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russie - Page 8

  • Les ambitions inavouées...

    Les éditions Tallandier viennent de publier le nouvel essai de Thomas Gomart intitulé Les ambitions inavouées - Ce que préparent les grandes puissances. Historien et directeur de l'Institut français des relations internationales, Thomas Gomart est membre des comités de rédaction de Politique étrangère, de la Revue des deux mondes et d'Etudes et est déjà l'auteur de L'affolement du monde - 10 enjeux géopolitiques (Tallandier, 2019) et de Guerres invisibles (Tallandier, 2021).

     

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    " Que savons-nous des plans échafaudés par nos partenaires et adversaires ? La guerre en Ukraine nous a brutalement rappelé qu’une décision prise par un chef d’État a un impact sur le sort de millions de personnes. Pour rompre avec une vision du monde souvent nombriliste, la France doit mieux comprendre les ambitions des autres grandes puissances. C’est l’objectif de cet essai inédit et stimulant.

    Quelle importance accorder à la foi religieuse dans les stratégies conduites par la Turquie d’Erdogan, l’Iran de Khamenei et l’Arabie saoudite de MBS ? De quelle manière les orientations
    prises par l’Allemagne de Scholz, la Russie de Poutine et la Chine de Xi Jinping reconfigurent-elles l’Eurasie ? Le Royaume-Uni et les États-Unis se définissent désormais comme des «démocraties maritimes ». Qu’en est-il de l’Inde ?

    Combinant temps long et ruptures récentes, Thomas Gomart nous invite à regarder «d’en haut» neuf grandes stratégies. Pour concevoir sa propre vision, Paris doit intégrer celle des pays
    avec lesquels elle entretient des relations cruciales tout en considérant le contexte global : réchauffement climatique, crise énergétique, conflits, innovations technologiques ou encore flux économiques et numériques. Au regard des transformations à l’œuvre, il y a urgence pour la France à repenser sa stratégie pour les décennies à venir si elle veut encore compter dans le monde. "

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  • Tour d'horizon... (236)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur le site de Gavroche, Emmanuel Todd intervient pour la première fois en public sur la guerre en Ukraine en tant qu'historien...

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    - sur Grand Continent, Chris Miller évoque la guerre des semi-conducteurs entre la Chine et les États-Unis...

    Semi-conducteurs : Chine et États-Unis dans la nouvelle ère de la guerre

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  • Des volontaires...

    Les éditions Auda Isarn viennent de rééditer un roman de Saint-Loup intitulé Les Volontaires.

    Aventurier, journaliste engagé dans la collaboration et écrivain, sous le pseudonyme de Saint-Loup, Marc Augier (1908-1990), est l'auteur de nombreux récits et romans dont Face nord, La peau de l'Aurochs, La nuit commence au Cap Horn (Transboréal, 2015), La République du Mont-Blanc (Auda Isarn, 2020) et Nouveaux Cathares pour Montségur (Auda Isarn, 2020). 

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    " En 1941, tandis que l’Armée allemande se précipitait vers Moscou, les dirigeants des partis politiques parisiens fondaient la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF). Plus de 10 000 hommes se présentèrent. Ils venaient de toutes les classes de la société française de l’époque et pour les motifs les plus divers. 3 000 environ furent jugés aptes à combattre la Russie aux côtés des Allemands. Parmi eux on trouvait des licenciés ès lettres, des ingénieurs, de faux princes et de vrais marquis, des clochards et des héros de la guerre 1914-1918, d’anciens combattants des Brigades internationales et des partisans de Franco, des acrobates motocyclistes, de vrais curés et de faux évêques.

    C’est cette croisade contre le bolchevisme, sous des températures hautement négatives, que nous conte ici Saint-Loup. Revivez cette page héroïque de notre histoire, au milieu des isbas, des forêts et des partisans. Vous y croiserez l’écrivain Jean Fontenoy, Jacques Doriot, Mgr Mayol de Lupé, prélat botté et casqué, et, bien sûr, Le Fauconnier, probable double romanesque de l’auteur, soldat politique de l’Europe raciale et païenne. "

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  • Guerre en Ukraine : trois scenarios pour 2023...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Bernard Pinatel cueilli sur Geopragma et consacré aux scénarios d'évolution de la guerre en Ukraine. Officier général en retraite et docteur en sciences politiques, Jean-Bernard Pinatel a déjà publié plusieurs essais dont Carnet de guerres et de crises 2011-2013 (Lavauzelle, 2014).

