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populisme - Page 18

  • Un populisme vertueux...

    Les éditions Michalon viennent de publier, dans leur collection de poche Le Bien commun, un essai de Renaud Beauchard intitulé Christopher Lasch - Un populisme vertueux. Renaud Beauchard est professeur associé à l'American University Washington College of Law à Washington.

     

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    " Peu de sujets de l'actualité contemporaine ne sauraient trouver dans l'œuvre de Christopher Lasch des explications de fond. Son analyse est d'une puissance critique inégalée parce qu'il évite l'écueil de ceux qui critiquent le capitalisme contemporain tout en présentant ses dégâts comme le prix du progrès matériel et moral. Chronique de la rencontre programmée entre la fuite en progrès, c'est-à-dire la destruction méthodique au nom du principe de plaisir de tous les piliers de l'ordre bourgeois et la rationalisation de tous les aspects de la vie par la dynamique du capitalisme, la critique du progrès de Lasch est fondée sur l'étude de la personnalité dominante produite par le capitalisme avancé : Narcisse ou le moi minimal.
    Au travers des grands thèmes qui traversent la pensée de Lasch – l'ascendance du moi narcissique, le mirage d'une « science pure de la société », la construction d'un État thérapeutique, la substitution de la méritocratie à l'idéal d'une société sans classe en tant qu'incarnation du rêve américain – l'ouvrage présente un panorama des diagnostics toujours justes de Lasch sur son temps et sur la catastrophe anthropologique du capitalisme de consommation. Il expose aussi la philosophie de l'espérance que Lasch a articulée au travers de l'exploration d'une tradition civique américaine dont la redécouverte offre des pistes au monde entier afin de faire en sorte que la volonté de construire une société meilleure demeure vivace sur les décombres encore fumants de la social-démocratie. "

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  • A propos de l'illibéralisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur EuroLibertés et consacré à la question de l'illibéralisme. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).

     

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    L’illibéralisme

    L’« illibéralisme » ou la notion de démocratie illibérale est une construction développée dans les années 1990 par le syndicaliste, sociologue et homme « de gauche » financé par le grand capital, Pierre Rosanvallon. Il plongerait ses racines dans le vieux courant de la droite bonapartiste, sans aucune aménité comme on peut le comprendre.

    Il s’agirait d’un mouvement assez large, de fronde anti-système assez confus, plutôt autoritaire, à tendance nationaliste, partisan d’un État fortement centralisé et critique de « l’État-de-droit », formule incertaine censée garantir toutes les libertés individuelles… ou en réalité individualistes, ce qui est très différent dans nos nouvelles sociétés post-modernes.

    La théorisation négative de l’illibéralisme renaît dans les années 2010 lors de l’arrivée de pouvoirs eurosceptiques en Hongrie et en Pologne. En 2014, Viktor Orban s’approprie l’expression pour définir le pouvoir qu’il incarne. L’illibéralisme devient peu à peu la marque des nouveaux régimes ou mouvements montants en Europe, opposés à l’Union européenne actuelle, anti-immigrationnistes, et défenseurs de leurs identités nationales.

    Consciente des dangers de séduction potentielle d’une telle définition des nouvelles « démocraties illibérales », la Grande Presse Officielle va tenter d’imposer le terme de « Populistes », beaucoup plus négatif pour décrédibiliser ces gouvernements ou partis en ascension. D’autres adversaires, universitaires ou intellectuels référents, dénoncent le rejet de l’« État de droit » des illibéraux et les rapprochent des thèses de Poutine sur la « verticale du pouvoir » ou de Carl Schmitt sur la primauté du politique par rapport à l’État de droit et aux droits fondamentaux. D’autres encore tentent de discréditer la formule en l’appliquant à la politique de Trump aux USA… sans grande pertinence sur le fond.

    Pour susciter des échanges encore discrets entre intellectuels, l’illibéralisme n’en est pas moins une réalité politique qui forge ses valeurs dans une Europe en recomposition. L’« illibéralisme » affiche sans conteste son rejet du libéralisme tel qu’il est compris dans les démocraties post-modernes, un libéralisme devenu libertarisme avec le triomphe de l’individualisme et l’effacement de l’État et des attributs de sa souveraineté. Il affirme la reconnaissance de valeurs identitaires évacuées par un libéralisme mondialisé valorisant toutes les mixités.

