Russie : à l'Est du nouveau ? Le nouveau colloque d'Eléments
Éléments organise le samedi 19 novembre prochain un colloque intitulé « À l’Est, du nouveau ? » avec pour invités principaux le formidable romancier Zakhar Prilepine, membre du Parti national-bolchevique (PNB), l’universitaire Jean-Robert Raviot, qui a dirigé l’ouvrage collectif Russie, vers une nouvelle guerre froide ? (La Documentation française) et le philosophe Alexandre Douguine. Comme à son habitude, notre éditorialiste Alain de Benoist clôturera cet après-midi exceptionnel.
Les stands feront la part belle à la littérature russe grâce à la présence de plusieurs maisons d’éditions spécialisées comme La Manufacture de Livres, qui lance Zapoï, une collection de polar russe sous la direction de notre ami Thierry Marignac, les éditions de la Différence et Les Syrtes qui publient les romans de Zakhar Prilepine, mais aussi les éditions Pierre-Guillaume de Roux, Le Polémarque et les éditions Astrée.
Ce colloque sera également l’occasion de mettre en valeur la richesse des ouvrages publiés par les collaborateurs d’Éléments, qui seront présents ce jour-là. Xavier Eman, entre autres, dédicacera son premier livre Une fin du monde sans importance, qui vient juste de paraître aux éditions Krisis.
Colloque « Russie : À l'Est, du nouveau ? »
Date : Samedi 19 novembre
Horaire : 13h30 à 18h
Entrée : 8 euros
Adresse : Espace Moncassin, 164 rue de Javel, Paris, XVe arrondissement
Réservation obligatoire en cliquant sur ce lien
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A l'Est du nouveau ?...
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Séisme !...
Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial du nouveau numéro de Centurie News (n°10, 9 novembre 2016) qui est consacré à l'énorme surprise que constitue la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines...
Séisme
Donald Trump a remporté largement l’élection aux Etats-Unis. Porté par une population sinistrée par la mondialisation libérale, il s’est imposé avec 290 grands électeurs contre 218 pour Hillary Clinton, qui bénéficiait pourtant de l’appui de l’ensemble du système médiatique et financier occidental. Hillary Clinton n’a pas réussi à mobiliser les latinos et les afro-américains comme avait pu le faire Barack Obama. (voir-ci-contre). L’analyse des votes semble néanmoins révéler de fortes disparités ethniques puisque 94% des femmes et 80% des hommes noirs et 68% des femmes et 62% des hommes d’origines latinos ont apporté leurs suffrages à Hillary Clinton. Donald Trump disposera d’une nette majorité à la chambre des représentants (236 républicains contre 191 démocrates) comme au Sénat (51 républicains contre 47 démocrates). Il disposera aussi d’une majorité républicaine parmi les gouverneurs et les membres de la Cour Suprême (SCOTUS). Du jamais vu depuis 1928.
A l’ouverture, l’ensemble des indices boursiers a dévissé, à l’exception des places boursières suisses et russes. Le NIKKEI (Japon) enregistre plus de 5 % de baisse au moment où nous écrivons cet article. Le dollar est en baisse et les valeurs refuges (or et emprunts d’Etats) en hausse. La victoire de Donald Trump remet en question le scénario privilégié par les marchés financiers : une hausse prochaine des taux directeurs de la Réserve fédérale. Par ailleurs, la position de Janet Yellen (ci-dessus) est fragilisée, Trump ayant dénoncé à plusieurs reprises le rôle néfaste de la présidente de la FED. D’une façon plus générale, la politique dite de « New Deal » par la relance de grands travaux prônée par Trump durant sa campagne, et confirmée dans son discours de ce mercredi matin, nécessitera un contrôle accru de la présidence sur cette institution (la FED) en vue de financer ses projets. S'il veut tenir cet objectif, Donald Trump devra probablement engager les réformes nécessaires à un retour du contrôle des changes ou ad minima à la mise en place de taux de change réindexés ou maitrisés et reprendre le contrôle de la production monétaire américaine, aux mains des puissances financières qui administrent la FED. Cette étape serait à elle seule une véritable révolution.
