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Métapo infos - Page 475

  • Les droits de l’homme ? Une machine à produire une immigration incontrôlée...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Louis Harouel à l' Observatoire de l'immigration et de la démographie et consacré à l'impact de la religion des droits de l'homme sur l'immigration.

    Agrégé de droit, professeur émérite de l'Université Panthéon-Assas, Jean-Louis Harouel a, notamment, publié Les droits de l'homme contre le peuple (Desclée de Brouwer, 2016) et Libres réflexions sur la peine de mort (Desclée de Brouwer, 2020).

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    Entretien : Jean-Louis Harouel, l'influence des droits de l'homme sur l'immigration

    OID : Dans un rapport publié en mai 2020, la Cour des comptes souligne que depuis le début des années 2000, les pouvoirs publics tentent sans succès de retrouver une « maîtrise » de l’immigration. Quel lien faites-vous entre le développement des droits de l’homme et cette perte de contrôle du phénomène migratoire dans notre pays ?

    Jean-Louis Harouel : Les pouvoirs publics ont-ils réellement eu à quelque moment au cours cette période une vraie volonté politique de maîtriser le phénomène migratoire ? Il est permis d’en douter. Pour le reste, il est indiscutable que le développement des droits de l’homme a fonctionné comme une machine à produire une immigration incontrôlée.

     C’est une des conséquences de la transformation des droits de l’homme en une religion séculière, au sens que Raymond Aron donnait à ce terme, c’est-à-dire une doctrine qui prend la place des religions et situe ici bas le salut de l’humanité au moyen de l’instauration d’un ordre réputé parfait. François Furet fut le premier à observer que la religion séculière des droits de l’homme avait remplacé le communisme dans son rôle d’utopie censée instaurer le règne du bien. Dans la religion des droits de l’homme, la lutte des classes est remplacée par le combat contre les discriminations, mais au service du même objectif qui est l’émancipation de l’humanité. C’est toujours la même promesse de l’avenir radieux, avec cette différence que l’objectif n’est plus la suppression de la propriété mais la négation de toute espèce de différence entre les humains pour faire naître un monde nouveau entièrement cosmopolite et fondé exclusivement sur les droits des individus. Rien d’étonnant si le thème de la libre migration constitue un des grands axes des droits de l’homme tels qu’on les comprend aujourd’hui.

      OID : L’assassinat de l’enseignant Samuel Paty par un réfugié Tchétchène nous a récemment rappelé que l’immigration pouvait être une source de grande insécurité. Comment analysez-vous cette contradiction apparente entre les droits de l’homme, qui nous conduisent à accueillir sans condition des étrangers parfois hostiles, et les droits du citoyen qui doit assumer les conséquences parfois funestes de cet accueil ?

    Jean-Louis Harouel : L’idéologie des droits de l’homme souffre d’un vice rédhibitoire : l’absence du droit à la sécurité. Or, si on décide qu’il y a des droits de l’homme, la sécurité devrait être le premier d’entre eux : sécurité de sa propre personne et de la personne des siens ; sécurité dans la possession de ses biens. Et pourtant, le droit à la sécurité est absent aussi bien de la déclaration de 1789 que des autres déclarations des droits.

    Devant le caractère évidemment scandaleux de ce déni de justice, d’aucuns affectent de penser qu’il existe quand même parmi les droits de l’homme un droit à la sécurité, et invoquent pour cela l’article 2 de la déclaration du 26 août 1789, lequel dispose que les droits naturels et imprescriptibles de l’homme sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. On entend souvent affirmer que le droit à la sûreté ainsi proclamé en 1789 incluait un droit à la sécurité des personnes et des biens. Or, c’est inexact.

