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Métapo infos - Page 976

  • Pour une Europe indépendante...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Michel Quatrepoint au Figaro Vox et consacré à la nécessaire réorientation du projet européen  à la suite du Brexit.

    Journaliste, Jean-Michel Quatrepoint a notamment publié Mourir pour le yuan (François Bourin, 2011), Le choc des empires (Gallimard, 2014) ou Alstom, scandale d'Etat (Fayard, 2015).

     

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    Jean-Michel Quatrepoint : « Organisons un mouvement pour l'indépendance de l'Europe ! »

    FIGAROVOX. - Les électeurs du Royaume-Uni ont choisi jeudi 23 juin que leur pays sorte de l'Union européenne. Cette interruption délibérée du processus de «construction européenne» par le peuple britannique est-elle un événement historique?

    Jean-Michel QUATREPOINT. - Le Brexit marque la fin d'un cycle commencé il y a quarante ans, avec l'école de Chicago, et qui fut incarné par les figures de Margaret Thatcher et Ronald Reagan. La victoire idéologique de cette doctrine se traduisait par l'application de la pensée de Milton Friedman, stipulant l'efficience absolue des marchés, un libéralisme total et toujours moins d'Etat. Mais on observe que l'histoire avance à grands coups de balancier: le néo-libéralisme se voulait la fin de l'Histoire en s'appuyant sur le libre-échange absolu, la globalisation - à ne pas confondre avec la mondialisation - et l'uniformisation du monde sous la bannière anglo-saxonne. Mais ce modèle a subi plusieurs coups d'arrêt. Le premier fut les attentats du 11 septembre 2001 dans les tours jumelles: ils ont été la démonstration des faiblesses d'un monde globalisé et financiarisé, par rapport à des actions terroristes. Le deuxième, ce fut la crise des subprimes en 2008. Le système avait assimilé les attentats du 11 septembre, il n'a toujours pas digéré la crise des subprimes. C'est bel et bien le modèle économique lui-même qui est désormais en bout de course. Les populations se sont aperçu que, contrairement à ce qu'on leur avait affirmé, ce modèle n'était pas - en tout cas n'était plus - gagnant-gagnant: il y avait des gagnants et des perdants.

    Londres et le reste de l'Angleterre sont d'excellents symboles de cette réalité. Les gagnants de la globalisation sont à Londres, ce sont les financiers mais aussi différentes catégories de migrants - parce qu'ils occupent un certain nombre d'emplois en acceptant des salaires plus bas et un faible système de protection sociale. Les perdants ce sont les autres, ceux qui vivent en périphérie, à la campagne, et qui ne voient pas le bien-fondé de cette globalisation ni les progrès que leur apporterait l'UE.

    La globalisation se traduit par une course au moins-disant social et fiscal, voire environnemental. En Europe, la politique d'austérité imposée par une Allemagne qui reste arc-boutée sur un modèle ancien a entraîné une récession. La Grèce est exsangue. Les pays européens ont un fort taux de chômage et un faible taux de croissance. L'Europe n'a pas retrouvé les niveaux de PIB de 2007.

    Ce modèle néo-libéral était sans doute nécessaire il y a quarante ans pour mettre fin aux dérives du keynesianisme. Aujourd'hui, il a trouvé ses limites. Il engendre une grande stagnation qui empêche la croissance. La Chine a ses problèmes, comme les pays émergents. La chute des prix du pétrole a été en partie bénéfique aux Américains et aux Européens, mais a lourdement touché les pays producteurs. Le remède, la seule réponse à cette stagnation généralisée aura été le quantitative easing. Les banques centrales font tourner la planche à billets et ajoutent de la dette à la dette. Mais cet argent ne s'investit pas dans l'économie réelle. Il alimente les marchés financiers, les produits dérivés (600 trillions de dollars), le shadow banking, et la pratique des taux négatifs, une aberration en système capitaliste, qui ne profite qu'à un système financier par ailleurs malade.

    En un mot, le Brexit est la manifestation politique et idéologique de la fin de l'ère reagano-thatchérienne. Et le moindre des paradoxes n'est pas que cette manifestation ait eu lieu au Royaume-Uni.

    Certains commentateurs pointaient l'absence de culture et l'âge avancé des pro-Brexit, en comparaison de l'éducation et de la jeunesse des partisans du maintien dans l'UE. Ce clivage est-il pertinent?

