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wokisme - Page 11

  • Feu sur la désinformation... (358)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro spécial de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias. Pour cette fin d’année, Jean-Yves Le Gallou, en compagnie de Martial Bild – en l’absence provisoire de Jules Blaiseau – , fait le bilan des grandes tendances culturelles et médiatiques de 2021 : la folie du wokisme, l’explosion du nombre de médecins de plateaux télés, le déferlement de propagande etc… 

     

                                          

     

     

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  • Le wokisme est-il un produit du marxisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Denis Collin cueilli sur Figaro Vox et consacré aux origines du "wokisme".  Agrégé de philosophie et docteur ès lettres, Denis Collin est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés à la philosophie, à la morale et à la pensée politique, dont Introduction à la pensée de Marx (Seuil, 2018) et Après la gauche (Perspective libres, 2018).

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    « Le wokisme est-il un produit du marxisme ? »

    L'idéologie « woke » et les différents mouvements qui s'en inspirent prennent une place croissante dans l'espace universitaire et médiatique, multipliant interdits et censures, hier contre la représentation d'une pièce d'Eschyle, le lendemain contre la statue de Colbert, réclamant la démission de professeurs « mal pensants ». Les porte-parole de ce mouvement ont table ouverte sur les radios du service dit, par habitude, public. Comme les vieux réflexes ne se perdent pas, pour dénoncer le « wokisme », il est parfois de bon ton d'y voir une nouvelle manifestation d'un marxisme, pourtant mal en point. On peut évidemment dire mal du marxisme, mais s'il est bien une accusation infondée, c'est celle qui en fait le père putatif du mouvement « woke ». En réalité, l'idéologie « woke » se présente comme une véritable arme offensive contre le marxisme (sous toutes ses formes) et contre le vieux mouvement ouvrier syndical.

    Le mouvement woke est comme le Coca-cola et halloween un produit d'importation américaine. Mais ses origines idéologiques se situent dans la « french theory », c'est-à-dire chez les philosophes français « post-modernes » ou les théoriciens de la « déconstruction » - un terme qui constitue le principal slogan du mouvement « woke ». Or, ces penseurs sont tous des adversaires résolus du marxisme. S'ils adoptent volontiers un discours « anticapitaliste », ils refusent la centralité de la lutte des classes autant que la figure de la classe ouvrière en tant sujet historique. Chez tous la classe ouvrière et ses organisations sont « ringardisés » : trop de conservatisme, trop de stéréotypes. On leur préférera les schizophrènes (Deleuze), les « taulards » (Foucault), les minorités notamment les immigrés (Badiou destitue très tôt la classe ouvrière française de tout rôle révolutionnaire au profit de la figure rédemptrice de l'immigré), les mouvements féministes, la « queer attitude » (encore Foucault). Tous ces courants, qui ont fleuri dans les années post-soixante-huit, considèrent, comme Michel Foucault, que la question du pouvoir d'État comme question centrale est dépassée et qu'il est nécessaire de s'opposer d'abord aux « micro-pouvoirs « et aux « disciplines » qui domestiquent l'individu. C'est encore chez Foucault et son élève américaine Judith Butler qu'est revendiquée la nécessité des « identités flottantes » contre les « assignations sociales » à une seule identité sexuelle. Remarquons enfin que, comme Foucault admirateur de la « révolution islamique » de Khomeiny, l'idéologie « woke » sacralise l'islam, considéré comme l'allié du mouvement contre les mâles blancs hétérosexuels.

    Cette antinomie entre marxisme et « french theory » se retrouve dans toutes les orientations du mouvement « woke ». Le marxisme est universaliste et considère que les particularités des différents peuples et des différentes religions sont appelées à passer à la moulinette du développement mondial du mode de production capitaliste. Au contraire le « woke » est relativiste et dénonce l'universalisme comme le masque de la domination « blanche ». Marx et Engels, tout en condamnant les méthodes et les exactions terribles de la colonisation y voyaient une de ces ruses de l'histoire grâce à laquelle les peuples colonisés allaient sortir de leur sommeil et prendre place dans la lutte aux côtés des autres prolétaires de tous les pays. Ils étaient franchement européo-centrés et considéraient que la civilisation européenne montrait la voie. C'est encore Lénine qui affirmait que le socialisme moderne était l'héritier de la philosophie allemande, de l'économie politique anglaise et du socialisme français, lui-même issu des Lumières. On se demande bien pourquoi les censeurs « woke » n'exigent pas le retrait immédiat des ouvrages de ces penseurs horribles.

