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totalitarisme - Page 8

  • Vers le goulag électronique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur Europe solidaire et consacré à la mise en place progressive en Occident d'un système de contrôle global...

     

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    Le concept de goulag électronique. Analyse critique.

    Nous avions signalé précédemment la pertinence de l'analyse d'un représentant de l'Eglise orthodoxe russe, assimilant à un goulag électronique le système global de saisie, d'espionnage et de contrôle que les services de renseignements américains, sous l'égide de la NSA et du gouvernement fédéral, imposent à toutes les formes d'expressions empruntant le support de l'Internet et des réseaux numériques. (1)

     Comment ce personnage définit-il le goulag électronique américain ?

    «  Un camp de prisonniers électronique global...D'abord on habitue les gens à utiliser de façon systématique des outils de communication commodes avec les autorités, les entreprises et entre eux. Très rapidement chacun s'habitue de façon addictive à de tels services. Ceci donne à ceux qui possèdent économiquement et politiquement ces outils un pouvoir à la fois considérable et terrifiant. Ils ne peuvent pas repousser la tentation de s'en servir pour contrôler les personnalités. Ce contrôle peut devenir beaucoup plus complet qu'aucun de ceux exercés par les systèmes totalitaires connus au vingtième siècle  » .

    Le terme de goulag, rendu célèbre par le romancier Alexandre Solienitzin, désigne classiquement le système pénitentiaire russe. Celui-ci, encore en activité sous une forme à peine "améliorée" , est constitué de camps de travail et de détention répartis aux frontières de la Russie. Ils enferment des centaines de milliers de condamnés, dans des conditions précaires sinon indignes. Il est très difficile de s'en évader. Les peines sont souvent très longue ou à perpétuité. La plupart des prisonniers sont des détenus de droit commun, mais un nombre non négligeable d'entre eux a été et demeure des opposants politiques ou personnes poursuivies pour des délits d'opinion. On peut se demander pourquoi les systèmes pénitentiaires des démocraties occidentales, dont les conditions de fonctionnement n'ont guère à envier au goulag russe, ne souffrent pas de la réputation infamante de ce dernier...sans doute est-ce du au fait que l'arbitraire y est en principe moindre.

    Quoiqu'il en soit, le propre d'un goulag est d'être mis en place et organisé par un pouvoir dominant qui s'impose délibérément à des minorités dominées. On ne parlerait pas de goulag, sauf par abus de langage, si les conditions d'enfermement résultaient de circonstances n'ayant rien à voir avec une volonté de répression dictatoriale, patients dans un hôpital psychiatrique ou personnes isolées sur un territoire dépourvu de liaisons avec le reste du monde, par exemple.

    Pourquoi parler de goulag numérique ?

    Sous sa forme imagé, le terme de goulag désigne un système d'enfermement physique ou moral condamnable au regard des libertés civiques et des droits de l'homme. Le monde des réseaux numériques mérite-t-il d'être ainsi qualifié, alors qu'il est de plus en plus considéré par ses milliards d'utilisateurs comme un moyen d'émancipation hors pair. Rappelons qu'il permet en effet non seulement les échanges par l'internet mais aussi les communications faisant appel au téléphone portable, dont la souplesse est sans égal dans les pays dépourvus d'infrastructures développées. Pour leurs utilisateurs ces deux technologies apparaissent non comme des goulags mais au contraire comme des élément incomparables d'émancipation. Elles leur permettent en effet d'échapper à l'enfermement au sein de modes d'expression traditionnels, dominé par des autorités rigides, religieuses, sociales, médiatiques.

    S'imaginer cependant que des solutions technologiques, représentant des coûts considérables, viendraient subitement s'épanouir dans nos sociétés pour le seul bénéfice des citoyens et du jeu démocratique, serait un peu naïf. Nul ne fait de cadeau à personne. Si un service est rendu, il doit être payé. Il en est de même d'ailleurs d'autres services de communication, radiodiffusion et télévision. L'expérience montre que leurs premiers bénéficiaires en sont leurs promoteurs.

    Ceux-ci peuvent être regroupés en deux grandes catégories, les entreprises commerciales et les administrations publiques. Elles s'en servent prioritairement pour établir ou renforcer leur influence sur les individus, considérés soit comme des consommateurs soit comme des administrés ou des électeurs. Il n'y a pas de mal à cela, dans la mesure où dans nos sociétés la vie économique et la vie politique reposent en grande partie sur des entreprises commerciales ou des administrations publiques. Les rares citoyens qui voudraient cependant utiliser les ressources des technologies numériques pour de doter de nouveaux espaces de communication et de création devraient se persuader que ceci ne pourra venir que de leurs propres efforts.Il y a plus cependant à prendre en considération.

    Les sociétés occidentales, en Amérique mais de plus en plus en Europe, ont découvert ces dernières années ce qui était une réalité depuis les origines de l'informatique, mais qu'elles ne voulaient pas ou ne pouvaient pas voir: les réseaux numériques sont de bout en bout les produits de technologies et d'entreprises développées aux Etats-Unis et restées très largement sous le contrôle du pouvoir scientifique, économique et culturel de ce qu'il faut bien appeler le lobby militaro-industriel américain. Les autres puissances mondiales, peu averties dans des domaines où la Silicon Valley (si l'on peut employer ce terme imagé) s'était donné un monopole historique, s'efforcent actuellement de rattraper leur retard. C'est le cas notamment de la Russie et surtout de la Chine. Mais elles sont encore loin du compte. Quant à l'Europe, elle dépend très largement des Etats-Unis, dont elle est en ce cas comme en d'autres une sorte de satellite.

