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  • Demain Beyrouth-sur-Loire...

    "La Justice, c'est de la merde en barre. La plupart des gens n'en ont rien à foutre de la Justice. Tout ce qu'ils veulent, c'est du pognon, et tant qu'il y a le pognon, ils s'en tapent du reste. Alors comme il existe malheureusement des types qui tueraient père et mère pour un peu de pognon, on prend d'autres types comme moi pour faire en sorte que monsieur-tout-le-monde puisse faire pisser son chien le soir sans se faire égorger trop vite. Ou que son marmot aille à l'école sans se faire enlever contre une demande de rançon, ou pour lui extraire un oeil ou un rein, ou pour se retrouver dans un porno pédophile bien crade. C'est un équilibre permanent et précaire entre la merde totale, la jungle cannibale et le petit confort moderne. Je suis juste un éboueur, ma pauvre Rachel, j'évacue la merde vite fait sous le tapis avant que les invités ne s'en rendent compte, mais grâce à Dieu, ça fait un bout de temps que je ne crois plus en une connerie comme la Justice."

     

    Nous reprenons à notre compte l'excellent conseil de la revue Eléments en vous engageant à vous procurer rapidement Beyrouth-sur-Loire, le polar percutant et désenchanté de Pierric Guittaut, publié aux éditions Papier Libre. Beyrouth-sur-Loire est le premier volet d'une trilogie, dont le deuxième tome doit paraître en décembre 2011. Pierric Guittaut, un auteur à suivre !...

     

    pierric guittaut

     

    "Dans Beyrouth-sur-Loire, l'intrigue policière y est secondaire et s'efface devant les rapports de force entre personnages, sur fond de réalité sociale aux allures de poudrière de la France de ce début de vingt et unième siècle. Beyrouth-sur-Loire peut être envisagé comme un polar politique, au sens grec du terme. La véritable intrigue, c'est cette politikè, et le cadavre, celui de cette ville qui meurt lentement. D'ailleurs, si le lieutenant Jeddoun est un dur-à-cuire à l'ancienne, empruntée à l'école il est trop ambigu pour être considéré comme un héros et ses échecs sont révélateurs : son temps est révolu. Il n'est plus qu'un pion, perdu au milieu du no man's land urbain où les ego se sont placés en embuscade, comme autant de snipers du cynisme ambiant. C'est désormais l'heure du chacun pour soi, et même pas Dieu pour tous, car la transcendance y brille surtout par son absence. Difficile de trouver une figure qu'on pourrait ranger d'emblée du côté du Bien."

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  • La conquête ?...

    Nous reproduison ci-dessous un excellent article de Laurent Dandrieu, cueilli sur Causeur et consacré au film "La Conquête", de Xavier Durringer et Patrick Rotman, avec Denis Podalydès.

     

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    Quand la réalité dépasse l'affliction

    À l’origine, les producteurs de la Conquête étaient venus trouver Patrick Rotman pour lui proposer d’écrire un scénario de politique-fiction sur la mort de Nicolas Sarkozy peu après son élection. « Pourquoi s’embêter à inventer ? La réalité dépasse si souvent la fiction ! », leur a répondu en substance l’auteur de François Mitterrand ou le roman du pouvoir, qui a souvent regretté, en tournant ses documentaires politiques, de ne pouvoir faire incarner les scènes truculentes qu’il faisait raconter à des témoins par des acteurs de cinéma. À voir le tableau qu’il a brossé de l’irrésistible ascension de Nicolas Sarkozy vers l’Élysée, il semble surtout que la réalité dépasse l’affliction.

    « Bien que les personnages en soient réels, ce film est une œuvre de fiction », est-on averti au début du récit de Xavier Durringer. C’est en réalité le première phrase-gag de ce film qui n’en manque pas. Car quiconque suit d’un peu près l’actualité politique reconnaîtra mainte réplique déjà croisée dans l’article de tel ou tel échotier, dans telle ou telle confidence de politicien soigneusement confiée en “off”. Dominique de Villepin (Samuel Labarthe) en con grandiloquent et infatigable ambassadeur de sa propre virilité, filant les métaphores sexuelles comme d’autres enfilent les perles (« Les hommes politiques sont des bêtes sexuelles », assène en passant Nicolas Sarkozy), Chirac (Bernard Le Coq) en tigre assoupi, balançant des coups de griffe entre deux lampées de Corona, Jean-Louis Debré (Gérard Chaillou) en pousse-au-crime débonnaire, Henri Guaino (Michel Bompoil) en scribe laborieux, tout grisé de voir son lyrisme enfin incarné, Claude Guéant (Hippolyte Girardot) en crocodile madré qui savoure en connaisseur tous les coups bas qui se perpètrent devant ses yeux impassibles, tous sont plus vrais que nature. À commencer bien sûr par Nicolas Sarkozy (Denis Podalydès, prodigieux) en petit garçon insatiable et impatient, égocentrique et capricieux, tyrannique et assoiffé d’affection, totalement dénué de surmoi l’empêchant de dévoiler ses arrière-pensées, et qui a fait de ce défaut la plus terrifiante des armes de destruction massive politique.

