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Métapo infos - Page 1220

  • L'homme de la mer Rouge...

    La collection de poche Points vient de rééditer les souvenirs de Henri de Monfreid sous le titre Mes vies d'aventures - L'homme de la mer Rouge. Aventurier, pirate, trafiquant d'armes, et grand admirateur de Mussolini, Henri de Monfreid est l'auteur de nombreux récits d'aventure...

     

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    " « Sa voix précise est faite pour raconter les combats contre les requins, la plongée aux perles, les poissons-fleurs, les mutilations des vaincus… toutes les aventures de ce Français qui voulut vivre une vie de hardiesse, de solitude et de liberté. »

    Joseph Kessel

    De sa naissance à La Franqui jusqu’au jour où il planta son ancre à terre, Henry de Monfreid a traversé un siècle d’aventures : l’appel de la mer, la contrebande, les rivages de la mer Rouge, les régions interdites de la Corne de l’Afrique… Frôlant mille fois la mort, quand d’autres se seraient contentés de rêver, Henry de Monfreid a construit avec passion son destin d’exception. Dans ce journal de bord, tel un conteur oriental, il raconte d’une seule voix ses vies multiples et prodigieuses. "

     

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  • L'enterrement des classes populaires...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le géographe Christophe Guilluy au FigaroVox et consacré aux résultats des élections européenne. Christophe Guilluy est l'auteur d'un essai intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010).

     

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    Christophe Guilluy : «Cyniquement, nos dirigeants ont enterré les classes populaires»

    FigaroVox: Votre travail de géographe a mis en lumière les fractures françaises. Que vous inspire la réforme territoriale? Après la victoire de Marine Le Pen aux élections européennes, celle-ci répond-elle aux véritables enjeux?

    Christophe Guilluy: Lorsqu'on connaît la crise économique, sociale, identitaire que traversent les catégories populaires sur les territoires de la France périphérique, ce débat médiatico-politique sur la bonne échelle régionale paraît totalement anachronique. L'ouvrier à 800 euros par mois qui habite au fin fond de la Normandie se moque de savoir si le duché de Normandie va être reconstitué.

    Après le résultat électoral du 25 mai, lancer un tel débat, c'est dire aux Français, «je ne vous ai pas compris et je ne vous comprendrai jamais!». Pourquoi 14 régions et non pas 6? Si on part du principe que pour être fort, il faut regrouper les régions, je propose de regrouper les 22 régions et d'en faire une méga région qu'on appellerait «la France»!

     

    Quelles sont ces fractures françaises qui minent le territoire et qui selon vous ne sont pas prises en compte par cette réforme?

    Je suis géographe, mais paradoxalement je crois davantage aux gens qu'aux territoires. Cette réforme hors-sol oublie l'essentiel, c'est-à-dire le destin des catégories populaires des pays développés dans la mondialisation. Depuis ces 40 dernières années, ces dernières sont mises à l'écart des territoires et secteurs économiques qui comptent, des zones d'emplois les plus actives.

    Dans un contexte de mondialisation, ce phénomène n'est pas propre à la France, mais touche tous les pays européens ainsi que les Etats-Unis. Aujourd'hui, pour fonctionner, «la machine économique» a besoin de cadres qui travaillent dans des secteurs de pointe et d'immigrés à exploiter dans les services, le tout réunis dans les grandes métropoles. Les autres catégories sont rejetées à la périphérie.

    Si l'on s'arrête aux critères basiques de création de richesses, c'est un système qui fonctionne puisque la France reste la cinquième puissance économique mondiale. Mais les catégories modestes, qui sont majoritaires puisqu'elles pèsent au moins 60% de la population, ne sont pas intégrées économiquement. La société se cristallise autour de cette nouvelle géographie qui provoque l'émergence de fractures politiques. La victoire de Marine Le Pen aux européennes en est la démonstration.

     

    Quel rôle la question de l'immigration joue-t-elle dans ces nouveaux clivages sociaux et territoriaux?

