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russie - Page 50

  • Pourquoi l'euro ne survivra que si l'Europe fait exploser le schéma mental dépassé qui l'a fait naître...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par David Engels au site Atlantico et consacré à la crise de l'euro. Professeur d'histoire romaine à l'Université libre de Bruxelles, David Engels a récemment publié un essai passionnant intitulé Le déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013).

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    Pourquoi l'euro ne survivra que si l'Europe fait exploser le schéma mental dépassé qui l'a fait naître

    Atlantico : Dans quelle logique la création de la monnaie unique s'inscrivait-elle ? A quels besoins, de la France et de l'Allemagne notamment, répondait-elle ?

    David Engels : La création de l’euro suivait deux logiques différentes. D’un côté, les forces pro-européennes, face aux résistances des États-nations, ont simplement poursuivi leur démarche traditionnelle de faire avancer l’unification européenne de manière indirecte, c’est-à-dire en lançant des initiatives et dynamiques économiques ou juridiques peu spectaculaires à prime abord, mais dont les conséquences logiques devaient mener obligatoirement à une unification politique plus grande. D’un autre côté, la chute du mur et la réunification allemande avaient éveillé, surtout du côté français, d´intenses craintes concernant une hégémonie économique, puis politique allemande. Dans cette logique, la dissolution de la Deutsche Mark dans l’euro devait constituer un point de non-retour et arrimer définitivement l’économie allemande à celle de ses voisins occidentaux.

    Ces deux approches ont très clairement échoué, comme le démontre la crise grecque : jamais l’unification européenne n’a été aussi contestée qu’aujourd’hui, vu que le moyen (l’économie libérale) semble de plus en plus avoir remplacé le but (l’unité de l’espace culturel européen) ; et à aucun moment depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, l’Allemagne n’a été si puissante, non seulement économiquement, mais aussi politiquement. C’est pourquoi la gestion de la faillite grecque renferme en même temps les clefs du futur européen : si la pression économique ("plaire aux marchés") et institutionnelle ("le respect des traités") devaient l’emporter, il est à craindre que l’Union européenne se transforme définitivement en simple caisse de résonance des intérêts de l’ultralibéralisme mondialisé ; en revanche, si la peur de la pression populaire grecque, espagnole, portugaise et italienne force les institutions à revoir leur copie, cela pourrait permettre – espérons-le – un revirement prometteur.

    Dans quelle mesure peut-on dire que l'Europe investit toujours ses ambitions politiques à travers l'euro ? Qu'est-ce qui l'illustre ? 

    David Engels : Comme je l’ai dit, la concertation et la fusion des intérêts économiques ont longtemps servi de moteur à l’unification européenne. Il s´agissait certainement du chemin de la moindre résistance ; néanmoins, il s´agissait aussi du chemin de la lâcheté. Au lieu de mettre sur la table la question de la création ou non des États-Unis de l’Europe, l’on a préféré poser un certain nombre de faits accomplis devant mener, très indirectement, au même résultat. La création de l’euro devait être le couronnement de cette tactique. En temps "normal", ce calcul aurait très bien pu réussir, car les crises systémiques passagères auxquelles l’on s’attendait auraient simplement servi, comme d’habitude, à constituer d’habiles prétextes afin de compléter l’unité monétaire par un contrôle budgétaire commun. Mais personne ne s’attendait à la gravité de la situation que nous vivons aujourd’hui ; gravité due au déclin économique et démographique indéniable de notre continent, à l’abandon de plus en plus marqué de nos valeurs culturelles communes par les instances politiques-mêmes qui prétendent les défendre, et au triomphe d’un système ultra-capitaliste mondial, imposant, comme seul remède à toute question, l’austérité financière, la privatisation et le démantèlement de la solidarité sociale.

