricht a essentiellement permis à la Commission européenne et au Parlement européen de prendre les choses en main ?

    Rodrigo Ballester : Oui, exactement. Et cette tendance a été confirmée par le traité d’Amsterdam, le traité de Nice et le traité de Lisbonne. Mais le point de rupture dans les soixante-quinze ans d’intégration européenne est sans aucun doute Maastricht. Les problèmes de l’Union européenne en matière de migration viennent de Maastricht. La zone euro est également un produit de Maastricht. Les politiques de l’État de droit viennent également de Maastricht. Ce grand saut de l’économie à la politique, du niveau intergouvernemental au niveau fédéral, tout cela a ses origines au même endroit.

    Comme vous le mentionnez dans votre rapport, les institutions de l’UE s’immiscent désormais dans des domaines qui devraient relever des compétences des États-nations, tels que l’énergie ou le droit de la famille. Par exemple, la Hongrie a été ostracisée et même traduite en justice pour avoir adopté une loi sur la protection de l’enfance qui interdit la propagande LGBT dans les écoles. La Cour de justice des Communautés européennes prend régulièrement le parti des institutions de l’UE contre les États membres, et rend tout aussi régulièrement des verdicts conformes aux politiques libérales de gauche, dans ce que votre rapport appelle « l’activisme judiciaire ». Les États membres ont-ils un moyen de se défendre contre les abus de l’UE ?

    Rodrigo Ballester : L’unanimité est l’arme la plus immédiate dont ils disposent. Alors que beaucoup à Bruxelles veulent s’en débarrasser, notre rapport recommande de la prolonger. Nous croyons vraiment que l’Union européenne est beaucoup plus forte lorsque les États membres peuvent défendre leurs droits et leurs lignes rouges. Le seul mécanisme qui permet à la Hongrie de se défendre encore contre les tendances autocratiques de l’UE est l’unanimité. L’État de droit combiné à la conditionnalité du budget sont des instruments politiques de chantage. Il suffit de regarder le cas de la Pologne pour ne pas en tirer d’autres conclusions. Ils ont confisqué les fonds de l’UE à la Pologne pendant des années, et dès qu’ils ont changé de gouvernement, en quelques mois, sans aucun engagement législatif, ils ont débloqué l’argent. L’Union européenne transforme le budget européen en un instrument politique qui peut être utilisé contre les pays qui ne se comportent pas « comme il faut ». C’est pourquoi l’unanimité est très importante.

    Votre rapport propose la mise en place d’un « bouclier national des compétences ». Comment cela fonctionne-t-il ?

    Rodrigo Ballester : Il s’agit d’une liste de compétences dans lesquelles l’Union européenne ne pourrait en aucun cas s’immiscer, même par l’intermédiaire de la Cour de justice européenne, car elle le fait tout le temps. Elle l’a fait le 13 mars, par exemple : elle a publié un arrêt qui oblige la Hongrie à reconnaître l’identité de genre perçue d’un migrant iranien : une femme qui s’identifie comme un homme. Comme les autorités hongroises ne la reconnaissent pas comme un homme, elle a saisi la justice. La Cour européenne a alors eu recours à une technique classique : elle a pris une législation européenne, le RGPD, le règlement général sur la protection des données [qui donne aux personnes le droit de corriger les informations inexactes les concernant] et l’a utilisée comme un cheval de Troie pour imposer son idéologie aux États membres. La Hongrie et tous les autres pays de l’UE sont désormais légalement tenus de reconnaître l’identité perçue. C’est quelque chose qui va totalement à l’encontre de la constitution hongroise et de ce que pense la grande majorité des Hongrois et probablement des Européens. Bien qu’elle n’ait aucune compétence dans ce domaine, l’UE a néanmoins réussi à imposer son idéologie. Il s’agit donc d’un chantage politique et d’un détournement politique des compétences nationales.

    Les institutions de l’UE invoquent régulièrement la nécessité de défendre les « valeurs de l’UE » lorsqu’elles traitent avec des États-nations dissidents. Des décisions de justice comme celle mentionnée ci-dessus pourraient-elles créer un dangereux précédent ?

