Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

russie - Page 46

  • La guerre de l'information est déclarée !...

    Nous reproduisons ci-dessous un éditorial d'un récent numéro (n°12, 25 novembre 2016) de l'excellente lettre d'information hebdomadaire Centurie News, qui est consacré à la guerre de l'information qui sévit en Occident et qui voit progressivement les médias de masse contrôlés par l’élite occidentale perdre leur position dominante.

    infoarme.jpg

    Infowar

    A la suite d’un communiqué de presse de la Commission des affaires étrangères du Parlement Européen du 10 octobre 2016, le Parlement réuni à Strasbourg ce 23 novembre, a voté (304 personnes pour, 179 contre et 208 abstentions) une résolution condamnant « la propagande hostile et la désinformation « qui oppresse l’UE » par « le Kremlin et des acteurs non étatiques tels que Daech, Al-Qaeda et d’autres groupes terroristes djihadistes violents». L’institution dénonce le fait que « le gouvernement russe emploie de manière agressive une large gamme d’outils et d’instruments, tels que des fondations spéciales  [...], des chaînes de télévision multilingues ». La résolution - qui demande à l'UE de répondre à la guerre de l’information en provenance de Russie - cite Russia Today, Sputnik, mais aussi le Fonds Russky Mir et Rossotrudnichestvo parmi les organisations impliquées. Durant le débat, le député espagnol Javier Couso Permuy (Gauche-Unie) a dénoncé ce rapport comme étant une « insulte à l'intelligence des Européens », ajoutant : « ce rapport est fou. Il propage l'hystérie antirusse et le néo-Maccarthysme en Europe ». Coté Russe, Vladimir Poutine a moqué une décision qui révèle « une dégradation politique de l'idée de démocratie » en Occident. Plus virulente, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré que le détournement d’attention face aux véritables menaces terroristes et aux fondamentalisme était un « crime ».

    Il y a deux semaines, la Grande-Bretagne procédait à la fermeture des compte bancaires de Russia Today (et à la promulgation de « la loi de surveillance la plus extrême jamais passée dans un pays démocratique » selon l’Open Rights Group. Les pressions de l’Allemagne se multiplient pour la mise en place d’un dispositif visant à limiter la circulation de « sources douteuses » via les réseaux sociaux . Débat relancé par les mises en cause des médias de masse contre Facebook, accusé d’avoir contribué à la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine.

    La France n’échappe pas à la règle. Laurent Fabius, puis Benoît Hamon - pour ne citer qu’eux - ont également pointé la responsabilité de Facebook dans l’élection de Donald Trump. Les déclarations politiques se sont multipliées pour dénoncer le rôle joué par les réseaux sociaux et notamment Facebook dans l’apparition d’une « démago-politique ». Des déclarations qui font écho à celles de Barack Obama le 18 novembre dernier, dénonçant un système où « les faits et la vérité n’ont pas d’importance ». Nombreux sont les articles publiés par les médias de masse depuis l’élection de Donald Trump, interrogeant le rôle social de réseaux où les informations ne seraient pas vérifiées et toutes les opinions se valent. Le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, avait répondu aux nombreuses attaques politiques et médiatiques en déclarant « personnellement, je pense que l’idée que de fausses informations sur Facebook, qui ne représentent qu’une toute petite partie des contenus, aient influencé la présidentielle est une idée assez dingue ».

    L’on pourrait être sensible aux tentatives d’introspection critique des médias, des politiques et même des institutions sur la qualité de l’information et le respect des règles de déontologie journalistique. Il pourrait être également utile de réfléchir au rôle joué par les réseaux sociaux dans la diffusion de rumeurs ainsi qu’à la nécessité de trouver une solution à la dégradation générale de la qualité des informations. Mais il s’agit là d’un tout autre phénomène.

    Les faits ont largement montré depuis des années, et plus particulièrement durant l’élection présidentielle américaine ou tout récemment durant la primaire de la droite et du centre, à quel point la production des médias centraux était faussée et orientée. Le discrédit des médias de masse atteint des sommets dans l’ensemble du monde occidental et un récent sondage de l’Institut Piew révélait récemment que moins de 34% des Américains faisaient confiance aux grands médias nationaux. Aude Ancelin, ancienne directrice de la rédaction de L’Obs, dans son livre Le monde Libre (Prix Renaudot), met, quant à elle, directement en cause la servitude médiatique vis à vis des puissances financières. Si le système médiatique occidental est critiqué depuis des années, c’est aujourd’hui sous la pression conjuguée des médias alternatifs, des réseaux sociaux, des médias étrangers (russes, chinois et autres) qu’explose le paysage de l’information. En témoigne le classement publié par Mediapart des sites politiques les plus visités en France et qui révélait que les trois sites politiques les plus fréquentés appartenaient tous à ce que les journalistes appelait la « réinfosphère » (Egalité et Réconciliation, Fdesouche et les Moutons enragés), des sites aux positions parfois diamétralement opposées . Aux Etats-Unis, Breitbart, Drudge Report et Info Wars sont eux aussi en tête des sites politiques le plus consultés. Il en va de même dans la plupart des pays européens. Si certains médias de masse réussissent à tirer leur épingle du jeu, ils se trouvent en permanence sous la pression critique des lecteurs et téléspectateurs. Lorsqu’ils concèdent de l’espace pour rendre compte des informations relativisées ou cachés par leur confrères, ils servent de sources de référence pour des sites de compilation de presse comme Fdesouche.com.