    Les logements sociaux des grandes villes se sont peu à peu spécialisés dans l'accueil des flux migratoires que ces catégories populaires, pourtant éligibles au parc social, cherchent à éviter. A la lisière des métropoles, celles-ci vivent dans des endroits moins valorisés foncièrement. Elles sont de moins en moins mobiles et quand elles sont propriétaires, la valeur de leur bien ne leur permet ni de vendre, ni d'acheter ailleurs. Dans cette insécurité sociale et économique, leur toit et leur «village» restent leurs dernières protections. Du coup, le rapport à l'autre devient fondamental. Car, dans une société multiculturelle où «l'Autre» ne devient pas «soi», les gens ont besoin de savoir combien va être «l'Autre» dans leur village. Ce n'est pas quelque chose de typiquement Français, mais d'universel. Posez la question de «l'Autre» et des flux migratoires dans n'importe quel pays, de la Chine à la Kabylie en passant par le Portugal, la réponse sera toujours la même: «je n'ai pas envie de devenir minoritaire chez moi».

    C'est un ressort essentiel du vote FN et du vote dit populiste partout en Europe. Cela structure complètement la carte électorale et de plus en plus. L'exemple de la Bretagne est particulièrement intéressant. L'idée que les fondamentaux bretons, comme la culture catholique, protégeraient du vote FN est battue en brèche par la réalité. La conjonction de la crise économique et de l'immigration produit les mêmes effets que sur les autres territoires. En revanche, dans les grandes métropoles, le vote FN est moins important car c'est là que se trouvent les gagnants de la mondialisation. Dis autrement, le multiculturalisme à 5000 euros par mois, ce n'est pas la même chose qu'à 500 euros par mois!

     

    Cette réforme ne risque-t-elle pas paradoxalement d'accentuer les déséquilibres et de creuser les lignes de fracture? Ceux qui craignent un morcellement territorial digne du Moyen-âge ont-ils raison?

    Les difficultés sociales dans la France périphérique sont essentiellement prises en charge par les maires et les conseils généraux. C'est un maillage qui est encore efficace, notamment grâce à la connaissance de terrain d'élus locaux capables de faire pression au niveau national pour ramener des services publics. Dans la France périphérique où les catégories populaires se sentent délaissées, la présence d'institutions et de collectivités visibles assure encore une forme d'intégration. En toute «cohérence», avec la disparition des départements, la France des invisibles accoucherait d'institutions invisibles! La boucle serait bouclée! Derrière une réforme qui peut apparaître comme consensuelle, le projet est toujours le même: renforcer les grandes métropoles mondialisée, mais quid des autres territoires. Je pense que cyniquement nos dirigeantes ont enterré les classes populaires depuis longtemps. Peut-être ont-ils pensé qu'elles n'allaient pas se reproduire et qu'ils pourraient faire une société avec des cadres uniquement? Sauf que les gens continuent à vivre, qui plus est assez vieux. La classe politique se trouve donc confrontée à une réalité sociale imprévue et dispersée dans l'espace. N'ayant pas de contre-modèle, elle n'a d'autre choix que de booster économiquement ce qui fonctionne et de faire un peu de redistribution. Le problème c'est qu'avec la dette, cela devient de plus en plus compliqué de redistribuer et les gens commencent à manifester leur colère comme on peut le voir à travers le vote FN ou à travers le mouvement des Bonnets rouges.

     

    Alors, comment rapprocher les métropoles de la périphérie? Cela passe-t-il par davantage de décentralisation ou au contraire par une recentralisation?

    Face à des espaces métropolitains économiquement et politiquement riches et puissants, il faut penser un modèle économique pour les autres territoires. Mais rien ne sera possible sans un renforcement du pouvoir politique de cette France périphérique et le partage d'un diagnostic. Or, les dirigeants actuels, qui pour l'essentiel viennent tous des grandes métropoles, ne veulent pas l'entendre. Pour elles, les classes populaires ne comptent pas. Mais une situation comme celle-là ne sera pas viable très longtemps d'autant plus que ces dernières commencent à saisir qu'elles ne sont pas «quantité négligeable», mais qu'elles sont la majorité. Mécaniquement, on va donc assister à une montée des radicalités sociales et politiques. Sur le long terme, c'est jouer avec le feu.