    Or le grand écho qu'ont pris les révélations faites par Edward Snowden, dans l'affaire initialement qualifiée de PRISM/NSA/Snowden tient précisément â la découverte du pouvoir donné à l'Empire américain par l'espionnage tous azimuts découlant de l'utilisation que nous faisons de l'internet, du téléphone et autres technologies numériques. Il s'agit d'un pouvoir si complet et si imparable, du moins à ce jour, que le terme de goulag électronique paraît parfaitement adapté. De plus ce pouvoir, même s'il résulte de grandes évolutions technologiques et géo-stratégiques paraissant dépasser la responsabilité d'individus déterminés, fussent-elles celles des POTUS (Presidents of the Unites States) et de leur entourage, relève cependant dans le cas de la NSA et des autres agences de renseignement, de volontés humaines bien identifées. L'actuel POTUS, précisément, ne s'en cache pas. Au contraire, il s'en félicite.

    Si nous admettons ces prémisses, nous pouvons revenir sur les grands traits du goulag électronique en question.

    Un goulag attrayant mais d'autant plus enfermant

    L'actualité récente nous permet de préciser l'analyse (2). Le 8 aout 2013, le propriétaire du site américain Lavabit annonçait qu'il cessait son activité sous les pressions de l'administration fédérale. Il offrait en effet jusque là des services se voulant sécurisés à des centaines de milliers d'utilisateurs recherchant la possibilité d'échapper à l'inquisition rendue possible par la transparence de l'internet. Or la NSA lui avait imposé de lui livrer des informations confidentielles concernant certains de ses clients, ce qu'il avait refusé de faire. Peu après, il était suivi dans ce refus par le site Silent Circle qui offrait des services analogues. D'autres services en ligne de même nature ont probablement fait le même choix. Le Guardian qui dès le début de la crise NSA/Snowden s'était fait le porte parole de ce dernier donne régulièrement des précisions sur l'évolution des rapports de force entre la NSA et les professionnels du web.

    L'intransigeance de la NSA ne devrait pas surprendre en France où la législation interdit depuis longtemps l'usage de systèmes de communications cryptées susceptibles d'échapper aux investigations des services de police ou de contre-espionnage. Ceci ne scandalise que peu de gens dans la mesure où l'on présume généralement que ce seraient les activités criminelles qui feraient principalement appel à de telles facilités.

    Il faut cependant tirer quelques conclusions de cet événement concernant la pertinence du concept de goulag électronique appliqué au monde des réseaux numériques actuels. Que peut-on en dire?

    1. Il s'agit d'abord d'un univers de plus en plus global et inévitable, auquel celui qui veut s'exprimer et communiquer peut de moins en moins échapper – ceci d'ailleurs tout autant dans les sociétés peu développées que dans les sociétés avancées. Autrement dit l'Internet est inévitable et à travers lui sont inévitables les divers contrôles qu'il permet. Il reste évidemment possible à qui veut rester discret de faire appel à la parole, au geste et à l'écrit sous leurs formes traditionnelles, à condition d'éviter tout support susceptible d'être ensuite numérisé et diffusée. Autant dire que la moindre activité ayant une portée un tant soit peu sociale pourra être ou sera enregistrée, mémorisée et le cas échéant, commentée, manipulée voire déformée par des tiers, bien ou mal intentionnés.

    Les contrôles sont d'autant plus inévitables que les technologies utilisées s'automatisent de plus en plus, permettant de traiter des flots de meta-données et de données par milliards à la minute. Les humains seront de moins en moins nécessaires, tant dans la définition des cibles que dans l'application des sanctions.(3)

    2. Or cet univers n'est pas innocent. Il est aux mains, plus ou moins complétement, de pouvoirs se voulant totalitaires, c'est-à-dire cherchant à connaître, contrôler et le cas échéant faire disparaître des pouvoirs plus faibles s'efforçant d'échapper à leur emprise. Ceci n'a rien en soi de scandaleux. Il s'agit d'une loi générale s'exerçant depuis l'origine de la vie au sein de la compétition entre systèmes biologiques. Un organisme, une espèce, un ensemble de solutions vitales qui ne peuvent pas s'imposer comme totalitaires sont menacés de disparition, au moins dans leur niche vitale. Leur premier réflexe est donc d'éliminer ou tout au moins de contrôler leurs concurrents.

    Les réseaux numériques subissent, comme toutes les constructions sociétales, l'influence des systèmes de pouvoirs plus généraux qui dominent les sociétés dans leur ensemble. Parmi ceux-ci, on distingue classiquement les pouvoirs politiques, les pouvoirs économiques et les pouvoirs médiatiques. Ces systèmes de pouvoirs sont personnifiés par des couches sociales ou des individus relevant de ce que l'on nomme les élites ou les oligarchies. Même si leurs intérêts propres divergent éventuellement selon les lieux et les périodes, ces élites et oligarchies se retrouvent généralement unies au niveau global pour défendre leur domination. On estime très sommairement qu'elles représentent environ 1% de la population mondiale, s'opposant à 99% de personnes ou d'intérêts n'ayant pas pour diverses raisons la capacité de dominer. Les Etats et leurs administrations sont généralement, même dans les sociétés démocratiques, au service des minorités dominantes, sinon leur émanation directe.