    Rodrigo Ballester : L’article 2 du traité sur l’Union européenne est une liste de coquilles vides, de concepts très vagues et génériques. Selon la Cour de justice des Communautés européennes, le principe de non-discrimination signifie que vous devez reconnaître l’identité perçue. Donc, si le prochain réfugié iranien s’identifie comme une licorne, vous devez également l’accepter. Et donc, oui, c’est le danger avec ces valeurs. Ce sont des coquilles vides qui donnent beaucoup de pouvoir aux bureaucraties centralisées comme l’Union européenne. Et le meilleur exemple est la loi hongroise sur la protection des mineurs, car avant de se demander si l’on aime ou non cette loi, la toute première question devrait être : est-ce une compétence européenne ? Ce n’est pas le cas, car le droit de la famille et l’éducation sont des compétences nationales. Pourtant, au nom du principe de non-discrimination, ils réécrivent les traités. Il en va de même pour l’exclusion des universités hongroises des programmes Erasmus et Horizon de l’UE. Cela ne les regarde pas. Ce n’est pas à l’UE de dire comment une université hongroise doit être organisée. Mais au nom de l’État de droit, ils peuvent faire ce qu’ils veulent.

    Comment votre rapport propose-t-il de résoudre ce problème ?

    Rodrigo Ballester : Nous avons plusieurs propositions, telles que l’extension de l’unanimité dans la prise de décision, l’établissement du « bouclier de compétences nationales », la garantie de distinctions claires entre les compétences de l’UE et des États membres, qui fait quoi, et surtout, la mise du Conseil européen au-dessus de toutes les autres institutions, y compris la Cour de justice. S’il y a un conflit de compétences entre l’UE et les États membres, je ne pense pas que ce soit aux juges de décider. Les traités devraient également indiquer clairement que le droit européen ne devrait jamais, au grand jamais, avoir la primauté sur les constitutions nationales.

    Le rapport mentionne que le Parlement européen et les dirigeants franco-allemands ont appelé à une plus grande fédéralisation de l’Union européenne et à des réformes visant à centraliser le pouvoir au sein des institutions supranationales. L’Allemagne et la France, les deux États membres les plus puissants, sont-elles essentiellement responsables de l’évolution de l’UE ?

    Rodrigo Ballester : Le problème, c’est que la faiblesse de Paris et de Berlin s’est traduite par un renforcement de Bruxelles. Par exemple, lorsque Donald Trump a prêté serment en tant que président des États-Unis en janvier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, était malade depuis une semaine. Il y a eu une certaine panique, et tout le monde attendait de la Commission qu’elle prenne des décisions, comme si elle était aux commandes. Mais ce n’est pas le cas, et ce ne devrait pas être le cas. La Commission européenne devrait être un secrétariat général au service des États membres, elle devrait être le porte-plume, pas le patron. Le fait que tout le monde ait paniqué à l’annonce de l’absence de Mme von der Leyen montre que de nombreux États membres ne prennent pas au sérieux leur propre souveraineté et leurs propres compétences nationales.

    Le rapport indique que « des décennies de centralisation accrue n’ont pas résolu les défis de l’Europe, mais les ont plutôt exacerbés ». Quel a été l’échec le plus flagrant de l’UE ?

    Rodrigo Ballester : Je dirais la compétitivité et la migration. En termes de compétitivité, nous étions au même niveau que les États-Unis il y a quinze ans. L’écart de PIB est maintenant de 80 %. L’Union européenne est extrêmement bureaucratique, et le Green Deal a contribué à la castration de notre compétitivité. La migration est une compétence européenne depuis au moins deux décennies, et les résultats sont vraiment médiocres. Contrôlons-nous mieux nos frontières ? Non. Y a-t-il moins de criminalité ? Non. Les États membres sont-ils plus habilités à contrôler et à gérer les flux migratoires ? Absolument pas. Cela a été un fiasco. L’une des choses que nous avons proposées est d’utiliser le principe de subsidiarité qui veut que les décisions soient prises au niveau le plus adéquat. Nous pouvons voir que le niveau européen n’est pas le bon pour la migration. Il est temps que les États membres reprennent le pouvoir dans certains domaines, tels que la gestion des frontières et l’asile. L’un des dogmes fédéralistes est qu’une fois que vous cédez vos compétences à l’Union européenne, elles y restent pour toujours. Nous pensons que le contraire est vrai. Nous pensons que, selon le principe de subsidiarité, si l’UE n’est pas le pouvoir adéquat au niveau adéquat, alors vous devriez revenir aux États membres.