    La différence est que ces acteurs de la commedia dell’arte du pouvoir, qui apparaissent d’habitude sur nos petits écrans bien peignés et policés, la bouche ronflante de grandes phrases sur la France, l’intérêt général et la survie de la planète, ici ne font plus semblant et nous livrent le fond de leur pensée sans fard ni dissimulation. Et le spectacle n’est pas beau à voir : le fond de ces pauvres hères effraie. De Sarko disant à ses conseillers de la Firme : « Cécilia m’a demandé vos têtes, je vais lui donner vos couilles » ou assénant à un Villepin qui n’en croit pas ses oreilles « Chirac est fini, moi je reste seul et je suis libre. Et vous, Dominique, vous êtes mort ! », à Villepin pestant : « Ce nain va nous faire une France à sa taille », ou « Je vais le baiser, et avec du gravier encore », nous voilà assez loin de la langue de bois d’usage…

    L’ensemble, assez mal construit, filmé plutôt platement et manquant d’un point de vue qui ordonnerait le propos, pourrait paraître assez anecdotique, plus croustillant que pertinent. Sauf qu’on s’aperçoit assez vite qu’il manque un personnage au film, pas un comparse comme Brice Hortefeux ou Patrick Buisson, mais un personnage principal : ce grand absent de La Conquête, c’est la France, dont tous ces beaux messieurs se moquent comme de leur première carte d’électeur, tout occupés qu’ils sont à glisser des peaux de banane sous les pieds de leurs ennemis et à élaborer les chausse-trappes qui devront être fatales à leurs alliés d’hier. Quand par hasard on trouve le temps de réfléchir aux thèmes de campagne, ce n’est pas pour défendre des idées auxquelles on croirait, c’est pour pomper les voix du Front national : « Je ne dis jamais du mal des électeurs du Front national, dit Sarkozy-Podalydès. Je dis que ce sont des victimes. Des victimes de quoi ? je ne sais pas, mais des victimes. » Le grand mérite du quinquennat de Sarkozy aura été de lever définitivement cette hypocrisie, aux yeux des derniers naïfs qui y croyaient encore, selon laquelle les politiques d’aujourd’hui seraient là pour servir le bien commun, quand leur cortex n’est plus qu’un gigantesque plan de carrière.

    Sarkozy, lui, en assumant totalement son propre arrivisme, agit comme un révélateur des turpitudes des autres ; en cela, il n’est pas différent de ses compétiteurs, seulement plus franc : « Ça fait trente ans que je me prépare, dit-il à Villepin ; pour me déloger, il faudra y aller à l’arme blanche. » En un sens, la Conquête n’est ni de droite ni de gauche : c’est un film monarchiste… La politique réduite à un misérable choc des ambitions, à une dérisoire conjuration des égos : pour le coup, c’est un autre avertissement qu’il aurait fallu inscrire en exergue du film : « Toute ressemblance avec une œuvre de fiction serait purement fortuite. »

    Laurent Dandrieu (Causeur, 25 mai 2011)

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  • La com' au pouvoir...

    A l'heure où la parole des hommes politiques se limite à des "petites phrases" et à des "éléments de langage" répétés au mot près, les éditions FYP font oeuvre utile en publiant le petit essai de Guy Achard, La com' au pouvoir, justement destiné à nous aider à décrypter le langage de la classe politico-médiatique.

     

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    "L’exercice du pouvoir est aussi devenu un exercice de communication. Le langage sert souvent d’outil de mise en scène ou de travestissement de la réalité.

    Les mots des gouvernants et des médias nous influencent considérablement et orientent nos choix de société. Au croisement des sciences politiques et des sciences du langage, cet ouvrage décrypte toutes les manipulations qui permettent de séduire habilement l’opinion. L’auteur révèle et explique toutes les figures de style, les faux-semblants, le double langage, toute cette nouvelle rhétorique des gouvernants ou des médias.

    Chaque cas est illustré par des exemples réels de la manière dont elle est utilisée. Avec rigueur et parfois espièglerie, l’auteur brocarde et décode les « petites phrases » des politiques, les discours et les arguments des gouvernants français ou internationaux, ainsi que les commentaires des journalistes et éditorialistes. Il s’agit là d’une grille d’analyse qui jette les bases d’une nouvelle rhétorique, fournit des clés de compréhension essentielles et propose une méthode simple pour exercer notre esprit critique et faire ainsi mieux vivre notre démocratie."

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  • Solidarisme ?...

    Le journal Le Monde dans un article de Caroline Monnot et Abel Mestre, publié dans l'édition du 28 mai 2011 et intitulé Les penseurs de Marine le Pen, souligne que, par l'entremise d'Emmanuel Leroy, un des conseillers de Marine Le Pen, le nouveau programme du Front national a été fortement influencé par la pensée solidariste . Pour éclairer nos lectuers, nous reproduisons ci-dessous un texte intéressant dudit Emmanuel Leroy, cueilli sur Altermedia infos,datant de novembre 2008, qui définit bien les principaux concept de cette pensée de "troisième voie"...

     

     

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    Pour la définition d'une doctrine solidariste

    La crise dans laquelle nous venons d’entrer démontre à nouveau l’extraordinaire désarroi dans lequel se trouve plongé le camp national dès lors qu’il est question de problèmes économiques ou sociaux. A de rares exceptions près, c’est le silence ou la dénonciation stérile de comportements scandaleux qui prévalent, sans qu’une solution alternative ne soit jamais avancée.