    La collision de ces divers facteurs a fait tomber l’Union européenne dans un tel discrédit que les peuples européens commencent de plus en plus à s’opposer à cette institution ; non pas par rejet de l’idée européenne, mais afin de la défendre contre les tendances visant à utiliser l’Europe comme premier pas vers la constitution d’un genre d'État universel ultra-libéral fusionnant toutes les grandes cultures humaines en un grand réservoir de main d’œuvre appauvrie et matérialiste et donc entièrement soumise au bon vouloir des banques et grandes multinationales. La crise grecque a clairement révélé ces tendances au grand jour et fait de cet affrontement une question de principe, car le véritable choix n’est pas (ou n’est plus) entre la sortie grecque de l’euro ou sa soumission aux propositions des "institutions", mais entre l’Europe de l’austérité et des "traités" ou l’Europe des peuples et de la solidarité.

    Pourtant, le monde a bien changé depuis les années 1990, avec l'élargissement de l'Europe, une inflation plutôt maîtrisée via la BCE, l'après-guerre n'apparaissant plus comme une référence géopolitique pour les peuples européens... En quoi le modèle européen construit autour d'une monnaie commune est-il aujourd'hui en partie obsolète ? 

    David Engels : Je ne dirais pas du tout que la monnaie commune est obsolète, mais au contraire, qu’il est temps pour les peuples de l’Europe de tirer les leçons de la crise grecque et de faire un pas de plus vers l’unification. Ceci non seulement afin d’éviter qu’un tel problème se reproduise et qu’un État puisse obliger tous les autres à payer pour ses dettes, mais aussi afin de s’approprier pleinement l’outil monétaire pour résister à la fois au dumping social et à l’éradication de nos valeurs culturelles et de notre style de vie par une immigration effrénée. Le véritable choix qui se pose aujourd’hui est celui entre l’Europe du "bricolage", dont les autonomies nationales ne sont maintenues qu’au prix de leur alignement idéologique, ou une Europe institutionnellement encore beaucoup plus unie, mais en même temps légitimée par une vraie démocratie parlementaire directe.

    Le retour aux monnaies et gouvernements nationaux n’est pas une véritable option, au moins au long terme ; au contraire, ce serait la pire chose qui puisse arriver à l’Europe, car étant donné la faiblesse démographique, sociale, industrielle et économique déplorable de notre continent, la plupart des nations tomberont vite dans le giron des pouvoirs périphériques comme les États-Unis, la Russie ou la Chine, ou seront simplement submergés par l’immigration et l’islamisation. Ce qu’il faut, c’est donc une véritable politique sociale et financière européenne commune, non dans l’esprit de la destruction de la solidarité sociale et de l’austérité économique, comme le défend l’Allemagne, mais au contraire, dans une perspective visant à assurer le contrôle démocratique sur l’étendue de la solidarité et à créer de l’emploi par de grands projets infrastructurels paneuropéens capables de rivaliser avec les dépenses énormes que les Chinois font dans ce domaine.

    A quoi pourrait ressembler une alternative à l'euro en tant que principal fédérateur ?

    David Engels : L’euro n’a pas besoin d’une alternative, mais d’un contrôle démocratique qui puisse assurer qu’il ne puisse plus jamais se retourner contre les intérêts des peuples qui l’on créé. Car ce qui importe, ce ne sont pas les institutions ou outils, mais l’esprit et les objectifs qui les animent. Au lieu de baser la cohésion de la zone-euro sur l’adhésion quasi-religieuse de tous les gouvernements européens aux doctrines de l’ultra-libéralisme et de la compétitivité sans limites (quitte à saboter tous les gouvernements ne rentrant pas dans ce carcan comme le gouvernement Tsipras), l’euro pourrait devenir, au contraire, le moteur principal empêchant la concurrence déloyale entre Est et Ouest, Sud et Nord, et constituer le moyen d’une véritable unification tarifaire et sociale. Au lieu de défendre, coûte que coûte, une "stabilité" monétaire au court terme, payée par la déconstruction sociale et la désolidarisation des peuples avec leurs élites, l’euro devrait servir de vecteur d’une véritable stabilité stratégique au long terme, basée sur l’autonomie des ressources, le rétablissement de l’équilibre démographique et sur le retour de l’industrie. Et au lieu d’être un outil d’austérité dont ne bénéficient, finalement, que les banques (renflouées à coup de subventions de la part de la main publique) et les grandes entreprises (profitant de la privatisation du secteur public), l’euro pourrait servir d’agent principal à la création de l’emploi et de l’assainissement des infrastructures publiques qui en ont un besoin immense. Le tout est de vouloir et d’oser ; et si le peuple grec a bien montré une chose lors du référendum de dimanche, c’est qu’il est toujours possible de résister, et que le sentiment d’honneur et de confiance en soi peut, même aujourd’hui, l’emporter sur l’intimidation et l’égoïsme.