    Il s’agit donc principalement d’un illibéralisme politique plus qu’économique, ce qu’on pourrait par ailleurs critiquer ou contester sur ses incertitudes de cohérence et son manque de profondeur de réflexion sur ce point.

    Pourtant à son prétendu rejet de l’« État de droit », fondement inviolable des démocraties libérales et gage de ses valeurs, l’illibéralisme lui préfère l’idée d’« État de Justice ». Le droit n’est qu’un principe lorsque la justice est un fait qui concerne les citoyens dans leur vie quotidienne. Qu’est-ce que le droit si la justice n’est plus rendue ?

    Appliquer par exemple le « principe de précaution » à la justice, c’est-à-dire protéger les personnes et les biens avant qu’il n’y soit porté atteinte est probablement contraire à l’« État de droit » qui préfère intervenir après que les délits et les crimes ont été commis, au nom du respect des droits individuels… des voyous, mais contre les droits à la sécurité des honnêtes gens (mais les « honnêtes gens », autrement appelés « victimes », n’existent pas dans un État de droit). Ainsi un État de Justice ne serait simplement qu’un État (d’un autre) droit, mais effectivement protecteur.

    Mais l’État de Justice, c’est aussi garantir la justice sociale, la justice au travail, la justice du sens commun, celle du « bon et du juste » des Anciens qui assure une réelle équité pour un vivre-ensemble réhabilité.

    L’illibéralisme, un nouvel étendard pour demain pour tous ceux qui rêvent d’une démocratie affermie, juste pour les victimes, protectrice des citoyens, fière de son identité culturelle et de ses legs civilisationnels ? Cette démocratie populaire de la justice remplacerait avec bonheur le « populisme » méprisant de ses adversaires acharnés.

    Richard Dessens (EuroLibertés, 19 septembre 2018)

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  • Les populistes identitaires sont-ils en train de gagner...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission Signe des temps diffusée sur France Culture qui réunissait, pour évoquer la montée du populisme identitaire, Aurélien Bellanger, Dominique Reynié et Alain de Benoist.

     

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    " L'ouverture de la "Nouvelle librairie Nationale" rue de Médicis à Paris invite à se pencher sur la montée des conservatismes et sur le mouvement multiforme et parfois contradictoire que l’on appelle populisme ou identitaire

    La "Nouvelle librairie Nationale" est une libraire historique située rue de Médicis à Paris, juste en face du jardin du Luxembourg. 

    Entre 1900 et 1925, elle a été la propriété du mouvement antisémite et royaliste l’Action Française fondé par Charles Maurras avant d’être reprise ensuite par George Valois, créateur du faisceau, le premier mouvement fasciste français, qui rejoignit par la suite la Résistance.

    Elle a rouvert cet été 2018 sous la direction de François Bousquet, le rédacteur en chef de la revue "Eléments", qui veut en faire un instrument de "guérilla culturelle" ainsi qu’il l’a raconté à l’Express. Cet automne, elle propose donc dans ses rayons entre autres livres ceux de et sur Maurras, ceux de Michel Houllebecq, les œuvres complètes du penseur fasciste italien Julius Evola et ceux de l’écrivain français Jean Raspail, tous deux inspirateurs de l’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, qui sillonne en ce moment même les capitales européennes pour créer un grand front antilibéral.

    Pendant ce temps, ce même automne

    Frédéric Taddeï commence une nouvelle émission sur la chaîne officielle du gouvernement russe "Russia Today", Natacha Polony prend la tête de "Marianne", racheté par l’industriel tchèque Daniel Kretinsky, et à Lyon, Marion-Maréchal Le Pen ouvre l’Institut des sciences sociales économiques et politiques destiné à former les cadres de "la jeunesse conservatrice". Bien sûr, ces figures sont toutes différentes, mais, sur les ruines d’une gauche qui, pour reprendre les termes de Pierre Rosanvallon, n’a plus rien à dire, elles ont pour point commun de se lancer toutes à l’assaut d’un paysage culturel hanté par la correction politique.

