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Métapo infos - Page 1586

  • Un terroriste très néo con...

    Dans le numéro 72 de Flash, le journal gentil et intelligent, on s'intéresse au très étrange Anders Behring Breivik, puis on part crapahuter sur les cyber champs de bataille où la guerre fait rage. Pour nous remettre de nos émotions, Philippe Randa nous commente le hit parade de l'été - sexe, pognon et politique – avant de nous laisser partir faire la teuf avec Topoline à Saint Eustache, au concert de Pierre Henry ... Bonne lecture !

     

     

    Anders Behring Breivik, Christian Bouchet, Clovis Casadue,barbouzes, Iran, CIA, Mossad, Cyberattaques, Troisième guerre mondiale, Marie-Claude Roy , Maurras, Action Française, François Marcilhac, Arnaud Guyot-Jeannin, Sexe, pognon, politique, Philippe Randa, Ramezanali Vashegani Farahani, Pierre Henry, techno, Saint Eustache, Topoline

     

    Au sommaire :

     

    Anders Behring Breivik, un terroriste très néo con : Christian Bouchet balaie les fantasmes et Clovis Casadue débusque les barbouzes

     

    Purges des scientifiques en Iran : pas de vacances pour la CIA et le Mossad

     

    Cyberattaques : la Troisième guerre mondiale fait rage ; Marie-Claude Roy se planque

     

    Maurras (suite et fin) : qu'en dit-on à l'Action Française ? François Marcilhac se confesse dans ce numéro

     

    Le pouvoir économique a-t-il totalement mangé le pouvoir politique ? Eléments de réponse avec Arnaud Guyot-Jeannin

     

    Sexe, pognon et politique : le hit parade de l'été commenté par Philippe Randa

     

    Culture iranienne ? L'intellectuel iranien Ramezanali Vashegani Farahani malmène les idées reçues

     

    Pierre Henry : le père de la techno a fait trembler Saint Eustache ; Topoline y était

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  • Futurologie, utopie, catastrophisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un très bon texte de François-Bernard Huygue, cueilli sur son site huyghe.fr et consacré aux évolutions du discours sur le futur...

     

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    Futurologie, utopie, catastrophisme..

    Que toute stratégie suppose une part d’anticipation, c’est une évidence : elle requiert la capacité de prédire à la fois les conséquences de ses propres actions, celles d’un adversaire qui cherche à les prévoir et à les contrarier, et la façon dont ces deux forces rétroagissent dans un environnement lui-même changeant. Mais tout prévision de ce type s’interpréter par rapport aux croyances d’une époque relatives à l’avenir en général et à sa connaissance. C’est ce que l’on pourrait nommer la doxa ou l’idéologie du futur attendu : tout un ensemble de préconceptions relatives aux grandes tendances technologiques, culturelles, économiques… Plus la confiance qu’accorde l’esprit du temps aux diverses formes de calcul et d’évaluation du probable.

    Et en ce domaine, le ciel des idées est particulièrement encombré. Car l’impératif postmoderne de l’instantanéité fait bon ménage avec le fantasme de la prédictibilité. Ni les échecs des philosophies de l’Histoire, ni ceux des prévisionnistes n’ont découragé les prophètes.

    Version rose : un sens de l’histoire déterminé par la technologie. À l’extrême, les futurologues deviennent « futurocrates », et l’anticipation se conjugue à l’impératif : est juste, bon et nécessaire ce qui contribue à l’avènement du monde promis. Sous son apparent désordre, l’innovation perpétuelle suit une direction. Seuls la distinguent déjà les esprits les plus éclairés.

    Version grise : les citoyens exigent de la techno-science qu’elle les garantisse des risques qu’elle provoque. Ils veulent une assurance contre l’aléa du changement, une garantie contre les conséquences de l’invention. Ils réclament du durable, du contrôlable, du traçable, du vérifiable. Ainsi, le principe de précaution entraîne une futurologie de la peur et une anticipation du remords. Écoutons les prophètes de malheur : la raison du pire est toujours la meilleure.

    Cette obsession de l’avenir calculé a aussi un passé. Dans les deux cas, il faut remonter à plus de trente ans en arrière pour comprendre pourquoi la vieille plaisanterie qui veut que la prédiction soit aléatoire, surtout quand il s’agit de l’avenir, nous laisse si froids. Et pourquoi plus ça change, plus ça prédit.

    Sens unique

    Bien sûr, la croyance au Progrès comme direction suivie par l’humanité, est bien plus ancienne. Bien sûr, ses frères jumeaux le décadentisme, le catastrophisme et le tout-fout-le-campisme ne sont pas moins anciens. Bien sûr, dès la seconde moitié du XIX° siècle toute une littérature d’utopie ou d’anticipation décrit en ses détails le monde qui vient et ses drôles de machine. Les visions d’un Jules Verne, d’un H.G. Wells ou d’un Robida y côtoient les pronostics d’un Edward Bellamy ou d’un Giffard, moins illustres (1). Dans ce joyeux bric-à-brac le "téléphonoscope" voisine les bicyclettes volantes à hélices.

    Mais il faut attendre l’après-guerre pour que la prévision se veuille scientifique et systématique... La prospective monte avec les courbes de P.N.B. des trente glorieuses. Et la futurologie devient valeur politique : elle devient la pierre de touche des décisions justes et des stratégies efficaces.

    De ce point de vue, le rappel des travaux des innombrables commissions "de l’an 2000” ne le dispute en humour involontaire qu’à la relecture des Gosplans. En mettant bout à bout quelques anticipations savantes, cela donnerait : 1946 : le spectateur se lasse de la télévision. 1961 : régression du marché informatique. 1967 : un aspirateur atomique dans chaque foyer. 1969 : le bulletin météo est exact à 100% et le climat bientôt contrôlé. 1973 : alimentation synthétique, voitures non polluantes et chute du cours du pétrole. 1980 : les U.S.A. fonctionnant à 100 % à l'énergie solaire. 1990 : fin du chômage grâce à l'ordinateur. 1993 : épuisement du plomb, du fer ou de l'aluminium, du pétrole. 2000 : la Terre peut faire vivre 20 milliards d'hommes avec un revenu cinq fois supérieur à celui d'un Américain des années (2)

