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totalitarisme - Page 9

  • La Grande Terreur...

    Les éditions Noir sur Blanc publient cette semaine La Grande terreur en URSS 1937-1938, une enquête de Tomasz Kizny. Photographe et journaliste, de nationalité polonaise, Tomasz Kizny travaille sur le Goulag soviétique depuis plus de 20 an en recherchant des témoignages de déportés survivants et en photographiant les vestiges des camps. Le livre est préfacé par Nicolas Werth, spécialiste de l'URSS et co-auteur du Livre noir du communisme (Robert Laffont, 1997).

     

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    " Entre 1937 et 1938, les répressions atteignent un pic en URSS : Staline fait assassiner des centaines de milliers de personnes sur tout le territoire. Cette période, qui commence seulement à être documentée suite à l’ouverture partielle des archives, est aujourd’hui désignée comme la Grande Terreur.

    De 2008 à 2011, Tomasz Kizny mène une véritable enquête sur cette vague de violence de l’État soviétique contre ses propres citoyens. En Russie, en Ukraine et en Biélorussie, en collaboration avec l’Association Memorial, il réalise un travail photographique qui documente le crime et présente une topographie de la Terreur : lieux d’exécutions et de fosses communes, photographies des proches des disparus, objets retrouvés lors des fouilles…

    Le cœur du livre consiste en une série de bouleversants portraits de condamnés, pris dans les geôles du NKVD après leur arrestation et quelques jours avant leur exécution. Il s’agit d’une puissante accusation documentaire du totalitarisme soviétique, qui vient donner un visage aux victimes de Staline.

    « Sur le long chemin menant du dévoilement à la compréhension de ce crime de masse, le présent ouvrage de Tomasz Kizny constitue un jalon capital. » (Nicolas Werth)."

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  • Les génocides de Staline...

    Les éditions de l'Arche ont récemment publié Les génocides de Staline, un essai de l'historien Norman M. Naimark. Spécialiste de l'Union soviétique, Norman M. Naimark est professeur à l'université de Stanford aux Etats-Unis.

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    "Norman M. Naimark, spécialiste de l'ère soviétique à l'université de Stanford, démontre que les assassinats de masse ordonnés par Staline dans les années 1930 devraient être considérés comme des " génocides ". Les catégories sociales et nationales, constituant les ennemis supposés de l'URSS, varièrent avec le temps ; les raisons avancées pour justifier ces attaques contre des groupes de citoyens soviétiques (ou d'étrangers vivant en Union soviétique) furent tout aussi changeantes. Cependant, Staline et ses lieutenants liaient ces attaques génocidaires au dogme du marxisme-léninisme stalinien et utilisèrent toujours les mêmes outils policiers, judiciaires et extrajudiciaires pour les mener à bien. Le Parti ainsi que les institutions de l'Etat furent impliqués, cependant que Staline mettait en oeuvre les impressionnants instruments de contrôle créés par la révolution bolchevique pour châtier ses opposants réels ou imaginaires. En conséquence du régime stalinien, des millions d'innocents furent déplacés, affamés ou fusillés."

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  • Orwell ou le pouvoir de la vérité...

    Les éditions Agone publient cette semaine un essai de James Conant consacré à l'auteur de 1984 et intitulé Orwell ou le pouvoir de la vérité. Diplomé de Harvard, James Conant enseigne la philosophie à l'université de Chicago.

     

     