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  • Regards sur la crise ukrainienne...

    Les éditions L'Age d'Homme viennent de publier dans leur collection Mobiles géopolitiques un ouvrage collectif dirigé par Thomas Flichy de la Neuville et intitulé Ukraine - Regards sur la crise. Professeur à l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux et à l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, Thomas Flichy de la Neuville est historien du droit et spécialiste de la diplomatie au XVIIIe  siècle et a récemment publié L'Iran au-delà de l'islamisme (Aube, 2013).

     

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    " Alors que la crise ukrainienne bat son plein, une petite équipe internationale composée d'experts de l'Asie centrale, officiers, universitaires, cadre du secteur privé et hauts fonctionnaires, livre une première analyse sur un enjeu éminemment complexe.

    Les tensions ukrainiennes actuelles sont inséparables des relations ambivalentes entre la Russie et son voisin méridional. Sous l'effet des invasions,la capitale de la Russie a, en effet connu une translation de Kiev à Moscou. Si les élites kiéviennes furent chargées par le Tsar d'"européaniser" la Russie au XVIIIe  siècle, l'ancien centre culturel est aujourd'hui devenu une périphérie divisée. Or la Russie a appris du conflit géorgien de 2008 que l'usage de la force militaire lui permettait d'atteindre rapidement ses objectifs de politique étrangère avec un coût stratégique faible. Alors qu'elle favorise depuis plusieurs années la construction de grandes infrastructures de transport de gaz vers l'Europe en contournant l'Ukraine, la Russie tâche aujourd'hui de conserver son influence sur la périphérie ukrainienne. Or l'enjeu ukrainien est autant symbolique que géopolitique. Autant que l'accès aux mers chaudes ou que la compétition gazière avec les États-Unis, la Russie souhaite préserver au travers du conflit ukrainien, la nouvelle image de sa puissance.
    C'est pour cette raison que l'Ukraine, tiraillée entre deux politiques antagonistes, est aujourd'hui placée au centre de l'attention médiatique. "

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  • Embargo américain : ce que révèle l'affaire BNP Paribas...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Jean-Michel Quatrepoint, cueilli sur Xerfi Canal et consacré à l'affaire de l'amende de plusieurs milliards de dollars que la justice américaine menace d'infliger à la banque BNP Paribas pour avoir violé divers embargos décrétés unilatéralement par les Etats-Unis...

     

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  • Requiem pour un empire défunt...

    Les éditions Perrin viennent de rééditer dans leur collection de poche Tempus le superbe ouvrage de François Fejtö intitulé Requiem pour un empire défunt, initialement paru en 1988. Né dans la partie hongroise de l'empire austro-hongrois, François Fejtö s'est réfugié en France après la seconde guerre mondiale et y a mené une carrière de journaliste spécialisé dans les pays de l'est. Il est notamment l'auteur d'une Histoire des démocraties populaires.

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    " Dans un style éblouissant, François Fejtö raconte et dissèque les causes de l'écroulement de l'Autriche-Hongrie, dont la disparition en 1918 a selon lui entraîné l'Europe centrale dans la longue nuit des totalitarismes nazi puis soviétique. Pour ce faire, le grand historien dresse une histoire à rebours des idées recues de la double-monarchie jusqu'en 1914 avant de s'attacher aux causes directes de la première Guerre Mondiale et au déroulement du conflit jusqu'à son terme. Conglomérat de peuples disparates, l'Empire avait su bâtir un modèle original et fédérateur, garant de l'équilibre européen à l'image de son empereur emblématique François-Joseph dont la figure tutélaire fut loué par des écrivains comme Joseph Roth ou Stefan Zweig. Sa désagrégation résulte de la volonté déterminée des Alliés,en particulier de Clemenceau, sous l'influence des exilés tchèques Masaryk et Benes. Elle ouvrit la boîte de Pandore des rivalités nationalistes au cœur de nouveaux Etats (Tchécoslovaquie et Yougoslavie notamment) édifiés par les vainqueurs sans tenir compte des aspirations des peuples. A l'Empire pacifique et arbitre succédaient des pays factices, minés par la question des nationalités que Wilson et Clemenceau avaient prétendu résoudre en mettant à bas L'Empire séculaire. Cette grande leçon d'histoire, qui se lit comme un roman, est présentée par Maurizio Serra, diplomate et historien italien, qui connaissait bien l'auteur avec lequel il avait réalisé un livre d'entretien. " Livre d'historien que ce Requiem pour un empire défunt, mais d'historien engagé. Livre d'érudit, mais aussi essai combatif, puisque à l'encontre de la thèse la plus courante, François Fejtö récuse le terme de désagrégation, qui implique que l'empire est mort de maladie, et lui préfère le mot de destruction, qui implique que l'empire a été assassiné. " (A Finkielkraut) "