    Il est toujours réducteur de faire du manichéisme sur ce type de sujets. On a observé un déferlement de haine de la part de quelques penseurs notamment en France, à l'encontre du peuple britannique qui a voté pour le Brexit. Kenneth Rogoff, économiste américain (qui fut économiste en chef du FMI entre 2001 et 2003) a même été jusqu'à expliquer qu'une majorité de 52% n'était pas suffisante pour décider un matin de tout plaquer. Ce professeur d'économie et de science politique devrait pourtant se rappeler qu'au lendemain de Maastricht, ceux qui avaient milité pour le non se sont inclinés face au verdict des urnes. On voit donc bien que cette crise du modèle économique se double d'une crise du modèle politique.

    Comment expliquer la manière très hostile dont ont été traités les vainqueurs du référendum?

    Nous sommes passés à un autre stade, celui de la post-démocratie, celui du gouvernement des «sachant» par rapport à une plèbe inculte. C'est cela que disent les Minc et autres BHL. Il y a d'un côté ceux qui savent, et de l'autre les ignorants. Il faudrait donc laisser gouverner «ceux qui savent». C'est une approche que l'on pourrait qualifier de totalitaire. Ou, pour le moins, de non démocratique.

    On sent qu'il existe un clivage, de plus en plus irréconciliable, entre des gens qui voudraient aller plus loin dans l'application d'un modèle qui ne marche plus et d'autres qui s'opposent à ce modèle… mais qui n'ont aucune envie d'assumer la responsabilité du pouvoir. Je pense évidemment à Boris Johnson, mais il n'est pas le seul. Il adopte aujourd'hui le même comportement qu'un Jean-Marie Le Pen hier, qui menaçait le «système» sans vouloir accepter d'endosser des responsabilités. Toute la difficulté aujourd'hui, c'est qu'il faut que les gens de bonne volonté, qu'ils soient européistes ou eurosceptiques, réfléchissent au modèle d'après. Celui-ci ne sera ni keynésien, ni néo-libéral à la Friedman. Ces deux systèmes économiques ont fait leur temps. Il est temps de réinventer un modèle qui soit propre au génie européen. Un modèle qui tienne compte des impératifs écologiques, énergétiques et de la révolution numérique. Un modèle que l'on ne nous impose pas.

    Justement, existe-t-il un «génie européen» qui soit traductible en politique?

    Il n'y aura pas d'Europe fédérale. On le sait depuis des années mais certains font semblant d'y croire encore. Le 30 juin 2009, la cour constitutionnelle de Karlsruhe avait rendu un arrêté stipulant que seuls les États nation étaient dépositaires de la légitimité démocratique. Si l'on croit encore à la démocratie, il faut donc réfléchir à une confédération d'États nations, une communauté disposant de nouvelles structures adaptées.

    Les commissaires n'ont plus leur place, en vertu de quoi il faudra supprimer la Commission européenne. Le nombre de fonctionnaires européens, 36 000, peut être réduit. Ces derniers seront au service du conseil des chefs d'État et des ministres des 27 États membres. C'est là que devront se prendre les décisions puisque ce sont ces représentants des États nations qui sont légitimes. En parallèle, il faut revoir la composition du Parlement européen et revenir à un régime mixte: une partie des députés élus selon l'actuel mode des élections européennes et une autre partie désignée par les parlements nationaux. Ainsi il y aurait un meilleur ancrage des décisions prises au Parlement européen.

    Personne n'est obligé de rester dans l'UE. Mais il faut proposer une Europe à la carte. Certains États pourraient décider des coopérations plus approfondies s'ils le souhaitent, sur de multiples sujets, notamment l'industrie. Airbus est au départ une coopération limitée à quatre États. Un projet industriel sur le traitement des données, le Big data, et une coopération renforcée sur l'énergie pourraient être menés à bien.

    N'oublions pas que les Britanniques pourront aussi participer ponctuellement à des coopérations, notamment dans le domaine de la défense. Quid d'une politique de sécurité et de défense commune? Cela implique une prise de conscience des rapports de force dans le XXIe siècle, qui marque l'avènement d'un nouveau monde multipolaire et multiculturel. Il faut que l'Europe arrête de s'en remettre aux États-Unis pour sa défense.