     

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    Guerre en Ukraine : trois scenarios pour 2023 et les facteurs déterminants qui les sous-tendent

    Dans « Foreign Affairs » du 4 janvier 2023[i], Barry Ross Posen, professeur de sciences politiques internationales au MIT et directeur du programme études de sécurité du MIT infléchit son évaluation de situation concernant la guerre en Ukraine : « En juillet, j’ai fait valoir que la guerre était dans l’impasse. Compte tenu des succès subséquents de l’Ukraine dans la libération du territoire dans et autour des villes de Kherson et Kharkiv, mon évaluation était clairement prématurée. Mais il convient de noter que l’Ukraine a obtenu ces succès pendant la période où les forces de la Russie étaient à leur plus faible et son leadership à ses plus pauvres moments. Malgré les progrès de Kiev, la triste vérité demeure qu’à l’époque et à l’heure actuelle, le rapport entre les pertes russes et les pertes ukrainiennes est de un pour un, selon les estimations des États-Unis. La campagne de bombardements contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes, qui a commencé en octobre, force l’Ukraine et ses alliés à détourner leurs ressources vers la défense de la population urbaine du pays, vulnérable aux intempéries en l’absence d’électricité. Et le retrait des forces russes de la ville de Kherson en novembre a sauvé des unités capables de destruction et les a libérés pour l’action ailleurs« .

    Cette analyse est importante à plusieurs titres : elle confirme les analyses stratégiques de plusieurs géopoliticiens français ou étrangers notamment ceux de GEOPRAGMA, (dont la pensée reste libre de tout appartenance) car elle minimise les succès ukrainiens que nos analystes de plateaux TV considéraient comme décisifs et qui les autorisaient à pronostiquer la défaite de la Russie.

    A l’orée de 2023 l’évolution de la réflexion de cet influenceur important de la pensée stratégique des élites américaines est l’occasion de rappeler les facteurs déterminants qui se sont dégagés de ces 10 mois de guerre et qui décideront de l’évolution de ce conflit.

    Ils limitent le champ des scénarios plausibles sur la poursuite de ce conflit en 2023.

    Les facteurs déterminants qui se sont révélés au cours de ces 10 mois de guerre :

    1. Les russes, par sous-évaluation des capacités ukrainiennes et de l’héroïsme de ses soldats et probablement pour devancer une attaque de leur part prévue au printemps, se sont lancés le 24 février 2022 dans cette « opération spéciale » avec des forces limitées (environ 100 000 hommes) et un commandement décentralisé (3 corps d’Armée) sur un front très étendu (1000 km). Avec ces forces ils n’avaient, comme je l’ai déclaré le 5 mars sur LCI, ni la capacité de s’emparer de Kiev ni de conquérir toute l’Ukraine que la majorité des consultants TV désignait alors comme l’objectif de la Russie, mettant même en garde contre une extension du conflit aux pays voisins.

    2. Ce qui a été proclamé à l’Ouest comme de grandes victoires ukrainiennes ne sont en réalité que des replis opératifs des forces russes de l’oblats de Kharkiv et de la rive Ouest du Dniepr à Kherson.  En effet, les russes ne pouvaient conserver ces territoires avec des effectifs aussi limités sans s’exposer à des contre-attaques victorieuses de la part de Kiev.

    3. Même si les pertes ukrainiennes[ii] sont égales et probablement supérieures à celles avouées par les autorités de 100 000 hommes soit 10 000 hommes en moyenne par mois de guerre, il est exagéré d’en attribuer autant aux forces russes. En effet l’Ukraine a mobilisé environ un million d’hommes et en a envoyé au front 500 000 ce qui constitue un taux de pertes très élevé de 20%, inconnu depuis la seconde guerre mondiale (par comparaison dans ses OPEX, la quatrième génération du feu, la France a perdu depuis 1969 en moyenne un homme par mois et 350 par mois durant la guerre d’Algérie 1954-1962).

    En outre, 100 000 russes hors de combat signifierait que le taux de perte des forces russes serait de l’ordre de 75% des effectifs engagés en prenant en compte les forces du Donbass et les milices Wagner (50 000 h) ce qui est évidemment irréaliste. En appliquant le même taux qu’a subi l’Ukraine, les pertes des forces engagées du côté russe sont probablement plus proches de 30-40 000 hommes.  Cette évaluation est corrélée par le nombre de prisonniers de part et d’autre.  Les russes affirment détenir plus de 6000 ukrainiens et miliciens, chiffres corroborés par les ONG qui ont été autorisées à les rencontrer alors que Kiev garde un silence total sur le nombre de prisonniers russes. Un indice toutefois, le seul échange de prisonniers médiatisé a porté le 22 septembre sur 215 prisonniers ukrainiens et étrangers contre 55 prisonniers russes. On retrouve ce rapport de 1 à 4 qui reflète probablement mieux les pertes russes par rapport aux pertes ukrainiennes.