    La crise boursière de 2008 n’a pas donné lieu dans notre camp, sauf rares exceptions, à des analyses empreintes d’une réflexion de fond sur les causes de celle-ci et les remèdes à y apporter. Devant cette carence, une évidence s’impose : quel discours tenir face à un possible effondrement de la légitimité du Système ? Et quelle alternative proposer au peuple qui ne soit ni trotsko-marxiste ni libérale ? La réponse à ces deux questions a déjà été esquissée dans le passé. Nous proposons d’aller plus loin pour offrir une alternative radicale au Système, afin non seulement de tenter de l’abolir, mais surtout d’éviter tout retour possible du mercantilisme et de ses poisons.

    A l’époque de la révolution industrielle au XIXème siècle, la République a cherché à concilier deux exigences fondamentales : la liberté individuelle et la justice sociale. L’idée de solidarité, notamment avec Léon Bourgeois, apparût alors comme le moyen d’esquisser une troisième voie entre l’individualisme libéral et le socialisme collectiviste. D’une certaine manière, la France jusqu’aux années 70 avait su trouver une espèce d’équilibre entre socialisme et libéralisme mais l’accélération de la mondialisation à partir des années 80 a fait voler en éclat ce subtil équilibre au profit des oligarchies financières transnationales.

    La logique du Système est implacable : après avoir porté les coups de boutoir contre la nation (solidarité verticale), viennent maintenant les attaques contre le social (solidarité horizontale), derniers remparts contre la déferlante de l’indifférencié et du règne sans partage de l’argent.

    Le solidarisme est la seule réponse possible à opposer au jeu dialectique des deux internationales, libérale et trotsko-libertaire, qui se livrent devant nous à un jeu de pseudo-opposition, afin de mieux faire disparaître les peuples et les remplacer par une humanité esclave aux ordres du Système.
    L’intérêt de la notion de solidarisme est loin d’être purement historique: elle constitue une référence cardinale à tout débat sur la protection sociale et à la répartition des richesses dans la société post-industrielle du XXIème siècle. Or, une des raisons majeures pour lesquelles le camp national n’est pas audible en dehors des questions liées à l’immigration, c’est qu’il n’a pas été capable d’apporter aux Français des réponses claires sur ses conceptions économiques et sociales.

    A l’heure où le Système semble entrer dans une crise d’une ampleur sans précédent, ceux qui sauront concilier les intérêts de la nation et la défense des travailleurs sans briser la liberté des individus seront les vainqueurs de demain.

    Renaissance du solidarisme en 2008

    L’économie et le social n’ont jamais été au sein de la « droite nationale » des domaines qui ont suscité engouement et passion. Les tenants de cette doctrine, en partie influencés par les idées de Maurras (politique d’abord), n’ont pour les questions économiques et sociales qu’une vision distanciée où l’empirisme et le réalisme l’emportent sur les aspects doctrinaux (l’intendance suivra). Cette situation découle probablement du fait que nous sommes les héritiers de différents courants idéologiques où libéralisme et socialisme étaient présents. A l’issue de la seconde guerre mondiale, les camps politiques en Europe occidentale se sont artificiellement scindés en deux grands courants opposant une « droite » libérale et conservatrice à une « gauche » socialiste ou marxiste censée représenter les forces du progrès. Cette division artificielle était censée reproduire l’opposition entre « pays occidentaux libres » et « pays communistes opprimés ». Le courant national était à cette époque complètement marginalisé, en partie du fait de la propagande « résistantialiste » qui a réussi à établir comme une vérité que ses principaux leaders s’étaient mis sans exclusive au service de la France de Vichy ou de la collaboration la plus étroite avec l’occupant (cela sans tenir compte des nombreux royalistes et autres nationaux qui s’étaient engagés dès 1940 dans la résistance). Cette stigmatisation a conduit à la marginalisation quasi-totale des idées nationales/nationalistes jusqu’au début des années 80 qui ont vu l’émergence du FN. La première moitié de cette décennie a été l’occasion véritablement historique de réunir sous l’autorité de JMLP l’ensemble des courants identitaires français. Chacune de ces chapelles idéologiques avait bien sa propre conception doctrinale ou philosophique mais les différences de points de vue ou les querelles étaient obérées par la primauté du leader du FN et par le primat qui était réservé à la question de l’immigration. L’analyse de l’ensemble des scrutins auxquels a participé le FN jusqu’aux années 95 montre à l’évidence que ses électeurs se déterminaient essentiellement sur le refus de l’immigration massive imposée par le Système. En effet, sur les questions économiques, le positionnement du FN n’apparaissait pas de manière claire et JMLP était à l’époque influencé par les idées libérales d’outre-atlantique. Sous l’influence de différents courants internes (solidarisme, christianisme social, anciens cadres du GRECE) le programme du FN entame dès la fin des années 80 une inflexion sociale très marquée et même si ce message est encore peu et mal relayé auprès de l’opinion, il constitue une rupture essentielle dans ce que l’on pourrait appeler « l’idéologie économique » du FN avec les idées libérales qu’il semblait auparavant professer. C’est cette mutation, qui intervient à un moment-clé de la vie politique française à un moment où la gauche, socialiste et communiste, s’est complètement ralliée à l’idéologie marchande du Système (dès 1983), qui devait permettre la progression significative des scores électoraux du FN jusqu’à la crise funeste de 1998. Malheureusement, les fruits de cette évolution, qui pouvaient conduire le camp national aux portes du pouvoir, ont été gâchés par la scission.