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    "Pour Orwell, « le concept de vérité objective est celui de quelque chose qui existe en dehors de nous, quelque chose qui est à découvrir et non qu’on peut fabriquer selon les besoins du moment ». Le plus effrayant dans le totalitarisme n’est pas qu’il commette des « atrocités » mais qu’il s’attaque à ce concept. Pourtant, cette perspective d’un monde d’où l’idée de vérité objective aurait disparu n’effraie guère la plupart des intellectuels de gauche. Qu’ils se réclament de Rorty le « libéral » ou de Foucault le « subversif », ils y travaillent activement en proclamant que ces idées sont dépassées, dogmatiques et finalement réactionnaires.
    Cet essai montre que « préservation de la liberté et préservation de la vérité représentent une seule et indivisible tâche, commune à la littérature et à la politique ». Celle-ci ne présuppose aucun postulat métaphysique mais seulement la reconnaissance du rôle fondamental que joue dans nos vies le concept commun et ordinaire de « vérité ».
    De tels débats ne sont pas « purement philosophiques ». O’Brien, le dirigeant politique qui torture méthodiquement le héros de 1984, n’est pas un colonel parachutiste mais un philosophe cultivé, ironiste et courtois, professant qu’il n’y a pas de réalité objective et que « tout est construit »."

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  • Rideaux de fumée ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Slobodan Despot, cueilli sur son blog Despotica et consacré aux campagnes hystériques contre le tabagisme... Slobodan Despot est le directeur des éditions Xénia, qui ont, notamment, publié les derniers ouvrages d'Eric Werner.

     

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    Rideaux de fumée

    De toute ma vie, je n’ai jamais grillé une seule cigarette. Il m’est répugnant de voir ou de toucher un mégot. A ma connaissance, seul l’ayatollah Khomeiny manifestait une horreur du tabac comparable à la mienne.

    Adolescent, j’ai vu mes camarades se mettre à fumer pour la pire des raisons : le conformisme social. Le tabac n’est qu’une fumigation nauséabonde à laquelle on cède sans plaisir, pour faire comme les autres. Les mille additifs/addictifs concoctés par l’industrie se chargent ensuite de transformer les jeunes moutons en vaches à traire.

    Ceci pour attester que ce qui suit n’est pas sponsorisé par ladite industrie.

    Jusqu’à l’âge de trente ans, j’ai dû endurer la fumée sans piper mot. Cette peine est désormais remplacée par une autre : devoir supporter un conformisme contraire encore plus arrogant.

    Sachez donc, tabagistes traqués, que ma maison vous est ouverte. Personne n’y sera relégué sur le balcon. Les brassards jaunes et les crécelles pour lépreux, très peu pour moi !

    La traque à la fumée est symptôme d’une préoccupante folie. Toutes les dérives totalitaires, sans exception, partent d’un souci d’hygiène et de pureté morale, et prospèrent sur des hallucinations.

    Dans le beau film sur « Le mystère Silkwood » (1983), traitant des crimes de la mafia nucléaire, un Kurt Russell goguenard dit à Meryl Streep, dénonciatrice des empoisonneurs mais qui aligne clope sur clope : « Si tu veux éviter le cancer, arrête plutôt de fumer ». Il y a trente ans déjà, la nocivité du tabac était un lieu commun, mais qu’on traitait sur le mode nonchalant. Sa récente montée en épingle n’est pas une question de santé, mais d’idéologie.

    Tout est affaire de probabilités, ou plutôt de leur interprétation. La généralisation du tabagisme correspond aussi, en Occident, à l’explosion de l’espérance de vie moyenne : en conclura-t-on que le tabac prolonge la vie ? Par ailleurs, même une probabilité de 99,99 % ne vous garantit pas qu’une chose va arriver. Or le principe de précaution, qui transforme notre société en un hospice infantile, traite un risque comme une certitude dès le plus infime degré de probabilité. On en arrive ainsi, par un remarquable obscurcissement mental, à traiter le tabac comme du plutonium. La moindre inhalation serait potentiellement mortelle !

    Le cordon sanitaire tendu autour de ce vice bénin est lui-même un rideau de fumée. Si le tabac était du plutonium, il faudrait l’interdire. Or on en est loin. On l’utilise comme arme pour culpabiliser et conditionner la population. La focalisation sur des enjeux secondaires tels que le tabac ou le terrorisme permet de rogner les libertés sans opposition et sans risque. Pendant ce temps, la dissémination massive d’uranium appauvri, les incidences suspectes de l’électrosmog ou de certains vaccins sur le métabolisme sont totalement ignorés.