    4. Les Russes qui ont une population 4 fois plus importante que celle de l’Ukraine, disposent encore de réserves mobilisables même après le rappel de 300 000 réservistes alors que les ukrainiens ont atteint leurs limites.

    5. Le remplacement des matériels détruits et la maintenance opérationnelle est facilitée côté russe mais constitue un casse-tête pour l’Ukraine. En effet, la Russie possède la deuxième industrie d’armement exportatrice du monde derrière celle des Etats-Unis, loin devant la France troisième (deux fois et demie en valeur source SIPRI). Elle est donc capable de remplacer les matériels perdus et les munitions utilisées à l’identique ou par des matériels d’une génération plus récente (ex les 200 chars lourds T90M[iii]) tout en pouvant obtenir des munitions et des matériels de même type chez les pays amis équipés des mêmes armements.

    En revanche, depuis le 24 février, le soutien des pays occidentaux à l’Ukraine confronte ses forces à un double défi quantitatif et qualitatif.

    Le problème quantitatif vient de la consommation de munitions par l’Ukraine qui tire en une semaine la quantité d’obus et de missiles que les Etats-Unis produisent actuellement en un mois. Ces cadences de tir entrainent de plus une usure rapide des matériels : 50% des obusiers américains serait en maintenance ou hors service ; la précision des canons César français décroit avec leur usage intensif. A cela s’ajoute le fait que les pays de l’OTAN sont incapables de remplacer nombre pour nombre les matériels détruits au combat sans mettre à nu leurs forces car leurs industries d’armement ne sont pas capables d’augmenter rapidement leurs cadences…

    L’aspect qualitatif provient du fait que les pays anglo-saxons et européens ne peuvent remplacer les matériels détruits avec les mêmes matériels de fabrication soviétique des années 80 qui équipaient majoritairement l’armée ukrainienne au début du conflit ce qui entraine une hétérogénéité des matériels à soutenir. De plus les pays de l’OTAN envoient des matériels très différents qui accroissent à chaque envoi l’hétérogénéité du parc ukrainien de matériels ce qui impacte directement leur maintien en condition opérationnelle (MCO). En effet la maintenance des obusiers américains n’a rien de comparable avec celui de nos canons César ; de même celle des engins blindés à roue de transport de troupe VAB et les AMX-10RC canon qui sont actuellement remplacés dans nos régiments par les matériels du programme Scorpion, n’a rien de commun avec celle des blindés anglo-saxons ou allemands. Tout cela accumulé pose aux ukrainiens des problèmes de maintien en condition difficilement surmontables et plusieurs sources indiquent que le taux de disponibilité de leurs matériels est inférieur à 50%.

    6. Un nouvel élément qui vient d’être révélé par le Président du Nigéria : le détournement vers la contrebande d’armes d’une partie des équipements livrées par les occidentaux à l’Ukraine. Ce fait dramatique ne peut plus être occulté[iv] et soulève des questions éthiques et stratégiques auxquelles il n’est pas facile de remédier même si les Etats-Unis s’attachent à mettre en place pour 2033 des mécanismes pour le limiter[v] . Ce révélateur de la corruption endémique en Ukraine et les conséquences sur les ressortissants et les intérêts européens en Afrique est de nature à fragiliser le soutien que les populations et certains dirigeants européens apportent à cette guerre.

    7. Enfin, du fait du délai consenti pour l’application des sanctions et malgré le sabotage de Nord Stream 1 et 2 par les anglais le 26 septembre, les états européens ont importé de Russie les dix premiers mois de 2022 des produits énergétiques pour une valeur de 181 milliards d’euros, soit une augmentation en valeur de 38 % par rapport à l’année précédente[vi] et, malgré cela, les prix de l’énergie flambent en Europe. Les leaders européens prennent conscience qu’ils ne pourront se passer du gaz russe sans accepter un accroissement considérable du prix de l’énergie avec les conséquences en termes économiques et sociaux qui fragilisent leur pouvoir et mettent à mal la cohésion de l’Union Européenne.

