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  • Quand le dollar nous tue...

    Après 20 000 milliards de dollars (Grasset, 2010), Edouard Tétreau s'acharne à tirer le signal d'alarme avant que le système financier ne s'effondre à la suite des injections massives de dollars dans l'économie mondiale. Il vient donc de publier, aux éditions Grasset, Quand le dollar nous tue.

     

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    "En octobre 2010, Edouard Tétreau concluait son livre 20 000 milliards de dollars sur cette hypothèse : les Etats-Unis pourraient bien faire payer au reste du monde leur sortie de crise.
    Six mois après, l’hypothèse est devenue réalité. Les Etats-Unis amorcent le premier épisode d’hyperinflation mondiale. Baril de pétrole à plus de cent dollars ; émeutes de la faim en Tunisie et en Egypte ; spirales inflationnistes en Chine, en Inde, au Brésil ; retour triomphant des bonus de Wall Street… Les dollars fous de l’Amérique viennent aggraver les déséquilibres du XXIème siècle dans le seul but d’aider l’Amérique à repartir. Or, ce n’est pas seulement l’Amérique qui repart, c’est aussi son premier créancier, la Chine, qui accélère sa mainmise sur la planète, s’empressant de reconvertir ses excédents de dollars en actifs tangibles.
    Peut-on encore éviter ce scénario du pire ? A priori non, répond Edouard Tétreau : c’est trop tard. En revanche, il n’est pas trop tard pour que l’Europe et les futures grandes démocraties du XXIème siècle, Inde et Brésil en tête, organisent une forme de résistance face au double diktat de la Chine et de l’Amérique…
    Le G20 français de 2011 s’annonce comme une opération électoraliste à grands frais. Il peut encore devenir un rendez-vous historique, fermant le cycle de BrettonWoods démarré en 1944."

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  • Point de situation...

    « Lorsque les sociétés refusent de voir l’ennemi, lorsqu’elles montrent des signes d’effondrement, alors on voit se dresser des individus particuliers qui n’acceptent pas cet état de fait et reprennent la lutte à leur compte, parvenant à éluder ce qui paraissait inéluctable et à reconstruire des solidarités et une cohésion de groupe. Agissant de la sorte, ces individus retrouvent l’essence du fait étatique, le compagnonnage et les liens personnels de fidélité. »

    Bernard Wicht

     

    Un court point de situation de  Bernard Wicht, cueilli sur Le Polémarque, le site de Laurent Schang. Professeur de stratégie en Suisse, Bernard Wicht a publié plusieurs essais tels que Guerre et hégémonie (Georg, 2002 ) ou Une nouvelle Guerre de Trente ans ? (Le Polémarque, 2011).

     

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    Point de situation

    1) C’est la fin de l’État moderne et des institutions qu’il a créés et qui le portent : armée, université, système éducatif national, etc.
    2) C’est la fin de l’ère industrielle et des formes d’organisation hiérarchique et pyramidale dont elle a accouché : des grandes usines aux grandes banques (d’où une démassification et une sorte de « démodernisation »).
    3) C’est l’avènement de la société de l’information : structures plus petites et « sans tête », l’idée compte plus que l’organisation et l’institution, les nouvelles élites sont déjà au travail (mais on ne les voit pas parce qu’on ne regarde pas au bon endroit : principe de celui qui cherche ses clefs sur le réverbère plutôt que là où il les a perdues).

    Dans cette perspective, il faut considérer :

    - que l’effondrement actuel du Maghreb et du Moyen-Orient va accélérer la fin de l’ancien monde et l’avènement du nouveau (avec tous les bouleversements que cela suppose, en particulier en Europe) ;
    - que se battre sur des positions déjà submergées (telles que universités, grandes écoles, armée est un gaspillage de temps et d’énergie ;
    - qu’il faut s’efforcer de travailler en fonction des nouveaux paradigmes : nouvelles formes d’organisation, nouvelles méthodes de travail (selon les principes : « créer la culture, donner des moyens, laisser faire le travail » ; « travailler dans la marge d’erreur du système (actuel) » ; « (dans le contexte actuel) le salut vient des marges ; « loi des petits nombres (en lieu et place de l’ère des masses) ».