    Les marxistes sont antiracistes et antiesclavagistes, cela va de soi. Marx rédigea l'adresse de l'Association Internationale des Travailleurs au président Lincoln, à l'occasion de sa réélection en 1864 et le qualifia d'« énergique et courageux fils de la classe travailleuse », qui sera capable de « conduire son pays dans la lutte sans égale pour l'affranchissement d'une race enchaînée et pour la reconstruction d'un monde social. » La lutte contre l'esclavage et les discriminations raciales s'inscrit pour les marxistes dans le sillage des grandes révolutions « bourgeoises » du XVIIIe siècle. Oublieux du caractère révolutionnaire de la bourgeoisie, les « woke » font de la traite négrière une tache indélébile qui condamne par avance tous les « blancs », oubliant que la plus grande traite négrière fut organisée par les Arabes et les Ottomans sous le drapeau de l'islam avec l'aide et un peu plus que la complicité des chefs des peuples d'Afrique.

    Que les divers mouvements « woke » n'aient aucun rapport avec le marxisme et la lutte des ouvriers, il suffit encore pour s'en convaincre d'écouter ses principaux héraults. Mme Houria Bouteldja, égérie du mouvement des « Indigènes de la république » ne déclarait-elle pas que l'ouvrier blanc est son ennemi ? Mme Rokhaya Diallo est une figure de la « jet-set ». Elle est une « intellectuelle organique » de la « classe capitaliste transnationale », très bien décrite voilà plus de deux décennies par Leslie Sklair. Mme Traoré est devenue la coqueluche des grandes marques à la mode. La promotion du lumpenproletariat et des petits voyous des « cités » au rang de mouvement révolutionnaire n'a rien à voir avec le marxisme : Marx et Engels disaient pis que pendre de ce « lumpen » rassemblant tous les débris des différentes classes sociales.

    Pour terminer, rappelons que les marxistes ne portaient guère dans leur cœur l'idéologie libérale-libertaire qui s'est déployée après 1968. En vieux mâle blanc hétéro, Marx condamnait le travail de nuit des femmes comme contraire à la pudeur féminine. Il ne réclamait pas l'abolition de la morale mais dénonçait le capitalisme comme un système qui balayait toutes les barrières morales !

    On peut critiquer le marxisme, en n'oubliant pas de distinguer le marxisme et le penseur Marx, mais en aucun cas, on ne peut le rendre responsable du mouvement woke. S'il y avait encore dans ce pays des marxistes sérieux, nul doute qu'ils seraient à la pointe du combat contre ces folies qui trouvent dans certains secteurs du capital une oreille complaisante mais sont dirigées d'abord contre les ouvriers, ces « salauds de pauvres, ces « beaufs » qui savent bien que le travail reste la question centrale pour nos sociétés.

    Denis Collin (Figaro Vox, 4 décembre 2021)

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  • «Le “wokisme” prospérera tant qu'il n'aura pas d'opposition structurée contre lui»...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné au Figaro Vox par Nicolas de Pape et consacré au wokisme.  Journaliste, romancier et essayiste, Nicolas de Pape vient de publier Tout doit disparaître (Edilivre, 2021).

     

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    «Le “wokisme” prospérera tant qu'il n'aura pas d'opposition structurée contre lui»

    FIGAROVOX. - Dans votre livre, vous abordez ce qui constitue selon vous «une révolution culturelle sans précédent». Comment la définissez-vous et en quoi est-elle inédite ?

    Nicolas DE PAPE. - On vit aujourd'hui l'avènement d'une sorte de tyrannie des minorités au caractère quasi-religieux, hystérisant le politiquement correct et animée par des croyants dont le but, pas toujours avoué, est d'en finir avec «l'Occident» vécu comme une réminiscence systémiquement patriarcale, raciste, post-coloniale et discriminatoire d'un autre âge. Cette révolution s'incarne notamment dans ce qu'on appelle aujourd'hui les «wokes», c'est-à-dire les «éveillés» aux discriminations, lesquelles seraient en quelque sorte inscrites dans les gènes de notre civilisation.