    David Engels (Atlantico, 7 juillet 2015)

     

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  • L'union européenne, une entreprise à décerveler les peuples ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Hervé Juvin à Vincent Tremolet de Villers pour Figarovox, à l'occasion de la parution de son essai Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé aux éditions Pierre-Guillaume de Roux.

    Économiste de formation, Hervé Juvin a publié deux des essais particulièrement marquants ces dernières années, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013).

     

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    Hervé Juvin : «L'union européenne, une entreprise à décerveler les peuples»

    Votre livre s'intitule Le mur de l'ouest n'est pas tombé. Comment analysez-vous l'affaire Franceleaks?

    Ne nous faites pas rire! L'affaire des écoutes américaines des Présidents français, dont il est promis juré qu'elles se sont arrêtées en 2012, en dit plus sur l'état de la France que sur la réalité des écoutes. Partons du principe que tout le monde écoute tout le monde, suggérons avec le sourire que les Français ne sont pas les derniers à le faire, ajoutons que l'explosion de l'espionnage de données par les systèmes américains ne leur assure pas des triomphes stratégiques bien marquants, et regardons-nous!

    Les Français veulent croire que nous vivons dans un monde de bisounours. L'Europe est une entreprise à décerveler les peuples européens, ceux du moins qui croiraient que les mots de puissance, de force, d'intérêt national, ont encore un sens. C'est l'étonnement général qui devrait nous étonner; oui, l'intérêt national américain n'est pas l'intérêt français! Oui, entre prétendus alliés, tous les coups sont permis, et les entreprises françaises le savent bien! Oui, les Américains ne manquent pas de complices européens qu'ils savent diviser pour mieux régner! Oui encore, l'exceptionnalisme américain leur permet d'utiliser tous les moyens pour dominer, pour diriger ou pour vaincre, et la question n'est pas de protester, c'est de combattre!

    Édouard Snowden est en Russie et ces révélations servent objectivement les adversaires des États-Unis. N'est-ce pas tout simplement de la géopolitique?

    Le premier fait marquant de l'histoire Snowden, c'est que des pays qui se disent attachés à la liberté d'expression et indépendants n'ont pas souhaité l'accueillir, voire se sont alignés sur l'ordre américain visant à le déférer à la justice américaine. Il n'y a pas de quoi être fiers, quand on est Français, et qu'on a été l'un des champions des non-alignés! Nous sommes rentrés dans le rang ; triste résultat de deux présidences d'intérim, avant de retrouver un Président capable de dire «non!».

    Le second fait, c'est que Snowden a révélé un système de pouvoir réellement impérial, qui tend à assurer de fait un empire mondial américain. Nous sommes face au premier nationalisme global. Le point crucial est l'association manifeste d'une surpuissance militaire, d'une surpuissance d'entreprise, et d'un universalisme provincial - une province du monde se prend pour le monde et veut imposer partout son droit, ses normes, ses règles, ses principes, en recrutant partout des complices. Ajoutons que l'affaire des écoutes, celle de la livraison des frégates «Mistral», comme celle des sanctions contre la Russie, éclairent la subordination absolue de ceux que les États-Unis nomment alliés, alors qu'ils les traitent comme des pions ; est-ce la manifestation de la stratégie du «leading from behind» annoncée par Barack Obama dans un célèbre discours à West Point?