L’économiste Barry Eichengreen estime pour sa part que le recours aux droits de douane, promis par Trump durant sa campagne, pourrait certes déclencher des guerres commerciales et des tensions géopolitiques, mais que cette politique aurait pour effet de pousser les salaires et l'inflation à la hausse. De son côté, la City, si elle ne peut neutraliser les velléités de Donald Trump, continuera probablement d’accentuer l’instabilité monétaire mondiale et d’utiliser la Chine et l’Union Européenne pour porter son projet de création d’une banque centrale mondiale et d’une monnaie mondiale sous le contrôle des banques, en attendant des jours meilleurs …
Mais la stabilité des institutions européennes pourrait bien être mise à mal par le calendrier électoral, en Autriche, en France et en Allemagne dans les mois à venir. En effet, le séisme que constitue l’élection de Donald Trump devrait stimuler les offres politiques favorables à une remise en question profonde des institutions européennes. En France, si le Front National dispose évidemment d’une proximité avec les options souverainistes défendues par Trump, le manque de compétences disponibles dans ce parti pour assurer une alternance, pourrait l’empêcher de disposer de l’appui réel des relais de puissance américains et russes.
Toujours en France, les réseaux pro-israéliens chercheront à imposer Nicolas Sarkozy qui, au contraire de François Fillon, est un soutien indéfectible de la politique israélienne en France et dont les positions simultanément pro-américaines et réalistes à l’égard de la Russie semblent pour partie compatibles avec la nouvelle configuration politique occidentale. Problème : celui-ci, mis en cause de façon particulièrement violente par Donald Trump durant sa campagne pour son rôle en Libye, s’est déclaré en faveur de la candidature d’Hillary Clinton, pour ne pas parler des affaires judiciaires qui le poursuivent. François Fillon, même s’il est, pour le moment encore le troisième homme dans les primaires des Républicains, semble être le seul capable d’assurer une transition sous-contrôle en France tout en étant compatible avec la nouvelle configuration créée par l’élection de Donald Trump, à l’exception peut-être de l’appui des réseaux pro-israéliens en France. Il lui reste à passer le cap du premier tour, mais ensuite, face à Alain Juppé ou à Nicolas Sarkozy, il recevrait sans doute les appuis médiatiques nécessaires à sa victoire et prendrait alors une option décisive sur la présidentielle.
Sur la scène géostratégique internationale, les échanges entre Donald Trump et Vladimir Poutine pourraient favoriser une évolution rapide de la situation militaire en Syrie sans attendre la fin du mandat de Barack Obama le 20 janvier. Enfin, dans les pays considérés comme des appuis de la politique américaine contre la Russie (Pologne et Ukraine, Qatar et Arabie Saoudite), l’élection de Donald Trump provoque de très vives inquiétudes. Enfin, les pays dont les positions sont liées à leur capacité de basculement dans la mésentente russo-américaine (Iran et Turquie notamment), perdront certainement une part de leur capacité d’influence si Donald Trump et Vladimir Poutine ouvrent ensemble une nouvelle ère dans les relations russo-américaines.
De nouvelles lignes de forces émergent. Face au défis vitaux auxquels sont confrontées les populations d’origines européennes dans le monde entier, l’évolution progressive vers une entente septentrionale, une meilleure coordination des États de l’hémisphère nord dans l'intérêt de leurs populations, pour improbable qu’elle fût jusqu’ici, est désormais un scénario envisageable. Il était temps, l'orage gronde.
Centurie News n°10, 9 novembre 2016
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Les sirènes du chaos...
Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial, daté du 13 octobre 2016, de la nouvelle lettre d'information Centurie News, qui est consacré à l'embrasement que la crise syrienne et les incendiaires qui l'attisent, menacent de provoquer...
Syrie : les sirènes du chaos
La crise syrienne a débuté en 2011 dans le prolongement des « printemps arabes » qui soulevèrent des populations stimulées et appuyées par des ONG occidentales contre des régimes arabes laïcs et centralisateurs. Un contexte de troubles voire de guerres civiles est alors né dans la majeure partie des pays concernés (Syrie, Libye, Tunisie, Yémen, Bahreïn, Egypte). Toutefois, la crise syrienne est devenue du fait de sa situation géographique, un point de tension incomparable dans le monde. Au fur et à mesure de l’élargissement du conflit, le cercle des Etats étrangers à cette guerre s’est restreint et l’enchevêtrement de causes et d’effets complexes (géographiques, militaires, économiques, énergétiques, religieux) a rendu la crise mondiale.
La Syrie fixe en un abcès les intérêts de la plupart des acteurs régionaux mais aussi des puissances mondiales au premier rang duquel l’état profond occidental, confronté à la volonté de la Russie de ne pas céder ce pivot du monde à ses adversaires géopolitiques. Ainsi, les conditions d’une confrontation militaire entre les Etats-Unis et la Russie devient de plus en plus vraisemblable et pourrait déboucher sur un conflit international aux conséquences cataclysmiques.