    3. La description ci-dessus convient parfaitement pour désigner ce qu'il est devenu courant dans le langage politique engagé d'appeler le Système, avec un S majuscule. On dénonce le Système, on s'engage dans des actions anti-Système...Certaines personnes se demandent à quoi correspond exactement ce Système. Elles ne reçoivent pas toujours des réponses précises. Pour nous, les réponses sont sans ambiguïté. Elles correspondent à ce que nous venons d'évoquer, la domination de 1% d'oligarchies et d'activités associées s'imposant au reste des population. On remarquera que le Système, dans cette acception, n'est pas lié seulement au système capitaliste, ou au système de l'américanisme. Il s'agit d'une structure absolument générale, identifiable sous des formes très voisines dans tous les régimes politiques et dans toutes les parties du monde. Plus généralement, nous y avons fait allusion dans d'autres articles, il s'agit de formes de pouvoir émergeant spontanément de la compétition darwinienne entre systèmes biologiques.

    Ceci veut-il dire que rien ne pourra jamais modifier cette inégalité fondamentale? Les combats pour l'égalité et une plus grande démocratie sont-ils d'avance voués à l'échec? Disons que des formes souvent différentes de répartition des pouvoirs se rencontrent nécessairement. Certaines d'entre elles peuvent laisser une plus grande place aux responsabilités de la périphérie ou de la base. Ce sont sans doute celles-là qu'il conviendra d'encourager. Mais d'une façon générale, des structures parfaitement égalitaires ne semblent pas envisageables. Elles signifieraient la fin de toute évolution, une sorte de mort cérébrale. Si bien d'ailleurs qu'elles ne sont jamais apparues spontanément.

    Ajoutons que les grands systèmes de pouvoirs identifiables aujourd'hui au sein des réseaux numériques correspondent à ceux qui dominent la sphère géopolitique dans son ensemble, tout au moins dans les domaines technologiques et scientifiques. Les Etats-Unis et le cortège des pays qui sont sous leur influence pèsent du poids le plus lourd. La Russie est en train de reprendre une certaine influence. La Chine constitue une force montante. Mais il est encore difficile de mesurer son poids actuel.

    4. Les activités qui sont identifiables au sein des réseaux numériques, qu'elles proviennent des agents dominants ou des dominés, se partagent entre activités licites et activités illicites ou criminelles. On retrouve là encore un trait général s'appliquant à l'ensemble des sociétés suffisamment organisées pour se doter d'une règle de droit et des moyens administratifs et judiciaires de la faire appliquer. Qui dit règles de droit ou contraintes d'ordre général dit aussi tentatives réussies ou non pour y échapper. Certes, sauf dans les pays pénétrés en profondeur par des mafias, les activités licites sont les plus nombreuses. Mais il suffit de quelques acteurs se livrant à des activités illicites ou criminelles pour pervertir l'ensemble. D'où le consensus social s'exerçant à l'égard des institutions et personnes visant à identifier et empêcher de s'exercer les activités illicites. L'opinion considère que les contraintes de police et de contrôle sont le prix à payer pour le maintien de l'ordre public. Cette tolérance peut laisser le champ libre à divers abus de la part des autorités de contrôle.

    Ceci d'autant plus que l'Internet tolère, sinon encourage l'anonymat. Derrière cet anonymat prolifère ce que l'on nomme de plus en plus une poubelle, c'est-à-dire une abondance de propos malveillants. L'opinion considère que les contraintes de police et de contrôle sont le prix à payer pour le maintien d'un minimum d'ordre public sur le web. Cette tolérance peut laisser le champ libre à divers abus de la part des autorités de contrôle. Mais ces abus restent, tout au moins pour le moment, très peu visibles. La plus grande partie des utilisateurs ne s'estiment donc pas - tout au moins pour le moment - concernés.

    5. Il résulte de tout ce qui précède que les entreprises ou individus exerçant leurs activités au sein des réseaux numériques sont de facto obligés de se conformer aux lois et règlements mis en place par les pouvoirs dominants, non seulement pour prévenir et combattre les activités illicites, mais plus généralement pour assurer leur maîtrise sur l'univers numérique. Ceux qui veulent échapper aux contraintes ainsi définies par les pouvoirs dominants, qu'elles prennent une forme légale ou spontanées, risquent en effet d'être considérés comme encourageant le crime et la fraude, sous leurs différentes formes. Au tribunal de l'opinion publique, ils n'échapperont pas à ce reproche. Seuls pourraient s'en affranchir des activistes masqués ou anonymes, dont l'influence restera marginale. Les activistes seront en effet obligés à un jeu de chat et de la souris dont ils ne sortiront pas vainqueurs. Malgré l'anonymat prétendue offert par les réseaux numériques, les moyens de contrainte dont disposent les Etats et leurs administrations s'imposeront toujours. Il faudrait un effondrement social global, y compris au niveau des forces de sécurité et de défense, pour que ces moyens de contrainte perdent de leur influence.

    6. Le goulag numérique ainsi décrit serait-il si oppressant qu'il serait progressivement rejeté par les intérêts et individus dominés sur lesquels il s'exerce? Pas du tout, car il s'agit en fait de ce que l'on pourrait nommer un goulag attrayant. S'il enferme étroitement les acteurs, il leur offre aussi des compensations. La constatation a été souvent faite à l'égard de systèmes de contrôle des comportements s'exerçant à travers la publicité commerciale et la télévision. La plupart des citoyens sont près à « vendre sinon leur âme, du moins leur sens critique et leur droit à l'autonomie, à condition de bénéficier d'une promotion publicitaire ou de quelques minutes d'antenne.