    Le troisième fait est au cœur de mon livre, Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé. Les États-Unis attendent la guerre, ils ont besoin de la guerre extérieure qui seule, va les faire sortir de la crise sans fin où l'hyperfinance les a plongé. Seul, un conflit extérieur les fera sortir du conflit intérieur qui monte. D'où la rhétorique de la menace, du terrorisme, de la Nation en danger, qui manipule l'opinion intérieure et qui assure seule l'injustifiable pouvoir de l'hyperfinance sur une Amérique en voie de sous-développement.

    Quel est, selon vous, le jeu américain vis-à-vis de la Russie?

    La Russie est l'un des pôles de la résistance à l'ordre américain. Et c'est, à ce jour, la seule puissance militaire réellement capable de faire échec à une agression américaine. Cantonner, encercler, affaiblir la Russie, vient donc en tête de l'agenda effectif des États-Unis. Le général Wesley Clark l'a dit sans ambages ; «il faut en finir avec les États-Nations en Europe!» Voilà pourquoi, entre autres, l'idéologie américaine nous interdit toute mesure pour lutter contre l'invasion démographique qui nous menace, promeut un individualisme destructeur de nos démocraties et de notre République, veut nous contraindre à une ouverture accrue des frontières, notamment par le traité de libre-échange transatlantique, et nous interdit de réagir contre les atteintes à notre souveraineté que représente l'extraterritorialité montante de son droit des affaires.

    Les États-Unis réveillent le fantôme de la guerre froide pour couper le continent eurasiatique en deux. C'est le grand jeu géopolitique des puissances de la mer qui est reparti ; tout, contre l'union continentale eurasiatique! Bill Clinton a trahi les assurances données à Gorbatchev par George Bush ; l'Otan ne s'étendra jamais aux frontières de la Russie. Les États-Unis accroissent leur présence militaire dans l'est de l'Europe, dans ce qui s'apparente à une nouvelle occupation. Que font des tanks américains en Pologne et dans les pays baltes? Le jeu géopolitique est clair ; l'Eurasie unie serait la première puissance mondiale. Les États-Unis, on les comprend, n'en veulent pas. On comprend moins leurs complices européens. Et moins encore ceux qui répètent que la puissance, la force et les armes ne comptent pas!

    Poutine ne cède-t-il pas au défaut (autocratie, volonté expansionniste) que l'Occident lui prête?

    Critiquer la volonté impériale des États-Unis n'est pas encenser Monsieur Poutine! Quand je critique la confusion stratégique américaine, je n'écris rien que des élus américains, comme Elizabeth Warren, comme Rand Paul, comme Jeb Bush lui-même, qui vient de déclarer qu'il n'aurait jamais envahi l'Irak, ont déclaré!

    Je constate simplement que les États-Unis ont eu peur du rapprochement entre l'Union européenne et la Russie, qui aurait menacé le privilège exorbitant du dollar, et qu'ils se sont employés à la faire échouer, comme ils s'étaient employés à affaiblir l'euro. Je constate ensuite que le Président Poutine a tourné la page du communisme pour renouer avec la tradition des tsars ; il a un confesseur, il favorise l'orthodoxie et redonne prestige et autorité à la troisième Rome, il discute avec le Pape François, etc. tout ceci dans un contexte où les États-Unis utilisent les droits de l'individu, sans origine, sans sexe, sans race, sans quoi que ce soit qui le distingue, sauf l'argent, pour dissoudre les sociétés constituées et en finir avec la diversité des cultures et des civilisations, qui n'est rien si elle n'est pas collective. Je salue le fait que la Russie soit un pôle de résistance à l'individualisme absolu, comme l'Inde, comme la Chine, comme l'Islam à sa manière, et qu'elle garde le sens de la diplomatie, qui est celui de reconnaître des intérêts contraires, pas d'écraser ses opposants. La France ne l'est plus. On n'est pas obligé d'être d'accord avec eux sur leur manière singulière d'écrire l'histoire de leur civilisation, pour être d'accord sur le fait que leur singularité est légitime, puisqu'ils l'ont choisie, et mérite d'être préservée!