L’intensification ces dernières semaines des tensions avec les déclarations sidérantes des acteurs politiques et militaires occidentaux ne lasse pas d’inquiéter, en effet, le contexte politique intérieur américain n’étant pas favorable à l’apaisement. Si Barack Obama et John Kerry (l’État officiel américain) semblent moins pressés de jouer les va-t-en-guerre à quelques mois de la fin de leur mandat, le complexe médiatico-militaro-financier (l’État profond occidental) accentue la pression pour préparer un climat de tension favorable à la guerre. Un contexte qui pourrait bien favoriser des décisions rapides, une fois l'incertitude de la présidentielle levée et Hillary Clinton élue et en fonction au plus tard le 21 janvier 2017.
Toutefois, ces positions ne recueillent pas, et de loin, l’adhésion des populations et il faudra des opérations médiatiques plus efficaces que le conditionnement de fond de ces dernières années pour faire admettre aux opinions publiques occidentales une escalade guerrière, dont on perçoit qu’elle pourrait nous mener aux portes d’une nouvelle guerre mondiale.
Les Etats et intérêts qui utilisent depuis des années les Médias de Masse (MSM) pour préparer ou retourner les opinions publiques (armes chimiques, couveuses koweitiennes, etc.) en faveur de politiques indéfendables (tant sur le plan stratégique qu’humanitaire, économique ou migratoire) seront donc probablement tentés d’user de méthodes de PsyOps (Opérations Psychologiques) pour faire basculer les mentalités et l’adhésion, même artificielle et même temporaire, à une confrontation militaire directe contre la Russie dans la région. Il en faudra beaucoup pour emporter cet accord des populations, qui perçoivent de plus en plus mal les objectifs d’intérêts collectifs dans les politiques menées par les dirigeants.
La guerre n’est pas certaine mais la convergence des intérêts électoraux et stratégiques de l’Etat profond occidental rend malheureusement probable un dérapage rapide. On imagine par exemple que des organisations comme celles des casques blancs (White Helmets), appuyés par des staffs de communicants (dans le genre de Bell Pottinger, voir Centurie News N°5) pour la superproduction d’un « massacre » de populations civiles sous faux drapeaux pourrait déclencher une campagne d’hystérie collective qui favoriserait une entrée en guerre et une radicalisation anti-russe de l’opinion publique américaine et européenne.
Evidemment, une affaire rapide, touchant encore plus directement des ressortissants américains ou européens serait « idéale »… Un coup de billard à deux bandes qui permettrait de noyer les révélations contre Hillary Clinton (Comme celles de Wikileaks, désormais qualifiées systématiquement de propagande russe par les MSM) et d’affaiblir encore d'avantage Donald Trump (présenté comme le candidat de Poutine : voir le site PutinTrump.org financé par Soros, Centurie News n°3). Mais il est plus probable que les faucons attendront, s'ils peuvent réussir à bloquer, d'ici-là, les avancées diplomatiques et militaires de la Russie et de l'armée gouvernementale syrienne. Entre-temps, il faudra chauffer à blanc les opinions publiques et pour ce faire, le pire est possible.
Ces campagnes de sidération guerrières peuvent encore parfaitement fonctionner, même si elles épuisent progressivement leurs capacités à emporter l’adhésion. En effet, avec le climat lourd de menaces de ces prochaines semaines, une nouvelle campagne d’hystérie collective augmenterait à coup sûr la résilience des populations occidentales au contrôle médiatique dans la mesure où jamais plus qu’aujourd’hui, cette politique de déstabilisation n’est parue moins rationnelle et plus dangereuse. Si ce n’est pas un argument susceptible d’influencer les desseins court-termistes des fauteurs de guerre, un nouveau matraquage guerrier pourrait, un temps plus loin, avoir des effets sur la stabilité sociale des sociétés occidentales.
En effet, le rapprochement dans le temps des campagnes de désinformation en soutien à des politiques internationales qui fabriquent des guerres, des migrations et de l’extrémisme accélère, tel un vaccin, l’immunisation médiatique des populations. La montée d’audience de médias alternatifs, l’augmentation rapide de la viralité des contre-informateurs et la lassitude critique de l’opinion publique à l’égard des MSM n’en sont que d’autres stigmates. De plus, dans la mesure où le dispositif médiatique est le principal outil de contrôle social des sociétés occidentales et que celles-ci sont en proie à des tensions internes de plus en plus importantes, l’épuisement de l’efficacité des MSM dans le travail de contrôle des tensions à l’intérieur des populations, fait courir un risque systémique lourd. La dégradation brutale de la crédibilité des MSM dans l’opinion publique aux Etats-Unis ces derniers mois en fournissent un exemple intéressant (voir Centurie News 3 et 4). En perdant en crédibilité, le système médiatique dit mainstream, perd en capacité d’influence sur la stabilité sociale. Cette perte d’influence pourrait devenir critique à l’occasion d’un conflit social de faible intensité mais qui pourrait s'envenimer. Un scénario de plus en plus envisageable dans des pays occidentaux déstabilisés par le multiculturalisme et la crise économique.