    Il en est de même en ce qui concerne le rapport des individus avec les réseaux dits sociaux, vivant de la marchandisation des données personnelles. La plupart des gens sont près à confier à ces réseaux des informations confidentielles les concernant, fussent-elles gênantes, pour le plaisir d'être identifiés plus ou moins largement par le public. Ainsi espèrent-ils sortir de l'anonymat, qui est la pire des malédictions dans un monde où tout le monde est censé communiquer avec tout le monde. On objectera que beaucoup de ceux se dévoilant ainsi restent suffisamment prudents pour ne pas livrer de vrais secrets pouvant les mettre en danger. Mais ce n'est pas le cas quand il s'agit de personnalités faibles ou d'enfants., cibles précisément des activités potentiellement criminelles.

    7. La description du goulag numérique proposée ici ne peut évidemment être considérée comme décrivant de façon exhaustive la diversité des situations qui se rencontrent au sein des réseaux numériques. Il s'agit seulement d'un schéma très général comportant des exceptions. On trouve dans la réalité quotidienne de nombreux cas montrant que des acteurs particuliers échappent momentanément ou localement à la domination et au contrôle que tentent d'imposer les pouvoirs dominants.

    Ceci fut illustré récemment par la suite des évènements survenus lors de la crise NSA/Snowden. D'une part les grands acteurs du web ont fini par s'inquiéter de l'inquiétude et la désaffection d'un nombre grandissant de leurs clients, de plus en pls gênés par les intrusions croissantes non seulement des pouvoirs de police mais des services marketing des entreprises. Concernant le pouvoir fédéral américain, les acteurs du web interviennent actuellement auprès de Barack Obama pour faire alléger les contrôles qu'exercent sur leurs fichiers les différentes agences de renseignement, agissant pour leur compte propre ou à la demande des administrations chargées de l'application des différentes réglementations en vigueur: fiscalité, douanes, environnement, etc.

    D'autre part, comme nous l'avons vu, soit aux Etats-Unis mêmes, soit dans de nombreux autres pays, de nouvelles entreprises offrant la possibilité d'échapper non seulement à l'espionnage et au contrôle mais à une publicité devenue oppressante ne cessent de se créer. Leur succès reste limité vu la répression qu'elles suscitent, mais elles exercent cependant un contre-pouvoir non négligeable. L'enfermement imposé par le goulag numérique global reste cependant son caractère dominant.

    Une évolution systémique

    Nous pouvons évoquer une dernière question, souvent posée par les personnes qui découvrent les problèmes évoqués ici: existe-t-il au sein du goulag numérique des individus ou groupes d'individus clairement identifiables qui organiseraient en dernier ressort les dominations ainsi mises en place. Lorsqu'il s'agissait du goulag soviétique sous ses formes les plus arbitraires, on pouvait dans l'ensemble identifier les « organes », notamment au sein du parti, qui mettaient en œuvre ce goulag, décidaient qui devaient y être enfermé, et ce que serait leur sort. Les conspirationnistes, pour qui tous les éléments négatifs de nos sociétés résultent de complots organisés, répondront que la même situation prévaut concernant ce que nous avons évoqué ici sous le terme de goulag électronique. Il devrait selon eux être possible d'identifier les entreprises et au sein de celles-ci les responsables organisant la domination des grandes forces s'exprimant à travers les réseaux numériques.

    Il serait naïf de prétendre que ce n'est pas le cas, mais il serait tout aussi naïf de ne pas admettre que les phénomènes de l'ampleur évoquée ici ne dépendent pas seulement d'initiatives personnelles identifiables. Il s'agit de grands mouvements sociétaux affectant le monde moderne dans son ensemble. Certains individus ou intérêts y sont plus actifs que d'autres, mais ils ne peuvent à eux seuls être tenus responsables de la totalité des phénomènes.

    C'est à ce stade du raisonnement qu'il est intéressant d'évoquer à nouveau notre concept de système anthropotechnique, présenté dans notre essai "Le paradoxe du Sapiens". Ce concept s'applique parfaitement à l'analyse qui précède. Les grands acteurs de l'évolution en cours ne sont pas seulement des groupes humains. Mais il ne s'agit pas non plus de systèmes technologiques autonomes. Il s'agit de la conjonction de groupes humains dont l'analyse relève de l'anthropologie ou de la politique, associés en symbioses étroites avec des promoteurs de systèmes technologiques dépendant de contraintes relevant de l'analyse scientifique et industrielle. Le tout prend des formes et configurations très variables, selon les pays, les époques et les domaines. L'évolution darwinienne globale résultant de la compétition des différentes entités anthropotechniques ainsi formées s'impose au monde de la même façon que s'était imposé jusqu'à présent l'évolution biologique et sociétale.

    Ajoutons que prendre toute la mesure de phénomènes de cette ampleur est quasiment impossible aux observateurs que nous sommes, puisque nous sommes inclus dans les mécanismes que nous voudrions décrire objectivement, et donc incapables de se donner le recul théoriquement nécessaire.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 13 août 2013)


    Notes

    1) Cf notre article "Comment définir le Système et comment lutter contre lui ?" http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=1148&r_id=

    2) Fermeture de Lavabit. Voir The Guardian
    http://www.theguardian.com/technology/2013/aug/08/lavabit-email-shut-down-edward-snowden

     3) Voir une déclaration du General Keith Alexander, patron de la NSA NSA head: Replace would-be Snowdens with computers to stop future leaks  http://rt.com/usa/nsa-snowden-former-job-future-257/

     

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  • Quelques idées remises à l'endroit (2)...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la solidarité, les valeurs et le totalitarisme...