    La chute de la diversité des sociétés humaines est aussi, elle est plus grave encore que la chute de la biodiversité animale et végétale. Car c'est la survie de l'espèce humaine qui est en danger. Il n'y aura plus de civilisation, s'il n'y a pas des civilisations. Et la Russie orthodoxe, comme l'Islam chiite, comme l'hindutva de Narendra Modi, sont des incarnations de cette merveille ; la diversité des formes que l'homme donne à son destin.

    Les Russes savent aussi écouter leurs partenaires et leurs adversaires?

    Un peu d'histoire. L'invention, l'entraînement, le financement d'Al Qaeda, des talibans, a enfoncé une épine dans le pied de l'URSS, dont elle ne s'est pas relevée. Brzezinski l'a dit avec une rare franchise ; «Al Quaeda a produit des dégâts collatéraux ( side effeects) sans importance dans la lutte que nous avons gagnée contre l'URSS». Partout, y compris pour justifier l'intervention armée en Europe et pour défendre l'islamisation de l'Europe, les États-Unis derrière leur allié saoudien, se sont servis de l'Islam. Ils s'en servent en Inde, en Chine, ils s'en sont servis en Tchetchénie. Et ils se préparent à renouveler l'opération au sud de la Russie, en déstabilisant les États d'Asie centrale et l'extrême-est de la Chine.

    Parmi les preuves multiples, regardons la prise de Palmyre par l'État islamique. Admettons qu'un vent de sable ait effectivement empêché toute intervention aérienne pour la prise de Ramadi, quelques jours plus tôt. Mais Palmyre! Dans une zone désertique, sans grand relief, Palmyre qui ne peut être atteinte que par des pistes ou des routes droites sur des kilomètres, en terrain découvert ; une armée qui dispose de l'exclusivité aérienne, comme celle de la coalition, peut empêcher toute entrée ou sortie d'un seul véhicule de Palmyre! L'inaction de la coalition est inexplicable. La diplomatie française, sidérée par les néo-cons qui l'ont envahie, ne semble plus savoir lire une carte de géographie. Mais une France devenue pauvre en monde, livrée à la confusion des valeurs et des intérêts, une France qui n'incarne plus la résistance à l'intérêt mondial dominant qu'est l'intérêt national américain, qui sera peut-être demain l'intérêt chinois, est-elle encore la France?

    Hervé Juvin, propos recueillis par Vincent Tremolet de Villers (Figarovox, 26 juin 2015)

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  • Une guerre de mille ans ?...

    Les éditions des Syrtes viennent de publier un essai de Guy Mettan intitulé Russie-Occident : une guerre de mille ans - La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne. Journaliste, Guy Mettan a dirigé la Tribune de Genève.

     

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    " Pourquoi les États-Unis et l'Europe détestent-ils tant la Russie ? Alors que la Russie ne représente plus une menace, que ses missiles ne sont plus pointés sur Berlin, que, fait sans précédent dans l'histoire, elle a dissous son empire sans effusion de sang, rendu leur liberté aux pays occupés d'Europe centrale et permis l'indépendance pacifique de quinze nouveaux États, la haine et le dénigrement de la Russie atteignent des proportions inouïes dans les médias, les cercles académiques et les milieux dirigeants occidentaux.
    Pour comprendre cet acharnement, devenu hystérique avec la crise ukrainienne, Guy Mettan remonte loin dans l'histoire, jusqu'à l'empereur Charlemagne. Il examine sans tabou ni a priori les lignes de forces religieuses, géopolitiques et idéologiques dont se nourrit la russophobie occidentale. Et démonte les ressorts du discours antirusse et anti-Poutine qui ont pour effet de repousser toujours plus loin les chances d'une vraie réconciliation. "

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  • Les Etats-Unis doivent diviser pour régner...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à un tour d'horizon de la situation internationale...