    Dans un grand bêtisier de ce genre, tel essai sur l’effondrement du capitalisme voisinerait avec telle analyse sur l’inévitable conflit sino-soviétique ou sur la finlandisation de l’Europe. Les travaux des commissions du Plan français des années soixante qui n’ont vu venir ni Mai 68, ni la crise du pétrole ni la montée du chômage répondraient à ceux des futurologues américains qui annonçaient pour des dates aujourd’hui révolues la généralisation des machines à traduire et enseigner. On pourrait encore juxtaposer tel tableau de la maison de l’an 2000 - une ménagère entourée d’hologrammes et d’ordinateurs cuistots - et telle description d’un monde retournant aux éoliennes et à la propulsion hippomobile. En effet, les prédictions pessimistes ne seraient pas en reste : la coïncidence tragique de la surpopulation, coïncidant avec des carences d’énergie et de matières premières plus la pollution devait entraîner la fin prochaine des sociétés développées. La croissance-zéro suscita aussi son lot de fausses prophéties et ses délires chiffrés.
    Il y a vingt, trente ans, quarante ans, qui eût osé affirmer : “En l’an 2000, il n’y aura pas d’État universel, nous n’aurons pas colonisé d’autres planètes, ni adopté la croissance-zéro et l’énergie solaire.. Il y aura toujours des guerres d’indépendance et des pauvres, des épidémies incontrôlables et des fanatismes religieux. Nous nous déplacerons dans des voitures à essence et les enfants apprendront encore dans des locaux dénommés écoles.” ? En ce temps-là, les plus timorés croyaient au moins au téléenseignement, aux fusées individuelles, à la mort de l’État ou à l’exploitation des fonds sous-marins. Le réel est un terrible réactionnaire.
    Mais prédire, c’est souvent aussi redire : ne pas remettre en cause la permanence de certaines données ou attendre toujours des inventions sans cesse repoussées. Par exemple, imaginer que nous fabriquerions des lunes artificielles mais pas que le communisme puisse s’effondrer- comme Herman Kahn dans L’an 2000 (3).

    Le futur au pouvoir

    Le côté bouffon de la chose ne doit pas dissimuler l’essentiel : pareille foi en un avenir maîtrisé reflétait bien plus qu’une confiance exagérée en la science ( « en telle année, ceci sera inventé »). Elle traduisait une idéologie structurée. Ce fut d’abord celle de la société postindustrielle : le passage d’un monde où machines et les hommes travaillent à produire des biens tangibles à un monde organisé autour de la production de connaissance.

    Cette utopie postindustrielle dont les tenants les plus brillant sont Daniel Bell et Kenneth Boulding, attend d’abord le règne de l’abondance généralisée (ce qui, soit dit en passant aurait réfuté le marxisme alors prédominant chez les intellectuels). En arrière-plan quelque chose qui ressemble à une fin de l’histoire ou au règne des choses attendu depuis Saint-Simon. Une société des loisirs et de la connaissance où les individus s’épanouiraient dans la recherche de modes de vie diversifiés et d’expériences variées. Telle semblait être la promesse de l’avenir. Seul le retard des mentalités pouvait y faire obstacle.

    Les succès de l’ordinateur et des nouvelles technologies rencontrèrent ce courant et en provoquèrent la conversion à un autre thème, celui de la « société de l’information » .
    Un Alvin Toffler, auteur de best-sellers, mais méprisé par les intellectuels français incarne parfaitement ce passage. Il prophétise une société de la communication et de l’immatériel. Individualité, obsolescence, vitesse et changement en forment les valeurs cardinales. Voici, après la révolution agricole et l’industrielle, la « troisième vague » ; elel est « hétérogénéisante ». Toffler y voit le "passage d'une économie reposant sur la satisfaction d'un petit nombre de besoins viscéraux à une économie visant à satisfaire aussi bien des exigences infiniment variées de la psyché" (4) Tout discours extatique sur la libération par les NTIC, l’immatériel, l’entreprise en réseau, la cyberdémocratie et autres coquecigrues professées par les dévots d’Internet est là en puissance, depuis plus de trente ans.

    Mais pas d’angélisme : Toffler est un penseur de la chose militaire fort influent au Pentagone. Il envisage d’inévitables conflits entre les sociétés « de troisième vague » et celles qui sont encore agricoles ou industrielles. Rappelons aussi que la géostratégie américaine est dominée par trois modèles –Huntington, Fukuyama, Toffler – trois façons de figer l’Histoire, dans l’essence des civilisations, par la perfection du modèle politique qu’elle atteint, ou comme reflet du changement technique.

    Le reproche du futur

    Le paradoxe de la technophillie heureuse est de croire la science capable d’anticiper à la fois ce qu’elle n’a pas encore réalisé et ce qui en résultera. Mais il y a aussi un paradoxe de l’anticipation inquiète. La première nous garantissait la fin de l’Histoire, la seconde nous menace de la fin de l’Espèce. Elle s’exprime à travers la pensée du risque ou plutôt du « nouveau risque» (5). Et suscite des contradictions plus difficiles encore. Comment réduire le danger – la conséquence négative de nos choix techniques actuels–, comment mesurer notre responsabilité à l’égard du futur, sans une connaissance qui nous fait défaut ? comment développer la prescience des effets lointains, en faisant appel à la science et à la technique, source de nos maux puisque source de pouvoir ? Pourquoi la puissance, comme capacité de tout transformer, se heurte-t-elle à notre impuissance à décider ?

    La première tentation, celle du Club de Rome et du MIT dans les années 70, par exemple, consiste à prolonger des courbes : PNB, épuisement des ressources, pollution, population et à modéliser leurs interactions probables. Tout d’abord, les calculs se révèlent faux : en l’an 2000, date butoir de la plupart de ces prédictions, nous aurions dû ne plus avoir de carburant, ni un certain nombre de métaux essentiels et le système aurait dû s’arrêter. Mais surtout, ce point de vue « scientiste » est mal adapté aux risques qui nous préoccupent désormais : des catastrophes, des ruptures brusques d’un ordre stable. Dès la fin des années 70, Seveso (76), l’Amoco-Cadiz (78), Three Mile Island (78) changent les mentalités. Les risques technologiques majeurs (même si, dans ces trois cas, personne n’est mort) occupent le premiers plan.
    Leur première caractéristique est d’être inédits et imprévisibles. La peur de l’accident de type Bhopal, Tchernobyl, ou de l’épidémie (Sida, vache folle…) se propagent. Il y a des raisons objectives à cela. Encore faudrait-il préciser par rapport à quel point de comparaison : les pestes médiévales, les accidents industriels au XIX° ? Mais surtout notre moderne aversion au risque et notre obsession de la catastrophe ont sans doute à voir avec deux phénomènes.`
    .
    Le premier, ce sont, bien entendu, les médias, friands d’événements, et de révélations, jouent comme amplificateurs des risques éprouvés. Le second est le retrait du politique. Faute de réaliser le Paradis sur Terre, il ne prétend plus tirer sa légitimité de sa capacité d’éviter le pire. Autrefois mû par une logique d’accroissement -plus de démocratie, plus de puissance, plus d’Histoire- le politique devient un art du moins : moins de tensions, moins d’incertitude pour l’avenir, moins d’insécurité, moins de conséquences de la mondialisation inévitable moins de perturbation. Moins à payer pour le prix de notre puissance. Les nouveaux risques qui nous préoccupent tant, à tort ou à raison, présentent des caractéristiques :

    - Ils sont liés à des inventions scientifiques (OGM, énergie atomique) ou à la découverte de relations causales jusque-là inconnues (HIV et le SIDA, prion et la maladie de Creutzfeldt-Jakob). Du coup, le tribunal du risque convoque la science à plusieurs titres : parfois comme plaignante (lorsqu’elle révèle ou mesure un risque encore imperceptible au sens commun), souvent comme accusée (elle a produit des monstres ou minimisé des dangers), comme enquêtrice (on lui demande de chiffrer le risque ou au moins d’en confirmer la possibilité) et comme réparatrice (elle doit produire des solutions).