    L’un des éléments-clés d’un possible retournement de l’opinion à l’occasion de la crise financière de 2008 est la perte de légitimité que le Système va inéluctablement subir lorsque les conséquences sociales vont se faire sentir plus crûment. Mais il sera nécessaire à ce moment d’offrir une alternative économique et sociale crédible, sans laquelle nous risquons d’être perçus comme des espèces de sous-Besancenot. Cela implique d’adopter résolument un positionnement anti-Système -qui sera en résonance avec le refus de la constitution européenne exprimé par les Français lors du référendum de 2005- et qui ne se borne pas seulement à une dénonciation des effets pervers de la mondialisation, mais qui énonce également une politique claire et limpide sur nos conceptions économiques et sociales. La meilleure illustration que l’on pourrait donner de notre vacuité en matière économique est l’absence de réponse cohérente sur les questions économiques et sociales, et plus particulièrement sur les causes de cette crise. Il est certes difficile de répondre de manière lapidaire à une crise dont la complexité s’apparente à celle du noeud gordien mais, de manière succincte, voilà l’énoncé d’une position solidariste sur cette question :

    1. la classe politico-médiatique de Sarkozy à Besancenot) est collectivement responsable du désastre (conception matérialiste et économique du monde).

    2. Nous punirons les responsables de cette escroquerie gigantesque, financiers ou hommes politiques, qui l’ont provoquée, encouragée ou servie.

    3. Nous restaurerons une politique nationale où la notion de solidarité entre citoyens sera inscrite dans la Constitution et où seront proscrits les comportements anti-nationaux (délocalisations, privatisation des services publics…).

    4. Nous instituerons une politique économique et sociale où sera rétablie la souveraineté monétaire, restauré l’usage du franc et respectés les principes de préférence nationale et européenne.

    5. Seront dénoncés les traités qui subordonnent toute décision nationale à l’avis des autorités de Bruxelles.

    L’objet de cette note n’est pas de formuler un programme économique et social complet, mais plutôt de lancer un débat sur ce que pourrait être un solidarisme moderne. L’idée de fond est que la gauche, du fait de son orientation internationaliste, a rallié l’idéologie du Système et qu’ayant ainsi renié ses convictions et ses engagements, elle a trahi non seulement la classe ouvrière mais aussi les classes moyennes qu’elle avait su séduire dans les années 80. En agissant ainsi, elle a laissé ouverte la voie du social que seul le camp national peut légitimement emprunter. Je partage l’analyse d’Alain Soral sur ce sujet et soutiens notamment ses positions sur la gauche du travail et la droite des valeurs, comme dialectique permettant de dépasser l’affrontement droite/gauche et susceptible de restaurer les solidarités nationales en dépassant le concept de luttes des classes.

    C’est sur cette capacité à récupérer les électeurs séduits par les sirènes sarkozystes et à rallier les électeurs de gauche que se jouera l’avenir de la France.

    Une des difficultés majeures qui peut se présenter est celle d’un discours « social » qui pourrait effrayer une partie de notre électorat traditionnel (artisans, commerçants, patrons de PME, indépendants). Pour éviter cet écueil, il convient à mon avis de sortir des sentiers battus et d’imposer de nouvelles définitions dans le vocabulaire politique français. En effet le champ sémantique utilisé par les politiques ou les médias d’aujourd’hui dans le domaine social reprend peu ou prou les termes utilisés par la gauche socialiste ou marxiste du XIXème siècle. Certes le terme de « prolétaire exploité » n’est plus guère usité mais celui de « patrons exploiteurs » l’est encore et parfois à juste titre et cette perception de « patron de droit divin » est encore bien ancrée à gauche et c’est sur cette perception, en partie erronée, qu’il convient d’intervenir. Il faudrait ici introduire une distinction fondamentale entre petits et grands patrons, qui ne participent pas du même monde, ne jouent pas dans la même cour et souvent ne poursuivent pas les mêmes objectifs. N’oublions pas que l’ensemble des artisans, commerçants, petits patrons et indépendants représente environ 3 millions de personnes en France, qui produisent l’équivalent d’environ 60% du PIB quand seulement 500 grandes entreprises produisent les 40% restant. Il est clair que le Système s’appuie principalement sur les 500 patrons de ces grandes entreprises -intrication des intérêts financiers, médiatiques et politiques- beaucoup plus que sur les 3 millions d’indépendants à qui on ne demande que l’approbation tacite et qui ne sont nullement représentés sur le plan syndical. Donc, le maintien des positions du camp national au sein de cet électorat est essentiel et il devrait même se trouver amélioré si l’on parvient à introduire cette césure dans l’esprit des Français entre ce que l’on pourrait appeler les patrons responsables et les patrons commis.