    Illustre juriste ayant marqué la seconde moitié du siècle dernier, le doyen Georges Vedel soulignait que, dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le terme sûreté désignait la liberté au sens de Montesquieu, le fait de ne rien craindre de l’autorité et de pouvoir aller et venir librement : bref, la liberté individuelle. Et le professeur de droit public Jean Morange, un des principaux spécialistes actuels des droits de l’homme, confirme que la sûreté consistait à ne pas risquer de faire l’objet d’une poursuite, d’une détention ou d’une arrestation arbitraire. Cela n’a pratiquement rien à voir avec la reconnaissance d’un droit à la sécurité des personnes et des biens, refusé par l’idéologie des droits de l’homme. Si bien que, comme le constate le professeur de droit privé Patrice Jourdain, il n’existe pas, dans notre système juridique, de droit subjectif à la sécurité. Il n’est donc pas illogique que notre obéissance à l’idéologie des droits de l’homme nous conduise à recevoir ou à conserver sur le territoire national des étrangers qui constituent objectivement un danger pour la population.

    OID : Le regroupement familial est souvent cité comme exemple d’une extension continue et irréversible des droits des étrangers en France. Croyez-vous que cette extension soit irréversible ? Ne pensez-vous pas que le juge et les autres pouvoirs publics pourront réduire ces droits de la même manière qu’ils les ont étendus ?

    Jean-Louis Harouel : Certes, mais à la condition de rompre avec la religion des droits de l’homme. Celle-ci fonde en effet une idéologie farouchement anti-nationale qui a radicalement changé le contenu de la démocratie. Dans cette version qui est aujourd’hui imposée comme seule valide dans les pays d’Europe occidentale, la démocratie est fondamentalement le culte de l’universel, l’obsession de l’ouverture à l’autre. On ainsi abandonné sans le dire le modèle classique de la démocratie libérale pour glisser vers une démocratie nouvelle manière qui se réclame d’un modèle postnational et multiethnique. Dans ce système, la souveraineté du peuple qui fonde traditionnellement la démocratie passe au second plan : elle est remplacée par le règne des dogmes de la religion des droits de l’homme, avec les juges en guise de prêtres omniscients et tout puissants. La religion des droits de l’homme fonde le gouvernement des juges et celui-ci renforce la religion des droits de l’homme. C’est une perversion de la démocratie : la démocratie droits-de-l’hommiste.

    En colonisant notre droit, la religion des droits de l’homme l’a profondément dénaturé. Ce phénomène de dénaturation du droit est très largement orchestré par la Cour européenne des droits de l’homme siégeant à Strasbourg (CEDH), qui raye d’un trait de plume une loi votée par un Parlement et se prétend compétente pour juger d’une disposition constitutionnelle, même adoptée par référendum. L’esprit de sa jurisprudence inspire les plus hautes juridictions françaises (Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour de Cassation) et l’ensemble des tribunaux, donnant lieu à des décisions infirmant, interprétant ou contournant au besoin la loi pour donner gain de cause à l’étranger ou à la personne d’origine étrangère. De sorte que, sous l’effet d’un système juridique perverti, le droit se retourne contre le peuple dans l’intérêt duquel il a été institué. L’admission de tout individu présent sur le sol d’un pays, fût-ce de façon frauduleuse, à multiplier les revendications et actions en justice donne à cet individu une arme contre le peuple de ce pays. Et cette arme peut servir d’instrument à des groupes identitaires installés sur le territoire national, qui combattent la nation de l’intérieur afin de se substituer progressivement à elle. Affirmant que le flot illimité de l’immigration est inscrit dans le sens de l’histoire, la religion des droits de l’homme condamne sans le dire les Européens et leur civilisation à disparaître.