    Les scénarios pour demain

    Il est aujourd’hui évident que la Russie reprendra l’offensive début 2023 avec des forces deux à trois fois plus importantes que celles engagées le 24 février 2022. La question que tous les analystes se posent est avec quel but de guerre et quelles chances de réussite ? Les enseignements tirés des 10 premiers mois de guerre permettent d’écarter le scénario d’une défaite russe que souhaite la majorité des commentateurs peu avertis de la chose militaire et qui trop souvent prennent leurs désirs pour la réalité.

    Le scénario coréen.

    Pour les consultants qui défilent sur les plateaux TV, ce conflit ne peut se terminer que par la victoire de l’Ukraine ou par une solution diplomatique qui lui permettrait de recouvrer tout le territoire perdu y compris la Crimée.  Il apparait plus conforme au déroulement de cette guerre d’envisager une situation dans lequel le conflit continue sans victoire ni paix. C’est le scénario Coréen. Poutine a compris que la poursuite de la guerre va couter à la Russie de plus en plus cher en hommes et à son économie car les occidentaux sont en mesure d’accélérer la fabrication d’armes et de munitions et la division des Républicains américains sur le soutien à l’Ukraine laisse le champ libre aux démocrates pour accroitre leur soutien à Zelenski. La diplomatie russe ayant obtenu l’assurance de plusieurs pays européens qu’ils s’opposeront à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, Poutine considère que le risque de voir Odessa devenir une base OTAN et la flotte américaine en mer Noire est limité au moins pour les cinq années à venir. Cette assurance est basée sur la prise de conscience d’une partie des leaders européens et de la majorité de la population que ce sont leurs pays qui auront à supporter les conséquences économiques et sociales du prolongement de cette guerre et le soutien à l’Ukraine « quoi qu’il en coûte » est largement remis en cause. En conséquence Poutine limite ses buts de guerre et utilise ses nouvelles forces pour terminer la conquête des 4 oblats de Louhansk, Donetsk, Zaporijjia et Kherson et place ses unités en défensive à leurs frontières. Les Ukrainiens usent leurs forces, déjà fortement éprouvées, en lançant des offensives sur ces défenses qui sont hachées par l’artillerie russe. Et petit à petit fin 2023 s’installe une situation de « non-guerre armée » de part et d’autre d’une « nouvelle frontière » qui n’est pas reconnue par l’Ukraine et par les occidentaux…et on se retrouve dans la situation Coréenne qui perdure depuis 74 ans.

    Le scénario : un pont trop loin

    Avec ses nouvelles forces et pour ne pas laisser le temps aux occidentaux d’ajouter à la guerre économique qu’ils mènent à la Russie, la mise sur pied d’une « économie de guerre » dans leurs pays (accroissement de plusieurs points du PIB des dépenses d’armement, passage aux 3 X 8 dans les industries de défense), Poutine décide de terminer la conquête des 4 oblasts qu’il a annexés juridiquement et de lancer simultanément une offensive pour s’emparer d’Odessa et rejoindre la province autonome de Transnistrie en annexant les oblasts de Mikolaïv et d’Odessa. Cette relance de l’agression russe resoude le camp occidental et il devient évident même chez les leaders politiques favorables à la Russie que Poutine a perdu la tête et qu’il faut donner un coup d’arrêt à la Russie car, après avoir conquis Odessa, rien ne dit qu’il ne foncera pas à nouveau sur Kiev. Les pays européens accroissent leur cobelligérance et une véritable légion étrangère composée de volontaires des pays européens et équipée des derniers matériels les plus performants rejoint l’Ukraine qui reçoit massivement les équipements de défense anti-aérienne pour rendre l’utilisation de l’espace aérien très couteux par la Russie. Des contre-attaques vigoureuses nord-sud mettent à mal les lignes de ravitaillement terrestres russes vers Odessa tandis que des sous-marins occidentaux pénètrent en mer Noire et coulent les navires de ravitaillement russe. La fin de l’année 2024 marque l’échec de cette offensive et la Russie est contrainte de se replier à l’Est du Dniepr.