    - Il ne s’agit pas de calculer une probabilité, sur la base de séries statistiques avérées comme, par exemple, nous pouvons estimer nos « chances » d’avoir un accident de voiture, ou d’attraper un cancer en fumant voire les risques qu’un système de surveillance subisse une défaillance. Le doute porte sur une relation de causalité, sur l’existence du risque et non sur la répartition statistique de fréquences observables ni sur des corrélations quantifiables. La viande anglaise propage ou pas la maladie de la vache folle, il y a ou pas déforestation pour cause de pluies acides ; et il faut choisir. C’est la possibilité qui est douteuse, pas son degré de vraisemblance.

    - -La question se pose souvent de façon binaire : faut-il ou non laisser faire, tel produit est-il ou non cancérigène ? Du coup, il entraîne une exigence de réponse immédiate (interdire ou pas la diffusion de sang qui pourrait être contaminé, par exemple) à des questions déterminées par un futur non maîtrisable. Par contraste, les conséquences se révèlent soit être définitives (puisque non réversibles), soit excéder par leur durée, leur complexité et leur enchevêtrement toute capacité de calcul. Et les interactions écologiques se combinent avec les effets d’inertie de la technologie : celle-ci, tel un anti-choix ferme des possibilités d’alternative ou de retour à mesure qu’elle se développe. La chaîne des conséquences s’allonge et raccourcit celle des interventions et des anticipations.

    - Ce monde hypothétique est en outre controversé : ni les théories scientifiques, ni les points de vue des acteurs ne sont unanimes.

    - La répartition du risque est tout sauf égalitaire. C’est vrai dans le temps (pour les générations futures) et dans l’espace : le pays X peut souffrir de la pollution produite par le pays Y, ou encore la délocalisation renvoie les dangers là où on n’en retire guère de profit. Le partage de la catastrophe est aussi discuté que sa vraisemblance.

    Le cycle de la précaution

    Conséquence troublante : l’ignorance des conséquences semble proportionnelle à leur importance. La prudence scientifique répugne à exclure toute possibilité de catastrophe. D’où la tentation d’exiger le renversement de la preuve : ne plus considérer l’absence de démonstration d’un danger comme un indice d’innocuité ou comme permission de faire, mais exiger la certitude que le scénario du pire est impossible.

    Poussé à l ‘absurde, cela équivaut, avant toute initiative, à attendre la démonstration d’une innocuité absolue. Une telle preuve est impossible à administrer, à la fois parce qu’il faut bien arrêter quelque part la chaîne des conséquences envisagées sous peine de fuite vers l’infini, et parce qu’il n’y a pas moyens d’échapper au problème de la connaissance future. La réduction d’incertitude postérieure, ou la future contestation des hypothèses de départ, la vraisemblance de l’interférence de facteurs encore à venir (6), tout cela constitue un cycle affolant. La nécessité d’un choix semble coïncider avec l’incapacité de trancher. La catastrophe absolue, éventuellement l’auto-destruction de l’Homme, devient alors le point de fuite de cette perspective terrifiante. Hans Jonas, philosophe du principe de précaution se réclame d’une « futurologie de l’avertissement » dont, dit-il, « il nous faut commencer par l’apprendre pour parvenir à l’autorégulation de notre pouvoir déchaîné. » (7). Penser l’abominable demande à calculer l’impensable.

    Le fameux principe de précaution traduit ce sentiment d’une responsabilité non mesurable à l’égard du futur, d’autant plus obsessive qu’elle est incertaine. Cela n’a plus rien à voir avec un pilotage rationnel d’un futur évaluable : minimiser les risques pour maximiser les avantages d’une initiative. Ce n’est ni la prudence qui recommande de tout calculer, ni la prévision tente de minimiser des risques connues, c’est un paradoxe de l’inconnu. Ou plutôt, c’est une façon de l’assumer comme principe d’urgence. Dans la version formulée par la Commission européenne en 1998 l’idée s’énonce ainsi : « Le principe de précaution est une approche de gestion des risques qui s’exerce dans une situation d’incertitude scientifique. Il se traduit par une exigence d’action face à un risque potentiellement grave sans attendre les résultats de la recherche scientifique.» (8)
    L’hypothèse la plus sombre jouit ainsi du privilège d’être tenue pour valide jusqu’à être définitivement controuvée. Comme le note Ulrich Beck : « Le regard du contemporain tracassé par la pollution est dirigé vers de l’invisible, comme le regard de l’exorciste. La société du risque, c’est l’avènement d’une ère spéculative de la perception quotidienne et de la pensée. » (9)

    D’où la contradiction inhérente au principe de précaution. Soit réintroduire subrepticement un critère de foi en l’expertise : lui faire crédit de distinguer avec rigueur les risques bénins ou peu vraisemblables ou réversibles, introduire une certaine proportionnalité, ne pas exclure les avancées techniques qui pourraient apporter leurs propres remèdes. Soit formuler un interdit absolu qui, appliqué à l’époque, aurait empêché le néanderthalien d’inventer le feu s’il avait songé qu’il servirait plus tard à brûler les sorcières.

    La douteuse suffisance du prophète de bonheur justifiait sa direction éclairée ; l’incertitude assumée du prophète de malheur lui confère un droit de censure. Dans les deux cas, l’instabilité du présent devient un motif de le confier à un avenir inconnu.


    François-Bernard Huyghe (huyghe.fr, 22 juillet 2011) 

    Notes

    1 Voir par exemple La vie quotidienne des Français au XX° siècle, Booster-LPM, 1999
    2 Pour plus de détails sur les sources de ce petit montage, notre ouvrage Les experts ou l’art de se tromper de Jules Verne à Bill Gates, Plon, 1996. Pour compléter par d’autres anthologies des prédictions sur l’an 2000 lire par exemple George Elgozy, Le bluff du futur, Calmann Lévy 1974 ou Bernard Cazes, Histoire des futurs, Seghers 1986
    3 Herman Kahn et Anthony J. Wiener, L’an 2000, Robert Laffont, 1968
    4 Alvin Toffler, S'adapter ou périr L'entreprise face au choc du futur, Denoël, 1986
    5 Les nouveaux risques, O. Godard, C. Henry, P. Lagadec et E.Michel-Kerjean, Folio 2002
    6 Jean-Pierre Dupuy (Pour un catastrophisme éclairé, Seuil 2002)
    7 Hans Jonas Pour une éthique du futur, Rivages Poche, 1997, p. 71
    8 Les nouveaux risques précité.
    9 Ulrich Beck La société du risque, Alto Aubier, 2001, p. 133


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  • Vengeances de femmes !...