    Les journalistes sont alors largement discrédités, les journaux ne survivent pour une bonne part que grâce aux subventions publiques votées par les politiques, et nous le constatons tous, n’ont que de moins en moins prise sur les choix politiques mais aussi sociétaux et idéologiques de la population. Et cette perte d’influence des médias de masse contrôlés par l’élite occidentale semble irrémédiable. Elle annonce un basculement de pouvoir majeur dans l’ensemble du monde occidental et le début de la grande guerre de l’information, qui ne finira pas avec l’effondrement de la média-démocratie. L’Union Européenne et les élites politiques nationales, qui doivent leur influence, leur carrière et leur position sociale à ce complexe de pouvoirs, d’argent et d’informations l’ont compris. Ils paniquent, se raidissent, mais sauf à transformer l’Europe en blockhaus, ils ne peuvent plus que compter les jours avant la tempête.

    Centurie News (n°12, 25 novembre 2016)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Vers un monde nouveau ?...

    Nous reproduisons ci-dessous le dernier éditorial de Slobodan Despot dans la Lettre Antipresse. Ecrivain et éditeur, Slobodan Despot est notamment l'auteur de recueils de chroniques mordantes comme Despotica (Xénia, 2010) et Nouvelleaks (Xénia, 2015) ainsi que d'un superbe petit roman intitulé Le miel.

    lever_de_soleil.jpg

    Vers un monde nouveau

    Nous ne mesurons pas encore les répercussions de l’élection américaine. Il nous faudra pour cela des années. L’événement politique est l’arbre qui masque une forêt où plus un seul buisson n’est ce qu’il paraissait jusqu’à ce jour.

    Pour ce qui nous concerne en général…

    Ce qui, pour nous en Europe et dans le reste du monde, compte en premier lieu, c’est l’abandon par Trump de la désastreuse mission de « croisade du Bien » globale assignée voici 99 ans aux États-Unis par Woodrow Wilson, qui a fini non seulement par mettre le monde à feu et à sang, mais encore par amener les Américains eux-mêmes au bord de la misère. C’est donc, dans l’immédiat, l’éloignement probable d’une escalade militaire qui nous menait tout droit à la guerre nucléaire (et la nomination du général dissident Mike Flynn, ancien responsable du renseignement militaire, comme conseiller à la Défense, nous conforte dans ce soulagement).

    La deuxième conséquence est le discrédit sans reste de tout notre système d’information officiel qui ne s’est pas contenté de ne pas voir venir l’actuel président, mais qui, de plus, a tout fait pour nous persuader qu’un tel hurluberlu n’avait même pas une chance de se trouver un coiffeur.

    On ne juge que les perdants. Le filet du cerveaulavage était si étendu, si dense, qu’on l’a décrit sans trop d’exagération comme la Matrix du film éponyme. Il impliquait toute la panoplie des services, allant du renseignement à l’humanitaire (voir à ce propos l’article d’Éric Werner sur Snowden dans ce même numéro). Plus il s’éloignait de la réalité vécue, plus il lui fallait resserrer les mailles, colmater les interstices, éliminer les dissonances. Tout ceci ne pouvait passer qu’à un prix : le succès. Aujourd’hui, la mécanique est mise à nu comme le dispositif d’un illusionniste foireux.

    La troisième conséquence, qui dérive de la précédente, est qu’il sera infiniment plus difficile désormais pour le pouvoir de façonner les opinions publiques et d’orienter les votes dans le « bon » sens. A la suite du peuple américain, les Européens se sentiront libres de s’asseoir sur les consignes de vote de leurs laveurs de cerveaux. Nul ne sait désormais quand ni où le prochain diable jaillira de la boîte. Ce qu’on peut prédire, c’est que gouverner l’Europe par l’intimidation morale qui était de rigueur jusqu’ici va devenir très compliqué.

    Par là même, l’alliance de l’ultralibéralisme le plus cynique avec le moralisme le plus mièvre a cessé de fonctionner. Le truc ne marche plus. Il faudra trouver autre chose. Mais comment, quand on ne vous croit plus ? Le viol est l’avenir des séducteurs éventés.

    …et en particulier…

    Quant à nous, ce coup de théâtre constitue une confirmation éclatante du diagnostic qui a présidé au lancement de l’Antipresse. Voici ce que nous écrivions dans notre manifeste, il y a exactement une année :

    L’Antipresse est née de notre sentiment d’étouffement et de désarroi face à l’appauvrissement constant de l’information des médias de grand public, au relâchement de leur langue et de leur style, à leur incohérence intellectuelle, à leur parti pris devenu structurel, à leur éloignement préoccupant de la réalité vécue par la plupart des gens.

    Au cours de l’année écoulée, et sur le sujet le plus important de l’actualité mondiale, les médias de grand chemin ont essayé de créer une illusion hypnotique en escamotant des faits déterminants et en en grossissant d’autres.

    Parmi les escamotages, pêle-mêle, le fait que le président Obama a créé plus de dettes que tous ses prédécesseurs réunis (21 billards), que la classe laborieuse américaine était plongée dans la paupérisation, qu’une moitié des jeunes de 25 ans y vivaient encore chez leurs parents, chiffre pratiquement soviétique. Ces chiffres pouvaient expliquer le vote Trump de manière statistiquement bien plus probante que les accusations de machisme ou de suprématisme blanc. Mais la diversion sur les questions ethniques et sexistes fait partie des procédés d’enfumage ordinaires des médias de grand chemin.

    Plus que jamais, le désenfumage s’avère une mission vitale. Notre attitude élitaire et antiélitiste, populaire et antipopuliste demeure, j’en suis convaincu, la seule stratégie possible contre l’empire de la bêtise.