    À titre d’exemple, de petites structures (souvent peu formalisées) se montrent de plus en plus aptes à développer des idées fortes, précisément parce qu’elles agissent « en dehors » (non pas contre) du système et qu’elles ne sont pas liées à l’establishment. Ce sont leurs projets qui font se rencontrer des gens ne se connaissant pas mais qui pourtant se font immédiatement confiance. Elles agissent le plus souvent par capillarité, selon le principe de « l’inoculée conception », et ont un écho et un impact inversement proportionnels à leur taille et à leur moyens.

    Aujourd’hui, c’est ce type de structures qui permet de faire avancer tant la réflexion que les pratiques et la production : on peut ainsi citer en vrac les blogs, les start-up, les petites coopératives, etc...

    Bernard Wicht (Le Polémarque, 22 avril 2011)

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  • Naissances du totalitarisme...

    Les éditions du Cerf, dans leur collection Politique, viennent de publier un ouvrage collectif consacré au totalitarisme, intitulé Naissance du totalitarisme, sous la direction de Philippe de Lara, maître de conférence à Paris II en philosophie et sciences politiques, avec des contributions, notamment, de Bernard Bruneteau, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, et Emilo Gentile, spécialiste italien du fascisme.

     

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    "La question totalitaire n'est pas close. Les révolutions communiste, fasciste et nazie forment un phénomène unitaire. Le fait est désormais à peu près accepté, mais il reste encore à le dompter dans la pensée. Philosophes et historiens se livrent ici ensemble à ce travail.

    Le totalitarisme ne se limite pas aux systèmes stalinien et nazi dans leur maturité. Dès les premiers pas du bolchevisme et du fascisme apparaît une combinaison inédite de violence politique et de foi révolutionnaire. Des observateurs lucides en eurent l'intuition dès les années trente (Bernard Bruneteau). Emilio Gentile montre le totalitarisme originaire du fascisme, dès la naissance du « parti milice » de Mussolini en 1919. Ce mélange de terreur et de ferveur défie les notions habituelles d'idéologie et de tyrannie. L'idéologie est-elle le cœur des régimes totalitaires ? La question divise toujours les historiens. Révolution du nihilisme, religion politique, contre-religion : Thierry Gontier, Philippe Raynaud et Paul Thibaud discutent ces interprétations.

    Pourquoi la Russie, pourquoi l'Italie, pourquoi l'Allemagne ? L'anthropologie renouvelle la question des origines : le totalitarisme est une réaction extrême à la modernisation, dans des pays où elle a été tardive et brutale (Philippe de Lara). À la fois réactions passéistes et surenchères futuristes, les totalitarismes sont partie intégrante de la modernité."

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  • Petit journal d'une Chute...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Jauffret, d'une féroce lucidité, cueilli sur le Blog du Choc du mois, . 

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    DSK : petit journal d'une Chute

    15 mai Incroyable histoire de DSK qui aurait agressé une femme de chambre au Sofitel de New-York, hier après-midi. La police l’a attrapé dans l’avion et l’a conduit au commissariat d’Harlem pour un interrogatoire. Le président du FMI ! En 2008 lors du scandale adultérin, des « proches sous couvert d’anonymat » prévoyaient dans Libération une chute liée à une affaire de sexe. Voilà qui est fait. Le type est dingue, tout le monde le sait. Paraît-il que ses communicants lui préparaient depuis quelques semaines « un petit atterrissage en douceur » en France. Raté !

    16 mai Image de DSK menotté dans le dos...

    encadré par la police newyorkaise : grandiose ! Aubry dit en avoir pleuré ! Quelle chialeuse, celle-là ! Les journalistes et les hommes politiques parlent en chœur d’un « piège » et d’une « manipulation », eux qui savent parfaitement que l’homme est un véritable malade, traînant en France quantité d’affaires de mœurs, toujours étouffées, du même genre de celle qui aux Etats-Unis risque à présent de l’envoyer en cabane. Mais au-delà du pathologique, il y a les mœurs du milliardaire tordu et arrogant, convaincu que tout lui est dû, y compris les corps passant à sa vue. Cette hyper-classe au-dessus de la morale, des lois et des nations, a développé un sentiment inouï d’hyper-puissance et c’est assurément ce sentiment qui a poussé DSK a tenter d’assouvir impunément sa pulsion sur une femme de ménage de passage. Sauf que ce coup-ci, il est tombé sur un os américain.
    Quoi qu’il en soit, c’est une excellente nouvelle pour la France, au-delà de l’humiliation momentanée. Nulle doute que cette personne aurait transformé de nuit les salons de l’Elysée en lupanar, avec, allez savoir pourquoi pas des salles de tortures à tous les étages, tout en fabriquant le jour des lois pour le partage obligatoire de la vaisselle entre hommes et femmes. Mon rêve à présent, c’est de le voir enfin en salopette orange fluo, habit dont il semble destiné de toute éternité.

