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Métapo infos - Page 1346

  • Les dissidents du XXIe siècle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au nouvelles formes de dissidence en ce début de XXIe siècle...

     

    Snowden-Assange.jpg

    France / Occident : les dissidents du XXIe siècle

    Honneur aux dissidents

    Les dissidents soviétiques avaient bonne presse en Occident dans les années 1970, car ils permettaient d’attaquer l’URSS sur les droits de l’homme – dont l’idéologie commençait à prendre sa forme moderne – et en particulier sur le droit d’émigrer (déjà…). Ils révélaient aussi la réalité cachée du communisme, même si en fait on savait déjà tout depuis Victor Kravtchenko (J’ai choisi la liberté, 1946) et même bien avant.

    On se souvient notamment de V. Boukovski, d’A. Zinoviev, d’A. Ginsburg, des frères Kopelev, ou Medvedev, de L. Pliouchtch et, bien sûr, d’A.Soljenitsyne.

    Les dissidents ont cependant commencé à moins intéresser l’Occident quand, ayant quitté l’URSS, ils ont commencé à déclarer que le « monde libre » n’était pas non plus le paradis. Et plus encore quand ils ont préféré revenir en Russie après la chute du communisme, comme Soljenitsyne, par exemple. Mais tant qu’il s’agissait de mettre en accusation l’Union soviétique, l’Occident souhaitait la bienvenue aux dissidents. Mais aujourd’hui les rôles se sont inversés.

    Le phénomène de dissidence marque l’usure d’un système

    L’apparition de la dissidence montre qu’un système touche à sa fin.

    Le phénomène de dissidence correspond au fait qu’un jour, et d’une façon imprévisible, des personnes du système décident de ne plus jouer le jeu en acceptant, en outre, d’en supporter personnellement les conséquences. Ce qui signifie qu’ils ne croient plus au système dans lequel ils vivent et qu’ils n’ont en outre plus peur de vouloir le changer.

    Ainsi, recrutés avant tout parmi les intellectuels et les chercheurs choyés par le régime, les dissidents soviétiques montraient que le mythe communiste ne faisait même plus rêver « l’avant-garde du prolétariat ». Comme le décrit A. Soljenitsyne dans son livre Le Chêne et le Veau, l’existence de la dissidence portait des coups de boutoir répétés sur le régime soviétique d’autant plus redoutables qu’elle provenait de l’intérieur du système lui-même. Comme un jeune veau têtu peut finir par abattre à la longue un vieux chêne.

    Ce phénomène s’est déjà produit dans l’histoire, notamment à la fin de l’Ancien Régime, quand une partie de la noblesse s’est ralliée aux « Lumières ».

    Les dissidents du XXIe siècle 

    La dissidence réapparaît aujourd’hui en Occident.

    Julian Assange, Bradley Manning et Edward Snowden sont en effet des dissidents du XXIe siècle. Et comme leurs homologues soviétiques, ils annoncent que le système occidental se fissure de l’intérieur.

    Bien qu’anglo-saxons, donc issus de la population dominant le système occidental, ces trois dissidents ont décidé un jour, et d’une façon imprévisible, de révéler au monde la réalité cachée de la politique américaine, en faisant la lumière sur les activités secrètes d’écoute des communications mondiales par la NSA auxquelles il participait, pour Snowden, ou en organisant la divulgation de documents diplomatiques ou militaires américains classifiés, pour Assange et Manning, via Wikileaks.

    Ces dissidents ne pouvaient ignorer les risques auxquels ils s’exposaient. Ils les ont pourtant assumés en démontrant par là même qu’ils plaçaient l’exigence de vérité plus haut que leur propre sécurité ou que leur loyauté vis-à-vis du système occidental.

    Leur dissidence porte aussi sur les télécommunications et l’internet : donc sur le cœur du réacteur occidental contemporain et sur le levier principal de sidération des populations.

    Tous les trois sont jeunes, enfin : ce qui montre que la contestation monte des profondeurs du système.

    Comme en URSS

    Le sort des dissidents occidentaux n’a rien à envier à celui des soviétiques. Les dissidents soviétiques ne trouvaient pas asile dans les pays du Pacte de Varsovie. Il en va de même pour les dissidents du XXIe siècle : aucun pays « libre » du bloc occidental – qui croule pourtant sous les « réfugiés » venus de toute la terre – n’a couru le risque de les accueillir et de mécontenter ainsi le « grand frère » américain. Y compris les pays espionnés par la NSA et qui se sont donc montrés pas très rancuniers ! L’oligarchie présente, bien sûr, les dissidents comme des délinquants et des hooligans, comme au temps de l’URSS.