    Scénario 3 : la nucléarisation du conflit

    Poutine a perdu espoir d’atteindre ses objectifs minima par des moyens classiques : conquérir et défendre les 4 oblasts annexés et obtenir une neutralisation de l’Ukraine qui éviterait de voir Odessa devenir une base OTAN. En effet les livraisons d’armes des pays anglo-saxons, la formation des soldats ukrainiens et l’engagement de plus en plus nombreux de combattants venus d’Occident bloque l’avancée de ses troupes dans le Donetsk. Les pays occidentaux multiplient l’envoi de nouveaux systèmes de défense aérienne en Ukraine, atténuant l’impact des frappes stratégiques de la Russie, ainsi que de son aviation d’appui au sol. Les Etats-Unis autorisent l’Ukraine à déplacer ses lance-roquettes M142 HIMARS vers le sud et à cibler les ports, les bases et les dépôts russes en Crimée. La flotte russe subit des attaques en mer Noire et plusieurs de ses bâtiments sont coulés. Le pont de Crimée est à nouveau endommagé grandement. M. Poutine considère alors que les intérêts vitaux de la Russie sont en jeu. Il déploie ses armements nucléaires non stratégiques et fait exploser une arme nucléaire en altitude au-dessus de l’Ile aux serpents en signe d’ultime avertissement. Il lance aux occidentaux un ultimatum : arrêtez et revenez à la table de négociations ou vous aurez à faire face à l’utilisation d’armes nucléaires non stratégiques sur le théâtre des opérations. Il est évident que ce scénario peut constituer la suite du scénario deux.

    En conclusion

    Les décisions de Washington dans son soutien à Zelenski et la perception par les leaders européens des risques que l’Europe encourt en poussant Poutine dans ses retranchements et leur décision de découpler ou non leur action en Ukraine de celle des anglo-saxons déterminera la désescalade de cette guerre en 2023 ou sa montée aux extrêmes. La position des leaders européens est d’autant plus essentielle que, dans cette guerre, les européens, l’Ukraine et la Russie apparaissent être les « dindons de la farce anglo-saxonne » qui veut affaiblir la Russie avec le sang des Ukrainiens et, en restaurant une guerre plus chaude que froide, interdire toute alliance économique entre l’Europe et la Russie pour éviter qu’elle devienne la première puissance économique mondiale du XXIème siècle. Cette guerre fait reculer le monde multipolaire que nous appelons de nos vœux et nous ramène dans la deuxième moitié du XXème siècle dans un monde dominé par un duopole  USA-URSS remplacé désormais par USA-Chine, alliée de la Russie.  En rejetant ainsi la Russie dans les bras de Pékin, nous nous dirigeons comme des somnambules vers cet affrontement de l’Heartland contre le Rimland, annoncé par les géo-politologues Halford Mackinder (1861-1947) et Nicholas Spikman (1893-1943) d’autant que la prolongation de ce conflit accroit les risques de sa nucléarisation ce qui serait dramatique pour l’Europe alors que  les vraies menaces pour l’avenir de nos sociétés sont le dérèglement climatique, l’immigration massive et l’islam radical.

    Jean-Bernard Pinatel (Geopragma, 15 janvier 2023)

     

    Notes

    [i] https://www.foreignaffairs.com/ukraine/russia-rebound-moscow-recovered-military-setbacks?utm_medium=newsletters&utm_source=fatoday&utm_campaign=The%20New%20Industrial%20Age&utm_content=20230104&utm_term=FA%20Today%20-%20112017

    [ii] On entend par perte, les tués, les blessés graves qui ne reprendront pas le combat et les prisonniers

    [iii] https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-la-russie-envoie-200-de-ses-chars-les-plus-modernes-des-t-90m-dans-le-donbass-20221208

    [iv] Muhammadu Buhari, président du Nigéria – la première puissance économique africaine en termes de PIB nominal et la deuxième en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat – a déclaré récemment que des armes en provenance du conflit ukrainien se déversent à flot continu dans la région du bassin du lac Tchad.

    Le chef d’Etat nigérian a lancé cet appel dans son discours d’ouverture du 16ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), qui s’est déroulé dans la ville d’Abuja, la capitale du Nigéria. « Ce mouvement illégal d’armes dans la région a intensifié la prolifération des armes légères et de petit calibre qui continue de menacer notre paix et notre sécurité collectives dans la région », a ajouté Muhammadu Buhari dans son discours. Au point que même certains représentants de régimes occidentaux avaient fini récemment par admettre timidement cette réalité.

    [v] https://www.jmu.edu/news/cisr/2022/10/28-wra.shtml

    [vi] Eurostat

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  • Quel avenir aux empires ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à la question des empires. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

     

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    Quel avenir aux empires ?

    Nous sommes tellement convaincus que la démocratie à l’occidentale est l’étape finale de l’histoire que nous n’envisageons pas un instant que celle-ci puisse aller dans un autre sens. Cela résulte du fait que la démocratie étant sacralisée dans nos sociétés comme le bien par excellence, on ne voit d’alternative que dans ce qui parait être le mal absolu, et qu’on croit être l’opposé exact de la démocratie, le totalitarisme. Mais il y a d’autres configurations possibles, comme l’histoire l’a montré. Et notamment les empires. L’actualité met en outre les projecteurs sur la coupure en cours entre les démocraties occidentales et ce qu’on perçoit comme une alternative russo-chinoise, vue comme autoritaire, agressive et, précisément, impériale.