    C'est sans doute la première fois dans l'histoire contemporaine qu'une révolution de ce type mobilise autant d'acteurs en même temps : ce que l'on nomme à tort «l'État profond», en réalité des personnes influentes qui partagent la même idéologie. Ce qui rend cette révolution également inédite est bien sûr la révolution numérique portée par les «Big Tech» (les fameux GAFAM – Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) qui servent d'amplificateur au wokisme et dont les dirigeants partagent partiellement l'idéologie.

    Le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, a investi des centaines de millions de dollars lors de la dernière campagne présidentielle américaine «pour des élections justes» mais qui visaient clairement à empêcher la réélection de Donald Trump et permettre celle de Joe Biden. Celui-ci a clairement surfé sur le wokisme, notamment en nommant un ministre transgenre. Récemment, la presse a salué le courage d'une lanceuse d'alerte au sein de Facebook, Frances Haugen. Le paradoxe est qu'elle critique son ancien employeur, non pas parce que celui-ci attente à la liberté d'expression, mais parce qu'il ne censure pas suffisamment les «réactionnaires» anti-progrès.

    Dans The Game, le journaliste italien Alessandro Barrico explique que les «hippies milliardaires» de la Silicon Valley se vivent comme des révolutionnaires dont les inventions numériques empêcheront à jamais la résurgence des tyrannies du 20e siècle. La transformation de Facebook en «Meta», un méta-monde que M. Zuckerberg espère peuplé d'avatars, fait penser au film d'anticipation Matrix des sœurs Wachowski (toutes deux transsexuelles d'ailleurs) dans lequel les humains vivent dans des bocaux et croient vivre une existence rêvée mais qui est purement numérique. On le voit : cette idéologie percole, encouragée par l'industrie du loisir, Hollywood et Netflix…

    Quels sont les faits et les réalités qui nous permettent de mesurer l'ampleur du phénomène ?

    Ces néo-révolutionnaires utilisent les bonnes vieilles recettes du théoricien Gramsci : «agit-prop» (agitation propagande) via des manifestations incessantes dénonçant un «racisme imaginaire» (Pascal Bruckner) ; utilisation des médias de masse et mobilisation de la jeunesse, future génération au pouvoir, cours de déconstruction machiste pour les hommes, etc.

    En second, lieu on voit l'apparition d'une série de néologismes complaisamment utilisés en boucle par les médias, comme le «féminicide». Auparavant, on parlait de crime passionnel lorsqu'un homme tuait son épouse ou sa compagne. Certes, les violences faites aux femmes sont une plaie sociétale mais ce mot néoféministe laisse entendre que nous vivrions dans une société systémiquement patriarcale.

    Du côté de l'écologie radicale qu'on peut associer à cette néo-révolution en vertu de l'intersectionnalité des luttes - tout en nous annonçant un cataclysme climatique -, elle a inventé les termes de «justice climatique» et d'«écocide». Pensez qu'on songe à inscrire ce dernier dans le droit pénal international... Dans les démocraties aussi, la langue est une arme de destruction massive. Voyez le Robert qui a introduit le pronom «iel» dans sa dernière édition… Les nouveaux croyants utilisent la technique du salami : ils avancent par tranche et ne reculent jamais, insultant leurs adversaires pour les intimider.

    Ce mouvement se caractérise selon vous par une offensive menée contre la figure paternelle...

    Lorsqu'Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, s'exclame qu'une femme ou même une grand-mère peut être un père, elle participe de la relativisation du statut du père. Tout est interchangeable ! Or, même dans les familles traditionnelles, le père n'est que l'homme que la mère désigne aux enfants comme leur papa. Son statut est très fragile. Avec le phénomène des mères célibataires militantes et l'homoparentalité (pour laquelle je n'ai pas d'opposition de principe), des enfants peuvent être privés de père. Pour les garçons, il fallait alors avoir l'intelligence de la part des couples lesbiens d'adjoindre une forte figure virile autour de la famille comme un parrain par exemple. Mais puisque le masculin et le féminin n'ont plus tellement d'importance aujourd'hui, est-ce bien nécessaire ?

    Vous dressez le portrait de Jordan Peterson, un psychologue canadien qui s'évertue à déconstruire les arguments néo-féministes. Avons-nous des Jordan Peterson en France ?