    Manning, qui a déjà passé 1200 jours sous les barreaux, a été condamné à 35 ans de prison, même s’il a évité l’incrimination de « collusion avec l’ennemi » qui lui faisait courir le risque d’emprisonnement à vie. Manifestement, pour la justice militaire américaine le reste du monde s’assimile donc à un territoire ennemi, cela soit dit en passant. Peut-être le retrouvera-t-on un jour pendu dans sa cellule, comme cela arrive parfois en Occident ? Assange, réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres, se trouve sous le coup d’une demande d’extradition et de différentes accusations notamment d’abus sexuel. On a fait aussi circuler la rumeur qu’il se compromettait avec l’extrême droite (Le Monde du 23 août 2013), ce qui correspond en Occident au crime suprême de « contre-révolution » dans le bloc soviétique. Snowden, accusé d’espionnage, de vol et d’utilisation illégale de biens gouvernementaux, n’a pu obtenir que l’asile temporaire en Russie.

    Le goulag médiatique

    Les médias, habituellement si aimables avec les délinquants de toute sorte, n’ont cessé, avec un bel ensemble, de dévaloriser la portée de leurs gestes (ils n’auraient révélé qu’un secret de Polichinelle) ou leur personnalité.

    Manning, que l’on présentait ainsi comme un « jeune homme » un peu dépassé, en a d’ailleurs profité habilement devant le tribunal militaire pour faire adoucir sa peine ! Le goulag médiatique est, certes, plus soft que le goulag soviétique, mais il vise à produire les mêmes effets : réduire au silence et condamner à la mort sociale.

    L’Occident, URSS du XXIe siècle

    Les dissidents se multiplient en réalité en Occident, pour la même raison qu’en Union soviétique. Car on croit de moins en moins aux mensonges idéologiques sur lesquels repose le Système et ses résultats inspirent de plus en plus la défiance.

    Dissidents littéraires qui rejettent la médiocrité et le conformisme, artistes dissidents qui refusent l’art officiel cosmopolite déraciné, dissidents politiques qui ne croient plus aux partis institutionnels, dissidents médiatiques qui ne supportent plus les bobards, dissidents économiques qui préfèrent l’exil au fiscalisme, dissidents moraux qui manifestent contre le mariage homosexuel, dissidents scolaires qui fuient le naufrage de l’école publique, dissidence populaire qui ne fait plus confiance à l’oligarchie, dissidence identitaire contre le grand remplacement programmé des Européens, dissidents contre les fauteurs de guerre occidentaux.

    Malgré la police, malgré le goulag médiatique, malgré la menace économique, la dissidence progresse partout en Occident. Parce que le Système craque de toute part.

    Nous sommes tous des Assange, des Manning et des Snowden !

    Michel Geoffroy (Polémia, 15 septembre 2013)

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  • Le maître et l'action...

    Les éditions Armand Colin publient cette semaine Charles Maurras - Le maître et l'action, une biographie du penseur du nationalisme intégral signée par Olivier Dard. Professeur d'histoire contemporaine à l'université Paul Verlaine de Metz, Olivier Dard est, en particulier, l'auteur d'un biographie de Bertrand de Jouvenel (Perrin, 2008) ainsi que d'une étude sur l'OAS, Voyage au coeur de l'OAS (Perrin, 2005), et d'une autre consacrée à la synarchie, La synarchie - Le mythe du complot permanent (Perrin, 1998), ces deux dernières ayant été rééditées en poche, chez le même éditeur, dans la collection Tempus.

     

    Charles Maurras.jpg

    " Charles Maurras représente la figure centrale de l'histoire du nationalisme français. Cette biographie permet d'explorer l'histoire de l'extrême-droite à partir de l'affaire Dreyfus dans laquelle Maurras a joué un rôle-clé, et, au-delà de la France, d'éclairer la référence fondamentale qu'il représente pour de nombreux intellectuels et mouvements politiques du premier 20e siècle dont on ne parle pratiquement jamais.
    Elle explore également la raison pour laquelle Maurras a été une référence fondamentale pour de nombreux intellectuels et partis politiques. "

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  • La fabrique de l'impuissance ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré à l'impuissance de la classe politique européenne...

    bertrand renouvin, gouvernance, individualisme, institutions européennes, marcel gauchet,oligarchie, ultralibéralisme

     

    La fabrique de l'impuissance

    Après l’aveuglement volontaire sur l’économie et maintes bévues, l’échec humiliant dans l’affaire syrienne. Faute de pouvoir arrêter maintenant ce cours funeste, essayons une nouvelle fois de comprendre ce qui se passe dans la tête de François Hollande. Il n’y aura pas de réplique efficace, à terme, si nous nous contentons de dénoncer la trahison sociale-libérale et la dérive atlantiste de l’équipe au pouvoir. Le hollandisme n’est qu’une illustration de la crise du Politique qui affecte cruellement les principaux pays de l’Union européenne.