    Une consolation toutefois : nous assistons à une prolifération rapide des cancers — sans cause apparente selon les autorités. Lorsqu’ils toucheront plus de la moitié de la population, au moins saurons-nous que ce n’est pas à cause du tabac !

    Slobodan Despot ( Despotica, 22 septembre 2012)

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  • Mariage homo : une déconstruction de l'homme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à la question de l'"homoparentalité" qui, plus que le chomage ou les délocalisations, mobilise l'énergie de la gauche sociétale... 

     

     

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    Mariage homo et déconstruction de l'homme

    Les homosexuels étant apparemment les derniers des modernes à défendre, et le mariage, et la famille, cet étonnant paradoxe ne manque pas de susciter la plus grande perplexité. Imagine-t-on Noël Mamère exiger la canonisation, de son vivant, de l’icône de Mai 68 Cohn Bendit ? Cet assortiment peu ragoûtant d’archaïsme vénérable et de postmodernité vénérée se présente comme l’un de ces plats kitsch et plaisant, que seuls la publicité et l’art contemporain nous offraient habituellement en guise de blagues à potaches. Mais l’on sait que, derrière le rire d’aujourd’hui peut se dissimuler d’autres entreprises beaucoup plus sournoises et mortifères.

    Ce projet législatif nous est vendu comme un symbole d’une société qui se voudrait, à l’image du modèle californien, « cool », décrispé, décomplexé et tolérant. Autrement dit, il est question de notre bonheur. Pourquoi faire la guerre à ces pauvres homosexuels ? Ils sont bien libres de s’aimer ! Et qu’est-ce que cela changera pour vous ? On voit qu’une décision, qui relève de l’organisation politique, administrative, patrimoniale, sociale, historique, voire religieuse, en tout cas civilisationnelle d’une Nation, est ravalée à une dimension émotionnelle, sentimentale, et qu’on prête à sa contestation des desseins douteux. Détesteriez-vous les homosexuels, par hasard ? C’est ainsi qu’à la critique de l’immigration est imputée des soupçons de racisme, à celle du sionisme un évident antisémitisme, aux réserves sur l’anticolonialisme virulent des relents colonialistes, au malaise face au fondamentalisme islamiste la haine de l’islam, et au rejet du libre-échange marchand l’accusation de nationalisme fascisant. C’est bien de cette façon que le débat est mené. Que n’avance-t-on pas au sujet du pauvre cardinal Barbarin, qui ne fait que défendre les positions de l’Eglise !

    Il va de soi que s’en prendre, effectivement, aux homosexuels en tant que tels est aussi stupide que d’en faire l’apologie comme emblèmes de la liberté libre. Les uns et les autres, on s’en doute, outre qu’ils occultent le véritable problème, qui outrepasse la simple question de dilection sexuelle, ont le tort, conscient ou non, de déplacer l’épicentre du malaise contemporain de la question sociale et économique, voire identitaire, au sens large, à celle des mœurs, et de la question identitaire, au sens restreint. Pendant qu’on s’étripe dans des débats sur le sexe des marié(e)s, on ne s’occupe pas de la défense des victimes du système. A vrai dire, ces disputes n’intéressent que les classes moyennes ou supérieures, et nullement le peuple d’en bas, qui a d’autres chats à fouetter, et d’ailleurs se contrefout du mariage homo.

    En quoi il a bien tort, car cette empoignade touche de très près à l’essentiel du projet de transmutation de l’espèce, qui représente la finalité de l’utopie mondialiste, dans ses objectifs les plus ambitieux. 

    L’oligarchie transnationale, au fond, malgré son cynisme et son matérialisme vulgaire, ne manque pas de grandeur. Il en faut pour jeter dans l’esclavage le monde entier, ériger une dictature planétaire, poursuivre le fantasme de la jeunesse éternelle. L’un des mythes faustiens qui l’anime, et non des moindres, est celui de la toute-puissance absolue sur le matériau humain. 