    Signe des temps, l’émission qui n’a peut-être jamais si bien porté son nom qu’aujourd’hui, propose donc pour ce troisième numéro de se pencher sur le mouvement politique peut-être le plus important du début de ce nouveau siècle, ce mouvement multiforme et parfois contradictoire, que l’on appelle populisme ou identitaire, qui est aussi difficile à définir qu’à comprendre, mais qui, né en France dans les dernières années du XIXe siècle, s’est étendu aujourd’hui de la Hongrie à l’Italie, des Etats-Unis à la Pologne et à la Russie, de l’Allemagne à l’Autriche, et semble en passe de gagner la bataille sinon politique, du moins culturelle. "

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  • Il était une fois la Suède...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens , cueilli sur EuroLibertés et consacré à la percée électorale du Parti démocrate suédois, opposé à l'immigration. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).

     

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    Il était une fois la Suède

    Élections législatives en Suède dimanche 9 septembre. Depuis plusieurs jours la Grande Presse Officielle française et européenne fait régner un climat d’angoisse : le SD (Parti Démocrate suédois), « d’origine néo-nazi » (car cette fois-ci la grande presse démocratique se lâche sans complexe) peut devenir le premier parti de Suède avec 25 % des voix (ce qui lui ferait doubler ses voix. Du jamais vu !). Il faut bien créer du buzz ! Le « spectre de l’extrême droite » comme l’écrivent certains médias sans vergogne et en toute objectivité, agite les peurs.

    Encore une fois, mais la manœuvre médiatique est maintenant éculée. À chaque élection en Europe, les médias annoncent un « raz de marée populiste » (voire maintenant néo-nazi : on passe à la vitesse supérieure) en surestimant les intentions de votes dans le seul but de pousser un grand ouf de soulagement lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes alarmistes des médias. Et de minimiser alors le score obtenu en se félicitant du « sursaut démocratique » et de la sagesse des peuples européens qui n’ont pas voté à 80 % pour les Populistes/néo-nazis !!!

    Encore une fois, après les angoisses alarmistes et l’agitation du chiffon rouge, ce sont maintenant les commentateurs et politologues toujours objectifs qui se succèdent pour « analyser » le vote suédois… avec la plus grande sidération. La Suède est le berceau de la social-démocratie, un exemple révéré en Europe, le chômage est au plus bas, la croissance à 3 %. Comment peut-on alors voter pour des populistes dans ces conditions, le vote populiste étant réservé aux malheureux semi-analphabètes, chômeurs, aigris et apeurés des pays à problèmes économiques et d’emploi. La réponse de la spécialiste du jour fuse alors : « C’est un vote irrationnel ». Irrationnel car quand on vit dans un pays qui va bien économiquement on ne vote pas pour des populistes ! Il faut être un grand spécialiste diplômé Bac + 8 pour faire de telles analyses. Les mêmes d’ailleurs à chaque élection avec la variante pour les pays en difficulté : « C’est normal de voter populiste quand on est pauvre et peu éduqué. »

    D’autant que pas plus en Suède que dans le reste de l’Europe, il n’existe des problèmes d’insécurité et d’immigration massive. C’est un fantasme dirait M. Macron (souvenons-nous du splendide « il n’y a pas de crise migratoire en Europe »). Alors on brandit les chiffres officiels de l’immigration… en baisse et d’ampleur minime, en laissant de côté les masses d’immigration sauvage qui déferlent à jet continu sur l’Europe. Mais que l’on tait même si les moyens de dénombrer ces migrants existent et sont connus. Alors les « envoyés spéciaux » ironisent à grand renfort d’images soigneusement sélectionnées sur la prétendue « insécurité » invoquée par le SD et expliquant que la délinquance est en baisse en Suède et que les migrants ne posent aucun problème (cf BFM TV). Voilà, le tour est joué et l’information, objective et non tendancieuse. Comme d’habitude.