    …mais surtout…

    Mais surtout, ce coup d’arrêt à l’expansion impériale nous fait redécouvrir un continent inconnu : le peuple américain. Par réflexe de pensée, les intérêts de l’Empire étaient identifiés à ceux des Américains eux-mêmes. La désolation dont témoigne le vote Trump nous révèle une Amérique qui souffre autant et plus des délocalisations et de la course globale à l’esclavage qu’implique le mondialisme ultralibéral. Avec le diable Trump, c’est tout le peuple américain qui resurgit de la boîte, celui du labeur biblique, de l’abnégation et de l’héroïsme quotidien. Il nous est de nouveau permis d’aimer l’Amérique sans servir la soupe à ses fossoyeurs qui sont aussi les nôtres. Le plébiscite du soi-disant repli américain a en réalité ouvert ce pays au monde. D’un seul coup, les tenants du progrès sont devenus les ringards de l’histoire.

    Personnellement, le soulagement est de même nature qu’il y a vingt-cinq ans, lorsque la Russie, exsangue et défigurée, a surgi des décombres de l’URSS. Ce peuple, qui jusqu’à la veille portait le masque repoussant de l’homo sovieticus, avait retrouvé son visage humain. Ni beau ni laid : simplement humain et non mécanique.

    Le jour même où la Russie s’est réveillée de sa longue hypnose marxiste, des armées de commissaires politiques et de professeurs de matérialisme dialectique ont perdu leurs postes de mandarins et ont dû retourner à la vie réelle. Le même sort attend nos oulémas du politiquement correct, nos policiers de la terreur minoritaire et nos théoriciens du syndrome de Stockholm à l’égard de l’islam. Imaginer leur retour à la vie réelle est un plaisir de fin gourmet.

    Slobodan Despot (Lettre Antipresse N° 51, 20 novembre 2016)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'Empire contre-attaque ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Caroline Galactéros, cueillie sur son site Bouger les lignes et consacrée aux conséquences pour l'Europe de la future politique étrangère américaine. Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et publie régulièrement ses analyses sur le site du Point et sur celui du Figaro Vox.

     

    trump_Poutine.jpg

    L'Empire contre-attaque !

    Donald Trump sera donc le 45ème président des États-Unis. Un revers cinglant pour l'Establishment mondial, les médias et les instituts de sondages occidentaux, qui ont, une fois encore, pratiqué la méthode Coué et refusé de prendre la mesure de la colère d'un peuple qui rejette sa marginalisation politique, culturelle et économique. Une auto-intoxication médiatique qui en France, menace d'atteindre aussi la primaire de la droite et du centre, celle de gauche et l'ensemble de la compréhension des enjeux du scrutin présidentiel…

    Ce qui est surprenant, c'est en fait que les grands «leaders» et analystes soient si surpris de cette victoire. Surprenant et inquiétant, pour ce que cela révèle du divorce des perceptions et des attentes entre cette superstructure composée des élites mondialisées occidentales et les «populations» qu'elles prétendent diriger ou informer, leur déniant le statut de peuples comme leur profond besoin de cohérence et de protection identitaire. Un besoin en somme, d'être des «Nations» plutôt que des agrégats d'atomes projetés nus dans la violence économique et sociale du monde.

    Le divorce est donc consommé. L'expression se libère. Les peuples se rebiffent. On objectera que c'est la victoire d'un populisme nauséabond, rétrograde et vulgaire. Celle d'une population blanche sous-diplômée, raciste, xénophobe, homophobe. Celle des «deplorables», celle de citoyens américains pitoyables selon Hillary Clinton. L'ancienne secrétaire d'État du Président Obama a ce jour-là dévoilé son mépris profond du peuple (pas uniquement blanc d'ailleurs) dont elle quêtait les suffrages, et elle a perdu une belle occasion de se taire. Alors, la victoire «du Donald» est-elle l'expression d'un populisme rance ou d'un sursaut démocratique? Je penche pour cette seconde possibilité et la tiens pour un cri d'angoisse d'une (grande) partie de l'Amérique - blanche, noire, hispanique - qui, lasse d'être ignorée, a saisi sa chance, ici incarnée en cet homme si représentatif du fighting spirit américain, de dire sa colère et son sentiment d'abandon.

    Besoin de frontières, besoin d'identité, ces thèmes ne sont pas très «hype» ni «bobos», on en conviendra. Mais ces crispations sont celles d'une société américaine qui réalise que son avenir est sombre. Non pas, comme chez nous, parce que l'État-providence est en faillite et ne peut plus payer pour tout… puisqu'on ne lui demande quasiment rien là-bas. Mais parce que la liquidité du monde, sa virtualisation galopante, ont mis à mal le rêve américain lui-même, et rompu la chaîne de l'espoir en un avenir meilleur pour ses enfants - non par l'opération du Saint-Esprit ou les largesses de l'État-providence - mais par l'effort et le travail acharnés.

    C'est là probablement la vraie rupture qui a noué la victoire de Trump. Le gouffre toujours plus grand des inégalités liées à la financiarisation de l'économie, le surendettement de la jeunesse étudiante, la précarisation structurelle de couches entières de la population a transformé le rêve américain en mythe de Sisyphe désespérant. Un rêve américain qui n'est pas un slogan outre-Atlantique, mais une conviction très profondément ancrée en chacun de la valeur du travail et du courage pour améliorer sa condition initiale, quelle qu'elle soit, ou pour y échapper spectaculairement.