    Dans un entretien récemment publié, Marcel Gauchet apporte sur ce point des explications décisives (1). Nous sommes « sous le règne d’une oligarchie qui tend à s’affranchir des mécanismes démocratiques au nom de la bonne gouvernance économique ». Cet état de fait est une spécificité ouest-européenne car il est intimement lié à l’idéologie et aux mécanismes de l’Union : ceux-ci  tendent à « vider les appareils politiques nationaux de toute substance » et à construire un appareil post-national et post-étatique régulé par le droit et l’économie – celui de la « gouvernance » qui remplacera les gouvernements élus.

    Cette évolution nous est présentée comme une nécessité et même comme une fatalité. Depuis les années cinquante du siècle dernier, le « dépassement des nations » est affirmé comme Loi de l’histoire – une histoire qui trouverait sa fin finale dans le divin marché. Cette version lénifiante du déterminisme historique n’est qu’une vaste foutaise. C’est une volonté collective qui est à l’œuvre, celle des élites européistes qui ont trouvé une formidable combine : tirer tous profits de la présence au gouvernement en se débarrassant des responsabilités qu’implique l’action gouvernementale. Il y a une « impuissance fabriquée », voire « souhaitée » par les principaux artisans de la construction européenne. Cette vérité est difficile à comprendre : les chefs de parti déploient une telle volonté de puissance qu’on espère toujours qu’il en restera quelque chose lorsqu’ils exerceront le pouvoir. Le volontarisme de Nicolas Sarkozy a séduit maints nostalgiques du général de Gaulle et François Hollande eut en 2012 quelques beaux accents avant d’aller plus avant sur la voie des redditions.

    Oh ! bien sûr, au fil des discours, on tente encore de nous vendre le rêve européen. Mais « qui se sent représenté aujourd’hui par le Parlement européen ? Qui peut avoir envie de s’en remettre aux inspirations de Manuel Barroso ? » ; la Cour de justice européenne, « c’est le sommet de l’aberration puisqu’elle prétend faire de la politique avec du droit » et le fédéralisme européen « c’est terminé ». Ces affirmations s’appuient sur des analyses approfondies, aux conclusions parfaitement angoissantes. Ainsi, « l’Union européenne est incapable de penser politiquement la mondialisation : sa logique spontanée est de s’y dissoudre ».

    Les peuples de l’Ouest-européen rejettent cet européisme dissolvant mais cela ne signifie pas que des insurrections populaires dans la rue ou dans les urnes provoqueraient immanquablement une renaissance politique car les peuples sont en proie à de rudes contradictions : on nous offre « la liberté totale de chacun et l’impuissance complète de tous » et nous vivons douloureusement l’individualisme… qui suppose « une socialisation intégrale de l’existence ».

    Marcel Gauchet n’est pas désespéré. La collectivité nationale peut se réaffirmer, l’Europe est à repenser sur le mode de la coopération et de grands hommes politiques pourraient tirer parti de nos contradictions pour le bien public s’ils nous expliquaient clairement comment on peut concilier la liberté individuelle et le projet commun. Ces grands hommes, nous ne les trouvons pas. Les tribuns des deux Fronts désignent d’autres impasses – celle du nationalisme, celle du socialisme hors-sol. Il faut donc à la France une nouvelle génération politique. Elle se formera grâce à ceux qui ont une pensée – une pensée rigoureuse à tous les sens du terme. L’urgence est de faire connaître les livres, les entretiens, les articles qui inspireront, chez quelques-uns, les engagements salvateurs. Il faut Aristote pour qu’il y ait Alexandre.

    Bertrand Renouvin (Blog de Bertrand Renouvin, 22 septembre 2013)

     

    Note :

    (1)    Cf. la revue « Au fait », n° 3, septembre 2013. Pages 62-78.