    Le patron responsable c’est celui qui a investi ses propres fonds pour la création ou le rachat de son entreprise ; c’est celui qui travaille avec ses employés, souvent plus durement qu’eux ; c’est celui qui risque l’infamie et la perte de ses biens personnels en cas d’échec et non pas l’attribution de stocks options et de « golden parachutes » ; c’est aussi et surtout celui qui a une claire responsabilité de ses engagements vis-à-vis de ses employés et qui ne licencie que lorsqu’il y est acculé et jamais pour des questions de profits immédiats à la demande des actionnaires. Ce patron a un rôle social essentiel dès lors que la richesse qu’il produit bénéficie également à ses salariés et à la collectivité.

    Le patron commis est un pur produit du Système. Patron d’une banque ou d’une grande entreprise, multinationale ou non, il est souvent formé par les grandes institutions de la république (ENA, Polytechnique, Grandes Ecoles) et il est ensuite coopté par ses pairs avant d’intégrer son futur champ d’action. Avant l’accélération de la mondialisation, il pouvait être commis par l’Etat dans une de ces grandes entreprises nationalisées à statut public ou mixte dont la France s’était fait une spécialité (Renault, EDF-GDF, Charbonnages de France, SNCF, etc.) aujourd’hui où la puissance régalienne recule devant les diktats de la finance internationale, il est commis par les actionnaires (banques, fonds de pensions, investisseurs institutionnels), mais dans tous les cas de figure, il ne s’agit pas d’un patron au sens traditionnel du terme dans la mesure où non seulement il n’a pas investi un sou dans l’entreprise mais il doit au surplus rendre des comptes à ceux qui l’ont fait roi, et ces derniers aujourd’hui ne poursuivent qu’un unique but : la rentabilité maximale et rapide de leurs investissements. De ce fait la fonction sociale de solidarité avec les salariés de ces pseudo chefs d’entreprises disparaît au profit exclusif de leurs mandants avec le cortège inéluctable de délocalisations, licenciements, fermetures d’usines, etc. qui en découle.C’est donc contre ces patrons commis que le camp national devrait engager une vigoureuse campagne de dénonciation et non pas laisser à l’extrême gauche le bénéfice de ces actions qui a permis à ses leaders d’atteindre en cumul environ 10% des voix lors de la dernière élection présidentielle. Cela implique des actions de terrains, de manifestations de solidarité avec les ouvriers licenciés et de dénonciations systématiques des abus constatés.

    Le terme de solidarisme peut parfaitement s’intégrer à une nouvelle articulation du discours social du camp national. Le solidarisme peut se définir comme un système économique et social qui profite à tous dans la mesure où les sommes investies et redistribuées restent sur le territoire où elles sont produites, et bénéficient à l’ensemble de la collectivité sous la forme d’achats de biens ou de services, de salaires et d’impôts. On pourrait lui opposer le terme de capitalisme déraciné ou de capitalisme irresponsable où le capital investi a pour unique fonction d’être rentabilisé le plus rapidement possible au bénéfice exclusif des investisseurs. Le patron responsable fait du solidarisme dans la mesure où ses investissements et la création de richesses qui en découlent profitent à la collectivité. Le patron commis fait du capitalisme irresponsable dans la mesure où les profits qu’il réalise doivent toujours être réalisés au plus bas coût possible et visent prioritairement à payer toujours plus les actionnaires au détriment des salariés et de la collectivité.

    Ce discours doit être approfondi dans la dénonciation de la micro-classe oligarchique qui se partage aujourd’hui l’essentiel du pouvoir. Cette nouvelle classe de privilégiés est composée aujourd’hui, outre des hommes politiques nationaux du Système et des dirigeants des principaux médias, mais aussi des grands patrons banquiers ou présidents de multinationales. Le point commun négatif de ces stipendiés du Système est qu’ils travaillent unis contre les intérêts du peuple et au bénéfice exclusif de la finance internationale (cf. le sauvetage des banques à l’aide de nouveaux emprunts que les Français devront rembourser). La théorie de Marx sur la bourgeoisie exploitant le prolétariat pourrait être remise à l’ordre du jour, en intégrant l’idée que désormais une immense classe de néo-prolétaires, incluant les anciennes classes moyennes, est en train de voir le jour et qu’elle se trouve opposée à une oligarchie sans frontière appuyant son pouvoir sur la puissance financière et la religion des droits de l’homme.

    L’articulation de ce discours vise à faire comprendre aux électeurs de gauche, qu’il existe une économie « sociale » et solidaire, incluant la notion de profit pour tous, avec laquelle on peut s’entendre et un capitalisme international qui est leur pire ennemi et qui engendre, entre autres maux, le phénomène de l’immigration, qui a pour principal objectif, dans l’esprit de ses promoteurs, de faire peser les salaires des Français à la baisse pour augmenter les profits de l’oligarchie financière internationale.

    L’économie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux banquiers. Il est clair que cette option s’inscrit en rupture totale avec l’idéologie libre-échangiste du Système. Maurice Allais, seul prix Nobel d’économie français, préfère employer le terme de laisser-fairisme dans la mesure où le libre-échangisme serait parfaitement applicable dans de grands ensembles régionaux bénéficiant d’un niveau de vie comparable et subissant des contraintes sociales de même nature. Mais si les critiques de Maurice Allais contre les excès du Système sont intéressantes, cet auteur n’en reste pas moins un libéral et n’accepte pas la notion d’économie orientée et régulée nécessaire dans une conception solidariste.

    Comment définir une économie solidariste, organique et enracinée ?