    Alors, plutôt que de déclarer légèrement que cette élection «ouvre une ère d'incertitude», comme l'a fait notre président, qui n'a manifestement toujours pas compris ce que la fonction présidentielle exigeait de hauteur de vue et d'intelligence de situation en matière internationale, nous devrions féliciter le nouveau président américain et l'assurer de la disponibilité de la France, au-delà de toute alternance politique, à consolider une relation bilatérale essentielle pour nos deux pays. Nous devons aussi sans attendre, tirer les conséquences de cette bascule géopolitique probable et majeure avec lucidité, et nous atteler à restaurer notre image abîmée d'allié secondaire trop docile. Peut-être en fait la réaction française s'explique-t-elle par un «vertige» (exprimé de manière intempestive par notre ambassadeur à Washington), non pas devant la victoire de Trump, mais devant le désaveu massif de la «politique» moyen-orientale de Paris depuis bientôt cinq ans que cette victoire augure. Nous avons «eu tout faux» depuis 2011 en Libye, mais bien plus encore en Syrie. L'heure est venue soit de changer radicalement d'approche, soit, si nous nous entêtons, d'en payer le prix par un isolement gravissime et une décrédibilisation durable dans toute la région et au-delà.

    Même les États-Unis en effet, ont besoin d'alliés forts et intellectuellement autonomes. Leur nouveau président, bien plus que son prédécesseur, croit manifestement dans le rapport de force comme vecteur de structuration de toutes les relations, d'affaires, internationales et interpersonnelles. Il s'accommodera parfaitement d'une France qui assume son indépendance d'esprit et de comportement et défend ses intérêts sans trahir ses alliances. Il sera très probablement bien entouré. On parle de Newt Gingrinch comme secrétaire d'État et du Général Michael Flynn - ancien directeur du renseignement américain -, connu pour son réalisme et sa clairvoyance sur la marche réelle du monde et des grands équilibres à préserver ou à restaurer notamment au Moyen-Orient et vis-à-vis de la Russie. Son conseiller pour la politique étrangère, le libanais Whalid Phares, paraît être aussi un facteur sinon de pondération, tout au moins de créativité pragmatique. Or, le monde à un urgent besoin d'innover pour s'apaiser. Par ailleurs, les fondamentaux géopolitiques de l'Amérique ne vont pas disparaître avec l'arrivée de Donald Trump et ils sont largement trans-partisans. Le style va changer, les méthodes sans doute aussi, mais le nouveau président sera très vite «bordé» et de fait contrôlé par un entourage sérieux mais probablement plus réaliste que celui d'Hillary Clinton, qui augurait d'un interventionnisme classique dogmatique et moralisateur. Le monde n'en veut plus et n'y croit plus.

    Néanmoins, on peut sans doute attendre - et espérer - quelques inflexions notables dans la façon qu'aura la nouvelle Administration de projeter la puissance américaine sur une scène internationale qui a considérablement évolué depuis 2008. Tout va donc dépendre de la confiance et du respect initial portés par les acteurs internationaux au nouveau leadership américain, mais aussi de la capacité de l'Europe à prendre son destin en main. Car le nouveau président, dont les discours de campagne ont souvent été contradictoires, a toutefois exprimé quelques convictions fortes: la Chine étant le peer competitor ultime de l'Amérique, le temps est venu pour l'Europe de se prendre davantage en charge pour sa sécurité, y compris au sein de l'OTAN, qui pourrait être appelée à évoluer vers une structure de lutte contre le terrorisme international plutôt que demeurer une alliance lourde préparant à grands frais des guerres … qui ne se mèneront pas.

    Un homme d'État au pouvoir en France saisirait cette occasion historique pour impulser enfin, autour d'un petit noyau structurant, une vaste initiative de défense et de sécurité européenne, sans naturellement nier l'OTAN, mais en prenant en compte les intérêts propres de notre continent, et en y associant activement Moscou. Cela nécessiterait peut-être d'oser parler de notre sortie éventuelle du commandement militaire intégré de l'Alliance. En effet, notre «réintégration» en 2009, si elle nous associe désormais à la planification des opérations auxquelles nous participons, n'a en vérité pas vu notre poids décisionnel augmenter sensiblement. Or, la France doit retrouver une voix libre, totalement indépendante et forte. Il existe un «besoin de France» qui s'exprime toujours aux quatre coins de la planète et que nous ne pouvons ni ne devons plus ignorer.

    Donald Trump a aussi dit vouloir en finir avec l'Accord sur le nucléaire iranien, essentiellement pour complaire à tel Aviv sans doute. Ce pourrait être une très forte source de tensions régionales…mais aussi une opportunité pour une nation telle que la France, dont le rôle doit être celui d'une puissance médiatrice et équilibrante. De mon point de vue, dans une politique étrangère nationale refondée, il faudrait au contraire savoir s'appuyer sur l'Iran et l'Inde pour promouvoir une stabilisation progressive de la région. La Russie l'a compris. La France devrait l'imiter, plus encore d'ailleurs, si l'Amérique ne le juge pas ou plus souhaitable, pour des raisons propres à sa relation particulière avec Israël. Nous avons ici aussi une belle carte à jouer.

    Donald Trump veut encore en finir avec l'État islamique, et pour cela agir en convergence avec Moscou. On ne peut que s'en réjouir. Vladimir Poutine appelle à une coordination occidentale contre le terrorisme international depuis 2001, et plus encore depuis son implication militaire en Syrie à l'automne 2015. Mais le nouveau président américain a-t-il bien pris la mesure des implications considérables d'une telle détermination? Cela signifie en effet d'en finir avec une politique du chaos et de la déstabilisation des grands États laïcs, menée depuis le milieu des années 2000 par l'Amérique, la Turquie et le Qatar notamment, au profit du courant Frères musulmans ; de cesser immédiatement le soutien aux groupes islamistes prétendument modérés (par contraste avec la sauvagerie spectaculaire de l'EI) qui déchirent le corps de la malheureuse Syrie depuis 5ans pour s'en attribuer le pouvoir et les richesses. Il faut donc décider de sauver l'État syrien et préparer une transition politique crédible et viable au régime d'Assad. Cela veut dire, parallèlement, une politique de grande fermeté vis-à-vis du Qatar, de l'Arabie saoudite et de la Turquie, qui pourrait aller jusqu'à les contraindre à constituer une coalition arabe sunnite véritablement modérée et à cesser leurs doubles jeux délétères. Cela suppose enfin de mener au plus tôt une action diplomatique sincèrement convergente entre Washington et Moscou, pour imaginer et aménager une place politique aux sunnites irakiens mais aussi syriens sans laisser s'y immiscer Al-Qaïda et ses succédanés mêlés à des «reconvertis» de Daech, qui gardent pour cible la déstabilisation des monarchies pétrolières, mais aussi à terme, la fragilisation des nations européennes et de la civilisation occidentale en général.