    Selon votre évaluation, dans quelle direction l’UE se dirige-t-elle actuellement ?

    Rodrigo Ballester : Cette question est très pertinente depuis le 20 janvier, depuis le début du tsunami Trump. Je savais que l’Union européenne serait rebutée par la victoire de Trump, mais je suis déçu qu’elle utilise le peu d’énergie qui lui reste pour affronter un allié historique au lieu d’essayer de trouver un nouveau type de partenariat avec lui. Je suis choqué, par exemple, que l’UE ne soit pas du tout constructive en ce qui concerne les pourparlers de paix entre l’Ukraine et la Russie. Les élites européennes tentent avec arrogance de construire une nouvelle alliance sans les États-Unis, ce qui est absolument irréaliste. Elles sont offensées et, au lieu de se pencher sur les menaces réelles, elles se lancent dans une croisade contre un ennemi imaginaire qui est en réalité leur plus puissant allié. Cependant, il existe une menace bien plus grande : l’islamisme. J’aimerais voir l’UE combattre l’islamisme avec 10 à 20 % de l’énergie qu’elle consacre à s’opposer à l’administration Trump. L’UE se comporte comme des adolescents, et c’est l’un des grands problèmes actuels en Europe : il n’y a pas d’adultes dans la pièce.

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  • Jean-Yves Le Gallou : soixante ans d'engagements pour l'identité et la liberté d'expression...

    Le 27 mars 2025, Liselotte Dutreuil et Richard de Seze recevaient Jean-Yves Le Gallou à l'occasion de la publications de ses Mémoires identitaires (Via Romana, 2025) pour évoquer avec lui le Grand Basculement dont il a été témoin au cours de ses presque soixante années de vie militante.

     

                                             

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  • Port d'arme : le grand tabou...

    Le 24 mars 2025, Lucas Chancerelle recevait, sur TV libertés, Bertrand Saint-Germain pour évoquer avec lui la question taboue du port d'armes. Docteur en droit, universitaire et élu local, Bertrand Saint-Germain est l'auteur de Juridiquement correct - Comment ils détournent le droit (La Nouvelle Librairie, 2023) et de (P)rendre les armes ? (Le Polémarque, 2023).

     

                                           

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  • Le travail du Moyen Âge à l'ère moderne : honneur, contrat ou consensus ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission Passé présent de TV Libertés, diffusée le 19 mars 2025, dans laquelle Guillaume Fiquet reçoit Philippe d’Iribarne pour évoquer avec l'histoire sociale et culturelle du travail en Occident.

    Anthropologue, Philippe d'Iribarne a notamment publié La logique de l'honneur.

     

                                           

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  • Penser notre identité...

    Romain Maréchal reçoit sur Impact Romain Petitjean, directeur du développement et de la coordination de l'Institut Iliade, pour évoquer avec lui la question de l'identité européenne.

     

                                            

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  • Alain de Benoist : « Les Européens sont incorrigibles »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Breizh-Info et consacré à la rupture stratégique en cours.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

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    Alain de Benoist : « Si Trump veut faire l’Amérique « great again », c’est avant tout parce qu’elle ne l’est plus »

    Breizh-info.com : Comment interprétez-vous l’évolution des relations internationales après les récentes déclarations de Trump et de Vance sur l’Ukraine et leurs implications pour les relations entre l’Union européenne et les Etats-Unis.

    Alain de Benoist : Je n’ai connu dans ma vie qu’un seul grand événement historique : la chute du Mur de Berlin et l’implosion du système soviétique. Je pense assister maintenant à un deuxième. Les « observateurs », comme d’habitude, ne l’ont pas venu venir. L’histoire s’accélère brusquement. C’est au point que l’actualité quotidienne prend des allures de dystopie.