    Aussi bien le législateur et le pouvoir réglementaire ont-ils apporté leur contribution au règne de la religion des droits de l’homme. C’est par décret que fut institué en 1976 le regroupement familial à l’initiative du premier ministre Jacques Chirac : monumentale erreur que son successeur Raymond Barre a essayé de réparer, ce dont il fut empêché par le Conseil d’État. Et, à l’occasion de la réforme constitutionnelle de 2008, c’est la représentation nationale qui a offert un splendide cadeau au lobby immigrationniste en créant la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui permet à toute personne partie à un procès de contester la constitutionnalité d’une loi en vigueur. Surtout, la France s’est ligotée elle-même face aux étrangers présents sur son sol, légalement ou non, par tous les traités à portée humanitaire auxquels son gouvernement et son parlement l’on fait adhérer, depuis la Convention de Genève jusqu’à divers pactes onusiens en passant par la Convention européenne des droits de l’homme. Ces traités, et plus encore l’interprétation qu’en donnent les juges, ont grandement favorisé l’essor exponentiel des droits des étrangers. Sans compter que la liberté d’action du législateur et du gouvernement français se trouve bridée par les directives communautaires dont les dispositions ont même valeur qu’une obligation constitutionnelle, et qui font trop souvent passer la distribution de droits et garanties aux immigrés avant les impératifs de la sécurité nationale et la légitime nécessité de contrôler l’immigration. Il ne sera pas possible d’essayer de ramener les droits des étrangers à des proportions raisonnables sans une remise en cause au moins partielle ou temporaire de l’adhésion de la France à ces traités, ni sans une modification du droit européen.

    OID : L’accueil des étrangers est souvent présenté comme une composante essentielle de l’identité de la France. En tant qu’historien du droit, souscrivez-vous à cette analyse ?

    Jean-Louis Harouel : C’est une contre-vérité. La France est un vieux socle humain plurimillénaire. Les recherches de démographie historique ont montré que, jusqu’au milieu du XIXe siècle, la population française était presque exclusivement issue d’une très vieille présence celtique sur ce sol, intégrée par la conquête à la civilisation romaine, et à laquelle s’étaient mêlés les apports numériquement faibles de peuples conquérants : Francs, Burgondes, Wisigoths, sans oublier des Vikings en Normandie. Cela mis à part, la France fut la succession sur la même terre d’une longue suite de générations se perdant dans la nuit des temps. C’est de ce très vieux socle humain qu’étaient nés les millions de paysans français qui sont allés mourir dans les tranchées de la Première Guerre mondiale.

    Surpeuplée sous l’Ancien Régime, la France était de loin le pays le plus peuplé et le plus dense d’Europe. En état d’extrême pression démographique, plein d’hommes à ne savoir qu’en faire, notre pays était alors une terre d’émigration et non d’immigration. Celle-ci était infime et concernait surtout des étrangers de rang social élevé, des artistes, des savants, ou des professionnels apportant des techniques novatrices. La royauté les naturalisait volontiers mais, avant l’enregistrement de leurs lettres de naturalité, la Chambre des comptes vérifiait que les nouveaux venus possédaient des ressources suffisantes et étaient gens de bonne vie et mœurs.  

    Ce n’est qu’à partir du milieu du XIXe siècle que, du fait d’une baisse volontaire de la fécondité intervenue plus tôt que partout ailleurs, la France est devenue une terre d’immigration. Elle a d’abord accueilli surtout des Belges et des Italiens, puis dans la première moitié du XXe siècle des Polonais, suivis par des Espagnols et des Portugais. Il fut exigé de tous ces nouveaux venus une adhésion complète et sans réserve à l’identité française, au modèle français. Ce fut facilité par le fait que ces immigrés étaient issus de pays européens et de civilisation chrétienne, si bien que  leur assimilation s’effectuait en une génération, et même parfois plus vite.

    En revanche, cette exigence d’assimilation a été abandonnée concernant l’immigration extra-européenne et très largement musulmane qui a pris le relais. Cela aurait d’ailleurs été difficile car cette immigration était porteuse d’une civilisation antagoniste de la civilisation européenne, et de plus beaucoup trop nombreuse pour que puisse bien s’opérer le classique processus d’adhésion à l’identité française. De toute manière, on n’a même pas essayé. Les différents gouvernements qui se sont succédés depuis un demi-siècle ont tiré fierté de leur répudiation du principe de l’assimilation des immigrés, au point que le terme est devenu politiquement incorrect.