    Pour Paris, s'arrimer à une telle offensive en claire rupture avec l'actuelle politique occidentale au Moyen-Orient, lui permettrait de sortir d'une impasse et d'un piège aux implications sécuritaires majeures. Nous soutenons en effet de facto en Syrie un islamisme combattant qui nourrit la haine d'une frange de notre propre jeunesse sur notre territoire national et qui ourdit des attentats qui frappent nos concitoyens et minent notre résilience nationale. Nous devons là aussi faire un choix politique et identitaire, l'assumer sans états d'âme et le faire respecter en mettant notre action militaire extérieure enfin en cohérence avec cet objectif politique et sociétal intérieur.

    On compare ici ou là, l'élection de Donald Trump au Brexit. C'est effectivement un second coup de semonce qui affecte l'Europe et la met au pied du mur de ses trop longues inconséquences. Soit l'Europe se reprend et saisit sa chance historique de refonder sa légitimité et de trouver sa place dans un monde qui est en train de se réarticuler sans elle, soit la vague de fond populiste, protectionniste et xénophobe, nourrie par le ralentissement de la croissance mondiale et ses conséquences en termes d'emploi et de creusement des inégalités risque, en France, en Italie, en Autriche, aux Pays Bas et ailleurs, de faire imploser un édifice européen fragilisé qui ne survivra pas longtemps s'il persiste à refuser de répondre aux enjeux identitaires, d'immigration et de frontières qui fragilisent sa légitimité profonde.

    L'économisme béat a ses limites, le quantitative easing aussi. La croissance chinoise marque le pas, ce qui fait craindre une nouvelle crise financière et économique internationale, dont l'EU ne se relèvera pas en ordre dispersé et sans gouvernance politique forte. L'heure est donc au courage et à l'ambition.

    Finalement, au lieu de geindre et de pousser des cris d'orfraie, il faut sans doute se réjouir. Le verdict du peuple américain est rafraîchissant et même rassurant. «L'empire» n'est pas mort. Il renaît de ses cendres et veut exister face à son challenger chinois. Dans ce vaste mouvement géostratégique, la position russe et la manière dont l'Amérique de Trump mais aussi l'Europe vont être capables d'en finir avec leurs vieux cauchemars de Guerre froide pour y associer la Russie, sont rien moins que cardinales. Nul doute que des pressions immenses - à Washington mais aussi en Europe de l'est - vont s'exercer pour poursuivre l'ostracisation de Moscou et la «construction d'un ennemi» qui fait la fortune de l'Alliance atlantique et celle du complexe militaro-industriel américain.

    Pourtant le défi est bien plus grand. C'est l'Occident entier qui devrait faire taire des querelles dépassées pour conjuguer ses forces et stopper l'expansion d'un islamisme conquérant qui a décidé de déstabiliser le ventre mou européen, mais aussi la civilisation occidentale dans son ensemble dont l'Amérique se veut encore la championne. Or, n'en déplaise aux russophobes compulsifs à courte vue, la Russie est un bout d'Occident, et un bout d'Europe évidemment.

    Se tromper d'ennemi par paresse intellectuelle, intérêt immédiat ou dogmatisme est criminel. La France et l'Europe sont sous le feu. Il faut oser une rupture cognitive, intellectuelle et même morale pour réintégrer la Russie dans notre camp, au lieu de la pousser dans les bras chinois qui pourraient l'asphyxier. La Chine est en embuscade en effet. Avec son pharaonique projet de «Nouvelle Route de la Soie», qui vise la création d'un marché asiatique gigantesque unique, l'accaparement des ressources économiques et énergétiques des pays traversés, le désenclavement du Pakistan et de l'Afghanistan, mais aussi, au bout de la mire, l'endiguement des puissances américaine et russe et le contournement de l'Inde, la Chine change de modèle de puissance. Elle passe d'une croissance intérieure à un déploiement de puissance et d'influence vers l'extérieur. Elle prend ses points d'appui en Asie centrale et au Moyen-Orient (mais aussi en Afrique et en Amérique latine) pour atteindre les marchés européens, via un maillage d'infrastructures terrestres et maritimes sans précédent, adossé à une renaissance militaire considérable et à des structures bancaires aux moyens colossaux. Nos technocrates européens s'en rendent-ils compte? Comment comptent-ils réagir, se défendre et/ou saisir les opportunités liées à ce projet? Silence radio. À terme, c'est une alternative financière et normative complète au FMI et à la Banque mondiale qui s'ébauche, avec le rêve d'une nouvelle monnaie de référence -chinoise- des échanges internationaux qui détrônera le dollar. Un «système de Bretton Woods-bis» en somme, mais qui ne dit pas encore son nom et avance à petits pas. Pékin est en train, à bas bruit, de mettre en place un véritable «contre-monde» global.