    L’élection de Trump avait déjà représenté une rupture historique majeure. La reprise, le 12 février, des contacts entre la Maison-Blanche et le Kremlin en a constitué une autre. Deux jours plus tard, à Munich, le vice-président J.D. Vance déclarait une véritable guerre idéologique à une Europe submergée par l’immigration et en proie à l’amnésie collective, dont il n’a pas dissimulé qu’elle constitue à ses yeux un contre-modèle de décadence et de suicide civilisationnel. Il y a eu ensuite l’annonce que l’Ukraine ne rentrera jamais dans l’OTAN, et qu’elle ne retrouvera pas les territoires qu’elle a perdus dans le Donbass ou en Crimée. Le 3 mars, Donald Trump décidait l’arrêt de toute aide à l’Ukraine. Finalement, c’est à la désagrégation de l’Alliance atlantique que nous assistons en direct. Oui, même si l’on manque encore de recul, c’est un moment historique.

    Breizh-info.com : Que nous dit l’hallucinante altercation du 28 février dans le Bureau Ovale de la Maison-Blanche entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky ?

    Alain de Benoist : S’en tenir aux éclats de voix, c’est comme s’en tenir à regarder le doigt qui vous montre la Lune. Ce qui compte, c’est ce qui s’est dit. Face à un Zelensky proclamant son refus d’arrêter une guerre qu’il ne peut pas gagner, et réclamant des « garanties de sécurité » que les Américains ne sont pas disposés à lui accorder, Trump lui a rappelé qu’il n’est pas en position de dicter ses conditions car il n’a aucune carte ou atout de négociation à faire valoir. Il lui a dit aussi que s’il n’acceptait pas ce qu’on lui propose, il sera obligé de signer un accord encore plus défavorable à son pays, sinon d’aller vers une capitulation totale.

    Notons d’abord qu’il n’y a rien d’anormal à ce que le sort de l’Ukraine soit réglé entre la Russie et les Etats-Unis, puisque la Russie et l’OTAN étaient les vrais belligérants. La guerre en Ukraine a été, dès le départ, une guerre par procuration. On comprend du même coup que ce n’est pas seulement l’Ukraine qui a perdu. Emmanuel Todd l’avait très justement annoncé : « Le job de Trump va être de gérer la défaite américaine face aux Russes ». C’est en effet de cela qu’il s’agit. Ce qui amène à regarder d’un autre œil cette horrible guerre fratricide qui dure maintenant depuis trois ans. Une guerre que je trouve personnellement insupportable parce que j’ai des amis ukrainiens et des amis russes, et que je n’éprouve que de la tristesse à les voir se massacrer mutuellement.

    Tous les experts sérieux savent que la cause première de la guerre a été la volonté des Américains d’installer des troupes de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Poutine a réagi comme le ferait n’importe quel président américain qui se verrait menacé de voir des fusées russes déployées à sa frontière avec le Mexique ou le Canada. La guerre a donc commencé bien avant 2022. Et elle aurait pu être évitée. On aurait parfaitement pu, par exemple, régler les problèmes intérieurs de l’Ukraine en y installant un système fédéral dans lequel sa partie russophone aurait joui d’une certaine autonomie. Mais c’est l’inverse qui s’est passé. Montesquieu distinguait ceux qui débutent la guerre et ceux qui la rendent inévitable. Ce ne sont pas forcément les mêmes. François Fillon déclarait récemment : « J’ai toujours dit que cette guerre aurait pu être évitée si les dirigeants occidentaux avaient cherché à en comprendre les causes plutôt que de se draper dans le camp du bien ». Traduisons : s’ils avaient analysé la situation en termes politiques, pas en termes de morale.

    Rien en effet n’obligeait les Européens à soutenir un camp, que ce soit celui de l’Ukraine ou celui de la Russie, ni à réagir tous de la même façon (en tant qu’« Occident collectif »). La moindre des choses aurait été qu’ils déterminent leur position en fonction de leurs intérêts. Pour des raisons purement idéologiques, ils ont préféré voir dans ce conflit une « guerre juste » où l’ennemi doit être criminalisé et tenu pour un coupable. En prenant position d’entrée de jeu, ils se sont mis en position de ne plus pouvoir proposer leur médiation, renonçant du même coup à se poser en « puissance d’équilibre ».