    OID : Face à l’influence décisive du juge sur l’étendue et le contenu du droit des étrangers, la France peut-elle retrouver le contrôle de sa politique migratoire sans renoncer à sa conception de la séparation des pouvoirs ?

    Jean-Louis Harouel : En fait, il s’agit plutôt de revenir à une vraie séparation des pouvoirs, qui a été mise à mal par le gouvernement des juges. Il s’agit de rompre avec un système qui permet au juge d’exercer une domination sur le législateur en l’obligeant à changer la loi, voire, s’agissant de la CEDH, une domination sur le pouvoir constituant en censurant une disposition constitutionnelle. Le tout au nom des droits de l’homme.

    Indispensable à une maîtrise du phénomène migratoire, le rétablissement d’une vraie séparation des pouvoirs passe par une nécessaire révision de la constitution, d’une part pour éliminer les entraves à l’action gouvernementale envers les étrangers résultant des interprétations du Conseil constitutionnel, et d’autre part pour abolir le système de la question prioritaire de constitutionnalité. Et s’agissant de la Cour européenne des droits de l’homme, la France pourrait avantageusement revenir à la situation d’avant 1981, où elle avait émis une réserve écartant la possibilité d’une saisine directe de la cour de Strasbourg par des recours individuels. En rétablissant ainsi la séparation des pouvoirs, on rétablira du même coup la démocratie représentative fondée sur la souveraineté populaire, aujourd’hui largement supplantée par la démocratie des droits individuels incarnée par la haute magistrature, tant nationale que supranationale.

    Si on veut vraiment maîtriser l’immigration, il faudra nécessairement marquer une nette différence entre d’une part le nouveau venu qui prétend s’incruster et d’autre part la population du pays. Il faudra bien que la France cesse de se comporter comme le bureau d’aide sociale et médicale de l’univers. Il faudra bien se résoudre à changer la constitution, la législation et la réglementation, pour faire en sorte qu’il n’existe plus aucun avantage matériel à pénétrer ou rester de manière illégale sur le sol français. Il faudra bien se décider à rétablir la discrimination juste par excellence dans la logique de la cité, celle que l’on fait entre le citoyen et le non citoyen, entre les nationaux et les étrangers. Et, pour cela, il va falloir libérer le peuple souverain, ses représentants et son gouvernement de la mortelle paralysie que lui infligent les juridictions suprêmes.

    Jean-Louis Harouel (Observatoire de l'immigration et de la démographie, 15 janvier 2021)

     

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  • Guerres invisibles...

    Les éditions Tallandier viennent de publier un essai de Thomas Gomart intitulé Guerres invisibles. Historien et directeur de l'Institut français des relations internationales, Thomas Gomart est membre des comités de rédaction de Politique étrangère, de la Revue des deux mondes et d'Etudes et est déjà l'auteur de L'affolement du monde - 10 enjeux géopolitiques (Tallandier, 2019).

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    " Quels sont les prochains défis géopolitiques du siècle ? La pandémie mondiale a modifié les équilibres entre Asie et Occident et scellé la rupture entre la Chine et les États-Unis, accentuant le basculement du monde vers l’Est. Sur cet échiquier polarisé, deux lignes de fracture convergent : la dégradation environnementale et la propagation technologique où se jouent désormais les principales rivalités stratégiques et économiques.

    Dans cet essai captivant, Thomas Gomart décrit les grands mouvements qui se déroulent sous nos yeux : le retour d’une compétition agressive des puissances, une accentuation des inégalités et des échanges débridés. Il met également en lumière les mécanismes invisibles qui transforment notre planète en profondeur : marchés financiers, paradis fiscaux, mafias, incubateurs technologiques, plateformes numériques, multinationales, services de renseignement…

    Pour nous aider à mieux comprendre le monde qui surgit, il analyse enfin pour chaque sujet les « intentions cachées » des États-Unis, de la Chine et de l’Europe, et réfléchit au rôle que la France pourrait jouer dans ces nouvelles « guerres invisibles » ".