     

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    Solidarité sans solidarités ? Celle dont tous les médias parlent, mais qui autorise aussi à attendre deux mois avant de s’apercevoir que la voisine d’à côté est en train de pourrir sur son lit…

    C’est que le terme a changé de sens. Les solidarités anciennes étaient des solidarités organiques, qui s’exerçaient avant tout dans un cadre familial et communautaire élargi. Elles se fondaient donc sur la proximité, et aussi sur la réciprocité. Elles relevaient de la logique traditionnelle du don et du contre-don, dont on sait depuis Marcel Mauss que la règle tenait dans un triple impératif de donner, de recevoir et de rendre. La montée de l’individualisme libéral, liée à l’ascension d’une philosophie des Lumières désireuse de faire du passé table rase (en fonction du principe traditions = superstitions), a entraîné la désagrégation progressive des solidarités organiques. C’est ce qui explique la mise en place de l’État-providence, seule structure capable de limiter les dégâts.

    Parallèlement, l’échange marchand s’est substitué au système du don. La « solidarité » est désormais affaire d’opérations relevant du spectacle, comme le Téléthon, ou d’une propagande pour des causes lointaines, c’est-à-dire d’un discours où la langue est mise à disposition sur un mode tout à la fois instrumental et lacrymal. La réciprocité, enfin, tend d’autant plus à s’effacer qu’elle implique entre les auteurs et les bénéficiaires d’un acte de solidarité la claire perception d’une ressemblance, d’une parenté fondée sur des valeurs partagées, qui tend elle-même à disparaître. Pour l’automobiliste, l’autre homme, pris comme passant, n’est qu’un obstacle à la circulation. Pour la forme-capital, les cultures ne sont qu’un obstacle à l’expansion perpétuelle du marché.

    Valeurs sans valeurs ? Comment vilipender en même temps l’« ordre moral » et invoquer les « valeurs morales » à toutes occasions, tel Michel Noir, qui écrivait dans Le Monde qu’« il préférait perdre les élections plutôt que son âme » ?

    Cela nous a au moins appris qu’il avait une âme (ou qu’il croyait en avoir une), ce qui n’était pas évident. Les « valeurs morales » dont on nous rebat les oreilles sont à la mesure des « autorités morales » que sont censés être, par exemple, les membres des comités de réflexion en matière de bio-éthique. Leur autorité est en réalité parfaitement nulle, non seulement parce que la recherche scientifique se développe selon une logique intrinsèque qui rend sa « moralisation » aussi improbable que celle du marché, mais parce que leurs opinions n’ont jamais que la valeur de la philosophie, de l’idéologie ou de la religion dont ils se réclament, auxquelles nul n’est évidemment tenu d’adhérer.

    Ce qui est plus intéressant, c’est de constater comment le moralisme (Nietzsche aurait dit la « moraline ») a remplacé la morale. On pensait autrefois que la société se portait d’autant mieux que les individus s’y comportaient bien. Aujourd’hui, la permissivité gouverne les comportements individuels, mais on ne cesse de répéter que la société doit être toujours plus juste. De ce point de vue, on pourrait également dire que la morale a remplacé l’éthique. Le grand débat qui, en matière de philosophie politique, s’est instauré à partir de 1980 autour des thèses de John Rawls, le plus célèbre sans doute des refondateurs de la social-démocratie contemporaine, opposait ceux qui, comme Rawls lui-même, soutenaient la priorité du « juste » sur le « bien », et ceux qui défendaient au contraire la priorité du « bien » sur le « juste ». Ces deux perspectives sont incompatibles. La première renvoie à Kant, la seconde à Aristote. Ceux qui se réfèrent aux « valeurs morales » dont vous parlez sont des kantiens, conscients ou inconscients. C’est ce qui explique la vogue de l’idéologie des droits de l’homme, par opposition à la pensée du bien commun.

    Totalitarisme sans objet ? Pour un Bernard Antony, l’islam serait un nouveau « totalitarisme ». Pour un Alain Finkielkraut, c’est l’antiracisme qui serait lui aussi un nouveau « totalitarisme ». À force de mettre ce mot à toutes les sauces, la soupe n’aurait-elle pas tendance à devenir de plus en plus fade ?

    C’est un risque, en effet. À voir du « totalitarisme » partout, on risque de banaliser le concept, et donc de ne plus très bien savoir ce que c’est. La plupart des politologues qui, à partir des travaux fondateurs de Waldemar Gurian, Carl Joachim Friedrich et Hannah Arendt, ont étudié les deux grands systèmes totalitaires du XXe siècle, le national-socialisme hitlérien et le système soviétique, ont en général défini le totalitarisme par son recours à un certain nombre de moyens : parti unique, mobilisation des foules, contrôle absolu des médias, déportations et massacres de masse, élimination physique des opposants, monopole idéologique, invasion de la vie privée, etc. Cette définition a permis de distinguer les régimes totalitaires des régimes autoritaires ou simplement dictatoriaux, distinction qu’a très bien explorée le politologue espagnol Juan Linz.