    Trump est un grand réaliste. Après trois années durant lesquelles on a annoncé toutes les semaines, sur les plateaux de télévision, que la Russie allait s’effondrer, il constate que l’Ukraine a perdu cette guerre, en dépit du matériel militaire et des centaines de milliards qu’elle a reçus, et que les Européens n’ont jamais été capables, durant ces mêmes trois années, de fixer un but à la guerre. Or, la guerre n’est jamais qu’un moyen au service d’un but. Clausewitz : « Le dessein politique est le but, la guerre le moyen ; un moyen sans but ne se conçoit pas ». Les Européens ne savent même plus ce qu’est une guerre, à savoir un acte de violence dont le but est une paix. Dans cette affaire, ils n’ont jamais eu aucun but politique, diplomatique ou stratégique, préférant pousser Zelensky à se précipiter dans le piège qu’il s’était lui-même tendu.

    Contrairement à ce qui se dit ici ou là, Trump n’est pas un isolationniste, pas plus qu’il n’est un « défenseur de la paix ». Comme nombre de ses prédécesseurs, il pense au contraire que la défense des intérêts américains exige un interventionnisme constant. La grande différence est qu’il ne masque pas cet interventionnisme derrière de sublimes idéaux tels que la défense de la démocratie libérale et de l’Etat de droit, (« democracy and freedom »), et qu’au lieu de se lancer dans des aventures guerrières, il veut privilégier le commerce. C’est un va-t-en guerre, mais un va-t-en guerre commercial. Voyez la façon dont il parle du Groënland, du Canada ou du canal de Panama, en adoptant de façon martiale une posture impérialiste fondée sur le vieux mythe américain de la « frontière ». Pour lui, tout est transaction, tout peut être acheté ou vendu, tout se négocie, tout repose sur les démonstrations de force commerciale, sans états d’âme. Il sait très bien que le « doux commerce » n’exclut ni les agressions, ni les chantages, ni les conquêtes. Son « pacifisme » est de même nature : il repose sur le simple constat que la guerre militaire coûte beaucoup plus qu’elle ne rapporte, et que les Etats-Unis sont mieux placés pour gagner les guerres commerciales que pour l’emporter sur le champ de bataille. Pour servir ses intérêts de puissance, il entend s’abriter derrière le chantage aux tarifs douaniers, tout en prônant la dérégulation et le libre-échange quand cela l’arrange.

    Breizh-info.com : A en croire les médias, Trump parle désormais de la même voix que Vladimir Poutine. On parle d’un nouveau condominium américano-russe, voire d’une triple alliance Washington-Moscou-Pékin. Cela vous paraît-il vraisemblable ?

    Alain de Benoist : C’est de l’enfumage. Les deux hommes sont d’abord trop différents : Poutine est un joueur d’échecs, Donald Trump se borne au golf et au Monopoly. Et surtout leurs intérêts géopolitiques sont opposés. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que Trump veut prendre un nouveau départ dans ses relations avec Moscou, car il pense apparemment qu’une normalisation avec la Russie de Poutine sera plus profitable à l’Amérique que ne l’est l’Alliance atlantique. Cela peut se traduire par une levée des sanctions contre la Russie, par des projets énergétiques communs, notamment dans les territoires arctiques, voire par la mise sur pied d’un plan qui éviterait la guerre avec l’Iran. Peut-être espère-t-il aussi desserrer, non l’alliance (le mot « alliance » n’existe pas en chinois), mais les liens d’« amitié sans limite » entre Poutine et Xi Jingping proclamés en février 2022. Mais il ne ralliera pas la Russie à l’« hégémonisme occidental ». Et je ne crois pas non plus à un « triumvirat illibéral » américano-sino-russe, car un tel attelage serait miné par les contradictions.

    Trump est de toute évidence un grand caractériel à tendances paranoïaques (ce n’est pas rare en politique). Il se moque des idées, de la morale ou du droit international (pas plus que Néthanyahou toutefois). Il aime les winners, les gagnants, il préfère le charisme au légalisme. Il n’admire que la force et pense qu’on peut tout gagner par des menaces à l’emporte-pièces. Avec lui, le rapport de forces remplace le droit, ce qui a au moins le mérite d’éclaircir les choses.