    À ma connaissance, le seul intellectuel ressemblant peu ou prou à Jordan Peterson en France est le sociologue Mathieu Bock-Côté qui est… Canadien lui-aussi. L'avantage de Jordan Peterson est qu'il est psychologue clinicien. Il peut donc démonter, exemples cliniques à l'appui, la théorie du genre. Mais l'espoir en France vient des femmes avec notamment la philosophe et journaliste Peggy Sastre qui officie au Point et à Causeur et qui propose une lecture biologique et évolutionniste des questions sexuelles et de genre. Des journalistes comme Elisabeth Lévy et Natacha Polony ne s'en laissent pas conter.

    En Belgique, nous avons la professeure honoraire de l'Université libre de Bruxelles, l'historienne Anne Morelli, femme de gauche et féministe historique qui déconstruit souvent les arguments des néo-féministes. Elle a d'ailleurs signé la Tribune du Monde avec Catherine Deneuve sur «la liberté d'importuner, indispensable à la liberté sexuelle». Pour elle, c'est devenu «à la mode» d'être féministe. Aux États-Unis, les wokes sont tenus en respect par les TERF (Trans-exclusionary radical feminist), des femmes féministes «binaires» presque aussi radicales qui estiment que les transgenres «invisibilisent» le vrai combat pour le droit des femmes. Les TERF pensent à juste titre que permettre à des athlètes trans devenues femmes de participer à des compétitions sportives avec les femmes biologiques est une injustice. Imaginez que Rafael Nadal concoure chez les femmes… Il gagnerait encore 13 autres Roland-Garros !

    Comment la Belgique, votre pays, réagit-elle à cette révolution culturelle ?

    La Belgique est idéologiquement coupée en deux, entre une Flandre très à droite et une Wallonie très à gauche. Le seul parti wallon «de droite», le Mouvement réformateur est plus ou moins l'équivalent de la République en marche. En Wallonie, un «cordon sanitaire» créé jadis contre d'authentiques néofascistes, s'applique désormais à tous ceux qui se situent à la droite du centre droit. La Droite politique y étant extrêmement discrète, l'Establishment et la presse évoluent entre mansuétude envers le wokisme (qu'ils confondent avec le progressisme) ou neutralité prudente. En Wallonie, il n'y a pas de Figaro ou CNEWS… Par exemple, un Eric Zemmour wallon serait interdit de télévision en vertu de ce cordon sanitaire. Mais cela vaudrait aussi pour Éric Ciotti, Nicolas Dupont-Aignan, Marion Maréchal, Philippe de Villiers… Les Français se plaignent mais la France est quand même le pays de Voltaire !

    Alerter sur la menace d'une révolution culturelle qui couve et menacerait nos civilisations, c'est un procédé que la gauche a souvent utilisé, parlant de menace fasciste ou réactionnaire. Ne pensez-vous pas tomber dans l'écueil d'une hystérisation du débat et surévaluer l'ampleur réelle de la menace woke ?

    Je n'aime pas les procédés outranciers que vous décrivez, mais il vaut mieux prévenir que guérir. Les grandes révolutions qui dévorèrent leurs enfants ont pour la plupart commencé par une poignée d'agitateurs se réunissant dans un estaminet (lors de la prise de la Bastille, Louis XVI indique dans son journal : «rien»). Aujourd'hui, c'est insidieux : les idées woke percolent partout y compris au sein des Ressources humaines des entreprises dont certaines proposent déjà aux employés des cours d'écriture inclusive ou de conscientisation au «privilège blanc».

    Dans mon pays, le directeur de la Banque nationale a été traité de machiste par une équipe de journalistes néo-féministes («Les Grenades») parce qu'il avait pointé « le charme » comme atout premier de la femme. Anecdotique à côté des nombreuses célébrités françaises accusées à tort de viol, pensons à Luc Besson par exemple. À l'ère de #BalanceTonPorc, tous les hommes sont présumés coupables, voyez Nicolas Hulot.

    Le problème est que le wokisme n'a pas d'opposition structurée pour le moment. La France, inventrice de la French Theory, reçoit aujourd'hui en pleine figure sa propre médecine. On le voit avec Rama Yade, ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, revenue de trois ans «d'immersion woke» à Washington et qui prétend subir une «micro-agression» lorsqu'elle regarde la statue de Colbert. Et à l'université, temple du savoir, c'est déjà la guerre, si l'on en croit Nathalie Heinich[1]. Des professeurs seraient «obnubilés par le genre, la race et les discours de domination». Selon certains membres de l'Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires[2], «l'université est aujourd'hui le théâtre d'un affrontement idéologique mené par les tenants de la déconstruction contre l'Institution elle-même».