    On parle donc beaucoup d’empires. Mais avec beaucoup d’imprécision. Il y en a eu des formes variées dans l’histoire, mais le terme n’a son sens plein que pour désigner un pouvoir autoritaire, direct, sur un territoire vaste et relativement hétérogène, dépassant l’horizon d’une nation. C’est le sens qui sera retenu ici. Au sens strict il n’y a en plus vraiment aujourd’hui, tout au plus partiellement : le langage courant parle d’empire américain, pour ce qu’il est plus précis d’appeler une hégémonie.

    Est-ce à dire qu’il n’y en aura plus à l’avenir ? Non, et le contraire est même probable. Nous sommes en effet dans une période de transition : nos systèmes donnent bien des signes de faiblesse, les brassages de peuples s’intensifient notamment dans les pays avancés, de nouvelles puissances montent, et la guerre réapparaît là où on ne l’attendait plus. L’histoire va donc se remettre en mouvement. Or dans une période troublée et évolutive, la formule impériale a toutes ses chances. Ce qui ne veut pas dire que cela soit souhaitable…

    Qu’est-ce qu’un empire ?

    Le terme d’empire défini comme ci-dessus s’oppose à celui de nation. Ce qui caractérise sauf rares exceptions une nation est son homogénéité ethnoculturelle. L’empire, lui, est plurinational, même si une ethnie ou nation y domine. La problématique de l’empire se définit dès lors largement par rapport à la question nationale. Un des aspects de cette opposition est la question de la démocratie. Comme je l’ai montré ailleurs (Les Nations et leur destin), le système démocratique exige normalement de s’appliquer à une nation, homogène, ayant la même langue et la même culture. Une nation peut être démocratique (au sens large) ou pas, un empire normalement pas.

    Un empire est en général le fruit d’une conquête militaire, et le rapport de forces en reste une dimension essentielle. Certains sont plus ou moins éphémères, et sans trace historique ultérieure. Car ils durent en général moins que les nations au sens large, parce que plus complexes, et faute du support objectif que ces dernières trouvent dans le fait national. Mais on a des cas d’empires qui ont duré longtemps et joué un rôle significatif, ainsi Rome, ou la Chine impériale. Toutes deux se sont avérées capables d’offrir une possibilité réelle d’assimilation aux populations conquises et d’abord à leurs dirigeants. Par-là de tels empires ont adopté certains des traits d’une nation, et notamment une certaine unité linguistique. Et ils ont duré plus longtemps.

    L’expérience de l’Europe est tout à fait différente. L’histoire européenne n’a pas fourni de cas d’unification impériale et s’est même caractérisée par son éloignement de ce modèle, qui imprégnait pourtant les esprits encore au Moyen Âge. Cette grande fragmentation politique sur une base largement nationale est spécifique à l’Europe. Quant aux empires coloniaux européens à partir du XIXe, ils étaient clairement distingués de leurs métropoles. Celles-ci étaient des démocraties au moins partielles, nationales, et leurs empires non. Ils ont joué un rôle décisif pour modeler la planète telle que nous la connaissons. Mais fondés qu’ils étaient sur des principes contradictoires et sur un rapport de force transitoire, sans véritable assimilation, ils ont très peu duré.

    Empires et nations : forces et faiblesses

    On l’a dit, l’empire est une entité vaste, complexe, réunissant des parties hétérogènes. L’État-nation, lui, raisonne sur un seul peuple, un seul territoire, une seule communauté politique. La nation tend à homogénéiser et exclure ce qui n’entre pas dans son schéma, l’empire lui traite différemment les différents peuples. Il accepte la différence comme telle, moyennant soumission ; l’État-nation cherche à la dépasser. Cette hétérogénéité possible permet à un empire de gouverner, du moins un temps, des ensembles plus vastes et diversifiés, ce que la base nationale exclut. Les empires sont d’ailleurs souvent pragmatiques et flexibles, tant que leur pouvoir n’est pas remis en cause.

    L’existence de sous-communautés est relativement compatible avec les systèmes autoritaires et donc les empires. Mais c’est contradictoire avec une démocratie. Celle-ci suppose en effet que les élections se fassent sur la base d’un vote sur des options diverses, au sein d’une population suffisamment cohérente et homogène pour que la minorité accepte la loi de la majorité comme représentative d’un peuple auquel tous s’identifient. Si ce n’est pas le cas, la démocratie sera remise en cause et, au-delà d’elle, la vie commune et la solidarité qu’elle comporte.