    Trump et Poutine ont en commun de voir l’Europe comme une vieille chose fatiguée, incapable de régler politiquement les problèmes internationaux, incapable de s’imposer, une vieille chose divisée, ruinée, submergée, oublieuse de son passé et de ses traditions, battant sa coulpe tout en pratiquant une censure morale permanente, et de façon générale incapable d’affronter les situations d’exception. Dans une telle perspective, le reste du monde se répartit entre des partenaires qui n’ont jamais été des égaux mais des vassaux, des protégés ou des dominés, jamais des alliés. Ce qui ne veut pas dire que les Etats-Unis sont en position de force face à la Chine, à la multipolarité, aux menaces de dédollarisation. N’oublions pas que si Trump veut faire l’Amérique « great again », c’est avant tout parce qu’elle ne l’est plus.

    Breizh-info.com : Que pensez-vous de l’activité fébrile déployée par les Européens, Emmanuel Macron en tête, en vue d’un réarmement de l’Europe ?

    Alain de Benoist : Les Européens sont incorrigibles. Ils n’ont pas vu venir la déferlante populiste, ils ont parié sur l’élection de Kamala Harris, ils se sont reposés pendant des décennies sur le « parapluie américain » au lieu de prendre leurs responsabilités. Ils constatent maintenant que, conformément à leurs habitudes, les Américains lâchent les Ukrainiens comme ils ont lâché les Sud-Vietnamiens et les Afghans. (On connaît l’adage : être l’ennemi des Américains est dangereux, être leur ami est fatal). Ils n’ont pas vu non plus le tropisme qui conduit depuis des années les Etats-Unis à s’éloigner de l’Europe. Ils constatent maintenant que les Américains, qui se réservent pour une confrontation avec la Chine, sont en train de se désengager de la sécurité européenne, ce qui les laisse tout nus. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Devant l’ampleur du gouffre qui s’est creusé entre les deux bords de l’Atlantique, ils ne parviennent pas à y croire. Tétanisés comme des lapins pris dans les phares, ils pleurent le démantèlement de l’Otan, une organisation dont Macron avait en 2019 affirmé qu’elle était en état de « mort cérébrale ».

    Mais rien ne leur sert de leçon. Ils auraient pu profiter de ce basculement pour réfléchir à ce que la guerre en Ukraine leur a coûté. Ils ont englouti 150 milliards d’euros en pure perte, perdu l’accès au gaz et au pétrole russe, perdu aussi des dizaines de milliards d’investissements en Russie, ils ont accepté sans mot dire le sabotage du gazoduc Nordstream, mais ils s’imaginent être en mesure de donner à l’Ukraine des garanties de sécurité et de faire en sorte qu’on puisse continuer le massacre. Leur seule réaction, en d’autres termes, c’est de remettre une pièce dans la machine.

    Après nous avoir répété durant plus d’un demi-siècle que « l’Europe, c’est la paix », ils veulent continuer la guerre, au risque d’être considérés comme des belligérants à part entière. Comme ils ne tirent jamais la leçon de leurs erreurs, ils sont prêts à remettre le doigt dans un nouvel engrenage, dont on ignore jusqu’où cela nous entraînera. Les écologistes eux-mêmes prêchent le militarisme. Une fuite en avant dans une surenchère belliciste totalement délirante qui montre que les Européens n’ont toujours rien compris au nouvel Ordre Mondial, au nouveau Nomos de la Terre, qui se met en place sous leurs yeux. Ils étaient montés à bord d’un bateau ivre, ils veulent maintenant embarquer sur une comète morte.