    C’est avant tout une économie au service du peuple et non pour le bénéfice exclusif d’une oligarchie. De ce fait, elle est automatiquement subordonnée au pouvoir politique qui l’oriente mais ne la dirige pas, sauf dans certains secteurs cruciaux. Elle suit les orientations (incitations fiscales, exemptions ou réductions d’impôts, zones franches, interdictions, limites, restrictions) que lui pose l’Etat. De ce fait, elle agit librement dans un cadre donné en fonction de deux impératifs :

    1. assurer le bien-être de la population ;
    2. assurer les exigences stratégiques de l’Etat.

    Tant que l’économie n’est pas en crise et que ces deux impératifs sont satisfaits, l’Etat n’intervient pas. Dès lors qu’un dysfonctionnement intervient, extérieur ou intérieur (prix du baril de pétrole, pénuries alimentaires, hausse du prix des matières premières ou stratégiques etc.) l’Etat use de son pouvoir régalien pour imposer les mesures qu’il juge nécessaires (baisse ou hausse des prix ou des salaires, inflation ou déflation, augmentation des droits de douanes, contrôle des changes, etc.). En conséquence, et contrairement aux exigences du Système Global, il est vital pour un Etat qui désire conserver son indépendance et sa liberté d’agir, de se désendetter et de pouvoir disposer d’une banque centrale sous son contrôle direct afin de pouvoir jouer à sa guise sur la circulation monétaire dans le pays.

    Une économie solidariste doit reposer sur le principe de la libre concurrence mais en respectant les valeurs et les traditions des peuples où elle est appliquée. Contrairement à ce que pense les libéraux, tout n’est pas à vendre ou à acheter. En conséquence l’Etat doit réglementer les secteurs où il souhaite détenir le monopole (transports publics, énergie, défense, télécommunications, médias). Il est même souhaitable que ces secteurs restent sous le contrôle étroit et exclusif de l’Etat, notamment les télécommunications et les médias, du fait de leur utilisation potentielle comme armes stratégiques de désinformation.

    Afin d’éviter un assoupissement du système inhérent à toute fonction publique et à toute administration centralisée dépourvue de concurrence, il est souhaitable d’instaurer dans ces administrations un système de rémunération au mérite (comportant des limites), géré par une commission mixte de fonctionnaires de tous grades et d’experts indépendants extérieurs à l’administration.

    Pour protéger cette économie de tout choc intérieur ou extérieur, il convient de fixer un certain nombre de principes simples :

    1. tout ce que peut fabriquer ou produire le pays, sans coûts excessifs, et qui fournit de l’emploi à des salariés ou est considéré comme d’intérêt stratégique par l’Etat, doit être protégé par des droits de douane, variables selon la nature de la menace, ou être nationalisé.

    2. La monnaie nationale n’est pas une marchandise et il faut restaurer le système qui la place hors du champ des spéculateurs internationaux.

    3. L’Etat doit s’arroger le droit d’interdire toute société ou organisation étrangère dont l’activité peut être néfaste (sur les plans politique, économique ou culturel) pour le pays.

    4. L’impôt doit être juste et équitable et toucher proportionnellement toute les classes sociales (sauf les plus démunies) en évitant de frapper trop fort les hauts revenus ce qui risquerait de faire fuir les élites.

    5. L’Etat doit se donner les moyens, même à prix exorbitant et donc non compétitif, de fabriquer ce qu’il estime nécessaire pour son indépendance et dont la perte de savoir-faire lui serait extrêmement préjudiciable. (cf. industrie spatiale).

    6. Une économie solidariste doit favoriser le principe de fonctionnement des cercles concentriques : il faut qu’une région consomme prioritairement ce qu’elle produit. Si un produit n’est pas disponible dans la région concernée, c’est à la région la plus voisine de l’approvisionner. Si aucune région du pays ne produit le bien recherché, il sera importé, de préférence d’un pays avec lequel existe des accords bilatéraux d’échanges.

    7. Une économie continentale ouverte sur les deux océans doit mettre en place le principe de l’autarcie des grands espaces. Le continent Eurasien, de Brest à Vladivostok, possède largement en son sein de quoi satisfaire tous ses besoins essentiels. Pour les rares denrées (café, chocolat…) ou matières premières qu’elle ne posséderait pas, ou alors en quantité insuffisante, des accords de commerce internationaux avec les pays producteurs permettront de pallier la pénurie.

    Ces principes d’économie organique ne sont que de simples mesures de bon sens et ils étaient pratiqués naturellement par tous les Etats du monde avant que la maladie libérale et sa dérive libérale-totalitaire ne se répandent sur la surface de la terre. Ils pourraient être remis en place dans un débat comme alternative positive au système marchand mis en place par ceux qui visent à travers lui à s’assurer le contrôle de la planète.

    Notre particularité, c’est la logique de la troisième voie, celle qui réussit la synthèse entre le national et le social. Mais pour ce faire, il ne faut pas heurter de front ceux qui en sont restés à une logique dialectique simpliste de type gauche/droite, à savoir socialisme contre libéralisme. La meilleure définition possible pour un solidarisme moderne c’est : « Au travail, sa place, toute sa place ! Au capital, sa place, rien que sa place ! »

    Emmanuel Leroy (14 novembre 2008)

     

     

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  • Les snipers de la semaine... (23)

     Taxi driver.jpg

     

    Au sommaire cette semaine :

    - sur Acrimed, Julien Salingue mouche la gauche salonarde et libérale, celle qui, habituellement pro-américaine, pleure sur la dureté du sort reservé à DSK...