    Mais cela ne répond pas à la question de savoir pourquoi ces régimes ont recouru à de tels moyens, et surtout dans quel but. Or, si l’on définit le totalitarisme, non par ses moyens, mais par ses buts, on constate vite que ceux-ci se résument à un désir de faire disparaître toute diversité politique et sociale, de façon à faire émerger un type d’homme « conforme » qui soit partout le même. Le fond de la pulsion totalitaire, c’est une aspiration à l’homogène – à l’Unique. De ce point de vue, il ne me paraît pas excessif de parler de « tendance totalitaire » pour décrire la façon dont se met en place aujourd’hui, par des moyens évidemment tout différents, une société de surveillance totale régie par la pensée unique. George Orwell est sans doute l’un des premiers à avoir compris qu’il est désormais possible de parvenir en douceur à des buts qu’on ne pouvait atteindre que par la violence autrefois…

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 9 août 2013)

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  • Une histoire soviétique...

    Les éditions Little Big Man diffusent en DVD The soviet story, un documentaire d'Edvins Snore consacré au stalinisme. Cinéaste letton, Edvins Snore a rassemblé des images percutantes qui permettent de rappeler la similitudes des pratiques totalitaires nazies et soviétiques...

     

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    " Une impressionnante récapitulation des crimes de masse du communisme, de la famine planifiée en Ukraine (7 millions de morts en 1932-1933) à l’extermination stalinienne des « ennemis de classe » (11 millions entre 1937 et 1941). Les archives révèlent aussi la collaboration à grande échelle entre nazis et soviétiques pour la « solution finale du problème juif ». The Soviet Story souligne l’impunité totale de l’Union soviétique, à l’abri dans le camp des vainqueurs de 1945.

    10 ans d’enquête pour un documentaire essentiel de vérité ! "

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  • Les écrivains dans la cité...

    Le onzième numéro de la revue Livr'arbitres est en vente et comporte un dossier consacré à l'écrivain François Sentein ainsi qu'un dossier consacré à la littérature face aux totalitarismes d’hier et d’aujourd’hui, avec, notamment, des contributions de Francis Bergeron, d'Alain de Benoist et de Michel Déon. 

    La revue peut être commandée sur son site :  Livr'arbitre, la revue du pays réel.


     

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  • A propos de la plus grande manifestation de l'Histoire de France...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Henri Hude, cueilli sur son site et consacré à la manifestation géante du 24 mars 2013 et au potentiel de révolte contre le Système dont elle est porteuse...

    Henri Hude est philosophe et enseigne (enseignait ?...), notamment, l'éthique à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan.

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    La plus grande manifestation de l'Histoire de France

    Paris vient d’accueillir la plus grande manifestation populaire de toute l’Histoire de France.

    Beaucoup pensaient que son ampleur n’égalerait pas la première : c’était une erreur. Cette manifestation du 24 mars 2013 confirme donc et renforce les enseignements de la précédente. Le 13 janvier, nous étions un million, nous avons atteint sans doute le million et demi, la prochaine fois nous reviendrons deux millions. Ne parlons pas des évaluations du Pouvoir et du Léviathan médiatique : le Docteur Goebbels n’est pas mort. Cette observation nous met au cœur du sujet : le Peuple français se trouve en face d’une nouvelle entreprise totalitaire. En quoi consiste-t-elle ? 

    Comme dans toute idéologie, il y a au principe une volonté arbitraire d’indépendance absolue.

    L’idéologue des Démons de Dostoïevski en a donné pour toujours la formule achevée : « Je commence avec la liberté absolue et j’aboutis à la dictature parfaite. » C’est la logique de Robespierre. C’est la logique de Lénine. C’est la logique de Peillon, c’est celle de Taubira. C’est la logique totalitaire, partout et toujours, qui produit toujours le même résultat, le despotisme, en vertu d’une force des choses. Car il s’agit de transformer un Peuple en une Communauté de transgression, menée à la baguette par une secte d’idéologues.

    Ce que les totalitaires nomment « égalité », ce n’est pas la justice, dont ils se moquent. C’est une sorte de religion

    C’est une communion transgressive entre dévots de la liberté absolue. Cette communion se réalise toujours par une action politique, symbolique et sacramentelle, qui peut être le meurtre d’un monarque ou l’assassinat d’une classe, le renversement d’un autel, la suppression de la propriété privée, ou l’élimination d’une race. Ce pourrait être aussi l’infanticide, ou le suicide, ou le parricide collectif. De notre temps, un parti-secte a décidé l’abolition du couple et de la famille. C’est là son sacrement. C’est là son culte. C’est sa communion, son Egalité. C’est là qu’il jouit et s’adore. Et, comme toujours, l’Homme est sa victime.

    Les idéologues forment une secte.

    La secte engendre un parti totalitaire. Le parti manipule la démocratie, l’annule, domine l’Etat. L’Etat absorbe la société. Toute opposition est broyée. La secte est heureuse.

    Malgré leur unanimité, les idéologues divergent. Chacune des passions qui se disputent le cœur humain fabrique sa propre idéologie. Toutes unies pour détruire l’Homme et sa liberté, les idéologies se font des guerres plus inexpiables encore que ne firent jamais les religions.

    Il est totalement inutile de raisonner avec les idéologues. Car ce qui est perverti, chez eux, c’est la raison.