    Nicolas de Pape (Figaro Vox, 26 novembre 2021)

     

    Notes :

    [1] « Ce que le militantisme fait à la recherche », tract Gallimard.

    [2] https://www.lepoint.fr/politique/exclusif-le-rapport-qui-secoue-l-universite-les-extraits-16-06-2021-2431333_20.php#xtmc=theses-de-doctorat-woke&xtnp=1&xtcr=1

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  • Quand le pronom “iel” touche à la constitution symbolique de l'être humain...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Robert Redeker cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'introduction dans le dictionnaire Robert du pronom sans genre "iel".

    Philosophe, Robert Redeker est notamment l'auteur de nombreux essais dont Egobody (Fayard, 2010), Le soldat impossible (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Le progrès ? Point final. (Ovadia, 2015), L'école fantôme (Desclée de Brouwer, 2016), L'éclipse de la mort (Desclée de Brouwer, 2017), Les Sentinelles d'humanité (Desclée de Brouwer, 2020) ou dernièrement Réseaux sociaux : la guerre des Léviathan (Rocher, 2021).

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    Robert Redeker: «Le pronom “iel” touche à la constitution symbolique de l'être humain»

    Ainsi, en plus d'«il» et «elle», la langue française s'enrichit, selon le dictionnaire Le Robert, d'un nouveau pronom, «iel». C'est d'un seul coup d'un seul, d'un coup de baguette magique, que la langue française s'augmente de ce mot, que presque personne n'a encore entendu prononcer. C'est donc par une sorte de putsch qu'il s'introduit dans un ouvrage de référence, arrachant son officialisation au sein de la langue française. Par ce coup de force, il passe de la quasi-inexistence à une visibilité surexposée. Que nul ne s'y méprenne : l'affaire du pronom «iel» n'est en rien une simple affaire de mots.

    Écoliers et professeurs, citoyens, écrivains, l'oublient souvent : un dictionnaire est un ouvrage politique. Ou mieux : un pouvoir spirituel qui déclenche des effets temporels. Bifide s'avère la politique du dictionnaire : instituante, ou subversive. Elle est instituante quand elle s'exerce du côté du pouvoir en place, pour réglementer la langue, unifier les imaginaires à partir de cette réglementation, elle est subversive quand elle s'exerce depuis les contre-pouvoirs, les aspirants au pouvoir, qui désirent s'emparer de la langue pour lui imposer de nouvelles façons de dire, de voir le monde et de se mouvoir en lui. Comme toute la galaxie du wokisme, les lobbyistes du «iel» se rangent dans ces contre-pouvoirs, aussi rompus à la subversion qu'assoiffés de domination.

    L'affaire de l'officialisation de ce nouveau pronom est d'acquérir de l'influence politique et anthropologique sur la réalité extérieure au langage. Sur la réalité humaine. Depuis Richelieu, le dictionnaire est toujours une instance de légitimation. Richelieu a pensé l'Académie française, chargée de confectionner le dictionnaire, comme un dispositif politique. Prétendant refléter la réalité, le dictionnaire vise au contraire à la modeler. L'installation de «iel» dans les pronoms autorisés se propose de permettre à une réalité sexuelle incroyablement minoritaire, quasiment inexistante, de bouleverser la réalité telle qu'elle est ordinairement perçue.

    Apparemment, les lexicographes tombés sous le charme du wokisme LGBT souhaitent enrichir la langue française, lui ajouter quelque chose. Apporter un joyau nouveau au trésor de la langue française. Si ce n'était que cela, cette modification resterait anodine. L'on pourrait la réputer sympathique. En réalité, les promoteurs du «iel» désirent subvertir la logique de notre langue en la déstabilisant en son point le plus décisif, celui du dualisme des sexes. Il s'agit pour eux de s'attaquer à la pierre de touche, la clef de voûte, de la langue française, cet édifice semblable à une cathédrale ou à un château, cet édifice patrimonial, afin de provoquer l'effondrement de la logique humaine – le partage de la réalité selon les deux sexes – qu'elle soutient. En particulier : le parler selon les sexes. Le parler selon les deux sexes. La parler selon la dualité sexuelle.