    Après l’aveuglement volontaire sur l’économie et maintes bévues, l’échec humiliant dans l’affaire syrienne (1). Faute de pouvoir arrêter maintenant ce cours funeste, essayons une nouvelle fois de comprendre ce qui se passe dans la tête de François Hollande. Il n’y aura pas de réplique efficace, à terme, si nous nous contentons de dénoncer la trahison sociale-libérale et la dérive atlantiste de l’équipe au pouvoir. Le hollandisme n’est qu’une illustration de la crise du Politique qui affecte cruellement les principaux pays de l’Union européenne.

    Dans un entretien récemment publié, Marcel Gauchet apporte sur ce point des explications décisives (2). Nous sommes « sous le règne d’une oligarchie qui tend à s’affranchir des mécanismes démocratiques au nom de la bonne gouvernance économique ». Cet état de fait est une spécificité ouest-européenne car il est intimement lié à l’idéologie et aux mécanismes de l’Union : ceux-ci  tendent à « vider les appareils politiques nationaux de toute substance » et à construire un appareil post-national et post-étatique régulé par le droit et l’économie – celui de la « gouvernance » qui remplacera les gouvernements élus.

    Cette évolution nous est présentée comme une nécessité et même comme une fatalité. Depuis les années cinquante du siècle dernier, le « dépassement des nations » est affirmé comme Loi de l’histoire – une histoire qui trouverait sa fin finale dans le divin marché. Cette version lénifiante du déterminisme historique n’est qu’une vaste foutaise. C’est une volonté collective qui est à l’œuvre, celle des élites européistes qui ont trouvé une formidable combine : tirer tous profits de la présence au gouvernement en se débarrassant des responsabilités qu’implique l’action gouvernementale. Il y a une « impuissance fabriquée », voire « souhaitée » par les principaux artisans de la construction européenne. Cette vérité est difficile à comprendre : les chefs de parti déploient une telle volonté de puissance qu’on espère toujours qu’il en restera quelque chose lorsqu’ils exerceront le pouvoir. Le volontarisme de Nicolas Sarkozy a séduit maints nostalgiques du général de Gaulle et François Hollande eut en 2012 quelques beaux accents avant d’aller plus avant sur la voie des redditions.

    Oh ! bien sûr, au fil des discours, on tente encore de nous vendre le rêve européen. Mais « qui se sent représenté aujourd’hui par le Parlement européen ? Qui peut avoir envie de s’en remettre aux inspirations de Manuel Barroso ? » ; la Cour de justice européenne, « c’est le sommet de l’aberration puisqu’elle prétend faire de la politique avec du droit » et le fédéralisme européen « c’est terminé ». Ces affirmations s’appuient sur des analyses approfondies, aux conclusions parfaitement angoissantes. Ainsi, « l’Union européenne est incapable de penser politiquement la mondialisation : sa logique spontanée est de s’y dissoudre ».

    Les peuples de l’Ouest-européen rejettent cet européisme dissolvant mais cela ne signifie pas que des insurrections populaires dans la rue ou dans les urnes provoqueraient immanquablement une renaissance politique car les peuples sont en proie à de rudes contradictions : on nous offre « la liberté totale de chacun et l’impuissance complète de tous » et nous vivons douloureusement l’individualisme… qui suppose « une socialisation intégrale de l’existence ».

    Marcel Gauchet n’est pas désespéré. La collectivité nationale peut se réaffirmer, l’Europe est à repenser sur le mode de la coopération et de grands hommes politiques pourraient tirer parti de nos contradictions pour le bien public s’ils nous expliquaient clairement comment on peut concilier la liberté individuelle et le projet commun. Ces grands hommes, nous ne les trouvons pas. Les tribuns des deux Fronts désignent d’autres impasses – celle du nationalisme, celle du socialisme hors-sol. Il faut donc à la France une nouvelle génération politique. Elle se formera grâce à ceux qui ont une pensée – une pensée rigoureuse à tous les sens du terme. L’urgence est de faire connaître les livres, les entretiens, les articles qui inspireront, chez quelques-uns, les engagements salvateurs. Il faut Aristote pour qu’il y ait Alexandre.

    ***

    (1)    Cf. sur ce blog les chroniques 84, 85, 86 et 87.

    (2)    Cf. la revue « Au fait », n° 3, septembre 2013. Pages 62-78.