    D’où une conséquence importante : l’empire (ou un autre système autoritaire) peut donner une réponse à la désagrégation de systèmes politiques, notamment démocratiques, si leur hétérogénéité notamment culturelle ou ethnique devient ingérable. Ce qui nous conduit à une interrogation importante pour notre époque. Au vu de l’hétérogénéité et des fragilités croissantes de nos constructions politiques, l’idée vient à l’esprit que les chances des empires à l’avenir sont loin d’être nulles, malgré leur limites.

    Des exemples d’empires dès aujourd’hui ?

    Où en est-on aujourd’hui ? Si nous n’avons actuellement plus d’empire au sens retenu ici, certaines situations méritent attention.

    Il y a d’abord actuellement plusieurs exemples intermédiaires, de pays pluriethniques ou plurinationaux, mais où l’une de ces nations ou ethnies est nettement majoritaire et structure l’État. Des exemples évidents en sont l’Iran, la Turquie, certains pays d’Amérique latine Ces minorités fortes subsistent, mais elles sont en position d’infériorité nette ; et donc cela peut durer.

    Le cas russe est à mettre à part. Il y a toujours eu dans l’empire russe comme en URSS une majorité russe, mais les minorités y étaient importantes. A l’époque, le pouvoir avait su se maintenir par un mélange d’autoritarisme et d’intégration habile d’élites locales, qui trouvaient une place dans le système impérial. Cet empire s’est désagrégé. Reste aujourd’hui une situation confuse. Il y a en Russie même des minorités appréciables, notamment musulmanes. En cela, elle se rangerait plutôt dans la série précédente. Mais le cas russe en diffère à deux titres, le premier étant la présence de minorités russes à l’extérieur, question sensible et reliée au passé impérial. Le deuxième est que la Russie ne considère pas ce qui relevait de l’empire russe ou de l’URSS comme complètement extérieur. D’une certaine façon, sa conception de soi et ses frontières ne sont pas clarifiées. D’où la question d’une permanence impériale dans la problématique russe.

    La Chine présente des traits analogues, avec ses minorités tibétaines, ouïgoures etc., mais en moins marqué : la prépondérance de l’ethnie chinoise y est massive ; en outre son territoire correspond très largement à celui de l’ancien empire et elle a peu de revendications historiques à faire valoir.

    A terme, la réémergence d’empires ?

    Un empire à l’ancienne suppose la conquête militaire par un pays de ses voisins. A première vue, il paraît ne pas y avoir de base pour cela dans le monde que nous connaissons aujourd’hui. En outre le maintien de l’hégémonie américaine dans des zones majeures de la planète rend l’exercice difficile.

    Il y a une exception possible, on l’a vu : la Russie. Mais en regardant de près, la réponse ne paraît pas non plus assurée. On note d’abord dans ce pays une hésitation entre le modèle impérial et un modèle national russe : l’invasion de l’Ukraine est-elle motivée par la remise en cause de sa réalité comme État, au profit d’une vision impériale ; ou n’assiste-t-on pas, de façon pas nécessairement consciente côté russe, à une affirmation ethnico-nationale proprement russe ? En tout cas l’agression a eu pour effet de souder un sentiment national ukrainien jusqu’ici flou, appelé à durer au moins dans la partie centre et ouest. De ce point de vue, l’invasion aura probablement ce résultat a priori paradoxal d’y faire basculer la problématique dans un sens national homogène, comme l’ont fait les nettoyages ethniques post-yougoslaves. S’agissant des autres minorités russes ou russophones de la périphérie immédiate, on pourrait imaginer une agression russe dans les pays baltes (mais la Russie se heurterait ici directement à l’Otan), ou au Kazakhstan. Mais là encore cela ne déboucherait pas sur un empire, et par certains côtés au contraire : on s’éloignerait de ce modèle pour se rapprocher d’une logique purement nationale (agressive en l’occurrence). Tout autre est la question des éventuelles ambitions russes au-delà de ce périmètre russophone, notamment dans sa zone de domination anciennement soviétique (Caucase, Asie centrale, etc.). Mais en supposant que la Russie en ait l’intention, elle ne paraît en état d’aller bien loin, au vu des limites de l’armée russe apparues en Ukraine, sans parler de celles de l’économie et de la démographie ; et elle se heurterait assez vite à d’autres puissances (Otan, et même Chine). Et ce serait a fortiori le cas au-delà de ces zones. Dès lors, la perspective véritablement impériale apparaît dans les années qui viennent plutôt limitée pour ce pays, au-delà d’une forme d’hégémonie sur une partie de l’ancienne URSS.