    Vous évoquez la possibilité d'une Europe de la Défense. Pourtant, dans l'état actuel des choses, l'article 42 du Traité de l'Union européenne subordonne la Politique européenne de sécurité et de défense à l'OTAN. Une politique de défense européenne indépendante est-elle envisageable et crédible?

    La France a commis l'erreur de revenir dans le commandement intégré de l'OTAN et il est impératif de repenser les rapports de notre pays avec cette organisation militaire. Cela passera par l'augmentation des budgets de la défense - ce que demandent d'ailleurs les Etats-Unis, car cela les arrange de payer moins tant que ces États sont dans l'OTAN. Il faut instaurer une préférence communautaire pour les achats de matériels militaires, et ne plus systématiquement acheter américain. Je trouve à cet égard intéréssante , la proposition de Thierry Breton de créer un fonds d'investissement pour la Défense au sein de la zone euro. Il serait. alimenté par des emprunts de très longue durée et servirait à financer une part des systémes de défense communautarisés ( gardes-frontières, lutte contre le terrorisme etc.. ) et l'acquisition de matériels européens. Chaque Etat gardant bien sur la souveraineté sur la majeure partie de son budget de défense. Et pour la France bien sur la souveraineté sur sa force de frappe. La France doit en tout cas montrer l'exemple et augmenter régulièrement son budget de la Défense, en passant d'un peu plus de 1,5 % à 2,5% du PIB. Des coopérations renforcées par zones sont à organiser. Tous les États de l'UE n'ont pas les mêmes intérêts. Par exemple, les intérêts de la France se situent d'abord dans le bassin méditerranéen, au niveau de l'Italie, de la péninsule ibérique et de la Grèce, et de l'Afrique du Nord. Les priorités géostratégiques des pays baltes et de la Pologne se trouvent au niveau de la frontière russe. Or, notre intérêt n'est pas de se laisser entraîner dans une guerre froide, voire chaude, contre la Russie qui, fait partie de l'Europe.

    Quel impact aura le Brexit sur les négociations autour du traité transatlantique?

    Pour les Américains, le Brexit est une mauvaise affaire. Les Anglais étaient des partenaires de poids pour le traité de libre-échange transatlantique. Ils perdent un allié dans ces négociations. Aux États-Unis, Donald Trump militait contre ces accords, et Hillary Clinton, après les avoir préparés du temps où elle était secrétaire d'État de Barack Obama, y est à présent défavorable. En réalité, ces accords font le jeu des multinationales, essentiellement américaines, à ne pas confondre avec le peuple américain. Comment réguler les multinationales, voilà l'enjeu actuel. Je vois avec plaisir que la classe politique française a enfin pris conscience qu'en l'état actuel des négociations et des rapports de force, cet accord serait un marché de dupes pour les Européens et encore plus pour les Français.

    Plusieurs candidats à la primaire de la droite (Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire) ont formulé des propositions de référendum sur un nouveau traité européen. Un référendum dont la question porterait sur l'appartenance de la France à l'UE permettrait-il de clarifier le rapport que les Français entretiennent à une construction européenne qui semble en panne depuis le non massif au référendum de 2005?

    La France, contrairement au Royaume-Uni, est un pilier de l'UE. L'idée européenne est au départ américaine. Jean Monnet, l'un des pères fondateurs de la construction européenne, était un banquier davantage américain que français. La construction d'une Europe unifiée a été pensée dans le but de faire un marché unifié qui pèse face à l'URSS. Après la chute de l'Union soviétique, on a assisté à une montée en puissance du modèle néo-libéral, le marché s'est ouvert à tous les vents et l'UE est devenue une filiale des Etats-Unis. Si vous faites un référendum aujourd'hui, dans la plupart des pays, le non ou plutôt la sortie, aurait de grandes chances de l'emporter. Or, les peuples européens, et certainement les Français, ne sont pas contre le principe d'une Union. Ils sont contre la manière dont on a bâti cette union depuis un quart de siècle. Ce qui n'est pas la même chose. Ils ne sont pas contre la libre circulation des marchandises et même des personnes. Mais ils ne veulent pas une course au moins-disant fiscal et social. Ils veulent à la fois plus de liberté et ne plus être soumis à des bureaucraties tatillonnes et incompréhensibles et en même temps ils souhaitent être protégés. Contre les aléas de la vie, et c'est la responsabilité des systèmes de protection sociale, et contre les agressions d'où qu'elles viennent. C'est parce qu'elles ne répondaient pas à cette double exigence que l'UE et les institutions européennes ont failli et que les peuples, à commencer par les Britanniques, votent contre elles.