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    Après l’aveuglement volontaire sur l’économie et maintes bévues, l’échec humiliant dans l’affaire syrienne (1). Faute de pouvoir arrêter maintenant ce cours funeste, essayons une nouvelle fois de comprendre ce qui se passe dans la tête de François Hollande. Il n’y aura pas de réplique efficace, à terme, si nous nous contentons de dénoncer la trahison sociale-libérale et la dérive atlantiste de l’équipe au pouvoir. Le hollandisme n’est qu’une illustration de la crise du Politique qui affecte cruellement les principaux pays de l’Union européenne.

    Dans un entretien récemment publié, Marcel Gauchet apporte sur ce point des explications décisives (2). Nous sommes « sous le règne d’une oligarchie qui tend à s’affranchir des mécanismes démocratiques au nom de la bonne gouvernance économique ». Cet état de fait est une spécificité ouest-européenne car il est intimement lié à l’idéologie et aux mécanismes de l’Union : ceux-ci  tendent à « vider les appareils politiques nationaux de toute substance » et à construire un appareil post-national et post-étatique régulé par le droit et l’économie – celui de la « gouvernance » qui remplacera les gouvernements élus.

    Cette évolution nous est présentée comme une nécessité et même comme une fatalité. Depuis les années cinquante du siècle dernier, le « dépassement des nations » est affirmé comme Loi de l’histoire – une histoire qui trouverait sa fin finale dans le divin marché. Cette version lénifiante du déterminisme historique n’est qu’une vaste foutaise. C’est une volonté collective qui est à l’œuvre, celle des élites européistes qui ont trouvé une formidable combine : tirer tous profits de la présence au gouvernement en se débarrassant des responsabilités qu’implique l’action gouvernementale. Il y a une « impuissance fabriquée », voire « souhaitée » par les principaux artisans de la construction européenne. Cette vérité est difficile à comprendre : les chefs de parti déploient une telle volonté de puissance qu’on espère toujours qu’il en restera quelque chose lorsqu’ils exerceront le pouvoir. Le volontarisme de Nicolas Sarkozy a séduit maints nostalgiques du général de Gaulle et François Hollande eut en 2012 quelques beaux accents avant d’aller plus avant sur la voie des redditions.

    Oh ! bien sûr, au fil des discours, on tente encore de nous vendre le rêve européen. Mais « qui se sent représenté aujourd’hui par le Parlement européen ? Qui peut avoir envie de s’en remettre aux inspirations de Manuel Barroso ? » ; la Cour de justice européenne, « c’est le sommet de l’aberration puisqu’elle prétend faire de la politique avec du droit » et le fédéralisme européen « c’est terminé ». Ces affirmations s’appuient sur des analyses approfondies, aux conclusions parfaitement angoissantes. Ainsi, « l’Union européenne est incapable de penser politiquement la mondialisation : sa logique spontanée est de s’y dissoudre ».

    Les peuples de l’Ouest-européen rejettent cet européisme dissolvant mais cela ne signifie pas que des insurrections populaires dans la rue ou dans les urnes provoqueraient immanquablement une renaissance politique car les peuples sont en proie à de rudes contradictions : on nous offre « la liberté totale de chacun et l’impuissance complète de tous » et nous vivons douloureusement l’individualisme… qui suppose « une socialisation intégrale de l’existence ».

    Marcel Gauchet n’est pas désespéré. La collectivité nationale peut se réaffirmer, l’Europe est à repenser sur le mode de la coopération et de grands hommes politiques pourraient tirer parti de nos contradictions pour le bien public s’ils nous expliquaient clairement comment on peut concilier la liberté individuelle et le projet commun. Ces grands hommes, nous ne les trouvons pas. Les tribuns des deux Fronts désignent d’autres impasses – celle du nationalisme, celle du socialisme hors-sol. Il faut donc à la France une nouvelle génération politique. Elle se formera grâce à ceux qui ont une pensée – une pensée rigoureuse à tous les sens du terme. L’urgence est de faire connaître les livres, les entretiens, les articles qui inspireront, chez quelques-uns, les engagements salvateurs. Il faut Aristote pour qu’il y ait Alexandre.

    ***

    (1)    Cf. sur ce blog les chroniques 84, 85, 86 et 87.

    (2)    Cf. la revue « Au fait », n° 3, septembre 2013. Pages 62-78.

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    Après l’aveuglement volontaire sur l’économie et maintes bévues, l’échec humiliant dans l’affaire syrienne (1). Faute de pouvoir arrêter maintenant ce cours funeste, essayons une nouvelle fois de comprendre ce qui se passe dans la tête de François Hollande. Il n’y aura pas de réplique efficace, à terme, si nous nous contentons de dénoncer la trahison sociale-libérale et la dérive atlantiste de l’équipe au pouvoir. Le hollandisme n’est qu’une illustration de la crise du Politique qui affecte cruellement les principaux pays de l’Union européenne.