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  • La situation après les élections du 25 mai...

    Nous avons cueilli sur RussEurope un entretien donné par l'économiste hétérodoxe Jacques Sapir au site italien Antidiplomatico et consacré aux résultats des élections européennes...

     

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    La situation après les élections du 25 mai

    Aux élections européennes du 25 mai, c’est de France qu’est arrivé à Bruxelles  le message le plus fort avec le Front national comme premier parti du Pays et son programme qui demande clairement la sortie de l’Euro. Il s’agit d’un véritable tremblement de terre comme l’a défini le premier Ministre Manuel Valls. D’après vous qu’est-ce qui a poussé les Français à faire ce choix ?

     

    Le choix des français s’est fait pour de nombreuses raisons lors de ces élections. Certaines tiennent à la nature du processus dit de construction européenne. Il est clair que pour beaucoup, voter pour le Front National c’était envoyer le message le plus clair à Bruxelles que l’on refusait tant l’Euro que l’UE. De ce point de vue, si d’autres partis, comme le Front de Gauche, avaient eu des positions plus claires, et plus compréhensibles, le résultat aurait pu être un peu différent. Les progrès réalisés par le parti « gaulliste » Debout la République, qui a presque atteint les 4% des votes est symptomatique de ce qu’un discours clair est immédiatement porteur dans ce contexte.

     

    D’autres raisons tiennent à la situation particulière qu’il y a aujourd’hui en France. Il y a en particulier une montée de l’exaspération contre la politique d’un gouvernement, et d’un Président, qui défait aujourd’hui ce que près de quarante années de luttes sociales avaient construit. Ici encore, à tort ou à raison, le Front de Gauche n’a pu recueillir la part qui était logiquement la sienne dans ce vote d’exaspération en raison de position peu lisibles par l’électorat. Pourtant, la sanction par rapport au vote PS a été très claire et l’effondrement de la popularité de François Hollande le confirme.

     

    Enfin, il y a un vote d’adhésion aux thèmes développés depuis maintenant un peu plus de trois ans par le Front National. Dans ces thèmes, il ne faut pas sous-estimer (ni sur-estimer d’ailleurs) un sentiment si ce n’est de xénophobie mais en tous les cas de lassitude face à l’immigration telle qu’elle se développe aujourd’hui. Pour de nombreux français aux revenus très modestes, les nouveaux arrivants sont en concurrence directe avec eux sur de nombreux points (comme l’obtention de logements ou la santé). Je remarque d’ailleurs que de nombreux français issus de l’immigration des années 1960 à 1980 ont voté Front National. Il suffit d’analyser le vote quartier par quartier pour le voir. Ainsi, dire que ce vote est un vote « raciste » est une idiotie complète, même s’il y a des racistes au Front National, comme il y en a d’ailleurs dans d’autres partis, hélas. Mais, on a mal mesuré le sentiment de vulnérabilité des française des classes populaires à l’arrivée de la vague actuelle d’immigration. Très souvent ce sont des anciens immigrés, naturalisés français, qui se sont intégrés dans la société française, et qui considèrent que les nouveaux arrivants ont plus de droits qu’eux ou mettent en cause les mêmes budgets sociaux sur lesquels ils ont des avantages. Ce phénomène explique le basculement vers le vote Front National des Français les plus modestes.