    Ceux-là mêmes qui ont, depuis trente ans, détruit toutes les capacités de production industrielle et militaire des nations européennes, se proposent maintenant, sous la conduite de l’agent d’influence Ursula von der Leyen (la Hyène), de mettre en place une « économie de guerre » européenne en vue d’un « réarmement ». Macron, à la tête d’un pays qui est de plus en plus isolé sur la scène internationale, politiquement paralysé et endetté au point que le paiement des intérêts de la dette (plus de 50 milliards d’euros par an) représente maintenant le second poste des dépenses de l’Etat, rêve visiblement de prendre la tête de ce parti de la guerre (« nous sommes en guerre, quoi qu’il en coûte », air connu). L’armée française, dont les arsenaux sont presque vides et dont le budget a été réduit jusqu’à l’os, est incapable de participer plus de huit jours à une guerre de haute intensité, mais il n’en assure pas moins qu’on va voir ce qu’on va voir. Ah que la guerre est jolie quand on ne l’a jamais faite ! Lui qui recommandait en juin 2022 à ses partenaires de « ne pas humilier la Russie » appelle aujourd’hui à faire exactement l’inverse. Il est incapable de dire son fait au président algérien ou d’affronter celui des Comores, mais il roule des mécaniques en assurant qu’il va faire face à la « menace russe » qui, selon lui, pèse sur la France et l’Europe occidentale. Une menace qui n’est qu’un fantasme grotesque dont le seul objectif est de créer la peur. Une menace brandie comme un épouvantail. C’est le moment de se souvenir d’un excellent proverbe géorgien : le mouton passe sa vie dans la peur du loup, mais à la fin c’est le berger qui le mange !

    Pour les Européens, la guerre n’oppose pas des ennemis, au sens traditionnel du terme, mais un « agresseur » et un « agressé ». Dans un conflit il faut toujours donner tort à l’« agresseur », car c’est lui le coupable – alors que cet « agresseur » peut très bien avoir agi parce qu’il était en situation de légitime défense. Ce changement de vocabulaire confirme le grand retour de la « guerre juste ». Ramener la guerre à un duo de l’« agresseur » et de la « victime » (comme dans les attaques au couteau ou les agressions sexuelles) fait nager en pleine moraline. Cela nous ramène au beau temps de la Société des Nations, dont on connaît l’histoire, et plus encore du Pacte Briand-Kellogg de 1928, à l’époque où l’irénisme consistait à penser qu’on pouvait mettre la guerre hors-la-loi. Aujourd’hui, c’est le bellicisme qui donne le ton. Mais c’est tout aussi impolitique.

    Il n’est certes pas mauvais pour les différents Etats européens de se doter d’une puissante industrie de défense, mais à condition qu’elle soit indépendante, c’est-à-dire à condition d’oublier les Etats-Unis. Ce n’est pas cela en tout cas qui sauvera Zelensky : si l’Ukraine ne peut plus bénéficier de l’aide américaine, ce ne sont pas les maigres moyens dont dispose l’Union européenne qui vont le faire gagner. Il y a en outre trop de divergences entre les Etats-membres pour qu’on puisse définir entre eux des intérêts ou des buts communs, et donc des politiques opérationnelles communes. Il ne peut y avoir d’armée européenne aussi longtemps que l’Europe n’est pas unie politiquement, ce qui revient à dire que c’est aujourd’hui une chimère. Quant à un « parapluie européen » qui naîtrait de la décision de la France d’étendre à ses voisins le périmètre de sa dissuasion, il serait moins crédible encore que ne l’a jamais été le « parapluie américain ». Comme l’a souligné Jacques Sapir, qui peut penser que la France accepterait de « risquer de voir Paris vitrifié pour sauver Bucarest, Prague ou Varsovie » ? Bref, dans l’immédiat, on va multiplier les palabres sur des moyens militaires et financiers que nous n’avons pas et continuer à brasser du vent.

    Breizh-info.com : J.D. Vance, figure montante du trumpisme, semble incarner une nouvelle droite américaine antilibérale et conservatrice, mais en même temps totalement décomplexée face au gauchisme. Voyez-vous en lui une réorientation durable du conservatisme américain ?

    Le trumpisme est un mélange improbable de plouto-populisme, de césarisme technologique, d’anarcho-capitalisme, de souverainisme anti-étatique et d’idéologie libertarienne. Donald Trump y forme avec Elon Musk un duumvirat césarien qui évoque irrésistiblement la fin de la République romaine. J.D. Vance a des côtés très sympathiques, mais il est difficile de savoir ce qu’il représente exactement dans cette constellation, où l’on retrouve aussi bien des mythes américains : : la « destinée manifeste » et la nouvelle Terre promise, l’analyse de la société à partir de l’individu, l’autosuffisance du marché, le primat de l’économie et du commerce, la dévotion envers la technique et l’optimisme messianique. N’oublions pas, surtout, que ce n’est pas la grandeur de l’Europe que Donald veut restaurer, mais celle de l’Amérique, qu’il sait menacée.