    Journaliste, polémiste, romancier, auteur de l'excellent Coeur-de-cuir (Flammarion, 1998), Patrick Gofman publie aux éditions de l'Atelier Fol'fer, une deuxième version, revue et augmentée de Vengeances de femmes, un livre qui vous fera regarder votre compagne, votre collègue de bureau ou votre voisine d'un autre œil !

     

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    "« Les femmes portent la moitié du ciel. » Et quelle proportion des enfers ? Vengeances de femmes est une anthologie. Une fleur. Une sélection des meilleures, c'est-à-dire des pires vengeances de femmes. 50 vacheries choisies dans l'Histoire, la mythologie, les faits divers et la littérature. 50 recettes pour accommoder le connard au sang. L'idée ? Elle traîne depuis longtemps dans les magazines. Mais elle appartient d'origine à une femme, Dominique R., journaleuse et maman, qui l'a donnée à un homme, Patrick Gofman, pour son bien, sûrement. Auparavant, elle l'avait envoyé gifler un banquier, à Neuilly. Le financier fit trois tours dans ses mocassins en croco, articula les excuses exigées, puis il dit au savetier en rangers, d'un air de pitié : « Ne croyez donc pas toujours les femmes sur parole, mon ami. » "

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  • Qu'est-ce que l'écologie ?...

    Nous reproduisons un texte de Laurent Ozon sur l'écologie comme façon de penser le monde dans sa compléxité et sa diversité. Laurent Ozon, pour ceux qui ne le connaissent pas, s'est beaucoup investi dans la diffusion des idées écologistes et a, notamment, dirigé la remarquable revue Le recours aux forêts, malheureusement disparue.

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    Qu'est-ce que l'écologie ?

    L’écologie comme science apparaît à la fin du XIXe siècle au carrefour de plusieurs disciplines scientifiques (la pédologie, la botanique, l’agrochimie, la phytogéographie et la biologie), de la nécessité d’étudier les espèces vivantes en contexte, c’est-à-dire sur leur lieu de vie et dans le réseau de liens qui les lient aux autres espèces. Cette méthode sera spontanément adoptée par les scientifiques qui, à partir du XVIIe siècle se lancent dans l’exploration du monde pour étudier et découvrir ce que ne pouvait leur révéler l’étude d’individus isolés dans des espaces artificiels. Il parut clair que cette approche offrait beaucoup plus de potentialités. Elle impliquait que les individus en question étant fortement dépendants de leurs communautés multiples d’appartenance, il n’était possible de comprendre certaines de leurs particularités physiologiques ou comportementales qu’en les replaçant dans le système naturel de relations complexes au sein duquel ils remplissaient des fonctions particulières et dont ils dépendaient par ailleurs pour leur survie, à savoir leur milieu. Leur milieu, c’est-à-dire le contexte le plus approprié pour leur fournir les informations nécessaires à l’adoption d’un comportement conforme à la préservation de leur équilibre.  

    Le mot « Oekologie » sera forgé par le biologiste allemand Ernst HAECKEL (1834-1919), et utilisé pour la première fois en 1866 dans la première édition de sa Morphologie générale des organismes . Il est formé de deux racines grecques : oïkos et logos, la science.
    Le mot, « écologie » est construit comme « économie » et dérive comme le note Pascal ACOT , « pour une partie, du thème indo-européen weik, qui désigne une unité sociale immédiatement supérieure à la maison familiale. Ce thème donna, entre autres, le sanskrit veçah (maison), le latin vicus qui désigne un quartier, et le grec oïkos, l’habitat, la maison ».


    L‘écologie signifie donc littéralement « la science de l’habitat » . Haeckel la définit ainsi : « par écologie, nous entendons la totalité de la science des relations de l’organisme avec l’environnement, comprenant au sens large toutes les conditions d’existence ». Cette définition constitue encore le fond de la plupart des définitions actuelles de l’écologie scientifique. L’écologie est une science tout entière tournée vers l’étude des relations entre les groupes. On pourrait presque dire que, pour les écologistes, et du point de vue de la priorité donnée dans l’approche de leur objet d’étude : la relation précède l’essence.

    Victor Émile SHELFORD, pionnier de l’écologie américaine la définira lui comme “la science des communautés” et écrira : « Une étude des rapports d’une seule espèce donnée avec son environnement, qui ne tient pas compte des communautés et, en définitive, des liens avec les phénomènes naturels de son milieu et de sa communauté, ne s’inscrit pas correctement dans le champ de l’écologie »

    De fait, biosphère, semble, à bien des égards engagée dans un processus dominant menant à une progressive et mortelle entropie sous la pression croissante de l’impact des activités humaines. Les exemples qui en témoignent sont nombreux :

    La France comptait plus de 4000 espèces de pommes au début du siècle, Il est devenu difficile d’en recenser une centaine et 5 espèces assurent à elles seules 95 % de la consommation. En France, là où étaient répertoriées au XIXe siècles 88 variétés de melons, on n’en trouve plus guère que 5. Jacques Barrau, un ethnobotaniste, écrit, qu’en 1853, les frères Audibert, pépiniéristes provençaux offraient à la vente 28 variétés de figues, alors qu’on n'en trouve plus guère que 2 ou 3 aujourd'hui. On pourrait continuer comme cela durant des heures.
    Le biocide est aussi à l’oeuvre pour écraser la diversité interspécifique et intraspécifique des communautés humaines. Pensons aux cultures, régionales, locales, en France, mais aussi partout en Europe et dans le monde. Nous pensons  à ces communautés chassées de leurs terres par des projets pharaoniques imposés par les multinationales et leurs relais, en Inde, ou ailleurs. Pensons à ces peuples broyés par la mécanique implacable de la loi des marchés : Les indiens guaranis parqués comme du bétail et qui ne survivent plus qu’en louant leurs bras aux industries d’alcool qui les empoisonnent comme avant eux plus de 90% des indiens d’Amazonie ont déjà disparu. Ailleurs, ce sont Les Bushmen chassés de leur territoire pour faire place aux industries touristiques, Les Aborigènes déplacés de leurs terres ancestrales pour y effectuer des essais nucléaires, les paysans en Europe en Afrique ou ailleurs. Pensons encore aux tibétains dont les autorités chinoises organisent méthodiquement le génocide par l’assimilation, l’acculturation et la terreur policière, pendant que le chef de l’Etat français se fait en Chine le VRP d’une industrie qu’il croit encore nationale.  
    Cette homogénéisation culturelle conduit, précisément, par un significatif phénomène de rétroaction à l’accélération de l’homogénéisation et de la standardisation des paysages. Car les paysages que nous connaissons, en Europe en particulier sont le résultat d’une longue interaction entre les communautés humaines et l’ensemble des autres espèces vivantes qui composent son milieu, comme de la nature de ses sols et de son climat.