     

    De ce point de vue, les manifestations des jeunes lycéens et étudiants, guère plus de quelques milliers pour toute la France, ont été très symptomatiques. Dans le cas de la manifestation de Paris, qui a été la plus importante, vous aviez presque uniquement des « blancs » et des « bourgeois ». Il n’y avait pratiquement pas de jeunes issus des lycées professionnels. Aujourd’hui la « protestation » contre le vote FN ne se manifeste que dans les classes supérieures de la société et c’est sans doute cela le véritable « tremblement de terre ».

     

    Le prochain Parlement européen accueillera trois groupes qui se sont opposés dans leurs campagnes électorales aux politiques de Bruxelles, Berlin et Francfort, avec à leur tête :  Marine Le Pen,  Nigel Farage et pour la gauche A. Tsipras. Réussiront-ils à créer un bloc d’opposition compact pour empêcher la technocratie européenne de continuer dans son projet d’austérité ?

     

     

    Je ne crois pas. Je ne sais pas si le Front National va réussir à constituer un groupe au Parlement Européen, mais il est clair qu’il y a trop de différences entre le FN, UKIP ou Syriza. En un sens, ceci vérifie le fait qu’il n’y a pas de peuple européen et que la dimension nationale du vote est toujours prééminente. Après, il est possible qu’au moment des votes des alliances se réalisent, et ceci est même à souhaiter.

     

     

    Le PPE et le PSE seront obligés de tomber les masques du rôle de la fausse opposition  et finiront, comme c’est le cas dans différents pays, par se coaliser pour former la prochaine Commission. Ne craignez-vous pas que ces « ententes européennes élargies » ne favorisent une ultérieure perte de souveraineté nationale, sans tenir compte du cri de détresse qu’ont lancé les peuples européens ?

     

    Je crains qu’hélas ce cri de détresse ne soit pas entendu, parce que les partis du PPE et du PSE ont systématiquement ignorés les réactions et les réticences des peuples depuis maintenant près de 25 ans. Nous aurons une coalition pour faire du Parlement Européen une chambre d’enregistrement de décisions technocratiques prises par la commission.

     

     

    D’après vous, quels sont les premières mesures que les nouveaux groupes eurosceptiques qui se sont créés au Parlement européen devraient proposer dans les trois mois ?

     

    Si une alliance est possible, elle devrait se faire autour des mots d’ordres suivants. Tout d’abord, interruption des négociations avec les Etats-Unis du traité de libre-échange transatlantique. C’est un traité léonin, qui va contribuer encore plus au démantèlement du modèle social européen. On a aujourd’hui la preuve que la politique des Etats-Unis est extraordinairement agressive contre l’Europe et les européens. Ensuite, ces partis devraient s’entendre pour refuser toute mesure aggravant les politiques d’austérité qui sont aujourd’hui mises en œuvre en Europe. Sur cette base, il est même possible que des alliances de circonstances soient possibles avec le groupe des « Verts », voire avec certains membres du PSE.

     

     

    La propagande pré-électorale des gouvernements au pouvoir et de Bruxelles        voulait nous rassurer sur la situation économique actuelle, toutefois les économies   de l’Italie, de la Hollande et du Portugal se sont contractées et la France est dans une situation de stagnation. De surcroît, la zone euro est dans une situation de basse inflation – déflation pour de nombreux pays – qui rend de moins en moins soutenable la trajectoire débit/PIB. Dans un tel contexte, pensez-vous que la zone euro risque de connaître une nouvelle crise qui pourrait remettre en question les outils créés ou bien que  «  le pire est derrière nous »  comme on nous le dit ?