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  • Nietzsche, l'avenir des Européens ?...

    Le 15 janvier 2021, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Rémi Soulié pour évoquer L'avenir des Européens (La Nouvelle Librairie, 2020), une anthologie de textes de Friedrich Nietzsche, rassemblés par Pierre-Marie Durand, qu'il a préfacée .

    Critique littéraire, Rémi Soulié est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Les châteaux de glace de Dominique de Roux (Les Provinciales, 2002),  Nietzsche ou la sagesse dionysiaque (Seuil, 2014) et Racination (Pierre-Guillaume de Roux, 2018).

     

                                              

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  • L'Homme, sa nature et sa position dans le monde...

    Les éditions Gallimard viennent de publier un essai d'Arnold Gehlen intitulé L'Homme - Sa nature et sa position dans le monde.

    Figure de proue de l'anthropologie philosophique, Arnold Gehlen, dont la réflexion porte sur l'homme en tant qu'"animal inachevé" (Nietzsche) mais "ouvert au monde", est considéré comme un des intellectuels conservateurs les plus importants  du XXème siècle. Son œuvre a été, jusqu'à présent, très peu traduite en français et donc largement ignorée de ce côté-ci du Rhin. Seuls deux recueils de textes intitulés Anthropologie et psychologie sociale (PUF, 1990) et Essais d'anthropologie philosophique (Maison des sciences de l'homme, 2010) ont été publiés au cours des trente dernières années. Il convient aussi de noter que la revue Krisis d'Alain de Benoist avait traduit un texte de Gehlen, Problèmes psychosociologiques de la société industrielle, dans son numéro consacré à la technique (n°24, novembre 2000).

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    " Arnold Gehlen (1904-1976) est l'un des protagonistes majeurs, à côté de Max Scheler et de Helmuth Plessner, de l'anthropologie philosophique, vaste courant encore méconnu qui a traversé le XXe siècle en dialoguant avec la plupart des écoles philosophiques et sociologiques allemandes, de la phénoménologie à l'école de Francfort. Son maître-ouvrage, L'Homme, paru en 1940, est considéré comme l'un des trois livres fondateurs de ce courant, à côté de La Situation de l'homme dans l'univers, de Scheler (1928) et des Degrés de l'organique et l'Homme, de Plessner (1928). Il interroge la place spécifique de l'homme comme organisme vivant dans la nature, selon une approche qui croise les sciences de son temps, la tradition philosophique de l'idéalisme allemand et le pragmatisme américain. Le concept de l'homme comme "être déficient" , biologiquement inadapté, met en relief sa constitution physique particulière, ouverte au monde, par contraste avec la morphologie de l'animal, corrélée à son milieu naturel. L'homme, cet orphelin de la nature, survit en compensant ses déficiences biologiques initiales par l'action, laquelle lui permet d'élaborer une "nature artificielle" . Cette anthropologie de l'action débouche sur une théorie des institutions que Gehlen allait développer par la suite et dont il propose une première esquisse dans ce livre. "

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  • Végéter est-il l’impératif catégorique et sanitaire du troisième millénaire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Marco Tarchi, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à l'idéal sanitaire promu par le système. Professeur de sciences politiques à l’Université de Florence et rédacteur en chef de Diorama Letterario, Marco Tarchi a été dès la fin des années 70 un des principaux promoteurs des idées de la Nouvelle Droite en Italie.

     

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    Végéter est-il l’impératif catégorique et sanitaire du troisième millénaire ?