Pour en revenir à la Syrie et aux connexions avec la campagne présidentielle américaine, les révélations désormais presque quotidiennes sur les implications de l’Arabie Saoudite non seulement dans les attentats du 11 septembre mais dans le financement d’ISIS (DAECH) en font (avec le Qatar) le maillon faible de la chaine d’influence des Etats-Unis dans la région. La surexposition du Qatar mais plus encore de l’Arabie Saoudite pourrait bien contraindre ces pays à un désengagement ou à des concessions dans d’autres domaines (la gestion des cours du pétrole par exemple) ou finir par les déstabiliser dans les mois à venir.
Les intérêts complexes des acteurs du monde dans cette région, rendent apparemment insolubles, une solution mono-diplomatique . Il est donc à prévoir que les acteurs qui disposeront de la supériorité militaire sur le terrain et du pragmatisme nécessaire pour nouer des alliances permettant à d’autres parties de se rallier à leurs objectifs, finiront par l’emporter. C’est visiblement la Russie qui semble engagée sur ce terrain. Seul une politique irrationnelle au potentiel destructeur considérable est susceptible de modifier cette anticipation. Pour comprendre si nous courrons ce risque, il faudra, par-delà le contexte évoqué dans cet article, comprendre ce qui pourrait, apparemment contre toute logique, pousser l’État profond occidental à fabriquer de toute pièce une nouvelle guerre mondiale. Qui fera taire les sirènes du chaos ?
Centurie news ( Centurie News n°6, 13 octobre 2016 )
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Russophobie 2.0
Les éditions Le Retour aux sources viennent de publier un essai de Giulietto Chiesa intitulé Russophobie 2.0. Italien, Giulietto Chiesa est ancien correspondant de La Stampa à Moscou et ancien parlementaire européen.
" La crise globale dans laquelle est plongée l'Occident est à la fois économique, financière, écologique, morale et politique. Le leadership des Etats-Unis est de plus en plus contesté et l'Union européenne est dans la tourmente. À ce stade, tout est bon pour éviter de dire la vérité : Oui, le système occidental est moribond et son effondrement est proche. Et quand un pouvoir est fragilisé, il cherche un responsable à désigner à son peuple, un ennemi vers qui détourner une colère qui pourrait, sans cela, s'abattre sur ses dirigeants. Ainsi, la Russie, de par son opposition systématique aux Etats-Unis depuis l'arrivée de Vladimir Poutine à la tête du Kremlin, a été choisie pour tenir le rôle de bouc émissaire : La guerre en Ukraine, les sanctions économiques, la négation du rôle des russes dans la victoire contre le nazisme, la diabolisation quasi-systématique de la part des médias occidentaux ; tout confirme que c est bien cette option qui a été prise. Pourtant, les choses changent. L'intervention de la Russie contre l'expansion de l'Etat islamique et la dénonciation des rôles ambiguës de l'Arabie Saoudite, du Qatar ou de la Turquie ont pris de cours la diplomatie occidentale et l'ont conduite à accentuer la propagande anti-russe. Mais l'opinion mondiale est de moins en moins disposée à céder à cette « russophobie ». De nombreux pays dans le monde commencent à se détourner des américains et des européens pour se tourner vers les russes. Car il apparaît de plus en plus que la Russie pourrait être la seule puissance capable de faire dévier de la catastrophe finale le train fou de la mondialisation. "
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La géographie sacrée d'Alexandre Douguine...
Nous reproduisons ci-dessous une bonne présentation de la pensée géopolitique d'Alexandre Douguine, publiée par Bertrand Garandeau sur le site Philitt.
Théoricien politique et géopoliticien, nourri par les penseurs de la Révolution conservatrice des années 30 ainsi que par les idées des nouvelles droites européennes, Alexandre Douguine, qui est la figure principale du mouvement eurasiste, passe pour exercer son influence jusque dans les cercles du pouvoir russe. Pour découvrir de façon plus approfondie ses idées, on pourra se reporter à L'appel de l'Eurasie (Avatar, 2013), le texte d'une longue conversation entre lui et Alain de Benoist, mais également à deux de ses œuvres traduites en français, La Quatrième théorie politique (Ars Magna, 2012) et Pour une théorie du monde multipolaire (Ars Magna, 2013).