    Et parce que l’homme est un être qui intervient sur son milieu, à la diversité des écosystèmes répond la diversité des cultures et des modes de représentation du monde et rétroactivement, à la diversité des modes de représentations du monde répond la diversité des écosystèmes.

    Pour le dire autrement, lorsque les hommes vivent, parlent et pensent différemment, ils interviennent différemment sur leurs milieux, et leurs activités peuvent ainsi contribuer à renforcer la typicité d’un paysage.
    La diversité des cultures participe ainsi de et à la diversité des écosystèmes. En conséquence, dans une vision écologiste qui reconnaît l’humanité comme espèce et comme partie de la nature, la diversité culturelle - et l’organisation spécifique qui lui correspond - sont à la fois une valeur et une nécessité.
    Aujourd’hui, de nombreux penseurs écologistes défendent bien la thèse selon laquelle, un système, en augmentant sa diversité, élargit la gamme des pressions écologiques auxquelles il est capable de faire face. En un mot que la biodiversité accroît la stabilité d’un système en augmentant ses possibilités d’adaptation aux discontinuités qui le menacent.
    Nous dirons plutôt que c’est l’accroissement de la complexité (à ne pas comprendre avec la diversité), qui augmente la stabilité du vivant. Même si, évidemment, la diversité des parties d’un ensemble est la condition sine qua non de sa capacité de complexification. Il faut comprendre le terme « complexe » dans son sens étymologique, « ce qui est tissé ensemble » , non pas les parties différentes d’un conglomérat aléatoire, mais les parties ordonnées d’un système vivant.
    Pour être plus clair, la diversité n’est facteur de stabilité pour les systèmes vivants que si les parties sont complémentaires, homéothéliques c’est-à-dire de simplement différenciées, deviennent « complexes », organisées en écosystème, à l’intérieur duquel ils remplissent tous une fonction compatible avec la préservation de l’écosystème tout entier.
    Jean DORST écrivait « Le maintien de la diversité de la nature et des espèces est la première loi de l’écologie ».
    L’écologie, est une culture qui nous porte à vouloir connaître les lois à l’oeuvre dans le monde afin de mieux penser, de mieux comprendre et donc de mieux agir sur les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Aux antipodes des utopies économiques du XVIIIe, des utopies sociales du XIXE et des utopies politiques du XXe siècle, l’écologie s’oppose à toute réflexion décontextualisée, utopique.
    Pour les écologistes et au contraire des libéraux, l’économie n’est pas une sphère d’activité humaine autonome, fonctionnant selon ses propres lois et pour ses propres fins, indépendamment des nécessités et des lois qui gouvernent tous les autres processus à l’oeuvre dans la nature.
    Nous nous inscrivons en rupture avec l’économisme dans sa prétention à réduire notre rapport aux autres, humains où non, , à une somme d’intérêts matériels, à une marchandise et donc à une quantité de cet équivalent universel qu’est l’argent, et à l’aune duquel on veut saisir, mesurer, maîtriser, réquisitionner, instrumentaliser, la totalité du vivant.
    Évidemment, nous ne nions pas pour autant l’importance et la nécessité des fonctions de production, d’échange et de consommation. Mais ces fonctions restent pour nous indissociables des rapports sociaux, politiques et culturels, bref d’une identité collective dans laquelle elles s’enracinent, se subordonnent et s’harmonisent.
    Ainsi, la fonction économique reste « contextualisée », réaliste, c’est-à-dire insérée dans un espace social, politique, culturel, la Nation, mais aussi plus largement naturel et vivant.  
    Contrairement au libéralisme qui s’appuie sur un corpus scientifique obsolète, l’écologie cherche à établir des lois pour l’organisation des sociétés humaines en s’inspirant et en s’instruisant de l’observation scrupuleuse des lois de la biosphère. L’écologie comme mouvement culturel, consiste en une valorisation a priori de la diversité organisée du vivant (la biocomplexité), cette diversité menacée des espèces, des paysages et des cultures qui font la beauté et la richesse du monde que nous aimons. L’écologie ne consiste pas en une simple succession de revendications à caractère environnemental ou en on ne sait quel projet d’unification planétaire sous les auspices d’une spiritualité de pacotille. Elle est un mouvement de décolonisation intégral qui se propose de mettre fin à la colonisation multiforme (économique, culturelle et technologique) du monde par la civilisation industrielle et l’idéologie libérale pour que reprenne la poursuite de la différenciation et du perfectionnement de la vie sous toutes ses formes.
    Laurent Ozon (Blog politique de Laurent Ozon, 5 juillet 2011)
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  • Petrouchka !...

    Bitru, Le gala des vaches... des titres d'Albert Paraz, grand inconnu des lettres françaises... Anar, ami de Céline, contempteur de la bourgeoisie, tuberculeux, il a tout le profil de l'auteur maudit ! Heureusement, les éditions L'Age d'Homme de Vladimir Dimitrijevic, récemment décédé, se sont attaché au fil des ans à rééditer des oeuvres de cet auteur. Petrouchka, un roman noir à la langue verte, publié en 1952, en fait partie et disponible chez cet éditeur en collection de poche. Le romancier Jérôme Leroy lui a consacré un excellent article sur Causeur.

     

    Petrouchka.gif

    "Il fallait and même que j'aille à la préfecture pour toucher mon mois. Je passais dans les couloirs déserts et longs comme un intestin grêle, avec cette odeur de rat et de flic, indéfinissable. J'entendis crier derrière moi: "Adieu la pastille ! "... et une porte se fermer."

    Ignorant avec la même superbe indifférence les règles de la littérature policière et celles de la ressemblance, Paraz invente un genre nouveau, qu'exploitera plus tard, avec moins de talent mais plus de succès, Frédéric Dard dans la série des San Antonio. Roman sans queue (si on ose dire!) ni tête, désinvolte et libertaire, Une fille du Tonnerre (première partie du Pétrouchka) mélange fiction et réalité, érotisme et humour, actualité et érudition, personnages romanesques et réels: on croise ainsi un amateur de pornographie distingué nommé Michel Simon, et un écrivain grabataire, un certain Albert Paraz, qui se fait engueler par sa créature, Félix Gorin: "T'as un sacré culot de me traiter d'obsédé. Tu sors le soir et tu vas enfiler n'importe quoi, les dominicaines derrières la chapelle de Matisse. Une nuit tu t'es gourré, t'as sauté sur le curé, une autre fois, ça a été un bouc. Pourquoi la chapelle, et pourquoi un bouc ? "

     

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  • Quand 15 000 milliards de dollars partiront en fumée !...