    Dans un entretien récemment publié, Marcel Gauchet apporte sur ce point des explications décisives (2). Nous sommes « sous le règne d’une oligarchie qui tend à s’affranchir des mécanismes démocratiques au nom de la bonne gouvernance économique ». Cet état de fait est une spécificité ouest-européenne car il est intimement lié à l’idéologie et aux mécanismes de l’Union : ceux-ci  tendent à « vider les appareils politiques nationaux de toute substance » et à construire un appareil post-national et post-étatique régulé par le droit et l’économie – celui de la « gouvernance » qui remplacera les gouvernements élus.

    Cette évolution nous est présentée comme une nécessité et même comme une fatalité. Depuis les années cinquante du siècle dernier, le « dépassement des nations » est affirmé comme Loi de l’histoire – une histoire qui trouverait sa fin finale dans le divin marché. Cette version lénifiante du déterminisme historique n’est qu’une vaste foutaise. C’est une volonté collective qui est à l’œuvre, celle des élites européistes qui ont trouvé une formidable combine : tirer tous profits de la présence au gouvernement en se débarrassant des responsabilités qu’implique l’action gouvernementale. Il y a une « impuissance fabriquée », voire « souhaitée » par les principaux artisans de la construction européenne. Cette vérité est difficile à comprendre : les chefs de parti déploient une telle volonté de puissance qu’on espère toujours qu’il en restera quelque chose lorsqu’ils exerceront le pouvoir. Le volontarisme de Nicolas Sarkozy a séduit maints nostalgiques du général de Gaulle et François Hollande eut en 2012 quelques beaux accents avant d’aller plus avant sur la voie des redditions.

    Oh ! bien sûr, au fil des discours, on tente encore de nous vendre le rêve européen. Mais « qui se sent représenté aujourd’hui par le Parlement européen ? Qui peut avoir envie de s’en remettre aux inspirations de Manuel Barroso ? » ; la Cour de justice européenne, « c’est le sommet de l’aberration puisqu’elle prétend faire de la politique avec du droit » et le fédéralisme européen « c’est terminé ». Ces affirmations s’appuient sur des analyses approfondies, aux conclusions parfaitement angoissantes. Ainsi, « l’Union européenne est incapable de penser politiquement la mondialisation : sa logique spontanée est de s’y dissoudre ».

    Les peuples de l’Ouest-européen rejettent cet européisme dissolvant mais cela ne signifie pas que des insurrections populaires dans la rue ou dans les urnes provoqueraient immanquablement une renaissance politique car les peuples sont en proie à de rudes contradictions : on nous offre « la liberté totale de chacun et l’impuissance complète de tous » et nous vivons douloureusement l’individualisme… qui suppose « une socialisation intégrale de l’existence ».

    Marcel Gauchet n’est pas désespéré. La collectivité nationale peut se réaffirmer, l’Europe est à repenser sur le mode de la coopération et de grands hommes politiques pourraient tirer parti de nos contradictions pour le bien public s’ils nous expliquaient clairement comment on peut concilier la liberté individuelle et le projet commun. Ces grands hommes, nous ne les trouvons pas. Les tribuns des deux Fronts désignent d’autres impasses – celle du nationalisme, celle du socialisme hors-sol. Il faut donc à la France une nouvelle génération politique. Elle se formera grâce à ceux qui ont une pensée – une pensée rigoureuse à tous les sens du terme. L’urgence est de faire connaître les livres, les entretiens, les articles qui inspireront, chez quelques-uns, les engagements salvateurs. Il faut Aristote pour qu’il y ait Alexandre.

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    (1)    Cf. sur ce blog les chroniques 84, 85, 86 et 87.

    (2)    Cf. la revue « Au fait », n° 3, septembre 2013. Pages 62-78.

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  • Oméga...

    Les éditions Delcourt viennent de publier Oméga, une nouvelle et distrayante bande-dessinée uchronique de la collection Jour J concoctée par les scénaristes Fred BlanchardFred Duval et Jean-Pierre Pécau et par le dessinateur Maza. Ici, le postulat de départ, original, est que les ligues d'extrême droite ont réussi à faire tomber le régime parlementaire en février 34 et à instaurer un état autoritaire. Autoritaire et fort, puisqu'en réagissant par les armes à la tentative de remilitarisation de la Rhénanie par l'Allemagne, il provoque la chute du régime nazi et l'exil d'Hitler en Amérique du Sud !... On n'évite pas les écueils du politiquement correct, mais on trouve glissées dans l'histoire quelques amusantes pépites. On verra ainsi le rôle que les scénaristes, dans leur intrigue, ont réservé à Simone de Beauvoir...