    Alors? Et si l'on changeait enfin notre logiciel mental, et que l'on considérait ce nouveau président américain - après la «phase Obama» souhaitable pour faire oublier l'aventurisme militaire de Bush fils - comme une divine surprise, le héraut involontaire d'un «kairos» (moment opportun) stratégique inespéré pour l'Europe en pleine déconfiture? Cet homme est certes un peu «rough», rustique, emporté, mais aussi très humain, comme l'a montré son tout premier discours après la confirmation des résultats. C'est surtout un pragmatique. Il n'a pas peur du rapport de force et sans doute peut comprendre qu'un bon deal n'est pas forcément celui qui humilie le concurrent ou le détruit et que l'Amérique sera d'autant plus grande, admirée et suivie qu'elle saura nouer des relations plus équilibrées avec ses grands challengers et ses alliés. Dialoguer avec tout le monde est une marque de force et de confiance en soi, pas de faiblesse. Quant à «l'imprévisibilité» du nouveau Président, dont on veut croire qu'elle va rendre le monde plus instable, c'est sans doute l'une des marques même d'une personnalité de leader.

    Nous sommes bien dans «la fin de la fin de l'Histoire». La question est: veut-on écrire une nouvelle Histoire, plus intelligente et humaine, ou nier l'évidence et se scléroser dans des schémas de pensée dépassés que la réalité du monde dément quotidiennement?

    L'Amérique a en fait aujourd'hui l'occasion inédite de restaurer son crédit moral et politique mondial si entamé depuis 2001 et plus encore depuis 2003, et de retrouver un leadership basé sur une politique stabilisatrice plutôt que sur celle de l'organisation permanente du chaos au Moyen-Orient comme en Europe. Il faut s'en réjouir.

    Ironie du sort, c'est peut-être le nouveau possible «reset» de la politique américaine vis-à-vis de la Russie qui conduira l'Europe à devoir elle-même reconsidérer son ostracisation entêtée de Moscou. Le prochain président français devra tenir compte de cette bascule géostratégique majeure, et, il faut le souhaiter, avoir l'intelligence d'initier et de nourrir une relation constructive et de dialogue respectueux avec notre grand voisin qui n'est pas notre ennemi, mais le pôle asiatique naturel d'une Europe des Nations qui compte enfin dans les nouveaux équilibres mondiaux.

    «Qu'ils me haïssent pourvu qu'ils me craignent» disait l'empereur Caligula. Peut-être Donald Trump est-il tombé un jour sur cette citation.

    Caligula disait aussi: «j'aime le pouvoir car il donne ses chances à l'impossible». C'est plus engageant.

    Caroline Galactéros (Bouger les lignes, 11 novembre 2016)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Le Marais et le Feu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexandre Douguine cueilli sur Katehon et consacré aux conséquences de la victoire de Donald Trump... Théoricien politique russe influent, nourri par les penseurs de la Révolution conservatrice des années 30 ainsi que par les idées des nouvelles droites européennes, Alexandre Douguine est la figure principale du mouvement eurasiste. Pour découvrir de façon plus précise ses idées, on pourra se reporter à L'appel de l'Eurasie (Avatar, 2013), le texte d'une longue conversation entre lui et Alain de Benoist, mais également à deux de ses œuvres traduites en français, La Quatrième théorie politique (Ars Magna, 2012) et Pour une théorie du monde multipolaire (Ars Magna, 2013).

    Marais.jpg

    Donald Trump : le Marais et le Feu

    « Le Marais » c’est le nouveau nom de la secte globaliste, des adeptes de la société ouverte, des pervers LGBT, de l'armée de Soros, des post-humanistes et ainsi de suite. Il est absolument impératif de dessécher le Marais non seulement pour les États-Unis: c’est un défi global pour nous tous. A nos jours, chaque peuple est prisonnier de son propre Marais. Nous, tous ensemble, devons commencer la lutte contre le Marais russe, le Marais français, le Marais allemand etc. Nous avons besoin de purger nos sociétés de l'influence du Marais. Au lieu de nous battre entre nous, desséchons-le ensemble. Assécheurs de Marais du monde entier, unissez-vous !

    L'autre point c’est que l'anti-américanisme est fini. Non pas parce que c'était faux, mais exactement le contraire : parce que le peuple américain lui-même a commencé la révolution justement contre ce côté des États-Unis que nous avons tous haï. Maintenant l'élite dirigeante européenne, ainsi qu'une partie de l'élite russe (qui est encore libérale), ne peuvent pas être blâmées comme avant pour être trop pro-américaines. Ils doivent désormais être blâmées pour être ce qu'ils sont : une bande corrompue, pervertie, avare de banksters et destructeurs des cultures, des traditions et des identités. Alors, laissez-nous égoutter le Marais européen. Assez avec Hollande, Merkel et Bruxelles ! L’Europe pour les européens. Soros et sa secte doivent être publiquement condamnés !

    Dorénavant, le Marais est un phénomène extraterritorial, exactement comme un réseau terroriste international. Le Marais est partout et nulle part. Hier, le centre du Marais, son noyau, était situé aux États-Unis, mais plus maintenant. C'est une chance pour nous tous de commencer à les chasser. Le Marais ne se manifeste plus sous une forme fixée au niveau régional. Néanmoins, il existe et a toujours une puissance extrêmement grande. Mais son caractère antinational est maintenant explicitement évident. Le Marais ne peut plus se cacher derrière l'Amérique. Il est parti en exil. Mais où ? Au Canada ? En Europe ? En Ukraine ? Pour d'autres planètes où divers acteurs et actrices dopés promettaient d'émigrer dans le cas de la victoire de Trump ? Maintenant, il est temps pour eux de tenir leur promesse. Tout cela semble être l'ascension des globalistes. Ils sont maintenant absorbés dans un non-lieu, une utopie, dans la terre de l'utopie libérale - un « no man's land ». Nous sommes maintenant témoins de la déterritorialisation du Marais, de l'élite mondialiste et du gouvernement mondial.