    Quels sont les écueils qui menacent l'UE?

    Le danger serait que nous basculions dans ce modèle californien que l'on voit poindre, ce capitalisme numérique, prolongement en quelque sorte de ce capitalisme financier qui a fait les dégâts que l'on connaît. Un modèle où l'hyper-individualisme est la règle. Où les États démocratiques laissent peu à peu le pouvoir à de nouvelles institutions, comme les multinationales, les innombrables organisations (FMI, banques centrales, comité de Bâle, banques centrales), les fondations des milliardaires, les ONG qui n'ont ni légitimité démocratique, ni comptes à rendre. Ce bouleversement technologique sans régulation, risque de nous conduire à une ubérisation du monde. Dans ce type de révolution technologique se mêlent le pire et le meilleur. À nous d'éviter que le pire ne prenne le dessus.

    Cette révolution numérique, ce basculement dans l'iconomie, nous ne devons pas la subir, sinon nous verrons une montée encore plus grande des inégalités. Au risque de déboucher sur un monde où il y aura, d'un côté les hyper productifs et les sachant, et de l'autre une masse - qui ne sera même plus concurrencée par les migrants, mais par les robots. Une masse à qui on allouera une sorte de revenu minimum. De quoi survivre et consommer… un peu. Voilà le risque. Voilà pourquoi il faut absolument réinventer un modèle de croissance. Comment? En commençant par établir avec ces nouveaux pouvoirs, qui tendent à la monopolisation, de nouveaux rapports de force, de nouvelles relations, afin d'éviter que ne se généralise le dumping fiscal, social, environnemental. C'est là où l'Europe retrouve tout son sens. Encore faut-il que les représentants des peuples européens aient une claire vision des enjeux et soient relativement insensibles au lobbying de ces nouvelles puissances. La France ne peut pas négocier toute seule avec Google ou sur des thématiques comme l'évasion fiscale.

    Est-il possible de réformer l'UE de l'intérieur?

    Nous devons avoir une vision claire de ce qu'on veut pour l'Europe. Organisons un mouvement pour l'indépendance de l'Europe, selon nos valeurs, nos intérêts communs, stratégiques et commerciaux, sans s'aligner systématiquement sur les États-Unis. Ou plutôt sur les intérêts du big business. Je constate qu'aux États-Unis, la révolte des classes moyennes s'est concrétisée aux primaires par les votes pour Bernie Sanders et surtout Donald Trump. Là aussi, le message est clair: les classes moyennes veulent reprendre en mains leur destin. Elles ne sont pas contre l'économie de marché, bien au contraire, mais elles veulent à la fois des règles du jeu non faussées, une concurrence loyale et plus de protection.

    Jean-Michel Quatrepoint, propos recueillis par Eléonore de Vulpillières (Figaro Vox, 8 juillet 2016)

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  • Avant qu'elles ne disparaissent...

    "Il n'y a pas de sociologie, pas de statistiques. C'est la manière dont je vois le monde. Je vise à documenter la diversité et l'importance de ce qui reste de la culture autochtone. Oui, c'est idéaliste. Les peuples autochtones sont généralement dépeints comme pauvres. Mais ils ont une richesse et une fierté. Il ne s'agit pas seulement de biens matériels. Je photographie d'un point de vue très personnel et esthétique. Les gens peuvent l'interpréter comme ils le veulent." Jimmy Nelson

    Vous pouvez découvrir aux éditions teNeues un superbe ouvrage du photographe Jimmy Nelson intitulé Les dernières ethnies - Avant qu'elles ne disparaissent. Un bel hommage à la diversité ethno-raciale du monde...

     

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    " Cet ouvrage, qui fera date, présente les cultures tribales de par le monde. Avec la mondialisation, une attention toute particulière doit être portée sur ces sociétés pour leurs styles de vie distinctifs, leur art et leurs traditions. Elles vivent en harmonie totale avec la nature, ce qui est devenue une rareté dans notre ère moderne. Jimmy Nelson ne se contente pas de nous présenter à l’aide d’images stupéfiantes les coutumes et les artefacts, il nous offre également des portraits saisissants de peuples qui sont les gardiens d’une culture qu’ils ont l’espoir, ainsi que nous, de transmettre dans toute sa gloire aux générations futures. L’appareil photo de Nelson capture, pour la postérité, le moindre détail dans sa complexité et dans toute sa nuance. Qui plus est, cet apparat splendide est mis en valeur sur un fond de somptueux paysages parmi les plus vierges. Cet hommage aux cultures tribales de par le monde est un indispensable pour tous les amoureux de la photographie documentaire. Résonnera à des niveaux esthétiques, intellectuels et émotionnels – et sera un magnifique souvenir pour les générations futures."