    Nous reproduisons ci-dessous le dernier communiqué du GlobalEurope Anticipation Bulletin, la lettre confidentielle du Laboratoire européen d'anticipation politique...

     

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    Dernière alerte avant le choc de l'Automne 2011 : Quand 15.000 milliards USD d'actifs financiers partiront en fumée
     
    Le 15 Décembre 2010, dans le GEAB N°50, l'équipe de LEAP/E2020 anticipait l'explosion des dettes publiques occidentales pour le second semestre 2011. Nous décrivions alors un processus qui partirait de la crise des dettes publiques européennes (1) pour mettre ensuite le feu au cœur du système financier mondial, à savoir la dette fédérale US (2). Et nous voici, avec ce GEAB N°56, à l'orée du second semestre 2011, avec une économie mondiale en plein désarroi (3), un système monétaire global de plus en plus instable (4) et des places financières qui sont aux abois (5), tout cela malgré les milliers de milliards d'argent public investis pour éviter précisément ce type de situation. L'insolvabilité du système financier mondial, et au premier chef du système financier occidental, revient à nouveau sur le devant de la scène après un peu plus d'une année de politiques cosmétiques visant à noyer ce problème fondamental sous des tombereaux de liquidités.

    Nous avions estimés en 2009 que la planète comptait environ 30.000 milliards USD d'actifs-fantômes. La moitié à peu près s’est envolée en fumée en six mois entre Septembre 2008 et Mars 2009. Pour notre équipe, c'est maintenant au tour de l'autre moitié, les 15.000 milliards d'actifs-fantômes restants, de s'évanouir purement et simplement entre Juillet 2011 et Janvier 2012. Et cette fois-ci, les dettes publiques seront de la partie également, contrairement à 2008/2009 où ce sont essentiellement les acteurs privés qui avaient été touchés. Pour prendre la mesure du choc qui se prépare, il est utile de savoir que même les banques américaines commencent à réduire leur utilisation des Bons du Trésor US pour garantir leurs transactions, par crainte des risques croissants pesant sur la dette publique US (6).

    Pour les acteurs de la planète financière, le choc de l'Automne 2011 va ainsi correspondre au sens littéral au fait de sentir le sol se dérober sous leurs pieds, puisque c'est bien le socle du système financier mondial, le Bon du Trésor US, qui va s'enfoncer brutalement (7).
     


     

    Evolution de la dette fédérale US et projections (2000-2016) (en Milliards USD) - Sources : US Treasury / Berruyer / GEAB, 06/2011
    Evolution de la dette fédérale US et projections (2000-2016) (en Milliards USD) - Sources : US Treasury / Berruyer / GEAB, 06/2011
    Dans ce GEAB N°56, nous abordons les deux aspects les plus dangereux de ce choc de l'Automne 2011, à savoir :
    . le mécanisme de détonateur des dettes publiques européennes
    . le processus d'explosion de la bombe US en matière de dettes publiques.

    Parallèlement, dans ce contexte d'accélération du rééquilibrage des rapports de force planétaire, nous présentons l'anticipation d'un processus géopolitique fondamental concernant la tenue d'un sommet Euro-BRICS d'ici 2014.

    Enfin, nous concentrons nos recommandations sur les moyens d'éviter de faire partie de ces 15.000 milliards d'actifs-fantômes qui vont s'envoler en fumée dans les prochains mois, avec une mention toute particulière pour l’immobilier résidentiel occidental dont l’effondrement des prix que nous anticipons pour 2015 commence en fait dès 2012.

    Dans le communiqué public du GEAB N°56, nous présentons une partie de l'anticipation sur le mécanisme de détonateur des dettes publiques européennes.
     


     

    Composition du bilan de la Banque Centrale Européenne (rouge : titres adossés à des actifs / bleu clair : bons du secteur public / vert : titres bancaires / bleu foncé : titres d'autres entreprises / beige : autres) - Sources : Spiegel / BCE, 05/2011
    Composition du bilan de la Banque Centrale Européenne (rouge : titres adossés à des actifs / bleu clair : bons du secteur public / vert : titres bancaires / bleu foncé : titres d'autres entreprises / beige : autres) - Sources : Spiegel / BCE, 05/2011
     
     

    Le mécanisme de détonateur des dettes publiques européennes

    Les opérateurs financiers anglo-saxons jouent aux apprentis-sorciers depuis maintenant une année et demie et les premiers titres du Financial Times en Décembre 2009 sur la crise grecque devenue rapidement une soi-disant « crise de l'Euro ». Nous ne reviendrons pas sur les péripéties de cette formidable manipulation de l'information (8) orchestrée depuis la City de Londres et Wall Street puisque nous y avons déjà consacré de nombreuses pages dans plusieurs GEAB tout au long de cette période. Contentons-nous de constater que dix-huit mois plus tard, l'Euro se porte bien alors que le Dollar continue sa descente aux enfers par rapport aux grandes devises mondiales ; et que tous ceux qui ont parié sur la dislocation de la zone Euro ont perdu beaucoup d'argent. Comme nous l'avions anticipé la crise favorise l'émergence d'un nouveau souverain, l'Euroland, qui permet aujourd'hui à la zone Euro d'être bien mieux préparée que le Japon, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni (9) au choc de l'Automne 2011 … même si elle est en train de jouer un rôle de détonateur en la matière, bien malgré elle. Le « bombardement » (car il faut bien appeler les choses par leur nom) (10), entrecoupé de pauses de quelques semaines (11), auquel est soumis l'Euroland depuis tout ce temps, a en fait eu trois effets majeurs consécutifs, très éloignés pour deux d'entre eux des résultats escomptés par Wall Street et la City :

    1. Dans un premier temps (Décembre 2009 – Mai 2010), elle a fait disparaître le sentiment d'invulnérabilité de la devise européenne tel qu'il s'était constitué en 2007/2008, en introduisant le doute sur sa pérennité et surtout en relativisant l'idée que l'Euro était l'alternative naturelle au Dollar US (voire son successeur).