    Quelle est la structure du Marais ?

    Premièrement, le Marais est une idéologie - le libéralisme. Nous avons besoin d'un procès de Nuremberg pour le libéralisme, la dernière idéologie politique totalitaire de la Modernité. Fermons cette page d'histoire.

    Deuxièmement, le Marais est une culture spéciale postmoderniste. Elle est basée sur la décomposition de toute entité par digitalisation, schizomorphisme obligatoire, et ainsi de suite. Le drainer signifie de rétablir l'unité de l'art apollinien. L'art doit revenir au holisme.

    Troisièmement, c’est le capitalisme mondial transnational. Ceci est le moteur matériel du Marais. C’est des emprunts et la Réserve fédérale qui imprime des billets verts virulents. Nous devons mettre fin à tout cela et revenir au secteur productif réel et à l’approche mercantiliste.

    Je propose de redécouvrir les idées de Pitirim Sorokin. Il a noté que la dynamique sociale de l'histoire est une chaîne de paradigmes sociaux qu'il appelait idéationnelle, idéaliste, et sensualiste. L'idéation est la domination absolue de l'esprit sur la matière, l'ascétisme et la soumission vigoureuse du monde matériel à l'aspiration spirituelle et religieuse. Le type idéaliste est équilibré et fondé sur la coexistence harmonieuse de l'esprit et de la matière, où la partie spirituelle est légèrement dominante, mais non exclusive (comme dans le type idéationnel). Le type sensualiste de la société est la domination de la matière sur l'esprit, le corps sur l'âme. Le Marais est le type sensualiste de la société. Jusqu'à récemment, il semblait que « sensualiste » et « américain » étaient synonymes. Mais après le triomphe de Trump, tout est différent. Maintenant sensualiste signifie global et excentrique. Il y a une sorte de "translatio imperii" nulle part et partout.

    Sorokin a souligné que la nature cyclique de la société suit l’unique chaîne de succession : de l'idéationnel à l'idéaliste, puis sensualiste. L'idéaliste ne peut pas succéder au sensualiste, comme il est impossible pour le Marais de se retransformer en semi-Marais. Après le Marais vient le Soleil, c'est-à-dire le Feu, l'Esprit - l'Esprit dans sa forme radicale et idéationnelle. Pour dessécher le Marais, nous avons besoin du Feu Solaire, un Grand Feu qui devrait être en abondance.

    Le Marais et le Feu sont deux éléments opposés répartis à travers la terre. La géopolitique devient alors verticale. Les deux peuvent être trouvés à tout endroit. Le sens du lieu maintenant est l'élan du processus de drainage du Marais. Où ? Ici et maintenant.

    Le Marais n'est plus l'hégémonie américaine car le Président de l'Amérique lui-même rejette une telle hégémonie. C'est donc l'hégémonie « tout court », l'hégémonie comme telle avec un vide purement postmoderniste au centre.

    Les Etats-Unis sont l'Extrême Occident du monde. C'est l'espace de Minuit. Et là, le dernier point de la Chute est atteint. Le moment qui se déroule est celui du changement de pôles. L'Occident se transforme en Orient. Poutine et Trump sont dans les deux coins opposés de la planète. Au XXème siècle, ces deux extrêmes étaient incarnés par les formes les plus radicales de la Modernité - le capitalisme et le communisme - deux monstres apocalyptiques - le Léviathan et l’Hippopotame. Maintenant, ils se sont transformés en deux promesses eschatologiques : la Grande Russie de Poutine et l'Amérique qui se libére sous Trump. Le XXIème siècle a enfin commencé.

    Donc tout ce dont nous avons besoin maintenant, c'est le Feu.

    Alexandre Douguine (Katehon, 14 novembre 2016)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • A l'Est du nouveau ?...

    Colloque éléments_Russie.jpg

    Russie : à l'Est du nouveau ? Le nouveau colloque d'Eléments

    Éléments organise le samedi 19 novembre prochain un colloque intitulé « À l’Est, du nouveau ? » avec pour invités principaux le formidable romancier Zakhar Prilepine, membre du Parti national-bolchevique (PNB), l’universitaire Jean-Robert Raviot, qui a dirigé l’ouvrage collectif Russie, vers une nouvelle guerre froide ? (La Documentation française) et le philosophe Alexandre Douguine. Comme à son habitude, notre éditorialiste Alain de Benoist clôturera cet après-midi exceptionnel.

     

    Les stands feront la part belle à la littérature russe grâce à la présence de plusieurs maisons d’éditions spécialisées comme La Manufacture de Livres, qui lance Zapoï, une collection de polar russe sous la direction de notre ami Thierry Marignac, les éditions de la Différence et Les Syrtes qui publient les romans de Zakhar Prilepine, mais aussi les éditions Pierre-Guillaume de Roux, Le Polémarque et les éditions Astrée.

     

    Ce colloque sera également l’occasion de mettre en valeur la richesse des ouvrages publiés par les collaborateurs d’Éléments, qui seront présents ce jour-là. Xavier Eman, entre autres, dédicacera son premier livre Une fin du monde sans importance, qui vient juste de paraître aux éditions Krisis.

     

    Colloque « Russie : À l'Est, du nouveau ? »

    Date : Samedi 19 novembre

    Horaire : 13h30 à 18h

    Entrée : 8 euros

    Adresse : Espace Moncassin, 164 rue de Javel, Paris, XVe arrondissement

    Réservation obligatoire en cliquant sur ce lien

    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Séisme !...

    Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial du nouveau numéro de Centurie News (n°10, 9 novembre 2016) qui est consacré à l'énorme surprise que constitue la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines...