    Ils ne sont plus « tous américains »

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    - sur Valeurs actuelles, Denis Tillinac tire sur la caste politico-médiatique qui a pris la défense de DSK...

    Réflexes de caste

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  • Ben Laden et DSK : deux icônes... (2)

    Nous reproduisons ci-dessous la suite de l'entretien avec François-Bernard Huyghe paru dans la lettre d'information Communication & Influence. 

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    La persistance des codes culturels est donc si importante que les effets de telles campagnes ne sont pas forcément maîtrisés en tous temps et tous lieux ?

    C’est une évidence. Prenons le cas de DSK. Les publics américain et français ont réagi de manière très dissemblable. Alors que les Américains se réjouissaient de voir arrêté et puni un DSK considéré comme un pervers, qui plus est français, donc nécessairement arrogant, et qu'ils jugeaient normal qu'il soit ainsi menotté et conduit sans égard devant le juge, à l'inverse, 57% des Français,sous le coup de l'émotion, disaient douter de ces mêmes images – ne serait-ce pas de la mise en scène ? – et de la nature même du crime – n'avons-nous pas affaire à un complot ou à un piège ?...

    Que dire de cette réaction stupéfiante ? Est-ce un réflexe pour refuser la réalité, pour opérer un déni ? Est-ce une manière de dire, non, il n’est pas possible qu’un Français, celui que l’on nous promettait bientôt aux commandes du pays, ait pu commettre un tel acte ? Nous serions-nous trompés à ce point et pouvons-nous admettre que nous nous soyons ainsi égarés ?... Refuser le constat, sortir de ce questionnement angoissant par la facile hypothèse du complot, est certes plus apaisant.

    La mécanique qui se met ainsi en place invite à réfléchir. Très souvent, les masses sont déclarées inaptes à décrypter les arcanes de telle ou telle affaire. D’aucuns prétendent que seuls des spécialistes et intellectuels avertis le pourraient. Or, là, nous sommes confrontés à une autre lecture, puisque, en l’espèce, on se heurte ici manifestement à un scepticisme de masse. Pourquoi y a-t-il doute ? Les causes en sont sans doute multiples, mais de fait l'interrogation existe.

    Un autre exemple d’effet ricochet se traduit par le débat qui s’est très vite engagé en France sur cette affaire DSK, entre deux factions traditionnellement liées. D’une part ses amis politiques, qui ont tenté de minorer les faits, de les mettre en perspective, de prendre du champ, en déplorant ces images très dures. Et d’autre part, certains alliés politiques traditionnels de gauche comme les féministes – ou même les femmes en général – qui ont été choquées en évoquant l’image que l’on ne voyait pas, et donc qui ne se trouvait pas prise en compte : celle de la victime, la femme avilie, forcée, mère isolée, travailleuse, prolétaire, d’origine étrangère, de condition modeste, bref image aux antipodes du président du FMI et ex-futur présidentiable. On a vu DSK humilié mais on n’a pas vu la femme humiliée, de même que l’on ne voit pas ces dizaines de milliers de femmes qui sont violées chaque année et dont très peu vont porter plainte. D’un seul coup, une césure surgissait entre alliés d’hier, de nouveaux champs d’affrontement s’ouvraient.

    Comment s’articulent dès lors les rapports entre l’actualité et la fiction, entre le symbole et l’influence ?

    On sait aujourd’hui que dans la stratégie - militaire, économique, financière ou politique - la réalité est devenue une sorte d’annexe de la virtualité. Ou, en tous les cas, une part mineure de la production de spectacle, de ce qui est vu, perçu, de ce vers quoi on a attiré l’attention. On se trouve ici dans la sphère du "spectaculaire intégré", où la réalité n’a plus beaucoup d’importance, parce que le poids des émotions sur l’esprit humain (la pitié, la colère, la joie, la tristesse…) est finalement le produit d’images – donc de messages – construites en vue d’un effet qui porte en lui sa propre symbolique, et par conséquent, sa propre logique.

    Souvenons-nous cependant que là où existe la possibilité d’un effet, il y a aussi la possibilité d’un raté. Les facteurs culturels et religieux peuvent en particulier constituer des pierres d’achoppement à des entreprises médiatiques, aussi puissantes soient-elles. Ainsi, un sondage récent montre qu’en dépit des innombrables campagnes médiatiques destinées à promouvoir l’idéal américain, démocratique et mondialisé, au Moyen-Orient, une majorité d’Egyptiens préfère l’image de Ben Laden à celle d’Obama. Même mort, même battu, même disparu, Ben Laden reste une icône, un symbole face au Président des Etats-Unis, celui qui a entre les mains les outils les plus performants de la planète : finances, machines de guerre, institutions internationales, médias, etc.

    De fait, les codes culturels peuvent se révéler être des obstacles de taille à l’omnipotence des médias. Et ces codes culturels ne sont eux-mêmes que la partie visible de la résistance du milieu ambiant à la pénétration d’un autre corps (de pensée, de valeurs…) qui lui est étranger.