    Breizh-info.com : Comment percevez-vous la division profonde (irréparable) entre l’Amérique conservatrice anti-woke et l’Amérique progressiste ou gauchiste ? N’est-ce pas le même chemin que prennent les nations et les peuples européens ?

    Il n’est pas impossible que les Etats-Unis soient au bord d’une guerre civile, ou d’une nouvelle guerre de Sécession. Mais je ne pense pas que ce scénario vaille pour les Européens. Ce qui menace le plus l’Europe, ce n’est pas la guerre civile. C’est pire encore : c’est le chaos.

    Breizh-info.com : L’Union européenne (ou plutôt ses dirigeants) semble s’enfermer dans des combats idéologiques alors que le reste du monde redevient pragmatique et brutal. Faut-il voir cela comme une marque de décadence ou comme une tentative désespérée de maintenir une domination morale sur les peuples ?

    Ni l’un ni l’autre – d’autant que la domination morale n’est pas incompatible avec la décadence ! L’Union européenne ne s’enferme pas non plus dans des « combats idéologiques », elle s’enferme dans une idéologie bien particulière dont les trois piliers essentiels sont la société des individus, le capitalisme libéral et les droits de l’homme. La démocratie libérale, l’Etat de droit et le règne des seules valeurs marchandes en sont les conséquences.

    Breizh-info.com : Quid du rôle de l’Europe dans le nouvel ordre mondial qui se dessine sous nos yeux. Quelles stratégies devrait-elle adopter pour maintenir son influence ?

    Il est inutile de parler de stratégies quand les hommes ne sont pas là pour les concevoir ou les appliquer. Les Européens sont aujourd’hui les hommes malades de la planète. Ils n’ont pas la moindre idée de ce que pourrait être le destin de l’Europe, parce que le mot « destin » n’a pas de sens pour eux. Dirigée par des ectoplasmes ou des somnambules, qui n’ont jamais eu l’occasion de se battre mais sont aujourd’hui prêts à engager leurs peuples dans une guerre nucléaire, l’Europe est en état d’épuisement civilisationnel, conformément aux prédictions de Spengler. Viennent à l’esprit ces mots terribles de Cioran : « C’est en vain que l’Occident se cherche une forme d’agonie digne de son passé ».

    Breizh-info.com : Vous avez souvent mis en garde contre l’uniformisation du monde. Voyez-vous dans ce basculement global une chance pour les peuples d’Europe de retrouver une souveraineté culturelle et civilisationnelle ?

    La lutte finale est maintenant engagée : soit une planète régie par une seule puissance hégémonique (ou une seule idéologie universaliste), soit un monde articulé entre plusieurs pôles de puissance et de civilisation, des « grands espaces » correspondant aux grandes régions du monde, dirigés pour chacun d’eux par le pays qui est le plus à même d’exercer son influence dans l’aire civilisationnelle à laquelle il appartient. Mais rien ne sera possible aussi longtemps qu’on s’obstinera à croire que le monde est d’abord peuplé par des individus, alors qu’il est d’abord partagé entre des peuples, des langues, des nations, des aires civilisationnelles différentes, ayant leurs ambitions et leurs principes propres. Le nouveau Nomos de la Terre exige que ces grandes aires civilisationnelles tiennent compte en priorité de leur identité, c’est-à-dire de leur histoire, et s’abstiennent d’intervenir dans les autres aires pour y appliquer des valeurs pseudo-universelles qui en réalité leur sont propres. Les « Etats civilisationnels » ou le chaos !

    Breizh-info.com : L’accélération formidable de l’histoire à laquelle nous assistons aujourd’hui est-elle pour vous une source d’inquiétude… ou bien d’optimisme ?

    Je ne suis ni optimiste ni inquiet. J’essaie seulement de comprendre ce qui va se passer.

     

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 12 mars 2025)

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