    La perspective impériale est en revanche bien plus plausible à terme plus ou moins éloigné dans le monde arabo-musulman, surtout avec le recul de l’hégémonie américaine. Ainsi dans le monde arabe où les États restent assez artificiels, et souvent sans base nationale propre suffisante. Par ailleurs, Turquie et Iran, en partie hétérogènes, ont été de vrais empires et s’en souviennent. La Turquie notamment, avec sa nostalgie ottomane soigneusement entretenue par R. Erdogan et la constitution progressive d’un rôle international qui pourrait assez vite tourner à l’empire. Mais un Iran dépassant l’impasse actuelle pourrait aussi entrer dans ce schéma.

    De même, la possibilité d’empires est tout à fait concevable à terme en Asie, notamment avec l’impressionnante émergence de puissances comme la Chine ou l’Inde. Certes, cela ne paraît pas être leur priorité dans l’immédiat, car elles sont pour l’essentiel axées sur leur montée en puissance, même si elles ne dédaignent pas d’exercer une forme d’hégémonie. Mais la situation pourrait évoluer à terme plus long. Et leur surpuissance par rapport aux pays voisins sera alors considérable.

    Une forme nouvelle d’empire : l’Europe ?

    Il est intéressant d’élargir le débat au-delà des empires classiques, construits sur une base guerrière. A notre époque on peut en effet envisager des processus différents d’évolution vers des formes politiques de type impérial. A terme plus ou moins long, dans un contexte instable où la confiance deviendrait très difficile, des formules robustes comme celle-là peuvent alors avoir leurs chances. La remarque vaut bien sûr d’abord pour les empires éventuels qu’on vient d’évoquer, des hégémonies pouvant devenir tellement prégnantes qu’elles ressemblent à des empires ; on pense alors naturellement d’abord à la Chine.

    Mais la question mérite d’être posée dans le cas de l’Europe. En fait, élément militaire mis à part, l’Union européenne ressemble quelque peu à un empire : ce n’est pas une nation mais elle est composée de nations variées ; elle constitue un pouvoir supranational en surplomb, qui se fonde certes en principe sur les démocraties nationales, mais tend à considérer le niveau national comme subalterne, historiquement dépassé, à réguler par en-haut. Ce pouvoir n’est pas élu directement comme un pouvoir politique national ; le ‘parlement’ est élu sur la base d’élections qui se font en fait sur des listes nationales ; l’exécutif n’est pas élu. Le pouvoir politique européen n’est donc pas véritablement responsable devant des électeurs. Ce pouvoir reste toutefois limité à certains domaines, même s’ils sont de plus en plus vastes ; on reste donc dans une situation intermédiaire.

    Comment peut-il évoluer ? Il ne peut pas se construire politiquement comme une démocratie nationale : il n’y a pas de peuple européen, ni de vie politique européenne. Il pourrait évidemment se rebâtir sur un projet différent, fondé sur ses nations, mais il ne prend pas ce chemin. Il peut bien sûr continuer de stagner dans un entre-deux bâtard sous hégémonie américaine : c’est le plus probable.

    Mais, hors une dislocation possible, on peut imaginer un autre scénario, surtout en cas de crise grave. Dans un contexte de fragilisation des systèmes politiques et économiques nationaux, dont les bases d’identification nationale ont été érodées, ce à quoi s’ajoute l’hétérogénéité croissante des populations vivant en Europe, avec une immigration massive qui peut encore s’accélérer, on peut imaginer, lors d’une crise très grave, un transfert de pouvoir massif, plus ou moins consensuel des états membres à Bruxelles, qui deviendrait tête d’une sorte d’empire. Cela dit, cet empire resterait un peu bizarre, du fait que militairement il est a priori peu probable à ce stade qu’il se détache de l’Otan et donc de l’hégémonie américaine. C’est donc un scénario, mais pas la plus forte probabilité.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 8 janvier 2023)

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  • Guerre en Ukraine : Et après ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, diffusé le 7 janvier 2023 et présenté par Élise Blaise, qui recevait le général Vincent Desportes, pour évoquer le conflit en Ukraine et ses implications sur les équilibres mondiaux...

    Spécialiste de la stratégie, le général Desportes est notamment l'auteur de Comprendre la stratégie (Economica, 2001), de Décider dans l'incertitude (Economica, 2004) et, dernièrement, de Entrer en stratégie (Robert Laffont, 2019).

                                              

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