    Un autre paramètre est à prendre soigneusement en compte. Aujourd’hui, plus personne n’a le monopole des médias. Toute image va entrer en concurrence avec d’autres images. Des scènes prises à partir d’un simple téléphone portable peuvent se révéler être une arme formidable. Par exemple, juste après les images officielles de l’exécution de Saddam Hussein, on a vu surgir d’autres témoignages, filmés à la sauvette, où l’on voyait le déroulement non maîtrisé, réel, de cette mise à mort. Avec tout ce qu’elle comportait de sauvagerie, de cris de haine, de lynchage et de règlement de compte, au final assez sordide. Version officielle contre version réelle en quelque sorte. L’enseignement est clair : toute émission d’images qui véhicule, nécessairement et par nature, un certain point de vue, s’expose à être en concurrence, voire à être contrée par d’autres images, orientées selon un autre but, au nom d’autres valeurs ou d’autres motivations.

    Enfin, il y a la déclinaison de ces faits d’actualité sur des modes plus ludiques, apparemment innocents, mais qui reflètent cette fascination pour l’extra-ordinaire, et qui permettent de s’identifier au drame, d’y prendre part de façon simulée. A chaque grand événement d’amplitude mondiale, on voit apparaître des jeux vidéos qui reprennent et instrumentalisent la thématique. Ainsi, sur l’un, il est proposé de se mettre à la place des soldats qui investissent la tanière de Ben Laden pour le tuer. Sur un autre, on voit un petit DSK tout nu qui doit attraper des femmes de chambre…

    Le fait médiatique engendré par les images perdure donc sur différents registres et contribue à accroître la portée symbolique du fait initial, confirmant en cela la fameuse phrase de Marx qui disait que l’histoire se répète toujours, la première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une comédie. A l’heure du tout média, ce qui a été vécu une première fois comme une réalité filmée sera vécue une seconde fois comme une parodie vidéo.

    Si l’on veut bien comprendre les rouages du mécanisme ici à l’oeuvre, s'impose au premier plan la force de l’image. Mais il y a aussi, derrière, la force du texte qui le sous-tend. Et, derrière encore, la force des idées qui, au final, font se mouvoir le tout. Comment s'articule l'ensemble ?

    Il faut bien comprendre que l’image ne se réduit pas à la seule représentation de la réalité. Elle suggère, elle porte en soi une interprétation qui induit un effet psychique. Prenons ainsi la force de l’humiliation, que représente aussi bien une caricature du Prophète que l’effondrement des Twin Towers. Comme aimait à le dire excellemment le cinéaste Jean-Luc Godard, il n’y a pas d’image juste, il y a juste une image. Cette dernière est forcément intentionnelle. On peut, on veut lui faire dire quelque chose. Elle s’inscrit dans un certain contexte. Elle est montée en vue d’un effet à obtenir. Elle est sous-tendue par une vision des choses qui livre à travers elle une interprétation tangible. Et surtout, l’image est soutenue en permanence par un commentaire qui constitue la ligne directrice, obligatoire, à suivre, au cas où nous n’aurions pas vraiment compris la portée et le sens de l’image, au cas aussi où nous aurions des velléités de l’interpréter autrement.

    Plus on va pénétrer dans la sphère de l’autorité, plus on va aller vers les sources qui sont supposées détenir le savoir et avoir la capacité à dire le bien et le mal, plus le texte va prendre de l’importance, et plus la force des idées va se révéler essentielle. On a donc ainsi une hiérarchisation des pouvoirs (images, textes, idées) qui sont en même temps synchronisés par paliers.

    En guise de conclusion, et pour respecter la tradition qui veut que l’on demande à nos invités de bien vouloir préciser leur conception de l’influence, que pensez-vous de la définition qu’en donne Alain Juillet, ancien Haut responsable à l’intelligence économique : "L’influence consiste à amener l’auditeur à sortir de son schéma de pensée pour aller vers un autre. Ce changement est produit par des éléments qu’on lui présente et qui l’amènent à réfléchir. En somme, d’une certaine manière, plus on est intelligent, plus on est influençable. Parce que l’influence fait appel à la capacité d’analyse de l’auditeur, qui doit faire le tri entre ce qu’il pense "habituellement" et les éléments nouveaux qui lui sont soumis, dont il lui appartient de mesurer la validité. Tout argument solide qui lui est proposé peut ainsi le conduire à revoir son jugement, donc son positionnement. C’est à partir de là que s’enclenche le processus de l’influence."

    Cette approche est effectivement très intéressante, et cette citation s’intègre parfaitement dans la longue suite de réflexions de penseurs qui, depuis l’éclosion de la pensée grecque, se sont efforcés de percer les rouages de l'influence ou de la persuasion, ce que l'on appellerait aujourd'hui le

    soft-power. Permettez-moi donc en guise de conclusion d’en citer une, dont nous sommes séparés depuis vingt-cinq siècles, mais qui n’a rien perdu de son acuité. Dans son Gorgias, Platon écrit : "L’art de persuader dépasse de beaucoup tous les autres car il asservit tout à son empire par consentement et non par force".

    A l’heure du tout médiatique et de la croissance exponentielle des technologies de l’information et de la communication, la maîtrise des stratégies d’influence a de beaux jours devant elle…

    François-Bernard Huyghe (Communication & Influence, mai 2011)

     

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