    Sous cet angle, par rapport au mariage hétérosexuel, le mariage homosexuel est un progrès, car il évacue l’empreinte naturelle de l’union, qui n’existe dès lors qu’entre personnes. La procréation normale est elle aussi écartée comme facteur de légitimité du « contrat » pour être remplacée par l’hypothèse, toute conventionnelle, car n’appartenant qu’à la seule loi politique, de l’adoption. Finalement, un bébé né naturellement ne serait qu’un adopté potentiel.

    On voit par là que le lien le plus naturel, celui de la conception, est vidé de sa substance. Le mariage homosexuel est un coin enfoncé dans l’édifice multimillénaire que les hommes ont accepté comme protection de leurs devoirs naturels. Il était une domestication de la violence éventuelle de l’homme sur la femme, de la transformation de la loi du mâle en culture, en contrôle de soi, et en transfiguration du lien charnel en attache spirituelle. C’est pourquoi le christianisme, reprenant une idée romaine, en a fait l’un des sommets et des symboles de la civilisation et de l’humanité.

    Rien de tout cela dans le mariage homo, qui n’est, en fait, qu’un contrat, un morceau de papier laïc, comme celui qui lie un débiteur à son créancier. Mais l’on voit bien que le but est de substituer à la notion d’absolu celle de relativité. Et ce n’est pas un hasard que la principale victime, l’oubliée fatale, dans cette opération, que le couple homo soit masculin ou féminin, c’est la mère.

    Que représente-t-elle de si dangereux pour le système utopique contemporain ? On notera que l’on parle de « langue maternelle », et que l’éducation de la plus petite enfance, la transmission des valeurs, des comportements, de l’héritage familiale, de la mémoire la plus étroite ou la plus ample, passent bien souvent par elle. 

    Et l’on perçoit bien quel est le but ultime visé : c’est l’arrachement à toutes les racines, à cette imprévisibilité absolue qu’est la famille biologique, au profit d’un ensemble purement culturel, plastique, flexible, conditionnable, qu’est le nouvel homme. De là la théorie du genre, qui postule que l’être est un produit, une construction.

    Nous donnerons un exemple des plus significatifs, pour illustrer cette volonté de déconstruction de l'homme.

    Il paraît que la crèche Bourdarias de Saint-Ouen, intéresse le gouvernement. Il s’agirait de lutter contre les « stéréotypes ». Voyez-vous, les femmes et les hommes sont des poncifs. Peut-être même des sophismes. Depuis des lustres, on force les femmes à s’engager politiquement, on culpabilise les hommes qui ne torchent pas le cul des mômes, on leur enjoint de pisser assis, on pousse les filles vers des métiers masculins, et les garçons vers des métiers féminins, et tout cela vainement, comme le déplorent les médias, qui, pour le coup, projettent en masse des stéréotypes aussi éculés véhiculés par la bien pensance moderne.

    Nous passerons sur les bêtises grotesques qui farcissent cette désormais fameuse crèche, comme de donner des marteaux aux filles et des casseroles aux garçons, d’inviter ces derniers à pleurer, et de dénier aux premières la fierté de porter de belles robes, etc. Nos ministres Najat-Belkacem et Dominique Bertinotti, visitant ce laboratoire digne du Meilleur des Mondes, en étaient toute chose… Que de « bienfaits » dans cette sensibilisation, qui s’apparente à un conditionnement ! Pourquoi pas aussi des décharges électriques, comme dans le chef d’œuvre d’Aldous Huxley ! Et de vouloir « faire évoluer la formation de tous les professionnels de la petite enfance pour les sensibiliser à la question »…

    Mais le pire de ce cauchemar totalitaire réside dans le « ménage » effectué dans la bibliothèque. Cela sent bien les heures les plus sombres de notre Histoire, Mesdames ! On a donc supprimé certains ouvrages malfamés, outrageusement machistes, comme Petit Ours Brun ! La pauvre bête, en effet, avait l’outrecuidance de fumer la pipe en lisant son journal tandis que maman Ourse était aux fourneaux ! On risquerait la guillotine pour moins ! 