     

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  • Trop vite radicalisé ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de François-Bernard Huyghe, qui, sur son site Huyghe.fr, revient sur la propension qu'ont les médias de mettre en doute les motivations idéologiques des terroristes et de préférer expliquer leurs actes par des raisons psychologiques...

     

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    Trop vite radicalisé ?

    Le rienavoirisme frappe encore

    Petit psychodrame à la française : faut-il parler de "radicalisation express" à propos du tueur de Nice ? Et si la piste était à rechercher du côté de sa dépression (en 2004) ? De son divorce (quelque chose de rarissime en France) ? De sa bisexualité (ah bon, ça rend criminel ?) mais ? Du fait qu'il était un mauvais musulman qui buvait de l'alcool (et Merah, les Kouachi, les Abaoud, ils buvaient du thé avant ?) ? De la rapidité suspecte du phénomène (s'il avait mis plusieurs mois et prévenu ses voisins, ce serait rassurant)... Bref, il aurait agi pour cent motifs, sauf religieux, et aurait eu toutes sortes de fantasmes, mais non idéologiques, en dépit du fait qu'il a exactement réalisé ce que recommande Daesh : si l'on ne peut pas aller émigrer au pays de Cham (faire la hijrah au pays du califat, le seul pays où est appliquée la loi de Dieu), il faut improviser, prendre une pierre, un couteau, une voiture et frapper n'importe quel mécréant. C'est ce que nous appellerions la théorie "hydraulique" : ces gens frustrés ont un trop plein de violence à décharger et ils saisissent l'alibi religieux pour s'en soulagaer. L'idéologie (qui prescrit pourtant exactement ce qu'ils font, le justifie, leur promet le paradis) ou la croyance en général n'a aucun rôle. À ce compte, un nazi est-il vraiment antisémite, s'il a bu dans sa jeunesse ou adhéré à d'autres idées avant d'entrer dans la SS ?

    Il est niais de croire que les gens sont mus uniquement par les représentations explicites (ici, la doctrine clairement exprimée) dont ils se réclament (nous avons tous des problèmes, des frustrations, des intérêts, des désirs qui cherchent à cristalliser...) mais il est encore plus naïf de penser qu'il y a comme une force mortelle qui flotte dans l'air et qui se déverse sous le simple déguisement de la religion. D'autant plus que c'est toujours en conformité aux mêmes ordres de la même hiérarchie représentant la même doctrine et de la même communauté que cela se produit.

    Pas de chance : l'État islamique revendique. Regain de suspicion conspirationniste : ils ont mis trente heures, n'est-ce pas suspect ? Ne seraient-ils pas en train de récupérer des actes - motivés par quoi, grands dieux ? - et qu'ils ont appris par le plus grand des hasards ? Le fait que des gens semblent parfaitement se conformer aux instructions et justifications de Daesh (comme dans le cas tout récent de l'agression à la hache dans un train allemand) serait une illusion dont seraient victimes à la fois le terroriste ou l'organisation terroriste, mais pas l'intellectuel critique français qui pose un diagnostic psychiatrique par écran de télévision interposé. La formule rituelle "L’auteur de l’opération exécutée à XXX est l’un des soldats de l’Etat islamique, . Il a effectué son opération en répondant aux appels incitant à frapper les pays de la coalition qui combat l’Etat islamique." serait un vœu pieu ou une tromperie envers les autres ou envers soi-même. Si vous n'avez pas un certificat de la DGSI, une fiche S, si possible quelques condamnations pour radicalisation, un longue barbe et des confessions mises en ligne depuis des mois sur Facebook, n'espérez pas tromper ces vigilants. Les jihaddistes appliqueraient donc la formule : puisque les événements nous dépassent, feignons de les organiser. Mais l'hypothèse que des gens puissent être séduits par la triple perspective de sauver leur âme en gagnant la gloire au passage, de participer à la conquête du monde par les forces de la justice et de punir des mécréants (coupables à leurs yeux), cela vous semble incompréhensible mes bons maîtres ?