     

    Oméga.jpg

    " Depuis huit ans, à la suite du coup d'État des ligues d'extrême droite le 6 février 1934, la France a cessé d'être une république et n'a plus qu'un adversaire, la seule démocratie encore existante en Europe : la Grande-Bretagne. L'Europe est au bord du gouffre. La disparition du capitaine Antoine de Saint-Exupéry au-dessus de la Manche risque d'être l'étincelle qui mettra le feu aux poudres. "

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  • Quand la réalité rattrape les donneurs de leçons...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré au clergé de la bien-pensance et à ses turpitudes...

     

    Tartuffe.jpg

    Quand la réalité rattrape les donneurs de leçons...

    " Selon divers besoins, il est une science
    D’étendre les liens de notre conscience
    Et de rectifier le mal de l’action
    Avec la pureté de notre intention "

    Molière, Le Tartuffe, acte IV, scène 5.

    Qu’un criminologue s’intéresse aux crimes et délits, quoi de plus normal ? Et mieux encore, aux infractions commises dans le champ du politique ? Car, bien sûr, la sécurité est surtout politique — là se situe même le pacte fondateur de l’État-nation, entre gouvernants et gouvernés. Souvenons-nous de la formule de Raymond Aron sur le rôle du souverain qui, aux origines de l’État-nation, doit d’abord rendre sa terre « respectée à l’extérieur, en paix à l’intérieur ».

    Or, considérons les gouvernants de la France d’aujourd’hui et le clergé — disons, plutôt, l’Inquisition — dont elle s’est dotée pour imposer sa propre morale à la population : on est frappé par leur proximité avec des affaires, soit sordides, soit criminelles.

    Les gouvernants, d’abord. Trois ministres, et non des moindres — Justice (!), Affaires étrangères et Santé —, ont des rejetons mis en cause ou condamnés pour des crapuleries parfois graves (vol à main armée, etc.). Des drames familiaux dont il est injuste d’accabler ces ministres, dit la presse aux ordres.

    Eh bien non, justement. Car ces ministres défendent, et vigoureusement, la théorie du genre et autres lubies sociétales libertaires, dont le fondement idéologique — cent fois martelé — est que la nature n’est rien, mais que tout tient à la culture et aux « constructions sociales », comme ils disent.

    Comment croire à la fois qu’à sa naissance, l’enfant est une pâte vierge, sans hérédité qui vaille — tout en lui relevant donc forcément d’une éducation dont les parents sont pleinement responsables — et s’exonérer ensuite du fait que cet enfant, par eux éduqué, a mal tourné ? En toute logique, les théories du genre impliquent forcément la responsabilité de l’éducateur, qui ne peut exciper d’un néfaste chromosome venu d’ailleurs, ou de loin.

    Passons au clergé. Il exerce surtout son emprise moralisatrice dans le domaine du racisme, notamment par le biais de l’association SOS Racisme. À propos du racisme, d’abord ceci. Comme jadis les maoïstes, les criminologues ont leur Petit Livre rouge : le Code pénal. Le racisme est une infraction visée par ce code : il n’y a pas à y revenir. Si, dans sa collective sagesse, le corps législatif a fait du racisme une infraction, ainsi soit-il.

    Ce qui pose problème, en revanche, c’est l’utilisation — chantage, disqualification — que des gauchistes grimés en humanistes font de cette infraction. Avant de commettre eux-mêmes, à l’abri de ce rôle moral, une kyrielle de délits. Voyons donc ce que font nos Tartuffes, éternels donneurs de leçons.

    D’abord les Tartuffes violents.

    En 2007, Me Francis Terquem, avocat de SOS Racisme et du MRAP, figure emblématique de la « gauche morale », est accusé par son épouse d’avoir « tenté de l’étrangler avec une laisse de chien ». Il avait été condamné en 2006 pour « escroquerie au jugement ».