    2. Puis, dans un deuxième temps (Juin 2010 – Mars 2011), elle a amené les dirigeants de l'Euroland à mettre en chantier à « très grande vitesse » toutes les mesures de sauvegarde, de protection et de renforcement de la monnaie unique (mesures qui auraient dû être prises il y a déjà de nombreuses années). Ce faisant elle a redynamisé l'intégration européenne, replacé à la tête du projet européen le noyau fondateur, et marginalisé le Royaume-Uni en particulier (12). Parallèlement elle a stimulé un soutien de plus en plus appuyé à la monnaie européenne de la part des BRICS, Chine en-tête, qui après un moment de flottement se sont rendus compte de deux choses fondamentales : d'une part les Européens agissaient sérieusement pour faire face au problème ; et d'autre part, au vu de l'acharnement anglo-saxon, l'Euro était sans aucun doute un instrument essentiel pour toute tentative de sortie du « monde Dollar » (13).

    3. Enfin, actuellement (Avril 2011 – Septembre 2011), elle conduit la zone Euro à entreprendre de toucher aux sacro-saints investisseurs privés afin de les mettre à contribution pour résoudre le problème grec via notamment des extensions « volontaires » des délais de remboursement (ou toute autre forme de coupe dans les profits escomptés) (14).

    Comme on peut l'imaginer, si le premier impact était bien l'un des objectifs poursuivis par Wall Street et la City (outre le fait de détourner l’attention des problèmes massifs du Royaume-Uni et des Etats-Unis), les deux autres en revanche sont des effets totalement contraires au but recherché : affaiblir l'Euro et réduire son attractivité mondiale.

    Surtout qu'une quatrième séquence se prépare qui va voir, d'ici le début 2012 (15), le lancement d'un mécanisme d'Eurobonds, permettant de mutualiser une partie des émissions de dettes des pays de l'Euroland (16), ainsi que l'inévitable pression politique croissante (17) à augmenter la part de la contribution privée dans ce vaste processus de restructuration (18) de la dette des pays périphériques de la zone Euro (19).
     


     

    Evolution de la dette grecque et de sa composition (2011-2015) (en Milliards €) (rouge : dette arrivant à échéance ; vert : déficit budgétaire ; violet : prêts UE ; marron : prêts FMI ; bleu : autre) - Sources : Le Figaro / SG CIB, 05/2011
    Evolution de la dette grecque et de sa composition (2011-2015) (en Milliards €) (rouge : dette arrivant à échéance ; vert : déficit budgétaire ; violet : prêts UE ; marron : prêts FMI ; bleu : autre) - Sources : Le Figaro / SG CIB, 05/2011
    Et avec cette quatrième séquence on entre dans le cœur du processus de contagion qui va faire exploser la bombe de l'endettement fédéral US. Car, d'une part, en créant un contexte médiatique et financier mondial ultra-sensibilisé aux questions d'endettement public, Wall Street et la City ont rendu visible l'ampleur insoutenable des déficits publics US, britannique et japonais (20). Cela a même obligé les agences de notation, fidèles chiens de garde des deux places financières, à se lancer dans une folle course à la dégradation des notes des Etats. C'est pour cette raison que les Etats-Unis se retrouvent maintenant sous la menace d'une dégradation, comme nous l'avions anticipé, alors même que cela paraissait impensable à la plupart des experts il y a seulement quelques mois. Et parallèlement, le Royaume-Uni, la France, le Japon, … se retrouvent également dans le collimateur des agences (21).

    Rappelons-nous que ces agences n'ont jamais rien anticipé d'important (ni les subprimes, ni la crise mondiale, ni la crise grecque, ni le Printemps arabe, …). Si elles dégradent à tout va aujourd'hui, c'est qu'elles sont prises à leur propre jeu (22). Il n'est plus possible de dégrader A sans toucher à la note de B si B n'est pas en meilleure situation. Les « présupposés » sur le fait qu'il est impossible à tel ou tel Etat de faire défaut sur sa dette n'ont pas résisté à trois ans de crise : c'est en cela que Wall Street et la City sont tombés dans le piège qui guette tous les apprentis-sorciers. Ils n'ont pas vu qu'il leur serait impossible de maîtriser cette hystérie entretenue autour de la dette grecque. Ainsi aujourd'hui, c'est au Congrès US, dans le cadre du violent débat sur le plafond d'endettement et les coupes budgétaires massives, que se développent les conséquences des articles manipulateurs de ces derniers mois sur la Grèce et la zone Euro. Encore une fois, notre équipe ne peut que souligner que si l'Histoire a un sens, c'est indéniablement celui de l'ironie.

     


     

    Evolution de la production industrielle en Chine (rouge) et en Inde (vert) (2006-2011) - Source : Marketwatch / Factset China / India Stats, 06/2011
    Evolution de la production industrielle en Chine (rouge) et en Inde (vert) (2006-2011) - Source : Marketwatch / Factset China / India Stats, 06/2011
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    Notes:

    (1) Y compris le fait que les investisseurs privés (notamment les banques) seraient mis à contribution pour résoudre le problème de la dette grecque.

    (2) Sans oublier bien sûr les dettes des collectivités locales américaines.

    (3) Les Etats-Unis repartent en récession. L'Europe ralentit tout comme la Chine et l'Inde. L'illusion d'une reprise mondiale est désormais bien terminée. C'est d'ailleurs cette situation très inquiétante qui explique pourquoi les grandes entreprises accumulent de la trésorerie : elles ne veulent pas se retrouver comme en 2008/2009 dépendantes de banques elles-mêmes en panne de liquidités. Selon LEAP/E2020, les PME et les particuliers devraient utilement méditer cette situation. Source : CNBC, 06/06/2011

    (4) James Saft, éditorialiste de renom pour Reuters et le New York Times, en est même au point de souhaiter « bon vent à l'hégémonie du Dollar ». Source : Reuters, 19/05/2011

    (5) Les bourses savent que la « fête » est finie avec la fin du Quantitative Easing US et le retour de la récession. Et les opérateurs financiers ne savent plus comment trouver des placements profitables et pas trop risqués.

    (6) Source : CNBC/FT, 12/06/2011

    (7) Même l'Arabie saoudite s'inquiète désormais publiquement par la bouche du Prince AlWaleed qui évoque la « bombe de la dette US ». Source : CNBC, 20/05/2011

    (8) Dernier exemple en date : la manifestation anti-austérité du 04/06 à Athènes qui a péniblement rassemblé moins de 1.000 manifestants alors que les médias anglo-saxons ont à nouveau titré sur cette preuve de rejet de la population grecque … évoquant des milliers de manifestants. Sources : Figaro, 05/06/2011 ; Financial Times, 05/06/2011 ; Washington Post, 06/06/2011

    (9) Le Telegraph du 07/06/2011 nous apprend par exemple que depuis les années 1980, le Royaume-Uni a dépensé 700 Milliards £ de plus qu'il n'a gagné. Une bonne partie de cette somme entre dans les 15.000 Milliards d'actifs-fantômes qui vont disparaître prochainement.