    Ceci étant on pourrait « objectivement » saluer la performance du SD (Sverigedemokraterna dirigé par Jimmie Akesson) qui malgré la réprobation de l’Europe bien-pensante passe de 12,9 à 17,6 % c’est-à-dire la plus grande progression en Suède avec près de 5 % de voix gagnées en quatre ans et 62 députés au Parlement suédois. Le Parti social-démocrate au pouvoir réalise son score le plus bas depuis un siècle (28,4 %). La presse suédoise constate, atterrée, que : « Le fait est que la Suède compte désormais un parti qui a ses racines dans le nazisme […] Aujourd’hui, environ un cinquième de la population de l’un des pays les plus prospères du monde a choisi de voter pour ce parti. C’est aussi incompréhensible qu’indiscutable ». Le gouvernement a quinze jours pour se former dans des conditions plus incertaines qui pourraient laisser présager peut-être à terme une participation du SD.

    Mais ce qui inquiète le plus notre grande presse officielle, c’est que la Suède, championne et exemple ressassé du bonheur social-démocrate – même si la Suède détient curieusement le record de suicides par habitant – est depuis un siècle une référence pour les démocraties européennes. Tant que les populistes triomphaient dans des pays de l’ex-Europe de l’Est (Pologne, Hongrie, République tchèque) on pouvait expliquer ce vote de détresse. Avec l’Italie, ce n’était plus la même chose et la surprise difficile à admettre. Mais l’Italie frivole et championne des combinaisons improbables s’est contentée de quelques remarques condescendantes.

    Avec la Suède on touche au cœur du réacteur et le risque de contagion à des pays « sérieux » devient de plus en plus vif. D’autant que les manifestations anti-immigration se multiplient en Allemagne même si les médias tentent de minimiser leur portée. L’AfD (populistes allemands) vient de remporter elle aussi un succès spectaculaire en Allemagne.

    Décidément, la France s’en tire bien grâce à Emmanuel Macron, dernier rempart de l’intelligence européenne capable de procéder à la destruction du Parti « populiste » français rien qu’en le mettant en faillite financière. C’est vrai que M. Macron s’y connaît en finance. Quel talent. Tant pis, ou tant mieux, pour les Français.

    Richard Dessens (EuroLibertés, 11 septembre 2018)

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  • Bienvenue dans un monde sans père...

    Le numéro 12 du mensuel L'Incorrect est arrivé en kiosque. On peut y trouver un dossier consacré à la question de la procréation médicalement assistée (PMA), avec, notamment, un texte de Gabriel Robin et un entretien avec le professeur Jacques Testart ainsi que les pages "L'époque", "Monde", dirigées par Hadrien Desuin, "Reportages",  "Les essais" et "Culture"... Dans la rubrique "Politique", on pourra lire un entretien avec Diego Fusaro, un des inspirateurs des populistes italiens du Mouvement 5 étoiles...

    Le sommaire complet est disponible ici.

    pma,gabriel robin,jacques testart,diego fusaro,populisme,conservatisme

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  • Un bloc populaire face aux libéraux mondialistes ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Steve Ohana, cueilli sur le site du Figaro Vox et consacré à l'émergence d'un "bloc populaire", avec pour axe doctrinal "un souverainisme politique, migratoire, commercial, budgétaire et monétaire, transcendant le clivage droite-gauche". L'auteur est professeur de finance à l'ESCP.

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    Et si la gauche devenait audible en se remettant à parler d'immigration ?

    Il y a quelques semaines, Sahra Wagenknecht, la leader du parti de gauche allemand Die Linke, a annoncé le lancement de son mouvement «Aufstehen » («Se lever»). Ce mouvement, se voulant indépendant des partis, a choisi une orientation idéologique nouvelle, dirigée non seulement contre les réformes de flexibilisation du marché du travail, qui ont considérablement précarisé les travailleurs peu qualifiés en Allemagne, mais également contre l'ouverture des frontières migratoires. Il s'agit pour elle de quitter la posture de la «gauche moralisatrice», expliquant aux perdants de la mondialisation comment il convient de penser, pour adopter celle de la «gauche matérialiste», qui se pose comme leur porte-parole et défenseur. Car, comme le dit le dramaturge Bernd Stegemann, qui travaille avec Wagenknecht sur le programme du mouvement, «les personnes vivant dans des conditions précaires et atomisées réagissent nécessairement de façon moins généreuse et tolérante que les catégories aisées à l'égard des immigrés». «D'abord le Grub (la nourriture en langage argotique), ensuite l'éthique», résume Brecht.