    Lilian Thuram, dont l’AFP nous dit ce mois-ci qu’il dirige une fondation contre le racisme et qui, selon la plainte de son amie, l’aurait « agrippée par les cheveux, et poussée contre le réfrigérateur ». Pressions ? L’amie retire bientôt sa plainte et parle d’ « éléments sans gravité » et de « l’estime la plus profonde » qu’elle a pour son ex-compagnon. Rappel historique : déjà à Byzance, s’en prendre à une icône vous valait de sérieux ennuis…

    Ensuite les Tartuffes filous.

    Harlem Désir, « ex-icône antiraciste devenu bon soldat » comme le roucoule Les Échos (19/10/2012), condamné en décembre 1998 pour recel d’abus de biens sociaux – un emploi fictif alors même qu’il dirige SOS Racisme.

    Et Julien Dray, « rappelé à la loi » avec une considérable mansuétude par le procureur de Paris, pour un superbe festival de carabistouilles financières… frais non justifiés… transferts anormaux… encaissement de chèques et restitutions en espèces… flux financiers atypiques… chèques trafiqués… fausses factures… À faire pâlir de jalousie les plus habiles experts ès carambouilles.

    Et — le sort s’acharne — l’ex-secrétaire de M. Dray, Samira Z., mise en examen pour « vol avec arme », le braquage d’une bijouterie de Lorient commis avec son compagnon, braqueur et dealer de stupéfiants.

    Et Faouzi L, « conseiller à l’égalité et à la diversité » de M. François Hollande, poursuivi en décembre 2012 pour « faux et usage de faux ».

    Et Arezki D., autre idole antiraciste, visé puis condamné en septembre 2011 pour « escroquerie, corruption et trafic d’influence » – il vendait des inscriptions universitaires indues à des étudiants étrangers.

    Et l’humoriste, parrain de SOS Racisme, Jean-François D. condamné pour avoir traité de « sale nègre » un agent de sécurité.

    Et Patrick L, fondateur et président du Conseil représentatif des associations noires, poursuivi pour « blanchiment » et « abus de confiance », des mouvements de fonds bizarres avec le World Children’s Fund, objet en 2009 d’une information judiciaire pour « abus de confiance et escroquerie ».

    Arrêtons-nous là, nous lasserions le lecteur. Car, au fond, la méthode est ancienne. Molière, déjà, avec le Tartuffe. Complétons par deux experts de la noirceur de l’âme humaine, Céline et Philippe Muray.

    Céline (Mea culpa) : « Parler morale n’engage à rien ! Ça pose un homme, ça le dissimule. Tous les fumiers sont prédicants ! Plus ils sont vicelards, plus ils causent. »

    Philippe Muray (L’Empire du bien) : « Une seule déclaration philanthrope vous ouvre des paradis fiscaux plus vastes, encore mille fois plus inattaquables que les îles Caïmans ou Panama. »

    Xavier Raufer (Boulevard Voltaire, 21 septembre 2013)

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  • La révolution militaire...

    Les éditions Gallimard viennent de rééditer dans leur collection de poche Folio un essai de Geoffrey Parker intitulé La révolution militaire. Un classique passionnant qui fait du perfectionnement des techniques militaires au travers de la pratique assidue de la guerre le principal moteur de l'expansion européenne.

     

     

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    " La domination du monde par l'Europe du XIXe siècle est chose bien établie. Mais pourquoi et comment ce petit bout de péninsule eurasiatique démuni de ressources naturelles a-t-il pu assurer sa première expansion et affirmer en trois siècles, de 1500 à 1800, sa mainmise sur le tiers de la planète ? Avant sa révolution industrielle, le nerf de l'essor occidental a été sa révolution militaire.
    De cette révolution militaire, Geoffrey Parker rappelle l'importance, analyse les données et pèse le poids respectif de tous les éléments, techniques, stratégiques, tactiques, politiques et mentaux. Au moment où l'expansion rapide des armes à feu transforme le style des opérations offensives et défensives, où se développe l'art des fortifications, où les armées décuplent leurs effectifs et où s'aggravent les répercussions sociales des combats, où les États s'organisent en fonction de la guerre, règlent leurs conflits autant sur mer que sur terre et projettent leurs rivalités sur les autres continents.
    La vraie question sur laquelle débouche ce savant survol n'est pas tant de comprendre pourquoi furent ainsi vaincus les Amérindiens au XVIe siècle, les Indonésiens au XVIIe, les Indiens et les Africains au XVIIIe, mais pourquoi seuls la Corée, la Chine et le Japon purent tenir jusqu'à ce que le vapeur cuirassé et le canon à tir rapide viennent à bout de l'Est asiatique. "

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