     

    Partisans_Trump.jpg

    Séisme

    Donald Trump a remporté largement l’élection aux Etats-Unis. Porté par une population sinistrée par la mondialisation libérale, il s’est imposé avec 290 grands électeurs contre 218 pour Hillary Clinton, qui bénéficiait pourtant de l’appui de l’ensemble du système médiatique et financier occidental. Hillary Clinton n’a pas réussi à mobiliser les latinos et les afro-américains comme avait pu le faire Barack Obama. (voir-ci-contre). L’analyse des votes semble néanmoins révéler de fortes disparités ethniques puisque 94% des femmes et 80% des hommes noirs et 68% des femmes et 62% des hommes d’origines latinos ont apporté leurs suffrages à Hillary Clinton. Donald Trump  disposera d’une nette majorité à la chambre des représentants (236 républicains contre 191 démocrates) comme au Sénat (51 républicains contre 47 démocrates). Il disposera aussi d’une majorité républicaine parmi les gouverneurs et les membres de la Cour Suprême (SCOTUS). Du jamais vu depuis 1928.

    A l’ouverture, l’ensemble des indices boursiers a dévissé, à l’exception des places boursières suisses et russes. Le NIKKEI (Japon) enregistre plus de 5 % de baisse au moment où nous écrivons cet article. Le dollar est en baisse et les valeurs refuges (or et emprunts d’Etats) en hausse. La victoire de Donald Trump remet en question le scénario privilégié par les marchés financiers : une hausse prochaine des taux directeurs de la Réserve fédérale. Par ailleurs, la position de Janet Yellen (ci-dessus) est fragilisée, Trump ayant dénoncé à plusieurs reprises le rôle néfaste de la présidente de la FED. D’une façon plus générale, la politique dite de « New Deal » par la relance de grands travaux prônée par Trump durant sa campagne, et confirmée dans son discours de ce mercredi matin, nécessitera un contrôle accru de la présidence sur cette institution (la FED) en vue de financer ses projets. S'il veut tenir cet objectif, Donald Trump devra probablement engager les réformes nécessaires à un retour du contrôle des changes ou ad minima à la mise en place de taux de change réindexés ou maitrisés et reprendre le contrôle de la production monétaire américaine, aux mains des puissances financières qui administrent la FED. Cette étape serait à elle seule une véritable révolution.

    L’économiste Barry Eichengreen estime pour sa part que le recours aux droits de douane, promis par Trump durant sa campagne, pourrait certes déclencher des guerres commerciales et des tensions géopolitiques, mais que cette politique aurait pour effet de pousser les salaires et l'inflation à la hausse. De son côté, la City, si elle ne peut neutraliser les velléités de Donald Trump, continuera probablement d’accentuer l’instabilité monétaire mondiale et d’utiliser la Chine et l’Union Européenne pour porter son projet de création d’une banque centrale mondiale et d’une monnaie mondiale sous le contrôle des banques, en attendant des jours meilleurs …

    Mais la stabilité des institutions européennes pourrait bien être mise à mal par le calendrier électoral, en Autriche, en France et en Allemagne dans les mois à venir. En effet, le séisme que constitue l’élection de Donald Trump devrait stimuler les offres politiques favorables à une remise en question profonde des institutions européennes. En France, si le Front National dispose évidemment d’une proximité avec les options souverainistes défendues par Trump, le manque de compétences disponibles dans ce parti pour assurer une alternance, pourrait l’empêcher de disposer de l’appui réel des relais de puissance américains et russes.

    Toujours en France, les réseaux pro-israéliens chercheront à imposer Nicolas Sarkozy qui, au contraire de François Fillon, est un soutien indéfectible de la politique israélienne en France et dont les positions simultanément pro-américaines et réalistes à l’égard de la Russie semblent pour partie compatibles avec la nouvelle configuration politique occidentale. Problème : celui-ci, mis en cause de façon particulièrement violente par Donald Trump durant sa campagne pour son rôle en Libye, s’est déclaré en faveur de la candidature d’Hillary Clinton, pour ne pas parler des affaires judiciaires qui le poursuivent. François Fillon, même s’il est, pour le moment encore le troisième homme dans les primaires des Républicains, semble être le seul capable d’assurer une transition sous-contrôle en France tout en étant compatible avec la nouvelle configuration créée par l’élection de Donald Trump, à l’exception peut-être de l’appui des réseaux pro-israéliens en France. Il lui reste à passer le cap du premier tour, mais ensuite, face à Alain Juppé ou à Nicolas Sarkozy, il recevrait sans doute les appuis médiatiques nécessaires à sa victoire et prendrait alors une option décisive sur la présidentielle.

    Sur la scène géostratégique internationale, les échanges entre Donald Trump et Vladimir Poutine pourraient favoriser une évolution rapide de la situation militaire en Syrie sans attendre la fin du mandat de Barack Obama le 20 janvier. Enfin, dans les pays considérés comme des appuis de la politique américaine contre la Russie (Pologne et Ukraine, Qatar et Arabie Saoudite), l’élection de Donald Trump provoque de très vives inquiétudes. Enfin, les pays dont les positions sont liées à leur capacité de basculement dans la mésentente russo-américaine (Iran et Turquie notamment), perdront certainement une part de leur capacité d’influence si Donald Trump et Vladimir Poutine ouvrent ensemble une nouvelle ère dans les relations russo-américaines.

    De nouvelles lignes de forces émergent. Face au défis vitaux auxquels sont confrontées les populations d’origines européennes dans le monde entier, l’évolution progressive vers une entente septentrionale, une meilleure coordination des États de l’hémisphère nord dans l'intérêt de leurs populations, pour improbable qu’elle fût jusqu’ici, est désormais un scénario envisageable. Il était temps, l'orage gronde.

    Centurie News n°10, 9 novembre 2016

     

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!