    Ce n’est certes pas un hasard, donc, que dans certains établissements suédois, toujours en pointe dans l’instauration du totalitarisme utopique, on va jusqu’à employer des pronoms neutres au lieu de « il » et « elle », ou que l’on élimine les jeux sexués. 

    Le but est d’arracher l’être à son propre être pour éviter qu’il ne soit différencié. Un être enraciné dans un ethos ancestral, naturel et culturel à la fois, qui l’arme avec des représentations qui ont fait leur preuve, est beaucoup moins malléable, et plus rétif à l’asservissement. 

    De sorte que l’on comprend très bien que pour Vincent Peillon, la « morale laïque » consiste à « arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix". 

    Non, nous sommes des héritiers. Et si choix il doit y avoir, c’est à partir de notre héritage.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 16 septembre 2012)

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  • La mémoire et l'histoire...

    Nous reproduisons ci-dessous un éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist) paru dans la revue Eléments (été 1998) et consacré à l'opposition entre la mémoire et l'histoire...

     

     

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    La mémoire et l'histoire

    «Naguère aveugle au totalitarisme, la pensée est maintenant aveuglée par lui», écrivait très justement Alain Finkielkraut en 1993 (Le Messager européen, 7). Le débat lancé en France par la parution du Livre noir du communisme est un bon exemple de cet aveuglement. D'autres événements qui, régulièrement, obligent nos contemporains à se confronter à l'histoire récente, illustrent eux aussi la difficulté de se déterminer par rapport au passé. Cette difficulté est encore accentuée aujourd'hui par la confrontation de la démarche historienne et d'une «mémoire» jalouse de ses prérogatives, qui tend désormais à se poser en valeur intrinsèque (il y aurait un «devoir de mémoire»), en morale de substitution, voire en nouvelle religiosité. Or, l'histoire et la mémoire ne sont pas de même nature. A bien des égards, elle sont même radicalement opposées.

    La mémoire a bien entendu sa légitimité propre, dans la mesure où elle vise essentiellement à fonder ou à garantir la survie des individus et des groupes. Mode de rapport affectif et souvent douloureux au passé, elle n'en est pas moins avant tout narcissique. Elle implique un culte du souvenir et une rémanence obsessionnelle du passé. Lorsqu'elle se fonde sur le souvenir des épreuves endurées, elle encourage ceux qui s'en réclament à s'éprouver comme titulaires du maximum de peines et de souffrances, pour la simple raison qu'on éprouve toujours plus douloureusement la souffrance que l'on a ressentie soi-même. (Ma souffrance et celle de mes proches est par définition plus grande que celle des autres, puisque c'est la seule que j'ai pu ressentir). Le risque est alors d'assister à une sorte de concurrence des mémoires, donnant elle-même naissance à une concurrence des victimes.

    La mémoire est en outre intrinsèquement belligène. Nécessairement sélective, puisqu'elle repose sur une «mise en intrigue du passé» (Paul Ricoeur) qui implique nécessairement un tri – et que de ce fait l'oubli est paradoxalement constitutif de sa formation –, elle interdit toute réconciliation, entretenant ainsi la haine et perpétuant les conflits. En abolissant la distance, la contextualisation, c'est-à-dire l'historicisation, elle élimine les nuances et institutionnalise les stéréotypes. Elle tend à représenter l'enchaînement des siècles comme une guerre des mêmes contre les mêmes, essentialisant ainsi les acteurs historiques et sociaux et cultivant l'anachronisme.