    Cette orientation constitue une révolution copernicienne du point de vue de la gauche. En effet, depuis l'avènement du marché unique européen et de la mondialisation libérale dans les années 80, la gauche dite «de gouvernement» a déserté la question de la défense du travail contre le capital (qui rentrait en contradiction avec l'objectif de la «construction européenne» et de «l'insertion dans la globalisation») pour se recentrer sur les questions sociétales: promotion des droits des minorités ethniques et sexuelles, politiques d'accueil migratoire… Or, la mondialisation a creusé les inégalités de revenus et de richesses au sein des sociétés occidentales, en particulier dans les pays qui ont épousé le plus nettement les politiques de flexibilisation du marché du travail et de réduction de la fiscalité sur les hauts revenus (États-Unis, Royaume-Uni, et, au sein de l'Europe continentale, l'Allemagne). C'est donc ainsi que la social-démocratie a progressivement délaissé les classes populaires, au profit d'une élite urbaine attachée à la mondialisation et aux valeurs cosmopolites (élite urbaine constituant une des composantes de ce que Bruno Amable et Stefano Palombarini ont nommé le «bloc bourgeois», ce corps social représenté par les différents partis politiques «de gouvernement» depuis l'avènement de la seconde mondialisation).

    Certains courants de «gauche radicale», dans l'objectif de reconquérir le vote des classes populaires, ont adopté un agenda de modification radicale du statu quo de la mondialisation: fiscalité beaucoup plus progressive, au détriment du capital et des plus hauts revenus, réforme de la gouvernance de l'euro et du mode d'intervention des banques centrales au profit des plus démunis (monétisation de la dette, «Helicopter Money»), régulation du marché du travail (augmentation du salaire minimum, protection des travailleurs et des chômeurs), dirigisme de l'État dans l'économie (politiques sociales, renationalisations de secteurs privatisés, protection de l'emploi et des services publics, politiques ambitieuses d'investissements publics), régulation du commerce international (protection du secteur industriel, dénonciation des accords de libre-échange, barrières douanières à l'encontre des pays pratiquant le dumping fiscal, social ou environnemental).

    Mais cette nouvelle offre politique antimondialisation portée par la gauche radicale s'est avérée jusqu'à présent insuffisante pour recueillir une large adhésion des classes populaires et renverser le statu quo de la mondialisation.

    Le changement de ligne opéré par Sahra Wagenknecht sur la question migratoire trouve son origine dans la crise des migrants de 2015, lors de laquelle la chancelière Angela Merkel a décidé unilatéralement de l'accueil d'un million de réfugiés du Moyen-Orient en Allemagne. Cette politique ne répondait pas qu'à une logique humanitaire, elle était également conforme aux intérêts du patronat allemand, inquiet que la pénurie de main-d'œuvre ne finisse par l'obliger à augmenter fortement les salaires (on estime que le pays a besoin d'un flux de 500 000 migrants par an jusqu'en 2050 pour contrer la baisse structurelle de sa main-d'œuvre). L'ensemble de la gauche allemande a d'abord adhéré, suivant sa ligne internationaliste habituelle, à cette politique d'accueil. Mais elle a alors vu son audience au sein des classes populaires s'affaisser au profit de l'AfD, le nouveau parti national populiste allemand, dont la ligne était clairement hostile à l'immigration.

    En reprenant le thème de la lutte contre l'immigration à son compte, la gauche renoue en réalité avec son positionnement historique quant au problème de la mobilité du travail. «Ce que nous ne voulons pas, disait Jaurès dès 1894, observant les effets de la première mondialisation, c'est que le capital international aille chercher la main-d'œuvre sur les marchés où elle est la plus avilie, humiliée, dépréciée, pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché français, et pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays où ils sont le plus bas. C'est en ce sens, et en ce sens seulement, que nous voulons protéger la main-d'œuvre française contre la main-d'œuvre étrangère, non pas je le répète, par un exclusivisme chauvin mais pour substituer l'internationale du bien-être à l'internationale de la misère». On observe d'ailleurs la contraposée de cette intuition de Jaurès au Royaume-Uni, où les salaires dans certains secteurs utilisant beaucoup de main-d'œuvre étrangère ont fortement augmenté suite aux reflux migratoires vers le continent induits par la perspective du Brexit.