     

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    « Vu du Kremlin, la France n’a plus de politique étrangère… »

    Plusieurs vidéos tournent actuellement en boucle sur Internet. L’une du général Wesley Clark, ancien patron de l’Otan, l’autre de George Friedman, président de Stratfor, une société privée de renseignement basée au Texas et notoirement liée à la CIA. Le premier est bouleversé par le cynisme de la Maison-Blanche, l’autre le revendique fièrement. Difficile dans ces conditions de savoir quelle politique les États-Unis entendent mener en Europe…

    Elle a pourtant le mérite de n’avoir jamais changé. Depuis 1945, l’objectif des États-Unis est de favoriser l’Europe-marché au détriment d’une Europe-puissance qui pourrait devenir leur rivale. À cela s’ajoute, depuis la dislocation du système soviétique, un autre objectif vital : empêcher l’Europe occidentale d’établir un partenariat avec la Russie. George Friedman l’a rappelé après Brzezinski : en tant que grande Puissance de la Mer, l’intérêt primordial des États-Unis est d’empêcher l’unification de la grande Puissance de la Terre, c’est-à-dire de l’ensemble géopolitique eurasiatique. Les USA contrôlent tous les océans du monde, ce qu’aucune puissance du monde n’avait fait avant eux (« Maintenir le contrôle de la mer et le contrôle de l’espace est la base de notre pouvoir »), mais ils n’ont pas la capacité d’occuper l’Eurasie. Ils doivent donc diviser pour régner.

    Dans un premier temps, ils ont suscité en Europe de l’Est toute une série de « révolutions colorées » à la faveur desquelles ils ont tenté d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Aujourd’hui, ils cherchent créer un “cordon sanitaire” tourné contre Moscou, coupant l’Europe en deux depuis la Baltique jusqu’à la mer Noire. Ce projet de “zone-tampon” a le soutien des États baltes, de la Pologne, de l’Ukraine et de la Bulgarie, mais se heurte aux réticences ou à l’opposition de la Hongrie, de la Serbie et de l’Autriche. L’instrumentalisation du coup d’État intervenu à Kiev en février 2014 entre évidemment dans ce cadre, tout comme l’actuelle tentative albano-islamo-mafieuse de déstabilisation de la Macédoine, qui vise à mettre en échec le projet « Turkish Stream », déjà approuvé par le nouveau gouvernement grec, qui permettrait aux Russes d’acheminer leur gaz vers l’Europe occidentale sans avoir à passer par l’Ukraine.

    C’est également dans cette optique qu’il faut situer le projet de Traité transatlantique, dont le but principal est de diluer la construction européenne dans un vaste ensemble inter-océanique sans aucun soubassement géopolitique, de faire de l’Europe de l’Ouest l’arrière-cour des États-Unis et d’enlever aux nations européennes la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par les élites financières américaines.

    La grande inconnue, c’est l’Allemagne. La plus grande hantise des Américains est l’alliance de la technologie et du capital allemands avec la main-d’œuvre et les ressources naturelles russes. « Unies, dit Friedman, l’Allemagne et la Russie représentent la seule force qui pourrait nous menacer, et nous devons nous assurer que cela n’arrive pas ». Pour l’heure, l’Allemagne semble s’incliner devant les diktats de Washington. Mais qu’en sera-t-il demain ?

    Au Proche-Orient, les choses se sont tellement compliquées depuis quelques mois que beaucoup de gens n’y comprennent plus rien. Là encore, quel est le jeu des Américains ?

    Les États-Unis ont de longue date mis en œuvre au Proche-Orient une « stratégie du chaos », visant à abattre les régimes laïcs au bénéfice des mouvements islamistes, afin de démanteler des appareils étatico-militaires qu’ils ne pouvaient contrôler, puis à remodeler toute la région selon des plans arrêtés bien avant les attentats du 11 Septembre. L’État islamique (« Daesh ») a ainsi été créé par les Américains, dans le cadre de l’invasion de l’Irak, puis s’est retourné contre eux. Les USA ont alors commencé à se rapprocher de l’Iran, ce qui a suscité l’inquiétude des monarchies du Golfe qui redoutent par-dessus tout l’influence régionale de Téhéran (d’où l’opération actuellement menée au Yémen contre les rebelles chiites). On a donc aujourd’hui trois guerres en une seule : une guerre suicidaire contre la Syrie, dans laquelle les Occidentaux sont les alliés de fait des djihadistes, une guerre des Américains contre l’État islamique, et une guerre des dictatures du Golfe et de la Turquie contre l’axe Beyrouth-Damas-Téhéran-, avec la Russie en arrière-plan.