    Il serait difficile de trouver quelque chose de plus emblématique de la condition psychologique et culturelle que notre époque expérimente, et en même temps de plus avilissant – si on ne veut pas aller jusqu’à l’adjectif « répugnant » – que les spots que le gouvernement allemand a diffusés pour convaincre ses citoyens de respecter de la manière la plus rigide les recommandations de limitations de la liberté de mouvement imposées afin de circonscrire la contagion au Covid-19. Dans le premier de ceux-ci, un garçon d’une vingtaine d’années, vautré à la maison sur son divan, canette de Coca-Cola en main et patates frites à portée de bouche, noie dans l’ennui une journée inutile. Dans le second, le même, hypothétique étudiant ingénieur à l’Université de Chemnitz, partage son aboulie avec sa petite amie ; du divan on est passé au lit, et pour réjouir l’inertie on est passé à de copieuses portions de poulet frit. Dans le troisième, le centre de l’attention, « Tobi le paresseux », autodéfinition qui va de soi, passe son temps devant son ordinateur mangeant des raviolis froids à même la boîte sans se soucier de les réchauffer. Ces scènes sont situées dans l’ambiance du « terrible » hiver 2020 ; et pour les accompagner, outre une musique de fond suggestive, on retrouve dans le futur les mêmes protagonistes vieillis, qui se vantent de l’« aventure » vécue un demi-siècle plus tôt qui les a contraint à se barricader dans leur maison et à ne rien faire, devenant ainsi – pour avoir scrupuleusement veillé à ne pas être des véhicules de la contagion – des héros. Ce dernier qualificatif plusieurs fois répété (on pourrait s’attendre à ce que Tobi reçoive une médaille pour son absence exemplaire de vie en société) est associé à d’autres mots non moins dissonants comme « destin », « devoir social », « destin de la nation », et le désormais omniprésent « ennemi invisible ».

    Idéal sanitaire, phase post-goebbelsienne de l’appareil de propagande

    On ne peut s’étonner que le produit de cette phase post-goebbelsienne de l’appareil de propagande de guerre allemand ait enchanté simultanément des médias comme Vanity Fair, Il Foglio [périodique néo-conservateur italien (NDT)], La Repubblica (quotidien italien libéral-libertaire), d’accord pour le trouver « génial », ni que son ironie peu subtile soit louée par les publicitaires italiens. En effet, que peut-on trouver de mieux pour décrire le type d’homme idéal (et de femme, cela va sans dire) de la Cosmopolis souhaitée par les partisans de l’idéologie des « droits humains » : un consommateur produit en série, se nourrissant de rebuts, prêt docilement à obéir à l’appel des autorités démocratiques et des mass médias et à se réfugier, sans plus réagir, dans l’individualisme le plus grégaire et le plus strict, se remontant le moral à coups de visioconférences, de chats en ligne, de séries sur quelque plateforme de multi-médias, et, pourquoi pas ? de signatures virtuelles de pétitions pour soutenir les causes du « genre » ou de l’« inclusivité » disponibles sur ces mêmes sites.

    Progresse également ainsi, sur les ailes de la peur instillée par une incessante communication anxiogène, cette mutation anthropologique graduelle qui, en quelques décennies, a trouvé dans les épisodes épidémiques un nouveau véhicule de grande efficacité. De fait, l’ablation des liens interpersonnels est recommandée, avec une emphase et une fréquence toujours s’accélérant, comme l’unique remède possible pour se mettre à l’abri de la contagion du virus ; et certains arrivent à y voir des aspects positifs. On ne s’étonnera pas qu’au nombre de ceux-ci, se trouve Bill Gates, prêt à décrire le monde futur avec des accents guère empreints de préoccupation sociale : pour un certain nombre d’années, nous confie-t-il, nous aurons au moins une atmosphère plus pure, car avec une baisse de 50 % des voyages, les émissions de gaz à effet de serre se réduiront considérablement, même si cela nous contraint à avoir peu d’amis. Le télétravail prospèrera – et avec lui, pourrait-on ajouter, l’utilisation ultérieure de produits Microsoft – et les rapports sociaux seront atrophiés. Cette perspective ne semble pas susciter d’inquiétudes excessives ni parmi les intellectuels médiatisés, ni parmi les politiques, ni parmi les scientifiques.