     

    Le risque d’une nouvelle crise est d’ores et déjà présent. C’est cela qui obligé M. Mario Draghi, le Président de la Banque Centrale Européenne à agir le 5 juin. Mais, les limites de son action montrent aussi son impuissance de fond. Les seules choses qu’il a pu faire ont été d’introduire un taux négatif sur les dépôts et de mettre en place un nouveau LTRO (1) au profit des banques pour un montant de 400 milliards d’euros, au moment d’ailleurs où il faudra rembourser le premier. Ce n’est absolument pas l’équivalent du « quantitative easing » de la réserve fédérale. On sait que les taux négatifs ont une efficacité plus que limitée. Quand au LTRO, il y en avait déjà eu un en 2012. Il est donc intéressant de regarder comment a réagi le taux de change entre l’Euro le Dollar. Le 5 juin au matin, il était tombé à 1,35 USD pour 1 Euro. Il est remonté à 1,36 dès le soir. C’est la preuve que Draghi n’a plus cette capacité qu’il avait il y a deux ans de charmer les marchés. Ces derniers veulent du tangible. Mais, cela, Draghi ne peut le faire sans un conflit majeur avec l’Allemagne. Par ailleurs, les marchés vont maintenant regarder de très prés l’évolution de la situation dans des pays comme la Grèce, mais aussi l’Italie et la France. Touts les conditions pour une nouvelle phase de crise dans la zone Euro dès cet été ou dès septembre sont réunies.

     

    Nous savons que vous suivez de près la crise ukrainienne. Quel est votre jugement d’ensemble sur l’action de l’UE ? Quelle serait, à l’échelle européenne, la meilleure stratégie à adopter pour sortir de cette dangereuse impasse ?

     

    L’action de l’UE a été très néfaste. Elle a mis, de fait, l’Ukraine devant un choix impossible, celui entre l’Europe et la Russie. Or, compte tenu de la complexité et de la fragilité de ce pays, c’était le type même de choix qu’il fallait éviter. Ensuite, les dirigeants de l’UE ont fermé les yeux sur les dérives du mouvement populaire de la place Maidan. Ce mouvement, commencé comme une protestation contre la corruption du régime, a commencé à dériver dès le mois de décembre 2013 quand il a été hégémonisé par des partis d’extrême-droite. Enfin, l’UE a soutenu implicitement le coup d’Etat qui a provoqué le départ du Président Yanoukovitch. Or, un accord avait été signé entre l’opposition et le pouvoir et des élections étaient normalement prévues. Mais, tout cela a été balayé par le coup d’Etat. Désormais, nous vivons une crise de l’Etat ukrainien, avec des référendums d’auto-détermination qui se sont tenus dans la partie est du pays, et qui conduit désormais à une véritable guerre civile. Le gouvernement de Kiev utilise ses avions et ses hélicoptères contre les insurgés, c’est à dire le même niveau de violence qui avait été le prétexte à une intervention en Libye et qui avait suscité l’émotion de la communauté internationale en Syrie. Il serait urgent que l’UE fasse pression sur les autorités de Kiev pour qu’elle proclame un cessez le feu et qu’elles ouvrent immédiatement des négociations inconditionnelles avec les insurgés. Au-delà, il est clair qu’il faut des élections à une Assemblée Constituante, qui seule pourra déterminer la nature et le degré de fédéralisation du pays, et un engagement de toutes les parties extérieures en présence, tant l’UE que la Russie, de respecter l’indépendance et la neutralité de l’Ukraine.

     

     

    En tant qu’économiste de référence en la matière, pensez-vous que les résultats de ces dernières élections ont renforcé la bataille intellectuelle contre la monnaie unique ou non ?

     

    Je pense que c’est parce que nous avons marqué des points importants dans le combat intellectuel que l’on a eu des résultats marqués par cette vague d’euro-scepticisme aux dernières élections du 25 mai. Mais, il est dans le même temps clair que le résultats de ces élections, tant le niveau d’abstention que la montée des forces euro-sceptiques, va rendre bien plus audible les discours que nous tenons depuis des années sur l’Euro.

    Jacques Sapir (RussEurope, 7 juin 2014)

     

    Note :

    1- Long term refinancing operations, prêts à long terme accordés aux banques par la BCE.

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