    Et la France, dans tout ça ?

    Elle ne compte plus pour grand-chose. Elle se réclame de la laïcité, mais privilégie ses relations avec les pétromonarchies les plus obscurantistes. Concernant les migrants qui affluent par milliers depuis la Méditerranée – fuyant, non pas la misère ou la dictature, comme on le répète ici et là, mais la guerre civile et le chaos que les Occidentaux ont apportés chez eux –, elle se soucie plus de les empêcher de se noyer que de ne pas faire naufrage elle-même, plus de la façon des les accueillir que de les empêcher d’entrer. Les Allemands la regardent désormais de haut, les Espagnols et les Italiens n’en attendent plus rien, et les Anglais continuent à considérer le French bashing comme un sport national.
    Quant au Kremlin, il ne se fait plus d’illusions : la France ne peut plus avoir de politique étrangère digne de ce nom, puisqu’elle s’est aujourd’hui couchée devant les Américains. En témoignent de manière éloquente le refus de la France de livrer aux Russes les navires « Mistral » que ceux-ci avaient déjà payés, et le scandaleux boycott des cérémonies qui se sont déroulées à Moscou pour le 70e anniversaire de la défaite du Troisième Reich. De ce point de vue, la continuité de Sarkozy à Hollande est parfaite. L’UMP va devenir « les Républicains », tandis que le PS n’est déjà plus qu’un « parti démocrate » à l’américaine. Il n’y a plus qu’à rebaptiser « Maison blanche » le palais de l’Elysée, et tout sera parfaitement clair !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 22 mai 2015)

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  • Vladimir Poutine n'est pas gentil...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 2 juin 2015 et consacrée aux mesures de rétorsions prises par la Russie en réponse à la politique de sanction menée par l'Union européenne et les Etats-Unis à son encontre...

    Décidément, " le monde, il n'est pas gentil " , comme dirait François Hollande...

     


    "Liste noire" du Kremlin : "Le pire pour un... par rtl-fr

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  • Russie-OTAN : En finir avec le bourrage de crânes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Migault, cueilli sur le site de l'agence d'information russe Sputnik et consacré aux manœuvres de désinformation américaines quant à une invasion de l'Ukraine par la Russie au cours de l'été...

    Philippe Migault est directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et stratégiques (IRIS).

     

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    Russie-OTAN : En finir avec le bourrage de crânes

    Qu’il s’agisse des guerres ou de toute autre crise, Spin Doctors et médias réutilisent les mêmes procédés, ressassent les mêmes « informations », dès lors que les évènements se prolongent. C’est ce qu’on appelle dans la presse un marronnier.

    Vous avez aimé vous faire peur l'été dernier, quand toute la presse occidentale annonçait la ruée des blindés russes sur l'Ukraine, assurait que Vladimir Poutine était prêt à « prendre Kiev en deux semaines »? Vous adorerez la nouvelle série de l'été, la menace nucléaire en Europe. Pour les acteurs pas de surprise, le casting reste le même. Dans le rôle de l'innocente victime, l'Ukraine. Dans celui des ignobles renégats, les séparatistes du Donbass. Le côté obscur de la force conserve son siège au Kremlin. Comme dans tout bon western le justicier ne peut être qu'Américain. France et Allemagne tiennent leur rôle de figurant. Enfin l'Union Européenne se charge du chœur, commentant une tragédie à laquelle elle n'a pas même les moyens de prendre part.

    Bien entendu il faut pour cette « saison 2 » maintenir le spectateur en haleine.

    Celui-ci a constaté que la grande charge annoncée de l'Armée rouge, que l'on disait ressuscitée, n'a finalement pas eu lieu.