La géographie sacrée de Douguine : la Russie au cœur de la tradition
Régulièrement sous le feu des projecteurs pour sa supposée influence sur le Kremlin, Alexandre Douguine a repris et développé le concept géopolitique d’Eurasie. À travers cette notion, il prône le recours à la géographie sacrée et à la tradition dans la géopolitique contemporaine.
Pour Douguine, la géopolitique n’est pas une science comme les autres. Si l’alchimie et la magie ont disparu au profit de leurs formes modernes et séculières que sont la chimie et la physique, la géographie sacrée des Anciens reste vivante à travers la géopolitique. Rappelant la théorie du Heartland du géopoliticien britannique Mackinder, Douguine fait de l’Eurasie la pièce maîtresse de la géographie sacrée. Avec la Russie en son centre, l’Eurasie incarnerait le dernier bastion de la tradition dans l’hémisphère nord, seul capable de lutter efficacement contre la modernité.
Le penseur russe prétend que la géographie façonne les idéologies, les cultures et les religions. Les civilisations des plaines, des steppes ou des déserts, propices à l’expansion et à la conquête, diffèrent par exemple des civilisations des montagnes et des forêts, lesquelles sont plus enclines à conserver les traditions des peuples. Douguine défend également la pertinence de l’opposition traditionnelle thalassocratie – tellurocratie, utilisée pour qualifier deux types distincts de puissances. Celles qui dominent par la maîtrise de la mer et celles qui dominent par la maîtrise de la terre, étant précisé que ces modes de domination ne seraient pas anodins sur le plan idéologique.
Selon Douguine, la tellurocratie incarnerait la stabilité, la pesanteur, la fixité et le politique, tandis que la thalassocratie promouvrait la mobilité, la fluidité, la dynamique et l’économie. Alors que les empires terrestres, souvent militaires, seraient de forme tellurocratique, les empires coloniaux, plus commerciaux, seraient davantage thalassocratiques. Cependant, le géopoliticien remarque que cette typologie ne se résume pas à une simple opposition eau/terre et à un déterminisme géographique strict. Il existerait ainsi des terres maritimes (les îles) et des eaux terrestres (les fleuves et les mers intérieurs). De même, Douguine remarque que la géopolitique japonaise est de type tellurocratique malgré son caractère insulaire, tandis qu’il voit dans la puissance du continent nord américain une thalassocratie qui repose sur le dynamisme de ses interfaces maritimes et commerciales. En appliquant cette grille de lecture, le penseur russe considère que l’Eurasie, continent terrestre allant de l’Europe à l’Asie et dont le centre de gravité se situe en Russie, pourrait constituer le modèle tellurocratique opposé aux atlantistes États-Unis d’Amérique.
Géographie sacrée et religions
Dépassant le strict cadre de la géographie, ce dualisme se retrouverait au sein des systèmes religieux. Les valeurs de la terre transposées au religieux se manifesteraient par la profondeur, la tradition, la contemplation et le mysticisme. Le principe atlantiste serait au contraire plus superficiel et matérialiste, accordant la primauté au rite, à l’organisation de la vie quotidienne et pouvant aller jusqu’à méconnaître la part de divin dans l’homme. Douguine voit ainsi dans l’orthodoxie l’aspect terrestre du christianisme, tandis que le catholicisme et le protestantisme en constitueraient la face atlantiste. De même, au sein de l’islam, le principe terrestre se retrouverait davantage dans certaines branches du chiisme et dans le soufisme. Au contraire, le salafisme et le wahhabisme seraient davantage atlantistes par l’importance accordée au rite et par leur dogmatisme religieux désireux d’éradiquer les spiritualités traditionnelles des peuples convertis. Face au protestantisme américain et au salafisme saoudien, dont Douguine fait remarquer les alliances géopolitiques depuis 1945, le monde russe réunit au contraire des religions de type tellurique avec l’orthodoxie russe mais aussi l’islam caucasien et d’Asie centrale.