    Jusqu'à l'édition 2022 du Robert, les pronoms personnels demeuraient partagés en respectant la biologie. La logique grammaticale croisait la logique biologique. Ces pronoms articulaient un rapport étroit entre la biologie, la grammaire, le social, et le symbolique. Ils rivaient ensemble les trois niveaux de l'être : le biologique, le social, et le psychologique. Clouer au rivet n'est pas la même chose que refléter. Rien n'est plus évident : les forces qui poussent à la légitimation du pronom iel, qui est tombé de la dernière pluie, n'ont de cesse que de briser l'ordre biologique de l'humain, de casser le rivetage entre les ordres biologiques, psychiques, symboliques, et sociaux. Le militantisme à l'œuvre dans ce putsch lexical aspire à étendre la substitution du genre au sexe, déjà bien avancée, à amplifier la débiologisation de la réalité humaine dans sa détermination par le sexe.

    Déclinaison du sujet, un pronom personnel n'est aucunement un mot comme les autres. Il est un mode d'existence de l'être humain. La réalité et le langage sont, dans ce type de pronom, profondément en fusion. Quand je dis «je», ce pronom n'est pas qu'un mot – il est : moi. Il est Inséparable de la réalité que je suis. Il ne reflète pas cette réalité, il la porte. Il est le vêtement de cette réalité qui la porte dans le monde, aux yeux des autres. Sans ce pronom, «je», je n'appréhenderais pas la réalité que je suis. D'une certaine façon cette réalité n'existerait pas. Ce que nous affirmons de «je» est aussi vrai de «nous» : les groupes, les communautés, les nations, s'auto-appréhendent à partir du pronom «nous». Ainsi, toucher à la logique des pronoms, comme le fait ce putsch du «iel», la bousculer, revient à imposer des changements anthropologiques. C'est toucher à la constitution symbolique de l'être humain. C'est toucher à l'idée que l'être humain se forme de sa place dans le cosmos – ce que Pascal appelait sa dignité.

    Les partisans du pronom «iel» sont à juste titre convaincus que la langue est créatrice de réalité, humaine, symbolique, politique. À leurs yeux «Iel» sera subversif demain comme le prolétariat était révolutionnaire hier. À de multiples reprises dans son œuvre, Karl Marx suggère que le prolétariat n'existe pas comme classe en dehors de l'existence même de ce mot. La propagation du mot fera exister dans la société la chose qu'il nomme, le prolétariat comme classe révolutionnaire. La leçon marxienne a été bien retenue. Coup de force, l'entrée du «iel» - en vérité celle du wokisme dont l'idéologie LGBT n'est qu'un chapitre – dans le Robert, auquel tous les collégiens et lycéens ont à se référer comme à une bible de la langue – constitue, dans le domaine linguistique, un analogue de ce que fut la prise du Palais d'hiver par les partisans de Lénine: le début d'une reconfiguration, à partir du langage, de la réalité. Avant-garde, comme le fut le parti de Lénine, le wokisme LGBT est un néo-bolchévisme qui, à l'instar de son devancier historique, rêve de fabriquer un homme nouveau dont «iel» serait l'embryon.

    Robert Redeker (Figaro Vox, 23 novembre 2021)

     
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  • Tous fous ?...

    Le numéro 47 du mensuel conservateur L'Incorrect est en kiosque. On peut découvrir à l'intérieur un dossier consacré aux délires wokistes et complotistes, des entretiens avec l'expert des migrations Jean-Paul Gourévitch, le spécialiste du wokisme Pierre Valentin, et l'écrivain Maurizio Serra, ainsi que les rubriques habituelles "Monde", "Essais", "Culture", et "La fabrique du fabo"...

    Le sommaire complet est disponible ici.

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  • Ils veulent la peau des Européens !...

    Le 13 octobre 2021, Pierre Bergerault recevait sur TV libertés François Bousquet pour évoquer avec lui un essai de Georges Guiscard, Le privilège blanc - Qui veut faire la peau aux Européens ? , qui vient d'être publié aux éditions de La Nouvelle Librairie, qu'il dirige, et qui est consacré à la pensée « décoloniale »...

     

                                               

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