    S'il est un tant soit peu averti, il ne lui aura sans doute pas échappé qu'un général français, patron de la Direction du Renseignement Militaire, a vendu la mèche sur le scénario de l'an dernier, révélant ce que tous les esprits un tant soit peu indépendants savaient, ou subodoraient, à savoir que les services de renseignement américains avaient une fois encore monté une grossière opération d'intoxication et que le risque d'attaque russe en Ukraine n'avait jamais été avéré.

    Il faut donc faire plus fort pour que « l'occidental » moyen s'inquiète, s'indigne. En deux mots, y croit.

    En conséquence nous assistons depuis plusieurs jours à une montée en puissance des rumeurs alarmistes.

    Parce qu'il faut bien reprendre un peu des ingrédients précédents, l'agence Reuters a annoncé hier que l'un de ses envoyés spéciaux dans l'Oblast de Rostov a aperçu des trains transportant des blindés et des lance-roquettes multiples. Une forte concentration de troupes aurait été constatée à une cinquantaine de kilomètres à l'est de la frontière russo-ukrainienne.

    Peu importe à Reuters que Rostov-sur-le-Don soit le quartier général de la région militaire « Sud » de la Russie, où de très nombreuses forces sont stationnées compte tenu de l'instabilité du Caucase. Il va de soi pour l'agence anglo-canadienne que ces unités ne peuvent être destinées qu'à une chose: participer aux combats du Donbass si ceux-ci devaient reprendre.

    Avant-hier le quotidien « The Moscow Times », dont on connaît « l'impartialité » vis-à-vis des autorités russes, rapportait que la marine lettone avait constaté qu'un sous-marin russe était passé à 9 kilomètres de ses eaux territoriales, tandis qu'un Antonov-22, pour les béotiens un vieil avion de transport quadrimoteurs non armé, avait volé à proximité de la Lettonie, mais au-dessus des eaux internationales, mardi.

    Peu importe au Moscow Times que le trafic naval et aérien entre les principales bases de la marine russe en Baltique, Saint-Pétersbourg et Baltiïsk, s'effectue nécessairement en longeant les côtes lettones. Peu importe qu'aucune violation des eaux territoriales ou de l'espace aérien n'ait eu lieu. Il s'agit bien entendu d'une tentative d'intimidation ou d'espionnage.

    Ultime ingrédient du scénario catastrophe, le Secrétaire général de l'OTAN, le Norvégien Jens Stoltenberg, a dénoncé mardi la « rhétorique nucléaire » russe, condamnant le possible déploiement de missiles Iskander dans l'oblast de Kaliningrad, et jugeant que « les bruits de botte russes sont injustifiés, déstabilisants et dangereux ». Barack Obama et son Vice-Président, Joe Biden, ont immédiatement surenchéri sur le même thème. Une atmosphère qui a permis au très atlantiste webzine franco-américain Slate de surfer sur la vague en annonçant mercredi que « pour un officiel de l'OTAN une guerre éclatera cet été (et que) si on a de la chance, elle ne sera pas nucléaire ».

    Peu importe à Slate que sa source, John Schindler, soit un ancien analyste de la NSA, dont on connaît la fiabilité, et qu'il enseigne à l'Ecole navale américaine. Peu importe que M. Schindler rapporte les propos anonymes d'un membre de l'OTAN, organisation dont chacun sait qu'elle ne crie jamais au loup pour rien. Nous sommes, à n'en pas douter, au bord de l'holocauste thermonucléaire.

    Nul n'est en mesure de dire combien de temps encore la tragédie ukrainienne se prolongera. Longtemps sans doute tant les haines sont désormais durablement installées et les facteurs susceptibles d'aggraver innombrables.

    Ce qui est certain c'est que la guerre de propagande engagée dans les médias des différentes parties en présence va sans doute aller, elle, s'intensifiant, avec, à la clé, des affirmations de plus en plus péremptoires, un ton de plus en plus effrayant, bref tous les ingrédients du bourrage de crâne. 

    Philippe Migault (Sputnik, 29 mai 2015)



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