    La vie à tout prix

    Parmi les intellectuels médiatiques, nombreux ceux qui invoquent un « droit à la santé », concept purement insensé, que personne ne songerait à opposer à la survenue d’un infarctus, d’une hémorragie cérébrale ou d’une forme grave de tumeur, sachant bien qu’aucun sujet frappé de pathologies de ce type ne saurait être en mesure d’exercer ce droit, auquel serait substitué le réel et souhaitable droit au soin ; un « droit à la santé » plus fort que n’importe quelle peur de délitement du lien social.

    Presque tous les seconds [les politiques (NDT)] suivent comme un seul homme et ne songent qu’à calmer les protestations légitimes des catégories productives pénalisées par les fermetures imposées, à coup d’aides comme s’il en pleuvait et en bonne partie à fonds perdus qui seront payés ultérieurement moyennant de substantielles augmentations de charges fiscales, car le déficit de l’État ne pourra pas être maintenu éternellement. Les conséquences de l’obligatoire (et désirée) « distanciation » sur la capacité de résistance du tissu social les laisse tout à fait indifférents.

    Enfin, quant aux experts médiatiques, leur conviction unanime – que la vie compte plus par la dimension quantitative de sa durée que par sa qualité – s’exprime au quotidien dans les modalités les plus diverses sur toutes les scènes télévisées, radiophoniques ou imprimées…

    À elles trois, ces composantes fondamentales de la classe dirigeante des démocraties occidentales (ces régimes qui devraient incarner le meilleur des modèles possibles de gouvernement des « pays avancés ») en viennent à oublier un aspect incontournable de la réalité, en raison même de la cécité induite par le conformisme de fer du politiquement correct : l’impossibilité d’éliminer le risque de l’existence humaine, aussi bien individuelle que collective. Et encore plus la douloureuse nécessité de l’accepter.

    Le « végéter » se substitue au « vivre »

    Pendant des millénaires, la culture des peuples – de tous les peuples de la terre – s’est résignée à cet état de fait et l’a reliée à la volonté impénétrable du Destin et/ou de la divinité vénérée, et l’a incorporé dans le système de normes destiné à gouverner la vie des communautés. L’illusion prométhéenne typique de la modernité, alimentée par les préjugés du rationalisme comme les époques précédentes pouvaient l’être par ceux de la magie, a poussé certains, pas uniquement dans les milieux scientifiques, à croire qu’il était possible et même nécessaire de se rebeller contre cette loi de la nature. Et que l’existence individuelle puisse et doive être exemptée de l’aléa de l’imprévisible et de l’inattendu. Étanche, tenue sous contrôle – sécurisée, pour le dire dans la novlangue à la mode – et ce dans tous les cas. Avec pour conséquence de suivre et célébrer un horizon idéal dans lequel le végéter se substitue au vivre.

    À l’exhibition de corps à l’état végétatif, magnifiée par les spots allemands, vient un message qui associe le refus du risque à un acte d’héroïsme. Un contresens formidable, mais qui explique mieux que toute autre chose la substance profonde de l’esprit du temps dans lequel nous vivons.

    Qui refuse cette vision se voit automatiquement attribuer un caractère d’insensibilité, sinon de folie. La vieille figure du pestiféré à assigner à résidence revient sous forme de menace dans l’imaginaire collectif sur fond de débats qui remplissent les talk-shows, pendant que l’opinion publique se sépare verticalement dans tous les pays frappés par l’épidémie : entre les terrorisés qui se réjouissent du panorama spectral de cités désertes et qui voudraient les voir telles au moins jusqu’à l’épiphanie d’un miraculeux vaccin et ceux qui souffrent du confinement et attendent le moindre signe de retour à la normale pour replonger dans les rites de masse de l’apéritif.