    Celle-ci devrait être le moyen de résoudre nos problèmes. Investie par l’idéologie, c’est la raison qui devient le cœur du problème et le fondement même du totalitarisme. Le pouvoir de questionnement radical est le fondement de l’esprit scientifique et la base de la philosophie. C’est ce questionnement qui rend l’Homme sûr à la fois de la vérité et de sa liberté. Car il n’y a pas de réponse, pour qui n’a pas de question. Mais chez les idéologues, ce pouvoir de questionner devient une méfiance paranoïaque, une manie de douter, une rage de nier, un besoin de se refuser. La raison devient folle et s’endort, « engendrant des monstres » : moule à préjugés, machine à systèmes, prétexte à bourrer le crâne et à interdire de questionner. Puisque le peuple désormais pense comme nous, il n’est plus nécessaire qu’il pense. L’important est qu’il communie dans notre Egalité de transgression. Telle est l’idéologie.

    Le Peuple français fait face à une entreprise totalitaire.

    Nous n’assistons plus au déroulement d’un jeu politique ordinaire. Le Peuple n’est pas même en face d’un coup d’Etat permanent. Il fait face à une entreprise d’usurpation visant à lui imposer une autre constitution – plus encore, une autre constitution anthropologique. Nous sommes en face d’un pouvoir législatif qui usurpe le pouvoir constituant et qui l’usurpe absolument. Nous sommes en face d’un pouvoir constituant mégalomane et illégitime, qui prétend changer la nature humaine, la manipuler à sa guise, se saisir des esprits, embrigader la jeunesse et réprimer toute dissidence. Nous sommes bien en présence d’une entreprise totalitaire. L’heure est donc à la Résistance, jusqu’à la Libération, et à la Renaissance.

    Quelle est la force réelle de l’entreprise totalitaire ? Elle est faible ! Et le Peuple est fort !

    Le Peuple prend de plus en plus conscience de sa force et de sa résolution. Il y avait hier à Paris une représentation d’une bonne moitié de l’élite française, pour réclamer un pouvoir qui respecte la famille. Et il y aurait pu y avoir en même temps un autre million et demi entre la République et la Bastille, pour réclamer un pouvoir effectivement social, qui défende le travail des Français. Il est probablement inévitable que les deux mouvements finissent par converger contre le totalitarisme nihiliste et l’oligarchie, non seulement en France, mais peu à peu dans toute l’Europe, et, on l’espère, aux États-Unis.

    Le pouvoir devrait prendre conscience de sa faiblesse.

    D’abord, il ne vit que d’emprunts. Les banques, l’an dernier, n’ont plus acheté ses bons du trésor. Elles ont été remplacées par l’intervention de fonds souverains asiatiques et moyen-orientaux. Si les émirs ne lui font pas un chèque toutes les trois semaines, si les Français n’achètent plus d’assurance-vie, le pouvoir est en cessation de paiements. Ce pouvoir déjà dans la main de puissances étrangères serait à la merci d’une grève de l’impôt.

    Ensuite, ce pouvoir est sans appui démocratique et populaire. Le système médiatico-partisan est encore monté de telle sorte que le fonctionnement biaisé des institutions lui permet de conserver encore une apparence démocratique. Mais l’opinion publique est clairement consciente du caractère désormais non représentatif du régime.

    Ce pouvoir a perdu le peuple. Impuissant, ou complaisant, ce pouvoir semble n’être là que pour laisser faire l’argent et laisser mourir le travail. La France est ainsi privée de capitaux qui vont égoïstement s’investir là où est possible une inégalité maximale, accroissant aussi maximalement l’inégalité en France. Pour cette raison, le pouvoir a perdu le peuple, les pauvres pullulent, auquel il refuse l’égalité économique et la dignité du droit au travail.

    Ce pouvoir qui est si dépendant des grandes compagnies internationales, persécute le petit et moyen patronat, seul qui investisse encore dans ce pays pour y donner du travail à nos compatriotes.

    Ce pouvoir va perdre mêmes les fonctionnaires, qu’il va devoir tondre à leur tour, et licencier, pour obéir aux ordres des syndicats d’usuriers et de leurs fondés de pouvoir (OMC, FMI, etc.).

    Avant d’en venir là, il va mettre en péril la sécurité de la France, en abaissant follement le niveau de nos forces armées.

    Quelle honte que le nom de « socialisme » en soit venu à désigner ce qu’on aurait cru son contraire : cette « soif de l’argent qui gangrène le monde » (François, 24/03/2013), et l’individualisme radical.

    Ce pouvoir n’a même pas la force physique entre ses mains. Quel officier de gendarmerie, quel officier de police, commandera de matraquer un peuple non violent, le jour où, par dizaine de milliers, sans violence, sans porter de coup, mais juste en avançant, et décidés à se laisser au besoin frapper sans reculer, comme faisaient les Indiens menés par Gandhi, il avancera, déterminé à sauver sa liberté, son travail, sa dignité d’homme et de femme, et franchira les barrières ?

    Le pouvoir voudrait salir le Peuple et lui prêter des sentiments de haine ou de discrimination, juste parce qu’il n’a rien à faire de son idéologie.

    Mais voilà que les nihilistes se trouvent désarmés, dépités, en présence d’une amitié naissante et rayonnante entre tous ceux qui, aussi différents soient-ils, ont en commun de refuser la persécution et la normalisation idéologique. Les Français veulent tout simplement demeurer des hommes et des femmes, tels que les a faits la nature, ou tels que les faits Dieu, et tels que la raison leur conseille de demeurer, avec son bon sens si bien partagé.