    Dans cette controverse centrale de l'immigration, se mêlent donc la critique de l'idéologie cosmopolite (critique portée traditionnellement par la droite conservatrice) et celle des effets économiques délétères de la mondialisation. Deux thématiques qui rencontrent une forte résonance au sein des classes populaires.

    De leur côté, les mouvements nationaux populistes comme l'AfD s'engagent de plus en plus dans la défense des classes populaires contre les effets de la mondialisation. Ainsi, l'AfD, qui campait à l'origine sur une ligne économique ultralibérale, propose à présent de revaloriser les retraites et de revenir sur les réformes de flexibilisation du marché du travail (réformes Hartz IV en particulier) pour mieux épouser les attentes de son électorat cible. Le parti est même intervenu pour soutenir les ouvriers de Siemens contre le projet de fermeture d'une usine à Görlitz, près de la frontière polonaise. Ce positionnement fait écho à la ligne anti-euro et antimondialisation de la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2017. La Ligue italienne s'est également significativement «gauchisée» sur le plan économique et social, jusqu'à faire une alliance de gouvernement avec le Mouvement Cinq Étoiles en mai dernier, une situation politique inédite qui préfigure la constitution d'un «bloc populaire» potentiellement hégémonique face au «bloc bourgeois» représenté par les formations centristes traditionnelles.

    Cette tendance s'étend par contagion aux partis de gouvernement, qui jusqu'à présent se préoccupaient avant tout de représenter les gagnants de la mondialisation. Le Premier ministre britannique Theresa May, leader du parti conservateur Tory, a ainsi acté la rupture définitive avec le thatchérisme pour renouer avec la tradition «social conservatrice» du «Red Tory». Elle tente ainsi de mieux répondre au besoin de protection exprimé par les classes populaires qui ont majoritairement voté en faveur du «Leave». Face à elle, Jeremy Corbyn a rompu avec la doctrine libérale du «New Labour» de Tony Blair pour adopter une ligne économique beaucoup plus en phase avec les intérêts des classes populaires. Il a également incorporé dans son programme la régulation des flux migratoires, chère aux partisans du Brexit, dans le même esprit que Sahra Wagenknecht. La rhétorique anti-mondialisation et anti-immigration de Donald Trump, tout à fait inédite au sein du parti républicain, constitue également une sorte d'avatar de cette tendance, même si, sur le plan intérieur, le positionnement de Donald Trump (notamment en matière fiscale) est encore franchement défavorable aux classes populaires. Quant à Bernie Sanders, il ne proposait rien de moins qu'une «révolution politique» aux catégories populaires déclassées par la mondialisation lors des primaires du parti démocrate.

    On se souvient de la fameuse phrase de Warren Buffet: «Il y a bien une lutte des classes, mais c'est ma classe, celle des riches, qui la mène et elle est en train de la gagner». Or, les classes populaires, qui ont en effet été reléguées aux marges du système jusqu'à la crise de 2008, sont maintenant en train de se structurer en force d'opposition politique face au statu quo inégalitaire de la mondialisation.

    Les élites bénéficiaires de la mondialisation tentent aujourd'hui de défendre le statu quo en se présentant comme les ultimes défenseurs des valeurs «progressistes» et «libérales» face au retour des «populismes» ou des «nationalismes». Mais, derrière cette terminologie caricaturale, se lit en réalité la tentative désespérée du «bloc bourgeois» de maintenir son hégémonie sociale et culturelle face à la pression de plus en plus menaçante du «bloc populaire». Un souverainisme politique, migratoire, commercial, budgétaire et monétaire, transcendant le clivage droite-gauche, apparaît comme le nouvel axe doctrinal autour duquel les classes populaires sont en train de s'organiser en vue de la reconquête du pouvoir. Face à la puissance de ce discours souverainiste, qui entend restituer aux peuples une démocratie confisquée, les élites libérales vont devoir réviser en profondeur leur logiciel si elles ne veulent pas voir cette seconde mondialisation finir, comme la première, dans les poubelles de l'Histoire.

    Steve Ohana (Figaro Vox, 3 septembre 2018)

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