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 19 juillet 2016)

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  • La reine du chaos...

    Les éditions Delga viennent de publier un essai polémique de Diana Johnstone intitulé Hillary Clinton - La reine du chaos. Auteur d'une thèse sur André Malraux, l'auteur est journaliste indépendante aux Etats-Unis. Sur la candidate démocrate à la présidentielle américaine, on pourra également lire Hillary démasquée (Pardès, 2008) de l'excellent Patrick Gofman !...

     

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    " Diana Johnstone analyse le lien entre les ambitions d’une politicienne sans scrupule, Hillary Clinton, et la machine qui sous-tend “l’empire américain” : le complexe militaro-industriel, les médias, le lobby pro-israélien, et les intellectuels qui orientent le discours sur les droits de l’homme, le multiculturalisme ou les droits de minorités en faveur de la guerre perpétuelle.

    Passant en revue les conflits au Honduras, au Rwanda, en Libye, Bosnie, Kosovo, Irak, Syrie et Ukraine, Diana Johnstone illustre une caractéristique de l’empire américain qui diffère des empires passés : une volonté de destruction d’ennemis potentiels plutôt que d’occupation et d’exploitation.

    En se faisant la porte-parole de “gauche” de l’offensive actuelle contre la Russie, avec le risque de guerre nucléaire qu’elle entraîne, Hillary Clinton renforce un des principaux dangers qui menacent l’humanité aujourd’hui. "

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  • En finir avec la cécité volontaire !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur le Figaro Vox et consacré à la réaction que doit susciter l'attentat islamiste commis à Nice le 14 juillet au soir.

    Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013).

     

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    Nice : après le temps de la cécité volontaire, réapprendre à défendre ce qui nous est précieux

    Pleurer nos morts et ceux, touristes étrangers, qui ont chez nous perdu la vie, Oui. Se recueillir et leur rendre hommage, évidemment. Mais pour eux, pour tous ceux qui tomberont encore, passer enfin des paroles aux actes. Ouvrir les yeux en grand, prendre courage et aller au choc.

    Un choc de lucidité en premier lieu.

    Il ne s'agit pas d'accabler nos dirigeants. Mais sans doute doit-on les exhorter à quitter enfin les hauteurs de leurs certitudes satisfaites pour se confronter à la triste réalité. Nous ne sommes pas à bord du Titanic prêt à sombrer, regardant l'eau qui monte en état de sidération. Nous sommes la France. Nous pouvons encore redresser la barre. Il faut juste le vouloir enfin et le faire avec courage, lucidité et méthode. Des vertus qui paraissent en perdition elles aussi.

    D'abord le diagnostic.

    Le terrorisme islamique ne frappe pas seulement la France, pas seulement l'Europe. Il frappe le monde entier.

    L'Afrique a perdu plus de 20 000 personnes dans des attaques islamistes depuis 2002. La guerre est totale et globale. La problématique aussi. Comme la solution. Gageons que la présence à Moscou du secrétaire d'Etat américain Kerry marque une inflexion sérieuse dans la gestion de la crise au Moyen-Orient.

    En Europe, depuis plus de 18 mois, notre pays est frappé, comme d'autres certes, mais clairement plus massivement que d'autres. Pourquoi? Car nous avons la première communauté musulmane d'Europe, qu'il s'agit elle aussi de sidérer pour la dominer et la retourner contre son pays d'accueil. Car nous menons au loin des actions militaires nombreuses et importantes, qui visent à contenir ou affaiblir certains foyers de l'islamisme conquérant. Cet activisme militaire sert malheureusement aussi de défausse à une politique étrangère brouillonne et incohérente. Une incohérence qui produit des fruits vénéneux. Nous combattons les islamistes au Mali, nous les soutenons en Syrie, nous hésitons en Libye. Nous tirons à hue et à dia. Mais nos forces armées loyales et vaillantes agissent légitimement en fonction de ces mandats politiques. Elles font des miracles avec des moyens trop comptés et sont sur tous les fronts d'une menace intérieure et extérieure dont le spectre s'étend toujours plus. Nos forces de police et de l'appareil de sécurité aussi sont courageuses, compétentes, et totalement dévouées à la protection du pays et de nos concitoyens. L'ennemi lui, observe cette posture combattante courageuse, mais mesure aussi nos ambivalences et nos soutiens contradictoires. Il sent enfin la faiblesse du politique face à l'emprise délétère d'un communautarisme que l'on n'ose plus endiguer et que l'on prend pour de la modernité politique. Alors la terreur mute. Daech, affaibli territorialement en Irak et en Syrie, donne de nouvelles consignes. «Ne venez plus ici ; Restez chez vous, et frappez chez vous. Des civils surtout».