    17 mai Images du patron du FMI mal rasé, fatigué, humilié, hagard, l’air complètement ahuri dans son box de condamné. Le juge l’envoie directement en prison. Moi qui déteste l’Amérique, aujourd’hui je l’adore, ce pays de puritains fanatiques et dégénérés !

    18 mai Du sperme de "Strauss-le-violeur" retrouvée sur la femme de chambre et dans la suite. Des traces de griffures, de morsures et de coups sur son corps. La défense change de stratégie. Hier : Pourquoi voulez-vous qu’il baise une femme de ménage, qui de surcroît est vilaine, alors qu’il peut se payer les plus belles femmes du monde ? Aujourd’hui : La femme de ménage est jolie (donc allumeuse), la relation sexuelle était consentie. Demain : la femme de ménage est perverse, elle a réclamé qu’on la cogne, etc. Ça commence sérieusement à sentir le roussi. Quelque part en Amérique, des petites mains sont en train de coudre soigneusement une petite salopette orange fluo !

    Une militante socialiste en larmes à la radio : « en tant que socialiste, ça fait mal de voir un camarade avec des menottes dans le dos ». Pardi ! Sauf que Strauss n’a rien d’un camarade, sottasse ! C’est un milliardaire cynique et arrogant ! Un néolibéral pur jus ! Un affreux capitaliste ! Un affameur de peuples ! Un socialiste authentique serait heureux de voir un parasite de cette espèce avec des menottes dans le dos ! Pour peu qu’il soit lyrique, il réclamerait même qu’on le fusille ! J’imagine parfaitement cette militante en prof semi-lettrée à cheveux gras, manifestant régulièrement contre la politique libérale appliquée à l’école, et pleurnichant aujourd’hui devant la divine paire de menottes ! Mon Dieu ce que les socialistes sont bêtes ! Champagne, hideux profs !

    Toute l’élite est derrière "Strauss-le-violeur" comme elle a été derrière Polanski il y a quelques mois. Yvette Roudy, ancien ministre des droits des femmes, parle de manipulation et n’est pas loin de traiter la bonniche noire d’aguicheuse probable. Guigou évoque le libertinage. Il n’y a pas mort d’homme, déclare Jack Lang, grand militant de la cause féministe depuis trente ans. Ségolène Royal, qui se roule généralement par terre quand un mâle cligne de l’œil à une donzelle, a une première pensée pour la famille de Strauss-le-violeur ; rien évidemment pour la "négresse" qui a eu le mauvais goût d’exciter son excellence. BHL demande à la France et à l’Amérique si l’on peut sérieusement croire que DSK aurait pu être son ami s’il avait été un prédateur sexuel (être l’ami de BHL est une preuve de vertu, voire d’élection), Jean-François Kahn évoque un petit troussage de domestique sans intérêt, etc. Mitterrand, Polanski, Strauss : dès qu’un membre de l’élite vacille, la morale commune des autres membres disparaît dans la seconde au profit d’une solidarité de classe sans faille. La seule et unique conscience de classe se trouve là, et non ailleurs. Quant au beauf qui met la main aux fesses à sa collègue de travail, malheur à lui : l’élite éclairée ne plaisante pas avec le respect de la femme le concernant. On arrive petit à petit à la situation décrite dans Soleil Vert, ce merveilleux film de Richard Fleischer qui, en 1973, a magistralement anticipé la direction que prendraient les démocraties occidentales : les seigneurs du capitalisme pur en haut, enfin débarrassés des contraintes de la production, du travail, de la morale et des lois ; la masse abrutie en bas, affamée, réglementée, tenue en laisse, terrorisée par la télévision et la police.