    Réinsérer le risque dans l’horizon de la normalité

    À la stupidité du négationnisme – que quelqu’un exagérant et plaisantant un peu trop avec les données de la biologie (qui, dans le passé, a donné lieu à des utilisations politiques quelque peu problématiques), a pu définir comme le fruit d’un « processus mental non éloigné de celui qui survient dans certains types de démence » –, est opposée une autre forme de stupidité, à la fois identique et contraire, laquelle conduit à l’incompréhension et au refus des raisons de ceux qui, à un scénario de restrictions permanentes de la liberté de mouvement, d’obligation sine die d’endosser des masques chirurgicaux, de maintenir un mètre quatre-vingt de distance avec le prochain et d’éviter les « lieux de sociabilité » et les rencontres avec famille et amis, préfèreraient un autre scénario où, tout en respectant pourtant de manière temporaire les mesures adéquates de prudence, le risque serait accepté et graduellement réinséré dans l’horizon de la normalité.

    La diabolisation de ce choix et l’insistance anxiogène autour de présages funestes, sur le vaccin qui ne fonctionnera pas ou aura des effets limités dans le temps, sur les mortifères « troisièmes vagues » (et les suivantes en préparation), auront quasi certainement des effets opposés à ceux espérés, précipitant des strates croissantes de la population dans un état de prostration psychologique difficilement récupérable, dont on constate déjà les évidents symptômes. Mais apparemment, les dogmes idéologiques qui dominent la scène culturelle contemporaine empêchent d’accepter quelque attitude de confrontation à l’existence qui puisse paraître excessivement virile, et donc – dans l’expression banalisante de la vulgate progressiste – « machiste ».

    Végéter devient donc l’impératif catégorique du troisième millénaire. Il ne reste qu’à espérer qu’un jour, un sursaut d’orgueil collectif, face à une perspective aussi déprimante, puisse se transformer en  sérieuse et sacrosainte réaction ; et de faire, chacun à son niveau, tout son possible pour qu’une telle réaction advienne.

    Marco Tarchi, traduit de l’italien par Claude Chollet (Site de la revue Éléments, 15 janvier 2021)

     

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  • Vrais artistes et fausses valeurs...

    Les éditions des Presses universitaires de France viennent de publier un essai de Benjamin Olivennes intitulé L'autre art contemporain - Vrais artistes et fausses valeurs.  Après des études de philosophie, Benjamin Olivennes enseigne à l’université Columbia. 

     

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    " Ecrit par un non-spécialiste passionné, ce petit livre vif et brillant s’adresse à tous, et entend fournir un manuel de résistance au discours sur l’art contemporain. Ce dernier fonde son emprise sur une vision mythifiée de l’histoire de l’art  : le XXe siècle aurait été avant tout le siècle des avant-gardes, chacune ayant été plus loin que la précédente dans la remise en cause de notions comme la figuration, la beauté, et même l’œuvre. Or non seulement ces notions anciennes ont continué d’exister dans les arts dits mineurs, mais surtout, il y a eu un autre XXe siècle artistique, une tradition de peinture qui s’est obstinée à représenter la réalité et qui réémerge aujourd’hui, de Bonnard à Balthus, de Morandi à Hopper, de Giacometti à Lucian Freud.
    Cet essai présente cette autre histoire de l’art, dont l’existence infirme le discours, le mythe … et le marché de l’art contemporain. Cette histoire s’est prolongée secrètement jusqu’à nous  : il y a eu en France, au cours du dernier demi-siècle, de très grands artistes, dont certains sont encore vivants, qui ont continué de représenter le monde et de chercher la beauté. Connus d’un petit milieu de collectionneurs, de critiques, de poètes, mais ignorés des institutions culturelles et du grand public, ces artistes sont les sacrifiés de l’art contemporain, les véritables artistes maudits de notre époque. Comme les artistes maudits de jadis, ce sont eux pourtant qui rendent notre modernité digne d’être aimée et sauvée. Ils sont la gloire de l’art français. "

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