    Le pouvoir est faible parce qu’il cimente contre lui l’unité du peuple en sa diversité. Le Peuple découvre avec stupeur que la laïcité aux mains des totalitaires s’est muée en fanatisme idéologique. Le despotisme fabrique ainsi contre lui-même une fraternité nouvelle et jusqu’alors inconnue de toutes les religions et de toutes les philosophies, autant que de toutes les races. Il ne pourra plus la dissoudre.

    Ce pouvoir n’a pas de force, car il a déjà perdu sa légitimité profonde.

    Le pouvoir détruit le travail. Il entend en outre détruire le mariage et la famille. Ce pouvoir qui démolit les cadres moraux les plus essentiels est incapable, par suite, de lutter contre l’insécurité croissante. Et ce sont des gens-là qui prétendent, en plus, faire la morale aux jeunes et leur bourrer le crâne avec des folies idéologiques, comme si on était en Chine populaire ?

    Le pouvoir est failli. Il menace de jeter la France dans une guerre lointaine, probablement pour complaire aux puissances dont les financements prolongent sa survie. Et c’est ce même pouvoir, parvenu à l’extrémité du discrédit possible, qui se lance dans une entreprise totalitaire et prétend passer avec mépris le licou à des millions et des millions de Français, juste parce qu’il est habile à manipuler les médias et le système des partis ? Eh bien cela ne sera pas !

    Ce pouvoir dresse désormais contre lui et les conservateurs et le peuple, au moins la moitié de l’élite et de ceux qui payent les impôts et souscrivent aux emprunts d’Etat.

    Si les forces populaires ont de la présence d’esprit, elles comprendront que le moment est venu et que c’est maintenant qu’elles peuvent renouveler le syndicalisme et sauver le travail. Elles ne le sauveront qu’en juxtaposant à la Manif pour tous, ou en injectant en elle, une dimension de Manif pour le Travail pour Tous.

    Quand un pouvoir a gravement failli à toutes ses obligations et qu’il veut mettre le Peuple à genoux, il prend le risque que le Peuple le mette à pied et le punisse

    Il existe toujours au-dessus des pouvoirs constitués un Pouvoir supérieur et constituant. Ce pouvoir reste le maître et le juge.

    Le jour venu, il peut renvoyer devant la juridiction qu’il constituerait certains individus qui, ayant eu à exercer les pouvoirs constitués, auraient manqué à leurs devoirs et posé des actions susceptibles d’être qualifiées de forfaiture et d’atteinte aux intérêts vitaux de la nation.

    Face au fanatisme totalitaire, un Peuple peut prêter serment de ne plus se séparer sans avoir rendu sa Constitution à son pays.

    Le Peuple est fort. Non seulement il se compte et mesure à la fois la faiblesse du pouvoir et sa propre force. Mais plus encore, il sait qu’il EST le Peuple, qu’il a pour lui le droit et la raison, la justice et la tolérance, et qu’il lutte contre le totalitarisme. Il est déterminé à opposer une Résistance farouche, jusqu’à la Libération. L’Ordre Nouveau ne passera pas.

    Et maintenant ? – On peut désormais prévoir trois choses :

    1. Le Peuple va se déclarer en permanence – ou, en tout cas, en manifestation permanente contre le Totalitarisme et pour la Liberté.

    2. Le peuple qui exige du Travail pour tous, et tous les participants de la Manif pour tous, vont un jour se rejoindre et faire Peuple ensemble, contre le totalitarisme libertaire.

    3. Les dates des deux prochaines manifestations seront probablement le 1er mai 2013 et le 14 juillet 2013.

    Henri Hude ( Site d'Henri Hude, 25 mars 2013)

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  • Contre le totalitarisme technicien...

    Les éditions Le passager clandestin publient cette semaine un essai de Serge Latouche intitulé Jacques Ellul contre le totalitarisme technicienPrincipal penseur français de la décroissance, Serge Latouche est l'auteur, notamment, du Pari de la décroissance (Fayard, 2006) et de Sortir de la société de consommation (Les liens qui libèrent, 2010). Il a aussi récemment publié aux éditions Les Liens qui Libèrent Bon pour la casse - les déraisons de l'obsolescence programmée.

     

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    " Jacques Ellul a, dès l’origine, été perçu par le mouvement de la décroissance comme l’un de ses principaux précurseurs. Sa critique de la démesure technicienne et son analyse du « totalitarisme technicien », comptent parmi les pièces maîtresses du projet, en l’alimentant aussi bien sur le plan théorique que sur celui des propositions concrètes.

    Jacques Ellul a dénoncé en maints endroits et avec la plus grande fermeté la démesure de la société occidentale, la croissance et le développement. Il a montré que la société économique de croissance ne réaliserait pas l’objectif de bonheur proclamé de la modernité, et que les évolutions de la technique étaient incompatibles avec les rythmes de l’homme et l’avenir du monde naturel.

    Cette relecture par Serge Latouche de la pensée de Jacques Ellul, rappelle aussi que la virulence de la critique sociale du maître bordelais s’accompagnait toutefois d’une conception minimale de l’action politique, définie comme dissidence individuelle. Lire Ellul à l’ère de l’anthropocène, c’est aussi rappeler, avec les objecteurs de croissance, que les temps sont désormais aux métamorphoses radicales."

     

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