    19 mai Réaction d’un militant socialiste du dix-huitième arrondissement de Paris devant les images de DSK menottés : « C’est pas un loubard sans éducation, c’est le responsable du FMI quand même ». Même les militants UMP du 16e arrondissement de Paris n’arriveraient pas à être aussi bourgeoisement crasse s’ils le voulaient.

    Quel symbole inouï que cette affaire quand on y songe : un milliardaire socialiste présidant le FMI qui s’en prend physiquement à une immigrée du Tiers-Monde !

    Service express : voici la photo carcérale que j’appelais de mes vœux publiée par le Daily News. La combinaison est bleue, les yeux du bagnard révulsés, l’air pervers et dément. Une belle affiche de campagne. « Votez Freak ».

    Impression de délitement formidable de tout. Affaire Bettencourt, viol de DSK : voici où nos élites sont tombées. Tout cela était inimaginable il y a encore vingt ans, époque où elles étaient pourtant déjà dans les égouts. A ce niveau, la seule manière de rebondir pour espérer pondre une élite qui sache se tenir dans vingt ans, semble malheureusement être la purge.

    20 mai Inculpation du "violeur" qui apparaît dans le prétoire, rasé, en costume, souriant à sa femme, presque détendu. Le juge le libère sous caution, moyennant quoi la bête portera un bracelet électronique. Le voilà rattrapé par cette modernité à laquelle il a travaillé toute sa vie. L’affaire se terminera vraisemblablement à l’américaine, avec un gros chèque à la violée. Je suis persuadé que ce dur-à-cuire tentera de rebondir, et pourquoi pas, de revenir dans la vie publique. Il a mis quatre jours à encaisser la fin de ses espérances et le gâchis de sa vie, ce qui témoigne d’une résistance exceptionnelle. A vrai dire l’homme semble indestructible, à moins d’une lourde condamnation à de la prison ferme.

    Je ne sais plus qui a dit qu’après le tremblement de terre viendra le tsunami. Je prévois un P.S. emporté par les flots, rasé, ratiboisé, un champs de ruines fumantes. Ce déni collectif auquel on a assisté va coûter très cher quand il sera établi que le crime a eu lieu, ce qui ne fait visiblement pas l’ombre d’un doute. Les Français vont alors comprendre de quelle glaise sont fabriqués « les grands principes sur lesquels on ne transige pas », et les socialistes apparaitront pour ce qu’ils sont. L’ennui, c’est que le deuxième tour de l’élection présidentielle de l’année prochaine se jouera probablement entre Marine Le Pen et le président sortant, ce qui signifie sans conteste un second mandat Sarkozy dont on risque tout simplement de crever. Ce sera alors : Adieu la France.


    Julien Jauffret (Le Blog du Choc du mois, 21 mai 2011)

     
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  • Des intellectuels faussaires ?...

    Directeur de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques, Pascal Boniface vient de publier aux éditions Jean-Claude Gawsewitch un essai polémique intitulé Les intellectuels faussaires - Le triomphe médiatique des experts en mensonge.  Ce livre, d'après son auteur, aurait été refusé par quatorze éditeurs ! Il faut dire qu'il s'attaque au gratin des aboyeurs du système : Alexandre Adler, Caroline Fourest, Mohamed Sifaoui, Thérèse Delpech, Frédéric Encel, François Heisbourg, Philippe Val et, bien sûr, BHL !

     

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    "Depuis quelques années, le « mentir vrai » est devenu la marque de fabrique de nombreux intellectuels ayant acquis une certaine crédibilité dans notre pays. Ces faussaires qui assènent sans aucun scrupule des contrevérités pour défendre telle ou telle cause sont quasi intouchables. Véritables docteurs es malhonnêteté intellectuelle, ils ne sont jamais inquiétés même lorsqu’ils sont pris en flagrant délit de mensonge. Quoiqu’ils racontent, on les respecte et ils peuvent donc distiller leurs boniments en toute impunité dans les médias. Le triomphe des faussaires constitue une menace pour l’information du public. L’honnêteté intellectuelle est devenue un handicap et non un atout. Pourquoi les intello baratineurs ne sont-ils pas démasqués ? Comment procèdent-ils ? Quelle est la responsabilité des médias dans ce triomphe du mensonge ? Dans cet essai corrosif, Pascal Boniface décrypte les ressorts et méthodes qui permettent à des intellectuels serial-menteurs d’occuper avec un culot inouï l’espace médiatique. Comment ils brandissent « la morale » pour nous faire avaler leurs couleuvres ou encore quels sont leurs terrains de jeu idéologique préférés (Islamisme, Israël, défense de l’Occident…). Mais, l’auteur pousse sa réflexion plus loin en dénonçant les boniments de « grands » Intellectuels faussaires français. Dans une série de portraits incisifs documentés et croustillants, l’auteur lève le voile sur les pratiques des menteurs en série."