    L'emploi du véhicule comme arme avait aussi déjà été expressément conseillé par ses porte-parole. «Porter la guerre au Loin» était d'ailleurs déjà la stratégie d'Al-Qaïda, maison mère du Califat. Une preuve de plus que celui-ci n'est que la face spectaculaire d'une hydre gigantesque qui irrigue nos sociétés à divers niveaux et selon des modes de relation différents, et travaille au corps et au cœur une partie de notre jeunesse en mal de lien avec la nation. Des adolescents ou des jeunes hommes et femmes, chacun en mal d'identification à «quelque chose de plus grand que soi». Un destin commun, un faisceau de vertus et de principes de vie qui rassemble et inspire fierté et projets. C'est aussi cela qu'il faut reconstruire.

    Cette terreur a de nombreux visages. Il y a ceux, de confession musulmane ou fraîchement convertis, qui reçoivent des ordres précis, des cibles et des «top départ» pour agir. Il y en a d'autres qui, chez nous ou ailleurs, «s'auto saisissent» d'un mandat de tuer et passent à l'acte sur impulsion ou opportunité, au terme d'une radicalisation - humaine ou de plus en plus souvent numérique - directe mais aussi diffuse, sans être «recrutés» sur le net ni exhortés personnellement à l'action. L'appel du djihad vient conforter, justifier leurs névroses propres, donner un sens à leur ressenti vertigineux d'une inutilité, d'un abandon, d'un égarement qui les «salit» en nos pays encore majoritairement «mécréants». Cela peut nous paraître fou, stupide, irréel. Mais ce sont des faits, aussi immatériels que concrets dans leurs tragiques conséquences. Nombre de ces djihadistes, petits délinquants ou «jeunes» plutôt intégrés, qui n'ont rien à voir avec «les damnés de la terre» auxquels nos bonnes âmes voudraient les identifier - pour les excuser ou pour s'excuser peut-être elles-mêmes de n'y rien comprendre - vivent en fait dans une schizophrénie glaçante. Ils grandissent et vivent au cœur de nos cités ou de nos campagnes, sans rien dévoiler de la rage qui les étreint, en lien avec leur voisinage, buvant, fumant, dissimulant leur dessein macabre sous un masque de normalité «laïque», fomentant ainsi leur passage à l'acte à l'abri de tout soupçon. Car ce sont des combattants, qui ont besoin de secret, d'une double vie pour propager la mort et échapper ainsi à la souillure des mécréants dans un martyr envisagé comme une échappatoire bénie.

    Le pronostic ensuite. Il est très sombre si l'on persiste à ne pas mesurer la profondeur de l'emprise du mal sur notre société. Il y aura d'autres camions, d'autres voitures piégées ou folles, d'autres attaques kamikazes dans nos écoles ou nos bâtiments publics les plus symboliques. Il y aura toujours pire.

    Le choc de l'action enfin.