Quant au judaïsme, non seulement il n’échapperait pas à cette opposition interne, mais celle-ci se retrouverait aussi dans les formes séculières de la pensée juive. Douguine analyse les branches mystiques du judaïsme (hassidisme, sabbataïsme, kabbalisme) comme l’expression de l’aspect terrestre de cette religion. Au contraire, le talmudisme en représenterait l’aspect atlantiste notamment par l’accent mis sur la rigueur dogmatique et le rationalisme. Par ailleurs, rappelant l’influence du messianisme juif sur le développement du marxisme et du bolchevisme, Douguine voit dans ces derniers des formes séculières du judaïsme terrestre. Au contraire, le judaïsme atlantiste sécularisé aurait contribué à l’essor du capitalisme et de l’esprit bourgeois. Le géopoliticien russe voit dans cette tension interne au judaïsme l’explication d’un récurrent « antisémitisme juif ». Les propos de Karl Marx, affirmant notamment que l’argent serait le Dieu profane du judaïsme (La question juive), seraient l’incarnation empirique du juif mystique s’attaquant au juif talmudiste, soit une émanation de la tradition contre une forme de la modernité.
Actualisation de l’éternelle lutte entre tellurocratie et thalassocratie, mais aussi fondement sous-jacent de la guerre entre tradition et modernité, l’opposition entre eurasisme et atlantisme ne résume pas la vision de la géographie sacrée selon Alexandre Douguine. Celui-ci s’appuie également sur les dualismes Orient – Occident et Nord – Sud. Pour le chantre de l’eurasisme, l’Orient incarne l’archaïsme, la tradition et la primauté du supra-individuel sur l’individu. L’Occident représente au contraire le progrès matériel, la modernité et l’individualisme. Fidèle aux représentations géographiques de nombreuses traditions (biblique, égyptienne, iranienne ou encore chinoise), cette opposition est également corroborée par les représentations contemporaines fréquentes du « monde occidental » et de l’Orient. Cependant, dans la géographie sacrée, ce sont les valeurs orientales qui sont supérieures aux valeurs occidentales. On peut observer l’exact inverse dans la géopolitique moderne pour laquelle les valeurs occidentales de la démocratie libérale et des individualistes droits de l’homme associées à une stricte économie de marché sont érigées en modèle.
La tradition du Nord
Aux yeux de Douguine, le couple Orient – Occident ne serait cependant qu’une transposition horizontale tardive du couple géographique primordial opposant le Nord au Sud. Terre divine par excellence, le Nord serait la terre de l’esprit et de l’être. S’il refuse l’idée d’un Nord purement objectif qui désignerait uniquement un pôle géographique, le philosophe russe écarte toutefois la définition d’un Nord réduit à une idée. Certes, la tradition primordiale serait issue du nord géographique, mais cette époque serait révolue. L’homme du Nord, presque divin, aurait aujourd’hui disparu en tant que tel mais serait toujours présent de façon diffuse et dans des proportions variables au sein de tous les peuples. Il en est de même de l’homme du Sud, celui-ci incarnant la tendance au matérialisme et à l’idolâtrie. Si l’homme du Sud vénère le cosmos, souvent sous la forme de la Terre – Mère, il ne l’appréhende que par son instinct et se montre incapable d’en saisir la part spirituelle. Ces deux types d’homme ne s’opposeraient plus aujourd’hui frontalement mais à l’intérieur même des peuples et des civilisations. En aucun cas, cette opposition ne peut être comparée à un combat manichéen du bien contre le mal. Le Nord et le Sud sont complémentaires, le premier s’incarnant dans le second. Néanmoins, Douguine estime que le respect de l’ordre divin nécessite la supériorité du principe spirituel du Nord sur le principe matériel du Sud.
Bien que l’opposition entre le Nord et le Sud prime pour lui sur celle entre l’Est et l’Ouest, le stratège russe remarque que le premier couple prend une coloration différente selon les transpositions géographiques qui s’opèrent. Diverses combinaisons peuvent être formées par la spiritualité du Nord, le matérialisme du Sud, le holisme de l’Est et l’individualisme de l’Ouest. Douguine établit ainsi que les valeurs sacrées du Nord sont conservées stérilement par le Sud, mises en valeur par l’Est et fragmentées par l’Ouest. Quant aux valeurs du Sud, selon leur milieu d’immersion elles opacifient l’esprit du Nord, transforment le holisme oriental en négation pure de l’individu, et génèrent un matérialisme individualiste en Occident. C’est sous cette dernière forme que la modernité occidentale apparaît aux yeux du philosophe eurasiste. Fruit de la combinaison la plus négative de la géographie sacrée, la réussite supposée des pays occidentaux pourtant essentiellement situés au nord géographique prône des valeurs opposées à la tradition. Cette inversion des pôles constituerait une caractéristique de l’âge sombre, ou Kali Yuga, dans lequel le monde se trouverait aujourd’hui.