     

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  • Il y a toujours un ennemi !...

    Après une semaine largement consacrée à l'affaire Strauss-Kahn, revenons aux fondamentaux avec ce texte d'Alain de Benoist, consacré à la pensée de Carl Schmitt, paru en 1978 dans le Figaro magazine...

     

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    Il y aura toujours un ennemi

    La pensée de Carl Schmitt

    Peu de juristes et de politologues contemporains ont fait l'objet d'autant de jugements contradictoires que l'Allemand Carl Schmitt, disciple de Hobbes, de Max Weber et de Donoso Cortès, mais aussi grand lecteur de Proudhon et de Bakounine, qui fut en relations avec Jacques Maritain et René Capitant, et dont la Revue européenne des sciences sociales vient de saluer le 90e anniversaire – il est né le 11 juillet 1888 – avec un numéro spécial contenant une remarquable présentation de Julien Freund, professeur à l'Université de Strasbourg, et une érudite documentation rassemblée par le professeur Piet Tommissen, de Bruxelles.

    Tandis qu'en France son œuvre n'est encore guère connue que par des hommes comme Julien Freund (qui lui consacre de longs développements dans L’essence du politique, Sirey, 1965) ou Raymond Aron (qui a publié en 1972, dans la collection qu’il dirige chez Calmann-Lévy, deux de ses œuvres, La notion de politique et Théorie du partisan), Carl Schmitt n'en exerce pas moins aujourd’hui dans le monde entier une grande influence, que les critiques souvent absurdes qui lui ont été adressées n'ont jamais pu sérieusement entamer. (Tout récemment encore, Jean-William Lapierre, dans Vivre sans Etat ?, Seuil, 1977, allait jusqu’à le présenter comme un « ancien ministre de Hitler » !).

    Schmitt est d'abord celui qui a établi, de façon aussi définitive que possible, la réalité de l'autonomie du politique. Dans La notion de politique, texte datant de 1927, il montre que le politique ne saurait s’identifier ou être rabattue sur sur l’économie, l’esthétique ou la morale. L'État lui-même n’est pas synonyme de politique : « Le concept d'État présuppose le concept de politique ». Toute société humaine est en effet nécessairement dotée d'une dimension politique. L'homme est un être qui doit faire des choix collectifs pour trancher entre des aspirations et des projets différents. La politique est inévitable parce qu'il faut faire des choix. Certes, l’Etat représente l'instance du politique la plus courante, mais la substance de ce dernier est ailleurs. Si l'État vient à disparaître ou à démissionner de son rôle politique, la substance du politique devient en quelque sorte « flottante ». Elle est la proie des groupes de pression, tandis que les domaines précédemment réputés « neutres » cessent de l'être. Ces domaines « métapolitiques » (culture, art, religion, éducation, etc.) peuvent alors devenir autant de champs d'action de la politique réelle.

    Cela pose évidemment le problème de l'« essence » du politique. Pour Carl Schmitt, le critère d'identification de toute dynamique proprement politique n'est autre que l'aptitude à distinguer l'ami de l'ennemi (Freund-Feind Theorie). Cette distinction caractérise spécifiquement l'ordre politique, de même que la distinction entre le bien et le mal caractérise l'ordre de la moralité; celle entre le beau et le laid, l'ordre esthétique, etc. Le critère politique par excellence, c'est la possibilité pour une opposition quelconque d'évoluer vers un conflit susceptible de « monter aux extrêmes ». Est politique l'action qui implique, même indirectement, une telle distinction : « Dire d'une chose qu'elle est politique, c'est dire qu'elle est polémique » (Julien Freund). Corrélativement, toute politique implique l'exercice d'une puissance. Agir politiquement, c'est exercer l’autorité nécessaire aux conditions de formation de la puissance. La politique n'est pas un rapport d'intelligence, c'est un rapport de forces.