    Les symboles importent mais ne suffisent pas. Jamais. Après ce nouveau carnage il faut mettre en actes une politique ferme et sans pitié. Il faut enfin faire preuve d'autorité. Le manque de moyens? Evidemment. Il en faut plus, beaucoup plus pour traquer, déjouer et répondre à la violence qui cible notre pays. Mais les moyens ne suffiront pas. Et ce n'est pas comme on l'entend parfois, parce qu'il y a eu un nouvel attentat que les dispositifs mis en place sont inutiles! Qui peut oser par exemple dire que le dispositif Sentinelle n'a pas permis d'éviter bien d'autres attaques à Paris? Ces soldats sont lourdement protégés, armés, entraînés et très courageux. Les tueurs du Bataclan avaient soigneusement étudié et esquivé leurs positions… aucun dispositif n'est toutefois imparable et l'imagination du mal est foisonnante. Il faut en tout cas donner des ordres clairs et des règles d'engagement adaptées qui libèrent le courage et l'initiative de nos forces policières et militaires sur le territoire national. Il faut étendre le dispositif, le rendre très mobile, aléatoire et extrêmement coordonné. Il faut en finir avec les querelles territoriales des services de police et de gendarmerie, comme avec l'inhibition et cette autre schizophrénie du pouvoir qui parle de guerre, dénonce l'innommable, multiplie les déclarations martiales et se gargarise d'avoir assuré la sécurité de l'Euro, baissant immédiatement la garde en réduisant des effectifs de Sentinelle, certes comptés, de 10 000 à 7000 hommes. Sans prendre garde au message qu'il envoie ainsi à ceux qui guettent et en oubliant presque le terrifiant signal qu'a constitué le double meurtre d'un couple de policiers chez eux, à Magnanville. Il n'y a plus de limites ni de frontières à la terreur. Plus aucun tabou, plus aucune inhibition. Comment, dans un tel contexte, croire encore possible d'exorciser le mal en le niant? La guerre, que d'aucuns refusent même de nommer, est sans trêve. La France est ciblée car elle a peur. Peur de prendre des mesures répressives symboliques. Or, quel que soit le rapport de force, ce sont toujours les forces morales qui assurent la victoire.

    Réapprendre à mourir pour vivre enfin. Réapprendre ce qui est précieux, ce qu'il faut aimer, le prix des idéaux, et les contraintes personnelles que les individus doivent tolérer pour pouvoir vivre pacifiquement ensemble, quelle que soit leur confession et entre confessions sur le territoire français. Nous sommes arrivés au stade terminal de la cécité volontaire, du déni de réalité, de la croyance dans le pouvoir des seuls mots, du refus de tirer les conséquences politiques d'une impuissance trop longtemps supportée voire encouragée.

    Le pouvoir qui prendra la sécurité des Français en main dans quelques mois aura le devoir d'oser l'impopularité, d'affronter pressions et controverses et de prendre des mesures radicales pour protéger nos concitoyens et rétablir sans équivoque ni angélisme une claire autorité de l'Etat au service des principes et valeurs incarnés par notre nation. Celui qui est encore en place pourrait, devrait engager ce processus douloureux indispensable et assumer pleinement ses erreurs et ses défaillances. Il le doit aux Français de nouveau pris pour cibles.

    A la guerre comme en amour, la peur n'évite pas le danger. Il faut assumer ce que l'on est, ce que l'on veut être. On peut résister à la tentation ou y succomber, mais en connaissance de cause. Aucune liberté ne vaut sans responsabilité.

    Caroline Galactéros (Figaro Vox, 17 juin 2016)

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  • Au coeur de la droite buissonnière...

    Le vingtième numéro de la revue Livr'arbitres, dirigée par Patrick Wagner et Xavier Eman, est en vente, dans une nouvelle formule, avec un dossier consacré à Pol Vandromme et à la doite buissonnière.

    La revue peut être commandée sur son site :  Livr'arbitre, la revue du pays réel.

     

    Livr'arbitres 20.jpg

    Au sommaire de ce numéro :

    Éditorial

    Plaisirs solittéraires

    Coup de coeur

    Le monde n'est pas si petit ni si triste que ça

    Entretien

    Roger Bichelberger ou l'éternelle quête de la sérénité

    Nouveautés

    En avant, à la recherche de nos folies et de nos gloires

    Ils n'aiment pas le foot

    Bon papa, mon papa

    Clio

    Le destin de l'europe s'est-il joué à Gettysburg ?

    Essai

    Système de la turpitude

    Biographie

    Signé Boutet de Monvel

    Léon de Bruxelles

    Portraits

    René Fallet

    Roger Nimier

    Pol Vandromme

    Études et amis

           Les études rebatiennes

    Journal

    Garçon,  journal 1939 - 1945

    Réflexions

    Munitions pour faire face au chaos

    Soyez ménagères

    Années de ferveur 1987 - 1995

    Rééditions

    Brasillach, le Maudit

    Les réprouvés

    In memoriam

    Jean Genet ou la beauté de la mort

    Que lire ? Jean Mabire !

    Maux de la langue

    Sur deux adjectifs et une définition

    Nouvelle

    Sans

    Carte postale

    Bratislava, 16 mai

    Vagabondages

          Voyage en Gaspésie

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