Néanmoins, Alexandre Douguine ne considère pas que le salut doive venir du Sud. Stérile par essence, celui-ci serait uniquement apte à conserver des fragments de tradition nordiste que le mystique russe perçoit dans le monde islamique, dans l’Inde hindouiste, voire dans la Chine malgré sa conversion partielle à la modernité. Le salut viendrait donc de l’alliance entre ce sud conservateur et les îlots de tradition authentique encore présent au nord, et particulièrement au nord-est. Douguine situe donc dans le monde russe le cœur actuel de la tradition et de la lutte contre la modernité. Incluant la Russie mais également ses diverses périphéries, le monde russe réunirait des qualités géographiques (être situé au nord-est au sens de la géographie sacrée), religieuses (orthodoxie, islam eurasiste, judaïsme russe) et les caractéristiques d’une puissance tellurique qui lui permettraient de jouer un rôle déterminant dans la lutte contre la modernité atlantiste, occidentale et opposée à l’esprit du Nord.
Bertrand Garandeau (Philitt, 12 octobre 2016)
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La revue de presse d'un esprit libre... (19)
La revue de presse de Pierre Bérard
Au sommaire :
SUÈDEEn Suède un miracle n'arrive jamais seul, la preuve. Non content d'avoir été élu pays d'accueil privilégié des "réfugiés", l'arrivée massive de ces derniers aurait permis un boom économique. Pensez donc, 4,5 % de croissance du PIB au dernier trimestre de l'année 2015 ! De quoi faire pâlir les "économistes" chinois. À quoi serait due cette "croissance" surprenante dans une Europe en proie à la léthargie et où l'Allemagne avec un taux annuel de 1,6 % fait figure de locomotive ? D'après une abondante cabale d'experts, à l'immigration. Oui, vous ne rêvez pas. Ce qui est vrai en un sens, défavorable aux Suédois, car le gouvernement a beaucoup dépensé pour l'installation de ses hôtes : logements, écoles, allocations, fonctionnaires supplémentaires. Ce qui permet à L'Humanité, quotidien du Parti Communiste Français, ou des rogatons qu'il en reste, de justifier cette politique généreuse d'accueil des migrants et de vanter les exigences de la CGT en la matière. Le mythe de l'avenir radieux n'a pas pris une ride. Après le génial Staline, c'est l'immigration salvatrice qui nous promet des lendemains qui chantent. Singulière position d'un parti autrefois défenseur des salariés et qui, aujourd'hui, adhère sans recul à la plus pure doctrine libérale, au point de rabâcher ses âneries. En effet, la principale insuffisance du PIB est de ne pas faire la différence entre une nuisance et un richesse. Ainsi les catastrophes naturelles ou l'augmentation du nombre des accidents de voitures font grimper automatiquement ce taux. Si l'on suivait le raisonnement de L'Humanité, suivant en cela de nombreux experts rémunérés par le Capital, une Suède peuplée de millions de "réfugiés" supplémentaires connaitrait un taux de croissance de son PIB mirifique. Mais l'on constate que le gouvernement du pays "le plus généreux d'Europe" n'a pas cru devoir poursuivre l'expérience puisque, la mort dans l'âme, il a annoncé cette année la fin de l'immigration et un contrôle drastique de ses frontières. Et du même coup sans doute la fin de la croissance miraculeuse reconnaissant par là les imperfections du mirobolant indicateur censé la mesurer. Gageons que le prolétariat local ne doit pas être marri de cette décision :SYRIE / RUSSIELe point de vue de Caroline Galactéros. Tout d'abord avec un article du 11 septembre 2016 sur les alliances nouées sur le terrain proche-oriental et surtout celle qui lie désormais la Russie et la Turquie, pure alliance de circonstance selon elle (première référence). Dans une seconde chronique, percutante mais aussi accablante pour notre calamiteuse politique vis-à-vis de la Syrie et de l'action qu'y mène la Russie, elle montre comment la France s'est trompée en s'engouffrant dans un alignement crédule et irénique sur la stratégie du chaos voulue par la puissance américaine au dépens de la sécurité de nos concitoyens. Elle ne mâche pas ses mots pour qualifier notre diplomatie du contresens qui, planquée derrière les jérémiades vertueuses de Fabius et d'Ayrault, s'avère incompétente et finalement humiliante pour notre pays, humiliante car elle risque de jeter le destin de la France aux mains d'imprévisibles politiciens étatsuniens. :Bruno Guigue quant à lui insiste sur le pathétique d'un président (Hollande), sponsor des terroristes sunnites