    (10) On peut constater l'épuisement du discours sur la "fin de l'Euro" par le fait que Wall Street en est réduit à faire intervenir régulièrement désormais Nouriel Roubini pour tenter de crédibiliser cette fable. Le pauvre Roubini, dont les travaux d'anticipation n'ont ni prévu la crise mondiale ni jamais dépassé six mois, se voit réduit à devoir prévoir la "fin de l'Euro" d'ici cinq ans, ou au moins une réforme fondamentale de la zone Euro pouvant d'ailleurs aboutir à une intégration européenne renforcée. Nous citons l'auteur d'après sa récente intervention dans un congrès à Singapour reprise dans le Figaro du 14/06/2011. Donc, si on résume la prédiction de Nouriel Roubini, il y aurait une fin de l'Euro d'ici 5 ans sauf si en fait l'Euro se retrouve renforcé via la mise en place définitive d'un "nouveau souverain", l'Euroland. Quelle anticipation ! Au-delà de l'effet d'annonce racoleur, cela consiste à dire que d'ici cinq ans (durée infiniment longue en temps de crise, et Roubini parlait d'échéances beaucoup plus rapprochées il y a encore quelques mois), il peut se passer une chose ou son contraire. Merci Docteur Roubini ! C'est difficile d'essayer de faire de la prospective et de travailler pour Wall Street en même temps. Enfin, il faut ce qu'il faut pour essayer de convaincre (en vain) les Asiatiques de ne pas vendre les actifs en Dollars au profit de ceux en Euro.

    (11) Quand les experts et médias anglo-saxons ne peuvent vraiment plus rien inventer pour légitimer de garder « la crise de l'Euro » en une.

    (12) Mais aussi la Suède dont les élites continuent à vivre dans le monde d'après 1945, celui où elles ont pu s'enrichir en profitant des problèmes du reste du continent. A propos du Royaume-Uni, la City continue à tenter en vain d'éviter de passer sous le contrôle des autorités européennes comme nous l'apprend cet article du Telegraph du 30/05/2011. Le plus amusant dans cet article est l'image retenue par le journal : un drapeau européen en lambeaux. Pourtant c'est bien la City qui est en train de perdre son indépendance historique au profit de l'UE et pas le contraire. C'est une illustration flagrante de l'impossibilité de comprendre les évènements qui se déroulent en Europe en passant par les médias britanniques, même quand il s'agit du Telegraph, excellent par ailleurs en ce qui concerne sa couverture de la crise.

    (13) D'où leur motivation à acheter la dette de l'Euroland. Source : Reuters, 26/05/2011

    (14) Sources : YahooActu, 13/06/2011 ; DeutscheWelle, 10/06/2011 ; Spiegel, 10/06/2011

    (15) La crise ne permettra pas à l'Euroland d'attendre 2013, date prévue pour réviser le système adopté en Mai 2010, pour trancher ce débat.

    (16) Diverses formules sont à l'étude mais les plus probables s'organisent toutes autour d'un système d'émission de dette publique à deux niveaux : une émission bénéficiant de la signature commune de l'Euroland (et donc de taux très bas) pour un montant allant jusqu'à un pourcentage maximum du PIB de chaque Etat (40%, 50%, 60% … aux dirigeants de l'Euroland de choisir) ; au-delà de ce seuil, les émissions ne sont plus garanties que par la seule signature de l'Etat concerné, impliquant des taux rapidement très élevés pour les élèves les moins sérieux de la classe.

    (17) A ce sujet, il est regrettable que les médias internationaux s'intéressent plus aux quelques milliers de manifestants grecs (voir plus loin dans ce numéro du GEAB un exemple flagrant des différences immenses entre chiffres réels et chiffres des médias anglo-saxons) censés incarner le refus de l'austérité européenne et la faiblesse de la zone Euro, plutôt qu'à l'attente réelle des Grecs dont cette lettre ouverte des intellectuels grecs qui accusent non pas l'Euroland mais leurs propres élites politiques et financières d'être incapables de respecter leurs engagements et appellent à la mise à niveau du système politico-social grec avec celui du reste de l'Euroland. Source : L'Express, 09/06/2011

    (18) A propos du mot « restructuration » sur lequel délirent à longueur d'articles ou d'émissions les économistes et financiers en tous genres, notre équipe souhaite apporter une précision limpide de simplicité : il est évident qu'une partie de la dette grecque appartient à ces 15.000 milliards d'actifs-fantômes qui vont s'évaporer dans les mois à venir. Peu importe le mot utilisé, « restructuration », « défaut », …, comme nous l'avions indiqué dans des GEAB précédents, l'Euroland organisera un processus qui fera perdre aux moins puissants ou aux plus exposés des créanciers une partie significative de leurs engagements sur la Grèce. C'est cela qu'on appelle une crise. Et la « raison d'Etat » fonctionne toujours de la même manière. Mais, de toute façon, d’ici là, le problème se sera déplacé vers les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, et plus personne ne prêtera attention au cas grec dont les montants sont ridicules en comparaison : Grèce, 300 milliards EUR ; USA, 15.000 milliards USD.

    (19) Et l'examen prochainement par la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe de recours contre le Fonds de stabilisation européen, s'il ne remettra pas en cause les décisions prises, va accroître la pression en Allemagne pour que le secteur privé soit partie prenante des solutions, c'est-à-dire des pertes. Source : Spiegel, 13/06/2011

    (20) Un calcul très simple permet de prendre la mesure de la différence entre le problème grec actuel et la crise US en préparation : les banques en particulier vont être obligées de prendre en charge entre 10% et 20% du coût de renflouement de la dette grecque, soit entre 30 et 60 Milliards EUR. C'est ce qui "excite" les agences de notation ces jours-ci à propos des banques européennes. L'explosion de la bombe de la dette fédérale US imposera au minimum un coût aux proportions identiques pour les banques et autres détenteurs institutionnels de cette dette. On parle donc dans ce cas (une estimation conservatrice car la nature même de l'utilisation des Bons US impliquera une contribution privée plus importante) de montants compris entre 1.500 et 3.000 milliards USD. C'est cohérent avec notre estimation des 15.000 milliards d'actifs-fantômes qui disparaîtront dans les trimestres à venir.

    (21) Sources : Reuters, 08/06/2011 ; Le Monde, 11/06/2011 ; FoxNews, 30/05/2011

    (22) Et l'une des conséquences de ce jeu, c'est que les Européens se préparent non seulement à encadrer sévèrement les méthodes des agences de notation, mais ils vont tout simplement créer des concurrents aux agences anglo-saxonnes, comme l'ont déjà fait les Chinois dont l'agence Dagong estime que les Etats-Unis sont entrés dans un processus de défaut sur leur dette. En perdant le monopole de la mesure du risque, Wall Street et la City vont ainsi perdre leur aptitude à faire ou défaire les fortunes. Sources : CNBC, 02/06/2011 ; YahooNews, 10/06/2011
     


     

    Mercredi 15 Juin 2011



     

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