    Dès lors, l'acte politique fondamental devient la désignation de l'ennemi. Un État qui, par « pensée de ruse » ou par simple naïveté, croit pouvoir ignorer ses ennemis, a toutes chances de succomber à l'action organisée de ceux qui, eux, n'ignorent pas qu'il est le leur. Un tel État, qui se refuse à manifester de la puissance pour devenir, par exemple, un simple lieu de concertation ou une instance d'arbitrage à l'image d'un tribunal civil, cesse d'être politique. Et du même coup, la politique passe ailleurs. « En politique, écrit encore Julien Freund, on ne saurait échapper à la décision, sous peine de tomber dans l'irrésolution du libéralisme classique qui refuse tout choix ».

    De là, une théorie nouvelle de la souveraineté. « Est souverain, écrit Carl Schmitt, celui qui décide sur le cas d’exception (ou en cas de situation exceptionnelle) – c'est-à-dire celui qui, lorsqu’éclate une situation de crise rendant obsolètes les règles antérieures, peut effectivement instaurer ou rétablir l'ordre et la sécurité. Ce « souverain » n'est pas nécessairement l'État.

    Carl Schmitt a toujours combattu les théories juridiques normativistes, qui tendent à universaliser ou absolutiser certaines règles formelles. Sa position tend plutôt vers le décisionnisme d'un Hobbes : Auctoritas, non veritas, facit legem (« l'autorité, non la vérité, fait la loi »). Mais il tempère cette position en développant aussi une théorie de l'ordre concret, dont l'idée principale est que l'ordre ne se définit pas par une norme ou une somme de règles, mais que la règle n'est qu'un des moyens de maintenir un ordre historique global dans lequel la pensée juridique peut se développer pleinement. C'est seulement en effet par rapport à cet « ordre concret » global que les normes ont un sens et que l'on peut distinguer entre ce qui est juste et ce qui est arbitraire.

    Critiquant sur le fond tout totalitarisme, Carl Schmitt souligne que la loi ne s'identifie pas à la force. Il y a une autonomie du droit par rapport à la puissance, tout comme il y a une autonomie du politique par rapport au droit. Le droit appartient à la sphère des normes, la force à celle de la volonté. L'État garantit le droit, mais il ne le fonde pas. Ce qui permet de répondre à la question : quand peut-on dire d'une décision de justice qu'elle est juste ? Carl Schmitt récuse l'interprétation légaliste du positivisme juridique, selon laquelle une sentence juste est simplement une sentence conforme à la loi (auquel cas la légitimité se confondrait avec la légalité). Il recherche un critère interne à la pratique juridique : « Seule est juste la décision qui est explicable par la pratique juridique en tant qu'elle est une activité autonome ».

    Il faut souligner que la distinction entre « ami » (public) et « ennemi » (public), distinction dynamique s'il en est, et donc liée aux circonstances, n'implique aucune détestation particulière. L'« ennemi » n'est pas nécessairement mauvais dans l'ordre de la moralité, nuisible ou concurrent sur le plan économique, ou spécialement laid du point de vue esthétique. Il suffit, pour définir sa nature, qu'il soit autre de façon telle qu'un conflit avec lui puisse devenir possible. Mais en même temps, dans ses travaux sur le droit international, Schmitt dénonce avec force le fait qu'aujourd'hui, les guerres idéologiques ayant pris le relais des guerres de religions, la « moralisation » de la guerre aboutit en réalité à des cruautés jamais vues : dans une perspective « morale », pour combattre un adversaire, il faut que celui-ci devienne l'incarnation même du Mal ; en ce cas, tous les moyens sont bons pour le détruire. D’où son refus de criminaliser l’ennemi, qui, chez lui, n’est jamais une figure du Mal, mais bien plutôt un adversaire qui peut un jour se transformer en allié.

    L'État est aujourd'hui contesté parce que déclaré « envahissant ». Une lecture attentive de Carl Schmitt permet de comprendre qu'il n'est envahissant que dans la mesure où, s'occupant de tout, il abandonne sa spécificité propre, qui est l'action strictement politique. Et que la meilleure façon de le remettre à sa place n'est pas de le détruire, mais de recréer les conditions dans lesquelles il pourra se réapproprier pleinement la substance du politique.

     Alain de Benoist (Le Figaro magazine, 29-30 juillet 1978

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