au Proche-orient, menaçant de ses rodomontades celui qui les combat (Poutine). Déférer le président russe devant la Cour pénale internationale pour crime de guerre, rien que ça ! Monsieur "petites blagues" a, c'est évident, réussi la meilleure de l'année dans le registre de l'esbroufe et ceci au mépris d'une diplomatie qui fut, jusqu'en 2003, dotée d'un certain panache et qui sombre dorénavant dans le ridicule en mettant son crétinisme au service des États-Unis. Quand le propos politique se réfugie dans l'incantation moralisatrice, il ne fait qu'exprimer sa triste impuissance et comme l'aurait dit un ancien ministre des affaires étrangères "le décrochage de la France est maintenant indéniable". :Hadrien Desuin, expert en géo-stratégie, délivre un message semblable à propos des hésitations et du couac final de la "diplomatie" hollandaise vis à vis de la Russie. Au fond, écrit-il, "Cet homme n'aime pas ce pour quoi il a été élu : décider et choisir. Il laisse la décision à Vladimir Poutine. Et Vladimir Poutine de lui répondre moqueur : je viendrai quand François Hollande sera prêt". Nouvelle rebuffade pour Hollande, mais c'est pourtant peu dire que d'avouer que la France doit parler à la Russie pour exister sur la scène internationale, mais que Moscou n'a pas besoin de Paris pour compter dans le monde :Un son de cloche bien différent que celui que l'on nous serine à longueur de journée à propos d'Alep-est et de ses fameux "casques blancs", secouristes humanistes qui sauvent des vies au mépris de la leur. Une imposture de plus au service du bloc occidental :Sur la généalogie de ces pseudo "casques blancs" on se reportera à la fiche publiée par le site suisse Arrêt sur info :Dans un entretien donné à Figaro vox le 29 septembre concernant le sort d'Alep, le géographe Fabrice Balanche se refuse à emboîter le pas au story telling occidental. En effet il met en cause les médias où l'émotion l'emporte sur la réflexion et qui sur-réagissent aux bombardements russes, justifiant ainsi notre "irealpolitik". Il rappelle que les "rebelles modérés" qui envoûtent tant nos politiques sont une fiction, que les civils d'Alep-est sont maintenus prisonnier dans leur ville afin de servir aux troupes d'al-Qaîda de boucliers humains et que l'émoi provoqué dans l'opinion publique par cette situation est instrumentalisé par les bailleurs arabes de la rébellion syrienne, notamment l'Arabie saoudite et le Qatar salafistes auxquels nos chancelleries complices ne peuvent rien refuser :Jean-Luc Mélenchon invité dans l'émission L'Épreuve de vérité de Public Sénat nous offre le réjouissant spectacle de journalistes criblés de rafales assassines. S'y révèle, une fois de plus, une doxa médiatique qui, bien qu'hégémonique, ne tient plus la route. Avec ses saillies oratoires et son art offensif de la dialectique, Mélenchon pratique une stratégie de rupture avec le discours mainstream. Son exécution du résident de la République est à cet égard exemplaire et les quelques minutes qu'il consacre au tout début de son intervention à l'affaire syrienne et à l'éviction dérisoire de la Russie de Poutine par notre diplomatie un morceau de premier choix :ISRAËLDémystification. Quelques vérités à propos de Shimon Peres, honoré par l'Occident unanime et condamné par les Arabes pour d'évidentes raisons. On notera que les édiles européens célèbrent un homme et à travers lui un pays qui pratique une toute autre conception du "vivre ensemble" que celle à laquelle ils ont contraint leurs populations. La loi du double standard ne jouerait-elle qu'en faveur d'Israël ? :HONGRIEUn article cueilli sur un site catholique nous apprend que Lazlo Foldi, ancien directeur des opérations des services de renseignement hongrois, a déclaré sur Radio Kossuth que la crise des migrants qui assaillent l'Europe serait un opération mené par les autorités de Bruxelles avec le concours des médias mainstream et des ONG contre les États-nation du continent afin d'instaurer une Europe multiculturelle. Au delà d'une évidente défense de la politique migratoire des autorités hongroise, cette déclaration donne à réfléchir :ÉTATS-UNISPascal Gauchon, rédacteur en chef de l'excellente revue de géopolitique Conflits présente son dernier hors-série devant la caméra de Boulevard Voltaire. Il est consacré aux visages de la puissance américaine. Sa conclusion : "Hillary Clinton, c'est George W. Bush avec une jupe". Notons par ailleurs que l'actuel numéro (en kiosque) porte dur le thème "La Russie et nous" :