    Comme l'ont bien montré Tzvetan Todorov (Les abus de la mémoire, Arléa, 1995) et Henry Rousso (La haine du passé. Entretiens avec Philippe Petit, Textuel, 1998), mémoire et histoire représentent en fait deux formes antagonistes de rapport au passé. Ce rapport au passé, quand il emprunte le canal de la mémoire, n'a que faire de la vérité historique. Il lui suffit de dire : «Souviens toi !» La mémoire pousse par là au repli identitaire sur des souffrances singulières qu'on juge incomparables du seul fait qu'on s'identifie à ceux qui en ont été les victimes, alors que l'historien doit au contraire rompre autant qu'il le peut avec toute forme de subjectivité. La mémoire s'entretient par des commémorations, la recherche historienne par des travaux. La première est par définition à l'abri des doutes et des révisions. La seconde admet au contraire par principe la possibilité d'une remise en cause, dans la mesure où elle vise à établir des faits, fussent-ils oubliés ou choquants au regard de la mémoire, et à les situer dans leur contexte afin d'éviter l'anachronisme. La démarche historienne, pour être regardée comme telle, doit en d'autres termes s'émanciper de l'idéologie et du jugement moral. Là où la mémoire commande l'adhésion, elle exige la distanciation.

    C'est pour toutes ces raisons, comme l'expliquait Paul Ricoeur au colloque «Mémoire et histoire», organisé le 25 et 26 mars derniers par l'Académie universelle des cultures à l'Unesco, que la mémoire ne peut se substituer à l'histoire. «Dans un état de droit et une nation démocratique, c'est le devoir d'histoire et non le devoir de mémoire qui forme le citoyen», écrit de son côté Philippe Joutard («La tyrannie de la mémoire», in L'Histoire, mai 1998, p. 98).

    La mémoire, enfin, devient exorbitante quand elle prétend s'annexer la justice. Celle-ci n'a pas pour but, en effet, d'atténuer la douleur des victimes ou de leur offrir l'équivalent de la souffrance qu'elles ont subie. Elle a pour but de punir les criminels au regard de l'importance objective de leurs crimes, et compte tenu des circonstances dans lesquelles ils les ont commis, non au regard de la douleur qu'ils ont provoquée. Annexée par la mémoire, la justice se ramène inévitablement à la vengeance, alors que c'est précisément pour abolir la vengeance qu'elle a été créée.

    Après la parution du Livre noir, certains ont à nouveau réclamé un «Nuremberg du communisme». Cette idée, avancée pour la première fois par le dissident russe Vladimir Boukovski (Jugement à Moscou, 1995) et généralement reprise à des fins purement polémiques, est pour le moins douteuse. A quoi bon juger ceux que l'histoire a déjà condamnés ? Les anciens pays communistes ont certes tout loisir, s'ils le désirent, de traduire leurs anciens dirigeants devant leurs tribunaux, car la justice d'un pays donné garantit l'ordre interne de ce pays. Il n'en va pas de même d'une justice «internationale», dont il a surabondamment été démontré qu'elle repose sur une conception irénique de la fonction juridique, en l'occurrence sur l'idée qu'il est possible d'affranchir l'acte judiciaire de son contexte particulier et du rapport de forces qui constitue sa toile de fond. Plus profondément, on peut aussi penser que le rôle des tribunaux est de juger des hommes, non des idéologies ou des régimes. «Prétendre juger un régime, disait Hannah Arendt, c'est prétendre juger la nature humaine».

    Le passé doit passer, non pour tomber dans l'oubli, mais pour trouver sa place dans le seul contexte qui lui convienne : l'histoire. Seul un passé historicisé peut en effet informer valablement le présent, alors qu'un passé rendu toujours actuel ne peut qu'être source de polémiques partisanes et d'ambiguïtés.

    Il y a quatre siècles, l'édit de Nantes, dans son article premier, proclamait déjà la nécessité de faire taire la mémoire pour restaurer une paix civile mise à mal par les guerres de religion : «Que la mémoire de toutes choses passées d'une part et d'autre, depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu'à notre avènement à la couronne, et durant les autres troubles précédents et à l'occasion d'iceux, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue : et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucune cour et juridiction que ce soit». Seule la démarche historienne peut valablement déterminer ce dont on doit se souvenir. Mais on ne peut envisager l'avenir qu'en consentant à oublier une partie du passé.

    Robert de Herte (Elément n°92, juillet 1998)

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